hommage à jean-louis sanchez - laas

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FÉVRIER 2012 la lettre du Électronique de puissance Hommage à Jean-Louis Sanchez NUMÉRO SPÉCIAL Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes du CNRS © CNRS Photothèque / Emmanuel PERRIN

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Page 1: Hommage à Jean-Louis Sanchez - LAAS

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Électronique de puissance

Hommage àJean-Louis Sanchez

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Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes du CNRS

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SommaireLa Lettre du LAAS / Numéro spécial février 2012 / hommage à Jean-Louis Sanchez

ÉditorialPar Jean Arlat et Anne-Marie GuéDirecteur et directrice adjointe du LAAS-CNRS

Hommage à Jean-Louis SanchezCHERCHEUR ENÉLECTRONIQUE DE PUISSANCEJean-Louis Sanchezou la science conviviale

Biographie

Une carrière scientifiqueau CNRSDES BANCS DE L’INSAÀ LA DIRECTION DU LAASL’éclosion d’une personnalitéscientifique

AU CŒUR DES RÉVOLUTIONSDE L’ÉLECTRONIQUE DE PUISSANCELe parcours d’un acteur passionné

Se comprendre sans avoirbesoin d’expliquer

L’incarnation d’une vision dessciences de l’ingénieur et dessystèmes

« Nous avons écrit de belles pages »

SECTION 8 DU COMITÉ NATIONAL DE LARECHERCHE SCIENTIFIQUEChampagne

Conversation par-dessus la clôture

Les amitiés scientifiquesL’ÉPOPÉE LAAS-LEEIEt les publications communescontinuent

RÉINVENTER, CRÉER, RÊVERPar delà les barrières culturelles

Une certaine vision de la recherche

INTÉGRATION FONCTIONNELLE HÉTÉROGÈNEAh, Jean-Louis et le silicium !

MICROÉLECTRONIQUE DE PUISSANCEOù l’on nous expliquait que latechnologie avait vécu

L’infatigable animateur

Une amitié de chercheur

Les GDR de l’électronique de puissance

LAAS ET CEA-LETIMiser sur la valeur ajoutéede nos complémentarités

La formation des disciplesMA THÈSE SOUS LA DIRECTIONDE JEAN-LOUIS SANCHEZLa rencontre fondatriceNos premiers pas

Le début d’une longue aventuresur la recherche en intégrationfonctionnelle

MARIE BREIL-DUPUY, CHERCHEUSE AU LAAS« Je me destinais à l’enseignement »

La communauté internationaleLa reconnaissance par les pairs

Les sujets scientifiques n’étaient pasnos seuls centres d’intérêt

De la physique des composants depuissance à l’amitié1989-1990 : relais de course à pied entreToulouse et Barcelone

LAAS CNML’électronique de puissancetranspyrénéenne

Les collaborations industriellesLAAS-FREESCALEPorter haut les recherches sur lessystèmes de puissance

30 ans de collaboration LAAS-Freescale

Définir un futur am bitieuxpour notre région

Une démarche toujourspragmatique

VU DE CONTINENTAL :DONNER, OFFRIR, PARTAGERUne tendance naturelle très oblative

DE LA RECHERCHE CONCERTÉEÀ L’ACTIVITÉ INDUSTRIELLELa migration de l’intelligence

LA RELATION AVEC ST MICROELECTRONICSVUE DU LAASDeux cultures, une ambianceconviviale et des idées or iginales

L’empreinte du sportLe rugby comme une par t de soi1995-1996 : Match de rugby à Edimbourg

Jean-Louis : l’esprit rugbyBalades dans les collines du Minervois

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L’éclosion d’unepersonnalitéscientifique

Une amitié dechercheur

31Porter haut lesrecherches surles systèmes depuissance

L e LAAS-CNRS a été lourdement frappéces deux dernières années par ladisparition de trois figures qui l’ontanimé et façonné. Après le décès de

Jean-Claude Laprie survenu en octobre 2010,deux autres directeurs du laboratoire nousont quittés en mai 2011 : Jean-Louis Sanchezet Henri Martinot.

Jean-Louis Sanchez est décédé brutale-ment le 15 mai 2011, alors qu’il venait deprendre la direction du laboratoire en janvierde la même année. Ce numéro de la Lettre duLAAS lui est tout spécialement dédié. Denombreux témoins — disciples, collègues,partenaires et parmi eux beaucoup d’amis— rendent hommage à son action au labo-ratoire et au sein de la communauté scienti-fique. Leurs propos révèlent également sesgrandes qualités humaines, faites de géné-rosité, de bienveillance et d’engagement. Leslignes de force qui se dessinent tout au longdes pages de cette Lettre, faite de déclara-tions souvent très personnelles, mettent enlumière les différentes facettes et traits decaractère du personnage exemplaire quenous avons eu la chance et le plaisir decôtoyer et d’accompagner, au cours de cesdernières années.

Chercheur hors pair, acteur opiniâtre etpartenaire incontournable dans le domainede l’intégration de puissance, il a acquis unereconnaissance majeure dans le monde aca-démique et a construit un engagementdurable auprès du milieu industriel, dans lesouci d’assurer une réelle concrétisation auxrésultats de recherche. Formateur, inspira-teur et encadrant scrupuleux, il a su détecterles talents, les aborder avec générosité etpersuasion, et les accompagner avec convic-tion et sollicitude dans leurs parcours de jeu-nes chercheurs. Rassembleur, attaché audéveloppement d’une recherche de qualité,fruit d’une démarche collective, il a su entre-prendre avec ardeur et mobiliser les compé-tences autour de lui, afin de faire partager savision et son élan.

Ces différents aspects permettent demieux appréhender le rôle de guide et defédérateur qu’il avait réussi à développerdepuis sa prise de fonction à la direction duLAAS et ce, dans une démarche conviviale.L’impulsion qu’il avait amenée dans le projetde direction s’était déjà traduite par desrésultats marquants et la réalisation de pre-mières transformations. Côté résultats, onpeut citer le renouvellement de la labélisa-tion Carnot du laboratoire. L’Institut CarnotLAAS CNRS a en effet été reconduit pour unenouvelle période de cinq ans. Côté transfor-

mations, on peut mentionner l’adhésion dulaboratoire à la désignation de chargés demission pour assurer la coordination desdeux axes stratégiques transverses, Adream(Architectures dynamiques reconfigurablespour systèmes embarqués autonomesmobiles) et Alive (Analyse des interactionsavec le vivant et l’environnement), pour lesrelations avec les principaux établissementsd’enseignement supérieur en conventionavec le laboratoire et pour l’animation de lacommission « enseignement-recherche »

La réflexion initiée par Jean-Louis, enconcertation avec d’autres laboratoires dusite, avait aussi permis de préciser le rôle duLAAS en tant que force de proposition, enparticulier au niveau des projets de LabEx.Cela s’est concrétisé par le fait que fort deses deux axes transverses, le laboratoire s’estmobilisé pour assurer le montage et la coor-dination de deux projets de LabEx :• ORCHESTRA (Open Resilient Cyber-physical

Human-aware systems: from EmbeddedSensors & actuators To adaptive autono-mous Robots and Ambient services), sur ladéfinition et la conception des services liésaux environnements cyber-physiques et àl’émergence de l’intelligence ambiante etleur acceptation, sur les plans usage,éthique et légal.

• BIOTED (BIO-integraTED technologies),combinant des approches descendantes etascendantes afin de développer des nano-technologies innovantes pour et par la bio-logie.

Dans la dynamique de ces avancées et enphase avec les orientations prises, une nou-velle équipe de direction a été désignée parle laboratoire au début de l’été 2011 afin d’ê-tre rapidement en mesure de poursuivre latâche. Le laboratoire a alors fait preuve de larésilience et de la solidarité nécessaires pourmaintenir le cap et aborder les défis quin’ont pas manqué de se profiler… C’est biendans la volonté de poursuivre la missionengagée et de tenir la barre que s’inscriventnos convictions et, nous le souhaitons, l’ave-nir du LAAS.

Gageons que les orientations prises, lesnouveaux périmètres qui s’esquissent et lesenseignements tirés des épreuves passées,nous permettent de transformer ensemblel’essai que constitue le projet que Jean-Louisnous a légué pour le laboratoire. Nul doutequ’il continue de nous accompagner bien-veillamment, « au-dessus de la mêlée »maintenant, et que son exemple et son sou-venir nous soufflent la voie à suivre.

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Électronique de puissance

Hommage àJean-Louis Sanchez

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Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes du CNRS

Image de couverture :Mesures sous pointes decomposants intégrés sursilicium pour laconversion d’energie.

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BiographieJean-Louis Sanchez a accompli toute sa car-rière scientifique au LAAS, dans le domainede l’électronique de puissance. Ingénieur del’INSA de Toulouse, c’est au LAAS que Jean-Louis Sanchez prépare une thèse, soutenueen 1984, sur l’optimisation de la résistance àl’état passant des transistors DMOS de puis-sance. Il choisit d’emblée la voie de la recher-che académique et est recruté au CNRS en1985 comme chargé de recherche après uneannée universitaire en tant qu’enseignant àl’IUT. Il développe au LAAS des activités derecherche sur l’intégration fonctionnelle enélectronique de puissance pour de nouveauxdispositifs de commande et de protection.Pendant 10 ans, de 1992 à 2001, il sera respon-sable de l’équipe Intégration de puissance ausein du groupe Composants et intégration depuissance du LAAS, groupe dont il prendra lacharge après le décès accidentel de sonresponsable Georges Charitat. Il oriente pro-gressivement ses activités sur l’intégration3D hétérogène pour des fonctions et systè-mes de gestion de l’énergie. En 1995, il sou-tient son habilitation à diriger des recher-ches, HDR, sur l’intégration fonctionnelle decomposants de puissance et est promu direc-teur de recherche au CNRS en 1998. Habitépar la notion de collectif, il s’impliquera tou-jours dans la vie et l’organisation de la recher-che. Il était membre élu de la section 8 ducomité national de la recherche scientifique« Micro et nanotechnologies, électronique,photonique, électromagnétisme, énergie élec-trique ». Il a été directeur adjoint du LAAS de

2007 à 2010, puis nommé directeur en janvier2011. Participant ardent aux groupements derecherche du CNRS, GDR, dédiés à l’intégra-tion de puissance et qui rassemblaient toutela communauté nationale, il dirigera en jan-vier 2000 et pour quatre ans le GDRIntégration des systèmes de puissance. Outrela réalisation d’une quinzaine de projets, ceGDR a été le creuset de réflexions et des pre-miers travaux en intégration hybride qui sesont ensuite fortement développés et sontau cœur d’un des pôles du GDR SEEDS,Systèmes d’énergie électrique dans leursdimensions sociétales. Durant la mêmepériode et en tant que responsable de groupeau LAAS, il accueille des activités de conver-sion d’énergie pour le photovoltaïque. Dansla lignée et l’esprit du LAAS depuis l’origine,Jean-Louis Sanchez avait à cœur de contri-buer à l’édification de connaissances fonda-mentales, tout en se préoccupant desbesoins et demandes du secteur aval. Il est àl’origine ou bien acteur fervent de relationsindustrielles durables et fécondes, qui ontpris parfois la forme de laboratoires com-muns comme avec Freescale, Alstom ouencore ST Microelectronics. En janvier 2011, ilavait accepté de diriger le LAAS dans unepériode marquée par une réorganisationstructurelle sans précédent de la recherche,qui commande aux laboratoires, par la sou-mission de dossiers d’intentions collectivestrès complexes, de prendre place dans unpaysage « d’excellence » où il n’aura pas eu letemps de voir son laboratoire.

Hommage à Jean-Louis Sanchez

CHERCHEUR EN ÉLECTRONIQUE DE PUISSANCE

Hommage à Jean-Louis Sanchez

13 mars 1958 • Naissance à Narbonne,Aude1982 • Ingénieur INSAGénie physique, optionmicroélectronique1982 • DEA électronique1984 • Thèse de docteuringénieur1985 • Concours de chargéde recherche au CNRS1995 • Habilitation àdiriger des recherches1998 • Promotiondirecteur de recherche auCNRS2007-2010 • Directeuradjoint du LAAS-CNRS2011 • Directeur du LAAS-CNRS15 mai 2011 • Mort à l’âgede 53 ans

Repères

Une vision de larecherche, généreuse etcollective, rigoureusemais ouverte ;bienveillante etencourageante,notamment vis-à-vis desplus jeunes chercheurs.

Labex–, soumis aux dates fatidiques, rappro-chées et multiples, de limites de dépôt, sansavoir eu le temps de mettre en place le pro-jet qu’il avait nourri pour le LAAS, il est partice 15 mai, brutalement, sans maladie ni signeannonciateur, vite, comme tout ce qu’ildevait faire. Le temps de la recherche s’estaccéléré. Son temps s’était accéléré aussi caril s’était investi sans réserve, comme celaétait sa nature, pour la défense et la protec-tion de son laboratoire et de sa richesse, etpour que celle-là trouve dans le nouveaupaysage les moyens de s’épanouir.

Il avait construit une vision de la recher-che, généreuse et collective, rigoureuse maisouverte ; bienveillante et encourageante,notamment vis-à-vis des plus jeunes cher-cheurs ; stimulante dans l’amicale concur-rence avec d’autres laboratoires acadé-miques ; militante devant les décideurs insti-tutionnels ; enthousiaste et inventive dansses relations durables avec le monde indus-triel. C’est ce qui apparaît dans ce numérospécial exclusivement composé de témoi-gnages. L’objectif était que la somme despoints de vue dessine une histoire scienti-fique et montre la place qu’y a eue Jean-Louis Sanchez. L’histoire se dessine en effetau fil des récits mais il apparaît qu’elle estintimement liée à la relation humaine queJean-Louis Sanchez instaurait avec chacunde ses interlocuteurs au point que presquetous devinrent des amis. Au point aussi quele thème de l’amitié et, dans une à peinemoindre mesure, le rugby dont les valeursétaient pour lui une philosophie de vie, nefont pas ici l’objet d’une rubrique à partcomme initialement prévu, tant ils sont pré-sents à l’intérieur de chaque article où l’af-fect semble indissociable de la relationscientifique. La notion de « route » est fré-quente dans le vocabulaire de l’évocation dela pratique scientifique. Persuadé de la vertudu collectif, Jean-Louis Sanchez, même s’il a« tracé sa route », semble avoir déployé uneardeur toute particulière à « ouvrir la voie ».

Jean-Louis Sanchezou la science conviviale

Le “noyau dur” del’intégration fonctionnelledu LAAS, lors d’unséminaire de groupe enjuillet 2002

D irecteur de recherche au CNRS,Jean-Louis Sanchez a fait sa car-rière, inachevée, au LAAS où, ingé-nieur de l’INSA, il avait préparé et

soutenu sa thèse de doctorat avant de réus-sir le concours d’entrée au CNRS. Il n’a dirigéle LAAS que quatre courts mois et demi, du 1er

janvier au 15 mai 2011. En pleine efferves-cence des projets et candidatures aux nou-velles structures d’excellence –Idex, Equipex,

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Le « thyristor àgâchette isolée »était jusque làl’Arlésienne.

Une carrière scientifique au CNRS

DES BANCS DE L’INSA À LA DIRECTION DU LAAS

Une carrière scientifique au CNRS

C’était un méditerranéen aux cheveux blonds et aux yeux clairs, un terrien fidèle à sesattaches avec un appétit de connaissance. C’était un homme paisible, calme etrassurant qui devenait bulldozer au travail ou sur les stades. Il était souple quand il lefallait, acceptait les contraintes de groupe mais savait à son tour animer et diriger. Il nerechignait pas au maniement de concepts abstraits mais voulait voir et toucher leursconséquences concrètes. Il était fort et équilibré, chaleureux, aimant la vie

A u début des années 80, Jean-LouisSanchez était élève-ingénieur audépartement de génie physique del’INSA de Toulouse. En dernière

année d’études était alors proposée uneoption « micro-électronique » en alternatived’une option « matériaux » pure et dure.Jean-Louis a choisi la première : son cheminprofessionnel était dès lors tracé ! Sondiplôme en poche, il a voulu goûter, au LAAS,aux joies et aux angoisses de la recherche.C’est Pierre Rossel, tôt parti lui aussi, qui acommencé son initiation, initiation réussie :Jean-Louis a mené très vite à bien son travailde thèse de docteur-ingénieur sur un sujeten pointe à l’époque, l’évaluation des perfor-mances à l’état passant de ces transistorsDMOS qui venaient de faire leur apparitiondans la panoplie des composants de puis-sance.

Premier galon de chercheurJe me rappelle très bien sa soutenance, en1984 : c’était un impétrant solide et persuasifdevant le jury, seul un léger dandinementtrahissant son émotion. C’est probablementlors de cette soutenance qu’il a gagné sonpremier galon de chercheur, et c’est aussi àce moment que j’ai pensé à lui pour prendreen charge un sujet que j’avais en tête depuisquelques années, celui de l’intégration depuissance, plus particulièrement de l’inté-

gration « fonctionnelle », c’est-à-dire laréunion, dans un même cristal, d’une fonc-tion interrupteur, fondamentale en électro-nique de puissance, et de toutes les fonc-tions annexes de commande et de protec-tion, en visant des applications de gestiondirecte de l’énergie électrique. Le sujet n’étaitpas simple au plan des concepts mais c’étaitsurtout un véritable défi technologique. Unsujet un peu original, un poste CNRS créépour les besoins de la cause, un bon candi-dat, et vogue la galère… Car ce fût unegalère qui aurait coulé cent fois si Jean-Louis,avec courage, intelligence et obstination, n’a-vait, par ses initiatives, maintenu le bâtimentà flot. Nous nous sommes bien vite aperçusque si tout allait bien sur le papier, il en étaitautrement pour les réalisations. Les difficul-tés étaient telles et les échecs si répétitifsque Jean-Louis et moi nous raccrochions nosespoirs à des aphorismes comme « cent foissur le métier remettez votre ouvrage » ou,pire, fantasmions sur l’histoire des Shadocks.Eh bien ! L’Artiste, car c’en était un en matièrede technologie des semi-conducteurs, finitpar nous mener à bon port, au début desannées 1990, avec, dans la cargaison, nonseulement le « thyristor à gâchette isolée »,qui était jusque là l’Arlésienne, mais touteune méthodologie de conception et de réali-sation de composants de puissance origi-naux.

L’éclosion d’unepersonnalitéscientifique

Difficultés formatricesCes difficultés ont trempé lecaractère de Jean-Louis et,peut-être lui ont-elles permis,parce qu’il les a surmontées,d’affronter celles, plus duresselon mon point de vue, deconvaincre, de diriger et de res-ter calme…

La capacité de Jean-Louis àencadrer mais surtout àconduire et à soutenir de jeu-nes chercheurs m’est apparuetrès tôt : sa participation activeet bénéfique à l’encadrementdes travaux des doctorants demon équipe, notamment ceuxde Véronique Liberos, qui a sou-tenu sa thèse en 1989, m’aamené, alors qu’il venait d’accé-der au grade de chargé derecherche au CNRS, en 1990, àlui confier l’entière responsabi-lité de diriger les nouveaux thé-sards sur le sujet de l’intégra-tion de puissance. Je garde lesouvenir attendri de la sollici-tude – il n’y a pas d’autre mot –dont il a entouré RadouaneBerriane, « son » premier troi-sième cycle. Cette sollicitude nes’est ensuite jamais démentie.Et puis, les choses se sont accé-lérées. Comme le bon vin, Jean-Louis a gagné, avec la maturité,en profondeur et en personna-lité. Habilité à diriger desrecherches en 1995, directeurde recherche CNRS en 1998,Jean-Louis a continué à déve-

lopper ce thème de l’intégra-tion de puissance dont nousavions un moment douté qu’ilémergerait et pourrait attiserdes appétits. Les « anciens » dugroupe Composants et intégra-tion de puissance (CIP) du LAAS,sous l’œil desquels tomberontces lignes se souviendront del’excitation, et parfois de l’in-quiétude, que provoquait ennous le démarrage de collabora-tions industrielles nouvelles :Télémécanique, SGS-Thomson, …ou le « décrochage » decontrats de recherche : DIELI,SERICS etc. Il y eut de bellespublications, de belles thèses etmême des brevets d’invention(limiteur de courant série …).

Le tournant du Groupementde recherchesLa création en 1996 duGroupement de recherchesCNRS « Intégration en électro-nique de puissance » qui a réuniles efforts sur ce thème de laplupart des équipes nationalesconcernées par l’électroniquede puissance proprement diteet par la technologie de sescomposants, a marqué un autretournant : l’intitulé même de ceGDR montre quel rôle éminenta pu jouer Jean-Louis dans sonsuccès. Bien sûr, son apportscientifique a été considérable,mais ses qualités humaines ontaussi merveilleusement joué

dans le relâchement des ten-sions qui résultaient, au départ,d’une sévère concurrence entrelaboratoires. Les amitiés alorsnouées n’ont jamais ététrahies : nombreux étaient les« amis du GDR » venus des qua-tre coins de France se recueillir àAzillanet en ce triste mois demai 2011.

Lors de mon départ à laretraite en septembre 1999,c’est tout naturellement queJean-Louis a repris les rênes etporté sur les fonds baptismauxle Groupement de recherchessuccesseur « Intégration dessystèmes de puissance ». Invitéà assister aux « rencontres »toutes amicales et scienti-fiques des chercheurs de cenouveau GDR, j’ai eu la fiertépresque paternelle de voirnotre Jean-Louis endosser aveccalme et sérénité son costumede directeur. J’étais loin, alors,de me douter qu’il en porteraitun jour un semblable dans lesaint des saints du LAAS !

J’ai perdu un élève et un ami.Notre aventure a pris fin. Le sorts’est acharné sur les piliers dugroupe CIP : Pierre Rossel,Georges Charitat, Jean-LouisSanchez. Que le LAAS n’oubliejamais ce que ces piliers-là luiont apporté.

Philippe LeturcqProfesseur honoraireà l’INSA de Toulouse

“Il y eut debellespublications,de bellesthèses et desbrevetsd’invention.”

“Endosser aveccalme etsérénité soncostume dedirecteur dans lesaint des saintsdu LAAS.”

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Une carrière scientifique au CNRS

AU CŒUR DES RÉVOLUTIONSDE L’ÉLECTRONIQUE DE PUISSANCE

Le monde de l’électronique de puissance, qualifié de More than Moore par les anglo-saxons, a connu au cours des trois dernières décennies de véritables révolutions. Cesprofondes mutations ont façonné l’histoire de l’électronique de puissance au LAAS etJean-Louis Sanchez en a été un acteur passionné et reconnu de la communautéscientifique

Le parcours d’unacteur passionné

L e LAAS a été créé en 1968 en pleineémergence de la technologie micro-électronique sur silicium. A cetteépoque, le laboratoire s’est positionné

en précurseur car son directeur, JeanLagasse, avait obtenu du CNRS des moyenstechnologiques pour développer des compo-sants électroniques sur silicium.Très naturel-lement, les axes de recherche se sont struc-turés selon le type de composant : compo-sant bipolaire et composant unipolaire ouMOS. Pour chacun de ces composants, leurspropriétés en tant que dispositif de puis-sance ont été étudiées et ont permis destructurer l’activité en électronique de puis-sance sous l’égide de deux éminents cher-cheurs au caractère trempé, Pierre Rossel, lecatalan, pour les composants MOS etPhilippe Leturcq, l’ariégeois de coeur, pour lescomposants bipolaires.

La naissance de convictionsC’est dans ce contexte effervescent queJean-Louis Sanchez arrive au LAAS, en 1982,avec son diplôme d’ingénieur INSA spécialitéphysique en poche pour démarrer un docto-rat. Le LAAS s’est doté récemment (1979)d’une nouvelle salle blanche de 350m2 et lesnouveaux moyens vont permettre de réaliserdes composants bien plus performants.Jean-Louis intègre le groupe “Composants etcircuits à effet de champ” de Pierre Rossel etva explorer les propriétés à l’état passant destransistors DMOS de puissance coplanaireset verticaux. Une partie importante de sontravail de thèse est consacrée à la réalisation

technologique des MOS de puissance dansun objectif d’optimisation de ces propriétés.Jean-Louis fait ainsi ses premières armes entechnologie silicium et c’est là qu’il a forgénombre de ses amitiés et ses convictions dechercheur qui ont inspiré la suite de sa car-rière.

Il soutient brillamment sa thèse endécembre 1984 et se porte candidat avecsuccès au CNRS, à un poste de chargé derecherche, sur une thématique d’intégrationde puissance basée sur un concept originald’intégration fonctionnelle associant dansun même cristal de silicium une fonctioninterrupteur de puissance et ses fonctionsannexes de commande et protection pour ledomaine des hautes tensions (600V). Pourcela, il change de groupe de recherche etmènera ces travaux à partir de 1985 au seindu groupe “Composants bipolaires” sous ladirection de Philippe Leturcq.

Du composant bipolaire à la puissanceintelligenteC’est une époque charnière en électroniquede puissance. Grâce à de nouvelles avancéestechnologiques, la loi de Moore se vérifie etles technologies CMOS deviennent micro-niques. Ces avancées bénéficient largementaux technologies d’électronique de puis-sance et en particulier au transistor VDMOSde puissance qui devient beaucoup plusattractif que le composant bipolaire du faitde sa commande en tension. De plus, la com-patibilité de ce composant avec les technolo-gies CMOS, dédiées au traitement de l’infor-

mation, permet l’avènementdes technologies de puissanceintelligente (Smart Power) oùde nouvelles fonctionnalités decommande, diagnostic et pro-tection sont co-intégrées avecl’interrupteur de puissance.S’opère alors un changementde paradigme où les effortstechnologiques et de recherchevont se porter sur ce compo-sant.

Mais le transistor VDMOS n’apas que des avantages et saplus grande limitation est sarésistance à l’état passant quicroît de façon significative avecla tenue en tension du compo-sant, inconvénient que neconnaît pas le transistor bipo-laire grâce à la modulation deconductivité par les porteursminoritaires. C’est ainsi qu’estvalidé expérimentalement en1979 par B.J. Baliga, le compo-sant IGBT qui marie les avan-tages des deux transistors :facilité de commande et faiblerésistance passante. Ce compo-sant, difficile à contrôler tech-nologiquement, ne fera cepen-dant son entrée dans les mon-tages d’électronique de puis-sance que dans les années 90.

Le concept d’intégrationfonctionnelle est néJean-Louis vient donc d’intégrerle groupe “Composants bipolai-res” et son premier déficonsiste à définir et optimiserune filière technologique pla-nar adaptée à la réalisation dedispositifs haute tension asso-ciant des éléments MOS et

bipolaires. Sa persévérance etson optimisme indéfectible luiont permis de valider le concepten réalisant un thyristor àgâchette isolée commandé parvoie optique. Le concept d’inté-gration fonctionnelle était né.

“Sa persévérance et son opti-misme indéfectible lui ont per-mis de valider le concept enréalisant un thyristor à com-mande optique.”

Les travaux d’habilitation à diri-ger les recherches de Jean-Louis, “Intégration fonction-nelle de composants de puis-sance : principes et technolo-gies” soutenue en mai 1995 ontprobablement constitué uncatalyseur dans le renouveaudes approches de recherchemises en œuvre au LAAS dansle domaine de l’électronique depuissance. Et sa personnalitéconciliante et pleine d’opti-misme y est surement pourbeaucoup. En effet, cetteconvergence des technologiesMOS et bipolaires au sein d’unmême composant remettait en

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Progressionpar changement

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Une carrière scientifique au CNRS

cause nos approches de recher-che organisées par type decomposant. Ainsi, en septem-bre 1991, les deux groupes depuissance fusionnèrent en unseul groupe “Composants etIntégration de Puissance” sousla responsabilité de PierreRossel, Jean-Louis constituantle lien naturel entre les deuxanciens groupes.

Cette nouvelle synergie s’estégalement accompagnée d’unrapprochement avec les équi-pes du LEEI, maintenant inté-grées au LAPLACE, qui tra-vaillaient sur les architecturesdes systèmes de puissance. Eneffet, ce nouveau concept d’in-tégration fonctionnelle rendaitplus accessible le Graal duconcepteur d’électronique depuissance, c’est-à-dire l’inter-rupteur bidirectionnel. Une pre-mière validation d’interrupteurbidirectionnel en courant fut lethyristor dual, fruit d’une colla-boration fructueuse avec l’é-quipe de Henri Foch et qui fitl’objet en 1996 d’un brevetCNRS commun. Cette expé-rience réussie fut aussi à l’ori-gine d’une nouvelle approchede recherche descendante ou“top-down” - c’est-à-dire desbesoins du système à ceux ducomposant - par contraste avecl’approche ascendante ou “bot-tom-up” que nous avions l’ha-bitude de mettre en œuvre entant que concepteurs de com-posants semiconducteurs.

Pour accompagner ces révo-lutions de l’électronique depuissance, la création en 1996du groupement de recherches(GDR) du CNRS “Intégration enélectronique de puissance”initialement présidé par RobertPerret a permis de largementdisséminer ces concepts dansla communauté scientifiquenationale et de créer de nouvel-les synergies, en particulier,dans le domaine des compo-

Illustration deMore thanMoore dans ledomaine de lapuissance :évolution parchangementde paradigmeet en réponseaux besoinsdes systèmesd’électroniquede puissance.

“Ce nouveau concept d’intégration fonc-tionnelle rendait plus accessible le Graaldu concepteur d’électronique de puissance,l’interrupteur bidirectionnel.”

Thyristor dual : puce complète,détail d’une cellule etcaractéristique courant-tensionau blocage.

C’est dans un contexted’effervescence, encoreamplifiée parl’installation d’unenouvelle salle blanche auLAAS, que Jean-LouisSanchez va faire sespremières armes entechnologie silicium.

Page 6: Hommage à Jean-Louis Sanchez - LAAS

sants passifs intégrés et de la pro-blématique du refroidissement.Grâce à son leadership reconnu etincontesté, Jean-Louis prendra en1999 le relais de la présidence duGDR à la suite de Philippe Leturcq.

Historique des différentes struc-tures basées sur le concept d’inté-gration fonctionnelle réalisées auLAAS.

Une forte interaction avec lesindustriels du domaineParallèlement à la synergie entreles différents laboratoires du génieélectrique, s’est opérée une forteinteraction de la communautéavec les industriels du domaine.Ainsi, dans le cadre de différentsprogrammes de recherche finan-cés par le ministère de l’industrie,Jean-Louis s’est retrouvé acteurmajeur dans une collaboration deplusieurs années (1993-1999) avecSTMicroelectronics à Tours pourmettre en œuvre des principesd’intégration fonctionnelle pourdes produits fonctionnant sur lesecteur.

Outre cette collaboration avecl’industrie du semiconducteur,les équipementiers ont sollicitéles laboratoires pour introduire

dans leurs systèmes ce nouveaucomposant qu’était l’IGBT. Ainsiest né en 2001 le laboratoirecommun PEARL, Power Elec-tronics Associated Research

Laboratory, piloté par Alstom,leader de la traction ferroviaire,en partenariat avec Boostec,Epsilon et les laboratoires LAAS,LGET, GECET, LEEI et LGP. Jean-

Louis en était le responsable auniveau du LAAS pour la théma-tique “Intégration de puissanceautour des composants de puis-sance”. Le succès de ce premierlaboratoire commun a permis derenouveler l’expérience dans undeuxième laboratoire communPEARL2 (2004-2007) avec un par-tenariat industriel étendu à l’aé-ronautique, Safran en l’occur-rence.

Défi des inductances intégréesJean-Louis était toujours par-tant pour de nouveaux défis ets’est alors engagé avec unepetite équipe sur la probléma-tique des inductances inté-grées : c’est le projet INDUCSILqui associe le LEG, le CEGELY etle LAAS et deux partenairesindustriels, STMicroelectronicset Microspire. L’enjeu est icid’introduire par des procédésd'électrochimie des couchesépaisses de cuivre et de maté-riau magnétique dans la filièresilicium, en vue de réaliser desmicrobobines de l'ordre du mHpour la conversion DC/DC depetite puissance.

Cette activité sur les compo-sants passifs lui semblait

essentielle pour aller vers l’inté-gration 3D hétérogène d’unmicroconvertisseur. Outre lesinductances intégrées, il fallaitaussi se préoccuper descondensateurs intégrés. Il pro-pose ce sujet et convainc ainsiune jeune doctorante, MagaliBrunet, effectuant sa thèse àCork, en Irlande, de se portercandidate au concours d’entréeau CNRS. Depuis son intégra-

10 11

Une carrière scientifique au CNRS Une carrière scientifique au CNRS

tion comme chargée de recherche en 2005,l’élève a dépassé le maître : cette thématiquedu stockage intégré lui a valu la médaille debronze 2011 du CNRS.

La prochaine révolution des composantssemiconducteurs à grand gapDans le domaine du refroidissement, l’aven-ture a commencé autour d'un verrou tech-nologique commun au LAAS et au LEG(maintenant G2ELAB) : la gravure profondedu silicium. Jean-Louis et les équipes duLAAS voulaient maîtriser cette étape techno-logique pour réaliser des condensateurs sursilicium en augmentant par ce procédé lasurface des condensateurs. ChristianSchaeffer et son équipe du LEG travaillaientà réaliser des micro-refroidisseurs sur sili-cium monophasique, diphasique ou à pro-cédé caloducs. Grâce aux rencontres favori-sées par le GDR “Intégration en électroniquede puissance” et le GIRCEP présidé par PierreMerle à la fin des années 90, une actioncommune sur la réalisation de microcalo-ducs sur silicium est née et a pu être finan-cée par le GDR, ouvrant la voie par la suite àde nouveaux projets de recherche aussi biendans le domaine du microrefroidissementque des microcondensateurs.

La dernière révolution de l’électronique depuissance qui est en cours est celle des com-posants semiconducteurs à grand gap. Il y apresque 20 ans, quand il avait fallu au LAASse déterminer sur le SiC, le technologue queJean-Louis était, voyait que le défi était pré-maturé vu les problèmes de qualité de maté-riau encore irrésolus. Il ne voulait pas cepen-dant rater la révolution du GaN sur siliciumet s’était impliqué avec passion dans le pro-jet de l’IRT de Toulouse pour porter cette thé-matique. Son cœur trop généreux ne lui apas laissé le temps de voir les fruits de son

travail. Nous, ses proches collègues, pouvonsêtre fiers et reconnaissants de l’héritagequ’il nous a laissé et nous nous sentonsinvestis du devoir de poursuivre son œuvreinterrompue.

Marise Bafleur,Directrice de recherche au CNRS,

Responsable du groupe ISGE du LAAS

Microbobinede type spiraleintégrée sursilicium.

“Jean-Louisétaittoujourspartant pourde nouveauxdéfis.”

La réalisation de microcaloducs sur siliciumouvrira la voie à de nouveaux projets dans ledomaine du microrefroidissement et desmicrocondensateurs.

Mars 1992 : création dugroupe CIP, Composantset intégration depuissance, placé sous laresponsabilité de PierreRossel.Janvier 1995 : PierreRossel est nommédirecteur du premierlaboratoire communLAAS- Motorola, le LCIP,Laboratoire capteurs etintégration de puissance.Georges Charitat devientresponsable du groupeCIP.Avril 2002 : décès deGeorges Charitat. Jean-Louis Sanchez lui succèdeen tant que responsabledu groupe CIP.Juillet 2005 : Jean-LouisSanchez est nomméresponsable au LAAS dupôle MINAS, Micro etnanosystèmes. MariseBafleur lui succède à latête du groupe CIP.Octobre 2005 : Le groupeCIP s’élargit dans ledomaine de l’énergie etchange de dénomination :ISGE, Intégration desystèmes de gestion del’énergie.

L’électronique depuissance au LAAS

Une partie du groupe ISGEdu LAAS, en janvier 2011

Page 7: Hommage à Jean-Louis Sanchez - LAAS

Une carrière scientifique au CNRS Une carrière scientifique au CNRS

Se comprendre sans avoirbesoin d’expliquer

Côtoyant Jean-Louis Sanchez depuislongtemps au laboratoire, j’avais

vraiment appris à le connaître, à apprécierson attitude posée et ses avis toujours bienargumentés lorsqu’ensemble, nous étionssous-directeurs du laboratoire. Il avait laresponsabilité des micro et nano-systèmeset moi celle de la robotique. Aussi, quand jelui avais proposé d’être le directeur adjointdu LAAS, j’étais certain de trouver en lui uncollègue bon connaisseur du terrain, capabled’apporter la complémentarité thématiqueet la capacité d’action nécessaire pourrelever avec moi le défi de piloter ce grandlaboratoire.

Mais une fois installés dans notrenouvelle responsabilité, c’est l’homme quej’ai découvert. Et surtout l’ami. Jean-Louis aété mon compagnon de tous les instantspendant les quatre ans qu’a duré notremandat à la direction du LAAS, de janvier2007 à décembre 2010. Il n’y avait pas degrande décision que nous ne discutions etne partagions. Nous nous voyions à touteheure (et très souvent « à pas d’heure »). Saprobité et sa rigueur ont installé entre nousune confiance absolue et une relationprofonde qui nous permettait, comme cesvieux couples, de nous comprendre sansavoir besoin d’expliquer. Le travail conduitensemble ou séparément se partageait et semenait naturellement.

Jean-Louis avait une profonde connai-ssance de son domaine scientifique etinspirait le respect à ses collègues, aussi bien

localement qu’à ceux qui venaient de loinnous rendre visite. Il m’a appris et j’aicompris grâce à lui beaucoup de choses surla microélectronique et les nanos. Aussi biensur leur science et leur technologie que surleur complexe écosystème à Toulouse et enFrance. Nous avons pu poursuivre etapprofondir le développement de cedomaine stratégique en relation avec nospartenaires académiques ou industriels.

Je suis sans doute mal placé pour enjuger, mais je suis persuadé que les grandesorientations du laboratoire qui ont étédécidées pendant notre mandat sontimprégnées de notre relation. Les projetsAdream et Alive sont ainsi, en effet,intrinsèquement transversaux et allient,différemment mais profondément, lesgrandes disciplines du laboratoire que nousreprésentions : l’informatique,l’automatique, la robotique et la micro etnano électronique. Ils intègrent lecontinuum de la collecte, du traitement, dela transformation et de la transmission del’information, avec la gestion et latransformation de l’énergie. Ils traitent à lafois du naturel et de l’artificiel, de lacomplexité de la matière vivante et dumatériau fabriqué.

Son attachement au LAAS, sa profondevolonté d’œuvrer pour construire, ont amenéJean-Louis Sanchez à vouloir poursuivre à ladirection du laboratoire pour transformerl’essai, en bon rugbyman qu’il était. Ledestin, injuste, en a voulu, hélas, autrement.

Raja ChatilaDirecteur de recherche au CNRS,

Directeur adjoint scientifique de l’INS2IDirecteur du LAAS 2007-2010

L’incarnation d’une vision des sciencesde l’ingénieur et des systèmes

PIERRE GUILLON

J ean-Louis Sanchez, directeur derecherche au CNRS, nous quittait le 15

mai 2011. Il était depuis le 1er janvier decette même année 2011 le directeur duLAAS, mais il n’avait pas attendu cette datepour s’investir dans la gestion de larecherche, tant au plan local puisqu’il avaitété directeur adjoint du LAAS de janvier2007 à décembre 2010, qu’au plan nationalcomme directeur du GDR Intégration dessystèmes de puissance et comme membrede la section 08 du Comité national de larecherche scientifique.

Spécialiste de l’intégration de puissancefonctionnelle, il s’est appliqué avec songroupe à proposer de nouveauxcomposants qu’il a su réaliser endéveloppant et en faisant évoluer lestechnologies associées. Il inscrivait cetteactivité remarquable dans le contextemoderne d’une généralisation dessolutions électriques, support d’undéveloppement durable pour assurer unemeilleure gestion de cette énergie.

Jean-Louis Sanchez, jeune ingénieurINSA, est entré au LAAS en 1982 pour ypréparer son doctorat et y poursuivrel’ensemble de sa carrière. Fidèle à l’espritdu LAAS et conscient des préoccupationsdu monde industriel, il a toujoursentretenu et favorisé des liens étroits avecce secteur d’activité. Habité par le sens ducollectif, il a su fonder les bases d’uneévolution qui a conduit le LAAS à présenterdes projets majeurs dans le cadre actueldes investissements d’avenir. Au-delà deses qualités scientifiques reconnues par lacommunauté internationale et de sesimmenses qualités humaines, il a incarnécette vision des Sciences de l’ingénieur etdes systèmes dont le LAAS est un desdépositaires.

Pierre GuillonDirecteur de la Mission pour l’interdisciplinarité du CNRS,Directeur du Département ST2I du CNRS, 2006-2009,

puis de L’INSIS, 2010-2011

« Nous avons écrit de belles pages »

SYLVAIN ALLANO

A vec Jean-Louis Sanchez et descollègues de plusieurs laboratoires,

nous avons écrit de belles pages du grandlivre des heures de la communauté deschercheurs du génie électrique. Jean-Louisétait alors responsable d’un GDR enélectronique de puissance et il a œuvréactivement à la construction du GDRSEEDS qui désormais fédère l’ensemble dela communauté.

Travailler avec lui était pour moi un vraiplaisir et aussi loin que ma mémoire meporte, je n’ai pas de souvenir de tension oude friction dans les réunions auxquellesnous participions avec lui. Avec son franc-parler chaleureux, ses convictions et savolonté d’aboutir à un consensus, il avait ledon d’emmener ses interlocuteurs etcollègues vers des solutions positives etdurables.

La perspective d’une rencontre avecJean-Louis, que ce soit à Toulouse, Tarbes

“Il avait le don d’emmener sesinterlocuteurs vers des solutionspositives et durables.”

ou Paris était toujours pour moi l’annonced’une bonne journée au cours de laquelleamitié et efficacité se conjugueraient.

Sylvain AllanoDirecteur scientifique et technologies futures,

PSA Peugeot CitroënDirecteur scientifique adjoint du Département ST2I

du CNRS, 2006-2009

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“Jean-Louis a étémon compagnon detous les instantspendant les quatreans qu’a duré notremandat à ladirection du LAAS.”

Jean-Louis Sanchezet Raja Chatiladans le hall d’honneurdu LAAS en 2008.

Page 8: Hommage à Jean-Louis Sanchez - LAAS

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Une carrière scientifique au CNRS

L’ÉPOPÉE LAAS – LEEI

Les amitiés scientifiques

Dans les années 1970, le monde de l’électronique de puissance comportait deuxcommunautés : les « concepteurs de composants », issus de la « petite » électronique, quifaisaient régulièrement progresser leurs performances et les « circuiteurs », issus del’électrotechnique, qui tentaient de maîtriser l’adéquation composant/circuit. Ces deuxcommunautés tentaient de communiquer en dépit de cultures, de vocabulaires, deméthodologies, de critères différents

Et les publications communescontinuent !

C’ est dans ce contextequ’est né le premierembryon de dialogueentre le LAAS (équipe de

Philippe Leturcq) et le LEEI (équipe« convertisseurs statiques », quej’animais alors). Jusque là, le circuitdevait se plier aux exigences ducomposant. Il apparaissait, mainte-nant, que le circuit obéissait à desrègles strictes, indépendantes ducomposant et qui imposaient à cedernier des contraintes incontour-nables. La notion de « cellule decommutation », venait de naîtrequi montrait qu’un composant depuissance n’était jamais seul maistoujours associé à, au moins, undeuxième composant au sein decette cellule. Ce concept représen-tait la clef du dialogue compo-sant/circuit qui venait de s’instau-rer.

Naissance d’une nouvelle fonctionde commutationDès 1978, l’équipe du LEEI déposaitun brevet sur un « nouveau » com-posant, baptisé Thyristor-dual car ilpossédait des propriétés statiqueset dynamiques duales de celles duthyristor. Evidemment réalisé aumoyen des composants discretsdisponibles (transistors bipolaireset MOST),ce nouveau composant aconnu un vif succès académique etindustriel car il a autorisé un nou-veau mode de commutation - la« commutation douce » - et permisla création des convertisseurs àrésonance, quasi-résonance... Une

nouvelle fonction de commutationétait née, non issue des avancéestechnologiques de l’intégration,mais résultant plutôt de considéra-tions de type « circuit ». La tenta-tion était grande de donner uneréalité physique à ce composantdont la synthèse, réalisée en élé-ments discrets, ôtait toute légiti-mité !

Pendant ce temps, un nouvelaxe de recherche se profilait auLAAS, baptisé « intégration fonc-tionnelle » sous la houlette de Jean-Louis Sanchez. Une collaborations’est instaurée spontanémententre les deux équipes et s’est trou-vée confortée par une extraordi-naire ouverture d’esprit des partici-pants. Des sujets d’étude ont fuséde part et d’autre. J’ai demandé àJean-Louis de participer aux ensei-gnements d’électronique de puis-sance avancée de l’ENSEEIHT etnous avons co-animé des cours etdes bureaux d’étude sur l’approcheconjuguée « circuit » et « intégra-tion fonctionnelle » du thyristor-dual.

Il s’en est suivi, dans les deuxlaboratoires, de très nombreux tra-vaux menés en commun, dessujets de stage, des thèses. C’estprès d’une quinzaine de brevets etpublications qui ont uni, entre 1995et 2008, les noms de Jean-Louis, denos collaborateurs et le mien …

La belle histoire ne s’arrête paslà car un nouveau composant,dérivé du thyristor-dual, est né deces discussions :le disjoncteur inté-

“Des sujetsd’étude ontfusé.C’est prèsd’unequinzaine debrevets etpublicationsqui ont uninos nomsentre 1995 et2008.”

Un exemple dedispositifintégré depuissance.

J ’ai partagé avec Jean-LouisSanchez une tranche de nos vies

respectives en siégeant avec lui auComité national de la recherchescientifique sur la période 2008-2011. Il y a deux voies quipermettent d’y siéger :être nommépar la direction du CNRS ou êtreélu. Jean-Louis y avait été élu entant que candidat indépendant,signe déjà de son empreinte trèslarge sur notre communauté, cellede « la 08 », la section disciplinairedu Comité national à laquelle nousappartenons.

Une année de mandat auComité national consiste enplusieurs actions : participer auxjurys de concours permettant lerecrutement ou l’avancement deschercheurs, évaluer l’activité deschercheurs et émettre des avis surla restructuration perpétuelle(peut être un peu trop perpétuelle,d’ailleurs) de la recherche enFrance, etc… Tout ceci se dérouledans le cadre de réunions étenduessur plusieurs jours qui rassemblentles 21 membres de la section ausiège du CNRS à Paris, réunions quinous ont amenés, Jean-Louis etmoi-même à faire plusieursvoyages par an ensemble. J’ai puainsi connaitre l’homme qu’il était,

sous toutes les facettes : l’hommedu privé, qui me parlait beaucoup,avec beaucoup d’amour et defierté, de sa famille, mais aussil’homme du public, qui me faisaitpartager sa vision d’un LAASretrouvant une vraie dimensionhumaine, puis l’homme public-privé qui m’expliquait comment onpouvait appliquer les valeurs durugby dans la sphère profession-nelle.

Lorsque les 21 membresdémarrant un nouveau mandat auComité national se réunissent pourla première fois, il y ainéluctablement une phase detâtonnement où les gens sesondent pour mieux se situer enrapport avec les autres. J’ai tout desuite senti que le sourirecommunicatif de Jean-Louis avaitmis l’ensemble de la section à l’aisedès les premiers instants. Unsourire qui semblait dire « Chezmoi, pas d’arrière pensée ! Je suistel que vous me voyez, je ne sauraispas être différent ».

Tout ceci et tant d’autres chosesse sont arrêtés le 15 mai dernier. Lasection 08, orpheline de Jean-Louis,s’est retrouvée en session deprintemps, au mois de juin dernier,avec des yeux troublés par des

SECTION 8 DU COMITÉ NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

les membresde la section08 du Comiténational de larecherchescientifique,« Micro etnano -technologies,électronique,photonique,électro-magnétisme,énergieélectrique »,lors de lasessiond’automne2008.

Champagne

larmes difficiles à contenir.L’incrédulité face à la brutalité de ladisparition de l’ami avait laisséplace à l’expression de la douleur,par des mots simples. Nous avons,à l’initiative de Laurent Nicolas,président de la section 08,dédié unaprès-midi à l’évocation en séancedu souvenir de Jean-Louis. Nousavons terminé cet après-midi làpar, même si ça peut semblersurréaliste, boire une coupe dechampagne à la mémoire de Jean-Louis. Champagne au goût delarmes en face d’un écran projetantle sourire de Jean-Louis… Personnen’oubliera, jamais.

Liviu NicuChercheur au LAAS-CNRS

Membre nommé de la section 8du Comité national

de la recherche scientifique

Conversation par-dessus la clôtureJ ’ai côtoyé Jean-Louis à plusieurs

reprises ces dernières années,aumoment où nous étions en chargede nos laboratoires respectifs, luicomme directeur adjoint du LAASet moi comme directeur duCEMES. Mais en outre, hasardsupplémentaire, nous étionsvoisins à Escalquens, et avionsparfois des échanges impromptuspar-dessus la clôture. J’appréciaisbeaucoup son caractère ouvert etdirect, sa cordialité et sonimmense enthousiasme. Je saispar expérience que la tâche dedirection, à laquelle il venaitd’accéder, est extraordinairement

prenante. En outre, la périodeactuelle, caractérisée par unamoncellement de structures etde dispositifs, complique singuliè-rement l’action de tous ceux etcelles qui exercent ces responsa-bilités nécessaires. Je sais aussi quec’était un excellent scientifique, etqu’il avait compris qu’à unmoment donné, il y a une attentede la communauté pour quequelqu’un comme lui prenne encharge des tâches collectives.Dans ces périodes où le doute et laconfusion nous guettent, où lavisibilité institutionnelle etorganisationnelle est faible, la

qualité des relations personnellesest un élément déterminant.Malgré ses lourdes tâches, Jean-Louis savait garder sa simplicité etses qualités humaines, tout enmanifestant un optimisme récon-fortant. On sentait que c’était unmeneur, mais au bon sens duterme, quelqu’un capable desusciter l’adhésion et mobiliser lesénergies.C’est grâce à des collèguescomme lui que l’on peut continuerà espérer la réussite de l’évolutionen cours sur le site toulousain.

Jean-Pierre LaunayProfesseur émérite à l’Université Paul Sabatier,

ancien directeur du CEMES

“Dans cespériodes où ledoute et laconfusionnousguettent, laqualité desrelationspersonnellesest unélémentdéterminant.”

gré, vu comme un composant de laconversion statique. Il a, à son tour,alimenté la réflexion commune etles travaux du groupe. Puis c’estl’intégration de capteurs et de pro-tections au sein des composantsqui prolonge le filon de cette colla-boration … et les publications com-munes continuent. Aujourd’hui,Jean-Louis nous a quittés mais ladynamique qu’il a su donner à cegroupe de travail est intacte. Denouveaux acteurs sont apparus depart et d’autre et cette extraordi-naire épopée s’est poursuivie et sepoursuit encore et toujours. C’estbien grâce à son ouverture d’esprit,à sa générosité, à son dynamismequ’il a su animer cette collabora-tion et entretenir un climat de fran-che camaraderie et d’amitié. Je sou-haite à beaucoup de collègues devivre cette tranche de vie scienti-fique que nous avons vécue avecJean-Louis, et je me réjouis de lavoir perdurer entre les nouveauxacteurs des mêmes Equipes duLAAS et du LEEI, devenu LAPLACE.

Henri FochProfesseur honoraire à l’INP de Toulouse

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Page 9: Hommage à Jean-Louis Sanchez - LAAS

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Les amitiés scientifiques Les amitiés scientifiques

J ean-Louis Sanchez a été un formidablepromoteur et ambassadeur de sa disci-pline à l'interface entre la microélectro-nique et l'électronique de puissance. Il

a ainsi été, au cours des années 80, un despionniers, en France et sur le plan acadé-mique, ouvrant la voie d'une intégrationfonctionnelle dite monolithique "on chip"(sur puce) pour la conversion de l'énergieélectrique. Partant d'une problématiquerésolument système, de nouveaux compo-sants semi-conducteurs de puissance et denouvelles fonctionnalités de commutationont ainsi été imaginés, créés, déclinés etvalorisés, exploitant tous les degrés deliberté offerts par le cristal semi-conducteuret couvrant un spectre large d'applications :opto-thyristor, thyristor blocable, thyristor-dual, hybrides Mos et bipolaires auto-amor-çables et blocables. Voie difficile avec despassages parfois étroits car dépendants desavancées technologiques, mais ô combienriche par nature, allant du fondamental àl'appliqué et du composant au système. Atitre personnel, j'ai rencontré pour la pre-mière fois Jean-Louis en 1992 à l'ENSEEIHT,dans un cours de DEA et ensuite lors de ses-sions de formation continue, où j'avais étéséduit par ses qualités de pédagogue, sonhumilité et son approche globale des problé-matiques malgré sa spécialité relativementpointue. C'est quelques années après, à la finde ma thèse et ensuite lors de mon entréeau LEEI en 1997 (fusionné aujourd'hui dans leLAPLACE), que j'ai eu la chance, sous l'impul-sion d'Henri Foch avec lequel il collaboraitdepuis plusieurs années, de pouvoir tra-vailler à mon tour avec Jean-Louis etquelques-uns de ses jeunes collègues dugroupe CIP devenu ensuite ISGE au LAAS.Pendant plus d'une dizaine d'années, jus-qu'en 2010 environ, nous sommes toujoursrestés en contact étroit et régulier et nous

avons pu débattre et échanger sur diverssujets et études en particulier dans le cadredu GDR "Intégration de puissance" qu'il ani-mait avec son ami grenoblois ChristianSchaeffer. Je retiens surtout de cette périodeles fameuses sessions de brainstorming aucours desquelles, en compagnie d'HenriFoch, nous sautions allègrement les barriè-res culturelles …, les préjugés et pré-requisthématiques qui pouvaient (encore un peu)nous séparer pour nous retrouver pendantune ou deux heures en "apesanteur", libérésde toutes contraintes, à réinventer, créer… etaussi rêver : une formidable sensation deliberté créatrice pouvait en ressortir, le bienle plus précieux qui caractérise encore notremétier et qu'il savait vraiment bien défendreet cultiver. Vers 2009 et 2010, avec ses diver-ses et nombreuses responsabilités, noséchanges sont devenus moins réguliersmais le virus avait été transmis sans anti-dote et c'est encore avec un très grand plai-sir aujourd'hui que je continue à interagir età bousculer mes collègues du groupe ISGEet, d'une certaine manière, à faire bouger leslignes. L'aventure continue … c'est le mes-sage que j'aimerais lui transmettre.

Frédéric RichardeauDirecteur de recherche au CNRS

Laboratoire plasma et conversion d’énergie, LAPLACE,Toulouse

“Liberté créatrice, lebien le plus précieuxqui caractériseencore notre métieret qu'il savaitdéfendre etcultiver.”

FRÉDÉRIC RICHARDEAU

Par delàles barrièresculturelles L a vie nous réserve quelquefois des

belles surprises et des rencontres quimarquent pour toujours une exis-tence. Celle que nous avons eue, voilà

plus de 20 ans, Jean-Louis et moi, fait partiede celles-là. Que de chemin parcouru ensem-ble ! A la fin des années 80, notre collabora-tion scientifique a rapidement pris de l’am-pleur malgré des domaines scientifiqueséloignés et une concurrence historique denos sites de recherche. Nos programmes derecherche communs se sont très vite enchaî-nés avec des prises de responsabilités collec-tives, des engagements communs et debeaux succès à la clef. A l’évidence, la réussitede ces travaux collaboratifs était le fruitd’une vision commune de notre activité derecherche et plus largement de notre vied’homme.

Que de moments de complicité vécus ! Leséjour fondateur de notre histoire fut, à n’enpas douter, le voyage organisé par PierreMerle et Jean Marie Peter au sein du GIRCEPet au cours duquel nous avons eu la chancede découvrir les entreprises européennesleader du monde l’électronique de puis-sance. Au-delà de l’apport scientifique de ceséjour, que de moments conviviaux fonda-teurs de notre amitié ! Cette manière detravailler fut systématiquement notre modede fonctionnement. C’est ainsi que nos ren-contres professionnelles se sont toutespoursuivies, à Montpellier dans le cadre desGdR ou à Tours dans le cadre des projets ST,par des soirées riches de moments de com-

plicité dans lesquels les débats débordaientlargement du cadre professionnel et où cha-cun d’entre nous exposait ses convictions.Car ce fut bien au niveau de nos convictionsprofondes que notre entente fut majeure.

Pour une recherche moins individualisteAu fil des années cette proximité de pensées’est traduite par plus de complicité. Forceest de constater que cette complicité ne futpas toujours bien comprise par notre com-munauté. Tout naturellement, cette amitiégrandissante a rejoint le cadre de nos viesprivées. C’est sans doute au cours de cesmoments passés ensemble, loin des turpitu-des professionnelles, que j’ai le plus décou-vert et apprécié Jean-Louis. L’homme étaitsincère et droit. Son attachement à ses raci-nes était bien réel et ses copains d’Azillanetfaisaient partie de sa bande. Il savait aussialler se ressourcer sur ses terres viticoles etpréparer avec son père son muscat « LouPerdigal ». A tout instant, son énergie et sonbesoin d’œuvrer pour un collectif étaient auservice de son entourage comme moteur etanimateur. Les années passant, nous savionsque beaucoup de valeurs nous rappro-chaient. Ces dernières années, avec enthou-siasme et énergie, nous nous sommes enga-gés respectivement dans des fonctions deresponsabilités dont l’essentiel est de fédé-rer et d’animer des hommes sur un projetcollectif. Après avoir longuement échangésur ces nouvelles prises de responsabilités,nous avons découvert ensemble les difficul-tés de cette tâche. Ce fut pour nous l’occa-sion de longs échanges à Toulouse, àGrenoble ou au téléphone. Jean-Louis s’estbattu jusqu’au bout pour que notre activitéde recherche soit un peu moins individua-liste. Il plaçait tous ses espoirs dans le projetcollectif qu’il conduisait pour son labora-toire. Il laisse derrière lui une certaine visionde la recherche. Je formule le vœu que la voiequ’il a ouverte et tracée continue à inspirerses successeurs.

Christian SchaefferProfesseur à l’INP de Grenoble, G2E lab

“Son attachement àses racines était bienréel.Il savait aussi allerse ressourcer sur sesterres viticoles.”

Une certaine visionde la recherche

RÉINVENTER, CRÉER, RÊVER

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Les amitiés scientifiques Les amitiés scientifiques

“La maîtrise de latechnologie,associée à uneapproche théoriquesans faille, seulecapable de faireévoluer ledispositif.”

1 - SGS-Thomson, aujourd’hui STMicroelectronics, et Motorola aujourd’huiFreescale, fabricants de semi-conducteursde puissance

2 - transistor bipolaire à grille isolée

3 - thyristor à extinction par la gâchette

4 - module de puissance intelligent

C’ est au détour d’un couloir qu’à lafin des années 80 nous nous som-mes rencontrés Jean-Louis et moi, àl’époque où l’on nous expliquait

que la technologie avait vécu, qu’elle dévo-rait les budgets et ne rapportait pas, que s’yengager était pure folie, que ceux qui s’enga-geaient dans cette voie n’auraient pas d’ave-nir, en somme que côté recherche tout étaitfait ou presque. On avait déjà entendu celaquelques années plus tôt à propos du sili-cium. Philippe Leturcq, l’un des pionniers del’assemblage de fonctions de puissance, quidirigeait au LAAS l’équipe dédiée aux compo-sants de puissance, m’avait dit que Jean-Louis Sanchez était l’un des rares, voire leseul, à pouvoir porter l’ « illusion » de lacontinuité d’une telle démarche. Il n’avaitpas encore soutenu son habilitation, tra-vaillait sur le thyristor dual et son intégra-tion, et sur deux ou trois autres idées commela protection intégrée ou le limiteur de cou-rant, le mélange des technologies MOS etbipolaires. L’extension d’une salle blanche auLAAS était en discussion, la place des compo-sants de puissance n’y était pas acquise. Ilest vrai qu’à cette époque la tendance étaitforte pour d’autres applications, même dansle domaine de la puissance. C’était l’époquedes Smart Power ou autre Smart MOS selonque l’on était SGS ou Motorola1, pour de peti-tes puissances. L’IGBT2 balbutiait autour deses premières générations, les GTO3 connais-saient quelques soucis, les IPM4 n’existaientpas, le bipolaire restait maître en sondomaine.

Intégrer la puissance pour des valeurssupérieures au WattJean-Louis faisait pourtant partie de ceuxqui pensaient qu’il y avait encore beaucoup àfaire en ces domaines. La maîtrise de la tech-nologie était indispensable aux interactionsentre les divers processus et pour l’intégra-

Où l’on nous expliquaitque la technologieavait vécu

MICROÉLECTRONIQUE DE PUISSANCE

tion de la puissance pour des valeurs un peuplus grandes que le Watt. Les discussions dulaboratoire avec le milieu industriel,Motorola en l’occurrence, SGS Thomson àTours voire à Rousset (en train de fermer sadivision puissance), Télémécanique àNanterre, ou encore l’INRETS, montraientaussi qu’il y avait de nombreuses voies àexplorer. La tâche était immense, le person-nage aussi. Il fit partie de ces quelquesamoureux du savoir et du savoir-faire qui ycrurent. Probablement parce qu’il maîtrisaitdéjà le savoir-être, sa rencontre scella unelongue aventure commune.

Par la suite, avec le temps, il a donné unnom et une âme à ce sujet au travers de celuid’intégration fonctionnelle puis d’intégra-tion de puissance, enfin de microélectro-nique de puissance. Les laboratoires com-muns avec Tours et ST Microélectronics, avecMotorola devenu Freescale, ont permis defaire de cette thématique une réalité. Jean-Louis a porté tout au long de cette périodel’idée que la maîtrise de la technologie, asso-ciée à une approche théorique sans faille,était seule capable de faire évoluer le dispo-sitif. Adepte d’une simulation soigneuse-

L’extension d’une salleblanche au LAAS étaiten discussion,la place descomposants depuissance n’y était pasacquise.

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P our les chercheurs de ma génération,les réunions des GDR « Perret », puis« Leturcq » constituaient dans lesannées 90 des moments importants

de notre vie scientifique. En plus de la décou-verte des manades environnant Montpellieret des plats « typiques » (le taureau à la bro-che qui enfumait toute la matinée l’ensembledes participants que seul Pierre Merle savaitnous préparer), c’était surtout une occasionunique pour découvrir ce qui se passait dansles autres laboratoires et pour rencontrer noscollègues. C’est dans ces conditions, et plusprécisément dans le bus qui emmenait lestoulousains à l’une de ces réunions que j’airencontré Jean-Louis pour la première fois. Lestravaux du LGET étaient à cette époque assezmarginaux dans le domaine de l’électroniquede puissance et pourtant nos échanges furentprolixes (et n’ont jamais cessé depuis) : lescouches de matériaux isolants déposés parplasma, les condensateurs céramiques nonlinéaires et les varistances à base d’oxyde dezinc sur lesquels nous travaillions…Tout l’inté-ressait. Lui, le chantre et le promoteur enFrance de l’intégration hétérogène, c’est-à-dire de l’intégration du plus grand nombre defonctions sur le semi-conducteur, et préféren-tiellement le silicium (Ah, Jean-Louis et le sili-cium !) était toujours curieux de ce qui pou-vait se passer dans les autres laboratoires dudomaine.

Foisonnement d’idéesQuelques années plus tard, notre générationeut la lourde charge de reprendre le flambeauet c’est tout naturellement Jean-Louis qui futnotre chef d’orchestre. Je me souviens avecénormément de plaisir de la préparation dutexte que nous allions soumettre au Comiténational et du foisonnement d’idées que nousjetions sur le papier. Les réunions du bureaude ce GDR furent, sans nul doute, les meilleu-res que j’ai jamais eues. Tout semblait possi-

ble, nous avions le vent en poupe, la structurenous suivait, nous étions le GDR le plus richedu CNRS (grâce au GIRCEP qui nous soutenaitet dans lequel Jean-Louis jouait un rôlemajeur). Ceci conduisit à un très grand nom-bre de projets collaboratifs qui ont forgé unevéritable culture de l'échange et du partagedans les laboratoires impliqués. En parallèle, àla fin des années 1990, nous eûmes uneopportunité que nous ne laissâmes pas pas-ser : la création d’un laboratoire commun avecAlstom autour de l’intégration de puissance.C’est alors souvent ensemble que durantpresque dix ans nous avons pris la directionde Tarbes pour aller y rencontrer nos étudiantsen thèse et nos collègues industriels. Dans cetenvironnement aussi, Jean-Louis était à sonaise. Défenseur (parfois très « viril ») de sesidées contre vents et marées, tentant dedémontrer tous les bénéfices de sa chère(souvent jugée « trop chère » pour un indus-triel) intégration fonctionnelle, il savait nouscommuniquer sa foi en la matière. C’est sûre-ment de tous ces échanges, et de toutes cesinitiatives qu’est finalement né le projet3DPHI dont nous disions souvent entre nousqu’il « donnait des murs » à notre GDR. Direque tout cela s’est fait dans la douceur et quenous n’avons jamais eu à nous opposer seraitmentir. Mais sans lui, tout ce que la commu-nauté électronique de puissance académiquefrançaise est en train de démontrer n’auraitcertainement jamais pu voir le jour.

Ce que je sais aujourd’hui, c’est que l’inté-gration en électronique de puissance, qu’ellesoit hétérogène ou hybride, a perdu un de sesgrands chercheurs et qu’il manque à tousceux qui ont eu la chance de l’approcher. Etque moi, comme bien d’autres, j’ai perdu unAmi.

Thierry LebeyDirecteur de recherche au CNRS

Laboratoire plasma et conversion d’énergie, LAPLACE,Toulouse

“Sans lui, tout ceque la communautéélectronique depuissanceacadémiquefrançaise est entrain de démontrern’auraitcertainementjamais pu voir lejour.”

THIERRY LEBEY

INTÉGRATION FONCTIONNELLEHÉTÉROGÈNE

Ah, Jean-Louiset le silicium !

Page 11: Hommage à Jean-Louis Sanchez - LAAS

ment confrontée avec l’expé-rience, il a développé de nomb-reux concepts dont celui d’unefilière technologique d’intégra-tion modulaire flexible. C’estavec une étroite collaborationentre le LAAS et les entreprisesqu’est né ce concept. Il avait lemérite, non seulement d’êtreune intéressante idée scienti-fique, mais aussi celui nonnégligeable de plaire beaucoupaux industriels. La soutenancede l’habilitation à diriger desrecherches de Jean-Louis amontré au passage, par la com-position de son jury, mais aussipar l’étendue déjà considérablede ses relations avec le milieuprofessionnel, l’éclectisme deses relations ainsi que la hau-teur de vue de ses ambitions.Nous avions déjà souligné dansle rapport tout ce qu’il appor-tait. Dès le début de ces aventu-res, les grands noms de la puis-sance, anciens et modernes, s’é-taient retrouvés du même avis,au début des années 90, pourcréer une structure fédérativesous le haut patronage de laDGA, du CNRS et du MRT. Deuxentités sont nées, l’une fédéra-tive des laboratoires et des cher-cheurs, un GDR5 dédié, l’autreréunissant quelques industrielsconcernés privés et publics, leGIRCEP, servant lui de bailleurde fonds et de structure d’orien-tation. Cette aventure dura jus-qu’à l’apparition des nouvellesvisions de nos instances detutelle, c'est-à-dire environ 16ans, l’espace de quatre GDR.

Réunir les mordus descomposants de puissance etleurs utilisateursNous avions, en même tempsdès le début, fin 1992, avec Jean-Marie Peter, imaginé de réunirles mordus des composants depuissance et ceux qui en étaientles principaux utilisateurs. Pourcela, il fallait se confronter à cequi se faisait autour de nous, enparticulier en Europe. Jean-Louis Sanchez fut partant.D’autres se joignirent à nous.Nous fîmes alors un étonnantvoyage, avec cette communautéfinalement assez réduite desélectroniciens de puissance

attachés aux composantsdédiés, issue de divers laboratoi-res de recherche français, au tra-vers de la Suisse et del’Allemagne. En visitant ABB,Siemens, Semikron, ce groupe apris conscience de l’importancedu sujet et de la justesse denotre cause. Un des grandsmoments de cette tournéenous amena par un curieuxhasard à la fête de la bière àMunich, Oktober Fest.Mémorable soirée s’il en fut, oùl’esprit d’équipe qui présida à lacommunauté des amoureuxdes composants de puissancependant une quinzaine d’an-nées nous conduisit à quelquesdanses endiablées sur destables non prévues à cet effet,jusqu’à ce que des serveurszélés nous ramènent à de plusnobles attitudes. Il en resta bienplus que des souvenirs, une véri-table amitié et un partenariatdurable pour cette juste cause.

Ces GDR nombreux se sontsuccédés sous des directionsmultiples grenobloise et tou-lousaine, contribuant ainsi audéveloppement d’une activitéde recherche largement recon-nue en France et ailleurs, ajou-tant à la réputation aussi bienau LEG, qu’à l’INRETS, au CEGELYou encore au LESIR pour ne citerque les plus importants ; répu-tation se traduisant par despostes pour les chercheurs issus

“Donner laparole auxjeuneschercheurspour leshabituer àdéfendre leurstravaux.”Ici, Jean-LouisSanchezentouré dejeuneschercheurs deson groupe lorsde laconférencephare dans ledomaine descomposants etde l’intégrationde puissance,ISPSD 2003 àCambridge.

de ces laboratoires, aussi biendans la sphère publique quechez les fabricants de compo-sants comme Freescale,Siemens, ABB, ou ST Micro-électronics… et quelques jalou-sies. Jean-Louis fut l’une desprincipales chevilles ouvrièresde cette réputation, non seule-ment sur le plan organisation-nel mais aussi sur le plan péda-gogique et diplomatique. Ilassura la liaison avec le GIRCEPet ces relations furent chaleu-reuses. Elles donnèrent nais-sance à d’autres types de rela-tion comme les journées ditesde Montpellier.

Les journées de MontpellierCes journées furent une autreétape de notre vie avec la com-munauté des dispositifs de l’é-lectronique de puissance. Undes soucis de Jean-Louis était dedonner la parole aux jeuneschercheurs pour les habituer àdéfendre leurs travaux. Il sedémena pour que, dans les cré-dits du GDR, une ligne fût réser-vée à l’organisation de séminai-res destinés à faire un bilanannuel de ces travaux dans lesdivers laboratoires, devant lesmembres de la communautédes composants de puissanceet de leurs applications. Ainsinaquirent ces journées deMontpellier. Dans le cadre demanades ou de sites champêt-

20 21

Les amitiés scientifiques Les amitiés scientifiques

res, associés à des taureaux à la broche ouautres méchouis, se sont rencontrées lesdiverses générations de chercheurs et d’in-dustriels du domaine. Les journées étaientdestinées aussi à faire présenter par ces jeu-nes chercheurs les premières études sur cer-tains sujets, mais aussi de rencontrer tous lesacteurs de la communauté. Elles furent unespace d’échange particulièrement fruc-tueux et donc un lieu de critiques constructi-ves. Certains sujets de recherche y ont trouvéles raisons de leurs développements actuels.D’autres n’y ont guère survécu. Une traceécrite de ces journées demeure. Jean-Louisvoulait que soit ainsi marquée la vie de lacommunauté. Ce fut une occasion de faireconnaître la richesse de ces laboratoires sansmurs où tous les participants, des plusanciens aux plus jeunes, apportaient leurspierres à l’édifice. La reconnaissance estvenue et, au travers d’elle, l’attractivité… à sonégard. Personnage attachant, bien au-delà deses compétences, son champ d’activité s’estétendu. Lui furent confiées des responsabili-tés de plus en plus importantes qui ne ledétournèrent jamais de ses préoccupationspremières, même si elles lui prirent de plus enplus de temps et d’énergie. Combien sontaujourd’hui orphelins de sa gentillesse, de sadirection humaniste, de son accompagne-ment bienveillant, de son soutien à la rédac-tion, piloté par une exigence sans faille et unerigueur de celles que l’on rencontre chez lesterriens et que portent certains rugbymen.Exigence et rigueur de celles de ces hommesde devoir dont la satisfaction n’est pas celledes semailles, mais plutôt celle des moissons,voire celle de celui qui sait que la récolte n’estbelle qu’une fois rentrée, ou vendue.

Parlons un peu rugby, que j’évoqueailleurs6. Si l’on associe aussi souvent les ver-tus de ce sport et celles de la nature et ce quecela permet de matérialiser dans sa vie pro-fessionnelle, c’est parce que dans un cascomme dans l’autre, la distance entre succèset échec est mince et l’on sait bien que lagloire est éphémère alors que le travail finittoujours par être reconnu. La recherche,comme le rugby, comme la relation à la terre,comme l’enseignement, porte l’idée que lelendemain sera porté par les autres et quec’est sur eux qu’il faut construire en essayantde leur transmettre ce qui leur permettra d’a-vancer malgré les obstacles de la vie. Je suispersuadé que l’exemple de Jean-Louis mar-quera longtemps ceux qui l’ont côtoyé, etbien d’autres. Pour tout cela, et plus encore, ilétait, il est un modèle et je suis heureux etfier d’avoir tant partagé avec lui.

Pierre MerleProfesseur à l’Université de Montpellier 2

5 - Groupement derecherche

6 - Lire page 38

L’infatigableanimateur

HERVÉ MOREL

J e connais Jean-Louis depuis fort long-temps car nous avions à peu près lemême âge et, comme nous travaillionssur des sujets proches, l'intégration des

composants de puissance, nous avions eul'occasion de nous croiser lors de nombreusesoccasions. Je l'ai bien mieux connu, je crois en1998, quand nos ainés qui animaient jusqu'a-lors la communauté avaient fort judicieuse-ment décidé de passer la main pour la nou-velle version du GdR. C'était, si ma mémoireest bonne, en 1998, dans les locaux del'INRETS à Arcueil. Jean-Louis a vite été pro-posé comme directeur et nous avons forméune équipe, le bureau du GdR, pour l'anima-tion des différentes activités. Je crois que celaa été un tournant assez net dans l'animationde la communauté de l'intégration de puis-sance et j'ai eu l'occasion de participer à unnombre important de réunions de travailavec lui. Cela a été très formateur pour moi etje crois appliquer aujourd'hui encore sa philo-sophie : rechercher le consensus et l'intérêtgénéral. Il pensait, et je le pense aussi, quenous sommes plus forts quand nous savonsmutualiser nos idées, nos projets et nos rêves.

Je crois que cela a marché bien au-delà desquatre années pendant lesquelles il a animéle GdR ISP et, encore récemment, des idéesqui ont été débattues lors de ces réunions debureau, mais aussi et peut-être surtout lorsdes réunions annuelles du GdR qui setenaient toujours dans les environs deMontpellier, car à mi-distance des principauxacteurs du moment. Cela permettait d'orga-niser des déplacements en nombre et à faiblecoût tout en assurant un très bon niveau deconvivialité, chère à Jean-Louis.

Je crois que la réussite certaine de cetteanimation est beaucoup due à Jean-Louis età ses qualités. Je pense avoir poursuivi cetesprit dans l'animation du GdR SEEDS et il estbien clair que Jean-Louis restera dans mamémoire un exemple à suivre ! Je suis sûraussi que Jean-Louis a marqué son labora-toire, le LAAS, qu'il a dirigé trop peu de temps.Cela sera donc mes derniers mots : salut monami sincère.

Hervé MorelDirecteur de recherche au CNRS

Laboratoire Ampère, Lyon

“Un tournant dansl'animation de lacommunauté del'intégration depuissance.”

Page 12: Hommage à Jean-Louis Sanchez - LAAS

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Les amitiés scientifiques Les amitiés scientifiques

Les groupements de recherche du CNRS, GDR, sont des structures fédératives sans murs qui regroupent, à l’échelle nationale, lesmembres académiques d’une communauté thématique. Il en existe environ 170, toutes disciplines confondues, avec des mandats de4 ans renouvelables. Les GDR représentent une force commune dans leur discipline, ils facilitent les échanges au moyen de journéesthématiques et de colloques, mènent des projets à leur initiative ou en réponse concertée à des appels d’offre. Dédié à l’électroniquede puissance, le GDR SEEDS, « Systèmes d’énergie électrique dans leur dimension sociétale », rassemble ainsi environ 350 chercheurs etenseignants chercheurs et autant de doctorants.

1996-1999 : création du premier GDR de la communauté de l’électronique de puissance, « Intégration en électronique de puissance »,dirigé par Philippe Leturcq.

2000-2003 : le GDR devient « Intégration des systèmes de puissance »,il est dirigé par Jean-Louis Sanchez.

2004-2005 : nouveau GDR, ISP3D, « Intégration des systèmes de puissance en 3 dimensions »,dirigé par Hervé Morel.

2006-2009 : le GDR SEEDS, regroupement d’anciens GDR devenus alors des pôles (parmi lesquels ISP3D), est dirigé par Hervé Morel.2010 : renouvellement de SEEDS et du mandat de son directeur pour 4 ans.

Une amitié de chercheurL e lecteur de cette « Lettre du LAAS »

consacrée à Jean-Louis Sanchezdécouvrira de nombreux témoignagesqui, en réalité, convergent tous vers

une même observation : Jean-Louis était unhomme sensible, hautement apprécié, dyna-mique et de grandes connaissances scienti-fiques. Pour moi et pour répondre à cetteinterrogation, je vais m’appuyer sur la ving-taine d’années que nous avons passéeensemble, avec un but commun : développer,promouvoir et souvent défendre l’électro-nique de puissance en France. Nos premièresarmes : le GIRCEP, Groupement industriel derecherche en électronique de puissance, où, àl’étonnement de beaucoup, nous avons puconstituer un groupement capable de ras-sembler les forces vives nationales dans cedomaine. Le CNRS, au travers du LAAS, étaitalors représenté par un jeune chargé derecherche très volontaire : Jean-LouisSanchez. Nos contacts furent d’abord de fairevivre ce groupement puis l’occasion d’échan-ger nos idées sur la recherche et ses structu-res. Il fut alors pour moi un conseiller, maistrès vite nos points communs nous conduisi-rent à une amitié. Une amitié forte que cha-cun voudrait un jour posséder. Un ami, c’estma réponse à l’interrogation, une amitié dechercheur, une amitié de combat, une amitiéhumaine. Aussi, on ne peut oublier un telami, je lui dis merci pour tout ce qu’il m’adonné et au revoir.

Michel AmietDirection générale de l’armement

“échanger nos idéessur la recherche etses structures.”

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Les GDR de l’électronique de puissance

L e LETI et le LAAS ont une longue his-toire en commun, et les relations quenous avons nouées avec Jean-LouisSanchez se sont naturellement inscri-

tes dans celle-ci. Que ce soit dans la cons-truction des alliances nationales avecAllistene, dans celle du dispositif Carnotpour soutenir la valorisation des résultats dela recherche et le ressourcement, dans cellede la recherche technologique de base (RTB)pour maintenir une capacité d’investisse-ment dans les grandes centrales technolo-giques du CNRS et du LETI, et plus récem-ment dans les chantiers des investissementsd’avenir pour renforcer les écosystèmesd‘innovation et soutenir des lignes pilotessur les sites industriels, nous avons toujoursfait équipe avec Jean-Louis Sanchez, comp-tant sur sa loyauté, sa force d’entraînementet son expérience solide de la technologie.

Juste après l’annonce de la labellisationCarnot, nous nous étions retrouvés dans lacour du ministère de la Recherche et del’Enseignement supérieur pour préparer unestratégie commune afin de démarrer enavance de phase, pour une PME partenairedu LAAS, une fabrication de petites séries decapteurs au LETI à partir du transfert d’unetechnologie développée par les équipes duLAAS. Miser sur la valeur ajoutée de nos com-plémentarités et réunir les trois composan-tes : industrie, recherche et éducation, etsoutien des collectivités locales restent lesfondements de nos actions communes.

Saviez-vous que la qualité des candidatu-res des jeunes chercheurs du LAAS auconcours d’entrée au CNRS a explosé tousles compteurs en section 8 lors de ces der-nières campagnes ? Comme je l’en félicitai,Jean-Louis m’avait confié qu’il s’était particu-lièrement engagé dans la mise en place d’unparcours d’excellence pour les meilleurs thé-sards du LAAS, veillant à leur ouvrir la possi-bilité de compléter leur formation en stagepost-doctoral dans des universités derenommée internationale. Rejoindre l’al-

liance LETI-Caltech répondait à cette doublemotivation, de recherche et de formation,tout en renforçant nos coopérations LETI-LAAS dans un contexte d’excellence à visibi-lité internationale. C’est ce côté généreux deJean-Louis, attentif à préparer l’avenir etouvert sur les coopérations d’envergure, quenous avons souhaité perpétuer en proposantde donner son nom à un prix thèse que noussouhaitons lancer au LETI.

Jean-Louis, c’est aussi un ami, dans le sensle plus authentique, le plus humble et le plusjuste de l’amitié, une amitié qui rendmeilleur et rayonne au delà des frontières dela vie.

Marie-Noëlle SemeriaDirectrice adjointe de l’Institut Carnot CEA-LETI

“Réunir les troiscomposantes :industrie, rechercheet éducation, etsoutien descollectivités localesrestent lesfondements de nosactions communes.”

Miser sur la valeur ajoutéede nos complémentarités

LAAS ET CEA-LETI

Les centrales detechnologie du LAAS etdu CEA-LETI font partiedu réseau nationalRenatech pour larecherchetechnologique de base.

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Page 13: Hommage à Jean-Louis Sanchez - LAAS

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La formation des disciples

MA THÈSE SOUS LA DIRECTION DE JEAN-LOUIS SANCHEZ

La formation des disciples

La rencontre fondatriceLe début d’une longueaventure sur la rechercheen intégration fonctionnelle

A ujourd’hui ingénieureau CNES, VéroniqueLiberos-Pascal a sou-tenu sa thèse de doc-

torat en 1989. Elle est la pre-mière doctorante de Jean-LouisSanchez qui en encadrera oudirigera plus de vingt autrespar la suite. Parmi ces docteurs,un tiers a poursuivi une carrièredans le monde académique,dont trois au LAAS, et deux tiersse sont tournés vers la R&Dd’entreprises industrielles. Toussemblent avoir été marquésdans ce premier travail derecherche, outre par ses quali-tés scientifiques et la rigueurde ses méthodes, par la dispo-nibilité de Jean-Louis Sanchezet son « soutien sans faille etquasi paternel » comme l’ex-prime Marie Breil-Dupuy,aujourd’hui chercheuse auLAAS. Impression que confirmeRadouane Berriane, productrégional manager au site deSTMicroelectronics de Casa-blanca, qui rapporte en outreavoir eu gîte et tables ouvertschez son directeur de thèse.

E nsemble, nous avons fait nos pre-miers pas : lui en tant que directeurde thèse pour la première fois et moien tant que jeune thésarde. Une

thèse, c'est plus qu'un diplôme, c'est l'entréevers la vie active. Jean-Louis savait partagersa passion avec son entourage. La compé-tence, la rigueur et le travail en équipeétaient ses grandes qualités. Toujours dansla bonne humeur, quelles que soient les dif-

Nos premiers pas

«Une thèse, c'est plus qu'un diplôme, c'est l'entrée vers la vie active »

C ela fait maintenant12 ans que j’ai quittéle LAAS, Toulouse etmes amis. Cette

année particulièrement, j’ypensais beaucoup plus et m’é-tais promis d’appeler pourreprendre contact. C’est celundi matin du 16 mai, tandisque je me connecte surInternet pour chercher lescoordonnées, que je tombesur la terrible nouvelle. J’ai eudu mal à comprendre et àaccepter pendant plusieursjours et même maintenant,c’est encore difficile.Aujourd’hui, mon meilleur amin’est plus là. Après plusieursmois d’immense tristesse et decolère, le LAAS me donne lachance de m’exprimer et de lefaire vivre à ma façon à traversce témoignage.

J'ai rencontré Jean-Louispour la première fois lors demon stage de DEA en 1990.C’était le début d’une longueaventure sur la recherche enintégration fonctionnelle enélectronique de puissance quia abouti à la réalisation d’uninterrupteur intégré de puis-sance. Pour ma part, ce travails’est soldé par un doctoratsoutenu en 1993 sous la direc-tion de Jean-Louis, suivi d’unpost-doctorat au LAAS, sup-porté par ST Microélectronicsde Tours, sur le développe-ment de filières technolo-giques MOS-Thyristor adap-tées à l’intégration fonction-nelle de nouveaux dispositifsde puissance et enfin d’undoctorat d’Etat que j’ai sou-tenu au Maroc en 1997, où

Jean-Louis par ailleurs m’a faitle privilège d’être présent.

Sept années de vieprofessionnelle et d’amitiéCes 7 ans de vie profession-nelle et d’amitié ne pourronten aucun cas se raconter enquelques mots. Me reviennenten tête sa disponibilité per-manente, sa gentillesse sanslimite, le soutien et sa pré-sence dans les manips délica-tes en salle blanche où il fal-lait être à 6h du matin poursortir les plaquettes des fours,son soutien et ses encourage-ments sur la suite à donneraprès des résultats au départdécourageants. Ses conseilspermanents au coin café. Letemps qu’il passait à corrigermes innombrables fautesd’accents lors de la rédactionde mes deux thèses et de lavingtaine d’articles que nousavions publiés ensemble.

Jean-Louis, au-delà de sonprofessionnalisme et de sagrande compétence tech-nique, avait des qualitéshumaines, était un hommeexceptionnel, il était monmeilleur ami. Son sourire per-manent, son enthousiasmeconstant, son dynamisme, sapuissance de travail et, sur-tout, sa simplicité m’ont mar-qué pour toujours et conti-nuent d’influencer de près oude loin ma façon d’être dansma vie de tous les jours etdans mon domaine de travailactuel. Au-delà du travail, jen’oublierai jamais les momentsde détente que l’on partageaitau travers des activités sporti-

ves, le week-end en famille oùj’ai toujours eu une chambredisponible quels que soient lemoment et l’heure, l’intermi-nable footing au bord ducanal, les séances d’entraîne-ment au club de rugby de LaBastide-Beauvoir. Les matchsamicaux en France, le voyage àGlasgow et surtout les troisiè-mes mi-temps. La veille demon départ au Maroc, il me fitl’immense surprise d’organi-ser une soirée exceptionnellechez lui en invitant tous mesamis du LAAS et notre équipede rugby. Cette soirée est res-tée gravée dans ma mémoirepour toujours.

Je ne te remercierai jamaisassez Jean-Louis pour tout ceque tu as fait pour moi, etpour ton amitié. Je suis trèsaffecté par ta disparition.J'espère que tu reposeras enpaix là où tu es. Je pense trèsfort à ta famille, aux amis duLAAS et à l’équipe de rugby. Jene t'oublierai pas Jean-Louis,tu as marqué mes 7 ans derecherche scientifique auLAAS, mes 13 ans de carrièreprofessionnelle et ma vie engénéral.

Radouane BerrianeProduct Regional Manager,

STMicroelectronics Casablanca

“Les manipsdélicates ensalle blancheoù il fallaitêtre à 6h dumatin poursortir lesplaquettesdes fours.”

“Toujours dans labonne humeur,quelles que soientles difficultés, ilétait disponible etfaisait face pourtrouver dessolutions.”

ficultés, il était disponible et faisait face pourtrouver des solutions. Je lui dois beaucoup etc'est bien grâce à lui que j'ai pu mener monparcours professionnel au CNES. Un seul reg-ret, ne pas avoir pu partager plus demoments avec lui.

Véronique Liberos-PascalIngénieure au CNES

Page 14: Hommage à Jean-Louis Sanchez - LAAS

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La formation des disciples La communauté internationale

M on premier contactavec le LAASremonte à novem-bre 1993 où, en

dernière année à l’ENSEEIHT, jecherchais un stage de fin d’é-tude pour valider à la fois le DEAet le diplôme d’ingénieur. Àcette époque, je n’étais pasencore vraiment fixée sur mesprojets professionnels et c’est àla lecture d’une brochure duLAAS proposant différentssujets que j’ai décidé de prendrecontact avec des permanentsde ce laboratoire et notammentun certain Jean-Louis Sanchez.À l’issue de notre entretien, l’en-thousiasme de la personne etsa vision de l’évolution de la thé-matique m’ont incitée à choisirson sujet. Il portait sur l’étudede dispositifs semi-conducteursde puissance, en vue de la réali-sation de circuits de protectionpour des applications réseau. Cechoix fut par ailleurs confortélors d’enseignements sur lescomposants de puissance quece chargé de recherche dispen-sait avec une passion communi-cative en dernière année ducycle d’ingénieur.

Le contenu scientifique dustage s’inscrivait dans lecontexte plus général de l’inté-gration fonctionnelle quiconsiste à intégrer dans lemême substrat de silicium uninterrupteur et les circuits decommande et de protectionassociés, en utilisant la techno-logie de l’interrupteur de puis-sance. Ce travail fut ainsi lepoint de départ d’un projetambitieux, initié conjointementpar des chercheurs du LEEI1 et legroupe CIP2 du LAAS, et dont

l’objectif était d’intégrer sousforme monolithique une fonc-tion interrupteur particulière, le« thyristor dual ». Jean-Louisproposa d’aller plus loin dansces travaux dans le cadre d’unethèse, et, encouragée et moti-vée par son dynamisme, j’accep-tai de continuer dans cette voie.

Durant ces trois années dethèse, j’ai particulièrementapprécié sa rigueur scientifiqueet sa disponibilité dans les diffé-rentes étapes de mes recher-ches, que ce soit dans le choixdes architectures de compo-sants ou lors des phases deconception, de réalisation tech-nologique et de caractérisationdes dispositifs. Ainsi, à quelquesminutes d’intervalle, on pouvaitrencontrer Jean-Louis devant unmicroscope en salle blanche,discutant devant le tableaudans son bureau ou faisant uneanalyse détaillée de résultats desimulations ou de mesures.Dans cette démarche métho-dique, il a toujours eu le soucique le travail réalisé soit valorisépar le biais de publications tantau niveau national qu’interna-tional, et notamment lors desjournées GDR auxquelles il étaittrès attaché car elles permet-taient régulièrement, de façontrès conviviale, d’échanger desidées et faire un état de l’artentre industriels et équipes derecherche françaises du génieélectrique. Ainsi, l’intérêt portépar la société ST Micro-electronics de Tours sur lethème de l’intégration fonc-tionnelle a-t-il permis de tra-vailler pendant de nombreusesannées en collaboration avecles ingénieurs R&D de cette

“A quelquesminutesd’intervalle,on pouvaitle rencontrerdevant unmicroscopeen salleblanche,discutantdevant letableau dansson bureauou faisantune analysedétaillée derésultats desimulationsou demesures.”

« Je me destinais àl’enseignement »

MARIE BREIL-DUPUY, CHERCHEUSE AU LAAS

même société. Grâce aux nom-breuses réunions que nousavons eues avec eux et qui sesont déroulées tout au long dema thèse, j’ai pu approfondir laréflexion sur l’étape d’optimisa-tion d’une partie de l’architec-ture semi-conductrice de lafonction « thyristor dual »,laquelle offrait un potentielapplicatif intéressant pour unfabricant de composants depuissance. Dans ce cadre, unbrevet, dont nous étions co-inventeurs, a été déposé et aconstitué pour moi une conti-nuité des travaux avec un stageen post-doc dans l’entrepriseafin de développer une struc-ture destinée à valider leconcept breveté. À l’issue decette dernière année, dans unsouci de renforcer l’actionmenée depuis plusieurs annéespar le groupe sur l’intégrationen électronique de puissance,Jean-Louis me persuadait detenter le concours d’entrée auCNRS. Tandis que je me desti-nais plutôt à l’enseignement,son aide considérable pourconstituer un bon dossier decandidature et la préparation del’oral, le soutien sans faille etquasi paternel qu’il m’a apportém’ont permis d’obtenir un postede chargé de recherche auconcours général, ce qui n’a étépossible que grâce aux effortssoutenus de Jean-Louis pourdonner une visibilité forte duthème de l’intégration de puis-sance au niveau de la commu-nauté nationale.

Marie Breil-DupuyChargée de recherche au LAAS-CNRS

1 - Lire page 15

2 - Composants etintégration de puissance

I have known Jean-Louis Sanchez formore than two decades. I have interac-ted with him professionally, personallyand socially and I consider him as a

friend with whom I take special time to havea chat with, in every conference/meeting-/occasion to meet. He was a genuine personand was one of the few people I couldconsult on many issues. I trusted him to theextent that when my daughter, Priyanka DeSouza, asked me where she could spend hermaster internship, LAAS under Jean-LouisSanchez was my first choice. She enjoyed hertime at LAAS very much. In 2009-2010,Sanchez and I were discussing about hisinvitation for me to spend three months inhis lab each year for a few years and we weregoing to firm this up, until this unfortunateevent happened. His sad death is a great lossto his family, his friends and the scientificand technical community world-wide.

Shankar Ekkanath MadathilRolls Royce/Royal Academy of Engineering

Professor of Power Electronics SystemsSheffield University, UK

I was fortunate enough to closely knowJean-Louis Sanchez for many years sincewe worked together as members of theExecutive Technical Committee of the

International Symposium on PowerSemiconductor Devices and ICs (ISPSD).Since the ISPSD is truly an internationalconference being held each year in a diffe-rent city alternating between NorthAmerica, Asia and Europe, I had the opportu-nity to travel and meet with Jean-Louis inmany different parts of the world. Jean-Louis was always fascinated to know aboutthe different cultural aspects of the coun-tries we visit with the same level of enthu-siasm as his interest in the technical exchan-ges. His friendly, warm and cordial attitudein addition to his very valuable technicalcontributions made him extraordinarilypopular not only among the ExecutiveTechnical Committee members but also toall the conference attendees from all overthe world.The death of Jean-Louis Sanchez isa great loss to all the community of PowerSemiconductor Devices. Jean-Louis’s bigsmile is going to be missed!

Dr. Mohamed DarwishPresident

MaxPower Semiconductor Inc.Santa Clara, CA. U.S.A

General Chair ISPSD 2011

La reconnaissance par les pairs

Jean-Louis Sanchezlors de la conférenceinternationale pharedans le domaine del’intégration depuissance, ISPSD, en juin2009.

Page 15: Hommage à Jean-Louis Sanchez - LAAS

Q uand j’ai reçu le 16mai un appel d’unami commun, LuisMartínez Salamero,

m’annonçant la mort de Jean-Louis, je n’ai pas réagi tant lanouvelle était inattendue. Il yavait moins d’un mois quenous nous étions rencontréspour la dernière fois. C’étaitune rencontre fortuite à lastation de RER d’Antony. Jean-Louis allait à Orly pour rentrerà Toulouse et moi je venaisd’arriver pour assister à uneréunion à Paris. Nous avonslaissé passer nos trainsrespectifs car nous avionscommencé à parler du LAAS,du CNM, des conférences aux-quelles nous participions, desprojets communs et aussi denos familles. C’était assezhabituel pour nous de nousconsulter sur des sujets detravail et de continuer sur nosfamilles.

Notre relation a commencéau début des années 80 avecun sujet scientifique surlequel nous travaillions tousles deux à l’époque : la phy-sique des composants DMOSde puissance. Nous étionsconvaincus que l’effet dequasi-saturation que mon-traient leurs caractéristiquesélectriques en direct était dûau pincement de la zone deconduction des électronsentre les cellules adjacentesdu composant (région JFET),et non à la saturation de lavitesse des électrons dans le

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La communauté internationale

De la physiquedes composantsde puissance àl’amitié

canal MOS, comme nous l’a-vions démontré auparavantpar simulation. Notre relationscientifique a continué jus-qu’à aujourd’hui. Cette rela-tion professionnelle est deve-nue plus étroite avec le temps.Le nombre de fois où nousavons participé à des jurys dethèse, de promotion de collè-gues, de comités scientifiquesde conférence et à des confé-rences proprement dites estinnombrable. Quelquefoisnous emmenions nos épousesà ces conférences. Je n’oublie-rai pas les visites deWashington et San Francisco.Nos trajectoires profession-nelles ont en outre été assezparallèles. En plus des aspectsscientifiques mentionnés, nosactivités de gestion de noslaboratoires respectifs se sontdéroulées presque simultané-ment, ce qui a renforcé notrelien.

José MillánProfesor de Investigación CSIC

CNM, Barcelone

1989-1990 : relais decourse à pied entreToulouse et BarceloneEn 1989, cette première aventure sportivecollective au LAAS consistait à relier en relaisToulouse à Barcelone. Amitié, ténacité et espritd’équipe pourraient en être les maîtres-mots.Amitié forgée dans l’effort et le partage avec Jean,José, Marc, Philippe, Guy, Jean-Christophe, Louise,Houria et bien d’autres. Sans oublier, Chantal tonépouse, Magali ta fille, Martine, Mathieu,Josiane,…, qui étaient là pour assurer lesencouragements et la logistique. Ténacité lors deslongues semaines d’entrainement le long du canaldu midi ou sur les côteaux de Pech-David, pourpréparer une course non-stop de 3 jours et 2 nuits.Chacun a parcouru 7 ou 8 relais d’une dizaine dekilomètres quelle que soit la météo ou le dénivelé.Esprit d’équipe dont tu as fait preuve lorsque l’undes relayeurs s’étant blessé à l’approche del’arrivée, tu as assuré deux relais consécutifs. Tu asensuite pu goûter au repos sur le matelasembarqué de chez toi installé dans l’estafette quiservait tout à la fois de dortoir, de garde-mangeret de cantine. Les membres de cette équipée sesouviennent encore avec nostalgie des momentsde partage autour des grillades faites derrièrecette fameuse estafette. L’aventure se reproduitl’année suivante dans l’autre sens, Barcelone-Toulouse. Pour saluer cette implication, lelaboratoire apportera son soutien en affrétant unbus pour la logistique. L’équipe finirahonorablement dans le milieu du classement.L’intérêt n’était pas là, mais bien dans l’aventurehumaine et collective qui fait que bien longtempsaprès cette course toute la fine équipe partageencore une franche amitié.

Hugues GranierIngénieur de recherche au LAAS-CNRS

Les sujets scientifiquesn’étaient pas nos seulscentres d’intérêt

J e suis venu au LAAS pour la premièrefois en 1983 dans le cadre d'une boursede six mois du gouvernement français.J’ai été intégré dans l’équipe de puis-

sance alors dirigée par le professeur PhilippeLeturcq. C'est dans cette équipe que Jean-Louis Sanchez avait préparé sa thèse de doc-teur ingénieur, sur l’optimisation de la résis-tance à l’état passant des transistors DMOSde puissance. Nous avons travaillé ensemblesur les problèmes de simulation de compo-sants de puissance avec les logiciels IMAG3,NAP2 et ensuite SPICE.

Deux ans plus tard, en juillet 1985, j'aiobtenu un poste rouge et intégré l'équipe depuissance du professeur Leturcq. Pendantpresque la totalité de mon séjour à Toulouse,j'ai partagé un bureau avec Jean-Louis, ce quinous a permis de nous rapprocher. Les sujetsscientifiques n'étaient pas les seuls centresd'intérêts que nous partagions. C'est grâce àJean-Louis que j'ai commencé à courir aubord du Canal du Midi. Nous nous sommespréparés ensemble au marathon Toulouse-Barcelone. Jean-Louis, un vrai homme descience, m'avait donné beaucoup de conseilset de documents concernant le jogging. Ilm’a fait partager sa passion pour ce sport eta réussi à m'enthousiasmer pour cette formed'activité. Inspiré par Jean-Louis, même après

mon retour en Pologne en octobre 1991, j'aicontinué à courir.

Le rugby était une autre passion de Jean-Louis. Je me souviens très bien du match derugby -le premier de ma vie !- entre thésardset chercheurs où j’ai joué dans la mêmeéquipe que Jean-Louis. Il m’a dit après lematch que ma prestation n’était « pas mal »,bien que je connusse peu les règles de cejeu…

Après mon retour en Pologne, j’ai gardédes liens avec le LAAS et particulièrementavec Jean-Louis. Nous avons très vite com-mencé les programmes TEMPUS coordonnéspar le professeur Augustin Martinez et jevenais en France très souvent dans le cadrede coopérations entre l'INSA, le LAAS et leDMCS TUL1 (mon département). En 1994,nous avons démarré le programme BAR-MINT dirigé par Daniel Estève. Cela m’adonné l’occasion de revenir au LAAS et ensalle blanche où Jean-Louis travaillait vrai-ment beaucoup.

En avril 1994, nous avons organisé dans lecadre de TEMPUS la première conférenceMIXDES2. Jean-Louis était membre du comitéscientifique dès la première édition. Il l’estresté toutes les années suivantes jusqu'à laconférence de juin 2011 à laquelle il n'a paspu participer…

En septembre 2010, nous étions ensembleavec nos épouses à Prague au 10th

International Seminar on Power Semi-conductors, ISPS’10. C’est la dernière fois quej’ai vu Jean-Louis. J'ai gardé sa lettre du 15avril 2011 dans laquelle il me remerciait demon invitation au 15e anniversaire du DMCS3

en expliquant qu’il ne pouvait pas venirparce qu'il serait en Californie.Il est difficile d'imaginer le LAAS sans Jean-Louis et son sourire.

Andrzej NapieralskiProfesseur à l’université technique de Lodz,

Responsable du Départementde microélectronique et d’informatique

« Séjour à Prague dansle cadre de l' ISPS 2010.Une heure plus tardnous nous sommes ditau revoir sans savoir quec'était pour la dernièrefois… ».Au premier plan, Jean-Louis et Chantal Sanchez,au second plan,Malgorzata Napieralska,elle-même par ailleursdocteure du LAAS en1991.

Nous nous sommespréparés ensemble aumarathon Toulouse-Barcelone. Jean-Louis, unvrai homme de science,m'avait donné beaucoupde conseils et dedocuments concernant lejogging.

1 - Department of Microelectronics andComputer Science of the TechnicalUniversity of Lodz

2 - Mixed Design of Integrated Circuits ansSystems

3 - 27 Mai 2011

La communauté internationale

Page 16: Hommage à Jean-Louis Sanchez - LAAS

D ès 1982, une collabo-ration étroite quideviendra pérennepar la création de

trois laboratoires communsdébuta entre le LAAS-CNRS etMotorola Semiconducteurs,maintenant Freescale. Au LAAS,les fondateurs, Danielle Bielle-Daspet, Augustin Martinez,Philippe Leturcq et Pierre Rosselont rapidement intégréGeorges Charitat et Jean-LouisSanchez dans leur équipe.Jean-Louis a initié les premierstravaux sur le thème de l'inté-gration fonctionnelle de puis-sance qui a pour but d'intégrerdans un même cristal la fonc-tion d'interrupteur de puis-sance avec les différentes fonc-tions de commande et de pro-tection. Très attaché aux appli-cations industrielles, il a orientéses recherches vers la gestionde l’énergie électrique.

Très vite, Jean-Louis estdevenu un leader incontesté dece domaine et, après la dispari-tion brutale de Pierre Rossel etde Georges Charitat, il prit laresponsabilité du groupe derecherche « Composants etintégration de puissance ».Dans cette fonction, il a montréqu'il savait mener de front lesrecherches à caractère fonda-mental grâce à de solides com-pétences en physique des semi-conducteurs et en technologiedes composants ainsi que destravaux à caractère appliquédirectement utilisables par l'in-dustrie. Sa double formationd'ingénieur et de chercheur et

Les collaborations industrielles

ses qualités intellectuelles dou-blées du sens du concret lui ontpermis de mener à bien ces dif-férents travaux.

Des avancées scientifiquessuivies de concrétisationsindustriellesDès le début de notre collabo-ration j'ai été impressionné parses compétences scientifiqueset techniques, son esprit créatifet sa grande capacité de travail.Ainsi, il est à l'origine d'avan-cées majeures dans l'intégra-tion de puissance qui se sontconcrétisées par la mise au

point puis l'industrialisationd'un composant intégrantmonolithiquement la diode deroue libre et de nouvelles archi-tectures 3D afin d'assurer lamaîtrise en tension des disposi-tifs IGBT ainsi que l'émergencedu dernier composant MOS-i-Stars, élément essentiel de l'al-terno-démarreur équipant lesvéhicules « Stop and Start ».

Très rapidement, je découvrisune autre facette de sa person-nalité : il adorait le travail d'é-quipe et, alors que je lui attri-buais le succès de telle ou tellechose, lui l'attribuait au travail

Application àl’éclairaged’un transistorde puissance

Porter haut lesrecherches sur lessystèmes de puissance

LAAS - FREESCALE

L’histoire commune duLAAS et du Centre nationalde microélectronique espa-gnol, le CNM, est une colla-

boration continue de plus de 30ans. Le catalan Francisco SerraMestres, qui fondera et dirigera leCNM, a préparé sa thèse, soute-nue en 1967, au Laboratoire degénie électrique de Toulouse, dontest issue l’équipe fondatrice duLAAS moins d’un an plus tard. Deretour à Barcelone, il garde desrelations scientifiques et person-nelles avec ses collègues toulou-sains et une idée en tête. « J’aiappris la nécessité d’avoir les micro-technologies à portée de main pourréaliser une recherche en micro-électronique de qualité » écrit-il 40ans plus tard en évoquant cetteépoque. C’est alors tout naturelle-ment qu’au début des années 80,ils’appuie sur les compétences duLAAS en technologies micro-électroniques pour la constructiond’une première salle blanche àl’Université autonome deBarcelone. Dans ce cadre, l’un descontributeurs du LAAS, Gérard

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La communauté internationale

Sarrabayrouse, chercheur auCNRS, bénéficie d’une bourseMercure durant 3 ans pour appor-ter son expertise dans la mise enplace de la technologie. « C’est lesavoir-faire technologique de GuyPierrel et de l’équipe technique duLAAS qui nous a permis de réalisernotre premier transistor MOS ».Toujours sous l’impulsion deFrancisco Serra Mestres naît peude temps après le CNM, premiercentre de recherche en micro-électronique d’Espagne.

Les deux laboratoires prati-quent dès lors une collaborationsuivie tant institutionnelle qu’in-terpersonnelle. Des travaux com-muns sont conduits dans lesdomaines des systèmes et disposi-tifs de puissance, des capteurs etdes micro et nano technologies,donnant lieu à plusieurs stages,thèses et post-docs dans lesannées 80 et 90. Au début desannées 2000, sous l’impulsion deJean-Louis Sanchez côté français etJosé Millan, alors directeur duCNM, côté catalan, collaborationset échanges de chercheurs sont

Les thématiques scientifiques abordées conjointementau CNM et au LAAS des années 1980 à 2010Années 1980 :Fiabilité des couches de silice : Réalisation de couches de SiO2 et étude de fiabilitéCircuits intégrés CMOS : Conception de circuits intégrés CMOSAnnées 1990 :Circuits intégrés Smart Power : Conception de circuits intégrés de puissance intelligente (Smart Power)2004-2008 :Validation expérimentale du capteur de tension d’anode :Réalisation d'un capteur de tension d’anode permettant de valider expérimentalement la méthode de protectioncontre les surtensions des IGBT haute tension 2006-2009 :Conception d’un IGBT faibles pertes :Réalisation d'un IGBT faibles pertes permettant de valider expérimentalement la méthode de mise en parallèle d’unIGBT rapide aux faibles pertes en commutation et d’un IGBT lent aux faibles pertes en conduction 2007-2010 :Composants MOS de puissance intégrés sur SOI-CMOS :Réalisation, modélisation et caractérisation de transistors MOS de puissance 120 Volts pour circuits intégrés entechnologie CMOS sur SOI 0,18 μm Capacités MOS sur Nitrure de Gallium (GaN) : Réalisation, modélisation et caractérisation de capacités MOS surNitrure de Gallium (GaN) sur substrats Saphir et Silicium

L’électronique de puissance transpyrénéenneLAAS-CNM

renforcés sur la thématique com-mune des composants et de l’inté-gration de puissance. Un docteurdu LAAS fait un séjour post-docto-ral de 18 mois au CNM tandis quedeux docteurs du CNM séjournentdeux ans chacun au LAAS. Danscette continuité, des collaborationsimpliquant des chercheurs et doc-torants des deux laboratoires sonten cours aujourd’hui. Le LAAS et leCNM sont partenaires de Train,Transpyrenees Action on AdvancedInfrastructures for Nanosciencesand Nanotechnologies, projeteuropéen de mise en réseau decompétences scientifiques, éduca-tives,techniques et administrativesdans le domaine des micro etnanotechnologies. Le projet finan-ce notamment des échanges etséjours chez ses partenaires fran-çais, espagnols et portugais. Outrele LAAS et le CNM, ceux-ci sontl'Université et l'INA de Saragosse,l'Institut technique chimique deValence, le CEMES-CNRS àToulouse, l'IES à Montpellier, leCIC Nanogune à Bilbao et l’INESCMN à Lisbonne.

“ C’est lesavoir-fairetechnologiquede Guy Pierrelet de l’équipetechnique duLAAS qui nousa permis deréaliser notrepremiertransistorMOS.”

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Les collaborations industrielles

30 ansde collaboration LAAS - Freescale1984 • lancement de la première thèse CIFRE. Les retombéescontribuent à établir Motorola comme leader européen del’application « allumage » pour l’automobile.1990 • deuxième thèse CIFRE, qui contribuera avec la premièreau développement de la filière transistors bipolaires depuissance haute tension pour le marché des lampes d’éclairageà basse consommation.1991-1996 • Modélisations physique et « circuits » destransistors MOS de puissance. La collaboration s’exercenotamment par deux thèses soutenues en 1994 et 1996. Lesmodèles conçus lors de ces travaux ont été implémentés dansles logiciels utilisés par les concepteurs de circuits de Motorola.1992 • le LAAS et Motorola reçoivent le prix Michel Benech del’Innovation en Midi-Pyrénées pour l’invention de la technologieSIPOS.1992-1995 • Quatre nouvelles thèses dont l’une donnera le coupd’envoi de la réflexion sur la filière composants de puissanceIGBT mariant les compétences bipolaires et MOS du LAAS.1995 • Le prix Équipe de recherche de l’année du CNRS et duNouvel économiste est attribué au LAAS et à Motorola pour unecollaboration exemplaire entre recherche et industrie.1995-1998 • Un premier laboratoire commun, LCIP, Laboratoirecapteurs et intégration de puissance, offre un cadre formel à lacollaboration et un vivier pour l’éclosion d’idées qui ferontl’objet de thèses et de dépôts de brevets.1999 • le LAAS et Motorola reçoivent à nouveau le prix MichelBenech de l’Innovation en Midi-Pyrénées pour l’invention descomposants de puissance à îlots flottants (FLIMOS).2001 • nouvelle thèse, dont les modèles sont intégrés dans lescircuits de puissance SmartMOS™ de Motorola, tandis qu’uneautre inaugurera une longue série sur le transistor MOS à îlotsflottants (FLYMOS), qui a fait l’objet de nombreux brevets etdéveloppements.2001-2004 • deuxième laboratoire commun, LCIP2, Laboratoirecircuits intégrés de puissance, destiné à améliorer la fiabilité etles performances des circuits intégrés de puissance SmartMOS™de Motorola.2004 • Motorola Semiconducteurs devient FreescaleSemiconducteurs.2005-2008 • troisième laboratoire commun, LISPA, Laboratoired’intégration des systèmes de puissance avancés. Dans ce cadre,des composants MOS de puissance avancés (FLYMOS), desstructures de protection contre les décharges électrostatiques(ESD) et de nouvelles architectures de convertisseurs DC/DCsont conçus.2008-2011 • projet ANR MOS i-StARS. Le tout dernier composantMOS i-StARS, est un élément essentiel de l’alterno-démarreurqui équipe désormais de nombreux véhicules utilisant lesystème « Stop and Start ».2009-2011 • projet ANR Nano-INNOV ToPoGaN1. Depuis 2009, lacollaboration s’étend à un nouveau matériau prometteur enmicro-électronique de puissance : le Nitrure de Gallium (GaN).

Aujourd’hui, 7 projets associant le LAAS et Freescale sont actifs,tandis qu’une nouvelle convention de thèse CIFRE est en coursde montage.

des chercheurs et ingénieurs du laboratoirecommun. En outre, au fil du temps il estdevenu un leader charismatique sachanttenir le rôle d’animateur et de catalyseur pourses associés et ses partenaires. Il savait « libé-rer » et galvaniser les énergies des membresde son groupe afin d'en tirer le meilleur. Cettequalité-là, peu de leaders la détiennent.Leader au niveau régional, il l’était aussi auniveau international ; souvent appelé pourprononcer des conférences plénières sur l'in-tégration de puissance dans les congrès inter-nationaux, il était très écouté de ses pairs.

Connaissance de l’état de l’art, décisionsstratégiquesSes compétences et connaissances, je les aifortement appréciées et utilisées tout derniè-rement lors du montage de deux projets. Lepremier concernait la création de l'IRT deToulouse dans le cadre des investissementsd’avenir, pour lequel nous avons rédigéensemble la définition des deux plateformes,l'une sur les micro et nano systèmes, l'autresur la conversion et gestion de l'énergie. Lesecond projet prévoyait la création d'une nou-velle filière de composants de puissance sursubstrats GaN/Si (Topogan).

Enfin, sa connaissance de l'état de l'artdans le domaine des composants et circuitsde puissance et sa capacité à faire des synthè-ses claires et argumentées ont permis à l'in-dustriel que je suis de faire des arbitragestechniques difficiles et de prendre des déci-sions stratégiques. Sans sa contributionessentielle, notre équipe n'aurait pu convain-cre les différentes instances décisionnelles dubien-fondé de la stratégie que nous dévelop-pions dans le projet Topofet : allier le dévelop-pement d’une filière de rupture technolo-gique (GaN/Si) à une recherche pérenne surles structures Silicium.

Comment rendre hommage à Jean-Louis sice n'est tout simplement pour tous les privilé-giés qui ont avec lui conduit de grands parte-nariats comme pour tous ceux qui ont eu lachance d'être associés à ses travaux, de bienpoursuivre la mission qu'il s'était assignée :continuer à porter haut pour le LAAS la qualitédes recherches sur les systèmes de puissanceet pour notre région et notre pays la mise enroute de grands projets collaboratifs Industrie-Recherche académique.

Jean-Louis était comme beaucoup de tou-lousains fervent de rugby - il fut joueur et plustard entraîneur pour qui l'esprit d'équipe n'é-tait pas un vain mot. Saisissons la belle passequ'il nous a faite et ensemble portons la balledans l'en-but.

Denis GriotPrésident honoraire de Freescale EMEA

(Europe, Middle East, Africa)

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Les collaborations industrielles

Définir un futur am bitieuxpour notre région

J ean-Louis Sanchez faisait partie denotre équipe LAAS/Freescale depuis silongtemps que je ne me souviens pasde notre première rencontre. Au tra-

vers des laboratoires communs successifs,nous avons mené de nombreux travaux, jeretiendrai en particulier ceux sur les cir-cuits de puissance. En effet, certains de cestravaux ont permis, par exemple, l’avène-ment de l’application « Start et Stop » quiéquipe aujourd’hui de nombreux véhiculeset réduit considérablement consommation,bruit et émissions en cycle urbain. Nousavions également avec Jean-Louis de nom-breuses rencontres informelles, et nousavions un but commun : définir un futurambitieux pour notre région, en portantdes projets reposant sur les compétencesdu LAAS, mais aussi sur celles des entrepri-ses et des autres grands laboratoires natio-naux.

Nous voulions que ces projets aient unsens industriel, tout en reposant sur desaxes de recherche sur lesquels nous avionsdes compétences locales, et je devrais diresur lesquels IL était compétent. Dans ledomaine de ses compétences, nous n’a-vions que l’embarras du choix, c’est ainsique nous avons lancé par exemple le projetconcernant le nitrure de Gallium qui ouvrela porte à de nombreuses applications por-teuses d’espoir pour l’avenir. En effet, l’utili-sation croissante des énergies renouvela-bles va nécessiter la maîtrise d’énergies(Tension/Intensité) plus importantes etpour lesquelles de nouvelles solutions doi-vent être développées. Lorsque nous avonsdû annoncer notre intention d’arrêter lapartie production sur le site de Toulouse, ila tout de suite vu ce que ces pistes pou-vaient amener comme solutions possibles,et il a énormément œuvré dans cette direc-tion.

Toujours franc et direct, je n’ai pas sou-venir qu’il ait un jour dit « je ne peux pas lefaire.. » ; bien au contraire, j’entends encore« je suis un peu à la bourre, je le fais ceweek-end, je te fais passer une solutionavant dimanche soir.. » avec son calme et

son sourire habituels. Quelques heuresavant sa disparition, il me faisait un SMS« je le fais lundi matin.. ». Il n’en aura pas eule temps !

Fils de viticulteur, je me suis découvertavec Jean-Louis, non seulement des racinescommunes, mais aussi un intérêt communautour de la vigne et du vin. Il était fier, àjuste titre, de noter que dans son cas il avaittransmis cette passion comme il l’avaitreçue. Ses yeux brillaient de plaisir lorsqu’ilparlait du Minervois, de l’Aude, des garri-gues et de la vigne. Y a-t-il meilleure façonde parcourir ce pays qu’avec son chiencomme il aimait le faire chaque fois queson emploi du temps le lui permettait, dansdes parties de chasse qui avaient surtoutpour but d’être avec ses proches, et aucontact de cette nature qu’il affectionnaittant, même si « là-bas, il fait chaud l’après-midi pour marcher » disait-il …

En sa mémoire, je voudrais tant que sedéveloppent de nouveaux projets porteursd’avenir, comme ceux auxquels il a contri-bué, et pour le succès desquels il était prêtà faire beaucoup de sacrifices.

Denis BlancDirecteur du site toulousain de Freescale

Circuits de puissancepour l’automobile.

“Nous voulions queces projets aient unsens industriel, touten reposant sur desaxes de recherchesur lesquels nousavions descompétenceslocales.”

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Page 18: Hommage à Jean-Louis Sanchez - LAAS

Les collaborations industrielles Les collaborations industrielles

Une démarchetoujours pragmatique

C omment rendre hommage à Jean-Louis Sanchez sans tenir compte del’esprit d’équipe qui l’animait si pro-fondément, au point de faire

abstraction de ses réalisations personnellesau profit de la communauté scientifique ?

Au-delà des générations, nous nous som-mes associés pour témoigner de la persévé-rance et de la passion dont a fait preuveJean-Louis depuis presque trente ans déjà,date à laquelle les MOSFETs de puissancen’avaient plus de secrets quant à leur com-portement en salle blanche jusqu’aux équa-tions semi-analytiques qui les décrivent lorsde sa thèse de docteur ingénieur. Quelquesannées plus tard, nous le redécouvrons férud’intégration monolithique de puissancelors de son habilitation à diriger des recher-ches. Travail remarquable, s’appuyant sur unétat de l’art exceptionnel et une présenta-tion très didactique et ô combien soignéemalgré le support transparent de l’époque. Ilfaut dire que Jean-Louis a été encadré pardes professeurs et chercheurs de renom quisavaient gommer les divergences culturellesau profit d’une éthique professionnelle sansfaille pourvu que la recherche scientifique ensorte renforcée. C’est cette démarche prag-matique, qui ne laisse rien au hasard maisqui favorise le doute permanent, qui a pré-valu durant toutes les années qui ont suivi.

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Après lesdisparitions suc-cessives de PierreRossel puis de GeorgesCharitat, qui furent les précédents responsa-bles du groupe CIP, Jean-Louis, bien que trèsaffecté, a pris la responsabilité du groupe àbras le corps à partir du printemps 2002. Entant que chef de groupe puis sous-directeurdu LAAS, responsable du pôle MINAS, il aaccompagné et fortement soutenu les diffé-rentes collaborations entre le LAAS etMotorola Semiconducteurs (devenuFreescale en 2004), via deux laboratoires

D’une génération l’autreJean-Michel Reynès est le premier bénéficiaire d’une convention de thèse CIFRE entre le CNRS et Motorola. Démarréeen 1984 sous la direction au LAAS de Philippe Leturcq et soutenue en 1986, sa thèse porte sur les composants depuissance pour l’automobile, avec une application dans l’allumage qui consiste au remplacement des vis platinéespar un commutateur électronique. Presque dans le même temps, Jean-Louis Sanchez prépare sous la direction dePierre Rossel son doctorat consacré à la réalisation de transistors MOS de puissance avec l’objectif d’optimiser leurspropriétés. Après leurs soutenances respectives, le premier sera recruté par Motorola, le second, Jean-Louis Sanchez,intégrera le CNRS et le groupe de Philippe Leturcq. Plus tard, en 1992, Frédéric Morancho entre lui aussi au LAAS dansle même groupe pour y préparer un doctorat avant d’y être intégré comme enseignant chercheur. Il travaille à la foisau côté de Jean-Louis Sanchez et avec Jean-Michel Reynès côté Motorola. Cette histoire commune et très imbriquée,issue de la relation contractuelle du laboratoire académique et de l’industriel, crée un lien et des souvenirspersonnels qui perdurent d’une génération à l’autre.

communs, le LCIP2 (2001-2004)et le LISPA (2005-2008), puis lesprojets ANR MOS i-StARS(2008-2011), et ToPoGaN1(2009-2011). Pourtant, ses prop-res activités sur l’intégrationfonctionnelle et l’IGBT n’étaientpas du tout concernées parcette collaboration mais Jean-Louis, convaincu par les recher-ches menées dans ces cadres,les a constamment appuyées etsoutenues, n’hésitant pas àmettre en avant les chercheursimpliqués et à dégager les bud-gets nécessaires en équipe-ment ou en personnel pour queces projets aboutissent.

Grâce à son soutien, lesavancées obtenues aussi bien àFreescale qu’au LAAS furentnombreuses : on peut citer laconception de nouveaux com-posants de puissance en sili-cium (WELLFET, FLYMOS) et ennitrure de gallium (HEMT600V/10A sur substrat silicium6 pouces), de protections ESDpour les circuits intégrésSmartMOS™ de Freescale ainsique le tout dernier composantMOS i-StARS, élément essentielde l’alterno-démarreur équi-pant les véhicules « Stop andStart ».

Ce soutien permanent, Jean-Louis l’a apporté sans contre-partie d’aucune sorte, excep-tion faite de la satisfaction devoir ses collègues et amis cher-cheurs et ses collaborateurs etamis de l’industrie s’épanouiret réussir dans leurs projets.Jean-Louis avait le sens profondde l’intérêt général : il n’ajamais rien exigé pour lui-même dans ces collaborations.Outre sa générosité et sonhumilité dont il a fait preuvetout au long de ses divers man-dats, Jean-Louis laisse déjà uneempreinte indélébile, qui nousn’en doutons pas, traverserades générations de chercheurs,à l’instar de quelques diri-geants historiques du LAAS.

Frédéric MoranchoEnseignant chercheur au LAAS-CNRS

Jean-Michel ReynèsIngénieur à Freescale

Image obtenue par SCM (ScanningCapacitance Microscopy)d’un transistor FLYMOS™, exemple parfaitde réalisation rendue possible par lacollaboration « LAAS/Freescale ».

“MOS i-StARS,élément essentiel del’alterno-démarreuréquipant lesvéhicules Stop andStart.” O ui, je l’avoue, Jean-

Louis Sanchez memanque. Sa gen-tillesse naturelle et

sa force tranquille étaient pourmoi à chaque rencontre syno-nymes de fraternité, de convi-vialité et d’enthousiasme àcréer ensemble. Jean-Louisavait pris toute la mesure deses capacités avec l’ouverturede la nouvelle centrale techno-logique du LAAS. J’ai encore lesouvenir très présent enmémoire de sa visite commen-tée de la nouvelle centrale. Ilavait un réel plaisir à nous fairepartager son magnifique bébéavec lequel il savait qu’il allaitpouvoir enfin se positionner

sur la scène nationale et inter-nationale.

Lorsque Jean-Louis arrivaitdans une conférence ou unséminaire sur les microsystè-mes et l’intégration des tech-nologies hétérogènes, il arrivaitdiscrètement… car il était tou-jours un petit peu en retard. Ilvoulait en effet être partout à lafois et montrer à tous ceux qu’ilappréciait son souhait de par-tager les objectifs de nouveauxprojets. Jean-Louis avait unetendance naturelle très obla-tive. Il voulait donner, offrir, etpartager. C’est clairement danscet esprit que nous avions ima-giné de faire ensemble ungrand projet structurant pournous aider à positionnerContinental Automotive et sonunité de fabrication du Miraildans le paysage de l’électro-nique de puissance française etcomme centre d’expertise pourle groupe Allemand. Je suis inti-mement convaincu que si la vielui en avait laissé le temps,Jean-Louis nous aurait accom-pagnés vers de nouveaux hori-zons. Oui, je l’avoue, Jean-Louisme manque. Sachons honorersa mémoire en réussissant lesprojets qui lui tenaient à cœur.

Jean-Luc MatéVice président Continental

Automotive France SAS

Une tendancenaturelle très oblative

VU DE CONTINENTAL :DONNER, OFFRIR, PARTAGER

“J’ai encore lesouvenir trèsprésent enmémoire desa visitecommentéede lanouvellecentrale detechnologie.”

LAAS - FREESCALE

Page 19: Hommage à Jean-Louis Sanchez - LAAS

Les collaborations industrielles Les collaborations industrielles

L a collaboration entre le LAAS et STMicroelectronics remonte au débutdes années 1990, alors que la théma-tique intégration fonctionnelle,

initiée au LAAS par Philippe Leturcq, connais-sait des débuts prometteurs, portée parJean-Louis Sanchez avec un dynamismecommunicatif. Les travaux avaient pourcadre des contrats financés par le ministèrede l’Industrie ; le LAAS a ainsi encadré quatreboursiers CIFRE, que ST Microelectronics arecrutés par la suite. Ce fut surtout uneaventure scientifique et humaine très enri-chissante, avec des projets bien définis touten offrant un certain degré de liberté, ce quipermettait de proposer et d’explorer des

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Deux cultures,une ambiance convivialeet des idées originales

LA RELATION AVEC ST MICROELECTRONICS VUE DU LAAS

solutions d’architectures intégrées innovan-tes et aux fonctionnalités attrayantes pourun fabricant de composants tel que STMicroelectronics. Lors des réunions réguliè-res où l’équipe intégration du LAAS au grandcomplet ou presque « montait » à Tours, laconfrontation des deux cultures, industrielleet académique, s’est toujours faite dans uneambiance de travail particulièrement convi-viale, propice à l’émergence d’idées origina-les qui ont souvent abouti à des brevets etdes publications. En outre, et à titre d’exem-ple, une brique technologique particulière-ment originale, comme la réalisation demurs P+ traversants obtenus par thermomi-gration d’aluminium, a été développée auLAAS, puis transférée chez ST pour être utili-sée dans la fabrication de composants bipo-laires de puissance. Le doctorant impliquédans ces travaux, Benjamin Morillon, estactuellement ingénieur chez ST Micro-electronics. Des travaux de modélisationpour le développement d’une méthodologiede conception adaptée au mode d’intégra-tion fonctionnelle ont été également effec-tués. Aujourd’hui, ST Microelectronics utilisele concept d’intégration fonctionnelle dans ledéveloppement de nouvelles fonctions depuissance, sous l’appellation ASDTM

(Application Specific Discrete).Enfin, les liens entre ST Microelectronics

et le LAAS sont à l’origine en 1996 de la créa-tion d’un laboratoire de recherche del’Université de Tours, le LMP (Laboratoire demicroélectronique de puissance) dirigéaujourd’hui par un docteur du LAAS et situé,c’est une première en France, au sein mêmedu site de l’industriel. L’aventure continue autravers de projets régulièrement proposésavec ST Microelectronics comme avec le LMP.

Marie Breil-DupuyChargée de recherche au LAAS-CNRS

L e site de Tours de STMicroelectronicsdéveloppe et fabrique des composantsnécessaires aux systèmes de conver-sion d’énergie électrique travaillant sur

le secteur (230 / 380 Volts alternatif). Celaconcerne l’immense champ d’application deséquipements domestiques et industriels etdonc un enjeu sociétal majeur concernant leséconomies d’énergie électrique. On peutactuellement encore constater que beaucoupd’équipements de notre environnementdomestique dissipent de la chaleur quand ilssont en fonctionnement, ce qui, cumulé surdes centaines de millions d’unités, donne unniveau de pertes d’énergie équivalent à plu-sieurs tranches de centrale nucléaire. Cettechaleur dissipée en pure perte révèle ainsi unrendement médiocre entre l’énergie fournie etl’énergie utilisée qui doit être impérativementamélioré.Vu sous cet angle, on peut considérerl’électronique de puissance comme un formi-dable gisement d’économie d’énergie élec-trique. Dans cette perspective, il était alorsnécessaire de mener, en amont de la concep-tion des systèmes, une réflexion de base pourrenouveler le design des schémas électriques,les caractéristiques des composants à viser etles nouvelles technologies à développer afinde permettre une nouvelle génération d’équi-pements beaucoup moins dissipatifs. Cettedémarche impliquait un véritable change-ment des paradigmes sur lesquels reposait l’é-lectronique depuis des décennies. Sans quecela ait été formalisé, une équipe communed’ingénieurs R&D de STMicroelectronics et dechercheurs du LAAS fut constituée sous l’im-pulsion de Jean-Louis Sanchez pour dégagerpeu à peu de nouvelles règles de conception etde nouvelles architectures dans le Silicium,

La migration de l’intelligence

ST MICROELECTRONICS :DE LA RECHERCHE CONCERTÉE À L’ACTIVITÉ INDUSTRIELLE

C’est à partir de l’année 1990 que fut initiée une collaboration de longue haleine entrela R&D du site de Tours de STMicroelectronics et le LAAS. Cela s’est traduit par près devingt années d’une coopération qui ne fut possible que grâce à l’investissementpersonnel et constant de Jean-Louis Sanchez. Dans ce cadre, il constitua une équipepluridisciplinaire dédiée aux problématiques auxquelles était confrontée l’activité dusite de Tours, à savoir la réalisation de composants électroniques pour une meilleureefficacité énergétique.

donnant lieu à des dépôts de brevets com-muns.

Il faut saluer ici le courage et l’obstinationde Jean-Louis, qui dirigeait ces recherches dontle caractère très exploratoire exigeait uneouverture intellectuelle peu commune ainsiqu’une capacité d’initiatives pour relancer l’in-vestigation quand elles se trouvaient dans unesituation de blocage. On peut dire que ce tra-vail réalisait une parfaite adéquation avec l’at-tente de l’industriel qui, d’une façon générale,demande aux chercheurs d’aller questionnerles fondamentaux de l’activité scientifique deson activité pour les consolider ou les remettreen cause. Grâce à cette relation étroite entreindustrie et recherche, les conditions sont alorsréunies pour que de l’intelligence migre etpénètre dans les produits de l’activité indus-trielle, afin de la régénérer et la pérenniser.Jean-Louis avait parfaitement compris cetenjeu. Il en maîtrisait la dimension scienti-fique, ce qui est évident, mais surtout aussi ladimension humaine qui exige dans ce typed’approche une grande modestie, une qualitéd’écoute et une capacité à se remettre encause ; il cumulait ainsi toutes ces qualitésdont la réunion est fort rare dans une mêmepersonne. C’est dire la perte que représenteJean-Louis pour nous. Celle d’un grand expertinternational en électronique de puissance etcelle d’un humaniste chaleureux qui avait biencompris que derrière les schémas, les équa-tions et les simulations, c’était le gagne-painfutur de nombreux hommes et femmes quiétait en jeu.

Jean Baptiste QuoirinDirecteur de la R&D du site de Tours

de ST Microelectronics, 1989- 2005

Cette démarcheimpliquait un véritablechangement desparadigmes sur lesquelsreposait l’électroniquedepuis des décennies.

“Une ambiance detravail propice àl’émergence d’idéesoriginales qui ontsouvent abouti àdes brevets et despublications.”

Mur P+ traversantet machine dethermomigrationtransférée chez ST.

Page 20: Hommage à Jean-Louis Sanchez - LAAS

L a coupe du monde derugby fut pour moi l’oc-casion de beaucoup pen-ser à toi et au chemin

que nous avons parcouruensemble, avec quelques aut-res, dans le domaine des com-posants de puissance. Tondépart précipité m’a laissé dés-emparé tant nous étions par-tants pour une éventuelle nou-velle aventure. Nous devionsnous voir en cette fin d’annéescolaire pour en parler. C’est ausoir de la finale perdue que j’aicommencé à écrire ces quel-ques lignes, d’abord parce quec’est une partie de toi que cesport représente, une de tes rai-sons d’être, une partie de tonaventure personnelle, une desraisons de tes succès et surtoutpour le formidable exemple quetu étais. Ensuite parce que c’estun moment dont on aurait puparler ensemble avec l’autrePierre (Aloisi pour ceux quipourraient se poser des ques-tions) dont tu étais si proche, enen tirant des leçons pour le quo-tidien. Parce qu’il faut toujoursrebondir sur un échec et trouverd’autres voies comme tu le dis-ais si bien, sans s’attacher à lamauvaise foi des critiques maisen regardant devant. Enfinparce qu’il reste comme un sen-

timent de frustration dont lecôté positif demeure la marcheen avant, et par-dessus tout lafierté de rester soi-même. Lesvaleurs du rugby, largement gal-vaudées, Jean-Louis, tu les possé-dais presque toutes, altruisme,don de soi, engagement, hon-neur, fidélité, partage, humilité,respect de l’adversaire, sinondes autres, avec ce regard pro-fondément humain qui signi-fiait toujours que juger estfacile, que la critique est aiséemais que l’art, quel qu’il soit,reste difficile. Tu possédais aussicelles de la terre qui n’en sontpas si loin, ce qui nous rappro-chait encore. Les deux, associéesà une volonté farouche et à untravail opiniâtre, ont fait unhomme de savoir et un guide,un meneur d’homme, un chefd’équipe, sans lui enlever sonrôle d’homme de devoir. Nousavons partagé tellement tousles deux, et pendant tant d’an-nées, que j’ai souvent l’impres-sion de sentir ta présence, tonregard, ton sourire auprès demoi dans ce genre de momentoù la communion est une règle.Aussi, je me suis permis d’enrappeler quelques souvenirsdans ces pages1.

Pierre MerleProfesseur à l’Université de Montpellier 2

L’empreinte du sport L’empreinte du sport

Le rugby comme une par t de soi

J ean- Louis avait un esprit derugbyman, y compris dansses activités quand il étaittout jeune chercheur. Je me

souviens très bien d’une missionen 1987 à Rueil-Malmaison. Ilavait alors 29 ans. Il s’agissait dedémonter chez Bull et ramenerau LAAS une installation dedépôts chimiques basse pression.Ce matériel d’occasion était des-tiné à notre salle blanche pour yfaire des dépôts de nitrure de sili-cium pour la fabrication de com-posants. À cette époque-là, nousétions encore dans un esprit unpeu amateurs. La mission com-mença par le départ à minuit dela gare de Toulouse Matabiau encouchette de 2e classe, la valisedans une main et la trousse àoutils dans l’autre, le tout, biensûr avec une certaine fierté d’allerfaire quelque chose d’important ;et, à l’époque, nous en étions per-suadés. Il s’agissait pour nous dereconstruire une technologie sili-cium ; il faut bien le reconnaître,le silicium n’avait pas le vent enpoupe et nous n’étions pas nom-breux à croire au bien fondé denotre mission, mais nous avionsla foi. Jean-Louis croyait à ce qu’ilfaisait et, comme le rugbymanqui va affronter un rival d’unedivision supérieure, il n’y allait pas

pour subir les évènements en vic-time. Dans cette affaire-là, c’étaitle pilier qui œuvre dans des tâchesobscures que certains considère-raient aujourd’hui comme peuvalorisantes. Manipuler la clé de 13ou le tournevis n’était pas pour luidéplaire ; il fallait ne pas se décou-rager car ce genre d’opération nese passait jamais suivant nos pré-visions.

La mission terminée, nousavions, conscients d’avoir ‘’bientravaillé’’, fait une entorse à notrestatut d’agents CNRS de petitecatégorie qui n’autorisait que levoyage en 2e classe, en nousoffrant généreusement une placedans le train ‘’Le Capitole’’, à nospropres frais. Pour finir cette troi-sième mi-temps en beauté, nousavions dîné dans le wagon res-taurant ; je ne me souviens quedu dessert et de la note de fraisqui correspondait à un standingau-dessus de nos moyens habi-tuels. C’est une chose que nousn’avons jamais regrettée ; il fautreconnaître aujourd’hui que cesfours de dépôt sont toujours opé-rationnels et ils ont vraimentconstitué l’outil de base pour lerenouveau d’une technologie sili-cium qui s’est développée àgrande échelle avec tous lesaspects des micro et nano tech-nologies.

Cette formation et cet espritrugbystique, Jean-Louis les a tou-jours conservés ; la vie dans larecherche et dans un laboratoirede recherche est souvent mouve-mentée, que ce soit pour des rai-sons internes ou externes. Parrapport à tout un environnementqui de temps en temps s’agitait, ilavait l’attitude du vieux briscardqui en avait vu d’autres.

Malicieusement, il analysaitcette situation comme un rugby-man expérimenté, toujours bienplacé sur le terrain,alors que d’au-tres courent et s’agitent danstous les sens !

Norbert FabreIngénieur de recherche au LAAS-CNRS

Jean-Louis : l’esprit rugby

1995-1996 : 1er match« international » del’équipe de rugby duLAAS à EdimbourgTout petit déjà, tu étais tombé dans la potionmagique de ce sport collectif par excellence, et tuas transmis cette passion à ton fils Sébastien.Au laboratoire tu as été un des premiers impliquésdans les matches entre permanents et doctorants.Chacune des équipes mettait en jeu le droit depouvoir gentiment chambrer l’autre pendanttoute l’année. En ce temps-là, le landernau durugby parlait de la première ligne Simon, Gimbert,Moscato. Au LAAS,nous avions : Galinette, Jean-Louis, Lulu !! Trop facile de jouer derrière vous ! Lescôtes du directeur de l’époque se souviennentencore de ces matches — virils mais corrects —qui se terminaient invariablement par deslibations au bord de la « mare aux canards » dulaboratoire. En 1995, mis au défi par ce mêmedirecteur, nous avons résolu d’aller défier uneéquipe écossaise à l’occasion d’un match du« tournoi des 5 nations ». Disons-le tout de suite, iln’est pas certain que nous ayons beaucoupprogressé « rugbystiquement » parlant, ni dans lalangue de Shakespeare non plus...Mais que l’histoire a été belle ! Le voyage a lieu enfévrier 1996 : présentation du laboratoire chezMotorola à Edimbourg — tout de même : l’alibiscientifique de ce voyage…Puis, Flowers ofScotland à Murrayfield, bière, whiskey, la« Marseillaise »jouée à la cornemuse dans les ruesde la ville, pub de l’université d’Edimbourg, … Quedes souvenirs mémorables. Nous avons réussi à

faire match nul contreune horde de joueurspour qui le déblayagedes regroupements étaitune seconde nature.Nous n’avions pas assezpréparé ces phases dejeu. Nous avons ététellement dominés qu’ila fallu envoyer la vidéodu match à nos hôtespour qu’ilsreconnaissent le matchnul.

Hugues GranierIngénieur de recherche

au LAAS-CNRS

Balades dans lescollines du Minervois Nous sommes quelques uns qui pourrionsaussi évoquer les journées passées à arpenterensemble à VTT des chemins caillouteux etescarpés. Pour toi, ce n’était qu’un prétextepour nous faire découvrir ces merveilleuxpaysages du Minervois qui t’étaient si chers.En dépit des grommèlements de certains,parce que la pente était trop raide, troplongue ou qu’il faisait trop chaud,… Mais larécompense était de se retrouver tousensemble après cette endurance, autour d’uncasse-croûte ou d’un bon repas au coin dufeu ! L’évocation de ces moments nousramène à tes racines profondes, ton villagenatal d’Azillanet. Celui des parties de chasseinitiatiques et des premières excursions àbicyclette au milieu des collines et des vignesque tu affectionnais tant. Tu as su puiser dansces racines authentiques et les cultiver. Lesmots entendus de tes amis d’enfance pourparler de toi résonnent à nos oreilles… Pourtous, tu as les yeux qui pétillent, avec cesourire qui te représente si bien, franc,lumineux, généreux, fidèle à ceux que tuaimes. Un sourire fidèle... Oui, un éclat de cesourire, une étincelle de tout ce que tu aspartagé avec nous, de tout ce que tu asdonné aux autres et aux tiens, ce qui fait quel’on t’aime tant. C’est cette image et cet éclatque tous gardent de toi.Adieussiatz, Jean-Louis !

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Page 21: Hommage à Jean-Louis Sanchez - LAAS

Au début de l’été 2012, le LAAS va inaugurer le bâtiment dédié àson programme scientifique Adream, Architectures dynamiquesreconfigurables pour systèmes embarqués autonomes mobiles. En tant qu’adjoint auprès de Raja Chatila, puis comme directeur du LAAS, Jean-Louis Sanchez a suivi le chantier et s’est particulière-ment investi dans le volet Energie.

suivi le chantier et s est particulière-ergie.rgie.

Le LAASLaboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes, est un laboratoire de recherche du CNRS. Il compte 700 personnes et 21 groupes de recherche. En association avec l’Université de Toulouse, il mène des recherches en sciences et technologies de l’information, de la communica-tion et des systèmes dans quatre grands domaines : les micro et nano systèmes ; l’automatique et le traitement du signal ; l’informatique ; la robotique et l’intelligence artificielle. Il développe deux axes transdisciplinaires : les interactions avec le vivant (biologie, santé) et l’intelligence ambiante avec le programme Adream. Le LAAS-CNRS est Institut Carnot, sa recherche étant en lien avec de nombreux secteurs industriels comme l'aéronautique, l'espace, les systèmes embarqués ou la santé.

La Lettre du LAASPublication du Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes du CNRS7, avenue du Colonel Roche, 31077 Toulouse Cedex 4, tél. : 05 61 33 62 74 • Courriel : [email protected] • Web : www.laas.frDirecteur de la publication, Jean Arlat, directeur du LAAS-CNRSResponsable de la rédaction, Marie-Hélène DervillersComité éditorial pour ce numéro spécial : Les membres du groupe ISGE du LAAS et particulièrement Marise Bafleur, Marie Breil-Dupuy,Jean-Marie Dilhac, Frédéric Morancho.