histoire générale de la tunisie tome 2 : le moyen age "

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    HISTOIRE GNRALE DE LA TUNISIE

    TOME II

    A

    L e M o y e n - A g e

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    H I S T O I R E G N R A LE D E L A T U N I S I E

    T O M E I I

    L e M o y e n - A g e

    Hichem DJAT Mohamed TALBI

    Farhat DACHRAOUI Abdelmajid DHOUIB

    M'hamed Ali M'RABET

    26 plans et cartes, 108 documents photographiqueset 16 hors-texte couleur runis et comments par

    Faouzi MAHFOUDH

    Sud ditions - Tunis

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    Sud Editions - Tunis Avril 2008

    [email protected]

    Tous droits de reproduction, de traduction

    et d'adaptation sont rservs

    pour toutes les langues et tous les pays.

    mailto:[email protected]:[email protected]
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    Avant-propos de l'diteur

    Ce deuxime volume de l'Histoire Gnrale de la Tunisie couvreles neuf sicles qui vont de la conqute arabe jusqu' l'installationdfinitive des Turcs Tunis (647-1574). Nous avons hsit luiconserver le titre de l'dition originale savoir : le Moyen-Age.Cette priode correspond pour l'Ifrqiya l'essor d'une civilisation

    crative et conqurante et c'est au cours de cette priode que laTunisie devient dfinitivement arabo-musulmane et que se forge sapersonnalit profonde.

    Notre dmarche dans la ralisation de ce deuxime volume est lamme que celle expose dans l'avant propos du volume consacr l'Antiquit*. Nous avons repris les textes de l'dition originelle que nous

    publions, cette fois, sans changements majeurs. Cependant, nous avonsintroduit dans l'ouvrage une importante documentation qui accom-

    pagne les exposs historiques. Le Professeur Faouzi Mahfoudh, en col-laboration avec la rdaction de Sud Editions, s'est charg de runir etde commenter les cartes, les plans et les photographies de ce volume.

    Nous avons considr aussi qu'il tait utile d'ajouter aux exposs desauteurs et cette documentation des encadrs consacrs des per-

    sonnages ou des questions cls.

    C'est ainsi que la Sicile devenue pendant deux sicles et demi par-tie intgrante de l'Ifrqiya et foyer d'une brillante civilisation que les

    * Voir Histoire Gnrale de la Tunisie, T. I, l'Antiquit, pages 7 et 8.

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    Normands, matres de l'le partir de 1070 ont su prserver et dve-lopper, a fait l'objet d'un certain nombre de documents et de textesqui rendent compte de son importance et de la place part qui taitla sienne.

    Seize planches couleurs en hors-texte sont consacres aux tmoi-

    gnages les plus loquents de la brillante civilisation de l'Ifrqiyaarabo-musulmane. Elles permettront au lecteur, nous l'esprons, demieux apprcier celle-ci.

    Nous esprons que cet ensemble documentaire apporte des clai-rages plus larges et plus nuancs sur la vie conomique, culturelle etspirituelle ainsi que des mises au point rendues possibles par les pro-

    grs des recherches archologiques rcentes et par l'avancement destudes sur la production artistique de ces diffrentes priodes.

    Signalons enfin que, les dates n'ayant pas t donnes par lesauteurs selon les res hgirienne et chrtienne de faon systma-tique, nous donnons la fin de l'ouvrage un tableau gnral deconcordance auquel le lecteur peut se reporter.

    M. Masmoudi

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    Introduction*

    L'histoire mdivale de la Tunisie commena sous un clairagenouveau : celui de la lumire de l'Islam.

    Ce pays avait dj derrire lui plus d'un millnaire et demi d'histoire

    prestigieuse. Les dernires lignes de la page antique ne dcrivaient plustoutefois que les troubles et les ruines. Certes, les premiers pionniers del'Islam furent surpris par l'aspect tonnamment verdoyant de ceMaghreb dcrit, avec des exagrations romantiques, comme une suited'ombrages et de bosquets de Gabs Tanger. On se plut aussi, avecnon moins d'exagration, mettre en relief les dvastations desBerbres Butr, anims par al-Kahina, et les dprdations des ArabesHilaliens, nue de sauterelles lches sur l'Ifrqiya par le Fatimide al-Mustansir d'Egypte mcontent de l'attitude de son vassal , le Zirideal-Mu'izz b. Bds.

    En fait, lorsque les Arabes apparurent sur la scne d'Ifriqiya,prfiguration de la Tunisie actuelle, la civilisation antique jadis brillanteen tait son chant du cygne. La Tunisie n'tait certes pas encoretotalement dpouille de son manteau de verdure, mais ses villes et sesvillages taient en ruines. Al-Maliki rapporte que le clbre gnralMusa b. Nusayr qui avait parachev la conqute de tout le Maghreb etde l'Espagne, avait l'habitude chaque fois qu'il passait devant quelquevestige ou devant quelque ville antique, de descendre de sa monture,

    (*) Le texte de cette introduction a t rdig pour la 1" dition. Nous le reproduisonssans changement. (NDLR)

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    10 INTRODUCTION

    de se prosterner deux fois terre, de parcourir ensuite les lieux enmditant sur les monuments et les ruines et de pleurer abondamment

    avant de reprendre sa route . Ainsi les difices et les monumentsn'taient plus que les tmoins de la prcarit des choses de ce mondeet ne servaient plus qu' l'dification des mes pieuses.

    Sur les ruines d'un monde pratiquement rvolu, les Arabesdifirent une nouvelle et jeune civilisation : celle de la Tunisiemdivale. Ce ne fut pas sans peine ni mal. La conqute fut dure,

    longue et laborieuse. La rsistance officielle, celle des Byzantins, futcertes rapidement et aisment brise. Les structures antiques taient eneffet vermoulues. Mais la rsistance des populations fut, elle, beaucoup

    plus dure surmonter. Les Berbres dfendirent leur pays et leursvaleurs propres avec un hrosme et une farouche dtermination quiforcent l'admiration. Les figures d'un homme, Kusayla ou Kasila, et

    d'une femme, al-Kahina qui, par-del ses dboires et sa mort, sutprparer la reconciliation entre vainqueurs et vaincus, ne furent pasmoins prestigieuses que celles de leurs adversaires, 'Uqba b. Nfi' etHassan b. al Xu'man.

    Berbres et Arabes firent ensuite de grandes choses ensemble et cerasant, ils firent une nation. Ils s'opposrent, certes, mais ils

    collaborrent aussi ds la premire heure. La conqute de l'Espagne estjustement l'un des premiers fruits de leur collaboration. A travers lesheurts et les invitables vicissitudes, ils trouvrent ainsi progressivementle chemin de la fusion et de la communion dans la mme foi, la mmelangue et les mmes valeurs culturelles. Le Moyen-Age, dont le prsentvolume tente de prsenter un raccourci aussi fidle que possible, fut lecreuset qui permit justement les fusions d'o sortirent les temps

    moderne et contemporain.

    Un sicle et demi aprs la conqute, la Tunisie, affirmant sapersonnalit propre, se dgagea, sans rvolte et sans rupture, par voiede ngociation, de la tutelle de Bagdad. Dsormais indpendante, ellemena, gouverne par la dynastie arabe des Banu-1 Aghlab, une

    politique active en Mditerrane. Elle s'engagea ensuite l'est et

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    LE MOYEN-GE 11

    l'ouest, dans des aventures encore plus audacieuses sous la direction des

    Fatimides, califes rivaux des Abbassides et derniers gouvernants arabesdu pays. Leurs successeurs, les Zirides puis les Hafsides, furentd'authentiques berbres. Mais ces berbres taient dj les meilleursdfenseurs, non seulement de l'Islam, mais aussi de la langue et de laculture arabes dans leurs formes les plus pures.

    Une brillante civilisation d'expression arabe et d'inspiration

    musulmane fleurit en effet dans le pays et favorisa le brassage de tousles lments ethniques. Kairouan brilla d'un vif clat. Lorsqu'ellepriclita par la suite, surtout aprs l'invasion hilalienne, ce fut pourcder son rle et sa place Mahdia puis Tunis.

    Ce deuxime tome de l'Histoire Gnrale de la Tunisie relate ainsi,en cinq parties, neuf sicles d'histoire mouvements, d'heurs et demalheurs, qui jourent un rle capital dans la fixation dfinitive de la

    physionomie du pays. Il est riche en enseignements et, en nous rvlantun pass fcond en toutes sortes de richesses, de convulsions et deralisations, il ne manquera pas de contribuer mieux nous rvler nous-mmes.

    M. Talbi

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    LA CONQUTE ARABE ET L'MIRAT

    Par Hichem Djat

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    Systme de transcription adopt

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    CHAPITRE PREMIER

    La conqute arabe(27-86 H/647-705 ap. J.-C.)

    Un sicle aprs l'achvement de la reconqute byzantine, laTunisie connaissait derechef l'invasion et entrait depuis lors dansune phase nouvelle et dcisive de son histoire.

    la diffrence de la vandale, la conqute arabe allait s'avrer

    durable et, s'enracinant profondment mais non sans une pre luttedans le pays, elle devait orienter l'Africa vers un tout autre destin.

    Non seulement, au plan politique, la province arrache l'Empiretait intgre d'emble et pour longtemps dans la constructionimpriale arabe, mais encore, et au niveau plus profond de lacivilisation, elle tait appele subir une grande et quelquefois

    douloureuse mutation, pntrant ainsi jamais dans l'axe culturelarabo-islamique.

    Si donc les effets long terme de cette priode sur l'volutionpropre de la Tunisie s'affirment des plus primordiaux, ce serait unegrave erreur, notre sens, de perdre de vue l'arrire-fond plantaire

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    sur lequel se dtache la conqute arabe en Ifrqiya. La Tunisie

    rvlait ainsi de nouveau sa profonde solidarit avec les grands

    remous qui pouvaient secouer le monde civilis.

    ILa phase exploratoire de la conqute

    (22-50/642-670)

    Cette conqute s'inscrit dans la pousse expansionniste de l'Islam

    qui dtruisit l'tat sassanide et dpossda Byzance, hritire de Rome

    dans sa vocation impriale, de ses provinces orientales. En dpit de

    cette grave amputation, l'Empire byzantin russissait sauvegarder

    son existence mais restait cependant menac et encercl. Pendant

    plusieurs sicles, il allait subir la pression arabe, ployer, mais non

    succomber. C'est dans le cadre de ce duel qu'il faudrait placer lesorigines, le droulement et le style mme de la conqute arabe en

    Tunisie.

    Tout d'abord, il apparat clairement que la conqute de l'Ifrqiya

    fut l'aboutissement logique de la conqute de l'Egypte, et que celle-

    ci prpara celle-l.

    En 642, 'Amr ibn al-'s entrait victorieux Alexandrie puisenvoyait ses troupes Barqa, en Pentapole, soumettait assez

    rapidement la tribu berbre des Luwta, poussait jusqu' Zwla, dans

    le dsert, et mme jusqu' Tripoli. En 25/646, il lui fallut cependant

    reprendre Alexandrie des mains des Byzantins et refouler, aprs

    l'avoir battue, l'arme impriale commande par Manuel. C'est dire

    que dans ce laps de temps de cinq ou six annes (21 26 H.),l'activit militaire arabe fut intense en Egypte et du ct de la Libye

    et que ce n'tait qu'en 646 qu'on pouvait considrer l'acquisition de

    l'Egypte comme sre et dfinitive.

    Or le premier raid au cur de l'Africa eut lieu en 27/647, ce qui

    signifie que l'action arabe dans cette province vint embrayer

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    directement sur l'entreprise gyptienne et qu'il n'y eut donc pas de

    solution de continuit dans la marche arabe vers les possessionsouest-mditerranennes de Byzance.

    Mais ce n'tait pas 'Amr, remplac la tte de l'Egypte par'Abdallah ibn Sa'd ibn Abi Sarh, qu'chut le soin de prparer etd'organiser l'expdition ifrlqiyenne. L'Egypte n'en resta pas moins la

    base essentielle d'o partirent et partiront encore les assauts. Ellefournit en grande partie les hommes, l'argent et les chefs ncessaires.Il faut y ajouter, pour cette premire expdition, un noyau assezimportant de bdouins des alentours de Mdine - des tribus deJuhayna, Muzayna, Sulaym et Aslam notamment - et unereprsentation imposante, par le nombre et la qualit, des fils deCompagnons les plus notoires. Les sources tiennent nous donnerune image pleine de solennit des dbuts de la conqute : le calife

    'Uthmn aurait lui-mme veill en rassembler soigneusement lespremiers lments au camp de Jurf, prs de Mdine. Avec rserves,cette tradition ne nous semble pas devoir tre rejete car l'entrepriseifrqiyenne tait l'uvre propre de 'Uthmn et comme telle, devaitlui tenir cur.

    D'un autre ct, si elle pouvait apparatre comme un prolongementlogique de la conqute de l'Egypte, elle avait cependant une

    signification autonome, ne serait-ce que du fait que l'Africa tait uneentit administrative bien affirme. Elle l'tait d'autant plus qu' cettedate un mouvement d'indpendance s'y dessinait, soutenu par la

    profonde hostilit de l'orthodoxie l'gard de la politique religieusemonothiste du gouvernement imprial. Mouvement qui se concrtisaen 646 par la scission de l'exarque de Carthage, Grgoire, qui alla

    jusqu' prendre le titre imprial.Ces tiraillements internes furent-ils interprts par les Arabes

    comme un signe de faiblesse ? Furent-ils donc dterminants dans lechoix du moment ? Rien n'est moins sr, car le patrice avaitvraiment su et pu runir autour de lui une large unanimit. Enparticulier, l'appui des tribus berbres ne lui faisait pas dfaut et c'estdu reste pour s'en rapprocher qu'il rsolut de se dplacer vers

    Suffetula (Sbeitla) et de s'y fixer. C'est non loin de l qu'eut lieu

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    LA CONQUETE ARABE ET L'EMIRAT- 19

    l'affrontement entre l'arme arabe et l'arme de Grgoire, trs

    prcisment au lieu-dit, d'aprs les sources arabes, 'Aquba qui devaitse situer sur la route joignant Hadrumte (Sousse) Suffetula, quelques 80 km de la nouvelle capitale.

    La bataille dite de Sbeitla (28 H) vit l'crasement des Byzantinset des contingents berbres qui les soutenaient. Grgoire lui-mmefut tu et la ville n'chappa pas au pillage. La dfaite du patrice et sadisparition de la scne politique mettaient fin la scission africaine

    et faisaient s'vanouir en fumes ses rves impriaux : la provinceallait en effet bientt tre ramene - du moins officiellement - dansle giron de l'Empire. Mais la vritable signification de la bataille deSbeitla rside dans la dislocation en rase campagne de l'arme

    byzantine d'Afrique. Premier affrontement important avec lesArabes, la bataille de Sbeitla sera aussi le dernier. Dsormais la lutte

    des Impriaux pour la dfense de la province prendra une allureindirecte et se muera en une rsistance plus ou moins passive,sporadique et troitement lie sinon subordonne la rsistance

    berbre.

    Aprs leur victoire, les Arabes ne se firent pas faute de procder des pillages : leurs dtachements balayrent la Byzacne ets'enfoncrent jusque dans les riches oasis du Jrid. Finalement leschefs byzantins durent se rsoudre offrir l'envahisseur, pour prixde son dpart, une forte contribution de guerre qui se serait leve 2.500.000 dinars soit 300 talents. Et ainsi, aprs 14 mois de sjouren Ifrqiya, l'arme arabe reprenait le chemin de l'Egypte.

    Tout en tant une expdition de pillage, l'incursion d'Ibn Sarhtait le premier jalon d'une longue entreprise de conqute. La vise

    gnrale de conqute existait sans aucun doute dans l'esprit desdirigeants arabes mais, dans ce premier acte, ils durent se satisfaired'un arrangement qui sauvegardait le butin considrable amass pareux. En outre, des dissensions commenaient s'lever au sein decette arme. La campagne d'Afrique aura rvl en particulier lesvices profonds du systme familial de 'Uthmn et mis en lumire la

    vigoureuse opposition contre son rgime.

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    Bref, l'tat d'imprparation une vritable installation, la difficult

    qu'il y avait forcer le systme dfensif byzantin fortement secou enByzacne mais tenant toujours ailleurs, les tiraillements internes del'arme arabe elle-mme, tout cela contribua stopper net l'expditionifrqiyenne.

    Cet abandon dura prs de vingt ans. L'Islam entrait en effet dansune priode de troubles dont la crise du Califat tait l'lment majeur.L'accs au pouvoir de Mu'wiya en 41 H/661 allait permettre un

    regroupement des forces et une reprise de l'expansion islamique auxdpens de Byzance, de nouveau gravement menace. Entre temps,l'Afrique traversait une phase de dsarroi. Constant II en reprit lecontrle mais sa politique religieuse, marque par des brutalits l'encontre de l'abb Maxime, grand Africain et le plus minentthologien de son temps, lui alina les esprits. Les exactions fiscalesn'taient pas non plus pour lui attirer les sympathies. De l une rvolte

    Carthage et une demande paradoxale de secours de la part desrebelles au Calife.

    L'occasion tait belle pour les Arabes de revenir en force.De nouveau, un chef arabe d'Egypte, Mu'wiya ibn Hudayj, une

    des principales ttes du parti 'uthmnien, prenait le commandementd'un dtachement en 45 H/666, et venait camper en Byzacne, dansla rgion d'al-Qarn, rayonnant de l dans les alentours. Deux faits

    marquants viennent ponctuer ce nouvel pisode : un dbarquementbyzantin sous le commandement de Nicphore Monastir, qui futrepouss, et la prise de la ville de Jall, dans la zone du futurKairouan, prise violente qui se fit sur un coup de chance et se signala

    par la participation active de Abd al-Malik ibn Marwn.Bref, l'expdition d'Ibn Hudayj reprenait les choses l o elles en

    taient restes - c'est dire au point mort depuis 649. La Byzacnetait de nouveau occupe et pille puis, en 667, ce fut le reflux versl'Egypte.

    Expdition de pillage l aussi, ou politique prudente des tapes ?La politique militaire du Califat vis--vis de l'Afrique se signale parses lenteurs et ses hsitations et jusqu' prsent, beaucoup plus parson caractre stratgique que par une dimension coloniale jusque

    l inexistante, sinon dans les intentions, du moins dans les faits.

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    Trsor de Rougga enfoui vers 647/648

    Plusieurs trsors remontant au dbut de la conqute arabe ont t dcouverts ;

    cette thsaurisation tmoigne d'un rflexe de dfense chez les populations.

    L'illustration prsente comme chantillons quelques-unes

    des 268 pices de sous d'or qui constituent le trsor montaire de Rougga.

    Ce trsor a t dcouvert dans une petite cruche enfouie sous

    une dalle du forum de la cit de Rougga (situ 13 km au S.Ed'El Jem). Les pices se rpartissent entre les quatre derniers empereurs

    byzantins Maurice-Tibre (1 pice), Phocas (83 pices), Hraclius

    (121 pices) et Constant (641-668) (36 pices).

    La date d'enfouissement qui rsulte de l'examen dtaill

    de l'ensemble des pices se situe entre 647 et 648. Cette

    date concide avec le premier raid de l'arme arabe

    qui mettra fin en moins d'un demi-sicle au pouvoir byzantin

    en Afrique. Elle confirme la tradition historique des

    auteurs arabes relative la fameuse expdition en Ifriqiya.

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    Il appartiendra un homme d'une trempe messianique, 'UqbaIbn Nfi', de prciser ces vises et d'essayer de forcer le destin.

    IIL'installation arabe et les dbuts de la rsistance

    berbre (50-69/670-688)

    1. La fondation de Kairouan (50-55/670-674)

    Quand, en 50 H., 'Uqba ibn Nfi' fut nomm gouverneurd'Ifrqiya, il tait dj un homme mr, g d'une cinquantained'annes et avait derrire lui une carrire militaire assez longue. Ilcommanda notamment des expditions dans le Sud libyen et

    participa aux premiers raids sur l'Ifriqya. Chef ambitieux, ardentbtisseur, il comprit trs vite qu'il n'y aurait pas de conqutevritable sans une installation dans une ville-camp, un misr ,

    l'instar de ce qui s'tait dj pass en Orient. On peut dire qu'avec'Uqba il y eut une vritable mergence de la wilya d'Ifrqiya, mmesi cette wilya devait dpendre encore pour un certain temps dugouvernement de Fustt. Par ailleurs, le mme personnage inauguraun nouveau style d'action, marqu par la rsolution brutale etl'esprit de proslytisme, et plus encore, affirma de nouvelles visesstratgiques s'tendant au Maghreb en son entier.

    La fondation de la ville-camp de Qayrawn se fit dans la zone deQammniya qui avait t ds les premires incursions le lieu desjour favori des armes arabes. C'est de l que partit l'assaut initialcontre Sbeitla, c'est l que campa Mu'wiya ibn Hudayj. Les sourcesne nous disent-elles pas, du reste, que 'Uqba se dirigea, dans un

    premier mouvement, vers le camp abandonn et sans doute

    rudimentaire de son prdcesseur et que, non satisfait du site, il lequitta pour ce qui allait devenir le site de Kairouan qui, bienqu'autre, restait dans la mme zone.

    Il importe de remarquer ici que la ville fut fonde un moment o laZeugitane - la moiti nord de la Tunisie - chappait l'emprise arabeet que, par ce biais, la situation de Kairouan tait tributaire descirconstances militaires de la conqute. Mais et-il tenu sous sa

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    La forteresse de Jalula (antique Kouloulis)

    Les raines

    Jalula fut la premire tape sur la route qui partait de Kairouan

    vers le Nord-ouest pour atteindre Buna en Algrie. La cit romaine de Kouloulis

    formait avec Mamma (Henchir Douamis), une seconde protection,

    un peu en retrait de la premire ligne des citadelles qui dfendaient les abords du

    Tell, aux frontires de la Byzacne et de la Proconsulaire.

    Adosse au Djebel Oueslet, Kouloulis fut l'une des premires cits

    du Tell tre occupe ds le dbut de la conqute arabe par les troupes de

    Mu'awiya ibn Hudaij en l'an 45/666. La cit fut dtruite aprs que son enceinte se

    fut croule. Parmi les personnalits importantes qui eurent un rle

    dcisif dans l'occupation de Jalula les sources arabes citent le

    futur calife omayade Abd al-Malik ibn Marwn.

    Aujourd'hui encore on peut voir les restes de ses remparts imposants,

    les vestiges d'une citadelle byzantine et le bassin circulaire aliment par une

    source aquifre voisine. L'intrt stratgique de Jalula va s'illustrer

    une fois encore au cours des

    rvoltes Kharijites du vuf s.

    Sous les Aghlabides la

    localit abrita une

    garnison et fut surtout mise

    en valeur pour fournir Kairouan des vivres et de

    l'eau de trs bonne qualit.

    Avec la rgion voisine de

    Sardaigna, Jalula

    a servi tout au long

    du Moyen ge de lieu de

    villgiature pour les

    dignitaires de Kairouan.

    Bassin

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    24 LE MOYEN-A GE

    coupe toute l'Ifrqiya que 'Uqba n'et sans doute pas fond sa ville

    sur l'emplacement d'une Carthage dtruite. C'est qu'en la situant aucentre de l'Africa, regardant plus vers le Sud et l'Ouest que vers leNord, il entendait probablement tourner le dos aux traditionsromano-chrtiennes que symbolisait Carthage. Le nouveau misr est donc affirmation d'une destine et d'une vocation galementnouvelles qui s'expriment par la volont d'installer demeure enterre d'Afrique le peuple arabe et, autant que possible, d'y planter

    l'tendard de l'Islam.Mais dans l'immdiat, il y avait surtout des considrations

    stratgiques qui entraient en jeu, savoir la ncessit pour l'armearabe d'avoir une base d'oprations stable et une position de replidans le pays mme. La fondation de Kairouan reclait donc unemenace implicite contre les tribus berbres de l'Ouest tout autant

    que contre le gouvernement byzantin rgulier. Et de fait, pendant lesquatre ou cinq annes de son premier sjour (51-55), 'Uqba ne restapas inactif sur le plan militaire. Profitant de la passivit et de lafaiblesse byzantine sans nul doute en rapport avec le sige deConstantinople par Mu'wiya Ier (49-52), il lana des razzias courtrayon d'action sur les bourgades et la campagne de Byzacne. C'estainsi que les chroniqueurs arabes et byzantins tout la fois font

    allusion des massacres oprs parmi les Chrtiens - surtout sansdoute parmi les Africani - et l'on nous dit que les Berbres, frappsde terreur, seraient entrs en masse dans la nouvelle foi. Toutindique donc que la venue de 'Uqba concida avec un certaindurcissement des mthodes arabes que la brutalit de l'homme et laclaire vision qu'il avait de sa mission et de son rle expliquent

    aisment. Il fallait donc s'attendre une riposte vigoureuse dumonde berbre, oblig devant la quasi-absence byzantine, decompter sur ses propres moyens.

    2. Abu Muhjir Dinar (55-62/674-681)

    L'orage n'clata pourtant pas tout de suite. 'Uqba venait en effet

    d'tre destitu par le gouverneur d'Egypte Maslama ibn Muhallad

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    LA CONQUETE ARABE ET L'EMIRAT- 25

    qui le remplaa la tte du Maghreb par Abu Muhjir Dinar(55/674).

    L'homme qui allait prolonger, avec un succs certain, l'oeuvre de'Uqba tout en vitant un heurt direct et sanglant avec le monde

    berbre tait, paradoxalement, son ennemi mortel. Il dut cettequalit autant sans doute qu' sa condition de mawl de voirminimiser son rle et s'estomper son renom - beaucoup moinscependant par les sources anciennes que par la Vulgate historique.

    Ragissant contre cette tendance, certains historiens modernesn'hsitrent pas renverser les rles en accordant presque laprminence dans l'uvre de conqute Abu Muhjir sur 'Uqba.Abu Muhjir serait le premier chez qui se serait affirme une nettevolont de colonisation sinon de conqute vritable, le premier chefqui osa porter ses coups sur le Maghreb moyen tout en pratiquantune politique habile tendant l'islamisation de l'Afrique. Ils

    opposrent les deux politiques et les deux tempraments, souplesd'un ct, brutaux de l'autre. Et de fait, tout n'est pas faux dans cesaffirmations. Tel que nous le campent les sources, Abu Muhjir nousapparat en effet comme un politique avis doubl d'un musulmanloyal. Mais c'est coup sr 'Uqba qu'il faut imputer la nouvelleorientation de la conqute dont Abu Muhjir ne fut qu'uncontinuateur la fois souple et actif.

    Il est significatif, par exemple, que la ville-camp de ce dernier T-Qayrawn, dont il voulut par un acte de haine faire la rivale duKairouan de 'Uqba, abandonn quelque temps, ne lui survcut pas.Mais il reste que, par del les divergences de mthode et les conflits

    personnels entre les deux hommes, une mme intention les animaittous deux, celle d'une installation solide en Afrique et l'ide d'une

    extension de la conqute l'chelle de tout le Maghreb. C'est ainsiqu'on trouve, semble-t-il, Abu Muhjir en pleine action aux sourcesde Tlemcen o il aurait captur le chef Awraba Kaslla et plus tard,en 59 H, on nous le signale devant Carthage. Enfin, c'est cettepoque que les Byzantins, par voie d'accord, auraient abandonnaux Arabes la pninsule du Cap Bon, dnomme par eux JaziratSarik.

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    3. La deuxime campagne de 'Uqba et l'apparition de la

    rsistance berbre (62-63 H)

    Nomm de nouveau la tte du Maghreb, 'Uqba va se hter demettre excution son grand dessein de pntration du Maghrebmoyen et extrme. Et c'est ce moment prcis qu'clatera unersistance berbre trs vive, nouvel lment et combien importantdans l'histoire de la conqute. la diffrence des pays d'Orient, il y

    eut donc ici intervention arme des autochtones, en dehors de, maissouvent en collaboration avec le matre byzantin.

    Il faut noter tout d'abord, pour clairer le problme de la

    rsistance berbre que, tant que les Arabes se limitrent au pillage et

    la pacification de la Tripolitaine et de l'Africa proprement dite, il

    n'y eut presque pas de remous du ct berbre. Les tribus du sud

    Luwta, Hawwra, Nefsa, ne bougrent pas malgr le pillage duDjrid et en dpit d'une assez dure fiscalit impose aux Luwta.

    C'est que cette dernire tribu libyenne s'tait dj puise sous les

    dominations prcdentes et que la Byzacne tait une zone agricole

    et civilise, donc situe en dehors du monde berbre tribal. Bref, la

    rsistance berbre n'apparut pas tant que les incursions arabes se

    bornrent au domaine proprement byzantin (Tripolitaine, Byzacne),mais il fallait s'attendre une forte riposte ds lors que les Arabes

    s'engageaient dans une action militaire du ct de l'Ouest, c'est--

    dire dans les rgions propres des tribus ou celles, telle la Numidie,

    qui les avoisinaient. C'est donc l'Afrique berbre, celle des franges

    dsertiques, des massifs montagneux tel que l'Aurs et de leurs

    pourtours, qui se souleva. L'Afrique rgulire, celle des citadins etdes paysans, concidant pratiquement avec la Tunisie actuelle, resta

    quant elle passive. Il faut remarquer, pour expliquer la vigueur de

    la rsistance berbre et son caractre presque insolite dans le

    droulement de la conqute arabe du monde, la recrudescence, ds

    les temps vandales, du phnomne tribal et l'agitation endmique

    des peuples maures sous la domination byzantine, agitation qui se

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    concrtisait par des incursions contre l'Afrique organise. D'o le

    systme dfensif byzantin, auquel s'ajoutaient des gratifications aux

    chefs de tribus. dire vrai, les choses sont encore plus complexes. L'me de la

    rsistance tait la Numidie, c'est--dire finalement une provincebyzantinise et fortement urbanise. L'on sait que pour expliquer untel phnomne, Gautier a suppos acquis l'effondrement de lacivilisation agricole et urbaine qui tait relativement florissante au

    temps de Rome. Or l'examen de sources arabes rcemmentdcouvertes, en particulier le Trkh d'Ibn al-Raqq, rvlenettement la persistance d'une telle civilisation. Et pourtant il estcertain, d'un autre ct, que la Numidie nous apparat comme un paysde grandes tribus berbres groupes autour de princes puissants .Sans doute les deux modes d'organisation s'y juxtaposaient-ils, avecune certaine prpondrance des groupements tribaux. On peutmme imaginer une interpntration profonde entre les deuxstructures conomico-politico-sociales s'affirmant notamment parcertaines formes de protection accordes aux villes par les tribus.Tout cela cadre bien avec le caractre d'association entre Berbres etByzantins prsent par la rsistance aurasienne ses dbuts, l'appuiconstant plus tard des forces byzantines, et simultanment

    l'incontestable prminence de l'lment tribal berbre tout au longde la rsistance. Plus prcisment encore, au sein de ce dernierlment, nous assisterons l'mergence, coup sur coup, de deuxmouvements : un mouvement ouest-aurasien, Brnis, suscit par destribus sdentarises et christianises, un mouvement est-aurasienButr que dvelopprent des formations nomades ou semi-nomades.De fait, la rsistance part toujours d'un noyau central dominant -les Awraba puis les Jerwa - et intgre par la suite dans son sillageun grand nombre de clans berbres. Une figure puissante est l pourentraner les hommes, galvaniser les nergies et regrouper leslments disparates.

    Ce fut le premier type de rsistance que rencontra 'Uqba ibnNfi' lors de la randonne qui le mena en 63 de l'Hgire au cur du

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    Maghreb moyen et peut-tre jusqu'aux bords de l'Atlantique. Cettefameuse expdition, au style haletant et tincelant, et qui se soldera

    par son martyre, reste cependant d'une approche difficile pourl'historien tant elle a t l'objet de surcharges lgendaires.

    Les premiers actes de 'Uqba son retour furent dirigs contre sonprdcesseur Abu Muhjir : les soldats arabes durent revenir l'ancienne ville abandonne - Kairouan - et Abu Muhjir lui-mmefut mis aux fers. Puis, s'tant fait remplacer Kairouan par Zuhayr

    ibn Qays al-Balaw, 'Uqba se dirigea vers l'Ouest la tte de 5.000hommes.Il tait, dit-on, accompagn par Abu Muhjir, toujours enchan,

    ainsi que par le chef des Awraba, Kasla ibn Lamzam, dont ilredoutait une action unie contre lui. Arriv dans la rgionaurasienne, il mit le sige devant Baghya puis devant Lambse maisvainement, car chaque fois la garnison byzantine engageait le

    combat devant la ville puis, vaincue, y refluait, non sans avoir faitsubir aux Arabes de srieuses pertes. Les difficults rencontres par'Uqba s'accenturent quand il dboucha dans le Zb, pays berbre

    par excellence, solidement tenu par les Awraba. Ici on constate unecollusion des Byzantins et des Berbres que leur communeappartenance au christianisme ne pouvait que consolider. Il dut

    engager de violents combats devant Adana, cit berbre du Zb, sansrussir la prendre d'assaut. Il n'en opra pas moins de grandsmassacres et amassa un norme butin en chevaux, mais des lmentsmaures fuyant dans la montagne menaaient de se regrouperdangereusement. Il poussa plus avant vers le Maghreb moyen etrencontra devant Tahert une rsistance analogue de Berbres etByzantins associs. L'itinraire qu'on lui attribue ensuite semble pluttrelever de la lgende : il aurait camp devant Tanger, rencontr le

    patrice Julien, puis de l se serait rabattu vers le Sus-proche et,dernire tape, le Sus-extrme, pays des tribus masmoudiennes dontil aurait captur un grand nombre de femmes. Ici se mlent lemerveilleux, l'pique et le mystique. Seul l'Atlantique aurait arrtson zle infatigable : pntrant cheval en plein ocan, faisant face

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    La chevauche de 'Uqba 62-64 / 681-683

    Carte tablie par Lvi-Provenal

    La conqute arabe du Maghreb fut

    longue et laborieuse. Elle dura une

    cinquantaine d'annes, alors que celle

    de l'Orient fut acheve en moins de dix

    ans. Les premires expditions arabes

    commencent au milieu du VII" s. Pour

    l'Ifrqiya, les sources arabes

    mentionnent celles des annes 27/647,

    45/665, 50/670, 55/674, 62/681, 69/689

    et de l'an 79/698. Les dernires

    campagnes furent conduites par Musa

    Ibn Nusayr. Un document tabli par

    Lvi- Provenal, en se fondant sur les

    rcits historiques, a pu retracerl'itinraire emprunt par 'Uqba ibn

    Nfi '. A partir de son camp, Kairouan,

    il poussa ses expditions jusqu 'au

    Maroc en traversant les rgions

    montagneuses de l'Algrie, o se sont

    retranches les populations berbres.

    L'expdition a touch, pour la premire

    fois, les rgions sud du Maroc et laMaurtanie. De retour d'une campagne

    triomphale, Kasila, la tte d'une

    arme Berbre lui barra la route. 'Uqba

    fut tu Tahda dans la rgion de

    Biskra enfin 63/683. Les Arabes ont

    subi ainsi leur premire grande dfaite

    et ont eu leur premier grand martyr.

    Mosque Sidi Okba

    C'est dans cette modeste et mouvan-

    te mosque supporte par des troncsde palmiers enduits de pltre et situe

    dans le village de Sidi 'Uqba dans le

    Sud algrien qu'est enterr le clbreconqurant.

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    l'immensit marine, il prit Dieu tmoin de ce qu'il ne pouvait

    aller plus loin.Son retour vers l'Ifrqiya de cette expdition-clair qui, pour avoirt un succs psychologique, est dj un semi-chec militaire, posedes problmes l'historien. Ce qu'on peut retenir pour sr est que,

    pour une raison inconnue, il se laissa devancer par le gros de sestroupes partir de Tubna et que les Berbres Awraba, informs etsoutenus par les Byzantins, profitrent du faible nombre de son

    escorte pour l'attaquer Tahuda, oasis proche de Biskra, au pied del'Aurs (fin 63/aot 683). Ployant sous la multitude ennemie, il ygagna le martyre avec ses compagnons dont, semble-t-il, AbuMuhjir. Les dtails de l'affaire, tisss sans doute aprs coup, nedoivent cependant pas tre sans fondement rel : sur le chemin duretour, le gnral arabe aurait, de plusieurs manires, humili le chef

    Awraba Kasla, et cela malgr les sages et judicieux conseils d'AbuMuhjir. Dpit, bless vif, Kasila qui se trouvait alors sur leterritoire de sa tribu prit les contacts ncessaires avec elle ainsiqu'avec les Byzantins et, ne pouvant plus supporter une alliance quise muait en une pnible vassalit, s'chappa, regroupa les siens ettendit une embuscade 'Uqba.

    L'chec de Tahuda tait une atteinte grave au prestige du

    conqurant arabe qu'il frappait et arrtait net dans son lan. Ilrvlait aussi la collusion entre Byzantins et Berbres et l'efficacit decette collaboration. Mais plus encore le coup de Tahuda tait le

    premier acte important dans l'aventure de la Rsistance berbre qu'ilallait encourager, stimuler et nourrir. Cependant le martyre de'Uqba jouera un rle capital dans l'islamisation de l'Afrique parce

    qu'en construisant la lgende de Sidi 'Uqba, il aida dgager unecertaine image de l'Islam hroque.

    4. 'Uqba et la rsistance berbre

    L'homme, assurment, a grandi avec le temps. Plus qu'un hommepieux, les sources nous dcrivent en lui un saint aim de Dieu.

    L'intervention divine se rvle en effet chacun de ses actes et les

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    discours et les harangues qu'on lui prte sont empreints d'uneprofonde et farouche pit qui appelle le martyre.

    Le 'Uqba de la lgende est un proslyte de la foi islamique enterre d'Afrique, une belle incarnation du Jihdmusulman, dont la

    passion n'a d'gale que la rectitude, un hros enfin dont les exploitssont traverss de prodiges et qui nargue la ralit par sa volont etson enthousiasme convertisseur. Construction mythique certes,mais ce travail d'laboration, fait en Egypte, n'a pu s'exercer que surun fond maghrbin prexistant. Le vrai visage de 'Uqba demeurera

    donc pour nous une nigme. Avec quelque imagination, on peutcependant en percevoir quelques traits et esquisser un portrait globalde ce qu'a d tre l'homme rel.

    'Uqba apparat, avant tout, comme un soldat et un conqurant.Il a une place de choix dans cette pliade de gnraux omayades quise sont faits les artisans d'une extension ininterrompue de l'Empire

    arabe et ont ainsi, au prix d'un effort remarquable, identifi la gloirede l'Islam avec la gloire arabe. Arm d'une noble ambition quidpassait sa personne, il la servait par un grand courage physique etmoral qui se conjuguait avec beaucoup de fougue et de violence. Lessources nous le montrent mme toujours en filigrane certes

    brutal et ddaigneux, passablement primitif, impatient decommander, rancunier et dur avec ses ennemis. S'il lui manque la

    souplesse du politique et la longanimit du noble qurayshite, il atoutefois au plus haut degr les vertus du chef pieux, hardi, et pourcela mme admir de ses hommes. A n'en pas douter, nous avons lune grande figure de btisseur et de conqurant.

    III

    L'achvement de la conqute (69-86/688-705)

    La mort tragique de 'Uqba marque l'entre dans le jeu de laconqute des forces berbres jusque l attentistes ou simplementinorganises. Le monde berbre, alli plus ou moins ce qui restait du

    pouvoir byzantin, allait en effet prendre en mains la direction de larsistance et menacer trs srieusement la pntration arabe. Mais pas

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    plus Kasla que la fameuse Khina ne purent rien concrtiser et nesurent, en dpit de leurs victoires fracassantes, viter le dsastre final.C'est la recherche des causes de cet chec - et du succs arabe - quenous nous attacherons travers l'tude des pripties militaires.

    1. L'intermde berbre et la dislocation de la puissance

    Bmnis (63-78)

    Le dsastre de Tahda eut pour premier rsultat l'viction des

    Arabes de Kairouan. Certes, les sources arabes, en parlant d'unconflit qui aurait oppos Hanash as-San'n Zuhayr ibn Qays, l'un

    partisan de la retraite, l'autre de la rsistance la rvolte, laissentdeviner en mme temps que le dsarroi des conqurants, l'existenced'une tendance la guerre outrance et la sauvegarde, vaille quevaille, de l'oeuvre arabe. Mais l'anne 63 fut celle de la leve

    zubayrite qui allait scinder en deux l'Empire musulman et fairergresser l'expansion. Dans ces conditions, l'on comprend que lasolution de la retraite l'ait emport. Les Arabes reprirent donc lechemin de l'Orient, non sans avoir laiss de nombreux lmentsmusulmans Kairouan - quelques Arabes peut-tre et surtout sansdoute de nouveaux convertis berbres.

    Kasla, profitant de ce dpart prcipit, se dirige vers Kairouan ety donne, dit-on, Xaman aux Musulmans qui s'y trouvent, esprantpar l les attirer sa cause ou tout au moins les neutraliser. Eut-ilalors l'ambition de fonder un Etat berbre et peut-on faire fond surcette phrase du Bayn : Il s'installa Kairouan comme prince detoute l'Ifrqiya et du Maghreb ?

    Il est probable que sa victoire sur 'Uqba valut Kasla la sympathie

    sinon l'enthousiasme agissant des masses berbres. Sans doute aussirussit-il grouper dans une vaste confdration des autochtonesd'appartenances diverses, tout en s'appuyant pour l'essentiel sur satribu d'origine, les Awraba. Mais le mouvement de Kasla demeuredans l'ensemble ambigu : chef berbre, soutenu et peut-tre protg

    par les Byzantins, il se posa par ailleurs comme l'hritier et lecontinuateur des Arabes, ce que manifestent suffisamment son

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    installation Kairouan et ses mnagements vis-a-vis des Musulmansrestants. Il ne convient cependant pas de gonfler son rle outre mesure :Kasla tait avant tout un chef de tribu et le demeura, car le staded'volution atteint, ce moment, par le peuple berbre, ne pouvait lui

    permettre de fonder un tat organis ni de regrouper les diversesethnies dans une structure tatique. Sur le plan territorial, il ne fit sansdoute pas plus qu'occuper une partie de l'Ifrqiya, celle prcisment quiavait t soumise par les Arabes. Car en dehors mme de toute

    considration sur l'instabilit des groupements berbres, sur leurprobable division en un parti anti-arabe et un parti pro-arabe, il yavait compter avec les Byzantins.

    partir de 55 H. (674), ceux-ci oprrent un net redressementgnral qu'il faudrait mettre en rapport avec le desserrement de l'treintearabe sur Constantinople autant qu'avec la mise en branle de la rformereligieuse de Constantin Pogonat qui, en rduisant les tensions internes,

    pouvait permettre une meilleure rsistance aux assauts arabes. Lemassacre de Tahuda encouragea les Byzantins reprendre possession dece qu'ils avaient perdu en Afrique. Le pacte berbro-byzantin quiavait tant cr de difficults 'Uqba jouait encore, aussi les quelquesannes qui suivirent l'viction des Arabes virent-ils non seulements'tablir une certaine forme de suzerainet byzantine sur l'Empire

    de Kasla, mais encore la rinstallation probable des Byzantins enByzacne et en Numidie.

    Quant aux Arabes, ils russirent, de leur ct, surmonter enpartie la grave crise intrieure qui secoua l'Etat. Trs vite, l'Egyptefut ramene sous le contrle omayade, aprs que le parti zubayritefut dfait la bataille de Busq. Les Marwnides, nouveaux-venus au

    pouvoir, se montrrent la hauteur de leurs responsabilits : ds 65 H.,le Califat cheyait 'Abd al-Malik, cependant que son frre 'Abdal-'Azz tait plac la tte de la wilya d'Egypte. Il tait doncmilitairement possible aux Arabes d'envisager une action nouvelle enIfrqiya. Zuhayr ibn Qays, l'ancien lieutenant de 'Uqba, maintenantralli la cause marwanide aprs l'avoir combattue, allait s'encharger. De cela devait sortir son expdition-clair de 69 H. Tantd'obscurits entourent cependant cette affaire que certains

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    historiens ont tout simplement dout de sa ralit. Il fallait bien

    pourtant que Kasla ft un moment ou un autre mis hors decombat, et l'on ne voit pas que plus tard son nom ft mmementionn comme si le problme tait dj rsolu et sonmouvement liquid.

    En 69 H., Zuhayr se dirigea donc vers Kairouan mais, devant saprogression, Kasla se dplaa vers l'Ouest et alla se fortifier dans lalocalit de Mimmish (la Mamma byzantine ?) situe 50 km deKairouan et 30 de Sbeitla. Il redoutait un soulvement desBerbres affids au parti arabe, nombreux Kairouan, et, de toutefaon, prfrait la hauteur au site plat et ouvert de la ville arabe quitait manifestement dfavorable la dfense. Surtout, il envisageaitla possibilit d'une dfaite et pensait qu'il pourrait alors seretrancher dans les massifs et les forts de l'Ouest.

    Les Arabes camprent trois jours devant Kairouan sans y entrerpuis se portant Mimmish, ils offrirent la bataille. Ce fut, pour eux,un succs total. Kasla tu, les dbris des Brnis qui chapprent aumassacre, et en particulier les Awraba, se replirent vers l'Aurs et

    plus avant encore vers l'Ouest. Du mme coup, la puissanteconfdration groupe autour du chef berbre s'effondraentirement.

    Les lments entrant en jeu dans l'explication de cette dfaitemilitaire et politique sont les mmes que ceux que nous avonsavancs pour mettre jour la fragilit de l'organisation de Kasla.Mouvement assez fort au dbut, l'action de ce chef ne tarda pas subir les contrecoups des divisions berbres. Les Butr de l'Aurs ne

    bougrent pas pour soutenir Kasla, cependant que ceux du Sudembrassaient la cause arabe. Il est certain par ailleurs que le retouroffensif des Arabes multiplia les dfections au sein mme de sonarme. Comment expliquer autrement l'crasement de Mimmishalors que six ans auparavant et juste aprs Tahuda, la forte garnisonarabe de Kairouan dut chercher le salut dans une fuite perduedevant la multitude berbre .

    Un autre problme se pose : celui de l'attitude byzantine l'gardde Kasla au moment o il tait menac. Il semble bien qu'elle futambigu, les Byzantins ne lui apportant plus qu'un soutien rticent

    et en tout cas pas assez important pour lui viter le dsastre. Ce qui

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    explique que la tradition englobe les Rum dans la dfaite deMimmish et les place ct des Berbres, mais que cette mmedfaite qui dmantela entirement l'organisation Brnis n'affecta

    presque pas les positions byzantines. Bien au contraire, les annesqui suivirent l'limination de Kasla virent un regain d'activit

    byzantine. En 71 H., une flotte grecque dbarquait Barqa etemmenait en servitude les Musulmans qui s'y trouvaient : Zuhayrqui arrivait la rescousse aprs avoir quitt l'Afrique, tenta de s'y

    opposer et fut tu.Les Arabes, une fois venge la mort de 'Uqba, ne restrent pas eneffet en Afrique. Les sources auront beau nous prsenter Zuhayr prisd'un subit et religieux dgot pour les choses terrestres , pour citerune expression de Ch. Diehl, nous ne saurons souscrire la navetde cette explication.

    Faudrait-il ds lors imputer la vigueur d'une menace byzantine

    quelconque la retraite assez inattendue de Zuhayr aprs sa victoiresur les Brnis ? Il ne le semble pas car les Byzantins n'avaient pas lesmoyens de faire reculer les Arabes et de fait, ils ne prirent d'initiativequ'aprs le dpart de ceux-ci.

    C'est de nouveau une explication d'ordre interne qu'il fautavancer : vers 70 H., le Calife Abd al-Malik se prparait uneconfrontation arme avec Mus'ab ibn al-Zubayr mais il hsitait surle choix du moment, esquissait des dparts vers l'Irak puis renonait, peuconfiant qu'il tait dans ses forces. Manifestement, il ne pouvait se

    permettre de laisser un dtachement de plusieurs milliers d'hommes enIfrqiya un moment aussi critique. Zuhayr a donc d tre rappel Barqa avec son corps, autour de 70 ou 71 H. Le gros des troupesl'aurait prcd en Egypte, puis de l en Syrie. Ainsi dgarnie, la ville

    de Barqa fut surprise par les Grecs qui y oprrent leur raid de 71 H.,dans lequel Zuhayr trouva le martyre.

    2. Hassan, la Kahna et la soumission de l'Afrique (76-84)

    L'incursion de Zuhayr resta donc sans lendemain et ne profitaqu'aux Byzantins, ceci en dehors de toute considration sur les

    progrs, chance lointaine, qu'elle aura fait faire la conqute.

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    Mais aprs 73 H., date de la rduction du mouvement zubayrite,l'Islam runifi sous la bannire marwnide pouvait supporter lareprise de l'expansion. 'Abd al-Malik se dcida vers 75 H. rsoudredfinitivement le problme africain et fournir pour cela l'effortmilitaire ncessaire. Il en chargea un notable Syrien d'origineghassnide, Hassan ibn Nu'mn qui, mettant profit le trsorgyptien, mobilisa avec lui 40.000 hommes, la plus forte armearabe qui et pntr jusqu'alors en Afrique (76/695). Son premiersouci fut de s'attaquer la puissance byzantine, partiellementreconstitue et qui pouvait sembler la plus redoutable. Innovation sans

    prcdent dans les annales de la conqute, mise part une tentativedouteuse et infructueuse d'Abu Muhjir en 59 H., il s'attaquadirectement Carthage, capitale de l'exarchat d'Afrique et mit le sigedevant la ville (76/695). Aprs avoir rejet dans la place la garnisonennemie, il y entra, sans doute aux termes d'une capitulation.

    Les cadres byzantins, membres de la haute administration et del'aristocratie, avaient dj pris la fuite en Sicile et en Espagne. Ceux quirestrent s'parpillrent dans les campagnes environnantes, mais unefois Hassan parti, revinrent dans la ville et la fortifirent. Le gnralarabe rebroussa chemin et, aprs un sige terrible, pntra de vive forcedans la capitale et la mit feu et sang, faisant en outre dmolir sesremparts et fortifications. C'est du moins de cette manire que nos

    sources nous relatent la premire prise de Carthage : il est inutile deraffirmer nos rserves sur les dtails fournis par les chroniques.Epauls par les Berbres, les dbris de l'arme byzantine

    continuaient cependant le combat dans la rgion de Satfura (plainede Mateur) et autour de Bizerte. Hassan se porta leur rencontre etles dispersa ; les Grecs se replirent sur Yaga (Bja) alors que leursallis berbres prirent la fuite en direction de Bne et s'y fortifirent.

    Ce fait d'armes dut tre ressenti comme un rude coup port laprsence byzantine en mme temps qu'une grave atteinte l'indpendance berbre. De nouveau en effervescence, le mondeberbre tcha de regrouper ses forces et, dans un grand sursaut, defaire front la menace arabe.

    Ses espoirs s'incarnrent dans une femme, la Kahna, qui bien quecoupe de l'aide byzantine dsormais insignifiante, allait s'imposer

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    comme le chef suprme de ce deuxime et dernier mouvement dersistance.

    La Kahna (en arabe Khina), de son vrai nom Dihya fille deThbita fils de Tfn, si l'on en croit les gnalogistes berbres, taitla veuve du roi des Jerwa, tribu Butr de l'Aurs oriental. Elleaurait assum la rgence de ses deux ou trois fils, trop jeunes pourrgner, et se serait impose par ses dons prophtiques et sonaptitude au commandement. Selon un schma caractristique de

    la socit berbre, une tribu impriale et dominante prendl'initiative - ici les Jerwa - et russit agglomrer autour d'elledans un front uni mais qui menace constamment de se dsintgrer,d'autres formations. Sans doute, dans le sillage de la Kahna, devait-il y avoir des dbris de l'arme de Kasla, mais il y avait une

    prdominance ethnique Butr, qui ne saurait nous masquercependant la localisation numide et aurasienne de tous ces

    mouvements de rsistance, la fois celui de Kasla et celui de laKahna.

    En comparaison l'un de l'autre, le dernier parat nanmoins bienplus vigoureux et important, eu gard l'ampleur des forces arabesqu'il eut combattre. Kasla ne vainquit que par un coup de main etsur un coup de chance. La Kahna crasa l'arme arabe en rase

    campagne. A la fois engag avec les Byzantins et avec les Arabes, le chefBrnis n'tait pas sans accointances avec des mondes politiquementorganiss mais extra-berbres. La prophtesse Jerwa, quant elle,reprsentait la puret d'un mouvement intrinsquement berbre : ellegagnera en imptuosit ce qui lui manquera comme sens de l'Etat.

    Ses premires victoires sur les Arabes furent foudroyantes. De

    Kairouan, Hassan marcha sur l'Aurs en passant par Thveste (Tbessa)et campa sur la rivire Nini prs de Miskina (qui est l'actuel BordjMeskiana, une trentaine de kilomtres de Baghya). De son ct, laKahna, descendant de l'Aurs, prit, pilla et dtruisit Baghya, puismarcha sur l'arme arabe. La bataille fut un dsastre pour les Arabes etHassn, sans plus attendre, dut faire retraite vers l'Orient, poursuivi

    par la reine berbre jusqu'aux portes de Gabs (76-77 H).

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    Celle-ci, dit-on, fit un grand nombre de prisonniers dont 80parmi les chefs et les nobles arabes. On ajoute qu'elle les traita

    bien et qu'elle fit de l'un d'eux - Khlid ibn Yazld al-'Abs - son filsadoptif.

    De son ct, Hassan, vaincu, se replia sur Barqa et l, fit btir deschteaux et fortifications qui, prennisant son nom, restrentclbres sous l'appellation de Qsur Hassan. Il y resta deux trois ans(77-80/696-699), durant lesquels toute l'Ifrqiya sembla luichapper.

    Byzance ne resta pas en effet inactive devant la chute deCarthage. Le nouveau Basileus Lontius arma une flotte de guerrequi fut commande par le patrice Jean. En 697, les Grecs reprennentCarthage, la fortifient de nouveau, rcuprent aussi les autrescitadelles de Proconsulaire.

    Quant l'action de la Kahna pendant cette priode, elle

    demeure fort obscure. Sous prtexte de faire le vide devantl'envahisseur dont elle redoutait le retour, elle aurait mis la Byzacneen coupe rgle, dtruisant villes et cultures, s'en prenant surtout l'arboriculture et ruinant ainsi la rgion pour longtemps. Aussicette rgion, nous dit Ibn Khaldn, qui, de Tripoli Tanger, avaitoffert l'aspect d'un immense bocage l'ombre duquel s'levait

    une foule de villages se touchant les uns les autres, ne montra plusque ruines . Affirmation exagre tous points de vue, parcequ'elle tend tout le Maghreb des dprdations qui ne durent pasdpasser la Byzacne, et que la ruine - toute relative d'ailleurs - decette zone ne saurait tre imputable la seule action de la Kahna.La Byzacne fut en effet le principal thtre d'oprations arabe. Iltait donc normal qu'elle souffrt d'une conqute lente et pnible. Il

    est toutefois probable que les semi-nomades qui suivaient la Kahnaprofitrent de leur victoire sur les Arabes et de l'absence de toutpouvoir dans les plaines du Centre et du Sud pour s'abandonner leurs dsirs de pillage. Ce qui inquita et indigna les populationssdentaires des villes et des campagnes et affecta gravement la

    position politico-psychologique de la Kahna ; Hassan le sut et

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    choisit le moment favorable pour revenir en Ifrqiya comme lesauveur de l'ordre (80/699). Il entra sans combat Gabs, Gafsa,

    Qastiliya, remonta ensuite vers le Nord pour mettre le sige devantCarthage (699 ap. J.-C.) cependant qu'une escadre arabe bloquait laville et battait la flotte byzantine. Pour la deuxime et dernire fois,Carthage tombait aux mains des Arabes. Evnement capital s'il enfut, car il symbolisait et actualisait la mutation de l'Afrique vers unnouveau destin oriental et musulman et l'effondrement de la

    civilisation romaine et chrtienne qui fleurit jadis sur ses rives. Lesmembres de l'aristocratie byzantine s'embarqurent pour les les dela Mditerranne occidentale et pour l'Espagne. Des dbris del'arme se rfugirent dans les citadelles de Proconsulaire que Hassanemporta l'une aprs l'autre.

    C'en tait fini de la domination byzantine en Afrique. Restait

    liquider le mouvement de la Kahna. Ce fut simple jeu pour Hassan,la reine berbre ayant vu sa position s'oblitrer gravement, et parl'hostilit des populations sdentaires et par les multiples dfectionsqui affectrent ses rangs. Elle en vint ne plus croire en elle-mmeet prparer, par-del sa mort, la rconciliation future entrevainqueurs et vaincus. Les chroniqueurs mlrent dans cette phaseles rves prophtiques et la stratgie politique, mais le tableau nemanque pas de grandeur. La Kahna paya sa rvolte de sa vie et futcrase avec quelques fidles vers 81/700. Le gros de ses troupes sehta de demander X aman Hassan qui le leur accorda conditionque les tribus berbres fournissent un certain nombre d'otages aveclesquels il se constitua deux corps auxiliaires de 6.000 hommeschacun, et dont il offrit le commandement aux propres fils de la

    Kahna. Ainsi il se garantit de l'agressivit berbre en l'employant,et c'est l, au surplus, la reprise d'une vieille tradition qui faisait descavaliers numides les auxiliaires prcieux des pouvoirs qui sesuccdrent en Afrique : Carthaginois, Romains et maintenantArabes. Passant brutalement de la rvolte l'alliance, les Berbresnumides qui se sont affirms militairement comme les plus

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    dynamiques de leur ethnie, allaient participer la conqute du restedu Maghreb et de l'Espagne et se frayer, l'ombre de l'ennemid'hier, une place au soleil sur les dcombres de leur patrie saccage.

    Conclusion

    L'Ifrqiya - Proconsulaire, Byzacne et Numidie - tait donc

    soumise la domination arabe aprs plus d'un demi-sicle d'unepre lutte. Certes, aprs le dpart de Hassan (84/703), quelquesmouvements de rsistance s'esquissrent en Proconsulaire, maisl'nergie brutale de Musa ibn Nusayr, nomm gouverneur cettedate, eut vite fait de les rduire. Successivement, il prit Zaghouan,

    puis soumit les populations de Sjm auxquelles il infligea, en

    souvenir de 'Uqba, un traitement cruel. Ce sont l les dernierssoubresauts de l'Afrique antique et, l'heure o Musa rassemblaitses hommes pour une offensive rapide et lucrative dans lesMaurtanies, le territoire ifrlqiyen tait dj entirement pacifi.

    La conqute arabe en Ifrqiya est donc surtout l'uvre de Hassanibn Nu'mn. Son entreprise, en dpit de ses checs initiaux, fut la

    plus srieusement conduite et la plus dcisive. Mais elle ne fut

    qu'une action encastre dans un long et obstin effort militaire,humain et financier. C'est dire que la conqute dut tre ressentie parle pays comme une rude preuve qui le laissa exsangue, parce qu'ellene fut exempte ni de redoutables violences ni de destructionsmatrielles ni de pillage. Livre son vainqueur, l'Ifrqiya payeracher sa rsistance. Hassan retournera en Orient avec quantit d'or,

    de pierreries, de chevaux et d'esclaves, et la cupidit d'Ibn Nusayr,celle des Marwnides derrire lui, videront encore plus l'Ifrqiya deses richesses. Moins cependant que le reste du Maghreb qui se verraimposer des conditions lonines.

    Mais un monde ne meurt pas sans que naisse la vie une autreorganisation de la vie humaine, sous-tendue par une puissanteidologie. On ne saurait nanmoins passer sous silence toute la

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    grandeur de la rsistance berbre qui se dressa quasiment seule etavec des moyens primitifs et rduits, devant une arme qui disposait

    des ressources d'un vaste empire. Jusqu' prsent l'historiographieoccidentale s'est surtout intresse au fait de la mort brutale de lacivilisation romano-byzantine, pour le dplorer, gnralement. Envrit, ce qui nous semble le plus digne d'attention, c'est cettersistance berbre, anarchique et hroque, qui est simple dfense dela vie, de la libert et de ce quoi tient le plus l'homme, face

    l'horrible logique de la guerre de conqute. Mais le caractrengateur et dramatique de cette mme conqute s'effacera bienttdevant ses promesses et ses ralisations dont la plus notable futassurment la naissance du Maghreb, par le truchement de l'Islam, l'histoire et la civilisation.

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    CHAPITRE II

    L'Afrique arabe au I Ie /VII Ie s(86-184 H/705-800)

    Le vritable artisan de la conqute de l'Ifrqiya fut Hassan ibnNum&n (76-84 H.), mais il fallut encore deux ans environ sonsuccesseur Musa ibn Nusayrpour parachever son uvre. la datede 86 H. l'Ifrqiya sort de l're confuse et hroque de la conquteet entre dans une phase d'organisation, dans ce qu'on a convenu

    d'appeler le sicle des wult . Or prcisment, cette mutation defait concida avec un changement de statut juridique.

    Jusqu'ici l'Ifrqiya - qu'elle ait t un simple territoire livr au Jihdet la guerre sainte ou partir de 55 H. dote du statut de provinceavec son wll et sa ville-camp - tait de toutes les faons unedpendance de la wilaya d'Egypte. C'est le gouverneur de Fustt qui

    nommait et rvoquait les gouverneurs de Kairouan, c'est lui querevenait le droit de regard sur la marche de la conqute, c'est par sessubsides et ses soldats que la conqute se ralisait. Cette sujtion pesaitd'autant plus que le gouverneur d'Egypte Abd al-AzIz ibn Marwn,sduit par l'importance du butin, faisait tout pour l'aggraver.D'o un conflit avec Hassan qui valut ce dernier d'tre rvoqu.

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    Mus n'tait qu'une crature de 'Abd al-'Azz et ses premiers actesfurent empreints de la plus grande docilit.

    Mais la nature des choses exigeait que la province volt de sespropres ailes. Aussitt 'Abd al-'Azz disparu (86/705), le mmeMus n'hsita pas un instant adresser les dpches directement auCalife de Damas et par-dessus la tte du nouveau gouverneur deFustt 'Abdallh, propre fils du Calife 'Abd al-Malik dont les

    protestations furent vaines. L'Ifrqiya se plaa ainsi dans ladpendance directe du Califat, acquit en somme le statut de wilyaadulte et de plein droit, gale en rang aux autres provinces del'Empire dont l'Egypte. Mieux encore : son noyau originel Tunisie,Tripolitaine, Zb s'agrandit coup sur coup du Maghreb moyen etextrme et de l'Espagne. Jusqu'en 123 H, nous allons avoir une grande wilya d'Ifrqiya dont Kairouan tait le centre dedcision. Mais bientt et partir des rvoltes khrijites, ellecommena s'effriter jusqu' ne plus concider qu'avec son aileorientale. Progressivement se constiturent les royaumes khrijitesdes Barghwta (124), de Sijilmsa (140), de Tahart (161) et en 172enfin, le royaume idrissite voyait le jour au Maghreb extrme. Enoutre, partir de 129 H., l'Espagne chappait compltement l'emprise de Kairouan pour s'engager dans un destin autonome vis--vis mme du Califat. C'est dire que le noyau fidle et permanentde la wilya fut l'Ifrqiya proprement dite, terre du pouvoir arabe

    par excellence.

    IL'organisation de l'Ifriqiya arabe

    Sous le nom de Ifrqiya, la province reut des institutionstypiquement arabes ne devant que peu de choses aux institutionsbyzantines prexistantes.

    1. Le Wali ou Amir

    C'est la clef de vote du systme arabe. Reprsentant du Calife,

    le wl dtient tous les lments de la souverainet, commande

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    L'AFRIQUE ARABEDUII/VII s.

    l'arme, prside la prire, coiffe la machine administrative, dtient la

    justice rpressive et criminelle. Contrairement ce qui se passait enAfrique sous Byzance et ce qui se passe au mme moment enEgypte musulmane, il n'y a pas de dichotomie entre un gouverneurmilitaire et politique et un autre administratif et fiscal.

    L'Ifrqiya dut sans doute son loignement d'avoir eu toujours sa tte un seul dtenteur de tous les attributs de la puissance

    publique : le wl. Celui-ci rside Kairouan dans le Palais

    gouvernoral ou qasr al-Imra que les fouilles actuelles permettent desituer du ct Sud-Est de la mosque.

    Il est entour d'une garde personnelle ou haras qui fut composependant quelque temps de Berbres Butr nusayrides puis des clientsou mawl des gouverneurs successifs. Ses dplacements sontentours d'une certaine pompe qui ne pouvait toutefois galer celledes anciens exarques ou mme des prfets du prtoire parce quenous sommes encore dans une priode marque par la simplicit

    primitive arabe.

    L'Ifrqiya connut vingt-deux wldont quelques-uns furent degrands gouverneurs tels Mus ibn Nusayr (84-96), Hanzala ibnSafwn (124-129), 'Abd ar-Rahmn ibn Habib (129-137) etsurtout le Muhallabide Yazld ibn Htim (155-170) qui instaura une

    re de paix et de redressement. l'poque omayade, les wultfurent souvent choisis parmi les

    mawl, donc dans un rang social infrieur ; par contre, sous lesAbbassides, les Muhallabides qui se succdrent pendant plusd'un quart de sicle Kairouan (151-178) taient de grandsseigneurs influents. On peut en dire autant d'Ibn al-'Ash'ath(144-45) et de Hartama ibn Ayan (179-180). Mais quelles que

    fussent les origines sociales, dans l'un et l'autre cas, l'Ifrqiya eut, plusieurs reprises, pour wultde grands dignitaires de l'Etat ayantdj exerc de hautes fonctions en Orient, ce qui prouve l'intrt desCalifes pour la wilya et qu' leurs yeux, elle galait les meilleures

    provinces de l'Empire. Il est rare cependant qu'un Arabe Ifrqiyenaccde au poste de gouverneur. Ism'l ibn Ab Muhjir (100-101)

    en fut une exception et si les Fihrites purent se maintenir au pouvoir

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    pendant plus de dix ans (129-140) et fonder une dynastieeffectivement autonome, c'est parce qu'ils furent prcisment desusurpateurs qui profitrent de la crise gnrale de l'Etat musulman.Leur tentative d'autonomisme se solda par un chec : il faudraitattendre encore un demi-sicle pour que l'Ifrqiya russisse volerde ses propres ailes sous la conduite d'Ibrahim ibn al-Aghlab(184/800).

    2. L'organisation militaire

    L'arme d'Ifrqiya tait l'origine compose de soldats d'Egyptepuis elle s'ouvrit, sous Hassan et Musa, aux Berbres parmi lesquelselle recruta des contingents d'auxiliaires.

    Avec l'avnement des Abbassides, la structure ethnique de l'armechangea notablement. En 144, 40.000 hommes accompagnrent Ibn

    al-'Ash'ath et en 155, de 50 60.000 hommes vinrent avec Yazd ibnHtim. Ces nouveaux apports contenaient une proportion notabled'Arabes mais la grosse majorit tait compose de Khursniens.L'ancienne arme omayade fut probablement dmobilise et fixe laterre dans le Nord et le Nord-Est du pays cependant que la nouvellearme se professionnalisait, ce qui se soldera la fin de notre priode

    par des sditions militaires de plus en plus frquentes.L'organisation de l'arme obissait au schma islamique classique :elle tait rmunre par un systme de pensions ou a 'tiytpayes plusou moins rgulirement raison du taux moyen de 1.000 dirhams

    pour le cavalier et de 500 pour le fantassin. Elle tait encadre par desuraja l'chelon subalterne et par les commandants des units demobilisation - probablement au nombre de sept sous les omayades. Les

    sous-gouverneurs de districts pouvaient aussi commander lesdtachements locaux mais dans l'ensemble, l'arme avait soncommandement propre, ses chefs de garnison et ses quwwd. Cesderniers furent recruts l'poque omayade dans l'aristocratie locale,l'arme tant alors compose des Arabes ifrqiyens valides ; citons :Habib ibn Ab-Abda ou 'Ubayda, son fils Abd ar-Rahmn et Khlidibn Abl Habib, tous fihrites. A l'poque abbasside, les chefs de

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    La forteresse de Younga

    Vue d'ensemble partir du Sud

    Le fort que l'on voit sur la cte de

    Younga (10 km au sud de Mahrs) est

    vraisemblablement d'origine

    byzantine. Il avait t occup par les

    Arabes. Les textes hagiographiques et

    gographiques le signalent ds le

    dbut du IX s. comme tant un lieu de

    retraite du saint Abu Khrija Anbasa.

    Le monument se distingue par sa

    courtine haute de 8 m flanque de

    tours, sa porte maritime en chicane

    munie d'une brtche et par ses arcsde dcharge qui ont permis d'lever

    assez haut le monument. Le site a

    donn deux grandes basiliques

    romaines clbres par leurs

    mosaques.

    Entre Sud donnant sur la mer

    (1) Entre(2) Entre en chicanedu ct de la mer

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    l'arme taient des professionnels choisis parmi les officiers desnouveaux contingents amens d'Orient, tels Abu al-Anbar, Ibn

    al-Jarud, Tammm ibn Tamm, Ibrahim ibn al-Aghlab.L'arme ifrqiyenne servit surtout la rpression des dsordres

    intrieurs mais participa aussi des raids sur la Sicile et la Sardaigne,razzias en vue du butin et de la capture d'esclaves pluttqu'oprations militaires proprement dites. L'Ifrqiya disposait, grce l'arsenal de Tunis, d'une flotte et imposa son hgmonie maritime

    sur la Mditerrane occidentale devenue un lac musulman .Quant l'implantation rgionale de l'arme, la ville de Kairouan, depar sa destination originelle de garnison et de camp, se posa etrussit se maintenir au moins jusqu' l'closion des troubleskhrijites (122-123) comme le centre de rassemblement le plusimportant. Mais bientt s'affirmait le rle de Tunis devenu le rivalde Kairouan et le point de dpart des sditions militaires ; puis lafin de notre priode, le Zb, considr comme une marche, attiradans ses multiples tablissements garnisaires un grand nombre desoldats, si bien qu'il se forma une arme du Zb qui, profitant desdmls entre Kairouan et Tunis, imposa son chef Ibn al-Aghlabcomme un personnage de premier plan puis comme gouverneur.

    Dans le dtail de leur implantation militaire, les Arabes avaient pu

    suivre et utiliser le systme dfensif byzantin mais en le simplifiantconsidrablement. Ils s'tablirent le plus souvent dans d'anciennesgarnisons ou d'anciennes forteresses comme Bagha, Bja, Gabs, maisdans l'ensemble, les districts militaires concidaient avec les districtscivils et les chefs-lieux des kuwar, sauf exception, taient les chefs-lieuxmilitaires. Par ailleurs, la monte de villes nouvelles comme Kairouan

    et Tunis compensa la dchance d'autres centres militaires tels queSuffetula, Thveste et Carthage.

    3. L'organisation administrative

    C'est, nous dit Ibn Abd al-Hakam, Hassn ibn Nu'man quiinstitua les dawwn, imposa le kharj aux 'Ajam d'Ifrqiya et tousceux qui, parmi les Berbres, continurent professer avec eux le

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    Mosque citadelle d'al-Fawwar Bja (VIIIe s.)

    La cit de Bellalis Major ( 8 km au N.E. de la ville de Bja)

    connut ses heures de gloire l'poque romaine. Elle perdit de

    sa splendeur depuis la priode byzantine. Une forteresse y avait t construite

    pour la dfendre. Une grande partie de la ville romaine fut alors

    dlaisse. A l'poque islamique, un petit oratoire a t amnag au sein

    mme de la forteresse, il jouxtait un quartier d'habitations modestes

    construites en pierre de remplois et en mortier de terre.

    La survie d'une petite communaut ne s'explique que par la prsence

    d'une source prenne et d'un riche terroir.

    Mosque de Lorbus (VIII - IX s.)Vestiges du Minaret-

    La ville de Lorbus, situe entre le Kef et LeSers, a conserv plusieurs vestiges antiques en

    particulier une grande forteresse byzantine. Al'poque aghlabide, elle tait une des

    principales places fortes qui protgeaient laroute vers le Maghreb central. C'est dans

    cette cit qu 'a eu lieu la grande bataille qui

    opposa l'arme fatimido-berbre aux troupesaghlabides. La dfaite de ces derniers sonnale glas de l'mirat aghlabide. Sur le site on

    voit encore les restes de la mosque qui se

    compose de trois traves parallles au mur deQibla. Une partie de la cour est occupe par

    les citernes et le minaret. Ce dernier (photo),construit en pierres de taille et quelques

    briques crues dans les parties hautes, seraiten partie d'origine antique.

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    christianisme . Des indices convergents viennent corroborer

    l'information du chroniqueur arabe et nous assurer de l'existenced'une administration ifriqiyenne semblable bien des gards d'autresadministrations provinciales musulmanes. Trois dpartementsessentiels la composaient : le dwn al-Jundou bureau de l'arme, ledwn al-kharJou bureau de l'impt, le dwn ar-Ras 'ilou bureaudes dpches.

    Le noyau administratif central, log selon toute vraisemblance

    au Palais Gouvernoral, tait prolong dans son activit par divers offices annexes tels que le dwn al-Bard, bureau des Postes enmme temps qu'agence de renseignements, le dar ad-Darb ouMaison de la Monnaie, le bayt ar-Rizq ou office des distributionsalimentaires, le bayt al-M lenfin ou Trsor Public.

    L'administration arabe en Ifrqiya tait l'instrument du maintiend'une certaine domination qui s'exprimait son tour par

    l'occupation militaire et l'exploitation des ressources fiscales dupays. Une grande partie des impts prlevs allait au paiement desArabes installs et s'identifiant avec l'arme, une autre aux fraisadministratifs, le reliquat - environ 13 millions de dirhams sous lergne d'ar-Rashd - tant achemin vers la capitale de l'Empire. C'estdire toute l'importance du problme fiscal, dont les incidences sont en

    outre multiples sur l'quilibre social comme sur l'volution religieuse.Les descendants de Byzantins ou Rms, les Afariqa - paysans etcitadins romaniss - ainsi que les Berbres des tribus qui semaintinrent dans la confession chrtienne se virent sans douteappliquer le statut de dhimms et furent contraints au paiementde la jizya sur les personnes et du kharj sur les terres. La grandemasse des Berbres vivant dans le cadre des formations tribales se

    serait cependant convertie assez tt et n'aurait donc eu supporterque les impts normalement imposs aux Arabes musulmans, ladme ou ushursur les rcoltes et les produits du commerce et la

    zakt sur les troupeaux. Il ne semble pas, pour ce qui est del'Ifrqi'ya proprement dite, que la situation se soit davantagecomplique par l'exercice d'irrgularits ou d'exactions diverses telque le takhms pratiqu sporadiquement l'encontre des tribus du

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    La basilique du Kef transforme en mosque (VIIIs.)

    Le plan propos ici est labor au

    XIX s. par l'archologue franaisGauckler. Il montre la faon par

    laquelle les conqurants arabes ont

    adapt une basilique ancienne

    leur culte. On voit que la salle de

    prire a t implante dans

    l'atrium. Elle contenait 6 nefs et 5

    traves. Le mihrab a t taill

    dans le mur nord, ce

    qui atteste des difficults s'orienter. L'ancienne salle de

    prire de l'glise, avec ses nefs, ses

    traves et son abside est

    devenue la cour du sanctuaire

    musulman. La porte principale de la

    mosque a t pratique dans

    l'abside mme. On ne peut

    dterminer quelle date cette

    transformation s'est faite. On saitque la ville du Kef, dnomme par

    les sources arabes Shaq

    bannria, (Sicca Veneria) a t

    l'une des plus anciennes

    cits soumises par les musulmans ;

    elle fut tout au long du moyen ge

    un centre stratgique actif.

    Plan de la Basilique avant satransformation en mosque

    Plan de la Mosque

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    Rif, notion obscure qui signifie prlvement du cinquime , sansdoute en faveur de l'Etat mais qui se laisse difficilement cerner dansses modalits concrtes.

    L'administration centrale arabe dut s'appuyer au dbut, dans ledtail de son fonctionnement, sur des mthodes et un personnel

    byzantins et en particulier, sa langue vhiculaire fut le latin pour cequi est du dpartement des impts. Puis l'arabisation la pntra peu peu et aux scribes afa riqa furent associs des mawlarabiss et des

    Arabes, qui les supplantrent au fur et mesure que s'affirmait lalangue arabe. On peut dire qu'au niveau central l'arabisation del'administration tait dj acheve au premier tiers du second sicle(100-130 H.). C'est vers cette poque que les sources mentionnentl'existence d'un scribe de valeur, Khlid ibn Rab'a al Ifrq qui futl'ami et le condisciple du fameux Abd al-Hamd al-Ktib.

    La numismatique nous permet du reste de nous reprsenterclairement les tapes de l'arabisation de la monnaie. Les dinars

    passrent par au moins quatre stades associant le latin et l'arabe, dessigles christiano-byzantins et des formules religieuses islamiques

    jusqu' leur complte arabisation autour de l'an 100. Cette dateconcide avec l'effort inaugur par le gouverneur Ism'il ibn Ab

    Muhjir pour acclrer l'islamisation du secteur social non-arabe.L'administration rgionale subit, quant elle, ces processus avec

    plus de lenteur bien que le poids du gouvernement central deKairouan s'y soit fait sentir avec force et tous moments. De toutesles rgions du Maghreb, l'Ifrqiya avec ses prolongements tripolitainet numide fut la mieux administre. Pour subordonns qu'ils aient

    t au gouverneur de Kairouan, les ummldu Zb et de Tripolitaineavaient nanmoins de larges attributions civiles et militaires, cesdernires en accroissement rgulier depuis l'clatement des rvolteskhrijites. Le territoire tunisien proprement dit tait fragment enkuwarou districts grs par des sous-gouverneurs munis de tous lesattributs de la puissance publique mais dont l'aspect fiscal devaitsans doute se montrer prpondrant.

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    Ribat Al Monastir

    Le ribt de Monastir est l'un des plus

    anciens et des plus vnrs de

    l'Ifrqiya. Il a t construit par le

    gouverneur abbasside Hirtma b. A 'yun

    en l'an 180 / 796. Des hadiths

    promettaient le paradis tous ceux

    qui y tiendraient garnison pendant

    plus de trois jours. A l'origine le

    monument de 32,80 m de ct,

    possdait une courtine flanque de

    quatre tours rondes. L'accs la courcentrale se faisait par une porte en

    saillie protge par des herses et des

    mchicoulis. Autour de la cour, sont

    disposes les cellules des murbitn

    (combattants). La tour sud-est est un donjon

    circulaire d'une vingtaine de mtres de hauteur.

    Sous les Fatimides, en l'an 355 / 965, un tage

    a t ajout et le monument agrandi, par un certainat-Tammar qui entreprit les travaux avec ses

    propres deniers. Des restaurations hafsides et

    ottomanes l'ont largement dfigur et lui ont

    fait perdre son caractre originel, en voulant

    l'adapter l'artillerie lourde.

    Relev actuel

    R.D.C. du ribt initial

    Vue du ribt qui rvle l'importance et la puissance de l'difice ainsi que les corpsde btiments qui remontent des poques successives. Au premie r plan, le trs

    vaste cimetire qui reoit depuis un temps immmorial les dpouills des habitants

    de Monastir et aussi des villes et des villages de la rgion.

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    4. L'organisation judiciaire

    Il est certain qu' l'poque omayade, la fonction judiciaire taitprofondment subordonne l'exercice de la souverainet publiquemais qu'elle tendit, dans la deuxime moiti du second sicle, s'enaffranchir. Le gouverneur continua cependant d'exercer directementou par l'intermdiaire du corps de la shurta la justice rpressive etcriminelle. Au qdh tait impartie la justice civile et pour autant

    qu'elle se trouvt pratique, la juridiction religieuse des hudud.Si le Calife intervenait quelquefois dans la nomination des qdhs

    l'poque abbasside tout autant que sous les omayades, c'est engnral au wlque ceux-ci devaient leur dsignation. C'est dire quela magistrature cadiale, en dpit du fait qu'elle s'appuyait dans sonactivit sur un droit positif labor en dehors de l'Etat et emprunt aux

    coles orientales, n'tait pas soustraite l'autorit et aux interventionsdes gouverneurs. Et pourtant, dj cette poque, le qdhde Kairouantait plus qu'un fonctionnaire, mme s'il tait un fonctionnaireconsidrable. Jouissant d'une aura morale incontestable, certains de cesmagistrats incarnrent la communaut islamique et la commandrentdans les moments de crise, tel Abu Kurayb, bel exemple de courage etde civisme. Il importe de souligner qu'avec l'extension du champ decomptence et du prestige du qdhau fur et mesure que l'on descenddans le temps, nous avons l'poque des Wult des lments qui

    prparent la venue des grands qdhs aghlabites.

    Intgre assez tard au domaine imprial des Califes, l'Ifrqiyadevait ncessairement accuser un certain dcalage temporel dans lamise en place des institutions. Le systme d'organisation qui lui fut

    appliqu, harmonieux et efficace dans son ensemble, obissait auschma arabe universel, forg dans le contexte oriental. Mais il esttout aussi sr qu'il dut s'adapter aux conditions locales et user, pourun temps du moins, de l'hritage romano-byzantin, demeurcependant globalement d'une porte mdiocre.

    la diffrence des anciennes Maurtanies, l'Ifrqiya s'affirma

    comme le noyau central et le plus sr de l'organisation arabe. En ce

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    Monnaies de l'poque des Gouverneurs

    L'une des premires manifestations de l'autoritislamique en Ifrqiya a touch la monnaie. Trs tt, avant mme que la

    conqute ne s'achve, des pices d'or et de bronze ont

    t frappes. Elles ont gard le moule et les caractres latins tout en

    introduisant des formules islamiques. Les toutes premires pices, datant de

    l'poque de Hassan ou de Musa ibn Nusayr ont simplement

    effac le buste de l'empereur byzantin et l'ont remplac

    par la profession de foi islamique : NON EST SNIIPSE SOL CIN,

    abrviation de : non est deus nisi ipse solus cui

    socius non est que l'on traduit par : Il n'y a de Divinit qu'Allah,

    l'Unique et n'a pas d'associ . Les monnaies des annes

    96 et 97 de l'hgire associent le coufique aux caractres latins. Un solidus de

    97/714 confirme la progression du nouveau pouvoir dans sa

    rforme montaire. Les nouvelles missions portent

    dsormais le lieu de frappe, la date et les formules islamiques.

    Sur une des pices on trouve inscrit sur le droit :

    SoLiDus FeRiTus IN AFRiCA ANno XCVII (Solidus frapp en Africa

    en 97) et au revers : IN Nomine DomiNi Non Deu

    NiSSI Solus Non Deus Nisi (Au nom de Dieu, l'Unique et n'a pas

    d'associ). Ce n'est que vers l'an 98/716 qu'apparaissent

    des pices entirement arabises, sans doute sous

    l'impulsion de la grande rforme administrative

    et militaire du calife Abd al-Malik.

    Monnaie de Musa ibn NusayrBanque Centrale de Tunisie - Muse du Bardo

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    sens, l'effort tenace et remarquable des nouveaux conqurants vient

    prolonger de vieilles traditions et, prenant appui sur elles, les renforcerpour faire de l'Ifrqiya une entit gographique profondment pntrepar l'action et le rayonnement de l'Etat.

    IILa socit ifriqiyenne

    1. Les bases conomiques

    On sait qu' la fin de la domination byzantine, l'conomieifriqiyenne tait dj dans une dcadence relative. Il est vident que laconqute arabe, par sa longueur et son acharnement ne dut pas lui tre,du moins dans l'immdiat, des plus bnfiques. Plus particulirement,la politique de la terre brle de la Kahna aurait port, semble-t-il, un

    coup sensible l'tat de l'arboriculture de la Byzacne. Il n'est passurprenant, dans ces conditions, de voir certains historiens, extrapolant partir de jugements mis par Ibn Khaldun, considrer la conqutearabe comme une phase de rupture entre un pass prospre et unavenir de pauvret et de dnuement. Et pourtant, les tmoignagesarchologiques abondent pour nous suggrer la continuation del'activit conomique dans des zones plus tard appeles connatre uneincontestable rgression comme le Centre-Ouest de la Byzacne. Ilserait, notre sens, illusoire de croire une ralit contraste ce qui nesaurait s'appuyer que sur une double vision, idyllique pour l'poqueromaine, pessimiste pour l'poque arabe prhilalienne, galementdangereuses l'une et l'autre. Au vrai, l'conomie ifriqiyenne connut desessors et des crises, des dcadences et des reprises. Et l'poque des

    Wult, aprs les dvastations de la conqute, s'inscrit assurment dansune perspective de reprise.

    Certes, si nous n'avons pas de renseignements prcis surl'agriculture, du moins pouvons-nous affirmer qu'elle demeurel'pine dorsale de l'conomie. La rgion des plaines du Nord taittoujours assigne la craliculture et aux cultures marachresassocies l'levage. Contribuaient galement ce type d'activit

    agricole la plaine de Kairouan, certaines zones de Byzacne et de

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    L'AFRIQUE ARABE DU II / VII/ ' 57

    Numidie. Mais la Byzacne restait surtout le domaine d'lection de

    l'arboriculture sche ou irrigue. Un passage d'Ibn 'Abd al-Hakamfait tat de la richesse de cette rgion en oliviers au temps hroquedes dbuts de la conqute. Sans doute tmoigne-t-il aussi et peut-tre mme surtout - en raison de la date de sa composition - del'importance de la production d'olives et d'huile au ir/VTIF s. ctde l'olivier, il faut signaler, un peu partout en Byzacne, y comprisdans le pays de Gammda, la prsence d'arbres fruitiers divers

    culture sche. Enfin, les oasis de Qastliya juxtaposent les palmiersdattiers et les cultures marachres.

    On ignore tout, naturellement, de l'volution des faonsculturales. S'il est certain qu'il n'y a pas eu de progrs notable signaler, il est probable qu'il n'y a pas eu non plus de rgression dansl'ensemble. Les textes, allusifs, se bornent signaler l'importance del'irrigation et la non moins grande importance du cheptel dont

    l'levage s'chelonne du Nord l'extrme-Sud et la Tripolitaine.Le statut de la terre pose l'historien des problmes dlicats. Si

    l'on suit des juristes tels que Sahnn et Dawud, on est amen penser que la terre ifrqiyenne tait une terre de 'anwa, conquise parla violence, considre donc comme proprit minente de lacollectivit arabe reprsente par l'Etat. Et pourtant certaines zonessont catalogues par les mmes juristes comme tant terres de sulh,

    rgies par des traits de capitulation, et d'autres comme terres dontles habitants se sont convertis l'Islam. Bien qu'utiles, ces schmasrestent cependant conventionnels et en tous cas porte puremen