hitorique enchere +++

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mise aux enchères de concessions de services publics, est certainement une des pratiques les plus répandues (appro- visionnement en eau, assainissement, gestion des déchets, transport urbain, transport ferroviaire, autoroutes…) [2]. Le principal argument théorique sur lequel s’appuie cette tendance est emprunté à Demsetz qui propose de résoudre les problèmes liés à l’existence de monopoles naturels dans les indus- tries de réseaux, en mettant aux enchères le droit de fournir un service et en l’attri- buant à l’offreur s’engageant à servir le marché au prix le plus bas (encadré) [3]. Le recours à des concessions de ser- vices publics attribuées par appel d’offres est ainsi considéré comme un moyen d’introduire des mécanismes de marché dans ces secteurs, et, ce faisant, de soumettre les monopoleurs à des pres- sions concurrentielles bénéfiques aux consommateurs/usagers, en termes de prix et de qualité du service ou encore en termes de réactivité des offreurs à la demande et de mise à disposition d’infor- mations. En outre, parce qu’elles sont synonymes d’implication du secteur privé et au regard des contraintes budgétaires auxquelles doivent faire face les pou- voirs publics, les concessions sont sup- 1 Les difficultés contractuelles de la délégation de services publics ANNA YVRANDE-BILLON Une part importante des services municipaux (approvisionne- ment en eau potable, assainissement, gestion des déchets, transport urbain…) fait appel aujourd’hui à des entreprises privées via des contrats de concession. Le recours à ce type d’arrangements contractuels pour la fourniture de services publics ne doit cependant pas être considéré comme la solution miracle aux problèmes que pose la fourniture de ces services par des monopoles publics réglementés. Au regard des hypo- thèses de la théorie des coûts de transaction, l’attribution par appel d’offres de concessions de services publics se heurte en effet à un cer- tain nombre d’obstacles (difficulté de garantir une concurrence entre opérateurs, problèmes d’exécu- tion, d’adaptation et de réattribu- tion des contrats), qui amènent à s’interroger sur les conditions de son efficacité. L organisation de la production et de la fourniture de services publics connaît, depuis deux décennies, de pro- fonds bouleversements, notamment en Europe, où les réformes des industries de réseaux constituent une étape par- ticulièrement décisive de la construc- tion d’un marché unique [1]. Parmi les modifications organisationnelles que l’on peut observer, le recours à des partena- riats public-privé et, en particulier, à la

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  • mise aux enchres de concessions deservices publics, est certainement unedes pratiques les plus rpandues (appro-visionnement en eau, assainissement,gestion des dchets, transport urbain,transport ferroviaire, autoroutes) [2].Le principal argument thorique surlequel sappuie cette tendance estemprunt Demsetz qui propose dersoudre les problmes lis lexistencede monopoles naturels dans les indus-tries de rseaux, en mettant aux enchresle droit de fournir un service et en lattri-buant loffreur sengageant servir lemarch au prix le plus bas (encadr) [3].

    Le recours des concessions de ser-vices publics attribues par appel doffresest ainsi considr comme un moyendintroduire des mcanismes de marchdans ces secteurs, et, ce faisant, desoumettre les monopoleurs des pres-sions concurrentielles bnfiques auxconsommateurs/usagers, en termes deprix et de qualit du service ou encore entermes de ractivit des offreurs lademande et de mise disposition dinfor-mations. En outre, parce quelles sontsynonymes dimplication du secteur privet au regard des contraintes budgtairesauxquelles doivent faire face les pou-voirs publics, les concessions sont sup- 1

    Les difficults contractuellesde la dlgationde services publics ANNA YVRANDE-BILLON

    Une part importante des services municipaux (approvisionne-

    ment en eau potable, assainissement, gestion des dchets, transport

    urbain) fait appel aujourdhui des entreprises prives via des contrats

    de concession. Le recours ce type darrangements contractuels pour la

    fourniture de services publics ne doit cependant pas tre considr

    comme la solution miracle aux problmes que pose la fourniture de ces

    services par des monopoles publics rglements. Au regard des hypo-

    thses de la thorie des cots de transaction, lattribution par appel

    doffres de concessions de services publics se heurte en effet un cer-

    tain nombre dobstacles (difficult

    de garantir une concurrence entre

    oprateurs, problmes dexcu-

    tion, dadaptation et de rattribu-

    tion des contrats), qui amnent

    sinterroger sur les conditions de

    son efficacit.

    Lorganisation de la production etde la fourniture de services publicsconnat, depuis deux dcennies, de pro-fonds bouleversements, notamment enEurope, o les rformes des industriesde rseaux constituent une tape par-ticulirement dcisive de la construc-tion dun march unique [1]. Parmi lesmodifications organisationnelles que lonpeut observer, le recours des partena-riats public-priv et, en particulier, la

  • poses permettre de dgager des moyensfinanciers supplmentaires, de faciliterlintroduction dinnovations tech-nologiques et dentraner une nouvelledynamique de gestion managriale souslimpulsion des oprateurs privs. Enfin,cette forme de partenariat public-privest galement souvent perue, notam-ment en Grande-Bretagne, comme unmoyen pour ltat de rinvestir ses fonc-tions rgaliennes (scurit intrieure etdfense) et sociales (dans le domaine dela sant et de lducation). Sondveloppement sinscrit donc dans lvo-lution plus gnrale du rle de ltat dansla sphre conomique, passant dun rledoprateur direct un rle dorganisa-teur, de rgulateur et de contrleur [6].

    LE CONTRAT DE CONCESSION :UN MODE DE COORDINATIONIMPARFAIT

    Ces arguments, et en particulier celuidfendu par Demsetz concernant leffi-cacit de la mise aux enchres deconcessions de services publics, ne fontcependant pas lunanimit, et ont enparticulier fait lobjet de critiques de lapart des thoriciens des cots de trans-action [7] et [8]. En effet, ceux-ciconsidrent que les concessions, parce

    agents conomiques. De fait, leurs dci-sions sont sous-optimales et donc dif-ficilement prvisibles par dautres agents.

    Puisque les individus ne peuventprvoir tous les vnements futurs eteffectuer les calculs qui leur permet-traient daboutir une solution optimaleen situation anticipe ou non, ils doiventdonc se contenter daccords incomplets.Limplication conomique de cetteincompltude contractuelle est que, encas dalas imprvus par le contrat, lesparties doivent entamer, ex post, unerengociation coteuse des termes deleur arrangement, ce qui gnre descots de marchandage. Il est alors nces-saire de les complter par dautresmcanismes de coordination, cest--dire de les encadrer par des structuresdorganisation plus larges, appelesstructures de gouvernance.

    Lhypothse de rationalit limite etlincompltude contractuelle qui en rsultenauraient cependant pas de consquencesfcheuses sur la coordination des acteursconomiques sils cherchaient promou-voir lintrt commun, cest--dire maximiser leurs profits joints. Dans ce casen effet, lors dambiguts contractuellesou de situations imprvues, les contrac-tants pourraient sentendre sur la ren-gociation de leur accord et cooprer envue daccrotre les bnfices partags deleur transaction.

    Or, la thorie des cots de transac-tion postule que les agents sont nonseulement gostes, mais aussi de mau-vaise foi. Cela signifie que, pour parvenir leurs fins, ils adoptent un comporte-ment stratgique qui peut se traduirepar la ruse, le mensonge, le vol et latricherie [9]. Pour saccaparer la rentede lchange, ils sont donc prts divulguer des informations incompltesou dnatures et revenir sur leursengagements, sous rserve toutefois quele nombre potentiel de partenairesconomiques avec lesquels ils peuventchanger ne soit pas illimit.

    La thorie des cots de transactionconsidre en effet que lopportunismene joue vraiment que sous la conditionde petit nombre , cest--dire unique-ment lorsque des investissements sp-cifiques (canalisations deau, conduitesde gaz, dpenses de formation desconducteurs de bus ou de trains) sonten jeu. Quand une transaction implique2

    quelles reposent sur des contrats entreautorits concdantes et oprateurs,constituent, comme tout arrangementcontractuel, des modes de coordinationimparfaits. Cette proposition repose surdes hypothses comportementales quitendent considrer les acteursconomiques tels quils sont et non telsquils devraient tre. Aussi, les agentsconomiques sont-ils supposs avoir unerationalit limite. Cela signifie que,lorsquils essaient dvaluer par un calculdoptimisation les avantages et les cotsde leurs dcisions en environnementcomplexe et incertain, dune part leurcapacit stocker et traiter linforma-tion est restreinte, et dautre part, ils seheurtent des difficults de formula-tion des connaissances acquises.

    En consquence, les individus fontdes choix en fonction dun sous-ensem-ble dinformations que leur capacitde calcul limite ne permet pas decomplter: il nest, par exemple, pas pos-sible, pour les parties contractantes deprvoir les changements de rglemen-tation qui pourraient survenir une foisle contrat sign, de mme quil est sou-vent difficile de prvoir avec exactitudeles variations de la demande. Le cas desconcessions dexploitation des cheminsde fer britanniques est ce titre trsrvlateur des limites calculatoires des

    LA MISE AUX ENCHRES DE CONCESSIONS DE SERVICES PUBLICS : FONDEMENTSTHORIQUES

    Lide dfendue est la suivante : lorsque la concurrence sur le march nest pas possible,lintroduction dune concurrence ex ante, pour le march, garantit que les prix prati-qus ex post soient au niveau concurrentiel et assure la redistribution de la rente mono-polistique aux consommateurs. Par consquent, le franchise bidding, cest--direlattribution par appel doffres de concessions de services publics, constitue la solutionaux problmes du monopole naturel et, ce faisant, limine les motifs du modle de pro-duction publique rglemente. Lintroduction de mcanismes concurrentiels ex ante estdonc suppose garantir une coordination efficace ex post mme lorsquil ny a quunseul fournisseur.On retrouve la mme ide, un peu plus tard, chez Baumol, avec le concept de marchscontestables [4]. Daprs la thorie du mme nom, lexistence de caractristiques demonopole naturel dicte certes le recours un seul fournisseur mais nempche pas lintro-duction de mcanismes concurrentiels lorsque le march est contestable. Autrement dit,sous les hypothses de libre entre, dabsence de cots irrversibles et de libre sortie,cest--dire de possibilit dentre transitoire sur le march, il existe une menace deconcurrence qui discipline les entreprises en situation de monopole et les pousse pra-tiquer un prix gal au cot moyen. La porte de ces arguments dans le dbat sur lesrformes de services publics sest en outre vue amplifie par les travaux rcents de lathorie des enchres, qui montrent que le recours des processus dadjudication permetdatteindre un niveau de prix concurrentiel, mme sil ny a pas de concurrence ex post etque la pression la baisse qui sexerce sur les prix lors des appels doffres est dautant plusforte que le nombre denchrisseurs est lev [5].

    ENCADR

  • ou porte sur des investissements nonredployables sans cot vers un autreusage ou un autre client (les usines detraitement de leau par exemple), ellegnre un surplus pour les partiesengages dans cette transaction, dansla mesure o le profit quelles ralisenten changeant (avec le partenaire pourlequel elles ont ralis de tels investisse-ments) est suprieur la rente quellesdgageraient en contractant avecdautres agents. Linvestissement ralispar un concessionnaire dans des canali-sations deau, par exemple, na de valeurconomique que dans le cadre de la rela-tion qui lie cet oprateur avec la com-mune desservie par ce rseau. Ds lors, larelation de dpendance bilatrale qui liedes contractants ayant ralis lun pourlautre des investissements spcifiques,parce quelle est source de valeur, gnreaussi des risques de comportementsopportunistes visant capter la renteque cre cette relation. Le fait que descontractants dveloppent des investisse-ments spcifiques leur relation limite lenombre dalternatives lchange pourchacun deux et les enferme dans unesituation de lock in gnratrice de valeuret donc dopportunisme.

    Sous la condition de petit nombre, lerisque de comportement opportunistecompromet donc la ralisation efficacedes transactions et oblige user de pr-cautions lors de llaboration des contratsentrinant les relations entre des parte-naires conomiques. En effet, bienquayant une rationalit limite, les indi-vidus sont conscients de leurs limitescognitives et calculatoires, mais aussi decelles de leurs cocontractants, etanticipent que ces derniers peuventadopter un comportement opportuniste

    en vue dabsorber leur profit la rentede lchange ds que loccasion se prsen-tera. De fait, pour se prmunir contre cerisque, les agents accepteront desengager contractuellement si les accordsquils signent reposent sur des engage-ments crdibles, cest--dire incorporentdes clauses de sauvegarde protgeantleurs investissements et garantissant laralisation de lchange. Limiter loppor-tunisme suppose donc de supporter,ex ante, des cots de contractualisationsupplmentaires. Si, en outre, les prcau-tions contractuelles prises pour viter toutcomportement stratgique ne sont passuffisantes, la lutte contre lopportunismeoblige alors la rengociation voire larupture des contrats, qui gnrent gale-ment des cots.

    LES DIFFICULTS DATTRIBUTIONDES CONCESSIONS

    Compte tenu de la complexit de cer-tains services, une concurrence effectiveentre oprateurs ex ante est difficile garantir, les principes de slection duvainqueur de lenchre tant en effetdlicats dfinir. Les questions quise posent au stade dattribution deconcessions par appel doffres sont lessuivantes : sur quels critres doit-onattribuer les contrats ? Comment com-parer des offres incorporant une dimen-sion quantitative (le prix du service et lecot de sa fourniture) et une dimensionqualitative (la qualit du service fourni,par exemple dans le cas des concessionsde transport public urbain: frquence desbus, dure moyenne du trajet, arrtsdesservis aux heures de pointe/aux heurescreuses, nombre de places assises) ?

    Le problme qui se pose est donc despcifier les termes du contrat deconcession et par consquent de dfinirce que lon attend du concessionnaire(graphique). Il sagit de dterminer lescaractristiques du service rendre demanire tablir des critres objectifsdattribution des concessions et pouvoircomparer des offres alternatives. Leffi-cacit du mcanisme dappel doffresdpend en premier lieu de la capacitdu concdant caractriser le servicequil souhaite concder.

    En effet, sil ny parvient pas avec pr-cision, les offreurs potentiels peuventtre dcourags, dune part, en raisondes cots de recherche dinformation supporter pour rpondre un tel appeldoffres et, dautre part, par crainte devoir le contrat rengoci ex post et desubir lopportunisme du concdant. Lenombre denchrisseurs tant alors rduit,les bnfices attendus de la mise enconcurrence sen trouveraient affects.

    Dans ces conditions, la mise auxenchres peut conduire des situationsdantislection et retenir les candidatsles plus optimistes sur les conditionsfutures dexploitation et sur le niveaufutur de la demande. Ce qui peut aboutir ce que lon appelle la maldiction duvainqueur , cest--dire des situationso le candidat slectionn se rendcompte, une fois le contrat remport,quil nest pas en mesure de remplir sesengagements car loffre qui lui a permisde remporter lenchre reposait sur deshypothses irralistes en ce qui concernela croissance de la demande ou le mon-tant des investissements raliser. Celapeut mme conduire slectionner lesenchrisseurs les plus opportunistes.Anticipant les avantages quils pourront

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    GRAPHIQUE

    Choix du concessionnaire(1re tape)

    Excution des termes contractuels

    Renouvellement de la concession (2e tape)

    Concurrenceeffective

    Avantage au concessionnaire en place

    Spcificationdu service

    t

    CONCESSIONS DE SERVICES PUBLICS : LES OBSTACLES

  • tirer des situations imprvues dans lecontrat et de ses imprcisions, cesderniers nhsiteront pas proposer deservir le march au prix le plus bas etremporteront donc lappel doffres, alorsmme quils ne sont peut-tre pas lescandidats les plus efficaces.

    Ds lors, le recours au mcanismedappel doffres est dautant plus pro-blmatique que le service concderest complexe et que l incertitudeentourant les tats futurs de la natureest forte. Ce mode dattribution descontrats de concession est doncprfrable lorsque les services dlivrersont simples dfinir. l inverse,lorsque le service est complexe et sujet une forte incertitude, la ngociationdu contrat entre le concdant etloprateur est le mcanisme de coor-dination le plus appropri. Il permet auconcdant dobtenir plus dinforma-tions sur la prestation que loffreurcompte dlivrer et de limiter les risquesdopportunisme de la part de lopra-teur. Autrement dit, lorsque le servicerecouvre plusieurs dimensions diffi-cilement contractualisables, le contratdoit tre plus prcis et le prix ne peutplus tre un mcanisme de coordina-tion efficace. Cest le cas lorsque lesecteur est dmantel (infrastructure,matriel et exploitation du service fer-roviaire par exemple), cest--dire faitintervenir plusieurs acteurs dans lachane de production et quil est dif-ficile dattribuer les responsabilits encas de dfaillances.

    LES PROBLMES DEXCUTIONET DADAPTATIONDES CONTRATS

    Les problmes qui peuvent survenirdurant la phase dexcution des contratsde concession de services publicssapparentent ceux rencontrs lorsqueces mmes services sont rglements parune agence de rgulation ou sont pro-duits par un monopole public ou unergie ou que les contrats de concessionsont ngocis, cest--dire lorsque lacoordination est assure par uneinstance administrative (agence de rgle-mentation ou comit de pilotage au seindune commune) et non par des mca-nismes de march. Le premier type de

    les situations futures et doivent donctre adapts en cas de perturbation. Enoutre, la tendance lopportunisme desagents conomiques oblige contrler lerespect des engagements contractuels.Les contrats de concession de servicespublics nchappent pas cette rgle et les problmes dadaptation et de con-trle quils posent sont similaires ceuxrencontrs lorsque les contrats deconcession sont ngocis ou lorsque lafourniture du service est assure par uneentreprise rglemente.

    Premirement, sur un march de ser-vices publics caractris par de lincerti-tude sur la technologie, la demande ouencore les conditions doffres, une struc-ture de gouvernance par contrats deconcession doit prvoir la flexibilit de lavariable de prix de manire ne paslaisser se creuser un cart entre niveaudes prix et niveau des cots. Pour mini-miser cet cart et assurer ladaptationde la structure aux perturbations, il estenvisageable dintroduire diverses for-mules dajustement par indices [8]. Mais,quand les changements techniquesse produisent rapidement ou quand lesconditions de la demande locale diffrentde celles de la population choisie pourcalculer lindice dajustement, cette solu-tion nest plus satisfaisante dans lamesure o il faut rengocier le contratinitial et par consquent faire intervenirles pouvoirs publics.

    Deuximement, limpossibilit de sp-cifier avec prcision toutes les dimen-sions de la qualit du service fournir etla difficult dfinir des procdures decontrle et de sanction crdibles lais-sent aux concessionnaires une grandelatitude durant lexcution de leurcontrat. Les standards techniquesimposs contractuellement ne suffisentpas, eux seuls, pour contraindre lecomportement des concessionnaires etassurer un niveau de qualit maximal un cot minimum. tant donn lesinvestissements en jeu et la nature duservice dlivrer, la seule sanction dumarch ne suffit souvent pas contrleret inciter les concessionnaires. Desmcanismes de contrle et de sanctionsupplmentaires doivent par consquenttre introduits. En dautres termes, ensituation dincertitude, une agence derglementation traditionnelle estncessaire. 4

    problmes concerne la crdibilit desmenaces de sanction du concdant.Lautre source de difficults est lie lincompltude des contrats et auxrisques dopportunisme de la part desconcessionnaires (mais aussi des conc-dants !). Une fois lenchre remporte,loprateur peut en effet revenir sur lespromesses quil a faites et qui lui ontpermis de gagner lappel doffres. Il peutnotamment pratiquer des tarifssuprieurs au prix propos lors de lappeldoffres, rogner sur la qualit du servicefourni, ou encore ne pas respecter sesengagements en matire de dlais deralisation ou de renouvellement desinvestissements et chercher rengocierle contrat initial.

    moins de contre-performancessrieuses et rptes, le vainqueur dunappel doffres sait quil a peu de risquesdtre remplac avant lexpiration ducontrat quil a remport car le respectde la dure de son contrat est lacontrepartie des investissementsdurables quil a d raliser. Lun desmoyens pour ltat de parvenir inciterdes acteurs privs investir massive-ment dans des actifs de longue dure,souvent difficilement redployables, etde signaler sa crdibilit ses futurspartenaires, est en effet de garantir ladure des engagements. Dautre part, leremplacement dun concessionnaireavant le terme de son contrat est unprocessus long, coteux et donc dis-suasif pour le concdant. Plutt que desengager dans une procdure de rso-lution des conflits puis de supporteren sus des cots de transition etventuellement de faire face une rup-ture du service, le concdant insatisfaitpar les performances de son conces-sionnaire prfrera poursuivre la rela-tion avec celui-ci et ngocier uncompromis. En consquence, la menacede rupture du contrat qui pse sur lesconcessionnaires de services publicsayant obtenu un contrat de long termeest relativement faible. Ds lors, loppor-tunisme des fournisseurs de services aautant le loisir de sexprimer dans lecadre de contrats de concessionattribus par appel doffres que dans lecadre dune structure traditionnellerglemente.

    De plus, du fait de leur incompltude,les contrats ne peuvent prvoir toutes

  • LES OBSTACLES LARATTRIBUTION

    Le dernier type de problme que posele recours lappel doffres concernelefficacit des mcanismes concurren-tiels dattribution au stade de renou-vellement des contrats (graphique).Lexistence dune concurrence entreoffreurs au stade de renouvellement dela concession conditionne lefficacit dumode de coordination par appel doffre.Or, la parit entre enchrisseurs lors dusecond round dattribution des conces-sions nest pas assure compte tenu de lanature des investissements raliss parles contractants en place. Ainsi, bien quilpuisse y avoir un grand nombre desoumissionnaires qualifis au dbut, sile gagnant du contrat original acquiertun avantage de cot, en raison parexemple dune localisation ou dunapprentissage unique, incluant lacqui-sition de comptences de travail lies des tches spcifiques , lgalit entresoumissionnaires aux priodes de renou-vellement du contrat sera renverse [9].

    Lenchrisseur ayant remport le pre-mier appel doffres bnficie en effet desconsquences de ce que Williamsonappelle la transformation fondamen-tale . Selon ce phnomne contractuel,lexistence dune concurrence ex antedans les enchres, cest--dire la prsencedun grand nombre doffreurs au stadedattribution dune concession, ne garan-tit pas le maintien du mme degr deconcurrence lors du renouvellement ducontrat. Lefficience ou linefficience

    ex post de la concurrence varie selonque la fourniture du bien ou du serviceconsidr implique des investissementsdurables en actifs humains et/ouphysiques spcifiques, cest--dire desinvestissements durables difficilementredployables sans cot vers dautresusages ou dautres clients. Lorsque detels investissements ne sont pas nces-saires pour assurer la fourniture de ser-vices publics concds, loffreur quiremporte lenchre initiale ne bnficiepas davantages sur ces rivaux lors desenchres ultrieures. En revanche, dslors que des investissements durables enactifs spcifiques aux transactions deservices publics sont raliss par le pre-mier concessionnaire, ses futurs concur-rents ne sont plus sur un pied dgalitavec lui. Dans de telles circonstances, levainqueur profite donc davantages surles vaincus. En consquence, la situationconcurrentielle de dpart est transfor-me par la suite en une situation doffrebilatrale, entranant un danger dexpro-priation rciproque [10]. Le concession-naire comme le concdant peuvent,en effet, avoir intrt profiter de leurposition respective de monopole etmonopsone pour rengocier leur avan-tage le contrat.

    La raison pour laquelle la ralisationdinvestissements dans des actifs spci-fiques durables introduit une asymtriecontractuelle entre loffreur vainqueuret les vaincus, est que la valeurconomique gnre par de telsinvestissements serait sacrifie, la foispour le concdant et pour le conces-sionnaire, si la relation doffre initiale

    venait sachever avant la fin de vie desactifs. La ralisation dinvestissementsspcifiques cre en effet une relation dedpendance bilatrale entre le client etson fournisseur (cest--dire entre leconcdant et le concessionnaire). Ni lunni lautre na intrt ce que la relationsoit interrompue, mais chacun peutchercher exploiter la dpendance delautre et saccaparer la rente gnrepar le dveloppement dactifs spcifiques.

    Si le concessionnaire a investi dansdu capital physique spcifique la four-niture de services publics, dans la mesureo ce capital perd de sa valeur lorsquilest utilis dautres fins que celle pourlaquelle il tait prvu, le fournisseurest fortement dpendant de son client.Paralllement, comme le client ne peutse retourner vers des sources alterna-tives dapprovisionnement et obtenir lebien ou service des conditions favo-rables puisque le cot dapprovision-nement auprs dun fournisseur non sp-cialis est lev, celui-ci est galementcaptif de son fournisseur. De la mmemanire, les investissements en capitalhumain spcifique raliss par leconcessionnaire tout au long de la rela-tion contractuelle (par exemple lesdpenses de formation et dapprentis-sage spcialiss effectues pour rpon-dre la demande du client) crent unerelation de dpendance bilatrale quidonne de la valeur lidentit des par-ties. En dautres termes, le concession-naire ayant ralis des investissementsspcifiques, comme son client, nest pasremplaable sans cot. Il dispose doncdun avantage de first mover sur ses

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  • rivaux potentiels. Ds lors, lefficacit dumcanisme dattribution des concessionspar appel doffres nest plus garantie endeuxime priode (cest--dire aprs quele premier vainqueur a dvelopp desactifs spcifiques) puisque la contrac-tualisation anonyme, propre au march,a t supplante par une contractuali-sation dans laquelle lidentit des par-ties importe.

    La prsence dactifs spcifiquesnempche cependant pas le recours des contrats de concession attribus parappel doffres, si ceux-ci sont dune durequivalente la dure de vie des actifsphysiques impliqus dans la relationcontractuelle, ou si lvaluation et letransfert des actifs en fin de contrat sontaiss. En effet, si le contrat stendjusqu la fin de vie des investissements, lexpiration du contrat, et donc lors dela phase de rattribution des concessions,la relation de dpendance bilatrale quiliait le concessionnaire de premirepriode son client disparat, du moinsen partie. Les concurrents du vainqueurdu premier appel doffres sont en effetmoins dsavantags que dans une situa-tion o dure des contrats et dure devie des actifs ne concident pas, mais ilsne sont tout de mme pas sur un pieddgalit avec le premier concessionnaire,si ce dernier a dvelopp des actifshumains et des comptences spcifiques.Il demeure en outre une asymtrie infor-mationnelle entre les deux types deconcurrents (loprateur en place et lesnouveaux entrants) car le concession-naire en place a pu dvelopper davan-tage de connaissances sur lescaractristiques du march et la fonc-tion de cot, et est, par consquent, enmesure de proposer une offre plus per-tinente que celle de ses concurrents.

    Cepondant il nest gnralement pasefficace de grer un service avec desinvestissements qui vieillissent etpeuvent devenir obsoltes sans lesrenouveler au moins en partie au coursdu contrat. Il nest pas non plus optimalde contracter sur la dure de vie des

    investissements spcifiques. En effet, lesproblmes de contractualisation ex post,cest--dire dadaptation aux alas, sontdautant plus aigus que les contrats sontlongs. Lallongement de la dure descontrats permet certes de scuriser lesinvestissements et par consquentdinciter les oprateurs investir mais,dans la mesure o les contrats sontncessairement incomplets, cela peutdans le mme temps conduire enfermerles contractants dans une relationinadapte aux conditions changeantesde lenvironnement conomique. Le choixde la dure des contrats doit tre lersultat dun arbitrage entre protectiondes investissements (lutte contre loppor-tunisme) et flexibilit (adaptation auxperturbations non anticipes).

    En conclusion, lapproche de la thoriedes cots de transaction permet de mettreen vidence les obstacles la coordina-tion de la fourniture de services publicspar des mcanismes de march et demontrer que le choix du franchisebidding nest efficace que sous certaines

    conditions, cest--dire que ce mode decoordination nest pas envisageable entoutes circonstances. Considrer que lesmcanismes de march garantissent lacoordination dans toutes les situationsrevient, en effet, omettre les problmesengendrs par ce mode de coordination,qui peuvent pourtant se rvler importantsdans le cas des industries de servicespublics. Au regard des hypothses et propo-sitions dveloppes par ce cadre danalyse,il convient donc de nuancer lefficacit delappel doffres pour les concessions de ser-vices publics et de nenvisager ce mode decoordination quaprs avoir analys endtail les caractristiques des transactions,et en particulier le degr de spcificit desactifs et le niveau dincertitude de lenvi-ronnement dans lequel voluent les agentsconomiques.

    ANNE YVRANDE-BILLONMATRE DE CONFRENCESAU CENTRE ATOMUNIVERSIT PARIS-I PANTHON-SORBONNE

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    BIBLIOGRAPHIE

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