histoire des fang, peuple gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...because...

585
Université de Lille 3 Charles de Gaulle U.F.R. d’Histoire Centre de Recherche de l’Histoire de l’Europe du Nord-Ouest Histoire des Fang, Peuple Gabonais Par Xavier CADET Thèse présentée pour l’obtention du diplôme de Doctorat d’Histoire Juin 2005 Sous la direction de Monsieur le Professeur Jean MARTIN

Upload: others

Post on 02-Jun-2020

2 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Université de Lille 3 – Charles de Gaulle

U.F.R. d’Histoire

Centre de Recherche de l’Histoire de l’Europe du Nord-Ouest

Histoire des Fang, Peuple GabonaisPar Xavier CADET

Thèse présentée pour l’obtention du diplôme de Doctorat d’Histoire

Juin 2005

Sous la direction de Monsieur le Professeur Jean MARTIN

Page 2: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

[Précédent]

RESUMES

Au milieu du XIXe siècle, la France implante au Gabon un comptoir destiné àlutter contre la traite négrière et à développer le commerce atlantique. Attirés parune demande croissante, la volonté de supprimer les intermédiaires et les nécessitésde mise en valeur de la colonie, les Fang, principaux pourvoyeurs d’ivoire,s’approchent des rivières et gagnent pas à pas la région de Libreville. Ils prennentune part de plus en plus élevée dans les échanges, au détriment des vieillespopulations côtières, avec lesquelles les conflits, alimentés par les enjeuxcommerciaux, se multiplient. Le scénario se reproduit à l’identique dans l’Ogoouédepuis son ouverture par Brazza, et dans le Nord, jusque vers 1920.

L’aveuglement des Blancs, la faculté d’adaptation des Fang et surtout leurnombre a longtemps laissé croire à un peuple nomade, parti depuis le cœur del’Afrique, voire des bords du Nil, à la conquête du Gabon. La réalité de leurinstallation observée patiemment évapore ces fantasmes.

Mots Clés

Afrique, Colonisation, Brazza, Fang, France, Gabon, Libreville, Migrations,Ogooué, Pahouins.

Page 3: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

History of the Fang, Gabonese People

Summary

In the middle of the nineteenth century, France set up a trading post in Gabon tofight against the slave trade and develop the Atlantic trade. Attracted by a growingdemand, the will to remove middlemen and the necessities of the developpingcolony, the Fang people, the first ivory suppliers, went near the rivers and spreadaround Libreville. They took an ever growing part in trade, to the detriment of theold costal populations who they came more and more in conflict with, stimulatedby commercial stakes. This scenario occurred again along the Ogooué River, fromits opening by Brazza, and in the North, until the 1920’s.

Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above alltheir number, the Fang people were long thought to be a nomadic nation, who leftthe heart of Africa, or even the bank of the Nile River, to conquer the Gabon. Thereal facts of their settlement, patiently studied, put an end to this foolish theories.

Key-Words

Africa, Colonization, Brazza, Fang, France, Gaboon, Libreville, Migrations,Ogooué, Pahouins.

Page 4: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

REMERCIEMENTS

Mes remerciements sincères s’adressent tout particulièrement à

Monsieur Jean Martin qui m’a dirigé avec attention et bienveillance,

Madame Josette Rivallain, pour sa gentillesse, ses conseils et sesencouragements constants,

Abel et Olivier Nguéma, qui ont nourri ma curiosité pour la culture et l’histoiredes Fang,

Thierry Mascart, qui nous a confié ses archives de son aïeul, Albert Veistroffer,

Ma famille et mes amis, qui m’ont aidé, accompagné et soutenu dans montravail.

Que tous lisent ici le témoignage de ma profonde gratitude.

Notes liminaires

L’orthographe des mots propres et des termes vernaculaires pose parfois desérieux problèmes de compréhension. Aussi, convient-il de s’accorder au préalable

Page 5: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

sur les noms d’ethnies, les noms de lieux, les noms de personne et les mots enlangue fang repris dans le présent travail.

Les noms d’ethnies suivent la nomenclature établie par le départementd’anthropologie de l’Université Omar Bongo de Libreville, qui donne Shiwa pourOssyéba, Mpongwe pour Mpongoué, Seke pour Shékianis ou Bulu, Rungu pourOrungu, Galwa pour Galois, Kota pour Bakota, Pinzi pour Apinji, Kande pourOkanda, Duma pour Adouma, etc.

Les noms de lieux sont, pour la plupart, ceux adoptés par l’Institut de laCartographie Nationale gabonais, en collaboration avec l’Institut GéographiqueNational français, en particulier ceux figurant sur les cartes au 1 :200 000. Parailleurs, la plupart des noms de villages figurant dans les archives ne figurent plussur ces cartes modernes. Ils sont néanmoins cités pour ne pas perdre uneinformation qui pourrait être précieuse à des recherches ultérieures.

Pour éviter les répétitions et les ambigüité, il est convenu que “ l’Estuaire ”,avec majuscule, désigne l’estuaire du Gabon, de l’Atlantique jusqu’à Kango, telqu’il figure sur les cartes actuelles, de même que Gabon est entendu comme le paysactuel. Pour ne pas trahir les sources en interprétations abusives et rendre au mieuxl’état des connaissances de l’époque, nous nous sommes refusés à produire descartes hydrographiques ou ethniques des régions concernées, préférant insérer aupropos les cartes anciennes.

Les noms de personnes sont repris des rapports d’archives. Toutefois, dans lescitations, l’orthographe des noms propres respecte celle de l’auteur, dans la mesureoù la compréhension du texte n’est pas atteinte. La plupart des noms de lieux citéssont ceux de villages fang. Compte tenu de la mobilité de ces villages, il estimpossible de les situer sur une carte contemporaine. De plus, certains nomsapparaissent à plusieurs années d’intervales, sans qu’ils évoquent le même village.

Les quelques termes vernaculaires sont, pour l’essentiel, empruntés audictionnaire de S. Galley, Dictionnaire Fang-Français, Français-Fang, Neuchâtel,Editions H. Messeiller, 1964.

Les illustrations, gravures et photographies sont numérisées à partir desdocuments imprimés. Les photographies signalées “ Veistroffer ” proviennent del’album personnel d’Albert Veistroffer qui a réalisé l’ensemble des clichés avec lacollaboration du Laboratoire Audema qui en a, par la suite, tirées des cartespostales. L’album nous a été très aimablement confié par Thierry Mascart, sonarrière-petit-neveu, qui désirait le mettre à la disposition de la recherche. Par leurnature ces documents appuient le propos, en rendant parfaitement, souvent avecforce, le contexte historique.

Page 6: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Enfin, pour ne pas nuire à la fluidité du texte, certaines citations lui sontintégrées. Elles sont marquées entre guillemets et en caractères italiques. Par leurimportance, d’autres citations doivent être mise en exergue. Elles forment alors unparagraphe décalé.

Introduction

En 1904, à Paris, alors capitale des arts, Paul Guillaume découvre dans lavitrine d’une modeste blanchisserie de Montmartre, une “ idole noire ”. Il faitaussitôt part de sa découverte à Guillaume Apollinaire. Quelques mois plus tard,Vlaminck initie à l’art nègre ses pairs fauves, Matisse et Derain, son compagnond’atelier, à qui il offre un masque fang. Avec Picasso, ils y trouvent la justificationde leurs recherches picturales, la raison de rompre enfin avec l’art antique etcommencent une ambitieuse collection d’art primitif, bientôt suivis par Braque,Dunoyer de Segonzac, Moreau, Lhote et Marie Laurencin, puis Max Jacob, BlaiseCendrars. Au-delà de ce cercle d’initiés, l’engouement pour l’art des contréesexotiques se diffuse rapidement auprès d’un plus large public, lançant à partir desannées 1910 une véritable vague de négrophilie qui marque de manièredéterminante, outre la peinture, la sculpture, la musique, l’architecture et lalittérature. L’école nègre est née.

L’intérêt pour les arts “ primitifs ” dépasse les frontières hexagonales. EnAllemagne, l’écrivain Carl Einstein devient, en 1915, le premier critique d’artafricain en publiant une petite monographie sur la sculpture ( 1 ). Parmi lesreproductions, figure une tête fang provenant de la collection personnelle de PaulGuillaume, intitulée : “ Tête, Congo Français, pays des Pahouins, Gabon ”.Einstein en conclut la notice par ces mots : “ Je signale que la mythologie des Fansest très belle et pleine d’intérêt ”.

De toutes les populations de l’Afrique noire et particulièrement du Congofrançais, les “ Fans ” ou “ Pahouins ” sont alors les plus célèbres. A l’exemple desOcéaniens, Maori ou Marquisiens, ils exercent une étrange fascination sur le publicqui tient beaucoup au paradoxe entre, d’un côté, la haute esthétique de leur art quetraduisent les audacieux partis pris stylistiques et, de l’autre, la brutalité de leursmœurs : on les dit cruels, féroces, conquérants anthropophages, descendus des rives

Page 7: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

du Nil jusqu’au Gabon en un flux continu, exterminant ou assimilant par desmariages forcés les populations qu’ils envahissent. Certains auteurs vont jusqu’àaffirmer leur supériorité sur l’ensemble de la “ race nègre ”.

Malgré la fragilité de ses arguments, cette réputation, qui leur vaut d’êtreexhibés dans les expositions internationales comme des bêtes de foire, marqueprofondément et durablement la mémoire collective, y compris les milieuxscientifiques. Elle oriente de très nombreuses recherches consacrées aux Fang,quels qu’en soient les domaines, historiques, sociologiques ou artistiques, au pointqu’il est encore aujourd’hui difficile de cerner le groupe, d’en définir l’originalité,et surtout d’en retracer l’histoire.

La réputation des Fang ne date pas du début du XXe siècle. Elle naît auxpremières heures de leur rencontre avec les Occidentaux, notamment avec lesFrançais, venus en 1839 installer dans l’Estuaire du Gabon un comptoir decommerce et une station navale pour lutter contre la traite négrière. De cetembryon, œuvre de la détermination d’une poignée d’hommes conçue dans uncontexte de rivalité franco-britannique, naît la colonie du Gabon, dont ledéveloppement et la mise en valeur nécessitent la collaboration des populationslocales. L’entreprise est difficile pour les Occidentaux, en même temps qu’ellebouleverse les équilibres sociaux et économiques entre villages côtiers et intérieurs,entre courtiers et producteurs. Tout au long de la période, les grandes ambitions,servies par les desseins les plus nobles, se heurtent aux intérêts particuliers et auxpratiques les plus contestables. De leur côté, les Fang sont désireux de prendretoutes leurs parts au commerce en abandonnant l’exploitation des forêts pourdevenir courtiers à leur tour. Ils subissent autant que d’autres la politique colonialemais, servis par une détermination et des structures sociales particulières, ilsdeviennent rapidement l’objet d’une attention soutenue de Libreville.

Le Centre des Archives d’Outre-Mer d’Aix-en-Provence (C.A.O.M.) garde lamémoire de ces relations complexes entre Blancs et Fang, en particulier dans lacorrespondance du commandant de la station navale. Dès l’implantation française,les commandants entretiennent avec Paris et le ministère de tutelle, unecorrespondance régulière constituée de lettres ponctuelles et de rapportsgénéralement mensuels. S’y ajoutent les rapports des divers officiers de la stationnavale, comptes-rendus de missions, notes, etc. L’intérêt premier de ces rapportsréside dans le soucis militaire que les auteurs mettent à décrire avec simplicité etpragmatisme des faits. On suit ainsi, grâce à un dépouillement méthodique, près dequatre-vingts ans de l’histoire coloniale des Fang, depuis la première rencontreavec les officiers dans les villages du Komo jusqu’à l’administration du Woleu-Ntem en passant par les missions de Brazza et leurs conséquences. On y litl’enthousiasme du commandant à apprendre la première visite d’un producteur fangchez Glass, les dispositions bienveillantes prises pour multiplier les contacts directs

Page 8: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

avec les Fang dans l’Estuaire, mais aussi les incendies de villages, lesconfiscations, les arrestations, les prises d’otages d’enfants, les condamnations, lesdéportations.

Les rapports rendent également avec précision l’état des relations entre Fang etpopulations locales. Ils montrent comment se multiplient les conflits à mesure queles villages fang progressent dans l’Estuaire ou dans l’Ogooué. Ils révèlent sansambiguïté l’origine des heurts, parfois sanglants, qui agitent les rivières, lesmanipulations des intermédiaires, courtiers ou traitants, le jeu des maisons decommerce et des sociétés concessionnaires qui entretiennent le feu sournois desantagonismes entre villages, entre ethnies. Ils révèlent enfin les difficultésrécurrentes de l’autorité coloniale, notamment son manque de moyens humains etmatériels qui la conduit, entre hésitations et reculades, à s’appuyer, au gré de sesintérêts et de l’humeur de ses responsables, sur l’un ou l’autre groupe, et à abuserde sa supériorité militaire pour favoriser, contraindre, autoriser ou interdirel’installation des villages dans l’Estuaire, la circulation des pirogues sur l’Ogooué,imposer le service obligatoire, instaurer une fiscalité, déléguer aux sociétésconcessionnaires l’administration de leurs territoires, etc.

Ainsi, avec justesse et précision, les rapports éclairent d’une lumière nouvelleun aspect méconnu de l’histoire du Gabon à travers la réalité de l’implantation desFang pendant la période coloniale. Leur reproduction dans de larges extraits permetde mieux saisir comment s’est forgée leur réputation sous l’action des Blancs,comment à l’émerveillement des premiers contacts et les débordements affectifssuccède les premières réserves, les alertes et enfin les craintes d’avoir à composeravec des populations turbulentes, comment en moins de quarante ans les Fangpassent du statut de farouches porteurs d’ivoire isolés à celui d’envahisseurs“ barbares ”., de partenaires indispensables à celui de freins hostiles à l’essorcolonial.

La réputation des Fang trouve aussi ses racines dans le contexte scientifique etpolitique de l’époque qui préside aux nombreuses études sur le groupe. Ellescomplètent la connaissance du groupe tout en se penchant très précocement sur sonhistoire précoloniale. Le chantier est mis en œuvre dès le début des années 1840mais reste ouvert encore aujourd’hui. Plus de cent-soixante ans ne sont donc pasparvenus à venir à bout d’un sujet qui nourrit tant de passions mais dont lacomplexité égale celle de l’histoire de l’Afrique en général.

Les rapports administratifs qui évoquent le sujet sont fort rares, les militaires sepréoccupant essentiellement des affaires contemporaines. Non qu’ils s’endésintéressent mais ils s’expriment dans des développement plus denses, rejoignantles missionnaires, les aventuriers, les commerçants et les scientifiques dans denombreuses publications plus ou moins sérieuses, savantes ou grand public,

Page 9: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

bulletins de géographie, revues de voyages, revues missionnaires, récitsd’explorations, bulletins d’anthropologie. Tous alimentent une bibliographieimposante d’articles sur le Gabon en général et sur les Fang en particulier,multipliant les descriptions sur leurs qualités physiques et intellectuelles, leursmœurs, leurs techniques, leur religion, etc., et développent des théories sur leurhistoire ancienne. A l’égal des rapports administratifs, elles sont le reflet fidèle desmentalités coloniales et des intérêts des auteurs à défendre quelques points de vue.Ce sont ces mêmes articles qui ont, au fil du temps et de la pénétration coloniale,construit les théories les plus invraisemblables, repoussant jusqu’en Egyptel’origine des Fang.

L’histoire précoloniale des Fang est donc très encombrée d’éléments obscursqui l’ont transformée, au fil du temps, en mythe dans lesquels certains auteurscontemporains se perdent encore. Il est donc indispensable avant même del’aborder, d’envisager ces théories. L’analyse du contexte politique et scientifiquedans lequel elles sont produites permet d’en suivre le cheminement et de les réduiredéfinitivement. Elle ouvre sur des reconsidérations générales sur le groupe,contrepoids indispensable à cent-cinquante ans de conclusions hâtives, dedescriptions grotesques, de fanfaronnade ( 2 ).

Eclairée de ces nouveaux éléments, l’histoire précoloniale des Fang est encoregardée par de nombreux obstacles, au premier rang desquels se place l’embarrasdes auteurs devant l’absence d’écrit indigène. Les seuls écrits sont ceux desOccidentaux, dont les plus anciens remontent aux relations de voyage du XVIesiècle, pour lesquels la connaissance du Golfe de Guinée se limite à ses rivages ; lespremiers renseignements sur les Fang n’apparaissent qu’au début du XIXe siècle.

C’est, par essence, toute la spécificité de l’histoire de l’Afrique que des’intéresser aux sources documentaires non écrites. Celles-ci ne manquentheureusement pas au travers de la culture du groupe, que ce soit dans ses structuressociales, ses croyances, ses rites, sa tradition orale et sa culture matérielle. Sil’archéologie souffre d’une chronologie encore faible pour la zone équatoriale,d’autres disciplines comme l’ethnologie, l’anthropologie ou l’histoire de l’artpeuvent donc apporter une aide considérable à l’histoire pour comprendrel’évolution d’un groupe, chercher la part factuelle des légendes, analyser l’origined’une forme et ouvrir de nouvelles voies de recherches, livrer des éléments inédits.Mais le traitement de ces sources culturelles doit lui aussi s’entourer de précautionspour éviter les interprétations abusives. Il nécessite d’abord d’embrasser sesdifférents aspects dans une vision la plus large possible, y compris le milieugéographique. D’où une connaissance indispensable du terrain, du sol et de la terre,du climat éprouvant, de la faune invisible et inquiétante, de la flore exubérante, desorages diluviens, de la forêt majestueuse, de l’impétuosité des rivières, de la forcede la nature. Comment, sans cela, approcher, à défaut de comprendre, la place de

Page 10: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

l’homme fang dans l’univers, ses codes, ses pensées, sa “ religion ” et sa“ philosophie ” .

Deux problèmes majeurs apparaissent ensuite de manière récurrente dansl’étude de la culture fang. La recherche des éléments culturels les plus anciens,d’abord, n’est pas chose aisée quand on mesure l’extraordinaire capacité dessociétés africaines à s’adapter au monde contemporain en suivant les voies de lamodernité, à intégrer les cultures voisines, à adopter les modes de vie occidentaux.Il est donc ardu d’identifier culturellement les Fang au moment de leurs contactsavec les Blancs. Même un patient travail de terrain n’y parviendrait pasaujourd’hui, tant les traditions se sont perdues. Il est tout aussi délicat de lescomparer, pour dégager d’éventuels emprunts, avec les groupes voisins, enparticulier les riverains de l’Estuaire ou de l’Ogooué, tout autant dénaturés qu’ilssont par plusieurs décennies de relations occidentales. Quant à la comparaison avecdes groupes plus loin dans l’intérieur, elle ne peut se faire que rétrospectivement,au fur et à mesure de la pénétration coloniale.

La seconde difficulté ramène à la question délicate de l’interprétation dessources indirectes qui décrivent assez abondamment la culture fang, mais demanière souvent inégale. Comment, en effet, appréhender un rite quand deuxobservateurs en déclinent des formes absolument contradictoires ? Quelle valeurattribuer à une légende quand elle est présente chez l’un, absente chez l’autre ? Làencore, il faut lire ces documents avec les yeux d’un ethnologue pour comprendrecomment les renseignements ont été récoltés, auprès de quels informateurs, quellesétaient leurs intentions, quelles étaient celles de l’auteur, et tenter de les débarasserau mieux de leur subjectivité. Là encore il s’agit de s’en tenir aux observations etd’abandonner les conclusions aventureuses.

Une fois cernée de toutes les protections, l’étude de la culture fang peut opérer.Elle apporte une contribution essentielle qui jette un éclairage nouveau surl’histoire ancienne d’un des groupes africains encore mystérieux.

Quelques précisions

Malgré leur notoriété et une bibliographie abondante, l’étude des Fang demeuredélicate encore aujourd’hui, que ce soit du point de vue historique, sociologique ou

Page 11: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

artistique. De nombreux points divisent encore les auteurs qu’il convient de traiterau préalable.

Le tout premier point consiste à cerner avec précision le groupe Fang. En effet,le terme “ Fang ” fait l’objet d’une discussion infinie qui ouvre la plupart desétudes. “ Pamouay ” est le premier terme utilisé pour désigner un groupe situé dansl’intérieur, au-delà des villages courtiers. Il apparaît en 1819 ( 3 ), avant d’êtreadopté par les Espagnols qui le transforment en “ Pamue ”, par les Allemands :“ Pangwe ”, et par les Français : “ Pahouin ”, trois traductions phonétiquementproches de l’origine, les Français ayant nasalisé le phonème final. Quelle qu’en soitsa traduction, “ Pamouay ” est aussi inapproprié que “ Eskimo ” pour les Inuit. Enréalité, “ Pamouay ” vient de “ Mpangwe ” donné par les Mpongwe, habitants desrives de l’Estuaire de Gabon, signifiant, en langue vernaculaire, “ je ne sais pas ”,indiquant ainsi qu’ils ne savent pas comment se nomme le groupe. Pendant près dequarante ans, “ Pahouin ” est utilisé dans la plupart des écrits. Il faut attendre 1861pour qu’il soit dénoncé pour la première fois ( 4 ).

Avant de se désigner comme tels, les Fang se reconnaissent d’abord dans uneappartenance à un clan, ayong, Nkodjeign, Efak, Yendzok, etc. Or, pour des raisonssans doute simplificatrices, les auteurs ont reconnu, entre l’ensemble “ Fang ” et lesclans, un sous-groupe intermédiaire, celui des tribus qui seraient, au Gabon, lesBetsi, les Okak, les Ntumu, les Nzaman, les Meke et les Mvai. Si elles reposent surune réalité, elles ont néanmoins le redoutable désagrément de s’interpénétrer auniveau des clans, ce qui réduit leur pertinence. L’autre trouble vient de ce que lesclans peuvent prendre plusieurs noms, selon la localisation géographique de sesreprésentants, tantôt s’écartant d’une simple prononciation, Ekodjé ou Nkodjeign,tantôt changeant radicalement : Nkodjeign, Efak, Yevo, tandis que d’autres clansquoique absolument distincts, portent des noms très similaires, Efak et Effak, ce quimultiplie les risques de confusion. Enfin le chevauchement des clans au-delà desfrontières coloniales étalent parfois les liens familiaux entre Gabon, GuinéeEquatoriale, Cameroun et Congo, se connectant alors aux ethnies voisines, ce quiévidemment rajoute à l’imbroglio ethnographique.

Page 12: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 1 : Répartition géographique des groupes Fang, Bulu et Beti (Perrois,1972, p. 102).

Encouragés par une apparente unité culturelle, certains auteurs se sont basés surces liens transfrontaliers pour consacrer leurs travaux à l’association des Fang, desBeti et des Bulu, dans un groupe dont le nom reprend le terme originel de“ Pahouin ”, comptant 814 000 individus ( 5 ), auxquels s’ajoutent parfois lesNgumba, les Djem et les Ndzimou. Bien que certains particularismes ethniquessoient reconnus sans ambiguïté, la démarche tend à introduire dans les esprits uneunité de fait, avec le danger, à court ou moyen terme de gommer de la mémoire ces

Page 13: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

particularismes. Or la situation se dégrade rapidement, les valeurs occidentalestriomphent, la tradition orale s’éteint. Aussi, devant l’urgence, convient-il d’adopterune démarche opposée en restreignant l’étude aux seuls Fang du Gabon.

La tâche n’en est pas plus aisée. En abaissant le regard à un groupe, elle obligeà une observation plus aiguë, en même temps qu’elle définie des limites plusétroites en posant notamment la question des clans et des tribus. A ce titre, le casdes Meke est représentatif. La liste des ethnies du Gabon, établie par ledépartement d’anthropologie de l’Université Omar Bongo de Libreville en 1998,intègre les Meke au groupe Fang, tout en préconisant la dénomination “ Shiwa ”.Le terme est ancien puisqu’il remonte au moins aux années 1860, sous des formesdiverses : Sheba, Osheba, Ossyeba, Shiibi, Shiwè, etc. Mais la parenté des Meke ouShiwa avec les Fang, origine commune, assimilation ou métissage, fait encorel’objet de discussions entre phonologues. Ils se distinguent de l’ensemble dugroupe fang, notamment par une formule propre pour commencer les phrases : ilsdisent “ ma ki na ”, tandis que les Fang disent “ ma zo na ”, ce qui signifie, dans lesdeux cas, “ je dis que ”. La formule est en usage chez d’autres groupes gabonais.Les Mpongwe par exemple, disent “ mi è nè ”, ce qui a donné le nom de leurgroupe ethnique, les Myene. Quant au groupe des “ ma zo na ”, les théories ne sontpas moins contradictoires. Pour les uns, les Betsi représenteraient le groupe fangpar essence, qui porterait la culture originelle, la langue la plus pure. Pour d’autres,ils s’agiraient des Ntumu. D’autres encore considèrent que les Ntumu ne sont pasFang.

En attendant que ces points soient éclaircis par des spécialistes, l’humilitéoblige l’historien à se contenir dans une étude sur les Fang du Gabon en général,regroupant “ ma zo na ” et “ ma ki na ”, tout en versant à la discussion les élémentsqui pourront se présenter.

Le cadre géographique

Avant d’entamer l’étude proprement dite, il reste à introduire rapidement soncadre géographique, le Gabon. Sur la façade atlantique de l’Afrique, au sud duGolfe de Guinée, le Gabon est à cheval sur l’Equateur. Sa superficie est de 267 000km². Au nord, ses frontières touchent la Guinée Equatoriale et le Cameroun. Del’est jusqu’à la côte, la frontière est continue avec le Congo (Brazzaville). Long deprès de 800 km, le littoral offre un relief bas et monotone sur une large bande de 30

Page 14: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

à 200 km L’intérieur est surtout couvert de plateaux au milieu desquels sedistinguent des massifs importants, notamment les Monts de Cristal au nord, leMassif Du Chaillu et le Massif du Mayombe au sud. Le climat est équatorial, chaudet humide. On y repère une grande saison des pluies de mi-février à mi-juin, unegrande saison sèche de mi-juin à mi-septembre, une petite saison des pluies de mi-septembre à mi-décembre, et une petite saison sèche de mi-décembre à mi-février.La pluviométrie dépasse 3 mètres par an à Libreville, elle augmente à mesure qu’onremonte vers le littoral nord, dépassant 4 mètres à Cocobeach. En bordure côtière,l’humidité constante s’associe à une chaleur très élevée, la moyenne annuelle deLibreville est de 25,9°C, rendant l’atmosphère éprouvante. Sur la côte, lesvariations diurnes sont à peine marquées. Seule la brise marine apporte un peu defraîcheur. Dans l’intérieur, et à mesure que les reliefs apparaissent, les températuresnocturnes sont beaucoup plus basses, elles adoucissent le climat. Enfin, l’électricitéde l’air est très importante.

Page 15: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 2 : “ Carte du Gabon ” (G. de Saint-Aubin, 1963, p.5).

Les contours du Gabon correspondent au bassin de l’Ogooué, son principalfleuve. Long de 1200 km, il prend sa source au Congo dans les plateaux batéké. Ilremonte alors vers le nord-ouest, puis à Booué, s’oriente à l’ouest. Il longel’équateur jusqu’à Ndjolé, puis s’incline au sud-ouest pour atteindre Lambaréné.Là, une dépression ralentit son cours en un vaste delta, formant de nombreux lacs,Azingo, Onangué, etc. et plusieurs bras qui se jettent dans l’Océan, depuis la baiede Nazaré au nord jusque dans la lagune Nkomi au sud. Ses principaux affluents dela rive gauche sont la Lolo, en amont de Booué, l’Offoué, en amont de Lopé, et la

Page 16: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Ngounié, en amont de Lambaréné. Sur la rive droite, les affluents sont plusnombreux : la Passa, près de Franceville, puis la Lékoni et la Sébé. Entre Booué etLolo, il est rejoint par son principal affluent, l’Ivindo, dont le cours supérieur estnommé Aïna. L’Aïna longe la frontière est avec la Cameroun, puis descend le longde la frontière congolaise. Devenu Ivindo, il coule au sud-ouest, alimenté denombreux affluents, notamment le Mvoung sur sa droite. Après Booué, l’Ogoouéreçoit l’Okano à Edibé, puis l’Abanga après Ndjolé, dont les cours sont parallèles àl’Ivindo. L’autre fleuve important du Gabon, surtout du point de vue historique, estle Komo. Il prend sa source au nord du Gabon, vers Médouneu, dans les Monts deCristal qu’il descend, avant d’atteindre Kango, où le rejoint le Bokoué, qui coule dusud. Il se jette dans l’Estuaire du Gabon, où il reçoit une infinité de rivières, dontles plus importantes sont, sur sa gauche le Remboué, l’Igombiné, la Gongoué, etsur sa droite l’Assengo, la Rogolié, la Mouané et l’Ikoï Komo. Au nord, s’ouvre labaie de la Mondah, dont la source est sur le versant nord du mont qui donne l’IkoïKomo. S’y jettent aussi, notamment la Mbé, et la Ntsini, dont le cours serpentejusqu’aux portes de Libreville. Au nord, l’estuaire du Mouni reçoit le Mitemboniqui marque la frontière avec la Guinée Equatoriale où il prend sa source. Le nord-ouest du Gabon alimente le bassin du Woleu et du Ntem, qui coulent vers l’ouest etla Guinée Equatoriale pour le premier, où il prend le nom de Rio Benito, et leCameroun pour le second.

La végétation du Gabon se divise en trois ensembles. Les savanes disséminéessurtout au sud de l’Equateur n’occupe que 15% de la superficie. La bordure côtièreest caractérisée par les forêts de mangroves à palétuvier. Le reste du pays estrecouvert par la forêt dense humide, elle-même répartie en trois grandes zones. Lazone centrale, la plus importante, est sempervirente. Au nord et au sud, le climatétant moins humide, la forêt est semi-décidue. Un type forestier intermédiaireapparaît au nord-est du Gabon, à partir d’une ligne reliant Okondja à la moitié de laroute Oyem-Mitzic, qui se caractérise par l’absence d’Okoumé.

Enfin, le Gabon moderne compte environ un million d’habitants qui, selon lesauteurs, composent onze groupes ethnolinguistiques : Fang, Myene, dont lesMpongwe, Benga, dont les Seki, Vili, Punu, Kande, Nzebi, Mbama, Kota,Pygmées, et un dernier ensemble dispersé où figurent les Kele ( 6 ). Quarante-pour-cent de la population habite l’agglomération de Libreville, huit celle de Port-Gentil,et vingt-deux dans les sept autres chef-lieux de province. Le reste estprincipalement réparti le long des grands axes de communication. En 1970, unrecensement dénombre environ 150000 Fang au Gabon ( 7 ). Ils sont installés dansles région de Libreville, Lambaréné et Ndjolé, et dans la province du Woleu Ntemoù ils représentent l’essentiel de la population, fait qui constitue à lui seul, lepremier élément sur leur histoire ancienne.

Page 17: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 3 : “ Carte des tribus du Gabon ” (A. Raponda-Walker, 1960, p. 7).

Page 18: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Première partie : histoire coloniale desFang, 1842-1907

Histoire précoloniale du Gabon, 1471 - 1843

Ayant entrepris depuis plusieurs années la reconnaissance des côtesoccidentales de l’Afrique, les Portugais découvrent en 1471 l’île de Sao Tome dansle Golfe de Guinée. Idéalement placée en raison des courants qui rendent difficilel’approche du continent au niveau de l’équateur et à peu de distance des côtes, l’îledevient la base de l’exploration du Golfe, de la Côte de l’Or jusqu’au Cap SainteCatherine, découvert en 1475. Selon Reynard ( 8 ) mais sans qu’aucun document nepuisse l’attester, les côtes du Gabon actuel et l’estuaire du Komo seraientdécouverts dans cette courte période. “ Rio de Gabao ” apparaît pour la premièrefois, vers 1485, sur une carte de Christoforo Soligo ( 9 ). Il correspond alors au seulestuaire du Komo. Selon une étymologie contestée mais largement répandue ( 10 ),Gabon viendrait du mot caban, en portugais “ gabaô ”, en raison de la forme duvêtement marin que les premiers navigateurs auraient prêtée à l’estuaire. Il est toutaussi difficile d’attester que Diego Câo a été le “ premier navigateur portugais àavoir ancré sa caravelle dans l’estuaire du Komo ” ( 11 ). Sans doute son expéditionde 1484 jusqu’à l’embouchure du Zaïre lui en a-t-il donné l’occasion. Car pour les

Page 19: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

marins, l’estuaire du Gabon est un lieu privilégié pour faire relâche. Son entrée estlarge et n’est pas soumise au phénomène de barre ( 12 ). Des bâtiments même à forttirant peuvent donc y pénétrer sans risque. Ses grands fonds et son étendue vasteoffrent de nombreux abris au mouillage, avec ses deux îles : Perroquet (ou Mbini)et Conniquet (ou Dambè), les criques formées par les nombreuses rivières qui s’yjettent. De plus, il occupe une position centrale entre divers points du commerce,sur la côte nord avec les îles Corisco, Petite et Grande Elobey, Banié, les estuairesde la Mondah, du Mouni, et vers le sud au Cap Lopez et l’Ogooué. L’eau douce yest facilement accessible et ses forêts luxuriantes laissent croire à un gibierabondant.

Ardents navigateurs, conquérants et commerçants, les Portugais s’installentdurablement sur l’île de Sao Tome, important des animaux d’élevages et des plantsexotiques, originaires d’Amérique, dont le maïs et la canne à sucre. Ils font de l’îlele centre de leurs activités dans le Golfe de Guinée et le relais de leur implantationau royaume du Congo ( 13 ). A la suite d’un décret royal de 1500, autorisant leshabitants de l’île à trafiquer avec la “ terre ferme et les îles du Golfe, jusqu’auroyaume du Congo ” ( 14 ), se met en place un trafic d’ivoire, de cire, de miel,d’huile de palme et surtout d’esclaves ( 15 ). En effet, la main-d’œuvre manque suiteà la plantation de cannes à sucre sur l’île. Elle est donc recrutée sur le continent.Même s’il ne s’agit pas encore là d’une traite intensive, Lasserre argue de laproximité du Gabon pour expliquer les débuts de la traite négrière sur ses côtes( 16 ). Les deux rives de l’Estuaire sont alors fortement peuplées par les Ndiwa,avant garde du grand groupe Mpongwe( 17 ), qui profitent des premières heures ducommerce portugais pour asseoir une prééminence durable sur l’Estuaire.

L’activité commerciale au Gabon au XVIe siècle attire, en plus des Portugais,les Français, Anglais et Hollandais qui installent de modestes comptoirs sur lesrives du Gabon sans chercher à explorer l’intérieur des terres. Les produits sontdirectement vendus sur les plages par les populations côtières.

Au XVIIe siècle, face à la supériorité maritime hollandaise, l’influenceportugaise régresse, sans toutefois disparaître. En 1600, les Hollandais occupent lesîles Elobey et Corisco, au nord de l’estuaire du Gabon, dans la baie que forment lesestuaires de la Mondah et du Mouni. Ils s’installent aussi sur l’île de Conniquet( 18 ) située en face de la pointe d’Owendo, face à l’embouchure de l’Ikoï-Komo.L’insularité leur garantit une meilleure défense contre les populations côtières dontles réactions sont craintes. Plus encore, elle facilite considérablement le chargementdes marchandises. Car si l’accès de l’Estuaire est facile même aux bâtiments lesplus gros, l’approche des rives pour le débarquement des marchandises est trèsdélicat ( 19 ). En effet, les rivages de l’Estuaire sont parsemés de nombreux plateaux

Page 20: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

rocheux calcaires et de bancs de vase qui affleurent en maints endroits, parfois trèsloin de la plage. Ils obligent les navires à mouiller à distance des rives. Lesmarchandises sont alors transportées par de simples pirogues. Ces frêles esquifsconçus pour la navigation fluviale, sans quille ni gouvernail, à coque ronde, tailléedans un tronc d’arbre, sont d’une flottabilité hasardeuse en mer où les paquets devagues risquent à tout moment de les faire chavirer. De plus, les eaux de l’Estuairesont très dangereuses car elles subissent les courants que crée le flot des eauxdouces conjugué aux deux marées quotidiennes dont l’amplitude parfois très forteest ressentie dans tous ses affluents, à plus d’une centaine de kilomètres en amont(Komo, Bokoué, Remboué).

L’occupation de l’île Conniquet permet aux Hollandais d’effectuer desmanœuvres de chargement plus directes mais assez délicates. Venant de la haute-mer, le navire accoste l’île pour s’y délester en déposant ancres, canons et autreslourdes pièces. Considérablement allégé, le bateau approche à marée haute la plagedevant les villages marchands et s’y échoue en douceur, si bien qu’à mer basse, lenavire repose sur le banc calcaire. Les marchandises sont transportées à pied sec, entoute sécurité. Le flot délivre ensuite le navire qui repart vers l’île Conniquet. Il yrecharge ensuite ses lourdes pièces et reprend la haute mer.

La persistance, depuis plusieurs décennies, des fréquentations des naviresoccidentaux installe progressivement une économie de troc dans la région. Elleinaugure aussi l’ère des méfaits et des pillages qui jalonnent l’histoire du commerceau Gabon.

En 1600, l’établissement hollandais d’Elobey est attaqué par les Ndiwa ( 20 ). Ilspillent également deux navires hollandais, le Palmbooken et le De Morinne, et unnavire espagnol. En 1698, en représailles des attaques passées, les Hollandaisrasent les villages des îles Conniquet et Perroquet. La fin de siècle marque le déclindes Ndiwa ( 21 ). Le clan perd de son importance et de son autorité au profit d’autresclans mpongwe demeurés en marge des côtes : les Agulamba, les Assiga et lesAguekaza, qui vont régner sans partage sur le commerce dans toute la région del’Estuaire jusqu’à l’arrivée des Fang au milieu du XIXe siècle ( 22 ).

Au cours du XVIIIe siècle, les Portugais établissent un fortin sur l’île deConniquet et explorent le pays à la recherche de mines d’or. En vain. Ils découvrenttoutefois l’existence au fond de l’estuaire du Gabon, d’une chaîne de reliefs qu’ilsbaptisent Sierra del Crystal en raison des vapeurs bleutées qui l’enveloppent.

Leur présence est liée au trafic d’esclaves qui s’intensifie avec la demandeoutre-Atlantique. Bien que l’essentiel du trafic de la région soit basé au sud de

Page 21: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

l’équateur, autour des ports d’Angola et de Loango, les négriers fréquentent aussiles côtes du Gabon en remontant jusqu’au Cap Lopez voire Sangatanga avant latraversée transatlantique. Cette dernière halte leur permet de débarquer les esclavesmalades et d’en acheter d’autres aux Mpongwe. Le trafic s’appuie également surles îles de Sao Tome, Principe, Corisco, et plus haut Fernando Poo dans la baie duCameroun. Il pousse jusque dans les estuaires du Gabon, de la Mondah et duMouni des navires français, anglais, espagnols, hollandais, danois et américains( 23 ). Le trafic négrier y est cependant moindre qu’au sud car le climat réputémalsain rebute les marins à mouiller longtemps dans la région et les esclaves qui ysont pris sont dépréciés ( 24 ). Cependant, la rivalité qui oppose les Hollandais et lesPortugais à propos de l’île de Corisco prouve l’intérêt stratégique du lieu etl’importance du commerce ( 25 ).

L’estuaire du Gabon est avant tout fréquenté pour l’ivoire, l’ébène, le boisrouge (padouk), le bois de santal et la cire. L’ivoire est très recherché par lesAnglais qui l’exportent vers les royaumes de la Côte de l’Or où il est préféré àl’ivoire local. Les échanges ne sont cependant pas organisés comme sur les côtesoccidentales d’Afrique où règne le commerce au comptant. Au Gabon règne lesystème d’avances instauré dès les premiers échanges avec les Portugais. A la vued’un navire pénétrant l’Estuaire, les villages riverains allument des feux pourl’attirer sur leur plage. Répondant à “ l’invitation ”, l’équipage débarque sur laplage des marchandises européennes, qu’il “ abandonne ” contre la promesse derecevoir des chefs locaux les produits recherchés. L’astuce des riverains est deprétendre n’avoir pas de stocks pour obtenir un délai plus ou moins long afin derassembler les produits qui viennent depuis l’intérieur. Un lucratif système detransaction permet de diffuser lentement les marchandises européennes dansl’intérieur par le biais des intermédiaires qui relient les riverains aux producteurs.Une telle organisation du commerce permet tous les débordements et génèrenttoutes les querelles. ( 26 )

Maîtrisant suffisamment les langues des acheteurs occidentaux et les idiomesde l’intérieur, les Mpongwe sont les puissants acteurs du commerce dans la région.Par un réseau efficace d’intermédiaires ils se procurent les produits contre despacotilles ou du sel auprès des populations chasseresses et agricoles de l’intérieur etles revendent aux Blancs contre des armes, du tabac, de l’alcool, des tissus, etsouvent même des esclaves. Depuis l’établissement de relations régulières avec lesBlancs, les Mpongwe se consacrent ainsi exclusivement à leur activité de courtage.Ils se refusent à tout travail manuel et délèguent à leurs femmes et à leurs esclavesla production des biens de subsistance quand ils ne se les procurent pas auprès deleurs intermédiaires. Occupant toutes les positions stratégiques dans l’Estuaire,plages, criques, embouchure des rivières, ils conservent le monopole des activitéscommerciales et se garantissent des revenus élevés.

Page 22: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

A la fin du XVIIIe siècle, sur la base d’une économie de traite hésitante, se tissedans la région, un réseau d’échange de plus en plus dense entre les populations del’intérieur, productrices, et les Mpongwe qui assurent la circulation et le débouchédes biens.

En 1785, un premier établissement français s’installe au Gabon qui ne survitpas à la Révolution ( 27 ).

Le XIXe siècle ouvre une ère nouvelle pour le Gabon. La documentation plusriche et plus précise permet de mesurer les bouleversements économiques,ethniques et politiques qui s’opèrent et ont pour origine l’intensification desrapports commerciaux avec l’Occident. En 1819 paraît la première descriptionmoderne du Gabon par Bowdich, un voyageur anglais, qui marque de manièrepesante les descriptions qui suivront ( 28 ). En 1818, Bowdich fait un séjour de septsemaines dans l’estuaire du Gabon, sur un navire anglais qui vient y acheter du bois( 29 ). Le temps de la transaction, il invite à bord des marchands “ gabonnais ”, c’est-à-dire mpongwe, pour obtenir des renseignements sur la géographie du Gabon. Lesconnaissances occidentales à cette époque, même augmentées des renseignementsmpongwe sont très limitées.

Figure 4 : Carte du Gabon (d’après Bowdich, 1821).

L’Estuaire du Gabon est nommé Empoongoua par ses habitants, ce que l’onpeut traduire par la “ terre des Mpongwe ” tant il est vrai qu’ils dominent la région.Aux rivières côtières ou criques qui s’y jettent se mêlent les eaux du Komo quidescendent des Monts de Cristal dont le nom mpongwe, Ningo Mpala, “ source deseaux ”, laisse croire à un fleuve très important. Son principal affluent est le Bokoué,

Page 23: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

qui semble venir du sud. Ni le Komo supérieur, ni le Bokoué, ni l’intérieur du paysn’ont fait l’objet d’exploration ( 30 ).

Les Mpongwe nomment les habitants de l’intérieur les “ Boulas ”, ce quisignifie hommes des bois. Bowdich distingue parmi eux les “ Shickans ” : les Seke,et plus loin les “ Djomays ”. A quatre jours de marche du confluent Komo-Bokouéen direction du Nord-Est on trouve le royaume de “ Kaylie ” ou “ Kalay ”, que l’onpeut assimiler au “ pays ” Kele. A deux journées plus au nord est la villed’“ Imbekie ”, puis les rivières “ Bisou ”, “ Aosa ” et “ Hétan ”. Viennent ensuite àun mois de marche les royaumes de “ Badayhie ” et d’ “ Oungoumo ”. De là, à sixjours toujours vers le nord se trouve le “ Paamouay ” où coule la rivière “ Ouola ”ou “ Ouolé ” , “ la plus grande rivière du monde ” d’où coulent toutes les rivièresdu pays, dont peut-être la Mondah, le Komo et l’Ogooué ( 31 ). D’après Bowdich,les Seke servent d’intermédiaires aux Mpongwe dans le commerce avec les Kele.Ceux-ci échangent leurs objets en fer et leurs pagnes tissés contre du cuivre, destissus de coton et des marchandises européennes, ce qui atteste de la pénétrationavancée du commerce. Mais par crainte de voir leur monopole brisé, les Mpongwe,dans un processus qu’ils répéteront plus tard avec les Fang, interdisent aux Seked’approcher les côtes.

L’intérêt de “ l’esquisse ” de Bowdich réside dans le fait qu’elle révèle dès1819 l’existence des Fang, connus alors sous le nom de “ Paamouay ” (qui se litPamoué, correspondant à “ Pamue ”, l’appellation hispanisante des Fang). S’il estimpossible de situer géographiquement leur pays, il faut relever l’association deleur “ royaume ” avec la rivière “ Ouolé ” car Bowdich ajoute plus loin qu’ils sontmoins cannibales que les autres peuples de l’intérieur “ parce qu’ils élèvent unerace de gros chiens dont ils se nourrissent, ce qui semble un mets recherché dansplusieurs parties de l’Afrique ”, ce qui a fait naître maintes conjectures dont ledébat viendra plus tard ( 32 ). Il est peu probable que les Fang soient connusdirectement des Mpongwe car, le cas échéant, ils commerceraient avec eux et enauraient informé Bowdich. Or, il n’en est rien. En 1818, les relations de commercedes Mpongwe s’arrêtent donc aux Kele. Partageant les deux rives de l’estuaire entreune quinzaine de villages que les Occidentaux appellent pompeusement royaumes,les Mpongwe règnent en maître sur la région et entretiennent, vers le sud, desrelations claniques et commerciales avec les Rungu, les Jumba et Galwa de larégion des lacs de l’Ogooué.

A partir du XIXe siècle, les navires occidentaux visitent régulièrement leGabon. Les échanges prennent de l’ampleur. Mais, réglées par le principed’avances, les relations commerciales sont difficiles. Les Mpongwe, courtiers,n’ont aucune contrainte temporelle. Ils sont tentés d’affamer les équipages en lesobligeant à acheter à prix fort de la nourriture, et d’épuiser leur patience et leursanté en allongeant les délais de livraisons. Les bateaux sont d’autant plus vite

Page 24: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

démunis matériellement qu’ils doivent répondre aux impératifs de retour. Lesprofits deviennent si importants qu’ils attisent chez les uns cupidité et jalousie, chezles autres, exaspération et nervosité. Ils provoquent des situations malheureuses. Ala suite d’accidents de navigation, des méfaits sanglants sont commis.

En 1805, un navire provenant de Sao Tomé, mal ancré devant le villagempongwe du chef Quaben sur la rive droite, dérade pendant la nuit et s’échoue surles proches bancs rocheux. Le bateau est dépecé, les habitants récupèrent les clous,la cargaison est prise ( 33 ). Cette opération n’est ni délictueuse, ni préméditée. Pourles Mpongwe, toute chose abandonnée appartient à celui qui la ramasse. Quant audroit anglais, il accorde la propriété de l’épave et de sa cargaison au village devantlequel a eu lieu l’échouage. La récupération du bois et des ferrures est donc toutaussi naturelle que l’accaparement des marchandises.

Le premier sérieux méfait est le vol par les Mpongwe d’un navire négrier en1809 qui fait deux morts dans l’équipage. Mais le crime n’est pas neutre. Il s’agiraitdavantage de représailles des “ Gabonnais ” à l’encontre des courtiers insulaires(Elobey, Corisco, Sao Tomé) dans le but de les repousser du commerce au Gabon( 34 ).

En 1810, sur la rive gauche, Georges, important chef à l’embouchure duRemboué contrôlant la route commerciale qui achemine vers l’Estuaire esclaves etproduits de la région des lacs et de l’Ogooué, attire le navire américain le TropicBird dans une crique pour l’échouer. L’équipage est empoisonné et la cargaisonsaisie. Le navire est retrouvé plus tard aux mains de Neugara, “ un marchand dePrincipe ayant une grande influence sur Georges ” ( 35 ). Cet élément permet decroire que Georges n’a été que l’instrument de Neugara, dans une guerre entremarchands.

Quoiqu’il en soit, la gravité des incidents inquiète les autorités occidentales etdevant la fréquence des attaques, il est conseillé aux navires de s’armer lourdement( 36 ).

Page 25: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 5 : “ L’Estuaire du Gabon d’après les Occidentaux en 1839 ”(Deschamps, 1963, p. 297).

En 1837, deux bateaux français sont attaqués. Au mois de juin, Broquant,capitaine de la Jeune Emilie de Bordeaux, est en affaire avec Kringer, chef de larive droite au nord de Quaben. Il s’échoue malencontreusement sur les rochers quiaffleurent devant le village à marée basse. Broquant est aussitôt arrêté, enfermé etsommé de décharger la cargaison d’une valeur de 32 000 francs environ ( 37 ). Ilcède au bout de trois jours. Avant d’être renvoyé sur son navire, Kringer se faitremettre un certificat de bonne conduite pour se garantir la confiance des Blancs.Quelques mois plus tard, le Jeune Frédérick de Nantes, commandé par Blanchardmouille devant le cap Santa-Clara à la pointe nord de l’Estuaire. Rassuré par lecertificat de Broquant que Kringer lui présente, Blanchard y débarque samarchandise qu’il compte échanger contre du bois et de l’ivoire. La livraison tardeà venir. Inquiet, Blanchard envoie deux chaloupes qui sont attaquées. La bataillefait neuf morts dans l’équipage qui repart en abandonnant les 25 000 francs demarchandises laissées à terre.

Page 26: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 6 : “ Kringer et sa famille ” (d’après Griffon, 1865, p. 292).

Directement concernée par ces affaires, la France envoie, en mars 1838, lecapitaine de vaisseau Péronne avec deux navires de guerre pour garantir la sécuritédu commerce au Gabon. Il jette l’ancre sur la rive gauche, devant le village du chefmpongwe Antchoue Kowe Rapontchombo, dit “ Roi Denis ”, dont les premierscontacts avec des officiers français remontent à 1825 ( 38 ). Le commerce, surtoutcelui des esclaves qu’il contrôle jusqu’à Sangatanga, en fait un homme très riche,très respecté, dont l’influence politique porte sur les deux rives. Par plusieursaspects, Denis surprend son interlocuteur. Il parle très bien le français, son frère aservi dans la garde napoléonienne, et surtout il fait preuve d’une grande sagesse etcomprend l’intérêt qu’il y a à ménager le commerce avec les Français, nonseulement sur ses terres, mais dans tout le Gabon. Il promet d’intervenir auprès deKringer et Quaben pour faire cesser les actes de piraterie ( 39 ). Péronne croit Denisfrancophile, au contraire des chefs de la rive droite, Kringer, Quaben et surtoutGlass. Ce dernier, situé plus au sud, est résolument anglophile du fait des relationsétroites qu’il entretient avec de nombreux marchands anglais et américains et quifont de son village le plus peuplé et le plus prospère de l’Estuaire. Quant à Georges,plus loin dans l’estuaire, il est lui aussi très proche des Anglais.

Page 27: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Depuis 1815, la présence anglaise sur les côtes occidentales de l’Afrique estaugmentée par la répression, exercée conjointement avec la France, du traficd’esclaves, qui représente jusque vers 1840 l’essentiel du commerce au Gabon etdont les plus grands acteurs sont espagnols et portugais ( 40 ). La situationdésavantage la France. L’Angleterre est mieux armée et dispose de bases d’appuisur la Côte de l’or. Elle est donc très active et poursuit les navires négriers jusqu’aufond de l’estuaire du Gabon. A l’inverse, la marine française est moribonde. Gorée,au Sénégal, est sa seule base, et elle ne dispose pas de croiseur. Le mouvement desnavires britanniques est de loin le plus important, à la hauteur de la place qu’occupele Gabon dans l’économie anglaise avec l’Afrique ( 41 ).

La France prend alors toute la mesure de la prédominance anglaise sousl’Equateur tant du point de vue économique que politique car il semble que lesAnglais ont signé un traité avec Glass ( 42 ). Il faut agir vite. Dans une lettre datéedu 31 octobre 1838, le capitaine de corvette Montagniès de la Roque, commandantla Station Navale de Gorée, donne au lieutenant de Vaisseau Bouët lecommandement de la canonnière La Malouine avec pour mission d’explorer la côteentre la Gambie et le Gabon afin d’étudier les possibilités du commerce, châtier lespillards gabonais, et réprimer la traite. La lettre poursuit : “ Peut-être, M. lecapitaine, serez-vous conduit par vos relations avec les principaux chefs de Bony[Malabo] et du Gabon à sentir l’utilité de contracter avec eux des espèces detraités de commerce à l’instar de ceux que paraissent avoir obtenus les Anglais ”.( 43 )

Pour Bouët, le moment est venu d’appliquer le projet qu’il a conçu avec VictorCalvé, directeur de la compagnie de commerce de Galam, et présenté au Ministrede la Marine : favoriser l’activité économique des chambres de commercefrançaises par l’installation de comptoirs sur la côte occidentale de l’Afrique. Bouëtest secondé par Broquant devenu entre temps, délégué de la Chambre deCommerce de Bordeaux.

Leur mission dure six mois. Ils relèvent les points stratégiques de la côte,s’arrêtent à Dabou, Grand Bassam, Assinie et au Gabon dont ils apprécient lespossibilités de relâche. Bouët y visite Denis, “ l’allié ” de la France. Ravid’accueillir de nouveaux partenaires potentiels, Denis signe en échange demarchandises européennes, le 9 février 1839 un traité par lequel il cède à perpétuitéà la France une parcelle de deux lieues de profondeur depuis la plage sur ses terresde la rive gauche sur laquelle elle pourra bâtir ( 44 ). Malgré tous les efforts deBouët, les chambres de commerce de Rouen, le Havre, Nantes, Bordeaux etMarseille se détournent du projet et la construction d’un comptoir au Gabon estajournée en décembre 1840, par décision du Directeur des Colonies ( 45 ). Pourtant,dans son rapport de 1839, Broquant réclame que le comptoir soit fortifié en raisonde l’insécurité grandissante qui règne du fait des Mpongwe mais également desSeke.

Page 28: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Tandis que Bouët et Broquant œuvrent pour la création d’un comptoir,Montagniès de la Roque en personne se déplace au Gabon à la fin de février 1839pour châtier les coupables d’un pillage survenu un mois avant la signature du traité.En janvier 1839, le Trarzas, de Bordeaux, manœuvré par un pilote de Quaben,s’échoue. Les hommes de Quaben et Kringer molestent et dépouillent l’équipage ets’emparent de la cargaison. Les marins se réfugient chez Denis. Afin d’obtenir sansdélai la restitution des marchandises, Montagniès capture des otages dont Manuel,le propre fils de Kringer. Mais devant la lenteur du remboursement, il décided’incendier le village de Kringer avant d’annuler finalement ce projet, suite àl’entremise de Denis qui, lui garantit la restitution des marchandises et le convaincde libérer les otages ( 46 ). Pour son rôle dans cette affaire, Denis est fait Chevalierde la Légion d’honneur.

Figure 7 : Bouët

Peu après, Blanchard, déjà malheureux quelques années plus tôt, commande unbâtiment nantais. Pour contourner le courtage des Mpongwe, il se risque dans labaie de la Mondah à la rencontre des Seke qui depuis quelque temps n’hésitent plusà se montrer sur ses rives. Le navire s’échoue. Selon l’habitude qu’ils partagentavec les Mpongwe, les Seke pillent le bateau, Blanchard et ses hommes sont faitsprisonniers et enchaînés. L’équipage est finalement libéré contre l’abandon desmarchandises. ( 47 )

D’autres groupes seke sont installés au fond de l’estuaire du Gabon, en amontdes terres de Georges. En face de l’île de Nengué-Bouénié se trouve le grandvillage du chef Seke Passoll qui prend une part importante du trafic d’esclaves encontrôlant les convois qui descendent du Komo. En 1839, le brickanglais Lynx poursuit un navire négrier qui s’enfonce dans l’Estuaire. Ne pouvantremonter plus loin, il envoie une chaloupe avec neuf marins. Elle est attaquéedevant le village de Passoll par ses hommes qui croient à un acte d’intimidationperpétré par un traitant pour contrôler la zone. Cinq marins meurent, les quatreautres sont faits prisonniers puis finalement sont sauvés par une nouvelle

Page 29: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

intervention de Denis, ce qui lui vaut cette fois la Croix d’Honneur par la reineVictoria. ( 48 )

Figure 8 : “ Denis et sa femme ” (d’après Griffon, 1865, p. 276).

Les interventions successives de Denis dans le dénouement heureux de cesaffaires montrent tout le bien fondé de Bouët d’appuyer sa politique d’implantationau Gabon sur la coopération avec ce chef. Malgré le dépit que lui cause lapusillanimité des investisseurs français, Bouët, promu chef de la station navale descôtes occidentales de l’Afrique, poursuit son entreprise. Dans un rapport daté du 14février 1842, il confirme l’intérêt pour la France de créer sur la côte occidentale del’Afrique trois comptoirs dont l’emplacement est à l’étude depuis quelque temps :Garroway, Grand Bassam et Gabon. Sur le terrain, Bouët consolide les positionsfrançaises grâce à l’entremise de Denis en signant, le 18 mars 1842 un traité avec le“ roi ” Louis, de la rive droite, au sud du village de Quaben dont il est le “ vassal ”,et qui était intervenu dans l’affaire du Trarzas en accueillant les marins dans sonvillage, avant de les emmener par pirogue chez Denis. Le traité accorde lasouveraineté de la France sur les terres de Louis.

L’Angleterre, inquiète de ces traités, montre des signes d’agitation. En août,une commission créée par le Parlement de Londres pour enquêter sur la situation

Page 30: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

des possessions anglaises sur les côtes d’Afrique et les moyens de mieux réprimerla traite des Noirs, publie son rapport ( 49 ). Celui-ci préconise de renforcer laprésence anglaise en construisant des forts, de réoccuper les forts abandonnés et designer des traités avec les chefs africains.

La crainte de voir s’élargir la présence anglaise au Gabon et d’abandonner leséchanges avec la région gagne en France les hautes sphères du pouvoir qui s’émeutun peu plus de l’arrivée le 22 juin 1842 au Gabon de missionnaires américains del’église presbytérienne de Boston : les révérends Wilson et Griswold. Ils ont fermérécemment leur mission du Cap des Palmes (Liberia) et décident de fonder unemission sur la rive droite, près du village de Glass, sur le site de Baraka qui tire sonnom de la présence d’un ancien barracon d’esclaves portugais. Dès le 16 juillet, ilsouvrent une école, accueillent les enfants des dignitaires locaux et leur enseignentl’anglais.

En réaction à cette implantation qui augmente la prééminence des anglo-saxons,la France décide à la fin de l’année 1842, malgré l’hostilité des chambres decommerce, l’implantation d’un comptoir fortifié au Gabon placé sous l’autorité dugouvernement du Sénégal ( 50 ).

La nouvelle influence de l’Espagne n’est pas étrangère à cette précipitation.Considérant comme historiquement sienne la côte atlantique du Niger au CapLopez, héritée du Portugal par le Traité du Pardo, elle autorise la France à installerun comptoir pour officiellement lutter contre le trafic d’esclaves. Dans le mêmetemps, elle envoie un commissaire royal plénipotentiaire, Juan José de Lerena yBary, qui reçoit, le 14 mars 1843, la soumission du roi benga de Corisco et, le 15mars, des cinq cents chefs locaux benga et ndowe, dont les territoires s’étendent desîles Corisco et Elobey et du Rio Benito (Woleu) jusqu’au Cap Santa Clara, valléeset affluents compris.

Le 16 mai 1843, une expédition française, composée de trois navires chargés dematériel pour la construction du poste, appareille de Gorée. Elle arrive au Gabon le18 juin. Bouët, promu Gouverneur du Sénégal, décide de construire un blockhaussur les terres de Louis, sur la rive droite, sur la butte qui sépare les rivières Awondoet Arambo ( 51 ). Les raisons de ce choix sont multiples. Tout d’abord, la rive droite,mieux exposée aux vents, est jugée plus salubre que la rive gauche. Ensuite, laproximité des rivières doit fournir l’eau potable. Mais surtout, l’emplacement, situéà quelques kilomètres de Glass et Baraka, permet de surveiller les activités desmissionnaires américains et des commerçants anglais ( 52 ). Le 3 septembre 1843, leFort d’Aumale est achevé.

Page 31: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Le drapeau tricolore flotte sur le poste français du Gabon ouvrant une longuepériode coloniale pendant laquelle les Fang viennent s’établir au contact ducommerce et de l’administration.

Figure 9 : Rive droite de l’Estuaire (Deschamps, 1963, p. 319).

Le Fort d’Aumale, 1843 - 1848

L’entreprise d’implantation française au Gabon voulue par Bouët est réaliséedans sa première phase. Elle est loin cependant d’être complète. Il convientmaintenant de la rendre incontestable en obtenant des traités avec le maximum dechefs locaux. Mais il faut aussi dynamiser le commerce français car pour lemoment, le comptoir ne se justifie que sur le plan politique dans la compétition

Page 32: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

franco-anglaise. Du point de vue économique, les négociants français rechignenttoujours à se rendre au Gabon. D’abord parce que le prix des denrées auprès descourtiers Mpongwe est beaucoup trop élevé pour assurer une plus-value qui vaillela peine d’un voyage toujours éprouvant sous l’équateur. Ensuite, la traitedésavantage considérablement les Français, incapables de proposer aux“ Gabonais ” des objets manufacturés de bonne qualité et d’un coût de fabricationrentable. Par exemple, les tissus anglais qui sont fabriqués à destination du Gabonsont infiniment plus appréciés que les tissus français ( 53 ).

Page 33: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,
Page 34: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 10 : “ Village gabonais ” (Griffon, 1865, p. 295).

A défaut de pouvoir intervenir auprès des industriels, Bouët entreprend decontourner l’obstacle que représente le courtage mpongwe. D’un côté, il tente deconvaincre les Occidentaux de s’adresser directement aux populations productrices,de l’autre, il veut attirer ces dernières à la côte. Mais la tendance générale desdiverses ethnies de la région est de conserver au mieux le droit du sol pourcontrôler les échanges et la circulation des marchandises sur leur territoire. Aussi,les Français, décidés à chercher les produits chez les exploitants, veulent-ilsencourager les Seke à venir au comptoir pour éviter le courtage mpongwe. Pourprouver leurs bonnes dispositions à leur égard, et malgré les précédents méfaitsdont le souvenir reste vivace, les officiers du poste explorent l’intérieur des terres.En 1843, Des Voisins, chef du poste, part ainsi avec des guides mpongwe. Ceux-cil’égarent, résolus à empêcher tout contact entre les Blancs et les Seke. L’annéed’après, devant l’obstination des Français, les Mpongwe diabolisent les Seke. Ilsles disent cannibales, d’où aucun Blanc ne revient. Malgré les efforts déployés parles Mpongwe, l’existence d’un comptoir permanent attire irrémédiablement lesgroupes en marge des terres mpongwe ( 54 ). Le mouvement naturel vers la côteprend de l’ampleur, de nouveaux peuples apparaissent. La situation ethnique del’Estuaire est en passe d’évoluer.

Situation ethnique dans l’estuaire vers 1840

Depuis la première description de Bowdich en 1819, les connaissances sur leGabon et ses habitants se sont affinées grâce, d’une part, à la fréquentationrégulière de la région et, d’autre part, à l’intérêt que revêtent les informations surles interlocuteurs dans les échanges commerciaux. De plus, l’autorité du comptoirdésire évaluer au mieux le potentiel sinon guerrier du moins belliqueux de chacundes groupes en présence.

Vers 1840, trois clans mpongwe se répartissent les deux rives de l’Estuaire. Surla rive droite, sont implantés les villages du clan Aguekaza : au nord celui deKringer (de son vrai nomRe-Ntchindo) et son fils Manuel (Re-Ndjombe), puis endescendant vers le sud, Quaben (Kaka-Rapono), Louis (Re-Dowe) et Glass (Re-Ndama), villages qui sont demeurés les quartiers actuels de Libreville. Plus loinsont les villages de Govern, Tom-Case et Will-Glass, sur lesquels les informationsmanquent. La rive gauche est occupée par deux clans : depuis la pointe Pongara

Page 35: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

(Ompomow’igala) se trouve le clan Assiga, dont le chef est Denis (Antchoue KoweRapontchombo), suivi plus bas de Petit Denis, neveu du précédent ( 55 ). Plus loin,sur la rivière Igombiné est implanté Tom Lawson. Enfin, à l’embouchure duRemboué se trouve Ngango, le village de Georges (Rassondji), chef du clanAgoulamba. Il contrôle la route qui relie l’estuaire à l’Ogooué par le Remboué et leMbilagone à l’entrée duquel se dresse le village mpongwe de Chinchoua (Ntché-Ntchouwa). Les Mpongwe occupent également l’île Conniquet : François(Antchoue Re-Dembino) du clan Adoni, et celle de Perroquet.

Le nombre d’habitants mpongwe est difficile à estimer. Il se situerait entre troiset quatre mille ( 56 ), sachant que la population mpongwe compte pour moitiéd’esclaves ( 57 ). Le village de Denis compte, en 1844, sept cents habitants, tandisque son “ royaume ” en compterait sept à huit mille. Ngango compterait plus decinq cents habitants ( 58 ), les villages de Kringer et Manuel quatre à cinq cents,selon Pigeard. Trois cents personnes vivent dans le village de Quaben qui compteau total trois mille habitants sur son territoire.( 59 )

Figure 11 : Le Gabon, villages connus en 1847 (Deschamps, 1963, p. 339).

Page 36: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

La linguistique moderne place les Mpongwe dans le groupe B11/1( 60 ). Ils fontpartie du grand groupe Myene (B11), réparti sur l’ouest du territoire gabonais, del’estuaire du Gabon (Mpongwe) jusqu’à la région des lagunes (Nkomi, B11/5), enpassant par le Cap Lopez (Orungu, B11/6), avec aussi les Jumba (B11/3) et lesGalwa (B11/2) dans la région des lacs au Moyen-Ogooué. Grâce aux contactsétroits qu’ils ont avec les occidentaux, leur histoire est assez bien connue.Descendus par vagues successives du Haut-Ivindo, les premiers clans mpongwe,dont les Ndiwa, se sont installés dans la région de l’Estuaire depuis le XIVe ou leXVe siècle, en tous cas avant l’arrivée des premiers Portugais. Ils auraient occupétoute la côte de Corisco au Cap Lopez avant de “ grandement diminuer ” ( 61 ).

Les autres ethnies sont réparties à la périphérie de cette “ zone d’exclusion ”mpongwe qu’est l’estuaire du Gabon. Vers l’intérieur des terres et vers la côte nordles Seke ( 62 ), (groupe A 34/1), sont environ trois mille âmes ( 63 ). Ils se sontinstallés au XVIIIe siècle sur les terres laissées vacantes par l’avancée mpongwevers la mer au fond du bassin du Gabon et dans l’intérieur des terres. Ils sontégalement présents dans les estuaires de la Mondah et du Muni, plus au nord. Leurqualité de navigateur les attire au bord des rivières du Haut-Komo jusqu’à hauteurde la crique Rogolié sur la rive droite et au confluent du Remboué sur la rivegauche. Les Mpongwe, qui entretiennent des relations commerciales étroites aveceux, les considèrent remuants et instables de caractère. Ils ont quelques grosvillages, dont Cobangoï qui compte peut-être cinq cents habitants en 1843 ( 64 ), etun chef célèbre pour ses méfaits : Passoll, qui s’est fait connaître par l’affairedu Lynx.

Derrière les Seke viennent les Kele (B 20/01) ( 65 ). Eux aussi semblentdescendre du Haut-Ivindo ( 66 ). Ce sont les principaux fournisseurs des Mpongwe,surtout en ivoire et en esclaves. Principalement installés dans le Moyen-Ogooué,leur désir est de se rapprocher des comptoirs en tentant une percée vers la mer àtravers les Seke. Décrits comme sauvages, agressifs, vivant de pillages, de razziasd’esclaves ( 67 ) et de chasse, les Kele sont pour les Occidentaux les véritableshommes de la forêt. Vers 1850, les estimations de Méquet et de Aubry-Lecomte lescomptent à environ soixante mille ( 68 ).

Au nord, les Benga (A34/2) occupent les rives de la baie de Corisco et ses îlesgrâce à leur grande habileté en navigation maritime. Quelques groupes sontdescendus en longeant la côte pour s’installer au nord des terres de Kringer,jusqu’au Cap Estérias ( 69 ). Ils sont en relations commerciales avec les peuples del’intérieur par le Mitemboni ( 70 ). Ils font partie du même groupe linguistique queles Seke ( 71 ).

Quant aux Fang, ils restent encore à l’écart de la région, loin à l’intérieur desterres.

Page 37: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 12 : Guerriers kele (Griffon, 1865, p. 297).

L’implantation française au Gabon

Dans la crainte de voir la Grande Bretagne contester les traités passés avecDenis et Louis, et pour asseoir l’implantation française au Gabon, Bouët se hâte defaire signer de nouveaux traités avec les chefs de l’Estuaire. Le 27 avril 1843,Baudin signe avec Quaben un traité assurant la souveraineté de la France sur sesterres.

Compte tenu du climat politique de l’époque, le traité le plus important pour laFrance est signé le 28 mars 1844 avec le chef Glass, dans des conditions quedénoncent les missionnaires américains. Ils accusent Darricau, signataire pour laFrance, d’avoir saoulé son interlocuteur, qui, anglophile convaincu, rechignait àapposer sa croix au bas du document. Qu’importe ! Par ce traité, les Anglais nepeuvent plus installer de factorerie sur le territoire de Glass sans l’assentiment de laFrance. Fort de son succès diplomatique, Bouët rassemble le 1er avril 1844 les

Page 38: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

principaux chefs de l’Estuaire dont Kringer, Quaben, Louis, François (îleConniquet), Denis, Petit Denis (au sud de Denis), Georges et Datyngha, Quavine etBoulaben (localisations inconnues) pour la signature d’un traité général par lequelils reconnaissent “ la souveraineté pleine et entière [de la France] sur les deux rivesde toute la rivière du Gabon, ainsi que des terres, îles, presqu’îles ou caps quibaignent cette rivière ”. Darricau signe des traités analogues le 6 juillet 1844 avecCobangoï et Buschy, chefs seke du Komo, et le lendemain, 7 juillet, avec Passollqui signe contre l’oubli des pirateries commises sur son territoire. Les 4 et 8septembre 1845 d’autres traités sont conclus par Baudin avec les chefs seke duMuni ( 72 ).

Figure 13 : Glass

Par le traité du 4 septembre 1845, les chefs du Gabon acceptent d’abandonner lecommerce des esclaves et le 1er août 1846, ils reconnaissent officiellement laprésence française ( 73 ). Enfin, le 5 novembre 1846 un traité est signé avec le roiDoukin (Dukin ou encore Lucas) sur le Remboué, à douze milles de sonembouchure ( 74 ).

Par ces traités successifs, la France étend son influence autour du comptoir eten plusieurs points stratégiques de l’Estuaire : Cap Santa Clara et Cap Estérias,pointes Pongara , Owendo et Georges, îles Conniquet et Perroquet. Le respect deces traités est garanti par la politique des cadeaux, c’est-à-dire une distribution de

Page 39: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

marchandises faite régulièrement aux chefs signataires. L’influence française estaugmentée par l’arrivée, le 28 septembre 1844 de trois missionnaires du Sacré-Cœur de Marie, dont le R. P. Bessieux ( 75 ). Ils fondent la mission Sainte Marie,derrière le Fort d’Aumale, qui dépend alors du Vicariat des deux Guinées. Troismois plus tard, conformément à la règle de sa congrégation, Bessieux ouvre uneécole ( 76 ).

L’exploration du Gabon

Dès l’implantation du comptoir, Bouët entreprend l’exploration méthodique duGabon. Des reconnaissances fastidieuses permettent à Fleuriot de Langle, en 1843,de dresser la première carte marine de l’estuaire du Gabon en distinguant deuxbassins : le bassin extérieur allant du Cap Santa Clara jusqu’au Remboué, et lebassin intérieur, du Remboué jusqu’au confluent Komo - Bokoué. En 1843, lesconnaissances occidentales s’arrêtent à ce confluent où se trouve le village seke deCobangoï, que l’on compare aux Colonnes d’Hercule ( 77 ).

Page 40: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 14 : Carte du Gabon (d’après Wilson, 1843, p. 230).

D’autres voyages complètent les connaissances, mais ils prennent plus l’allured’excursions rapides de quelques jours, que de grandes explorations. En fait, pourles explorateurs, elles permettent d’échapper à la vie quotidienne du comptoir etsurtout au climat malsain qui y règne. Les hommes ont constaté que ceux installésau comptoir sont plus sujets aux maladies (paludisme, dysenterie, …) que ceux quirestent à bord des navires au milieu de l’Estuaire. De plus, le comptoir ne disposeni du matériel ni de navires en nombre suffisant pour réaliser de longues etfructueuses missions.

En 1844, Gouin explore les terres au sud de chez Denis sans rapporter derenseignements intéressants. La reconnaissance du bassin intérieur de l’Estuaire estentamée par Darricau en juin de la même année. Seuls Remboué et Komo sontretenus comme affluents navigables. Les autres affluents appelés criques sont desbras de mer qui pénètrent dans les terres d’où coulent une multitude de petitesrivières. Leur faible profondeur n’autorise que les petites embarcations à y pénétrer.L’intention de Darricau est de remonter le Komo, aux mains des Seke avec qui ilsigne des traités ( 78 ). Il s’arrête à Cobangoï “où la rivière se divise en troisbranches” ( 79 ). Alors qu’auparavant, certains marins pensaient que le Gabon était

Page 41: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

l’estuaire d’un magnifique fleuve qui permettrait de remonter au cœur de l’Afrique,Darricau constate que le Gabon n’est tout au plus qu’une magnifique rade ( 80 ).

Premiers contacts avec les Fang

Outre l’objet hydrographique, les missions successives se doublent d’un intérêtpour les populations de l’intérieur avec lesquelles il faut établir des contactsamicaux et signer des traités, trouver de nouveaux produits d’exportation, prévoir lerecrutement d’une main-d’œuvre docile et laborieuse, et enfin ouvrir de nouveauxréseaux de commerce dans lesquels n’interviendraient plus les Mpongwe ( 81 ).

Par sa situation au confluent du Bokoué et du Komo, Cobangoï contrôle lecommerce qui vient de l’est et du nord. Il expédie les produits vers l’Estuaire pourêtre vendus par l’intermédiaire des Mpongwe aux Blancs contre des marchandisesqui remontent ensuite les rivières et parviennent jusqu’aux premiers villagesd’intermédiaires.

La première description des Fang vient de l’américain Wilson, de la mission deBaraka. En août 1842 ( 82 ), il accompagne Toko, un riche commerçant mpongwedu village de Glass qui part en pirogue régler un palabre chez Passoll. Le 20 août, ilarrive au village du chef Cobangoï. Pendant son court séjour, Wilson croise desFang, “ connus sous le nom de Pangwe ” ( 83 ), venus écouler leurs marchandises.Ils affirment venir de cinq, dix, voire douze jours de marche, ne s’être jamaisaventurés plus loin vers la côte et habiter des montagnes saines. Alertés de laprésence d’un Blanc, ils sont venus à sa rencontre. L’impression qu’ils laissent àWilson est ambiguë : ils sont sauvages, ne se vêtent que de pagnes d’écorce etcependant ils sont d’une allure supérieure. Wilson écrit : “ Je n’hésiterais pas àdire qu’ils sont les plus beaux Africains que j’ai jamais rencontrés ” ( 84 ). Aucomble pour l’américain qui n’en oublie pas sa mission évangélisatrice, ils sontvierges de tous les vices que la côte propage : tabac, alcool, maladies,malhonnêteté, esclavage, etc. , virginité garantie, selon lui, par leur éloignement. Ilcroit savoir que les hommes rencontrés chez Cobangoï habitent la frange du grandpays fang qui s’étend à partir de cent cinquante miles de la côte sur des milliers demiles au sud des Montagnes de la Lune ( 85 ). A son retour, Wilson ramène à Barakadeux Fang qui découvrent ainsi les rives du Gabon.

Page 42: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Deux ans après, les Fang se sont rapprochés des villages seke et de la côte. Lespremiers villages sont implantés à moins d’un jour de marche de Cobangoï. Aucours de son exploration de 1844, Darricau constate que les Fang s’aventurentassez loin dans l’Estuaire.Ils sont maintenant en relation avec Passoll. Mais il neremarque toujours aucun village fang sur les rives du Komo. Les renseignementsdont il dispose restent vagues : leurs villages commenceraient à 5 ou 6 lieues deCobangoï, ils seraient nombreux et sauvages, leurs mœurs et industries ne sont pasconnues. Mais, ils sont maintenant intéressés par les armes à feu et l’alcool etsurtout, pour la première fois apparaît la suspicion d’anthropophagie ( 86 ).

En août et septembre 1846, Pigeard, qui a lui-même rédigé la cartehydrographique de l’estuaire sur la base des travaux de Darricau, tente de remonterle Komo, avec l’aide de deux guides seke. Mais la monotonie des rives couvertesde palétuviers le trompent ( 87 ). Il pénètre en fait dans le Bokoué où il mouille prèsde Cobangoï le 2 septembre. Le lendemain, après avoir reçu la visite de chefs kele àson bord, il visite le village kele de Noumbé, où il rencontre à son tour plusieursFang qui viennent y vendre de l’ivoire. Il continue à remonter la rivière mais lesbancs et l’étroitesse du lit l’obligent à poursuivre en canot. Il visite encore deuxvillages kele et parvient enfin au village kele de Gango où la nuit tombée et le chefDiam’Gani le dissuadent d’explorer l’amont, expliquant que les Fang y sont enguerre avec lui. Pigeard renonce à son entreprise alors qu’il n’est qu’à une heure debateau des premiers villages fang.

De sa mission, il retient l’importance que joue le commerce dans la lentebousculade qui agite l’intérieur du pays. Autrefois chasseurs, les Seke se sontconvertis en courtiers et achètent désormais l’ivoire aux Kele, qui à leur tour,délaissent la chasse pour devenir courtiers et acheter aux Fang. L’activité decourtage gagne donc l’intérieur, en même temps qu’elle presse vers les rivières lesnouveaux intermédiaires tentés d’échanger directement aux Mpongwe pouraugmenter leur bénéfice : les Seke pressent donc les Mpongwe de partager lecourtage vers les Blancs. Les Kele s’infiltrent dans les espaces libres, poussés eux-mêmes par les Fang qui viennent en dernier ( 88 ).

En 1847, Méquet reprend la mission avortée de Pigeard. Il pénètre réellementdans le Komo qu’il remonte, dépassant Cobangoï. Dans son rapport, il soulignel’impossibilité d’y naviguer car son cours se rétrécit très rapidement au-delà de l’îlede Nengué-Nengué. Confirmant l’impression de Darricau, il écarte tout espoir depénétration vers l’intérieur par le Komo ( 89 ). Dans le Bokoué, il visite sur la rivedroite le village kele de Donguay où des Fang sont arrivés de leur village situé àtrois jours de marche. Plus loin, au confluent Komo-Bokoué, il reçoit sur sonbateau une délégation de Fang venu du village de Scio, situé sur la rive gauche duKomo, à douze heures de marche de l’île de Nengué-Nengué. Sans pénétrer leurpays, il tire de ses deux rencontres des renseignements très encourageants : lesFang font état de leur intention de s’établir sur la rivière et de commercer

Page 43: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

directement avec les Blancs. Ravi de ces dispositions, Méquet, très enthousiaste àleur égard, conclut à l’utilité d’une collaboration étroite avec eux. ( 90 )

Walker

Jusqu’à présent, les rencontres avec les Fang ne se faisaient qu’en territoiretiers, seke ou kele. La première visite d’un Blanc dans un village fang est celle deWalker, pasteur de la mission américaine de Baraka. Le 31 août 1848, en remontantle Komo, après avoir passé dix villages kele, quinze milles au-dessus du confluentavec le Bokoué, il trouve installé sur le bord de la rivière le village fang du nom deMkwenga. Le village est construit depuis deux ans et compte environ cinquantemaisons pour trois à quatre cents habitants. La plupart des villageois n’ont jamaisvu de Blanc. Le jour suivant, il remonte le Bokoué sur quinze milles, laisse douzevillages kele et visite un deuxième village fang : Dumijai, dont le chef s’appelleBaduka. Les habitants et les cases sont moins nombreux. Il remonte encore sur troismilles le Bokoué pour arriver à Bisbâk, troisième village fang. Il y note que lesvillageois ne sont intéressés ni par l’argent ni par aucune marchandise sauf desperles blanches et des ustensiles de cuivre qu’ils refondent en ornements et surtoutqu’ils restent vierges des effets de la “ civilisation ” ( 91 ).

Les Fang s’installent donc à présent sur le bord des rivières du Komo et duBokoué. Mais à cette époque, ce ne seraient que quelques villages déplacés del’intérieur vers les rivières. Selon Walker, le pays fang reste entre cinq et neuf joursde marche de l’Estuaire, au-delà d’une large étendue sauvage et inhabitée qui lessépare des villages kele, dans une région montagneuse, qui semble être les Montsde Cristal qu’il aperçoit au loin. Ce ne sont donc pas les Blancs qui viennent visiterles Fang, mais c’est plutôt l’inverse. Leur pays demeure inconnu.

La comparaison que les Blancs font avec les Mpongwe, les Seke et les Keleéveille une curiosité grandissante pour ces Fang que l’on croit sortir du cœur del’Afrique. Ils sont décrits beaux, intelligents, farouches, guerriers, vigoureux,industrieux, habiles forgerons, honnêtes, etc., mais en réalité on ignore toujours quiils sont vraiment, d’où ils viennent et surtout combien ils sont. Quand Darricauécrit en 1844 qu’ils sont les plus nombreux en rajoutant “ au dire de tous ” ( 92 ), ilomet de préciser qu’il considère dans cette appréciation la seule population de larégion du Haut-Komo. Le sujet devient plus sensible entre 1844 et 1848, quandapparaissent les premiers villages sur le bord de rivières de l’Estuaire, dont le but

Page 44: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

clairement avoué est le commerce avec la côte : “ ils ont appris que moins d’undixième de leurs biens provenant du commerce de l’ivoire à la côte leur revenait ;et ils sont décidés à commercer directement avec les Mpongwé ” ( 93 ).L’importance du mouvement reste toutefois insondable car les explorations étantfluviales, elles ne peuvent renseigner sur les éventuels villages qui s’installent àproximité des voies terrestres du commerce.

L’inquiétude grandit subitement quand, de son voyage, Walker rapporte lespropos du chef de Mkwenga décrivant l’ampleur du mouvement : “ le village [deMkwenga] n’est qu’une feuille dans la forêt, comparée aux multitudes qui vontbientôt arriver ” ( 94 ). La phrase est-elle réellement du chef fang ou est-elle uneextrapolation de Walker, toujours est-il que dès cet instant, l’arrivée des quelquesgroupes fang sur le haut-Estuaire est décrit comme une invasion. Le vocabulaire estchoisi : Les Fang veulent déloger Kele et Seke des bords des rivières, ce sont desenvahisseurs cannibales qui assimileront ou extermineront les populations qui leurrésistent ( 95 ).

Processus d’approche

La réalité évapore ces violents fantasmes dont la descendance estmalheureusement grande. Les propos rapportés par Walker émanent de Fang qui,installés sur les rivières depuis déjà plusieurs mois, prennent conscience du poidsdu courtage. Tout naturellement, ils cherchent à s’en défaire mais pas en s’imposantpar la force. Plusieurs raisons leur dictent un relatif pacifisme à l’égard despopulations auprès desquelles ils s’installent. En premier lieu, dans les années1840, ils sont en infériorité matérielle. Avec leurs armes blanches traditionnelles,ils ne peuvent rivaliser avec les armes à feu de leurs voisins Seke et Kele. Ensuite,ils sont en infériorité numérique et ne pourraient soutenir une guerre. Enfin etsurtout, à cette époque, ils ne s’aventurent pas sur l’eau. Ils ne savent pas nager, nepossèdent pas de pirogues, n’en construisent pas et ignorent tout de la navigation.Or, les voies terrestres étant parcourues par les rançonneurs, les pillards et lesnégriers, le cabotage reste encore le plus sûr moyen de transport jusqu’auxcomptoirs. Aussi, les Fang ne peuvent-ils écouler eux-mêmes leurs marchandises nise procurer directement auprès des Mpongwe ou des Blancs les pacotilles tantdésirées. Ils en sont donc réduits à s’assurer les bonnes dispositions des Kele et desSeke qui se chargent des échanges avec les Mpongwe.

Page 45: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Mais quels que soient les moyens fang, les conditions intrinsèques et lemécanisme de leur établissement parmi les populations riveraines de l’Estuaireannihilent toute agressivité envers leurs hôtes. Au point de départ sont leursrelations de commerce avec les courtiers. Or dans l’économie de troque,l’honnêteté n’est pas suffisante pour le respect d’un “ contrat ”. Souvent lescourtiers prennent des filles et des femmes fang en gage le temps de la transaction( 96 ). Parfois, la faible exigence des Fang en matière de dot, conduit les courtiers àépouser des femmes fang. De leur côté, les Fang pratiquent l’exogamie c’est-à-direqu’ils doivent épouser des femmes étrangères à leur clan généralement jusqu’à lacinquième génération. Ils cherchent ainsi à épouser des femmes Seke ou Kele ( 97 ).Sur la base des liens ainsi créés, des Fang fréquentent en relative familiarité lesvillages parents. Ils participent aux activités quotidiennes et aux chasses, àl’éléphant par exemple ( 98 ). Ils épousent à leur tour des femmes du village hôte etsont, par le jeu du droit coutumier, autorisés à établir leur propre village. Lenouveau village attire des membres du clan du chef qui contribuent ainsi àl’acquisition lente mais progressive de terres et le rapprochement des rivières.

L’installation des premiers villages dans la région de l’Estuaire marque la find’une première décennie de présence française. Attentives plus qu’inquiètes desmouvements de populations, les autorités du comptoir n’envisagent ni de nouvellesexplorations ni d’établir des contacts plus fructueux avec les Fang, parméconnaissance, par manque de moyens et surtout à cause des préoccupations quiles animent : la mise en valeur de ces terres acquises sous l’Equateur dont l’avenirest incertain.

Arrivée des Fang au Gabon : 1848 - 1863

Pour la France, le bilan de neuf ans de présence au Gabon est plus que mitigé.La possession de ce territoire ne se justifie plus sur le plan politique. Les Anglaisne disputent plus la domination française au Gabon. Que leur importe d’ailleurspuisqu’ils continuent de dominer le commerce ( 99 ). Sur le plan intérieurl’exploration est faible, l’arrière pays est méconnu. Malgré l’établissement decontacts avec les populations de l’intérieur et leur incitation à fréquenter lecomptoir, les Mpongwe contrôlent encore l’économie. Quant à la répression de latraite négrière, elle manque d’efficacité, la France ne pouvant visiter les navires

Page 46: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

battant pavillon brésilien, portugais et espagnol, principaux acteurs de cecommerce. En Métropole, le gouvernement issu de la Révolution de Février imposedes restrictions budgétaires. Le sort du Gabon est longtemps incertain quant à sonutilité, à tel point qu’en 1856 le commandant de Gorée, Pinet-Laprade, propose d’yétablir un pénitencier pour Européens, base d’une colonie en devenir ( 100 ).

Figure 15 : Le comptoir du Gabon en 1856 (d’après Faidherbe, 1853, p. 347).

Dynamiser le commerce

Au Gabon, les autorités du fort sont décidées à poursuivre l’œuvre de Bouët ettentent de dynamiser le commerce en suivant deux voies. Il faut d’abord encouragerl’accès au comptoir des populations productrices timidement apparues au fond del’Estuaire depuis plusieurs années et faciliter leur installation à proximité ducomptoir tout en prenant garde de ménager autant que faire se peut les intérêts desMpongwe qui, pour les bénéfices qu’ils en tirent, demeurent les plus ferventspartisans de la présence française en regard des autres populations. Car uneinvasion massive de producteurs, notamment fang, risquerait d’effondrer l’équilibre

Page 47: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

du commerce et d’annuler tous les efforts entrepris pour faire naître des conditionsde prospérité depuis la signature des premiers traités.

L’autre voie est celle de l’agriculture. Elle prévoit l’aménagement deplantations autour du comptoir. Le projet a un intérêt multiple. Il devra permettrede diversifier les produits d’exportation : palmier à huile, arachide, riz, coton,chanvre, canne à sucre … La proximité des cultures limitera le courtage et assureraau comptoir l’autosubsistance. Enfin, ces plantations embaucheront la maind’œuvre parmi des Mpongwe qui retrouveront ainsi un niveau de vie qui a baissédepuis la réduction de la traite négrière ( 101 ).

Des essais sont tentés en 1845 à proximité du fort pour la culture du maïs et deslégumes.

Figure 16 : Quérellé, jardin du commandant du Gabon (Griffon, 1865, p. 289).

Une plantation de cacao est prévue près du village de Denis et des maisonsfrançaises, Lamoisse du Havre et Lecour de Nantes, investissent dans cetteentreprise sans grand résultat pour une raison simple : le Gabon manque de main-d’œuvre. Les Mpongwe se refusent à tout travail agricole qu’ils considèrent propreaux esclaves. Par crainte de manquer eux-mêmes de main d’œuvre, ils s’opposentau recrutement de leurs propres esclaves. ( 102 )

Déjà pour la construction du Fort d’Aumale on avait fait venir des soldats descomptoirs d’Afrique occidentale, notamment des Kroumen ( 103 ). En 1846, pour la

Page 48: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

construction du nouveau bâtiment qui doit remplacer le fort qui tombe en ruine, onfait appel aux Seke mais ils sont trop peu nombreux ( 104 ).

Contraindre les Mpongwe au travail devient pour le comptoir du Gabon unepriorité qui nécessite le rapprochement des populations du fond du Komo encorehésitantes. Dans une lettre adressée à son supérieur de Gorée en septembre 1847,Baudin, commandant du comptoir, explique comment leur fréquentation doitsupprimer l’activité de courtage, étrangler les finances des Mpongwe et les pousserà trouver de nouvelles ressources dans le travail de la terre ( 105 ).

L’espoir est vite déçu. Baudin a cru pouvoir effacer trois siècles d’influencempongwe. Même si lors de leurs rencontres dans le haut-Estuaire, les Seke, Kele et,en dernier lieu, les Fang ont témoigné aux Français leur intérêt à venir fréquenter lecomptoir ( 106 ), la puissance politique mpongwe les dissuadent interdit des’approcher. De leur côté, les Français reconnaissent explicitement le rôleindispensable des Mpongwe dans l’aboutissement de leur projet ( 107 ). Quant àchercher leur asphyxie économique pour obtenir d’eux un travail manuel, c’estcompter sans la capacité de résistance et la force morale de ce vieux peuple côtier.

La main-d’œuvre doit être recrutée ailleurs. Pendant un court moment, lesquelques Seke qui se sont installés près du comptoir semblent parfaitementconvenir mais, payés en marchandises d’importation, ils partent aussitôt les troquerdans l’intérieur et abandonnent les chantiers. Dans une note, Aubry-Lecomte,responsable du projet d’agriculture, découragé de faire travailler les ouvriers locauxpeu efficaces, envisage d’embaucher des Sénégalais d’origine Wolof dans le butavoué de repeupler le Gabon ( 108 ).

Tel est le sens de l’installation en octobre 1849 d’une cinquantaine d’esclavesdébarqués de l’Elizia, navire négrier arraisonné par la France au large de Loango en1846 alors qu’il faisait voile vers le Brésil. S’en suit la création à proximitéimmédiate du fort, d’une ville baptisée Libreville, inspirée par les modèles sierraleonais de Freetown (1797) et libérien de Monrovia (1847). Elle prend l’allure d’unphalanstère avec la construction d’un “ village chrétien et français ” organisé autourde cinq places : place des “ Mpongouès ”, place de la liberté, place des “ Bakalais ”,place des “ Pahouins ” et place des “ Boulous ” ( 109 ). Cependant, ces premiersLibrevillois sont instables et peu enclins au travail. Quant à l’emploi de Kroumenou de Wolof, certains y sont hostiles comme Vivien, chirurgien de la marineattaché à Libreville : “ Pour moi, je crois plus rationnel de donner la préférence auxindigènes tant Gabonais proprement dits que Boulous ou Bakalais ”. ( 110 )

La place des “ Pahouins ” illustre l’intention de Parent d’associer les Fang àl’avenir de la colonie. Toutefois, à cette période, les autorités du comptoirn’envisagent nullement la possibilité de faire travailler des Fang. Ils sont encore

Page 49: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

trop mal connus et surtout loin des abords de la toute jeune Libreville. Pour lesFrançais, les habitants du Gabon sont les Mpongwe, les Seke et les Kele.

Seconde phase d’exploration

Aubry-Lecomte peut se féliciter d’assurer la subsistance des hommes grâce aujardin du fort, mais les grandes plantations restent au stade expérimental. Lemanque de moyens et les hésitations sur l’avenir du comptoir, aggravés par lesbouleversements politiques en métropole interrompent ou retardent la mise enœuvre des grands projets. Le commerce ne décolle pas. Créée en 1849 surl’initiative de Bouët, la Commission d’Etudes Economiques conclut son rapport surl’impossibilité de cultures au Gabon ( 111 ). En 1853, alors que les agents cherchentde nouveaux produits à exporter, les Seke et Kele apportent au comptoir des boulesde caoutchouc. Son exploitation est rapidement envisagée.

Cinq ans après la dernière exploration, celle du Mouni en 1848 ( 112 ),l’exploration de la région est relancée, avec toujours l’objectif de visiter les villagesdu fond de l’Estuaire et leur assurer la sécurité pour favoriser leur venue àLibreville, auquel s’ajoutent deux nouveaux buts : atteindre les sources du Komo etainsi pénétrer, du moins l’espère-t-on, en pays fang, et trouver une voie d’accèsvers l’intérieur de l’Afrique qui reste inconnu. En 1852, Baudin, commandant lastation navale, tente de visiter les Fang, mais les Mpongwe, qui fournissent lesinterprètes et les guides, l’en dissuadent ( 113 ).

L’année suivante, Bouët en personne, assisté de Baudin, remonte sur 35 lieues(soit environ 200 km), le Komo jusqu’aux pieds des Monts de Cristal. Ils visitent levillage fang d’Acuengo et avant de redescendre la rivière, marquent leur passagepar une inscription gravée sur les parois d’une grotte, dans le méandre situé enamont du village actuel de Mbèl ( 114 ). L’unique certitude qu’ils rapportent de leurvoyage est que le Komo descend des Monts de Cristal et que sa faible profondeurrend rapidement toute navigation difficile même aux petits bâtiments. Quant auvillage fang d’Acuengo, il n’est qu’un village avancé. Le pays fang est plus loindans les montagnes, voire au-delà, où s’ouvre le cœur de l’Afrique.

Les rencontres avec les Fang se font plus fréquentes. Mais ils sont encorefarouches et restent distants par crainte de tomber aux mains des négriers. Ils enignorent d’autant moins l’existence qu’ils participent eux-mêmes au trafic

Page 50: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

d’esclaves en vendant des prisonniers ou des fauteurs de troubles ( 115 ). Ilscraignent aussi les Blancs à cause de la rumeur que colportent les populationscôtières qui font croire que les Blancs capturent les Noirs pour les manger et que levin n’est autre que le sang des captifs ( 116 ). Pour les rassurer sur leurs intentionspacifiques, les Français pratiquent une politique de cadeaux, éprouvée auprès desMpongwe, en donnant lors de visites aux villages du tabac, des perles, etc., enéchange de leur promesse de venir au comptoir ( 117 ).

Aucune suite n’est donnée à l’exploration de Baudin et Bouët. La grotte restepour quatre ans le point ultime atteint par les Blancs en direction du “ pays ” fang.

Du Chaillu

Le premier Occidental à visiter le “ pays ” fang est Paul Du Chaillu. Il n’est pasofficier français mais travaille pour Libreville : en mars 1850, il est compté parmile personnel du comptoir ( 118 ). Né en 1831, il travaille à partir de 1848 au Gabonavec son père commerçant français d’origine italienne. Il se lie avec les Mpongwedont il maîtrise la langue et avec les missionnaires américains. Il part pour New-York en 1852 et revient au Gabon au début de l’année 1856, avec l’idée deconsacrer plusieurs mois à l’exploration de l’intérieur ( 119 ).

Figure 17 : Paul Belloni Du Chaillu (Bucher, 1979, p. 25).

Page 51: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Ses récits trahissent un esprit d’aventure doublé d’une recherche desensationnel, quitte à amplifier la nuance quand l’émotion est trop faible ( 120 ).Quant aux véritables motivations de son entreprise, aussi périlleuse et aussi longue,elles se comprennent dans le contexte de l’époque. Sur l’intérieur du pays, tout està découvrir, en particulier les hommes. Du Chaillu compte intégrer le cercle deshommes de science en pénétrant le premier au cœur de l’Afrique et en rapportantdes informations inédites sur les hommes et l’histoire naturelle ( 121 ). Il espère aussiramener en Europe un gorille, espèce découverte récemment, dont une dépouille aété achetée par Franquet, médecin de la marine à Libreville, auprès de Gabonais etenvoyée au Muséum de Paris en 1852 ( 122 ). Enfin, il cherche à retrouver au-delàdes Monts de Cristal le fleuve Congo qui, croit-on alors, coule au nord de cesmontagnes.

Page 52: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 18 : Carte des explorations de Du Chaillu (d’après l’auteur, 1863).

Après avoir effectué deux courts périples au sud de l’Estuaire, il embarque àLibreville pour l’estuaire du Mouni via Corisco en juillet 1856. Avec quelqueshommes, il remonte en barque le Mitemboni (N’tambounay) puis la Lona (Nooday)et arrive le 16 août, aux pieds de la première chaîne de reliefs parallèles quiconstituent les Monts de Cristal, au village du chef Mbondémo (Seke) Mbène. Ses

Page 53: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

hommes doivent le mener, à pied cette fois, chez les Fang. Fin août, la troisièmechaîne est atteinte à une distance qu’il estime à cent cinquante milles de la côte( 123 ). Du Chaillu y rencontre quelques Fang isolés. Le 31 août, il parvient enfindans un village fang, celui du chef Ndiayai. Après avoir passé environ deuxsemaines à observer la vie quotidienne des villageois et participé à une chasse àl’éléphant, il repart pour la côte, où il fait relâche avant d’entamer une nouvelleexcursion vers le sud, au pays de Cama, en février 1857.

Figure 19 : Du Chaillu reçu chez Ndiayai (d’après l’auteur, 1863).

Les descriptions de Du Chaillu abondent dans l’esprit de celles de Walker, lesFang sont les plus beaux “ nègres ” d’Afrique équatoriale ( 124 ). Mais ils sontfarouches, féroces et surtout anthropophages. Comme pour montrer son courage des’être aventuré seul chez un tel peuple, il transforme en preuve grossière le moindresoupçon de cannibalisme, alimentant du même coup la réputation que les Mpongweont faite des Fang depuis leur arrivée dans l’Estuaire ( 125 ). L’observation que DuChaillu fait dans la région des Monts de Cristal est la même que font lesOccidentaux dans la région du Gabon. Les Fang cherchent à se rapprocher desrivières pour écouler plus avantageusement leurs produits et se procurer les objetsd’importation : fusils, perles, plats en cuivre ou laiton qu’on nomme neptunes,miroirs, etc. Pour l’américain, l’avancée des Fang vers l’ouest et la région duGabon, lente mais inexorable, est d’un dynamisme inquiétant ( 126 ).

Page 54: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 20 : ’Ndiayai, roi des Fans’ (Du Chaillu, 1863).

Pour sa légèreté, ses exagérations et sans aucun doute ses origines modestes (nimilitaire, ni aristocrate), les pairs de l’explorateur ne lui ont pas accordé la notoriétéqu’il attendait ( 127 ). En revanche, ils ont rarement nié ses conclusions et ont plutôt,à leur tour, largement appuyé la réputation des Fang. Il n’en reste pas moins que sesdescriptions de la culture matérielle comme le mobilier, les armes, la métallurgie, lapoterie, la coiffure, etc. sont très fidèles et très utiles, et que son voyage secouronne de succès : il a ouvert la voie du pays fang que cherchaient déjà àatteindre Bouët et Baudin trois ans plus tôt.

Conséquences

Visible depuis le fond de l’Estuaire, le massif des Monts de Cristal ou Sierradel Crystal est considéré aux premières heures du Gabon colonial comme la portevers l’intérieur de l’Afrique. Or, parce que Du Chaillu les trouve dans ce massifdans les années 1850, les Fang sont naturellement considérés comme un peuple quisort du cœur de l’Afrique “ neuf ” et vigoureux, ce qui renforce la préoccupationmajeure des Français de les attirer à la côte.

Pour atteindre la région quasi-mythique des Monts de Cristal, Du Chaillu aignoré la voie du Komo entreprise par les Français. Il choisit au nord, l’autre voie,celle plus courte du Mitemboni qui l’amène aux pieds du massif. La pertinence de

Page 55: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

ce choix suscite chez les Français la vexation de s’être faits devancer par unaventurier, et la forte inquiétude de voir les Fang se détourner des comptoirs duGabon pour préférer le commerce dans la région du Mouni où la proximité avec lesîles d’Elobey, Corisco et Fernando Poo attire les anglo-saxons, les Portugais et lesEspagnols, et draine à la côte nord un volume important de produits locaux.L’enjeu est tel que la France dispute à l’Espagne l’occupation de la région malgrél’existence de traités antérieurs ( 128 ).

Touchard, au nom de la France, reprend en 1857 l’expédition avortée deBaudin et Bouët et remonte le Komo au-delà du point atteint par ses prédécesseurs.Il entend ainsi activer la descente des Fang vers le Gabon en favorisant la voie duKomo et les dissuader d’une migration vers l’ouest et la côte nord. La même année,l’enseigne de vaisseau Dumesnil dresse la carte du Komo où il note la position desdifférents villages et leur mouvement : les Fang pressent les Kele sur le Haut-Komoet le Haut-Bokoué, lesquels à leur tour pressent les Seke dans le Bas-Komo. Ilconstate avec soulagement que les Fang restent favorables à un mouvement vers lesétablissements de l’Estuaire.

Depuis l’aventure de Du Chaillu, l’autorité française prend conscience del’intérêt de lier directement les Fang au destin de la colonie. Pour l’heure, lesespérances de mise en valeur sont déçues. L’agriculture ne démarre pas et lacréation de Libreville reste sans effet.

Evolution du commerce

A partir de 1848, une relative prospérité gagne le Gabon. Chez les Occidentaux,la présence rassurante du fort permet l’implantation de nouvelles maisons etl’apparition en 1853 du caoutchouc stimule le marché. Les contacts réguliers établislors des différentes missions dans le haut-Estuaire attire la confiance despopulations riveraines. Mais le courtage freine toujours les échanges. Les prixexorbitants pratiqués par les courtiers sur les matières les plus exportées commel’ivoire, l’ébène et le bois rouge, dissuadent les chambres de commerce d’affréterdes navires pour l’équateur. A la fin de la décennie, la situation qui semble pourtanttotalement bloquée, évolue enfin.

L’âpre concurrence qui s’installe et durcit considérablement les rapports entreles différents acteurs du commerce est le principal levier de cette évolution. Pour

Page 56: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

réduire les prix d’achats, les factoreries se débarrassent du courtage en visitantelles-mêmes régulièrement les producteurs du fond de l’Estuaire. Elles envoient descotres, voiliers légers à faible tirant, stationner le temps des échanges devant lesvillages pour servir d’entrepôts flottants. Les deux parties ne peuvent qu’êtresatisfaites de cette méthode de vente directe qui accélère les transactions et limiteles entorses aux contrats. Les vendeurs sont ravis d’accéder ainsi directement auxproduits d’importations. Les acheteurs s’assurent de plus forts bénéfices. Lescourtiers sont évidemment moins heureux de la mise en place de ces factoreriesambulantes, qui réduit considérablement leur activité. Ainsi, les Seke, convertis àleur tour au courtage, sont terriblement affectés par cette évolution du commerce( 129 ). Ils ne peuvent juguler la poussée fang.

A l’embouchure du fleuve, la situation des Mpongwe, spectateurs de la criseseke, augure également d’un avenir sombre. Leur puissance foncière et politique estébranlée par la baisse de leurs revenus. Diminuée par les maladies : variole,syphilis, alcoolisme, endormie par des décennies d’enrichissement facile, affaibliepar des structures familiales désagrégées, la société mpongwe, dont l’influenceportait autrefois jusqu’aux côtes du Cameroun actuel, traverse une crise financièredepuis l’interdiction du commerce des esclaves en 1848. Les heures glorieuses dela traite négrière sont passées même si le passage de navires brésiliens, portugais etespagnols qui se risquent parfois dans la région alimente encore le trafic, attirés parles effets pervers du dispositif que met en place l’administration française : ellerachète aux Mpongwe les captifs destinés au voyage outre-Atlantique, ce quiencourage la capture. A cela s’ajoute l’esclavage domestique qui n’est pas interdit.Un trafic résiduel s’organise à partir de l’Estuaire où sont implantées des factoreriesinterlopes. Elles reçoivent par l’intermédiaire des Mpongwe, des hommes, desfemmes et des enfants capturés à l’occasion de guerres, ou en règlements deconflits et vendus contre des marchandises, très souvent des fusils. Les esclavessont ensuite évacués au plus vite, soit vers les îles au large du Gabon, soit vers leCap Lopez ou Sangatanga où l’autorité française effectue de trop rares voyagespour assurer un quelconque contrôle répressif ( 130 ). Les vieilles routes négrières untemps abandonnées, Remboué, Mbilagone et rive gauche du Komo, reprennentponctuellement du service, assurant un complément de revenus encore substantiel,surtout aux villages idéalement placés : Georges et Denis, dont le fils installé plusau sud exerce ce commerce au moins jusqu’en 1863. Cependant, les bâtimentsnégriers préfèrent commercer avec le sud et ne tentent que des coups isolés dans larégion du Gabon où la répression française, même faible, s’exerce avec quelquessuccès : parmi les affaires les plus marquantes, celle de Fontan, un trafiquantespagnol, arrêté en 1851 au village de Glass alors qu’il embarque à destination deSangatanga des esclaves, dont cinq sont d’origine fang.

Page 57: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 21 : Gabon, Peuples et lieux de traite vers 1850 (Deschamps, 1963, p.107).

Ainsi entamée par la perte du commerce d’esclaves et l’érosion de l’activité decourtage, la situation financière des Mpongwe devient exsangue. Espérant retrouverla prospérité d’antan, ils augmentent le prix des produits à la vente, ignorant à quelpoint cette décision joue en faveur des Fang : certains Mpongwe, pour accentuerleurs bénéfices, décident de se passer du courtage des Seke, qui s’en trouvent unpeu plus désemparés. Ils traitent directement avec les producteurs fang. Par lemécanisme observé dans les années 1840, les négociations, par le jeu des filleslaissées en gage aux courtiers mpongwe contre des avances, nouent entre les deuxparties des relations matrimoniales. Elles offrent aux Fang soupçonneux l’exemplerassurant de Mpongwe dégagés en apparence du commerce des esclaves. Ainsi lespremiers chefs fang arrivent jusqu’à Glass dans les premiers mois de 1857. Alertépar ces venues, le Commandant du Gabon en profite pour les assurer une fois deplus des bonnes dispositions de la France à leur égard en distribuant des cadeaux. Ilpromet de les visiter à son tour prochainement ( 131 ).

Dans le même temps, les Fang se lancent dans la navigation fluviale. LesOccidentaux constatent qu’ils possèdent désormais des pirogues, sans pouvoir diresi elles sont de leur fabrication ou si elles ont été acquises par achat ou dot. Grâceau cabotage, la multiplication des contacts accroît la confiance des Fang envers lesMpongwe et les Blancs. Le 29 août 1857, un chef fang vient vendre son ivoiredirectement dans une factorerie du comptoir ( 132 ).

Les autorités se réjouissent de la vitalité du commerce local, de lamultiplication des échanges et de la concurrence qui ne peut, selon Libreville, quetirer les prix à la baisse et attirer les Occidentaux au Gabon. A l’inverse, la rivalité

Page 58: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

durcit les rapports entre les acteurs économiques et se heurte aux règlestraditionnelles du commerce. La situation politique se tend à la fin des années 1850.Les délits observés au début du siècle et qui avaient, pour partie, conduit àl’occupation française reviennent d’actualité. Tout comme autrefois, il ne s’agitpour l’essentiel que de règlements de compte des parties lésées qui, pour se rendrejustice, détournent les marchandises, séquestrent les agents, coulent les pirogues,etc., en attendant le rétablissement des droits. Parfois, les affaires prennent desproportions critiques quand les plaignants attaquent des convois étrangers auxaffaires sous le prétexte d’un lien plus ou moins étroit avec les auteurs de délits. Leprincipe de la territorialité du commerce étant toujours en vigueur, dans certainscas, les conflits vont jusqu’au blocage des rivières. Le commerce en amont est alorsasphyxié, tout convoi se risquant sur les eaux est immédiatement attaqué.

Figure 22 : Le Gabon en 1861 (Serval, 1861).

Page 59: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Pour asseoir davantage son autorité et répondre aux plaintes répétées desfacteurs lésés dans les affaires, l’administration du comptoir veut faire cesser cesdérives en s’ingérant dans le droit coutumier pour arbitrer les conflits. Mais elle n’apas les moyens d’une action efficace. Elle n’a de cesse de réclamer, tout au long duXIXe siècle, des renforts en hommes et en matériel. Elle reste donc contrainte à neréprimer que les cas extrêmes où son autorité est remise en cause, quand sespropres bâtiments sont attaqués, ce qui n’est pas encore le cas.

L’Oise

Sans aucun doute, la multiplication des contacts avec les Fang fait évoluer lepoint de vue des Blancs à leur égard. Depuis les nombreuses années de contact avecles populations de l’intérieur, aucun incident ne vient vérifier la réputation que lesMpongwe et Du Chaillu font courir sur les Fang : pas un Blanc n’a fini enragoût ( 133 ) ! Un climat de confiance relative s’installe.

Les évolutions favorables tant du point de vue économique que politiqueencouragent l’administration à soutenir le développement du commerce avec lespopulations du fond de l’Estuaire. En janvier 1858, soit quelques mois aprèsl’expédition de Touchard dans le Haut-Komo, Braouezec, commandant ducomptoir décide de désarmer l’Oise, une corvette de charge hors d’usage pourservir de ponton ( 134 ). Il la fait remorquer jusqu’en face de l’île de Nengué-Nenguéen face de Cobangoï dont la position géographique, au confluent du Bokoué et duKomo, en fait une place de première importance dans le commerce. Déjà, lamission américaine de Baraka y dirige une maison dont les activités sont autantévangéliques que commerciales. Outre contrecarrer cette fâcheuse présence,Braouezec entend, par la présence de l’Oise, rassurer les négociants en dissuadantles délits, et attirer les producteurs dans l’estuaire. Pour signifier les bonnesdispositions de la France et encourager les fréquentations au ponton, il faitdistribuer des cadeaux aux villageois. A un chef fang venu visiter l’Oise, il faitremettre un fusil, un baril de poudre, deux kilogrammes de tabac, des perlesblanches et de l’eau de vie, pour une valeur totale de cinquante francs ( 135 ).

Au bout d’un an, les autorités sont déçues. Les Fang ne semblent pas attirés parle dispositif ( 136 ). Libreville rejette la responsabilité de l’échec sur les négociants( 137 ). Seul l’objectif de sécuriser le commerce est atteint, les factoreries continuent

Page 60: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

de visiter les rivières par leurs propres moyens. En réalité, la période est trop courtepour évaluer l’impact de l’installation de l’Oise dans la région.

Figure 23 : Le Haut-Komo (d’après Braouezec, 1861).

Page 61: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

En attendant, grâce à ce poste avancé, les officiers français Braouezec etDumesnil achèvent en 1860 la reconnaissance de l’Estuaire, de ses nombreusesrivières et des nombreux villages qui les peuplent. Ils relèvent une forte présencedes villages fang sur les petits affluents de la rive droite du Komo et constatentcomment les villages d’abords installés dans les terres se déplacent vers le bord desrivières. Les Kele sont rassemblés autour du confluent Komo-Bokoué. Quant auxSeke, du Remboué au Bokoué, ils n’occupent pas plus de six villages dont deux encohabitation avec les Kele. ( 138 )

En avril 1861, Touchard achève l’exploration du Haut-Komo. Il en tire laconclusion que les Monts de Cristal sont la source des grosses rivières du Gabonactuel : Komo, Mbini, Mouni, Mondah et même Ogooué ( 139 ). Une telleconclusion traduit une fois de plus l’importance qu’accordent les Français à cemassif qu’ils veulent dépasser pour atteindre le cœur de l’Afrique. Elle montreaussi le crédit qu’ils portent aux Fang, encore vierges de tout comportementséditieux, seule main-d’œuvre envisageable. Une fois encore, dans la perspectivede mise en valeur de la colonie, tout porte l’autorité française à s’attirer leurcollaboration.

Premiers mouvements dans le Komo

A la fin de la décennie, quelques changements interviennent dansl’administration du Gabon. A partir de mars 1859, la colonie évolue sous unnouveau régime qui l’émancipe de la tutelle du Sénégal. Le Gabon devient le centrede la Division Navale des établissements français de la Côte d’Or et du Gabon,concentrant l’administration des comptoirs de Grand-Bassam, Assinie et Dabou( 140 ). En plus d’une autonomie politique, cette nouvelle situation gonfle leseffectifs et assure au Gabon des finances confortables ainsi que de meilleuresconditions de vie pour ses hommes.

La mise en place de cette organisation détourne pendant quelque temps leregard des Français des mouvements de populations dans le fond de l’Estuaire.Puis, le pessimisme des rapports précédents s’efface progressivement devantl’apparition de villages fang, dont quelques-uns à proximité même de l’Oise.Serval, qui explore le Remboué et ses affluents en 1860, puis Braouezec, Touchard,

Page 62: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

et Didelot l’année suivante, constatent que l’avancée fang atteint maintenant larivière Ikoï - Komo ( 141 ). Sur le Remboué, tandis que l’embouchure demeure sousle contrôle des Mpongwe de Chinchoua, en amont, les Fang percent sur la rivedroite, et s’installent déjà sur la rive gauche parmi les Kele ( 142 ). Mais l’impressionde vigueur soudaine de la poussée fang ne masque pas la réalité du mouvementqu’illustre plus à l’ouest l’établissement de villages fang sur les bords duMbilagone. Serval y note qu’il ne s’agit pour le moment que d’un campement dehuttes provisoires et que les habitants n’ont pas de pirogue ( 143 ).

En réalité, le mouvement vers le comptoir et l’attrait pour les marchandiseseuropéennes, véritable motivation qui lance les Fang sur les rives de l’Estuaire,sont freinés par deux puissants facteurs. Hormis ceux déjà installés, ils restentd’une infinie méfiance à l’égard des Blancs. Ils redoutent les trafiquants d’esclaves.En effet, ils continuent d’être victimes de rapts. Ainsi leur crainte des Benga, qu’ilssavent négriers, leur interdit de s’aventurer au nord de la région, sur les rives de laMondah. En second lieu, les liens claniques très forts, sans atteindre l’unitépolitique des Mpongwe, les dissuadent de se couper définitivement et totalement deleur famille et de s’aventurer en terre étrangère sans se garantir l’assurance d’unsoutien militaire, économique, alimentaire moral ou “ religieux ”. Dans les années1840, la réussite des premières installations de villages fang sur les affluents duHaut-Komo a permis l’arrivée de membres du clan restés en retrait. Ces derniers,par le jeu des relations commerciales et surtout des mariages contractés avec lesvillages étrangers, se sont rapprochés un peu plus vers l’aval en s’installant dans lesvillages parents ou alentour. Et ainsi, par un mouvement que les ethnologuesappellent “ saut de puce ”, les Fang s’avancent vers le comptoir. Il ne s’agit doncpas d’une migration massive, d’une descente directe de villages entiers, depuis lesMonts de Cristal, qui viendraient s’installer après plusieurs jours consécutifs demarche sur les rives de l’Estuaire en terre étrangère. D’ailleurs, c’est bien à causede l’existence de relations matrimoniales que les guerres sont empêchées entre lesnouveaux venus et leurs hôtes, et que les Seke, en outre de moins en moins actifs,subissent l’arrivée des Fang ( 144 ). Au contraire, auprès des Mpongwe, l’existencede telles relations d’ailleurs bien rares ne suffit pas. Les Mpongwe conservent uneautorité politique et foncière que les Fang ne leur disputent pas encore.

Les Français se réjouissent du mouvement. Ils reconnaissent la courtoisie desFang, affirmant qu’on peut les visiter sans danger ( 145 ). Plus encourageante est leurparticipation grandissante au commerce ( 146 ) et par leur fréquentation de l’Oise,régulière à partir de 1861. Elle traduit la confiance qui gagne peu à peu les Fang.Certains chefs vont jusqu’à confier leurs enfants au capitaine du ponton pour lesenvoyer à la mission catholique de Libreville. En échange, ils reçoivent “ tous lesdeux mois et pour chaque enfant une pièce d’étoffe de la valeur de quatre à cinqfrancs ” ( 147 ).

Page 63: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 24 : Enfants de la mission catholique (Fleuriot, 1876, p. 265).

Pour les Fang, les Blancs sont la garantie de la sécurité et de bénéficessupérieurs. Pour l’administration, les Fang sont l’antithèse des courtiers. Ils sont labase nouvelle, saine, laborieuse et courageuse sur laquelle elle fonde l’espoir d’unecolonie enfin prospère, grâce à des produits moins chers et une agriculturedéveloppée. Il semble donc qu’une nouvelle ère s’annonce ( 148 ).

L’Ogooué

L’histoire coloniale du Gabon est marquée de cycles plus ou moins longs danslesquels les moments d’espoir alternent avec les temps de résignation, les grandesexplorations avec les replis sur les bases anciennes. Les bouleversements politiquesen métropole, les mouvements de populations dans l’Estuaire, les incidents plus oumoins graves, etc. , sont autant de vicissitudes qui orientent son évolution.

L’année 1862, comme les années 1839 et 1848, marque le début d’un cyclenouveau. Il s’accompagne d’une nouvelle phase d’exploration. Mais cette fois,

Page 64: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

l’estuaire du Gabon qui est parfaitement connu depuis les relevés de Dumesnil,n’est plus l’objet de l’intérêt des officiers ( 149 ).

Le 1er juin 1862, grâce à l’entremise de Denis dont l’influence politique atteintle sud, ( 150 ) les autorités françaises et les principaux chefs du Cap Lopez signentun traité analogue à ceux qui avaient été passés avec les chefs du Gabon vingt ansplus tôt. Le traité réjouit Libreville à plus d’un titre. Elle étend sa souverainetédepuis le Gabon jusqu’au Cap Lopez, scellant ainsi définitivement sa présence sousl’Equateur. Elle garantit une meilleure répression de la traite dans cette région oùles négriers s’arrêtent encore ; mais le plus important est l’intérêt économique quereprésente la région qui ouvre sur l’Ogooué au moment où les forêts de l’Estuairesubissent une exploitation incontrôlée. Ivoire, ébène, bois rouge, caoutchouc, cire,etc., sont recherchés plus loin vers l’intérieur. La nouvelle voie de communicationqui s’ouvre est susceptible de drainer des quantités inépuisables de produits les plusvariés, voire encore inconnus.

L’immensité du delta, la force du débit et la majesté du fleuve invitent lesexplorateurs à comparer l’Ogooué au Congo. Ils croient, depuis les premiersmarins, qu’il conduit au cœur de l’Afrique, comme ils l’espérèrent un temps àpropos du Komo. Dès lors, les missions d’explorations se concentrent sur le grandfleuve. Un mois après la signature du traité avec les riverains du Cap Lopez, Servalet Griffon du Bellay entreprennent la reconnaissance de son cours inférieur (juillet -août 1862). A la recherche de nouveaux produits et de nouveaux partenaires, ilsremontent jusqu’au lac Onangué. Tandis que Serval relève les points visités,Griffon glane auprès des populations locales des renseignements précieux. Il retientd’abord que l’Ogooué résulte de la réunion de deux grands cours : la Ngouniévenant du sud, et l’Okanda descendant par le nord-est des montagnes qui, selon sesconclusions, donnent sur le versant nord, le Chari ( 151 ). Plus haut, coulerait unerivière appelée Lolo, que Griffon tente de rapprocher de Lullac ou Kullac ( 152 ). Lestribus de l’Okanda sont appelées Osheba (Shiwa) comme le sont quelquefoisles Fang par les tribus du Gabon. Il en conclut donc que les rives de l’Okanda sontle point de départ de la migration fang ( 153 ). Après les Osheba viennentles Shakis puis lesOmbétés. Sur la Ngounié vivent surtout les Eshira au milieudesquels cohabitent quelques Osheba puis viennent les Chimbas ( 154 ). Enfin,Griffon rapporte l’existence d’hommes sauvages vivant dans les montagnes, lesPahdis, aux pieds d’antilope et portant des ailes ( 155 ). Plus bas, l’aval du confluentOkanda-Ngounié est habité par les Enenga, par les Galwa, parmi lesquels sontprésents quelques villages kele, puis les Rungou et les Nkomi. Ils vivent ducommerce des esclaves et de l’ivoire qui leur arrive de l’Okanda et de la Ngounié.Sur le plan botanique, Griffon note la présence d’un bel arbre au fût rectiligne, aubois mi-dur et aux veines rosâtres dont les riverains font les pirogues et recueillentla sève pour leurs torches, l’Okoumé ( 156 ).

En décembre 1862, ayant noté l’existence de relations commerciales entre lesKele du haut-Remboué et les riverains de l’Ogooué, Serval et Griffon entreprennent

Page 65: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

de relier le Gabon à l’Ogooué en remontant le chemin qui part de Chinchoua avecl’aide de son chef, le traitant Ouassengo. Le 17 décembre, Serval atteint le villagekele d’Orongo, à un quart de lieue de l’Ogooué.

Tandis que l’Ogooué ouvre de nouvelles perspectives à la colonie et détournel’attention des Français de la région du Komo, les Fang continuent de s’installer surles bords de l’Estuaire. Ils reçoivent dans le Bokoué une nouvelle visite d’un Blancen la personne de Burton, le célèbre explorateur du Haut-Nil, consul britanniquepour le Golfe de Biafra, résident sur l’île espagnole de Fernando Poo, de passage auGabon au début de 1862. Grâce à ses relations avec Walker, représentant de lamaison Hatton et Cookson ( 157 ), il remonte le Bokoué et le Komo du 12 au 17 avril1862 et s’arrête au village de Mayyan. Les notes qu’il prend pendant son séjoursont précieuses ( 158 ), car empruntes d’un sens ethnographique qui caractérise lesAnglo-Saxons, à l’inverse des Français qui ne se dégagent pas d’une observationstrictement politique des populations du Gabon ( 159 ).

En réalité, depuis une vingtaine d’années que les Fang sont apparus dans larégion de l’Estuaire, les connaissances à leur sujet restent très vagues, hormisquelques poncifs sur leurs parures, la métallurgie et bien entendu, l’idée qu’ils sontdes cannibales invétérés. Les seuls traits de caractère que décrivent les Occidentauxsont établis par comparaison avec les ethnies voisines : courageux, farouches,féroces… L’organisation sociale, et plus encore les modes de pensée sont encoretrès obscurs. Une telle méconnaissance est certes le fait de contacts trop rares ettrop irréguliers. Elle trahit surtout le manque de curiosité des Blancs pour la cultureet la philosophie de ces “ Noirs ” qu’ils considèrent à peine descendus desMontagnes de la Lune.

Premier incident

Malheureusement la méconnaissance des Blancs à l’égard des Fang a pourcorollaire une incompréhension des comportements des populations locales etengendre parfois chez l’autorité des réactions démesurées, fâcheuses.

L’affaire de l’Oise rappelle celle du navire de Sao Tomé, échoué dansl’Estuaire en 1805 ( 160 ). Au début de l’année 1863 (février ou mars), l’Oise,

Page 66: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

toujours utilisée comme ponton en face de l’île de Nengué-Nengué, devenuevétuste et dangereuse, est remplacée par un nouveau bâtiment. Ancrée non loin del’île, elle chasse de son mouillage, dérive et s’échoue sur un banc de sable proched’un village fang. Considérant, comme le firent les gens de Quaben en 1805, quetout ce qui est abandonné est la propriété de celui qui le ramasse, les villageoisentreprennent de dépecer le bateau pour récupérer ses pièces de métal. En effet,bien qu’ils soient reconnus pour leur haute maîtrise de la métallurgie, la fonte duminerai est à ce point contraignante, qu’ils recyclent à la forge d’anciennesferrailles aussi souvent qu’ils le peuvent. Pour faciliter la tâche, ils mettent le feu àl’épave, mais les flammes se propagent et atteignent une pirogue qui chavire dansla panique. Six hommes se noient. L’agitation créée par l’accident parvient jusqu’àLibreville où Didelot, Commandant la Station Navale depuis décembre 1861, agacépar des affaires précédentes ( 161 ), et considérant le dépeçage d’un bâtiment de laMarine comme une atteinte à l’autorité de la France, entend soumettre les“ pilleurs ”. A bord du Pionnier, aviso à vapeur de faible tirant d’eau ( 162 ), il dirigepersonnellement l’expédition qui arrive en face du village en question, lequel,entre-temps, s’est vidé de toutes ses âmes. Furieux, Didelot choisit d’incendier levillage en faisant tirer canons et fusées qui ne font que transpercer les maigresparois végétales des habitations sans parvenir à les enflammer. Pris par la nuit, unorage qui s’annonce, et la marée descendante qui menace les navires de s’échouerdans les bancs vaseux, l’expédition doit repartir sur Libreville. Elle revient lelendemain matin pour achever la besogne. A la grande surprise de Didelot, lesresponsables du village se présentent spontanément à lui, terrorisés, car convaincusd’y perdre la vie. Ils se soumettent, évitant ainsi toute nouvelle manifestation deforce.

Page 67: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 25 : Chasseurs fang (Griffon, 1865, p. 311).

Au-delà du sentiment de la supériorité “ blanche ”, le rapport de Didelotexprime son trouble né de l’incompréhension de la réaction fang. Il n’avait, semble-t-il, pas envisagé que les Fang fissent mentir leur réputation d’envahisseurs férocesen se soumettant sans combattre :

“... Quand on a vu de près ces misérables noirs les plus sauvages et les plusprimitifs de toutes les populations, on ne peut s’empêcher de ressentir pour eux unprofond sentiment de pitié et de se féliciter de pouvoir les réduire à l’obéissancesans avoir à les massacrer.

“ … Je ne regrette donc pas Monsieur le Ministre de n’avoir pas poussé leschoses aussi loin que je l’aurais pu et d’avoir retenu l’ardeur de mes hommes, pourqui un engagement avec ces pahouins si redoutés dans toutes les rivières semblaitune distraction dont je les ai privés. ” ( 163 )

La réaction des Fang s’appréhende dans leur conception des rapports qu’ilsdésirent entretenir avec les Blancs. Bien qu’ils considèrent avoir été dans leur droiten récupérant le fer de l’Oise, ils acceptent la soumission à l’autorité espérantpouvoir continuer à commercer avec les Occidentaux. Quant à la destruction deleur village, pour peu qu’il s’agisse d’un campement provisoire comme il s’endresse à cette époque, elle a été d’un impact mineur dans leur décision. D’ailleurs,ils n’accordent pas à leur soumission tout le sens que lui donne Didelot. Il penseque la répression qu’il a exercée, la première envers les Fang, est pour l’autorité unsuccès, garantissant par un impact auprès de l’ensemble des villages de l’Estuaire latranquillité des rivières et du commerce. Il n’en est rien. Encore une fois, laméconnaissance qu’il a des populations de la région l’aveugle d’optimisme. Par lecaractère autonome des groupes fang, la soumission d’un village n’a aucun effet surles autres villages. D’autres incidents éclatent tout au long de l’installation desFang au Gabon.

Page 68: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Installation des Fang au Gabon 1863-1872

Une vingtaine d’années se sont écoulées depuis les premiers contacts entre lesBlancs et les Fang. Timidement apparus dans le Haut-Komo dans la décennie 1840,les villages fang s’installent maintenant dans l’Estuaire, disputant aux Seke et Keleles échanges vers le comptoir du Gabon.

Les autorités françaises se réjouissent de leur rapprochement espérant leurcontribution dans le développement de la colonie. En septembre 1863, le Ministrede la Marine en personne, en charge des colonies, envoie des instructions à Laffonde Ladébat, successeur de Didelot au commandement de la station navale duGabon, pour “ encourager ces bonnes dispositions d’une tribu dont les habitudesagricoles et les dispositions laborieuses pourraient être d’un grand secours pour lacolonisation de ce pays ” ( 164 ). Il réveille ainsi le projet d’une agriculture intensiveau Gabon au moment où les produits de cueillette commencent à se raréfier dansl’estuaire du fait de l’exploitation intensive de ses forêts ( 165 ). La signature en1862 de traités avec les chefs du Cap Lopez a bien ouvert l’Ogooué mais enattendant son exploitation, les prix des principaux produits d’exportation (ivoire,ébène, santal, gomme, cire et caoutchouc) augmentent fortement. Or cette inflationmenace principalement les intérêts des maisons françaises dont l’activité esttoujours largement inférieure à celle des maisons anglaises. Basées à Glass, le plusriche village et le plus peuplé de la région, elles continuent de dominer lecommerce au Gabon, réalisant quatre fois plus d’exportations que les Français,pour des importations seulement deux fois plus importantes ( 166 ).

Page 69: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 26 : Factorerie anglaise de Glass (Griffon, 1865, p. 280).

La nouvelle inflation des produits d’exportation décide les maisons decommerce à renforcer leurs succursales dans les rivières afin d’échapperdéfinitivement aux courtiers et d’acheter directement aux Fang qui les visitentrégulièrement malgré une pratique encore hésitante de la navigation. Simplesbarques-pontons ou solides hangars, ces factorerires secondaires sont désormaisgardées par des traitants d’origine ouest-africaine ou mpongwe.

Ce système nouveau, qui facilite certes les échanges, est à l’origine de gravescomplications dans l’équilibre politique des rivières. D’abord le principe même ducommerce crée une méfiance réciproque entre les traitants et les vendeurs. L’oralitédes contrats rend ceux-ci souvent caduques au terme des échanges, chaque partieessayant de se soustraire aux obligations contractuelles. Le fournisseur exigesouvent un acompte sur les ventes arguant du motif parfois fondé qu’il n’a pas destock et que les marchandises sont à plusieurs jours de marche. Les livraisonstardent, les délais s’allongent, le vendeur en profite pour disparaître dans la natureavec l’acompte. De son côté, l’acheteur discute la qualité des produits pour en fairebaisser les prix ou paie avec des biens de moindre valeur à ceux promis.

Pour les Fang, la difficulté réside dans le fait que les relations matrimonialesnouées lors des échanges avec les intermédiaires seke ou kele assuraient autrefois larésolution des palabres. Or les factoreries secondaires suppriment la plupart desintermédiaires. Les Fang sont donc maintenant directement confrontés auxfourberies des traitants qui passent à leurs yeux pour des lieutenants des Blancs etqui s’autorisent quelques prélèvements pour leur propre compte ( 167 ). Plus aguerrisau commerce que quiconque, les Mpongwe tentent de prévenir les anicroches en

Page 70: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

exigeant des gages des vendeurs, le plus souvent un membre de leur famille, plutôtune fille. Mais parfois, ils commettent de véritables enlèvements s’attirant lavindicte du clan victime. De leur côté, les vendeurs n’ont guère de moyens d’exigerles paiements si ce n’est par la force, en pillant, indistinctement d’ailleurs, lespremiers convois de pirogues qui passent à leur portée, entraînant alors un partitiers dans les palabres. Une insécurité latente s’installe donc dans les rivières où descoups de force peuvent éclater spontanément.

Emancipation

Echappant, grâce aux factoreries, à la lourde charge des intermédiaires seke oukele, les Fang peuvent enfin se procurer directement et à moindre coût les produitsoccidentaux. Leur intérêt va vers les objets de parure, perles et cauris, oud’ornementation des armes et statuettes, clous de laitons, miroirs, et les neptunes,plats en cuivre qu’ils débitent en lamelles ou en fils pour habiller leurs objetsprécieux, ou bien transforment en bracelets. Les fusils de traite, à silex ou à pierre,et la poudre sont fortement recherchés. Depuis leur apparition dans la société fang,chaque grand guerrier cherche à en posséder, pour le symbole d’autorité qu’ilreprésente et pour l’efficacité qu’il apporte à la chasse. Enfin, ils achètent à présentles produits qu’ils dédaignaient il y a encore dix ans : tissus, tabac et surtout alcoolqu’ils ont intégré dans leurs habitudes quotidiennes.

La recherche de produits autrefois méprisés, les conflits commerciaux et leuraudace chaque jour plus affirmée sont autant de signes que les Fangs’affranchissent de la tutelle des premiers villages seke ou kele auprès desquels ilss’étaient d’abord installés.

Page 71: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 27 : Guerriers fang (Griffon, 1865, p. 308).

L’évolution de la situation ethnique dans le bassin supérieur de l’Estuairefavorise cette émancipation. En 1863, une estimation démographique dénombre eneffet 120 000 Fang, 60 000 Kele, 3 000 Seke et moins de 3 000 Mpongwe. Pourpeu fiable qu’elle soit, l’estimation n’en révèle pas moins l’idée que se font lesOccidentaux de la supériorité numérique des Fang sur les autres ethnies.L’impression d’une invasion est donc tout à fait compréhensible pour les Kele etles Seke, dont la baisse des revenus affaiblit leur autorité politique déjà entamée parla dégradation de leurs structures sociales, causée par plusieurs annéesd’enrichissement facile. Ils ne peuvent désormais plus compter ni sur leursupériorité matérielle, ni sur leur position d’intermédiaires pour contrer toutemanifestation d’arrogance des nouveaux venus, et résister à leur assimilation quiparaît inéluctable ( 168 ).

Le sort des populations du fond de l’Estuaire n’inquiète pas les Français. Ilsespèrent uniquement que la vigueur des Fang pourra servir l’avenir de la colonie

Page 72: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

sans qu’ils en usent pour leur propre compte. Des agitations dans les rivièresnuiraient au commerce.

Première réserve

Or, de nouveaux troubles éclatent dans le Komo à la suite du pillage en octobre1864 d’une goélette anglaise de Glass dont l’équipage est fait prisonnier, et del’attaque de la Rosée, navire citerne du fort, par les hommes du village Fang deBokoué. Laffon de Ladébat applique la même sanction que son prédécesseur. Ilmonte une expédition de cent hommes et deux bâtiments, le Phaéton etle Pionnier et investit le 8 novembre le village qu’il brûle ainsi que les plantationsautour. De plus, il impose une forte amende en réparation à ses villageois ( 169 ).

Les déprédations commises par les Fang laissent le commandant du Gabon dansune situation particulièrement inconfortable. Il s’inquiète de l’impact d’unerépression trop vive qui, d’après lui, risquerait de compromettre leur participationtant espérée au développement de la colonie. Or, habiles chasseurs d’éléphants, cesont les principaux fournisseurs d’ivoire, un des rares produits à garantir unbénéfice substantiel. A l’inverse, ignorer les attaques laisserait le champ libre auxpires forfaits et bloquerait pour longtemps les relations dans les rivières.L’impunité des coupables ruinerait l’autorité française en diminuant son créditauprès des victimes et des autres acteurs économiques de la région. Considérant lerôle de chaque ethnie dans le commerce, le chef du comptoir ne veut défavoriseraucune d’entre elles, les Seke sont encore les principaux fournisseurs de bois rougeet les Kele, par leur position géographique entre Remboué et Bokoué, ouvrent lecommerce vers l’Ogooué ( 170 ). Enfin, Laffon de Labébat se garde de s’attirer lesrancœurs des Mpongwe, vieux alliés de la présence française au Gabon, dontl’influence dans le règlement des affaires politiques et économiques de l’Estuairereste précieux.

Il tente donc de prévenir les conflits et garantir la sécurité du commerceréclamée par les établissements, en faisant patrouiller autant qu’il le peut lesbâtiments dans les rivières de l’Estuaire ( 171 ).

Pour le comptoir, la difficulté née de ces incidents a pour origine une erreurd’appréciation et une méconnaissance, une fois encore, des populations qu’il estcensé contrôler. En effet, les Français, ignorant des diversités sociologiques

Page 73: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

africaines, considèrent les Fang à l’exemple des Mpongwe ils imaginent qu’ilsforment une “ nation ”, véritable entité politique, au sein de laquelle les différentschefs se concertent et prennent des décisions collectives, respectées par tous. Laréalité est toute autre. Les villages fang sont autonomes et même si des liensclaniques et inter-claniques structurent une partie des relations fang, ils n’entendentpas subir l’influence d’un village voisin, en particulier pour les affairescommerciales. La répression qu’exerce l’autorité du comptoir sur un village, si ellepeut émouvoir les villages alentour, n’entame pas la détermination des Fang àrégler eux-mêmes et par tous les moyens leurs querelles. Devant ce qu’ils prennenthâtivement pour de l’anarchie, les officiers font donc l’amer constat que ladémonstration de force, à la suite du pillage de l’Oise, n’a pas l’effet désiré sur lesFang. Liant leur avenir à celui du Gabon, Griffon du Bellay émet une réserve quantà leur caractère ombrageux qui, servi par leur énergie, pourrait les rendredifficilement maîtrisables ( 172 ).

La réserve est d’autant plus justifiée qu’à partir de 1865, le mouvement desFang vers la région de l’Estuaire semble s’étendre. L’installation des premiersgroupes n’ayant pas provoqué de difficultés particulières, les villages restés enmarge se risquent à leur tour vers l’aval des rivières, rassurés par la présence desvillages déjà installés. Certains poussent même l’audace à s’installer au-delà despremiers arrivés.

L’impression est amplifiée par le recul des populations anciennes. Une note du22 juin 1865 compte maintenant 10 000 Kele, contre 60 000 deux ans plus tôt;quant aux Mpongwe ils seraient environ 6 500, y compris les esclaves, contre 9 000en 1863 ( 173 ). Laffon de Ladébat explique ce déclin par “ la démoralisationprofonde qui a été le résultat de leur contact avec les Européens ” ( 174 ). En réalité,la chute démographique des Mpongwe s’explique surtout par une épidémie devariole qui frappe toute la région à partir de juin 1864 et sévit jusqu’en 1865 ( 175 ).Devant cette maladie inconnue chez les Gabonais, extrêmement contagieuse etdifficilement soignée même en Europe, la mortalité est très importante et lesvillages se dépeuplent. Mpongwe et Seke, déjà affaiblis par la syphilis et unenatalité faible subissent de plein fouet la maladie.

Plus en retrait des voies d’échanges les Fang sont beaucoup moins touchés.Aussi, au sortir de l’épidémie, les Fang apparaissent-ils plus vigoureux encorequ’auparavant. Ils s’enhardissent sur l’eau, faisant maintenant une concurrence âpreaux courtiers mpongwe. Leur témérité pousse le grand village de Sandjika àattaquer en 1865 une pirogue au confluent du Komo-Bokoué alors même quela Recherche, navire ponton du comptoir, mouille dans les parages. Faute demoyen, la Recherche ne peut intervenir. Libreville envoie d’abord le capitaine defrégate Desvaux sur le Protée pour tenter de soumettre pacifiquement Sandjikamais sa mission échoue. Craignant d’encourager les pillages en laissant Sandjikadans l’impunité, Libreville organise en août une expédition punitive armée de trois

Page 74: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

bâtiments et d’un équipage de tirailleurs aguerris qui détruisent puis obtiennent lasoumission du village coupable ( 176 ).

Nouvelle politique

A partir de 1866, Libreville change de politique dans la réponse donnée auxattaques, qu’elles soient ou non le fait ou non de Fang. Le remplacement en mars1866 de Laffon de Ladébat par Fleuriot de Langle au commandement de laDivision Navale des Côtes Occidentales d’Afrique explique ce changementd’attitude. Il est parfait connaisseur du Gabon dont il a dressé la carte du bassin del’Estuaire en 1843 sous l’autorité de Bouët. Il connaît aussi bien ses populationsdont il donne des descriptions marquées par un intérêt ethnologique. Enfin il aéprouvé la diplomatie des palabres en réglant la réparation de l’attaque deBlanchard par les Seke de la Mondah en 1841. A ce propos, Fleuriot constate que larépression violente ne produit aucun effet durable sur les villages. Plus habilementque ses prédécesseurs, il préconise de prendre des otages et de réclamer larestitution des marchandises pillées augmentée du versement en marchandisesd’une amende. Ce sont principalement des enfants qui sont pris en otage lors desexpéditions punitives. Ils sont confiés aux pères de la mission de Libreville pour yrecevoir une instruction occidentale, dans le but d’en faire des auxiliaires del’administration ( 177 ). En février 1866, il règle ainsi sans heurt deux affaires quimettent en cause des Fang, d’abord dans le Remboué où ils ont arrêté un traitant,puis dans le Komo où ils ont pillé un cotre de la factorerie Pilastre de Libreville( 178 ). D’un autre côté, il pense pouvoir prévenir les pillages dans les rivières etdonc sécuriser le commerce en faisant patrouiller et mouiller régulièrement dans lesrivières des bateaux battant pavillon tricolore.

Par cette politique nouvelle, Fleuriot entend faire reconnaître de manièredurable l’autorité et la souveraineté de la France dans la région ainsi que laprééminence de sa justice dans le règlement des conflits qui opposent sans cesse lesvillages se disputant le commerce dans le Komo et ses affluents.

Page 75: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Chinchoua

Les enjeux du commerce attisent les tensions dans les rivières. Occuper unerive autorise à intervenir sur le passage des convois de marchandises en prélevantune “ taxe ”. Il convient donc pour les villages riverains de résister à l’arrivée desFang. Or, ceux-ci, par le jeu des alliances décrit plus haut, sont parvenus à investirla rivière Bokoué et quelques groupes ont franchi les rivières Lobé et Maga. Enaval, les Mpongwe qui contrôlent le Remboué et le Mbilagone grâce au village deChinchoua sont en proie aux plus vives inquiétudes car les Fang menacent à présentleurs terres.

Page 76: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 28 : Le village de Chinchoua (Griffon, 1865, p. 293).

Le Remboué et son affluent le Mbilagone sont les voies naturelles decommunication entre l’estuaire du Gabon, l’Ogooué et la région des lacs,longtemps empruntées par les convois d’esclaves aux heures sombres de la traite,débouchant à Ngango, assurant la prospérité de ses habitants, la richesse etl’influence politique de son chef, le “ roi ” mpongwe Georges. La chute du traficd’esclaves n’a pas fermé ces routes. Avec l’épuisement progressif des forêts del’Estuaire, elles transportent par l’intermédiaire des Kele vers les factoreries deLibreville les deux tiers des produits exploités maintenant dans les forêts de larégion des lacs, comme le caoutchouc et l’ivoire. Situé sur le confluent duRemboué et du Mbilagone, le village de Chinchoua contrôle cette route stratégiquedu commerce au Gabon ( 179 ). Or, l’épidémie de variole a réduit Ngango à deuxcents hommes et ses habitants n’exercent plus guère d’influence dans la région. Auplus tentent-ils de s’opposer à la présence toute récente du village fang voisin deVisoué. A quatre milles de Ngango, Chinchoua, le village du traitant mpongweOuassango (Onwosango) contrôle le Mbilagone. Devant l’obstination des Fang àprofiter du commerce sur la rivière et dans la crainte de leur établissement durable,Ouassango fait appel à l’autorité française pour contenir le mouvement fang etprotéger les villages mpongwe. Il demande la construction à Chinchoua d’un posteavancé : une tour en pierre qui garantirait l’intégrité des terres mpongwe. ( 180 )

Page 77: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 29 : Le traitant Ouassengo (Griffon, 1865, p. 296).

Tout en estimant le rapprochement des Fang profitable au développement duGabon, Fleuriot tient à ménager les intérêts des Mpongwe qui restent despartenaires indispensables du commerce ( 181 ). Mais par manque d’hommes et dematériel, une telle construction est impossible. Alors, pour assurer les Mpongwe dusoutien de la France, Fleuriot de Langle dépêche Dutaillis sur le Curieux pourorganiser une médiation entre Ouassango et les Fang, laquelle aboutit au moisd’août au retrait des prétentions fang ( 182 ). Ils promettent de ne plus harceler lesvillages mpongwe et de s’établir plus loin, en marge des terres mpongwe ( 183 ).Fleuriot de Langle menace de destruction les villages qui ne respecteraient pas cetengagement.

Goths ou Vandales

Page 78: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Les mises en garde de Griffon du Bellay, les craintes exprimées par lesMpongwe et l’évolution ethnique de la région, incitent Fleuriot de Langle à laprudence quant à la politique à mener envers les Fang. Sa connaissance del’Estuaire lui permet de mesurer l’ampleur du mouvement fang, qui n’avait pasmême atteint Cobangoï en 1843. A présent, toutes les rivières à l’est du Rembouésont peuplées de Fang. Ils représentent la population la plus nombreuse de la régionque Fleuriot estime à 120 000 dont 6 000 Mpongwe, 10 000 Seke, 10 000 Kele et60 à 80000 Fang ( 184 ). Et le flux de migrants ne semble pas tarir, vérifiant lespropos rapportés par Walker en 1848 ( 185 ). Une vive émotion frappe lesOccidentaux qui se laissent gagner par une fascination aveugle. Fleuriot comparel’arrivée des Fang à un “ déluge de Goths ou de Vandales ”, parallèle, dont lafâcheuse postérité sera discutée plus tard ( 186 ). Les Blancs louent leur beautéphysique et leur vitalité : “ ils ont du sang plus frais dans les veines ” et notentqu’ils conservent certains caractères originaux : polygamie moins fréquente qu’à lacôte, mariages tardifs, structures sociales plus affirmées sans oublier leur réputéeanthropophagie sur laquelle la plupart des observateurs sont irréductibles,encouragés par des récits spectaculaires ( 187 ). Cette vision déformée les conduitaussi à craindre l’établissement de contacts réguliers à la côte avec les Occidentauxdont ils épousent les vices sans en retenir les vertus ( 188 ) ; ainsi qu’avec lespopulations côtières dont les alliances affaiblissent leur authenticité et pervertissentleurs traditions ( 189 ).

La bonne intelligence avec les Fang pour l’avenir du Gabon est plus que jamaisindispensable. Aussi Fleuriot s’attache-t-il à visiter personnellement les villages oùil vainc petit à petit la défiance des Fang que leur cause l’ancienneté des liens quiunissent les Français aux Mpongwe ( 190 ). Il reçoit l’assurance de leur volonté departiciper pacifiquement au commerce et leur soumission spontanée, les Fang nenourrissant aucune rancœur à l’égard de l’autorité française, qui n’est pas la cibledes manifestations violentes dont ils se rendent coupables. A propos de cesrèglements de compte, il obtient des chefs la promesse qu’en matière de justice ilss’en remettent à l’officier de la Recherche qui stationne dans le Haut-Komo ( 191 ).Enfin, il engage des enfants fang sur un navire de la station espérant en faire lesauxiliaires de la politique française au Gabon.

L’Okanda

Page 79: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

L’habileté politique de Fleuriot est récompensée par l’absence pendantplusieurs mois de conflits graves dans l’Estuaire. Il répond ainsi aux attentes desfactoreries qui peuvent faire circuler les produits dans une relative sécurité. Maiscette tranquillité tempère mal les difficultés du commerce qui augmentent au milieudes années 1860, avec la nécessité de s’approvisionner de plus en plus loin. Lesfactoreries envisagent dès lors d’installer de nouvelles succursales au plus près deszones de production. Encore mal connu, l’Ogooué attire les convoitises. Son bassininférieur avec la région des lacs fournit déjà une grande part des produits exportés.

Après les reconnaissances de Serval en 1862 et de Genoyer en 1864 quicherchent à relier par la meilleure route l’estuaire du Gabon à l’Ogooué, RobertBruce Walker, représentant de la très active maison Hatton et Cookson deLiverpool installée à Glass, tente à son tour l’exploration du fleuve depuis leGabon. Il veut ainsi atteindre directement les populations du moyen fleuve,notamment les Jumba, en dépassant les traditionnels intermédiaires ruineux quijalonnent les rives, Nkomi, Rungu, Galwa et Enenga. Il veut aussi remonter lefleuve le plus loin possible et peut-être atteindre, par une voie terrestre vers l’est, leCongo dont le cours moyen reste mystérieux ( 192 ).

Après avoir subi la mauvaise volonté de Denis et la duperie d’Ouassengo dansla constitution de sa caravane, Walker quitte finalement Chinchoua le 6 février1866. Il remonte le Remboué, guidé par un Mpongwe (Rabiénlo) jusqu’au villagekele d’Allonia où il embauche quarante porteurs ( 193 ). Pendant quatre jours ilemprunte un chemin reliant le Remboué à l’Ogooué, parcouru ordinairement par lesKele pour le commerce du caoutchouc et de l’ivoire, ponctué de hangars servant dedépôts de marchandises. Abandonné et pillé par ses porteurs le soir du cinquièmejour, il réussit à atteindre l’Ogooué six milles au-dessus du confluent du Ngounié le13 février ( 194 ). Redescendant le fleuve, il visite le chef des Enenga Rempolé (Ra-nya-nyuml’inlongâ) à Alégouma, entre la rive gauche et le lac Zilé. Confiant sonprojet de remonter l’Okanda, Rempolé promet de l’aider contre la promesse de“ fonder un comptoir ” à Alégouma.

Page 80: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 30 : Itinéraire de Walker, de Chinchoua à l’Ogooué (1870).

Page 81: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 31 : Rempolé (Fleuriot de Langle, p.274).

Mais il faut avant tout à Walker obtenir l’accord de Rénoqué, puissant chefenenga d’Ilemba Réni, en dessous d’Alégouma ( 195 ), dont la famille contrôlel’accès à l’Okanda ( 196 ). Or, Rénoqué est absent ; depuis quatre mois il est enaffaire dans l’Okanda ( 197 ). Walker doit donc patienter, attendant que Rempolés’entremette auprès de Rénoqué ( 198 ).

Figure 32 : Rénoqué (Fleuriot de Langle, p. 274).

Il en profite alors pour visiter Adanlinanlongo, où réside Ncombé, dit le roi-soleil, chef des Galwa, et remonter la Ngounié. Il y note que les Kele ont délogé lesVili puis les Veya et Isyaga ( 199 ). Il doit finalement attendre le 21 juillet pours’élancer vers l’Okanda, accompagné de Rempolé. Atteignant le confluent del’Abanga le 25 juillet, il y note la présence de villages kele, tandis que la partiesupérieure de la rivière est occupée par des Fang ( 200 ). Plus haut, il apprend que lesFang occupent les deux tiers du pays depuis le Bokoué et le fleuve, tandis que lesrives sont tenues par les Kele. Il parvient le 1er août à Edibé, grand village kota,près du confluent de l’Okano.

Page 82: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 33 : N’Combé (Fleuriot de Langle, p. 274).

Walker rapporte de son voyage une quantité impressionnante d’informationsqui sont à la base des expéditions futures. Il retient la situation ethnique du hautfleuve : après Edibé, la rive droite du fleuve est gardée par les Kota. En arrièrepoussent les Shiwa. En face sont installés les Kele. Viennent ensuite sur les deuxrives les Pinzi dont le pays est couvert de prairies. La pression des Shiwa quidescendent depuis le nord y est si forte que les Pinzi songent à abandonner leursterres et à partir vers la Ngounié. L’attrait du commerce, notamment de l’ivoire, estla cause de cette descente shiwa vers le fleuve ( 201 ). Les Kande succèdent auxPinzi sur les deux rives. Ils achètent aux Shiwa l’ivoire qu’ils écoulent vers la côtepar l’intermédiaire des Fang, puis des tribus côtières. La rive droite est ensuiteoccupée par les Osyebo, tandis que les Duma sont établis sur la rive gauche. Apartir du pays duma, le fleuve devient libre de tout obstacle. Il y reçoit deuxaffluents majeurs, l’Ivindo et la Sébé. Plus loin encore, “ une grande cataracte,appelée Pûlûna [Poubara], se trouve dans le fleuve au territoire des Osyéba ” ( 202 ).Au-delà enfin, les rives sont tenues par les Mbama. Quant à la source de l’Okandaencore inconnue, il doit s’agir d’un des grands lacs d’Afrique Centrale ( 203 ) .

Bien qu’il n’ait pu remonter l’Okanda aussi loin qu’il le désirait, l’expéditionde Walker est un succès qui ouvre une ère nouvelle pour la colonie du Gabon. Ellecomprend son intérêt à poursuivre l’entreprise de l’anglais. Dès 1867, Fleuriot deLangle envoie vers l’Okanda Aymès, lieutenant de vaisseau, avec pour missiond’étudier les meilleures positions en vue de l’installation de comptoirs. Aymèss’embarque sur le Pionnier le 25 avril 1867 accompagné de Walker. Bien qu’ilremonte l’Ogooué depuis l’Océan, il retient l’avantage d’une route par le Remboué( 204 ).

Visités pour la seconde fois en moins d’un an, Rempolé et Rénoqué, vantantles quantités inépuisables dans l’Ogooué des produits tels que le caoutchouc, lesbois, la cire ou l’ivoire, réclament la visite régulière des Blancs qu’ils sont désireuxde voir s’installer durablement sur leurs terres. Ce qui leur permettrait d’accéderdirectement, donc à moindre prix, aux biens européens. Une fois assuré de leur

Page 83: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

soumission à l’autorité française, Aymès prend possession le 17 mai 1867 de laPointe Oïndo et des quatre îles N’Condjou qui gardent l’entrée de la Ngounié ( 205 ).Mais, une fois de plus, Rempolé et Rénoqué sont résolument hostiles à lapénétration des Blancs dans l’Okanda. Par des stratagèmes aussi fallacieuxqu’inefficaces, ils tentent de ralentir la marche d’Aymès qui parvient toutefois le 18mai jusqu’aux îles Zora Cotcho, ultime point de cette expédition.

Aymès retient de sa mission l’intérêt d’installer des comptoirs aux portes del’Okanda en se gardant de heurter les populations en place et en gagnant leurconfiance ( 206 ). Ces comptoirs doivent sécuriser le commerce et favoriser undéveloppement à une échelle beaucoup plus importante que ne le permet la régionde l’Estuaire, en donnant huile de palme, cire, ébène, caoutchouc et ivoire. Enoutre, il attirera à la civilisation les populations mystérieuses, comme il a déjà attiréles Fang vers l’estuaire du Gabon ( 207 ).

Page 84: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 34 : Carte des possessions françaises de l’Afrique Equatoriale (Fleuriot,1969).

Quelque temps après l’expédition d’Aymès, le vœu des Enenga est exaucé. Lamaison de Hambourg Woermann, déjà présente à Glass, ouvre une factorerie àAdanlinanlongo, en face d’Alégouma, bientôt suivie par Hatton et Cookson. Lamaison anglaise John Holt ouvre ensuite une autre factorerie près d’Ilemba Réni.

Page 85: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 35 : Adanlinanlongo (Marche, 1878, p. 369).

Vers un calme précaire

Les conséquences de ces implantations sur les déplacements des Fang ne sontpas immédiates. Certes, quelques villages fang sont localisés aux abords del’Ogooué, mais leur installation est récente ( 208 ). Leur présence, signalée pour lapremière fois par Fleuriot de Langle en décembre 1866, provient de la volonté dequelques groupes installés entre l’estuaire du Gabon et l’Ogooué, de remonter lesroutes commerciales via le Remboué ou le Bokoué pour rejoindre la région deLambaréné ( 209 ). Mais les coups de traites qui s’opèrent encore dans la région deslacs et vers l’océan, tempèrent l’ardeur des migrants autant que l’éloignement deleurs clans d’origine. Le mouvement est donc trop faible et n’inquiète pas lespopulations en place, notamment kele.

Dans le Komo, la présence française, qui sécurise à la fois le commerce et lesdéplacements, augmente la confiance des Fang envers l’autorité du comptoir àlaquelle ils continuent de se soumettre sans préalable ni condition. La poussée fangy est constante, encouragée par le trafic avantageux d’ivoire qui reste le produit leplus cher à l’exportation ( 210 ) et l’un des rares à n’être pas épuisé ; la région

Page 86: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

comptant encore de nombreux troupeaux, au moins jusqu’en 1876 ( 211 ). De trèsnombreux villages seke et kele ont ainsi été assimilés ( 212 ). Tout le Haut-Komo,que reconnaît Roullet en 1866, est habité par des Fang. Ils font de pénibles voyagesqui peuvent durer plusieurs mois pour gagner ses sources où abonde le minerai defer ( 213 ). Dans le bas-Komo, seuls trois villages seke et cinq villages kele dans leRemboué résistent ( 214 ). Quant au bassin inférieur, à partir du confluent duRemboué, l’affaire de Chinchoua a révélé que les Mpongwe ne sont plus encapacité d’empêcher l’installation fang sans l’aide des Français. A vrai dire, lesOccidentaux sont convaincus de leur disparition prochaine ( 215 ).

Figure 36 : Chasseurs Fang (Compiègne, 1874).

Au début de 1867, Fleuriot de Langle convoque les différents chefs mpongwe( 216 ). Il les engage à des rapports plus coopératifs tant envers l’administrationqu’envers les Fang, afin que cessent toutes les entraves au commerce dont ils serendent coupables, notamment la mauvaise foi des négociants et surtout lesenlèvements d’otages qui alimentent fréquemment les marchés d’esclaves vers leCap Lopez et provoquent chaque fois des agitations et des coups de force ( 217 ).

Page 87: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

L’intervention de Fleuriot de Langle est sans effet. La tension reste forte dansle Remboué, principale zone de contact entre Fang et Mpongwe. Les conflits setraduisent par la fermeture de la rivière que gardent des hommes armés, interdisanttout mouvement. Ils bloquent ainsi les échanges et tirent sur les piroguescontrevenantes. En août 1867, Fleuriot envoie leProtée dans le Remboué pour yrétablir les relations. Il est attaqué devant Cocojé, le plus grand village fang de larégion. Le lieutenant de vaisseau Poudra, commandant le navire, est blessé à lacuisse par un lingot de fer. L’affaire est aussitôt réglée par une démonstration deforce et Bitta, le chef de Cocojé, devient aussitôt l’allié fidèle des Français. ( 218 )

Les conflits ne s’arrêtent pas pour autant mais leur gravité s’estompe. Lesalertes sont passagères. Fang et Mpongwe acceptent la médiation de l’autoritéfrançaise pour rendre la justice ( 219 ). Un calme précaire semble s’installer pourquelques mois dans l’Estuaire.

Le Mouni

Le souci constant des commandants du Gabon est d’éviter les conflitsmenaçant les rivières de l’Estuaire qui draine la quasi-totalité des marchandisesvers les comptoirs de Libreville et Glass. Il faut montrer régulièrement le pavillonfrançais auquel se soumettent en général les riverains. Mais l’effectif de la divisionnavale ne permet pas de manière permanente le détachement d’un navire dans lesrivières, ce qui permettrait pourtant de régler sans tarder les querelles. Dauriac, quisuccède à Fleuriot en avril 1868, fait à son tour l’amer constat du manque demoyens en matériel et en hommes pour garantir le calme dans les territoires quecontrôle la France ( 220 ).

Aussi, malgré les efforts accomplis pour réduire l’insécurité dans les relationscommerciales, les factoreries prennent-elles conscience de l’incapacité de l’autoritéà établir la tranquillité totale dans la région. Elles décident, à l’exemple de Walker àLambaréné, d’ouvrir des factoreries secondaires au plus près des zones à fortpotentiel d’exploitation et ainsi d’assurer elles-mêmes le convoyage vers l’Estuaire( 221 ). Cinq factoreries anglaises, dont Hatton et Cookson, implantent ainsi des“ succursales ” dans le Fernan Vaz, au sud du delta de l’Ogooué. D’autres dirigentleurs activités vers le nord, dans l’estuaire du Mouni et sur les îles Elobeyalimentant une longue querelle diplomatique entre la France et l’Espagne ( 222 ).

Page 88: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

En plus du motif sécuritaire, l’éloignement de l’Estuaire de certainesfactoreries s’explique par l’obligation de l’administration locale de trouver desressources propres suite à la diminution des subventions de la Métropole ( 223 ). Lesystème de franchise mis en place aux premières heures de la colonie pour attirerles navires est aboli. Depuis le 1er janvier 1867, les négociants et les détaillantsdoivent acquitter annuellement une patente et les cabaretiers payer une licence . Lesrevenus de la colonie passent ainsi de 6 000 francs en 1866 à 16 800 francs en1867. D’autre part, l’activité des factoreries françaises étant toujours aussi faiblepar rapport aux maisons étrangères, le ministère de la Marine décide de taxer de 4%à partir de 1868 les produits d’exportation au Gabon ( 224 ). Les factoreriesréagissent en demandant de payer plutôt un droit d’ancrage mais l’administrationrefuse la substitution. Elles dirigent donc les produits, via la rive droite du Komo etla Mondah, vers la côte nord où l’Espagne laisse le commerce libre. En réponse,l’administration décide d’implanter un poste de douane dans la Mondah pourcontrôler et taxer les convois qui évitent l’Estuaire.

Depuis les premiers temps de l’installation occidentale sur les îles Corisco etElobey, l’estuaire du Mouni draine une activité commerciale croissante qui attire àla côte les producteurs, désireux d’échapper aux courtiers en se rapprochant desfactoreries et obtenir à moindre prix les produits d’importation. La situation dansl’estuaire du Mouni est alors analogue à celle qui a été décrite plus tôt auGabon. Les courtiers, qui appartiennent à l’ethnie Seke, oeuvrent pour conserver lemonopole de leur activité et empêcher l’installation des producteurs, qui sont Fang.Déjà en 1856, remontant le Mitemboni lors de son excursion vers les villages fang,Du Chaillu s’était heurté à l’hostilité des chefs seke riverains qui invoquèrent lesprétextes les plus fourbes pour l’en dissuader. ( 225 )

En dix ans, la migration de saut de puce a conduit les premiers villages fang às’établir dans l’estuaire du Mouni, puisque dès 1866, Fleuriot note que les Fangapparaissent à la côte depuis “ Banocko [village du Mouni en face du cap Saint-Jean] jusqu’à l’Ogoway ” ( 226 ).

Moins de trente ans après leur apparition dans le bassin de l’estuaire du Gabon,l’implantation récente des factoreries au Mouni renforce l’autre voie de migrationfang qui les amène vers l’ouest, directement à la côte atlantique.

Echec politique

Page 89: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

L’apparition des premiers groupes fang sur l’estuaire du Mouni ne perturbe pasl’autorité française. Elle est pour l’heure beaucoup plus préoccupée par la situationau Gabon qui entrave sérieusement l’avenir de la colonie. La politique élaborée à lasuite de l’affaire de Chinchoua, qui consiste à faire respecter la “ zoned’exclusion ” des terres mpongwe en empêchant les Fang de s’y installer, est unéchec. Le calme dans les rivières n’est qu’apparent. En fait, les querelles surgissentconstamment ( 227 ). Prudents, les Mpongwe qui traitent pour les maisons de Glasset Libreville ont suspendu depuis plusieurs mois leurs relations avec l’intérieur etattendent le retour du Pionnier en septembre 1868 pour repartir dans les rivières( 228 ).

Dans les premières semaines de 1869, les pillages reprennent. Dauriac,Commandant de la Station Navale, doit envoyer la Lance dans le Remboué pourpunir le village fang de Diakoulé, non sans peine ni violence puisqu’elle estattaquée. Elle doit se dégager en ouvrant le feu pendant une heure, puis revenirpour, finalement, obtenir réparation et soumission ( 229 ). Puis en mai 1869, Dauriacdoit dépêcher les quatre petits bâtiments de la division dans les rivières pour yramener le calme ( 230 ).

L’attaque de la Lance et les affaires précédentes qui mettent en cause les Fangsont clairement analysées par Duperré, successeur de Dauriac en décembre 1869,dans un long rapport au Ministre de la Marine daté du 19 février 1870, soitquelques semaines à peine après sa prise de fonction. Après avoir noté combien lesFang sont soucieux de se placer sous l’autorité de la France et désireux decommercer avec les différents partenaires de l’Estuaire, il dénonce les traitants quiagissent pour le compte des factoreries. Les fourberies dont ils se rendent coupablesà l’encontre des Fang sont toujours à l’origine des désordres qui agitent les rivières.Malheureusement l’identité des coupables n’est pas toujours recherchée et parfoisles représailles fang s’abattent sur des tiers. Ainsi s’explique l’attaque dela Lance ( 231 ).

Conscient des difficultés économiques de la colonie, Duperré invite le Ministreà reconsidérer la politique de la France au Gabon, à se départir du clan mpongwe età permettre enfin aux Fang de s’installer au plus près des comptoirs ( 232 ). Sonpropos est nourri des mêmes arguments avancés vingt ans auparavant : la fin ducourtage réduirait les prix et obligerait les Mpongwe à se convertir à l’agriculture.Quant aux factoreries, il les invite à prendre leurs responsabilités dans les affairesde pillages et à mieux armer les convois qu’elles envoient dans les rivières ( 233 ).

La justesse de l’analyse de Duperré est confirmée par le fait que les tensionséclatent toujours dans les zones d’échange. Ainsi, en avril 1870, Duperré envoiel’Obus dans le Fernan Vaz pour mater une agitation dont l’origine est sans doute iciencore le contrôle du commerce avec les factoreries récemment implantées ( 234 ).

Page 90: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

L’intervention met la colonie devant ses responsabilités. La station navale duGabon doit maintenant assurer la sécurité du vaste territoire qu’elle entendcontrôler : estuaire du Gabon, Ogooué, Cama, Cap Lopez et Fernan Vaz, où seheurtent les intérêts des courtiers, producteurs et négociants qui tous cherchentfarouchement à tirer meilleur profit de leur activité et n’hésitent pas à régler leslitiges par la force, l’enlèvement, le vol et le pillage. Pour asseoir son autorité, lastation navale réclame sempiternellement des moyens supplémentaires.

Difficultés de la station navale

La défaite française de 1870 et la crise qui s’en suit dissipent tout espoir derecevoir les moyens humains et matériels qui permettraient le développement àlong terme du Gabon. La première mesure prise en Métropole par le nouveaurégime, concernant ses colonies, est d’en diminuer considérablement les crédits( 235 ). Le budget local de la Côte d’Or et du Gabon passe de 458 900 à 62 000francs ( 236 ). Libreville doit compter sur les recettes fiscales pour survivre. Lescomptoirs de Grand-Bassam dépendant du Gabon, Assinie et Dabou sont évacuéssans toutefois que la souveraineté française y soit abandonnée ( 237 ). Une nouvelleorganisation administrative oblige le Commandant particulier du Gabon, uncapitaine de frégate, à remplacer le Commandant Supérieur de la Division, absentla plus grande partie de l’année ( 238 ). A Libreville, l’économie est d’abord réaliséeen réduisant sérieusement le personnel. La garnison ne se compose plus que detrente laptots, en plus de la compagnie de débarquement de la Cordelière, dontcertains sont détachés pour assurer autant qu’ils le peuvent les fonctions de police,de douanes et d’impôts ( 239 ). Les fonctions de justice échoient au CommandantParticulier. La première conséquence est que la station navale ne peut envoyerrégulièrement de patrouilles dans les rivières. Son autorité s’en trouveconsidérablement réduite, d’autant que les postes de douane installés depuis peu àNazaré, près du Cap Lopez, et dans la Mondah sont fermés à la fin de 1870. Seulsrestent actifs les postes de Libreville et du Fernan Vaz ( 240 ).

Les difficultés de la station navale encouragent, parmi les populations del’Estuaire, une agitation à laquelle n’est pas étrangère l’action des négociants qui,sachant les limites de la répression française et en l’absence du passage desbâtiments français, tentent par courtiers interposés quelques mauvais coups dont lesvictimes peuvent facilement se rendre justice ( 241 ).

Page 91: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Les factoreries se passent de l’escorte française. Elles maintiennent malgré toutleur activité grâce à l’efficace réseau dans l’Ogooué et le Fernan Vaz de factoreriessecondaires. Les marchandises qu’y déposent les producteurs sont relevées tous lestrois ou six mois par des vapeurs qu’ils prennent soin d’armer puissamment pourrépondre à d’éventuelles attaques. Au nord, cinq factoreries anglaises désireusesd’échapper aux droits d’exportation se sont établies sur l’île d’Elobey. Ellesaugmentent l’intensité du commerce dans l’estuaire du Mouni qui du même coupbaisse dans l’estuaire du Gabon. A ce titre, le contentieux franco-espagnolembarrasse Duperré qui y voit un danger pour l’avenir déjà fort compromis duGabon ( 242 ). Mais la Métropole reste sourde à ses demandes. Elle envisage, à partirde 1871, l’évacuation du Gabon où trente ans d’occupation n’ont pas permis lamise en exploitation des richesses naturelles du pays. Le manque de main-d’œuvreest un frein insurmontable au développement. Enfin, l’économie reste dominée parles Anglais ( 243 ). Seule l’excellence du mouillage diffère l’évacuation.

Les crédits de la colonie consacrés à l’entretien du matériel sont égalementdiminués. Au mois de janvier 1872, la station navale ne dispose plus que d’un seulbâtiment sur cinq : l’Obus, la Lance et la Rosée sont condamnés, le Pionnier est enréparation ( 244 ). Libreville doit limiter son autorité aux rivières de l’Estuaire où laprésence d’Aymès, chargé d’une reconnaissance hydrographique, maintient unerelative tranquillité ( 245 ). De son périple, Aymès produit un rapport trèscirconstancié sur les différents clans fang qui se sont installés dans la région. Il ynote leur suspicion à l’égard des Français qu’ils croient favorables aux Mpongwe( 246 ). Conscient des faibles moyens dont dispose la station, il préconiseprudemment de n’intervenir dans les conflits entre Fang et Mpongwe qu’en cas demenace sur Libreville ou sur les maisons de commerce ( 247 ). Or, en novembre1872, des Fang attaquent quatre embarcations de négociants dans le Komo,entraînant la cessation des échanges ( 248 ). Remis en état sur les entre faits,le Pionnier rétablit le calme et saisit plusieurs fusils dans le village fang de Bumbasur le Komo ( 249 ).

Dans le même mois, le Pygmée est désarmé, ne laissant à nouveau à la Stationqu’un seul bâtiment en service.

Evolution de l’estuaire

Page 92: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

A la suite de l’intervention du Pionnier, les rivières connaissent une nouvellepériode de calme pendant laquelle l’installation des Fang se poursuit en directiondu littoral gabonais ( 250 ). Au début de 1873, Du Quilio nouveau commandant de lastation navale, envoie le lieutenant de vaisseau Guisolfe pour un voyage dereconnaissance dans le Fernan Vaz sur le Marabout. A bord prennent place deuxnaturalistes, Alfred Marche et Victor de Compiègne, qui ont monté une expédition,avec l’aide du naturaliste Bouvier et de la Société de Géographie, pour remonterl’Okanda qu’ils croient couler des grands lacs d’Afrique centrale ( 251 ).Le Marabout visite les différentes factoreries tenues par des Occidentaux etconstate qu’à proximité se sont implantés quelques villages fang qui alimentent lecommerce en ivoire ( 252 ). Plus haut, apparaissent sur la rive droite les premiersvillages fang ( 253 ). Au nord du Gabon, les factoreries établies en territoire espagnolattirent les Fang sur la Haute-Mondah qui produit le bois rouge, et dans l’estuairedu Mouni au milieu des villages seke ( 254 ). Dans le Haut-Komo, l’équilibrepolitique instauré depuis les premières installations fang au milieu des villages keleet seke est remis en question avec l’arrivée de nouveaux migrants fang quidisputent aux villages en place les points de contrôle du commerce, comme l’île deNingué-Ningué. Des troubles surgissent entre Fang et Kele et entre les Fang eux-mêmes, vite réglés par la médiation pacifique de Libreville ( 255 ). Dans l’estuaire duGabon, les terres mpongwe de la rive gauche sont grignotées. Chinchoua est àprésent sous domination fang ( 256 ). Les Fang progressent jusqu’au sud de Denis oùcinq villages se sont implantés ( 257 ). Leur avance se fait au gré d’alliancesmatrimoniales contractées auprès des chefs mpongwe ( 258 ). La situation sur la rivegauche est donc particulièrement délicate puisque aux tensions entre Fang etMpongwe, se mêlent des vieilles rancœurs de quatre ou cinq ans ( 259 ). S’ajoutentenfin les conflits entre clans fang qui se traduisent ordinairement par des pillages,des enlèvements de femmes, etc. ( 260 ).

Outre ces conflits insolubles, l’autorité coloniale s’inquiète de l’évolutionéconomique de l’Estuaire où l’implantation des factoreries secondaires est en passed’éliminer définitivement le courtage, supprimant du même coup l’activitéessentielle de beaucoup de villages riverains. Certains ex-courtiers convainquent lesfacteurs de leur confier une charge de traitant et obtiennent des crédits importants( 261 ). Les éconduits sont tentés de combler par la force la perte de leurs revenus,poussés parfois par les traitants eux-mêmes ( 262 ). Déjà affaiblie, Libreville craintsérieusement une détérioration de la situation qui ralentirait le commerce etcompromettrait la perception des droits de douanes. Et ce, au moment où lesofficiers de la station navale préparent dans le plus grand secret l’évacuation duGabon que, dès septembre 1873, le Ministre de la Marine a fixé au 1er janviersuivant ( 263 ).

Pendant ces préparatifs, plusieurs facteurs décident la Métropole à surseoir àl’évacuation du Gabon. En premier lieu, même si elle est essentiellement tenue parles Anglais, l’activité économique du Gabon génère des taxes et des revenus dedouanes non négligeables, ne serait ce que par les droits d’importation et

Page 93: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

d’exportation. Ensuite, Mgr Bessieux, Vicaire apostolique des deux Guinée, en têtedes missionnaires français, est résolu à poursuivre leur œuvre évangélisatrice. Ilrefuse le projet que lui soumet la station qui veut évacuer le personnel maisconserver sa souveraineté sur le Gabon : elle voudrait que la mission se substitue àl’administration coloniale pour recouvrer les impôts et les droits de douanes tout enmaintenant l’occupation française ( 264 ). Enfin, le milieu scientifique s’émeut del’abandon possible du Gabon au moment où Marche et Compiègne s’apprêtent àremonter l’Okanda qui doit les mener jusqu’au cœur de l’Afrique ( 265 ).

Figure 37 : R. P. Bessieux.

Pendant plus de trente ans d’occupation française, l’activité économique dansle bassin du Komo a drainé vers la côte les populations de l’intérieur, attirées par laperspective d’un commerce plus lucratif, désireuses de passer outre la fouled’intermédiaires qui inexorablement n’a cessé de se réduire au fur et à mesure del’avancée des producteurs vers les comptoirs. Derniers vestiges d’un commerceséculaire, le courtage disparaît au début de la décennie 1870 et avec lui lasuprématie des Mpongwe, vieux partenaires de l’installation française sousl’équateur. Seul l’ancienneté des rapports leur permet de conserver les quelquesterres que les Fang sont empêchés d’occuper par l’autorité coloniale. Continuantd’affluer dans la région, les Fang doivent maintenant renoncer à bousculerl’échiquier ethnique figé dès cette époque, et s’arrêter dans l’interstice des terresdéjà prises, acculant les Seke au nord de Libreville et achevant d’assimiler les Kelede l’Estuaire.

Dans le même temps, le commerce a vidé les forêts avoisinantes et favorisé ledéplacement de l’activité au plus près des producteurs, plus loin dans les terres.L’ouverture de l’Ogooué, d’abord par le Remboué et le Bokoué puis parl’Atlantique, a permis aux maisons de commerce d’implanter des factoreriesjusqu’aux portes de l’Okanda, à Adanlinanlongo, dernier centre avant les terresinconnues. Déjà, des villages fang s’installent alentour.

Page 94: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

L’expédition de Marche et Compiègne et son impact, tant sur les populationslocales et occidentales que sur le développement du commerce, va accélérerl’implantation fang sur le cours moyen du fleuve, imprimant une directionméridionale à la migration fang.

Vers l’Ogooué 1873 -1878

Figure 38 : Cours approximatif de l’Ogooué (Compiègne, 1874).

Depuis fort longtemps, et bien avant l’implantation des factoreries, l’Ogoouéest une artère essentielle du commerce dans la région de l’équateur. Le fleuve

Page 95: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

draine vers l’Atlantique, depuis les plateaux Batéké, les produits exploités dans sesforêts : l’ivoire, l’ébène, la cire… et surtout les esclaves, par un réseaud’intermédiaires identique dans le principe à celui observé dans le Komo : lapossession d’une rive permet au village d’exiger une “ taxe ” pour le passage desconvois et de garantir sans labeur la richesse aux chefs locaux qui s’assurent dumême coup une puissance politico-religieuse infaillible. Les querelles sont donctout aussi nombreuses que le blocage des convois ou les pillages.

Cependant, les conditions du commerce y sont différentes, d’abord du fait de lanavigabilité du fleuve, qui subit une amplitude de la hauteur de ses eaux enfonction des saisons. Alors que dans le Komo et l’Estuaire le commerce est réguliertout au long de l’année, dans l’Ogooué, en amont de la Pointe Fétiche, seule lasaison des hautes eaux permet de franchir les rapides. Ensuite le réseau desintermédiaires n’est pas aussi dense que dans le Komo et ses affluents. Le courtagele plus pesant concerne essentiellement le cours inférieur de l’Ogooué depuis ledelta et les lacs jusqu’au confluent avec le Ngounié et la Pointe Fétiche. Au bout dela chaîne se trouvent les négociants qui depuis une dizaine d’années ont installé desfactoreries dans le Fernan Vaz et ont considérablement augmenté le volume deséchanges dans la région ( 266 ). Les courtiers cama, rungu, nkomi, leur acheminentles produits qu’ils échangent contre des marchandises occidentales avec les Galwaet Enenga, lesquels traitent ordinairement avec les Kele de Sam Kita ( 267 ). Galwaet Enenga sont également en relation avec les Kande qu’ils visitent au mois denovembre, à l’occasion d’un “ marché ” annuel à Lopé, où l’on troque l’ivoire, lecaoutchouc et surtout les esclaves ( 268 ).

Dans les premières années de la décennie 1870, les connaissances occidentalessur le principal fleuve du Gabon sont encore limitées. L’immensité de sonembouchure et l’éparpillement de ses eaux dans la région des lacs arpentés parServal et Griffon du Bellay (1862) laissent croire à un fleuve descendantdirectement d’Afrique centrale. Pendant longtemps, la Pointe Fétiche et leconfluent avec le Ngounié est l’obstacle infranchissable que gardent jalousementles courtiers enenga et galwa, jusqu’à ce qu’en 1866, poussé par son espritd’entreprise, Walker les dépasse de quelques milles ( 269 ), suivi l’année d’après parAymès, ouvrant ainsi de nouvelles relations vers “ l’Okanda ”. Aussitôt, les grandesmaisons de commerce se succèdent dans la région pour y implanter des factorerieset échapper au courtage jusqu’au Fernan Vaz. La maison John Holt implante unefactorerie sur la rive opposée du fleuve, tenue par l’anglais Hills ( 270 ). Puis Walkerouvre une nouvelle factorerie à Lombaréni (Lambaréné) pour satisfaire les voisinsEnenga et leur chef Rénoqué ( 271 ). Les marchandises récoltées sont expédiéesrégulièrement vers l’Atlantique, via le Fernan Vaz où les factoreries setransforment en simples entrepôts au grand désarroi des populations côtières quiperdent peu à peu leur rôle d’intermédiaires dans le commerce vers l’Ogooué.L’activité y dépasse rapidement celle des Komo, Mondah et le Fernan Vaz réunis

Page 96: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

( 272 ). En 1873, l’infatigable facteur anglais accompagné de Schültz, représentantde la maison Woermann, atteint Lopé, aux “ Portes de l’Okanda ”. Il laissenéanmoins en suspens l’énigme des sources de l’Ogooué.

Les renseignements sur les populations riveraines sont peu crédibles carrecueillis dans le cadre des relations de commerce auprès des courtiers fort jalouxde conserver leur monopole d’intermédiaires avec les producteurs. Ils permettentcependant de distinguer les ethnies : au-delà de Samkita la rive gauche est habitéepar les Kele, puis sont les Kota et les “ Okanda ” (Kande). Plus loin les rives sontgardées par les affreux “ cannibales Ossyéba ” (Shiwa), au-delà desquels vivent lesDuma, réputés pour leur connaissance du fleuve et leur talent de pagayeurs, enfin leHaut-Ogooué est teke. Les Fang occupent la région comprise entre la rive droite dubassin inférieur de l’Ogooué et l’Estuaire, ils poussent également vers le sud, attirépar le commerce au Fernan Vaz ( 273 ). En amont, ils habitent le pays au nord de larive droite de l’Okanda.

L’expédition de Compiègne et Marche

Quand Compiègne et Marche débarquent au Gabon le 16 janvier 1873, lacolonie traverse de sombres heures de doute pendant lesquelles la Métropole ne luiaccorde aucun d’appui. Consciente de la faiblesse des moyens dont dispose lastation navale, le ministre engage le commandant à ne pas poursuivre l’expansiondu territoire ni la soumission des populations. Aussi refuse-t-il de reconnaître letraité passé en août 1872 entre Du Quilio et Ncombé, d’ Adanlinanlongo. Il estencore moins question pour le gouvernement d’accorder une subvention à Marcheet Compiègne pour leur projet d’exploration de l’Ogooué. Ils ne peuvent compterque sur les financements privés, notamment la vente des dépouilles d’animauxchassés au cours de l’expédition.

Page 97: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 39 : Victor Compiègne (Marche, 1878, p. 408)

Les officiers de la station de Libreville n’en accueillent pas moins avechospitalité les deux explorateurs et mettent à leur disposition les moyens matériels,en particulier sanitaires. Près d’un an est nécessaire à la préparation de l’expéditionau cours duquel Marche et Compiègne accompagnent Guisolfe au Fernan Vaz,sillonnent la presqu’île Denis, parcourent les grands lacs de l’Ogooué et visitent lesîles Elobey où Walker tient sa factorerie principale. Finalement, le 1er novembre1873, ils rejoignent Adanlinanlongo, point de départ de leur voyage, où ilsconsacrent de longues semaines à regrouper le matériel et recruter des porteurs, despagayeurs et des guides parmi les Enenga et les Galwa. Le 10 janvier 1874,l’expédition composée de cinq grandes pirogues s’élance et dépasse la PointeFétiche.

Page 98: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 40 : Grandes pirogues de Marche et Compiègne sur l’Ogooué(Compiègne, 1874).

Après trois semaines de navigation difficile alourdie par les contrariétés nées del’équipage, elle arrive à Lopé, le 27 janvier, où elle doit stationner pendant un moisafin de recomposer la caravane. Compiègne et Marche doivent en effet convaincreles Kande de leur fournir un équipage pour relever les Galwa et Enenga qui neveulent pas remonter plus loin. Or, les Kande hésitent à accéder à leur demande cars’ils craignent la perte de leur monopole par l’arrivée des Blancs dans le haut-fleuve, l’expédition leur donne l’occasion d’un voyage lucratif vers les Duma. Elleleur permet de reprendre les échanges avec l’amont, ralentis par la présence hostiledes Shiwa qui attaquent les convois depuis quelques mois.

Pendant ces préparatifs, Compiègne, accompagné d’un guide kande, entreprendde visiter un village shiwa, situé à douze heures de marche de Lopé. La venue d’unBlanc provoque l’étonnement du chef de village et pour le rassurer sur sesintentions, Compiègne explique qu’il est venu pour acheter de l’ivoire. Pendant lanuit, le village exécute des danses en son honneur. Mais au matin, l’exigence desvendeurs fait échouer la transaction ( 274 ). Impatient, Compiègne décide aussitôt dequitter les lieux quand les villageois armés de lances et de fusils l’encerclent. Ils nese résolvent pas à voir partir un Blanc fâché de chez eux et lui offrent une poule etdes bananes pour le ramener à un meilleur souvenir.

Le 28 février 1874, le convoi s’élance vers les contrées inconnues des Blancs.Le 3 mars, il atteint l’Offoué qui marque la limite des terres kande au-delàdesquelles commence sur les deux rives le pays des Shiwa. Le 7 mars, au pied deschutes Paré (Booué) où ils s’arrêtent, les hommes de l’équipage maraudent lespoissons piégés dans les nasses tendues là par les riverains ( 275 ).

Le lendemain 8 mars, les Shiwa se montrent sur les rives du fleuve faisantnaître d’autant plus de crainte parmi les hommes que le passage est souventdifficile et oblige à tirer les pirogues depuis la rive. La tension retombe quand le 9mars, Compiègne et Marche s’arrêtent à l’invitation de Shiwa pour leur acheter des

Page 99: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

vivres et leur offrir des cadeaux et quand après avoir dépassé les rapides deBangania, les Kande leur donnent la certitude de ne trouver en amont plus aucunpassage difficile jusqu’au pays des Duma qu’ils estiment atteindre avant trois ouquatre jours. Le 10 mars au matin, dans une passe difficile, les pirogues longent larive gauche. Les hommes sont obligés de se haler en s’agrippant aux branches quipendent au-dessus de l’eau. Subitement deux décharges tirées à bout portant depuisla rive frappent le convoi. Dans la panique, des hommes se jettent à l’eau et lapirogue de Compiègne s’échoue. Le convoi se réorganise précipitamment pourrebrousser chemin et revenir au point de départ du matin, où l’on soigne les blessés.Les hommes tiennent conseil.

Résolus à remonter au plus loin l’Ogooué et à affronter l’ennemi, Marche,Compiègne et leurs hommes remettent à flot leurs pirogues. Ils dépassentfinalement le confluent de l’Ivindo et font halte pour déjeuner sur l’île rocheuse quilui fait face. Ils sont alors attaqués une seconde fois, mais ici, la situation est plusdélicate. Les guerriers shiwa sont postés sur les deux rives de l’Ivindo et sur la rivegauche de l’Ogooué, encerclant de leurs tirs l’expédition. Marche est blessé. Lescirconstances et l’équipage convainquent les explorateurs d’abandonnerdéfinitivement leur entreprise, non sans rancœur. La retraite s’opère rapidementsous les coups de feu qui claquent des bords du fleuve jusqu’à Booué, obligeant lespirogues à poursuivre leur descente jusqu’à l’Offoué et ainsi sortir de la zoned’influence shiwa ( 276 ).

Le lendemain, 11 mars, l’équipage fait étape à Lopé, avant de rejoindre unesemaine plus tard Adanlinanlongo où ils attendent le passage d’un vapeur. Deretour à Libreville le 19 mai 1874, Marche et Compiègne quittent le Gabon deuxjours plus tard, amers, mais avec l’espoir de revenir prochainement.

Les résultats de leur exploration de l’Ogooué jusqu’à l’Ivindo ont desconséquences immédiates et déterminantes pour l’avenir de la colonie.

Observations

Hormis leurs séjours à Adanlinanlongo et Lopé, ni Compiègne, ni Marchen’ont longtemps séjourné dans les villages des rives de l’Ogooué, pas plus qu’ilsn’ont exploré les régions traversées. Néanmoins, leurs observations sont précieuses

Page 100: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

car elles transcrivent la réalité politique du fleuve et les tensions qui l’animent dufait notamment de l’arrivée de groupes fang ( 277 ).

Dans l’Estuaire, la visite faite au village de Bohuin, sur la rive gauche,confirme l’implantation des Fang à l’immédiate proximité des derniers villagesmpongwe de la presqu’île Denis. Au sud, les Fang dominent la région qui s’étenddu Komo jusqu’aux grands lacs de la rive droite de l’Ogooué ( 278 ). Récemment ilsse sont installés sur les bords du lac Azingo, au milieu des Jumba, où Walker tientune factorerie secondaire à laquelle ils vendent des bûches d’ébène ( 279 ). Attiréspar le commerce sur l’Ogooué, ils poursuivent la poussée vers le sud et la rivedroite du fleuve. L’activité des courtiers enenga et galwa et leur force politiquegardent pour un temps encore la région autour d’Adanlinanlongo à l’abri desincursions. Mais en amont, les Fang sont aux portes du grand village kele de SamKita où est implantée la dernière factorerie de l’Ogooué, conférant toutel’importance au village ( 280 ). A l’est, les bords du Ngounié sont habités par lesKele puis par des Vili. ( 281 )

Figure 41 : Factorerie sur l’Ogooué (Compiègne, 1874).

Au-delà de Sam Kita, la rive droite est déserte jusqu’à l’Okano mais lecommerce du caoutchouc et de l’ivoire qu’écoulent vers l’aval les grands villageskele attire irrésistiblement sur le fleuve les producteurs qui veulent s’émanciper ducourtage. Les Fang y font de fréquentes incursions non sans inquiéter les Kele qui

Page 101: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

se sont repliés sur la rive gauche ( 282 ). Ils y sont à l’abri tant que les nouveauxarrivants, ne possédant pour l’heure ni pirogue ni connaissance de la navigationfluviale, ne se hasardent sur le fleuve ( 283 ). A partir de l’Okano, la région au norddu fleuve est occupée par les Shiwa, bien que Compiègne ne note aucun villagejusqu’à l’Offoué. Au sud, après les Kele, viennent les Kota (île Kamba et villageEdibé) qui, fuyant la poussée shiwa, se sont installés sur la rive gauche ( 284 ). LesKande ont connu le même sort, ils sont maintenant sur la rive gauche ( 285 ). Aprèsl’Offoué, les Shiwa occupent en maître les deux rives de l’Ogooué, jusqu’à l’Ivindo( 286 ). Leur descente récente sur le fleuve interrompt les relations qu’entretenaientles Kande avec les Jumba, situés en amont ( 287 ).

Figure 42 : Shiwa (Compiègne, 1874, t.2, p. 153).

Ainsi la situation qu’a connu le bassin du Komo pendant près de quarante ansse reproduit dans le cours moyen et supérieur de l’Ogooué au moment oùCompiègne et Marche entreprennent son exploration. Les mouvements depopulations provoqués par l’intérêt du commerce et le désir des producteurs de serapprocher des lieux d’échange expliquent la vive tension qui règne dans la région.Les mêmes procédés de diabolisation employés par les courtiers du bas-Ogoouén’ont pas dissuadé les explorateurs de leur entreprise qui n’en restent pas moinssensibles à la question de l’anthropophagie ( 288 ). Au reste, l’attaque devantl’Ivindo s’inscrit clairement dans le contexte politique du fleuve. Il est dansl’intérêt des Shiwa de contrôler, à partir de leurs positions récemment conquises,les relations dans le fleuve entre les Kande et les Jumba. Or, l’expédition

Page 102: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

comportait six pirogues, essentiellement montées par des Kande. Seule la présencede deux Blancs à bords pouvait retarder, sans l’empêcher, une intervention armée.

Conséquences

Le but premier de l’expédition de Compiègne et Marche n’est pas atteint : leHaut-Ogooué, si proche de Booué, reste inconnu des Blancs. Les résultats sontpourtant satisfaisants à bien des égards. Grâce à leurs chasses, ils enrichissent laconnaissance de la faune du Gabon dont le gorille encore fort recherché, mêmevingt ans après Du Chaillu. Ils améliorent la carte du fleuve en faisant de nombreuxrelevés astronomiques et fixent plus précisément les ethnies riveraines. Enfin etsurtout, le centre d’intérêt de la colonie se déplace vers le sud, de l’Estuaire versl’Ogooué. La déception de l’Estuaire comme voie d’accès vers l’intérieur estdésormais effacée. Les hydrographes les plus enthousiastes estiment que l’Ogoouéest alimenté par les eaux des grands lacs d’Afrique centrale. Aussi, dans la courseque se livrent les nations d’Europe pour explorer le sous-continent, la France croitposséder avec l’Ogooué une voie d’accès au moins égale au Congo, qui vasoumettre et exploiter les pays qu’il baigne ( 289 ). En effet, le Congo qui ouvre surd’immenses territoires n’est pas navigable depuis l’Atlantique, barré par trente-deux rapides tous plus effroyables les uns que les autres ( 290 ). Au contraire,l’Ogooué n’a que des petits rapides parfaitement surmontables par des pagayeurshabitués. Sa chute la plus importante, à Booué, se franchit par portage et au-delà lesKande affirment ne plus rencontrer d’obstacle.

Un mois après le départ pour la France des deux naturalistes, un jeune officierde 22 ans, enseigne de vaisseau auxiliaire, attaché à la division de l’Atlantique Sud,connaisseur du Gabon qu’il arpente depuis 1872, Pierre Savorgnan de Brazza,rédige un projet d’exploration vers le Haut-Ogooué et l’intérieur de l’Afrique. Le23 juin 1874, il l’adresse au ministre de la Marine ( 291 ).

Situation politique au Gabon

Page 103: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Pendant que Marche et Compiègne préparent leur expédition, l’estuaire duGabon connaît des problèmes liés à l’installation des Fang au Gabon qui durcit lesrelations entre les villages en place et les nouveaux arrivants ( 292 ). Déjà difficile, lasituation politique se dégrade à partir de la fin 1873. Les Fang de Chinchouainaugurent une nouvelle période d’agitation en attaquant le cotre de Rochangui, untraitant de Glass. Pour soumettre le village, le Commandant Garraud envoie le 24novembre une escadre, faisant un mort et trois blessés ( 293 ). En décembre, Botrick,agent de la maison John Holt est attaqué dans la factorerie qu’il tient dans le Haut-Komo. Les marchandises sont pillées. L’action aurait été montée par des Kele etdes Seke avec l’appui des Fang du village d’Assem ( 294 ). Envoyé le 7 décembresur le Marabout, Guisolfe se heurte à la détermination de ses habitants et renonce àl’emploi de la force ( 295 ). Au cours de l’année 1874, d’autres foyers s’allumentdans les territoires soumis à l’autorité de Libreville, dans la Mondah d’abord, où enrépression un village est brûlé, puis, beaucoup plus sérieusement dans le bas-Ogooué, où les Cama attaquent le Delta de Walker et Amoral, son traitant. S’alliantavec les Rungu, les Cama réunissent quatre ou cinq cents guerriers ( 296 ). Ilsveulent remonter le fleuve pour tuer Walker, chasser les Français de l’Ogooué,“ sur les eaux duquel ils ne veulent plus un Blanc ” ( 297 ).

Les raisons commerciales sont évidemment à l’origine de ces troubles ( 298 ).Toutefois, la détermination toute nouvelle qui caractérise les protagonistes inquiètel’autorité. Elle entend donc fermement les reprendre. En août, quatre villages fangdu Komo pillent une goélette appartenant à Gilliès, un traitant de Glass, ets’emparent du fret constitué de 3 000 boules de caoutchouc et 500 bûches de boisrouge. En réponse, le commandant du Gabon Panon du Hazier fait bombarder denuit les quatre villages, faisant trois morts ( 299 ). En septembre, il monte une autreexpédition et met le feu à trois villages dépendants du chef Bumba qui a déjà connules foudres de Libreville, deux ans plus tôt ( 300 ). Puis, en décembre, trois autresvillages fang sont bombardés ( 301 ).

Conscient de l’implication des traitants dans ces incidents et de l’inutilité deces formes de répression qui prennent plutôt l’allure de démonstration de force, etsoucieux d’apaiser une situation qui risque de compromettre le commerce enbloquant les rivières et l’avenir de la colonie en détournant les Fang, le ministre dela Marine intervient personnellement à la fin de janvier 1875 auprès du ContreAmiral Ribout, Commandant en chef de la Division Navale de l’Atlantique sud,pour que Panon du Hazier cesse les actions guerrières qu’il s’obstine à poursuivremalgré les recommandations qui lui ont déjà été adressées ( 302 ). Finalement, Panondu Hazier quitte ses fonctions en avril 1875, tandis que la situation s’apaise dans leKomo, hormis des heurts inter claniques sur le Remboué et le Maga opposant desgroupes fang arrivants aux villages déjà installés.

Page 104: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Clément

A son tour convaincu que leur nombre et leur vitalité font des Fang lespartenaires indispensables du développement de la colonie ( 303 ), Clément,capitaine de frégate, promu commandant du Gabon en juin 1875, inaugure unepolitique beaucoup plus favorable à leur égard ( 304 ). D’une part, il poursuitl’incitation aux chefs à fréquenter le comptoir en leur offrant des cadeaux pourvisite au commandant ( 305 ). D’autre part, espérant réduire les tensions entre lesvillages fang et les arrivants, il accède à la demande de quelques chefs de s’installeraux abords du comptoir en leur attribuant des terres françaises, au grand déplaisirdes Mpongwe qui voient la rive droite à son tour menacée ( 306 ). Quant aux Fang,ils manifestent leur désir de coopération en confiant leurs fils à la missioncatholique de Libreville ( 307 ).

Clément réagit avec la même intelligence dans le règlement des conflits qui nemanquent pas de surgir dans le Komo. N’ignorant rien de l’implication des maisonsde commerce dans ces affaires, il ne juge pas les faits sans tenir compte des raisonsqui en sont à l’origine. A la fin octobre 1875, il envoie le commandantdu Marabout dans le Komo arbitrer une affaire de meurtre et de pillage opposantdes Fang et un traitant sénégalais ( 308 ). Aux auteurs du pillage d’un cotreappartenant à la maison française Dubarry, il adresse une admonestation ( 309 ).Dans l’affaire de meurtre par des Fang d’un homme de la maison anglaise Gillis, lecommandant du Marabout établit la responsabilité initiale de Crow, commis deGillis, lequel est finalement emprisonné pour menace proférée à l’autorité coloniale( 310 ). Quelque temps plus tard, la maison Holt est déboutée de sa plainte d’avoirété pillée par les Fang du village Mangi dans le Remboué. En fait, Tompson,l’agent de Holt attaqué, détenait une dent d’ivoire volée au village par un tiers.Rangés sous l’autorité de Libreville, les villageois obtiennent que Tompson soitreconnu receleur ( 311 ).

Page 105: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 43 : Mission catholique de Libreville (Griffon, 1865, p. 284).

Clément est d’autant plus intransigeant avec les maisons étrangères, notammentHolt et Woermann, qu’il les estime responsables de la violence des conflits quifrappent le Gabon, soit directement en incitant les villages à piller les pirogues desmaisons concurrentes, soit indirectement en important des marchandises dontl’attrait est tel qu’il jette furieusement les hommes à leur recherche. En janvier1876, Ribourt, Commandant la Division Navale de l’Atlantique Sud en escale àLibreville, écrit au Ministre son inquiétude de voir les factoreries de Glass importerune “ quantité considérable d’alcools, d’armes et de poudre ” ( 312 ). Parmi cesarmes, celles qui inquiètent particulièrement Clément sont les fusils rayés, importésdes Etats-Unis ( 313 ). Inquiet des conséquences graves de la présence d’armes aussipuissantes dans la région, Clément lance un arrêté prohibant la vente d’armes et demunitions autres que de traite ( 314 ). Aussitôt, les factoreries ajoutent à leursactivités la contrebande d’armes.

Nouvelles réserves

Dans ce contexte peu propice à la sérénité, la politique magnanime que conduitClément à l’égard des Fang ne parvient pas à contenir les agitations au Gabon. Elletrouve définitivement ses limites quand, en juin 1876, le Komo et le Remboué sontle théâtre de nouveaux méfaits. Dans le Komo, le village de Timbé pille le cotre

Page 106: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

d’un facteur français, M. Pène ( 315 ). Les hommes de Jamanéné avec la complicitéde ceux d’Okola attaquent deux grandes pirogues appartenant aux factoreriesCooper Scott et Mac Farlane de Glass ( 316 ). Ils pillent la cargaison et font unprisonnier. Les embarcations pillées contiennent “ parfois jusqu’à 160 fusils et 160barils de poudre ” ( 317 ). Envoyé sur place, le Marabout fait cinq otages maisn’obtient ni la restitution des marchandises, ni la libération du prisonnier ( 318 ).Puis, le bateau citerne de la station navale est assailli. Libreville doit envoyer uneembarcation armée pour le dégager ( 319 ). Dans le Remboué, la maison Cooper-Scott subit une autre attaque. Cette fois, son cotre est arraisonné par les hommes duvillage Diakoulé emmenés par leur chef Boca. Trois hommes du cotre sur cinq sonttués. Un quatrième est fait prisonnier. Le cotre de la maison Wolber est à son tourpoursuivi par des hommes du village de Leuvé qui avaient déjà pillé celui deDubarry quelque temps auparavant. Wolber, également consul d’Allemagne auGabon, en réfère aussitôt à Clément, signalant que, dans le Remboué, les“ Pahouins sont décidés d’attaquer toutes les embarcations passant leur village ”( 320 ).

Les Occidentaux expriment de nouvelles réserves à l’égard des Fang,notamment Compiègne qui tient les propos les plus sévères ( 321 ). La gravité de lasituation entrave très sérieusement le commerce. Pour répondre à l’interpellationdes factoreries, Clément demande l’autorisation à Ribourt de châtier sévèrement lesauteurs d’autant que “ le nombre de Pahouins augmente chaque jour d’une manièresensible on pourrait même dire inquiétante vu le peu de moyens défensifs dont[dispose la station navale] ” ( 322 ). Une expédition est montée au début de juillet1876, destinée à obtenir réparation de tous les méfaits commis depuis plusieurssemaines, soumission des villages et sécurité des échanges dans les rivières.Le Marabout, secondé de la Tirailleuse et du canot à vapeur la Cordelière,emmenant 123 hommes, atteint d’abord Diakoulé dans le Remboué le 14 juillet1876. Après leur débarquement, les hommes brûlent le village et deux villagesvoisins. Puis ils font route vers le Komo. Le 15, stationnant devant l’île de Ningué-Ningué, Clément se heurte au refus du chef des villages de “ l’agglomération ” deKango, de régler les affaires de pillages dans lesquels il affirme n’être pasimpliqué. Le 16, Clément fait brûler trois villages de Kango. Il vient ensuitemouiller plus haut, devant Jamanéné, qu’il incendie également. Le lendemainmatin, il obtient à Okola la libération du traitant déposé par le Marabout quelquesjours plus tôt avant de repartir pour Timbé où le village est brûlé. Le village deLeuvé connaît le même sort le 18 juillet. En moyenne, les opérations durent uneheure et demie, le temps nécessaire au débarquement des hommes et à l’incendie duvillage. Sans engager de véritables combats, les villageois, cachés aux alentours,ripostent par des coups de fusils hasardeux. Au total, l’expédition se solde par septblessés dans les troupes et deux morts chez les Fang ( 323 ).

Clément poursuit son action au-delà de la répression en envoyant dès la fin dejuillet 1876 le Marabout et la Tirailleuse patrouiller dans le Komo. Ils doiventprotéger le commerce qui reprend peu à peu, et rétablir les liens avec les villages

Page 107: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

châtiés ( 324 ). Ils obtiennent des principaux chefs l’engagement de se soumettre à lajustice coloniale pour le règlement de leurs conflits ( 325 ). Au mois d’août, les deuxbâtiments se postent à l’entrée du Remboué et de la rivière Maga pour en faire leblocus. L’asphyxie économique des deux rivières paie rapidement. Boca, le chef deDiakoulé, se rend le 23 août. Il est emmené prisonnier à Libreville. Le blocus desrivières est levé le 26 suivant ( 326 ). Dans son rapport, Clément assure avecenthousiasme son ministre des effets à long terme de son action sur la tranquillitédes rivières et la sécurité du commerce ( 327 ). Il quitte aussitôt Libreville pourmener une autre expédition punitive, contre les “ Cap Lopez ” qui, depuis la chutedu commerce des esclaves avec les îles portugaises en 1875 et la baisse de leursrevenus, se livrent au brigandage. Ils ont pillé un bâtiment de la factorerieWoermann ( 328 ).

Nouvelle expédition dans l’Ogooué

Tandis que Clément tente d’apaiser les tensions dans l’Estuaire, Brazza obtientl’appui du ministre de la Marine, l’Amiral de Montaignac pour reprendrel’exploration de l’Ogooué avortée en 1874 de Compiègne et Marche, et s’enfoncervers l’est à la recherche des grands lacs d’Afrique Centrale ( 329 ). Grâce auconcours de plusieurs ministères il rassemble les fonds nécessaires à l’expédition( 330 ). Le jeune enseigne de vaisseau débarque au Gabon le 20 octobre 1875,accompagné du même Alfred Marche, du docteur en médecine Noël Ballay,rencontré à Paris, du quartier-maître Hamon qu’il connaît depuis son précédentséjour au Gabon et de treize laptots embarqués au Sénégal.

Page 108: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 44 : Alfred Marche (Marche, 1878, 409).

Dès son arrivée, Brazza suit avec grande attention l’expédition concurrente quemèner l’Autrichien Oscar Lenz pour le compte de la Société Allemande deGéographie ( 331 ). Entamée en avril 1875 il est bloqué depuis juin sur l’Offoué, auxportes du pays shiwa, attendant que les Kande soient disposés à l’accompagner versl’amont ( 332 ). Bien qu’il n’ignore rien des tensions qui règnent sur le haut-fleuvedepuis l’apparition des Fang et leurs conséquences sur la sécurité de l’Ogooué,Brazza demeure optimiste. Il s’appuie sur une préparation minutieuse. Il anotamment fait passer des accords par l’intermédiaire de la station navale, en mai1875, avec Rénoqué, pour recruter des pagayeurs et acheter des pirogues avant sonarrivée à Ilemba-Réni, le village de Rénoqué. Il entend également convaincre lespopulations riveraines pour utiliser les services des hommes, disposer de matérielset de nourritures sur son parcours. Les Galwa et Enenga, les Kele, les Kande et lesDuma doivent ainsi successivement participer à l’expédition. Ainsi, Brazza espèrerejoindre Lenz au plus tard au début de janvier 1876 ( 333 ).

Figure 45 : Brazza chez Rénoqué (Brazza, 1887).

Page 109: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Après un court séjour dans le Komo qui leur permet de recruter des interprètesparlant Mpongwe, Kele et Fang, Brazza, Ballay et les hommes embarquent surle Marabout le 3 novembre 1875. Le 13, ils rejoignent Marche à Ilemba Réni,arrivé trois semaines plus tôt afin d’y rassembler les pagayeurs et les pirogues. Lespremières difficultés matérielles, financières et sanitaires les y attendent. Hostiles àl’entreprise de Brazza qui réduirait leur monopole commercial et soucieuxd’épuiser ses marchandises destinées au haut-fleuve en retenant sur placel’expédition, Galwa et Enenga, emmenés par Rénoqué, entravent la livraison despirogues et le recrutement des pagayeurs, qui subit par ailleurs le passage de Lenz :il a payé 50 francs chaque homme, contre 25 par Marche et Compiègne. Brazzatrouve un accord à 35 francs ( 334 ). Pour compléter la maigre flottille rassembléepar Rénoqué, Marche parcourt le lac Azingo. Il achète des pirogues aux Jumba etaux Fang ( 335 ). Les premiers accès de fièvre s’abattent sur Brazza, condamnentBallay au repos pendant quelques jours et renvoient au Gabon deux laptots.Finalement, l’expédition réunissant dix pirogues et cent vingt hommes quitteIlemba-Réni le 13 janvier 1876. Elle s’arrête à Samkita où Hamon et Ballaydébarquent pour se rétablir. Brazza et Marche parviennent à Lopé le 10 février. Ilsy installent le quartier général, en attendant de le transférer à Doumé, chez lesDuma.

Nouvelle situation dans l’Ogooué

Attentif aux relations qu’entretiennent les différentes populations riveraines del’Ogooué, Brazza note scrupuleusement leur localisation au cours de sa remontéevers Lopé. Ses observations permettent de mesurer la progression des Fang vers lespoints de commerce.

Tout en conservant avec les Enenga le contrôle du commerce dans le Bas-Ogooué, les Galwa cèdent devant les Fang qui s’installent sur d’anciennesplantations ( 336 ). Probablement ces villages descendent-ils de la région entreBokoué et Remboué sur laquelle les Fang assoient leur prééminence au détriment

Page 110: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

des Kele qui ne tiennent plus que Samkita et la rive gauche de l’Ogooué depuis laNgounié ( 337 ). Plus haut, les Kele restent présents dans les terres de la rive droite.Ils continuent d’alimenter le commerce de l’ivoire et du caoutchouc qu’ils troquentavec les Fang de l’intérieur, lesquels s’aventurent timidement depuis le bassin del’Abanga ( 338 ). Plus haut encore, les rives de l’Okano sont habitées par les Fangjusqu’à son confluent avec l’Ogooué ( 339 ). Depuis leur installation, les Kota sontrepliés sur la rive gauche et dans les îles proches, mais conservent leurs revenus entaxant les convois de marchandises et en écoulant par le fleuve, jusqu’à Lambaréné,esclaves et cabris ( 340 ). Ils troquent aussi avec les Fang. Après les rapides deBangania, les Pinzi, petit groupe d’une dizaine de villages autrefois installés prèsdu Mont Otombi, sont installés sur la rive gauche ( 341 ). Ils entretiennent néanmoinsdes plantations sur la rive droite ( 342 ). Ils craignent les Fang qui commencent à ydescendre depuis le nord où s’étendrait, d’après les Pinzi, le grand pays fang. Aquelques milles de la rive se situerait le village de Bissein, très important centre decommerce où se réunissent les Fang du haut-fleuve, sans jamais le dépasser ( 343 ).Enfin, depuis le pays des Pinzi jusqu’à l’Ivindo, la rive droite est habitée par lesFang. Ils en ont délogé les Kande qui ont préféré se regrouper sur la rive gauche etse protéger de tout mouvement fang en se repliant à l’ouest de l’Offoué ( 344 ).

Blocus fang

Installé à Lopé, Brazza doit patienter avant de poursuivre sa route. Il lui fautd’abord recruter de nouveaux pagayeurs pour relever les Galwa et les Enenga quil’accompagnent depuis Adanlinanlongo et Ilemba-Réni. Il compte sur laparticipation des Kande. Mais ceux-ci refusent de remonter le fleuve en cettepériode. Ils veulent attendre la baisse des eaux. En réalité, les Kande espèrent tousgarder chez eux Brazza le plus longtemps possible car l’expédition représente poureux une occasion inespérée de reprendre le commerce.

Depuis plusieurs mois en effet, les relations qu’entretenaient les Kande et lesDuma, notamment par le commerce des esclaves, sont interrompues ( 345 ). LesFang, qui sont venus s’installer sur les rives entre Kande et Duma, contrôlent lacirculation du fleuve et attaquent les convois. Seules quelques pirogues témérairess’aventurent de nuit et parviennent à franchir la zone dangereuse ( 346 ). Mais les

Page 111: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

grandes caravanes n’existent plus, l’économie du haut-fleuve est exsangue, aussiles Kande se satisfont-ils de la présence des Blancs ( 347 ).

Figure 46 : Lopé (Marche, 1878, p. 386).

Pour les Kande, à l’exemple du sort que subit Lenz depuis plusieurs semaines,retarder Brazza à Lopé leur permet de lui soutirer un maximum de marchandiseseuropéennes en échange de la nourriture qui ne tarde pas à manquer à l’expéditionet ainsi alimenter un commerce moribond. Dans la perspective de remonter lefleuve sous la protection des Blancs, ils veulent également gagner du temps pourpermettre aux Duma de préparer leur arrivée et rassembler l’ivoire et les esclavesqui seront ensuite expédiés vers les Galwa et les Enenga. ( 348 )

Le blocus qu’imposent les Fang sur le haut-fleuve est la conséquence dessévères vexations qu’ils ont subi aux premiers temps de leur rapprochement sur lefleuve dans les années 1860. Il rappelle la situation de l’Estuaire vingt ans plus tôt.Attirés dans un premier temps par les courtiers auxquels ils livraient l’ivoire etvendaient de la viande, certains chefs fang, gageant leur femmes ou mariant leursfilles, sont venus s’installer dans les villages kande ( 349 ). D’abord minoritaires, ces

Page 112: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

premières familles ont connu les fourberies des Kande qui les ont abusés en lestrompant sur la valeur des marchandises, et ne leur ont épargné ni la soumission parl’infériorité matérielle et militaire, ni les rapts alimentant le trafic d’esclaves, ni lesrailleries sur leurs habitudes et leur aspect physique, en particulier sur leurscoiffures rudimentaires comparées aux constructions des élégantes kande ( 350 ).Puis, inexorablement, les Fang restés en arrière se sont avancés à leur tour et sesont installés à proximité des villages kande. Leur nombre grandissant, ils se sontrépartis sur la rive droite, déployant un réseau d’intermédiaires jusqu’au Gabon oùils écoulent de l’ivoire et reçoivent en échange des fusils de traite ( 351 ). En moinsde vingt ans, les rapports se sont ainsi inversés. Laissant en souffrance les palabres,les Kande ont abandonné leurs villages pour traverser le fleuve et s’établir sur larive gauche. Ils n’y ont été à l’abri que le temps nécessaire aux Fang pours’aventurer sur le fleuve, d’abord sur des radeaux de fortune, les “ Combo-Combo ”, puis sur des pirogues qu’ils ont achetées puis qu’ils ont enfin appris àconstruire ( 352 ).

Figure 47 : Femmes kande (Compiègne, 1874, t.2, p. 131).

Page 113: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Le Haut-Ogooué

Inquiet de l’échec de ses prédécesseurs et de l’insécurité sur le fleuve, Brazzas’interroge sur la pertinence d’une traversée en force du pays contrôlé par les Fang.Il veut plutôt établir des relations cordiales avec eux pour les dissuader d’attaquerl’expédition et les pirogues kande et duma. Pour y parvenir, il entend lesconvaincre de participer activement au commerce sur le fleuve, plutôt que dechercher à l’empêcher. Dans cette délicate entreprise, il reçoit le concours deN’doundou, le chef kande d’Achouka, sur le confluent de l’Offoué qui lui présenteson beau-fils, Mamiaca, chef fang dont le village est situé à un jour de marche del’Offoué. Mamiaca accepte de le conduire dans son village.

Brazza arrive le 5 avril 1876 chez Mamiaca où il séjourne deux jours, durantlesquels il visite les villages alentour et reçoit un accueil très hospitalier ( 353 ).Evoquant les marchandises qu’il transporte et l’intérêt qu’ont les Fang à le laisserpasser sur leur territoire, il gagne peu à peu la confiance des villageois. Puis ilretourne à Lopé, accompagné de Mamiaca et de trente hommes sans arme qui semettent entièrement sous sa protection. Le 29 avril, impatient de revoir Brazza dansson village, Mamiaca revient le chercher à Lopé. Brazza explique qu’il veut allerplus loin vers l’est et atteindre Booué pour se garantir l’amitié des Shiwa riverains,mais il se heurte au refus de son hôte. Mamiaca lui présente cependant Naamandont le village, Bingimili, est situé un peu en amont des chutes de Booué. D’âprespourparlers ne viennent pas à bout des réticences de Naaman et Mamiaca à qui ilannonce son intention de remonter le fleuve. Grâce à un discours ferme et dissuasif,Brazza finit par convaincre ses interlocuteurs ( 354 ). Naaman le conduit à Bingimilioù il reçoit les égards des villageois et des riverains alentours. Il rentre à Lopé le 20mai, confiant des bonnes dispositions des Fang envers les Blancs. Il peutmaintenant envisager une traversée pacifique du pays tenu par les Shiwa. Lenzprofite de ce succès pour s’élancer à son tour vers l’amont. Avec l’appui de chefshiwa, il parvient au-delà de l’embouchure du Lolo où il est de nouveau bloqué parles Shiwa et les Duma ( 355 ).

Fort de son succès, Brazza attend maintenant la collaboration des Duma pourle transport de l’expédition jusqu’à Doumé, dont il veut faire le quartier général desprochaines explorations vers l’est. Le convoi étant toujours bloqué à Lopé, Brazzaveut parcourir en éclaireur le pays au plus loin et s’assurer la collaboration desriverains afin d’éviter tous déboires. Mamiaca lui offre alors les services de sonneveu Zabouré (Nze Aboghe) dont le village, Coumba-Magilo, situé à une journéede marche (trois kilomètres) en amont du confluent de la Lolo, est le dernier villageshiwa sur la rive droite. En amont, la rive est occupée par des villages saké, puispar des villages duma. Le 24 mai, Brazza quitte Lopé, laissant à Marche lecommandement du poste de Lopé.

Page 114: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

A son tour, Marche qui connaît bien la région de Lopé pour l’avoir parcouruedeux ans auparavant, décide d’une excursion de la rive sud, en direction de l’est. Iltraverse l’Offoué et visite des villages shiwa où il fait démonstration de sonhabileté au tir, mais n’obtient pas de guide pour remonter plus loin. Il retournefinalement à Lopé.

Figure 48 : Marche dans un village shiwa (Marche, 1878, p. 388).

Brazza parvient péniblement à Doumé le 29 juin 1876, sillonne pendant prèsd’un mois le pays duma pour y trouver de nouveaux pagayeurs et des pirogues,Marche quitte Lopé le 28 juillet pour Doumé. Le 1er août, il est rejoint par Ballayqui remonte une partie des bagages. Le 10 août, au délicat passage de la chute deBooué ils obtiennent l’aide des Shiwa qui halent les pirogues au-dessus des rapides.

Page 115: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 49 : Marche à la chute de Booué (Marche, 1878, p. 387).

Ballay et Marche visitent ensuite quelques villages, dont celui qui a tiré sur ledocteur Lenz, quelques jours plus tôt, alors que celui-ci, épuisé et abandonné parses pagayeurs sur la rivière Sébé, décidait de redescendre vers le Gabon ( 356 ). Le14 août, arrivée au confluent de l’Ivindo, la flottille est hélée par les villageois surla rive droite. Marche fait alors armer les embarcations et longer la rive gauche parcrainte d’une attaque ; il poursuit sa route sans répondre aux désirs des riverains derecevoir sa visite. Le soir même, Marche fait appeler le chef du village en face del’île où campe le convoi et le convainc d’entrer en bonnes relations avec les Blancs.Le lendemain, peu après leur départ, Marche et Ballay aperçoivent sur la rive centcinquante guerriers en armes. Leur village est en guerre avec ses voisins et n’a pasconnaissance du passage des Blancs, aussi s’attendent-ils à une attaque ( 357 ). Avecsang-froid, les deux Blancs s’isolent du convoi et viennent pacifiquement saluer lesvillageois, gagnant aussitôt leur confiance ( 358 ). Ils poursuivent leur route sans êtreinquiétés.

Marche et Ballay arrivent le 17 août devant le village de Zabouré, où ilscroisent Brazza qui, n’obtenant pas les pirogues promises par Djoumba, chef shiwatrès influent dans la région, et malgré un état de santé précaire, redescend le fleuve.L’expédition parvient finalement en pays duma le 23 août 1876 et installe dès lelendemain son quartier général à Nghémé, à deux jours de pirogue de Doumé.Brazza reste alité pendant deux mois tandis que Ballay prend la tête de l’expédition.Marche explore alors le fleuve pendant près d’un mois à la rencontre des villages

Page 116: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

mbama et shiwa dont il gagne la confiance, ce qui lui permet de trouver desvictuailles pour le ravitaillement de Nghémé. Il s’aventure un peu au-delà duconfluent de la Lékey (L’Kailei), dépassant ainsi de 75 km le point atteint par Lenz.Les riverains lui apprennent l’existence des chutes de Poubara, ultime point denavigabilité du fleuve, en aval desquelles débouche du sud-sud-ouest la rivièreLebombi d’où trois jours de marche suffisent pour atteindre le fleuve Congo ( 359 ).

Reprise du commerce

Rétabli de ses fièvres, Brazza quitte Nghémé le 27 octobre 1876 et redescendvers Lopé. Il est à la tête d’un riche convoi de trente-quatre pirogues chargées deproduits locaux, sur lesquelles Duma et Kande font embarquer 182 esclaves. Le 2novembre ils parviennent à Lopé acclamés par les riverains qui comprennent queles relations de commerce peuvent reprendre ( 360 ). Aussitôt les Kande organisent ledépart des marchandises vers les Galwa et les Enenga ( 361 ). Quant aux Dumadescendus avec Brazza, ils espèrent bientôt remonter les produits occidentauxqu’ils échangent à Lopé.

L’effort opiniâtre de Brazza pour rallier, parfois fermement, les riverains à sonprojet et réduire l’insécurité sur le fleuve porte donc enfin ses fruits. Les piroguesde l’expédition passent sans être inquiétées et les Fang se montrent désireuxd’établir de bonnes relations avec les Blancs. Seuls, quelques chefs regroupés versle confluent de l’Ivindo, restent irréductibles aux arguments de Brazza etmanifestent une méfiance plus ou moins hostile à la présence des Blancs, estimantqu’ils sont les alliés des Kande avec lesquels ils commercent les esclaves ( 362 ).Pour les Fang demeurant entre Lopé jusqu’à l’Offoué, la présence régulière desBlancs, Schültz en 1873, Compiègne et Marche en 1874, jusqu’à Lenz en 1875 etenfin Brazza dès 1876, est la garantie d’un approvisionnement en marchandiseseuropéennes pour lesquelles leur attrait grandit. Ils conçoivent aussi parfaitementl’intérêt de participer au commerce en écoulant par l’Ogooué les produitsexploitables, notamment le caoutchouc ( 363 ). Enfin, ils se rangent sous l’autorité deBrazza auquel ils demandent le règlement de palabres qui les opposent aux Kande( 364 ).

Malheureusement, la relative tranquillité ne tient qu’à cette seule présence desBlancs. Kande et Duma savent parfaitement qu’une fois les Blancs partis, leshostilités reprendront avec les Shiwa qui imposeront un nouveau blocus sur le

Page 117: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

fleuve ( 365 ). En attendant, la reprise des relations avec l’amont permet d’écoulerjusqu’au Gabon des “ stocks ” accumulés depuis longtemps. Du coup, les traitantsenvisagent de s’installer dans la région de Lopé afin de développer le commerce del’ivoire et du caoutchouc et d’éviter les intermédiaires coûteux ( 366 ). Les Fang ensont déjà les fournisseurs mais les difficultés du transport par les chemins forestiersen limitent la production. Or, les Kande commencent à leur acheter ces produits et àles écouler par le fleuve jusqu’aux courtiers de l’aval ( 367 ).

Fin de l’expédition

En mars 1877, les riverains voient remonter de Lopé, Brazza, à la tête de trente-trois pirogues dont vingt-sept sont montées par des Duma. Ils font route pourDoumé où Ballay a transféré en janvier le quartier général. Inquiets de traverser lepays shiwa, les pagayeurs duma se rangent prudemment derrière le “ leader ” etchantent bruyamment qu’ils accompagnent le Blanc ( 368 ). Aucun incident ne vientperturber le voyage. Les Shiwa fournissent des vivres et Brazza règle les différendsqu’ils viennent lui exposer. Doumé est atteint le 31 mars. Le projet de Brazza est àprésent de visiter la chute de Poubara et d’explorer le pays teke vers l’est, quicommunique avec le bassin du Congo d’après les renseignements recueillis parMarche. Ce dernier, fort affaibli, quitte l’expédition le 15 juin, accompagné depagayeurs kande qui redescendent chez eux. Il repart pour l’Europe, emportant unesomme considérable d’objets ethnographiques collectés tout au long de son périple( 369 ). Sur son parcours il note le déplacement et l’apparition sur les rives denouveaux villages shiwa ( 370 ).

Page 118: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 50 : ’Armes et ustensiles’ rapportés par Marche (Marche, 1878, p. 414).

Le 1er juillet 1877, tandis que Brazza reste à Doumé, Ballay part pourMachogo (Massoukou) installer un nouveau campement. Le 22 juillet, Brazza etses laptots s’élancent à leur tour et parviennent à Machogo le 6 août. Après avoirvisité les chutes de Poubara, hautes d’une vingtaine de mètres, il constatel’impossibilité de les franchir ( 371 ).

Page 119: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 51 : Chutes de Poubara

Ballay affirme que Masuku est la limite de la navigabilité de l’Ogooué ( 372 ).Brazza constate que “ ce fleuve n’était pas, comme on l’avait pensé, une granderoute permettant de pénétrer par eau au cœur même du continent noir ” ( 373 ).Fidèle à son projet initial, il décide donc de poursuivre vers l’Est à pied, vers lebassin du Congo qui, d’après les observations, coule à quelques jours de marche.Le 11 août, il remonte la Passa. Le 20 août, il arrive au village teke de N’Jabikilequ’il quitte deux jours plus tard, avec l’intention de revenir y installer son nouveauquartier général. Mais le village est attaqué. Le plan est repoussé. L’expédition doitmaintenant attendre la fin de la saison des pluies. Elle s’installe pour six longs moisà N’ghemé. En mars 1878, Brazza repart pour le pays teke. Il poursuit en longeantl’Alima jusqu’en pays Apfourou. De là il se procure huit pirogues et descendl’Alima. Il y essuie les tirs des riverains hostiles et pour la première fois doit fairefeu pour se dégager ( 374 ). Séparé de Hamon et Ballay qui rentrent à Masuku,Brazza atteint la Licona (Likouaka-Mossaka) le 31 juillet 1878. Mais toutes sesressources, tant matérielles que physiques, sont épuisées et la saison des pluiesapproche. Le 11 août, il décide d’abandonner sa route ( 375 ). Le 9 septembre 1878,Brazza retrouve Hamon et Ballay à Masuku. Pressés par une santé éprouvée et lesfortes pluies, ils choisissent de rentrer au plus vite en redescendant l’Ogooué. Sur lechemin du retour, malgré l’apparente prospérité de Doumé et la présence de Kandechez les Duma, Brazza doit constater que la tranquillité du fleuve n’est pasgarantie. Kande et Shiwa sont toujours ennemis et les convois sont attaqués ( 376 ).En revanche, les Fang se montrent toujours parfaitement amicaux et coopératifs

Page 120: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

avec les Blancs ( 377 ). Le 6 novembre 1878, les explorateurs sont de retour auGabon avec une seule intention : reprendre la course vers le Congo ( 378 ).

Situation de la Colonie

La situation de l’Ogooué que Brazza relève dans ses notes est identique à celledécrite une vingtaine d’années plus tôt dans l’Estuaire. Attirés vers les courtiersqu’ils approvisionnent en ivoire, bois, caoutchouc et produits de chasses et decueillettes, les Fang disputent les points de contrôle du fleuve et menacent leséchanges. Les incidents qui s’y produisent, analogues à ceux connus dans leKomo : vols, rapts et non-respect des échanges, envenimés par le maintien dans larégion de la traite des esclaves, ne tardent pas à inquiéter le Commandant du Gabonqui doit maintenant assurer la sécurité d’un territoire trop vaste pour les moyensmatériels et humains dont il dispose. Déjà en novembre 1876, les Fang du villagede Yonié dans l’Ogooué pillent un canot pour le dépecer de son cuivre ( 379 ).Boitard, qui succède à Clément, ordonne le blocus du fleuve en démonstration deson autorité ( 380 ).

Page 121: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 52 : Vue du Comptoir du Gabon (Griffon, p. 273).

Dans l’Estuaire, la situation n’est pas moins difficile. Durant les trois annéesque durent l’expédition, les tensions restent vives. Les intérêts du commerceopposent toujours les Fang aux Mpongwe et divisent les clans fang dont les villagesplus ou moins récemment installés se chevauchent. Les maisons de commerce,souvent impliquées par leurs négociants dans ces affaires, attendent des réactionsfermes de l’autorité du comptoir. En février 1877, des Fang tentent de piller unbâtiment français dans le Komo ( 381 ).

D’une manière générale, Boitard tient les Fang pour responsables des troublesqui apparaissent régulièrement dans l’Estuaire ( 382 ). Mais ayant compris le peud’effet des expéditions punitives de son prédécesseur, il entend plutôt dissuader lesmeneurs en les capturant et en les expulsant du territoire ( 383 ). Il demande ainsil’expulsion pour cinq ans de Boca, chef de Diakoulé pour les délits commis l’anpassé ( 384 ). Dans le même temps, il répond favorablement à la nervosité descommerçants en déclarant vouloir “ user de temps en temps d’une mesure derépression énergique ” ( 385 ). Malgré ces résolutions, une goélette de la maisonDubarry est pillée dans le Komo, toujours par des Fang ( 386 ). Les pilleurs seretirent dans des criques uniquement accessibles à marée haute où les bâtimentsfrançais ne peuvent les poursuivre. Boitard craint qu’ils en conçoivent un sentimentd’impunité et demande à son ministre davantage de moyens afin que, par la

Page 122: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

répression et des démonstrations d’autorité, ne se propage ce sentimentcriminogène ( 387 ).

Dans cet esprit, Boitard en personne part pour le Moyen-Ogooué au débutd’août 1877. Il entend manifester l’autorité de la France auprès des Galwa etEnenga qui au moment de la saison sèche profitent de ce que les vapeurs de lastation navale ne peuvent remonter le fleuve pendant les basses-eaux pour attaquerles factoreries et leurs transports. La troupe de Boitard remonte donc le Rembouépour rejoindre ensuite par terre le lac Azingo et de là parvient en pirogue jusqu’aufleuve ( 388 ). L’effet recherché est atteint dans l’Estuaire et dans l’Ogooué. Ledeuxième semestre se passe sans heurt. L’inquiétude du commandant s’apaise pourquelques mois ( 389 ).

Le déplacement de Boitard dans l’Ogooué et la politique qu’il mène à l’égarddes Fang dans l’Estuaire montrent son souci d’exprimer l’autorité de la France dansce territoire dont la possession, depuis l’expédition de Brazza, revêt à présent unintérêt stratégique dans la compétition que mènent les puissances européennes enAfrique. Il aura en effet fallu toute l’obstination dans la conduite de son expéditionpour que ce jeune explorateur, par l’établissement patient de rapports intelligentsavec l’ensemble des populations riveraines, gagnant la confiance des Shiwa,“ ouvre ” enfin le Haut-Ogooué et transcende l’avenir de la colonie quelques moisplus tôt très incertain. Dès août 1877, Marche apporte la certitude de la proximitédes bassins de l’Ogooué et du Congo et fait naître des perspectives économiquesconsidérables ( 390 ). Quelques mois plus tard, Brazza confirme la faible distanceentre le point extrême de navigabilité de l’Ogooué, vers Nghémé, et les rives del’Alima, une cinquantaine de milles, franchissables par une route très praticable. Lefleuve gabonais est la voie idéale pour atteindre le Congo, la France possède avecsa colonie du Gabon la clé qui ouvre vers les richesses de l’Afrique centrale ( 391 ).

Ni les désordres qui agitent les rivières, ni les difficultés de la station navale nesauraient compromettre le nouvel élan qui s’empare de la colonie, dont lesconséquences sur l’histoire des Fang sont déterminantes.

Page 123: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Vers un nouvel équilibre 1878 - 1885

Le première conséquence de la mission effectuée par Brazza s’observe à Paris,où, sans partager totalement l’enthousiasme des explorateurs, les cabinetsministériels témoignent d’une certaine effervescence et réfléchissent aux moyensd’une mise en valeur des richesses qui soit plus rationnelle, plus intensive,dépourvue d’obstacle et avec le concours d’une main-d’œuvre bon marché. Lesprojets d’agriculture, d’élevage et d’exploitation forestière sont à nouveau àl’honneur ( 392 ).

Deux canaux

Le projet le plus ambitieux émane du Directeur des Colonies. Il fait étudier laquestion d’un canal du Remboué à l’Ogooué et d’un canal de la baie de Corisco àl’Estuaire du Gabon ( 393 ).

Inscrit dans le projet d’une route directe vers le Congo, l’avantage d’un canalentre l’Estuaire et l’Ogooué est évident. L’économie locale profiterait en premierde cette réalisation. Les maisons de commerce, dont les bases restent à Libreville età Glass, n’auraient en effet plus à prendre la mer pour rejoindre les pointsd’approvisionnement situés dans l’Ogooué et au Fernan Vaz. Elles limiteraient lesrisques de pillages et autres tourments qui ponctuent les voyages et allègeraientconsidérablement la charge de la station navale pour la sécurité des rivières ( 394 ). Acourt terme, les canaux éviteraient donc le départ des maisons de l’Estuaire, quiserait désastreux pour l’économie de la colonie, car ces maisons, principalementHatton et Cookson et Woermann, contrôlent encore dans des proportions écrasantesle commerce et, grâce à une activité soutenue depuis plusieurs années, ellescontribuent largement par les impôts et taxes au produit financier du Gabon ( 395 ).Or, en cette fin de décennie 1870, elles sont déjà tentées de quitter l’Estuaire pourinstaller leurs comptoirs sur la côte au nord du Gabon, au Cameroun et dans les îlesCorisco et Elobey, où la fiscalité est moindre voire inexistante ( 396 ). Déjà le pluscélèbre et le plus actif des négociants, Robert Bruce Walker s’est installé à Elobey

Page 124: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

voici plusieurs années, après avoir quitté le Gabon dans des conditionsparticulièrement délicates ( 397 ). Il continue néanmoins de parcourir le pays pourrelever les marchandises acheminées dans ses factoreries secondaires, dans laMondah, le Mouni, le Fernan Vaz et l’Ogooué, régions qui ont largement supplantél’Estuaire du Gabon dans la production d’ivoire, de bois et de caoutchouc.

Situation de la côte nord

Depuis les premières heures de la présence occidentale au Gabon, le Mouniécoule les produits exploités dans son bassin intérieur. Les Benga et les Seketiennent la côte et les rivières, jouant le rôle de courtiers, à l’égal des Mpongwedans l’Estuaire. Leurs principaux fournisseurs sont alors les Fang que Du Chailluvisite en 1856 à une centaine de kilomètres de la côte. Mais la politique menée parla station navale pour attirer dans l’Estuaire les producteurs Fang empêche ledéveloppement du commerce dans le Mouni jusqu’en 1868. Libreville instaurealors une taxe de 4% sur les produits à l’exportation qui décide les maisons decommerce à implanter des factoreries sur la côte nord. Dans un premier temps, lesproduits qui y parviennent sont exploités dans le bassin de l’Estuaire (Komo,Bokoué, Remboué) mais au lieu d’aboutir à Glass et Libreville, ils remontent laMondah. Pour parer à cette “ fuite ” de marchandises, Libreville envisage de placerà nouveau sur la Mondah un poste de douane, mais la décision finale appartient à laMétropole ( 398 ).

Pour les villages, l’augmentation du volume des échanges dans la Mondah àdestination de la côte nord créé une économie complémentaire àl’approvisionnement des factoreries nouvellement implantées. Pendant une dizained’années, le commerce à la côte nord prend de l’ampleur. Au milieu des années1870, l’épuisement des forêts de l’Estuaire favorise la descente des produitsexploités par les Fang dans les forêts du nord.Ils y trouvent “ de vastes régions oùl’exploitation du caoutchouc et de l’ébène avait été négligée ” ( 399 ). Lesproducteurs fang marchent donc vers l’ouest et la mer et s’allient avec lespopulations locales. D’autres villages s’implantent à proximité. A vingt ansd’intervalle, la migration fang vers la côte nord suit le même processus que celuiobservé dans l’Estuaire ( 400 ).

Page 125: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Situation dans l’Ogooué

Jusqu’aux premières heures de la période coloniale, l’Ogooué est resté leprincipal pourvoyeur d’esclaves de la région. Les produits exploités pourl’exportation ne sont sortis de ses forêts en quantité croissante qu’à la faveur del’installation de factoreries dans la région d’Adanlinanlongo dans les années 1860.Sous exploitées, les forêts regorgent des richesses qui garantissent les meilleursbénéfices, au premier rang desquels le caoutchouc ( 401 ). Par la fréquentationrégulière de ses rives et de ses populations pendant près de quatre ans, par sesbesoins en matériels, en nourriture et en hommes, par la relative sécurité qu’elleapporte sur le fleuve, du moins le temps de sa présence, et par l’encouragement à lareprise des échanges entre le moyen et le haut-fleuve, la première expédition deBrazza est à l’origine d’une vitalité économique que l’Ogooué n’avait pas connudepuis les “ grandes heures ” de la traite négrière.

Producteurs de caoutchouc, les Fang écoulent les boules de sève vers l’Océanpar l’intermédiaire des riverains. Ils reçoivent en échange des fusils et des“ pacotilles ” et cherchent à s’installer au plus près des courtiers à qui ilsfournissent également de la viande, entre autres produits de subsistance. Déjàobservée par Marche entre 1875 et 1877, l’apparition de nombreux villages fangsur les rives du fleuve se confirme dès 1878 ( 402 ).

Page 126: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 53 : Village fang (Marche, 1878, p. 413).

En décembre 1878, un traitant sénégalais fait un séjour d’un mois chez lesKande. En avril 1879, deux anciens laptots de Brazza démobilisés se mettent auservice d’un traitant sénégalais, Boubou Ndiaye qui installe à Lopé une factoreriepour le compte de la maison Woermann. Il s’approprie les cases construites par lapremière mission Brazza et y fait un commerce important de caoutchouc et d’ivoire( 403 ).

Le commerce des esclaves n’a pas complètement cessé. Les populations del’Ogooué, notamment les Fang, sont encore victimes de rafles. Mais la présencefrançaise interdit de les vendre par le fleuve. Les convois les expédient vers la côtecongolaise où les Portugais poursuivent la traite à destination de Sao Tomé et duBrésil ( 404 ) .

Page 127: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 54 : Factorerie (Marche, 1878, p. 411).

Stabilisation dans l’Estuaire

Dans l’Estuaire, quarante ans d’exploitation intensive ont épuisé les forêts duKomo jusqu’au lac Azingo, ainsi que du Remboué au Bokoué. L’ivoire estmaintenant très rare ( 405 ). L’essor apporté par le caoutchouc dans les années 1850s’éteint. Les lianes dont est tirée la sève ont été coupées plutôt que saignées. Laconséquence est immédiate : mal exploité, le caoutchouc s’épuise à son tour ( 406 ).Les producteurs tentent de conserver leurs revenus en trompant les négociants surle poids des boules de caoutchouc en y introduisant des pierres, ou sur leur qualitéen mélangeant d’autres sèves ( 407 ).

Toute l’économie de la région s’en trouve affectée. Les marchandises quiparviennent dans l’Estuaire proviennent de secteurs de moins en moins accessibleset de plus en plus éloignés, Ogooué, Abanga et Okano. Mais les quantités sontmoindres. Les exploitants cessent de s’avancer vers les rivières de l’Estuaire ets’orientent maintenant vers la côte nord et l’Ogooué pour vendre directement leursproduits aux villages qui traitent avec les factoreries locales. Du coup, la pression

Page 128: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

fang dans l’Estuaire diminue. Les villages fang n’y ont pas progressé depuis unedizaine d’années ( 408 ). L’évolution ethnique que connaît l’Estuaire depuis plus detrente ans est en passe de se stabiliser.

La plupart des grands villages sont implantés de manière durable ( 409 ). LesFang sont maintenant établis dans l’ensemble des rivières du bassin : Komo,Bokoué, Remboué, Mbilagone sur la rive gauche et Assengo, Rogolié et Ikoy sur larive droite. En une vingtaine d’années, ils semblent avoir totalement assimilé lespopulations autochtones ( 410 ). De leur côté, les Mpongwe, bien qu’ayant perdu unepart très importante de leur territoire initial et leur figure la plus illustre (le RoiDenis meurt le 9 mai 1876), continuent de régner sur les villages les plus prochesde Libreville. Les anciens villages de Denis, Quaben, Louis et surtout Glass,peuvent encore compter sur les liens étroits, historiques, politiques et économiquesqui les unissent à la Colonie. En revanche, dans l’intérieur des terres, à quelqueskilomètres à peine de Libreville, les villages fang sont solidement implantés.

La domination ethnique des Fang dans l’Estuaire ne garantit pas pour autant lasécurité des rivières. Même restreinte, l’activité commerciale génère autantd’insécurité qu’auparavant. Certes les Fang se sont substitués aux Mpongwe pourle courtage des marchandises mais l’absence de lien entre les différents clansfavorise les conflits entre villages, lesquels continuent de s’opposer aux Mpongwequi, pour beaucoup, ont troqué leur activité de courtage pour se retrouver, aux côtésdes Sénégalais et autres Ouest Africains, négociants attitrés des maisons decommerce ( 411 ). Les mêmes vols, rapts, pillages, attaques et autres blocuscontinuent d’agrémenter dans les rivières de l’Estuaire ( 412 ).

L’hypothèque de l’insécurité pèse lourdement sur l’avenir de la colonie ( 413 ).Le nombre des Fang et leur vigueur inquiètent ( 414 ). Or, le développementéconomique demande une main-d’œuvre docile et robuste. Devant l’incapacité despopulations côtières à travailler ( 415 ), et depuis les premières réserves deBraouezec et Griffon du Bellay, Libreville reste parfaitement consciente desdifficultés à utiliser la vitalité et l’aptitude physique d’un “ peuple ” si remuant( 416 ).

Après avoir envisagé trente ans plus tôt l’installation d’esclaves libérés pourconstituer le noyau d’une population dynamique et entreprenante, la solution estune nouvelle fois recherchée hors de la Colonie. Quatre mois après sa nomination àla tête de la station navale, le Commandant Mottez rend au Ministre son rapportd’inspection générale. Son point de vue est définitif : l’exploitation des ressourcesnaturelles ne peut se faire avec les populations locales inaptes et insoumises ( 417 ).Il soumet l’idée “ d’attirer une émigration volontaire de Chinois […] au Gabon quichangerait la face de ce pays-ci et en ferait un des plus riches marchés du

Page 129: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

monde […]. Les Chinois [qui] sont plus résistants pourraient fort bien exploiter lesrichesses du sol de cet immense pays…” ( 418 ).

Donguila

Si l’apparition dans les rivières de bâtiments de la station navale est tropsouvent synonyme de châtiments et d’incendies de village, à l’inverse, lesdéplacements à Libreville de chefs fang, de plus en plus réguliers, rassurent lesautorités. Ils viennent vendre leurs produits ou réclamer la justice de la Colonie.Lors de ces visites, ils continuent de recevoir des cadeaux, pratique séculairedestinée à encourager leurs pairs récalcitrants à les imiter. Ainsi l’administration seréjouit tout autant de la bonne confiance entretenue que de les voir contracter deshabitudes occidentales ( 419 ). Au cours de ces contacts, les Fang ne manquent pas, àleur tour, de demander la présence plus régulière des Blancs dans les rivières, maisles faibles moyens dont elle dispose empêchent la station navale d’accéder à cettedemande.

Les Fang trouvent auprès des missionnaires une oreille attentive à leurdemande. Shoké, chef de Donguila, situé sur la rive droite de l’Estuaire, face àl’embouchure du Remboué, rend visite à la mission catholique Sainte-Marie deLibreville le 25 mars 1878 et obtient de Mgr le Berre la création d’une mission surses terres. La construction de la mission Saint-Paul de Donguila démarre en juin1879 sous la direction du père missionnaire Delorme. Une maison, une église, puisune école et des ateliers sont construits. Le Père Delorme n’y est présent que quinzejours par mois, laissant la responsabilité de la mission à un catéchiste.

La mission entretient de bons rapports avec les villages alentour. Ils acceptentde participer aux travaux de construction et aux travaux agricoles et s’organisentpour lui livrer à tour de rôle la nourriture (manioc, bananes et viande). Les Fangparaissent ouverts aux idées religieuses des Blancs et envoient volontiers leursenfants à l’école ( 420 ). En six mois, l’implantation de la mission de Donguila estune réussite. A la fin de 1879, soixante-cinq enfants fréquentent l’école et le 10novembre, le premier mariage chrétien est célébré ( 421 ).

L’administration de Libreville ne peut que se réjouir de l’évangélisation desFang et de ses résultats encourageants pour l’avenir de la Colonie ( 422 ). La missionde Donguila est un relais idéal pour sa politique auprès des Fang ( 423 ). Il s’agit

Page 130: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

d’inculquer, en particulier par l’éducation des enfants, les valeurs occidentales auxfuturs partenaires de la colonie ( 424 ).

L’expérience positive de Donguila amène les missionnaires du Saint Esprit àfonder en 1880 une nouvelle mission, cette fois dans l’intérieur du Gabon.L’endroit n’est pas choisi par hasard. La mission, tenue par le RP Bichet s’implantesur l’île de Lambaréné, en territoire enenga. Elle se trouve au milieu du cercled’échange Alégouma, Ilemba-Réni, Adanlinanlongo, où Hatton et Cookson etWoermann dominent le commerce ( 425 ). Les maisons ne tardent d’ailleurs pas àdéménager leurs factoreries sur l’île ( 426 ). Peu de temps après, une missionprotestante vient également s’y implanter ( 427 ). La région du Moyen-Ogoouédevient un centre important pour la Colonie. Depuis la première expédition deBrazza, elle est la porte qui ouvre sur l’Afrique Centrale et sur le plan économiqueelle devient la première région d’exploitation des produits pour l’exportation. Lefleuve Ogooué devient l’artère vitale du Gabon vers laquelle les Fang continuent deprogresser. La seconde mission de Brazza contribue à encourager ce mouvement enmême temps qu’elle modifie les équilibres régionaux.

Seconde Mission Brazza

Quittant Liverpool le 27 décembre 1879, Brazza revient au Gabon en février1880 pour une seconde mission. Officiellement il est chargé par le Comité françaisde l’Association Internationale Africaine de fonder en Afrique équatoriale deuxstations “ hospitalières et scientifiques ”, l’une occidentale, l’autre orientale ( 428 ).Son choix est libre mais il compte bien reprendre sa route abandonnée quelquesmois auparavant. Il veut remonter l’Ogooué, marcher depuis la Passa à travers lesplateaux teke, descendre l’Alima, dont le cours lui fut barré par les Apfourou lorsde sa première expédition, et atteindre en moins de huit mois le Congo dans larégion du Pool, vaste étendue d’eau en amont des rapides que Stanley a découvertlors de sa récente expédition alors qu’il descendait le fleuve ( 429 ).

Brazza doit faire très vite, car, bien qu’il n’en ait pas reçu le mandat officiel nil’assurance d’être suivi par ses supérieurs qui ne lui offrent aucune garantie, ildouble sa mission d’une entreprise beaucoup plus stratégique : il veut, au nom de laFrance, prendre possession des rives du Congo avant Stanley ( 430 ). Le Gallois, quiagit pour le compte du roi des Belges, Léopold II, est parti depuis plusieurs mois.Arrivé à Banane, à l’embouchure du Congo, le 31 août 1879, il a choisi de

Page 131: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

remonter le fleuve en affrontant les rapides. Il est officiellement mandaté par leComité d’études du Congo de l’Association Internationale Africaine pour étudierles moyens d’établir une voie ferrée depuis l’Océan jusqu’à la région du Pool. Au-delà s’ouvre le cœur du continent grâce au bassin du Congo qui compte plus de 5000 kilomètres de voies navigables. Le Pool est donc le but ultime après lequel lesexplorateurs doivent lancer des petits vapeurs qu’ils auront acheminés depuisl’Atlantique en pièces détachées, offrant ainsi à leur nation les richessesconsidérables de l’Afrique centrale. L’enjeu colonial est immense ( 431 ).

En plus du choix de la route, les deux missions s’opposent en de nombreuxpoints. Brutal et autoritaire, Stanley dispose de crédits illimités. Il emporte avec luicinq vapeurs en pièces détachées, imposant une caravane à la mesure de sontempérament ( 432 ). Brazza n’a que peu de moyens. Il s’en remet aux bons rapportsqu’il a établis avec les populations de l’Ogooué lors de sa première explorationpour les amener à participer à sa mission et conduire dans un premier temps uneéquipe aussi légère que rapide vers le Congo. Il compte payer les pagayeurs et lesporteurs en bons contre des marchandises qu’ils devront retirer dans les factoreriesde l’Ogooué. Il lui faut emporter le strict nécessaire en hommes, marchandises,appareils de physiques et armes. Brazza prévoit que, pendant qu’il court jusqu’auPool, le médecin Ballay, camarade de sa première mission, fait construire les canotsen France et prépare le reste de la mission. Il doit arriver en juin 1880 à Lambarénéavec l’enseigne de vaisseau Mizon qui devra occuper la première station fondée.Les enjeux politiques ne s’inscrivant pas dans la mission qu’il a reçu du Comité, ilne dispose pas des moyens suffisants. Aussi, la station navale de Libreville est-ellemise à contribution pour lui fournir l’assistance humaine et matérielle. Cependant,manquant cruellement de moyens humains et les soldats du fort n’étant pas relevésà temps, le commandant du Gabon demande à Brazza de ne pas choisir parmi seslaptots de la garnison, mais plutôt de choisir des soldats libérés, qui ont achevé leurservice.

Dans ce climat très tendu, Brazza constitue en dix-neuf jours une petite troupecomposée de Hamon, entre-temps passé second maître de manœuvre, de l’élèvemécanicien Michaud, du gabier-matelot de première classe Noguez, de cinqinterprètes gabonais et dix laptots en fin de service. Il quitte Libreville le 9 marspour rejoindre Lambaréné le 14 mars 1880. Remontant le fleuve, il note la présencede factoreries nouvelles. Schultze en contrôle deux, l’une devant l’île de NinguéSaka après Zora Cotcho, l’autre à Angolaké, après Samkita en face de laquelle setrouve l’important village fang de Issemé, avec ses grandes plantations de tabac etpistache (arachide ?). Après Samkita, à Bolanda, une mission protestante a ététentée. Elle semble abandonnée. D’une manière générale, la rive droite est occupéepar les Fang, la rive gauche par les Kele ( 433 ).

Page 132: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Contrariétés

Elaboré dans l’urgence, le plan de Brazza est vite contrarié par des difficultésnombreuses. La mission prend alors une dimension fâcheuse pour la tranquillité dufleuve.

Arrivé à Lopé le 7 avril 1880, Brazza doit régler un premier problème. Lecommerce de Boubou Ndiaye est florissant. Il écoule une production considérablede caoutchouc que lui vendent les Shiwa. Il a ouvert une seconde factorerie àAchouka et a à présent sous ses ordres quatre sous-traitants et un charpentiersénégalais, huit sous traitants et quatre interprètes gabonais. Mais les querellesn’ont pas tardé à surgir et les pires méfaits sont commis à l’encontre des Shiwa( 434 ). En représailles, les Shiwa n’ont pas tardé à fermer le passage aux pirogues,entravant ainsi le commerce à peine réouvert. Brazza doit convaincre les Shiwa depermettre le passage aux Galwa et Enenga qui composent sa troupe, en qui ilsvoient les alliés des traitants. Il organise le 15 avril un grand palabre réunissantplusieurs grands chefs riverains, kande, enenga et shiwa, à qui il fait promettresolennellement de garantir la sécurité des pirogues que la mission envoie sur lefleuve depuis Lambaréné jusqu’à la Passa. Pour s’assurer de leur parole, il scellel’accord en offrant des bons à retirer en marchandises aux factoreries de BoubouNdiaye ( 435 ).

Brazza ne rétablit pas pour autant la totale liberté de circulation sur le hautfleuve. Il a un autre souci. Il cherche à éviter le lent et pénible recrutement depagayeurs dans chaque ethnie traversée. Pour cela il veut s’assurer le monopole despirogues et organiser un transport rapide sur le fleuve mené d’un bout à l’autre parles Kande et les Duma depuis Lambaréné jusqu’à Nghémé. Il lui faut d’ailleurs trèsrapidement rassembler un convoi en vue de ramener Ballay et le premier canot àvapeur jusqu’à Poubara. Or, depuis le nouveau blocus des Shiwa, les Duman’entendent pas descendre aussi loin que Lambaréné. Ils veulent profiter desvoyages de la mission pour reprendre les échanges avec les Kande, leurstraditionnels interlocuteurs. Brazza s’y oppose. Il veut de son côté réorganiser lecommerce en supprimant les intermédiaires et faire des factoreries les seulesdépositaires des marchandises d’importation. Contrarié dans ses projets, Brazza faitappel au shiwa Zaboure, connu depuis la première mission, pour que les Shiwapoursuivent le blocus du fleuve et interdisent les relations entre Kande et Duma( 436 ). Au prix d’une fermeté que n’aurait pas condamnée Stanley, Brazza obtientfinalement des Duma des pirogues et des pagayeurs pour poursuivre son projet( 437 ).

Page 133: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Détruisant ainsi les privilèges d’intermédiaires des Kande et réorganisant lerecrutement des pagayeurs, Brazza déstabilise profondément l’économie de larégion. Il laisse un fort ressentiment tant auprès des riverains qu’auprès des agentsde Boubou Ndiaye qui comptaient sur une réouverture du fleuve pour amplifierleurs activités. Quant aux villages situés entre Lopé et Lambaréné, ils verrontpasser les pirogues sans plus vendre occasionnellement que des vivres. Ils nefourniront plus de pagayeurs. Leurs revenus d’intermédiaires en seront affectés.

Le 29 avril, Brazza quitte Achouka pour le haut-fleuve à la tête d’une flottillearmée de Kande et d’Enenga. Traversant le pays shiwa, il constate l’extrêmefébrilité des riverains : ils sont prêts à attaquer les convois mais se ravisent devantla présence d’européens ou de sénégalais ( 438 ). Aussi indique-t-il les mesures àprendre pour s’attirer la bienveillance des Shiwa ( 439 ).

Le 10 juin, la troupe atteint Nghémé “ point [sur l’Ogooué] le plus voisin duCongo qui peut être mis en communication par eau avec l’Atlantique ” ( 440 ). Le13, Brazza y achète trois villages et fonde la première station. Elle doit servir derelais à l’expédition où les canots seront remontés. Le commandement de la stationest confié à Noguez. Grâce à la collaboration des Duma, Brazza rassemble uneflottille pour que Michaud descende chercher à Lambaréné le reste de la missionqu’il attend courant juin. Mais ni Ballay et ses vapeurs, ni Mizon qui doit releverNoguez, ne sont arrivés.

Deuxième station

Le 25 juin, malgré une santé sérieusement entamée et un moral atteint par leretard que prend en Europe la construction des vapeurs, Brazza quitte Ngheme pourle Congo avec seulement treize hommes dont cinq laptots. Il devance ainsi la saisondes pluies. Traversant les quelque sept cents kilomètres qui séparent les deuxfleuves, l’expédition arrive à la fin août sur les rives du Congo en amont du Pool.Le 28 août, Brazza se rend à Mbé chez le roi Makoko, dont la puissance politiques’étend sur toute la région teke. En signe d’amitié, Makoko accorde à Brazzal’installation d’une station française sur ses terres. Brazza choisit d’établir cettepossession sur la rive droite du Pool. Après avoir séjourné longuement chez le roi,Brazza descend le Congo et atteint le lac Ntamo (Pool). Au nom de la France, il ysigne le 3 octobre 1880 avec les vassaux de Makoko un traité d’amitié et deprotectorat et fonde la seconde station française à Ntambo ( 441 ). Il distribue ensuite

Page 134: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

aux villages des deux rives quantité de drapeaux tricolores en signe de protection.Sa mission est pleinement accomplie ( 442 ). Brazza confie la station au sergentsénégalais Malamine, secondé de deux matelots, jusqu’au retour de l’expédition etla relève, prévus dans les semaines qui suivent.

Devant regagner le Gabon, Brazza choisit d’explorer une voie parallèle auCongo qui traverse la région de plateaux et permettrait de ravitailler directement lastation de Ntamo depuis l’océan. Mais il se heurte à l’hostilité des populations quil’empêchent de mener à bien son étude ( 443 ). Il quitte alors la région et repart pourle Congo. Le 10 novembre, Brazza atteint Dambi Mbongo où il est reçu par Stanleyqui a installé un poste avancé ( 444 ). Poursuivant sa descente, Brazza atteint Vivi,premier poste de Stanley sur la première cataracte. Il y embarque sur un vapeur quil’emmène finalement à Libreville le 16 décembre 1880. Il retient de son périple quela route la plus rapide vers le Stanley Pool reste la voie de l’Ogooué, en attendantqu’une voie de chemin de fer soit construite depuis la côte ( 445 ).

A Libreville une cruelle désillusion attend Brazza : ni les hommes ni lematériel ne sont arrivés. Dépité, il craint l’abandon du poste de Ntamo, maisassumant pleinement ses responsabilités, il décide donc, dès le lendemain derepartir soutenir Noguez et Malamine. Après avoir rassemblé le matérielprochainement nécessaire à Mizon, il part en compagnie du quartier maître Guiralet d’Amiel et rejoint à Lambaréné Michaud qui est descendu pour la troisième foisde Ngheme. Brazza entrepose le matériel dans la factorerie d’Hatton et Cookson,tenue par Jobert, et remonte le fleuve. Puis il installe sur l’île de Ndjolé un campprovisoire construit par les riverains fang et kele, qui doit servir au dépôt desmarchandises de Ballay ( 446 ). Il arrive finalement le 8 avril 1881 à Franceville, oùil doit se remettre d’une affreuse blessure au pied ( 447 ).

Trois convois inutiles

La première caravane que conduit Michaud vers Lambaréné en juillet 1880 necompte pas moins de quarante-quatre pirogues montées par sept-cent-soixante-neufporteurs et pagayeurs du Haut-Ogooué, Kande, Duma, Shébo et Aouangiaccompagnés par les principaux chefs shiwa et duma. Ainsi, pour la première foiset conformément aux vœux de Brazza, les populations du haut-fleuve visitent lesfactoreries du Moyen-Ogooué ( 448 ). Les nécessités matérielles d’un tel convoifavorisent l’économie du fleuve ne serait-ce que pour nourrir l’équipage. Lesdifférentes haltes permettent par ailleurs de commercer avec les villages. Mais lesprincipaux bénéficiaires de cette effervescence sont sans conteste les factoreries,largement sollicitées par la seconde mission Brazza. Comme prévus, les pagayeurset les porteurs sont payés en bons à échanger contre des marchandises auprès des

Page 135: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

traitants de Lambaréné. Tout aussi encouragés par la présence permanente desBlancs sur le fleuve depuis les missionnaires de Lambaréné jusqu’à la station deFranceville, les traitants poussent l’implantation de nouvelles factoreries en amont,pour atteindre finalement Booué. La seconde mission Brazza bouleverse l’équilibretraditionnel du fleuve.

Or, quand Michaud parvient à Lambaréné, ni Ballay, ni Mizon, ni les canots, niles marchandises ne sont arrivés. Le déplacement est donc totalement vain et trèscoûteux puisque avant de remonter, Michaud doit patienter plusieurs jours jusqu’auretour du courrier du Gabon. Les jours d’astreinte et d’inactivité se multiplient,L’incompréhension gagne l’équipage. L’autre difficulté est que Michaud se trouvesans aucune marchandise pour payer les hommes. Il est donc contraint d’engagerdes dettes au nom de Brazza auprès des factoreries pour payer une partie du salaire( 449 ). Les factoreries se réjouissent de la forte demande qui les autorise à fairegrimper les prix. L’équipage est mécontent de n’avoir pas été payé intégralement( 450 ). Le problème le plus sérieux réside dans le fait que les Enenga et les Galwaont accordé aux hommes de Michaud des avances considérables pour l’achatd’esclaves. Or, Brazza n’entend pas permettre la reprise de la traite dans l’Ogooué.Shiwa, Kande et Duma ont donc contracté des dettes qu’ils ne pourront pas honorer( 451 ). Pour comble, fin juillet, la flottille remonte sur Franceville à vide.

En décembre 1880, Michaud descend pour la seconde fois l’Ogooué avec lesmêmes chefs et douze pirogues, toujours en vain. Le même mois, Michaud conduitpour un troisième convoi à Lambaréné. Il y croise Brazza qui remonte versFranceville. Michaud et les chefs de l’Ogooué s’embarquent à bord du vapeur de lamaison Schulze pour le Gabon qu’ils atteignent le 30 décembre 1880. Pendant ladizaine de jours que dure leur visite au Gabon, les chefs reçoivent lesencouragements du Commandant du Gabon à s’engager dans la collaboration avecles Français, en vue de développer la station du Haut-Ogooué à l’identique deLibreville ( 452 ).

A Franceville cependant, les chefs loccaux commencent à perdre patience ets’interrogent quant à leur collaboration avec les Blancs ( 453 ). Vers Booué, lesproducteurs de caoutchouc attendent que leur production soit achetée par descommerçants dont Brazza avait annoncé l’arrivée mais qui tardent ( 454 ). Quant auxnécessités du transport, Brazza les mobilise des hommes contre leur gré ( 455 ).

Dégradation de la situation

Mettant à profit les avantages que leur confère la mission de Brazza, bienmalgré lui, les traitants engagent des actions de force envers les riverains. Pour la

Page 136: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

plupart, ces traitants sont des laptots sénégalais libérés de leur service dansl’Ogooué et ont choisi de rester au Gabon plutôt que de rentrer chez eux. En gagedes avances concédées aux producteurs, ces marchands, au premier rang desquelsBoubou Ndiaye, font des prisonniers lesquels redoutent d’être réduits en esclavage( 456 ). Brazza tente de s’opposer à cette pratique qui génère au plus haut pointl’insécurité dans le fleuve, en vain ( 457 ). Le commandant particulier du Gabonmanifeste également son inquiétude à sa hiérarchie et dénonce les pratiquesviolentes des anciens laptots. Commandant en chef de la division navale del’Atlantique sud, Grivel interdit l’installation des laptots libérés en ordonnant leurrapatriement vers le Sénégal ( 458 ).

De son côté, Michaud doit régler une affaire où les Fang, en représailles, ontcapturé à leur tour un homme de Boubou Ndiaye. Ils promettent de le garder autantde temps que leur camarade a été détenu chez le traitant ( 459 ). Le règlement decette affaire passe par une démonstration de force de la part de Brazza ( 460 ).

Cet usage de la force, pourtant parcimonieux chez Brazza, de la force montrecombien la situation a évolué depuis son premier voyage sur l’Ogooué. La haussedes prix, les enjeux économiques radicalisent les positions des différentsprotagonistes, en même temps que les conditions de circulation et d’échangesimposées par la seconde mission, ainsi que son absence de coordination portent lesgermes d’une dégradation de l’état du fleuve. L’inquiétude est d’autant plus forteque les difficultés s’accumulent : Brazza ne parvient pas à obtenir rapidement larelève de Noguez à Franceville pour y asseoir définitivement la présence françaiseet l’autorité coloniale. Il n’obtient nulle aide de Libreville qui n’a d’ailleurs pas lesmoyens de l’assister dans une entreprise que beaucoup estime insensée etégocentrique ( 461 ). La station navale craint à juste titre un embrasement dans cettenouvelle région qu’elle domine théoriquement mais qui reste dans la pratique horsd’atteinte de toute répression. D’autant plus qu’autour de Libreville, la situationpolitique des rivières est également tendue.

Dans l’Estuaire, la visite régulière des bâtiments de la station permetgénéralement de régler les conflits ( 462 ). Mais parfois les difficultés matériellesespacent ces visites et les plaignants cherchent à se rendre justice. Par crainte d’unecontamination des rivières, le Commandant dépêche alors un navire afin d’obtenirla soumission du village coupable. En cas de refus, le village est brûlé. Ainsi enjuillet 1880, Boistet part dans le Remboué soumettre trois villages fang pillards,Diaboura, Afo et Diakoulé, déjà brûlé quatre ans auparavant et reconstruit malgrél’interdiction qui lui en fut faite. Diakoulé est de nouveau brûlé, de même queDiaboura. Seul Afo, s’est soumis. “ Il ne lui a été fait aucun mal ”. Consciente deses lacunes et de ses conséquences dramatiques, Libreville instaure une tournéemensuelle du Marabout pour recevoir les plaintes des villages et apaiser au plusvite les tensions ( 463 ). Les affaires sont ainsi réglées rapidement. Elles mettentsouvent en lumière les pratiques les plus douteuses des agents de commerce, contre

Page 137: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

lesquels Libreville n’hésite pas à se montrer ferme ( 464 ). La situation s’apaise etaucune affaire sérieuse n’est à déplorer pendant le premier semestre de 1881 ( 465 ).

La mise en place d’une justice efficace est d’autant plus importante dansl’Estuaire que le nombre de Fang ne cesse de s’accroître. Ils sont 5 000 dans leRemboué ( 466 ), et leurs villages ne sont plus qu’à 8 ou 9 milles de Libreville ( 467 ).Or malgré plusieurs décennies de contacts réguliers, les Fang sont toujoursconsidérés comme des hommes sortant de la forêts ( 468 ). La fréquentation de lamission de Donguila ne parvient pas à libérer la vision des occidentaux du prismedes préjugés anciens ( 469 ). Aussi, bien qu’ils ne craignent pas leur arrivée auGabon, ils ne voient en eux que l’indispensable main-d’œuvre à la mise en valeurde la colonie ( 470 ). Ils ne sont plus les partenaires privilégiés de l’avenir du Gabon( 471 ).

Le Niari

Quand Brazza rejoint Franceville en avril 1881, il trouve la station agrandie,confortée et améliorée par les travaux et l’énergie de Noguez qui l’a transformée enrelais hospitalier, apte à recevoir les convois vers le Congo, conformément auxprojets initiaux. Hangars, jardins et élevages sont réalisés. Sa blessure au pied luiimpose un repos total. Déjà contrarié par le sort, Brazza voit Noguez mourir d’unaccès “ bilieux ” dans la nuit du 8 au 9 mai 1881. Il s’en trouve encore plus démuni( 472 ). Après deux mois d’inactivité, Brazza travaille à l’ouverture d’une route entreFranceville et l’Alima, d’une longueur de cent vingt kilomètres et à l’organisationdu transport des marchandises. Il fonde un poste à Diélé sur l’Alima.

L’activité qu’il déploie pour contrer les soucis le détourne des rapports avecLibreville qui reste sans nouvelle de lui depuis janvier 1881 ( 473 ). Elle s’inquiètedu sort du poste de N’Tamo et de la représentation de la France sur le Congo. Or le27 juillet 1881, Stanley, remontant le Congo, atteint N’Tamo qu’il veut soumettreau drapeau belge. Malamine l’en dissuade fermement avec l’appui des populationslocales. Stanley traverse le fleuve et s’installe dans le village de Kinshasa où ilfonde Léopoldville en décembre 1881 ( 474 ). Avant de quitter la région, Stanleyretrouve une certaine influence auprès des chefs locaux en distribuant de maigrescadeaux ( 475 ). Il promet de rétablir sa prééminence sur Ntamo si Brazzan’intervient pas rapidement. Libreville s’inquiète du contrôle du commerce par lesAnglais sur toute la côte occidentale de l’Afrique et au Gabon en particulier, etdevant les agitations anglaises et portugaises autour du Congo ( 476 ). Elle encouragel’entreprise du Père Carie, préfet apostolique du Congo qui a envoyé en août 1881l’audacieux R. P. Augouard de Landana, fonder une mission catholique à Ntamo. Il

Page 138: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

serait alors le résident et représentant officiel de la France ( 477 ). Augouard revient àLandana en septembre et donne enfin des nouvelles de Brazza.

En juin 1881, Mizon et Ballay débarquent enfin au Gabon ( 478 ). Mais leschaloupes à vapeur sont pour le moment hors d’usage, leur chaudière estdéfectueuse. Ballay attend des pièces d’Europe pour les réparer. Quant à Mizon,après une mission dans le moyen-Ogooué, il arrive le 27 septembre 1881 àFranceville. Malade, miné par la tournure qu’a pris sa mission, Brazza est occupé àl’aménagement de la route vers l’Alima. Il ne rejoint Mizon que le 19 octobresuivant. Soulagé de la relève de Mizon à la station de Franceville, et considérant saresponsabilité entière dans la fondation de Ntamo, Brazza veut au plus viteravitailler Malamine à Ntamo. Mizon s’y oppose et refuse de lui confier desmarchandises ( 479 ). Il n’entend pas dépasser le cadre strict de sa mission quil’affecte au commandement de Franceville et au maintien de Ntamo en annexe dela première ( 480 ). Aux inquiétudes, aux souffrances, aux hésitations du Comités’ajoute l’amertume d’être placé sous l’autorité de Ballay et Mizon ( 481 ). Brazzaquitte fin janvier 1882 Franceville avec l’idée de reprendre l’exploration du bassindu Niari à la recherche d’une route directe vers l’Atlantique. Le 17 avril 1882, ilatteint la mission catholique française de Landana sur la côte ( 482 ). Il est alorsconvaincu que la voie la plus sûre pour atteindre N’Tamo est bien la vallée du Niarioù il faut construire une voie ferrée. En attendant, l’Ogooué reste la voie quiconduit vers le centre de l’Afrique.

Brazza rentre en France le 7 juin 1882. Il est accueilli en héros national. Ilremet son rapport en août 1882 ( 483 ). Le Parlement ratifie le Traité Makoko le 30novembre 1882.

Fermeture de l’Ogooué

A son arrivée à Franceville en octobre 1881, Mizon rapporte des informationsinquiétantes de l’Ogooué où la sécurité est sérieusement menacée par des affairesqui risquent de compromettre cinq années d’efforts et de pacification. En attendantque Ballay rassemble le matériel pour Franceville, ses hommes stationnent ennovembre-décembre 1881 dans une ancienne factorerie à proximité de Lambaréné.L’inaction les conduit à de nouveaux actes de brigandage, des pillages, desdestructions et des menaces de mort contre leurs propres supérieurs. En octobre,Sulima, le traitant sénégalais de la factorerie de Samkita est assassiné par des

Page 139: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Cama. Ses magasins sont pillés par des Kele ( 484 ). Consciente de l’intérêt d’ymaintenir l’ordre, Libreville envoie Mizon rétablir le calme. Arrivé surle Marabout le 13 décembre 1881 à Lambaréné, il visite les deux missionnairescatholiques et entend les palabres relatifs à ces actes. Cinq laptots de Ballay sontfait prisonniers ( 485 ).

Dans le même temps, les agissements des traitants dans l’Okanda ne cessentpas. Excédés, les Shiwa ont fermé la chute de Booué. Les traitants réclament l’aidede la station de Franceville pour forcer le barrage et ouvrir le haut-fleuve. Brazza etMizon refusent et donnent ordre aux Shiwa de maintenir la fermeture et d’arrêterles pirogues qui s’y risqueraient, et ce jusqu’aux nouvelles instructions duCommandant de Libreville. L’enjeu est d’asseoir la situation de Franceville sansdéstabiliser l’équilibre du haut-fleuve ( 486 ).

L’autre aspect de la mission de Mizon est de remonter l’Ogooué aussi haut quele permet le tirant d’eau du Marabout. Le 19 décembre, il plante le drapeau françaissur l’île de Ndjolé à l’emplacement des cases construites par Brazza quelques moisplus tôt et depuis tombées en ruine. De sa remontée, Mizon confirme le rapport deMottez d’avril 1881. “ Les Fang y affluent pour commercer ” avec les Blancs ( 487 ).Ils s’installent au milieu des Kele dont le nombre diminue et possèdent de grandsvillages, dont celui de Beloubo, devant Zora Cotcho, qui “ est certainement une desplus grandes agglomérations d’habitants de ce pays. Le village, composé de 3groupes d’habitations, a plus de 2 kilomètres de longueur ”. D’autres dominentstratégiquement les rives (village sur une butte, près du lac Menguègn, en face deDolisie). Mizon note surtout qu’après Samkita, les rives appartiennent désormaisaux Fang ( 488 ).

Pratiques peu orthodoxes

Incontestablement l’ouverture du haut-fleuve bénéficie aux maisons decommerce, principalement Hatton et Cookson, Woermann et John Holt, dontl’audace et les moyens, à la hauteur des ambitions, permettent d’augmenter leurchiffre d’affaires en suivant la mission à mesure qu’elle s’avance dans le fleuve.Par l’importance que leur accorde Brazza avec le paiement de ses hommes et lesmouvements de pirogues vers Lambaréné, elles réalisent des profits considérableset assoient leur prééminence sur l’économie de la Colonie.

Page 140: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Dans l’Ogooué, la puissance des factoreries, la cherté des produits et lanouvelle organisation du commerce voulue par Brazza conduisent à undurcissement des conflits entre producteurs et traitants, du fait notamment desintérêts commerciaux et des rivalités entre les maisons. Pour s’attirer leurs bonnesdispositions, les facteurs s’aliènent les populations locales par les pratiques les plusdiverses qui vont des cadeaux aux mariages avec les familles de plusieurs chefs declans ( 489 ). Grâce à ces liens très troubles qui n’évitent pas totalement les“ palabres ”, les maisons n’hésitent pas, afin de conserver le contrôle d’un produitou conquérir de nouveaux marchés, à manipuler les villages pour qu’ils s’enprennent aux convois et aux villages concurrents. Or depuis plusieurs mois, lesreprésailles prennent une tournure guerrière qui augmente avec l’évolution dupotentiel militaire des protagonistes.

Quelques laptots libérés du service sont à présent traitants au service desmaisons de commerce ( 490 ). Les riverains sont troublés par leur présence et lescraignent, surtout les Fang qui les affrontent régulièrement. Certains d’entre eux,excellents soldats, entraînés au tir avec des armes puissantes, possèdent des armesde hautes précisions, armes à tir rapide et à répétition de type Winchester etRemington, fournies par les maisons en même temps qu’une quantité de munitions( 491 ). Leurs pratiques sont brutales et ils méprisent les riverains. Or ces dernierscontinuent, malgré la démobilisation des laptots, de les assimiler à l’action de lamission. Conscient de la méfiance grandissante des riverains à l’égard desexplorateurs, Brazza, Mizon et Ballay demandent à Masson le rapatriement auSénégal des laptots démobilisés. Masson y semble impuissant ( 492 ).

Les affaires se multiplient dans l’Ogooué du fait de la désorganisation ducommerce par le contrôle strict de la circulation voulu par Brazza. En octobre 1881,les Kande attaquent un convoi de pirogues qui remonte à Franceville pour lamission. Ils pillent les marchandises des pagayeurs duma et s’emparent de leurspirogues. Les traitants les moins scrupuleux en profitent pour descendre leursproduits vers Lambaréné. Les Kande organisent ensuite un raid chez les Duma pourreprendre les pirogues confisquées par la mission et les vendent aux traitants ( 493 ).La situation est à ce point compromise que Mizon est envoyé dans la région pourrétablir le calme ( 494 ).

L’apparition de la production de caoutchouc en amont de Booué alimente lestensions dans la région. A l’invitation de Brazza et de ses agents, les villagesapprennent à fabriquer des boules et constituent des stocks considérables que lestraitants tardent à leur acheter en raison d’un règlement édicté par Brazza qui leurfait défense de dépasser le poste de Booué. En dernier recours, la station est obligéed’escorter les traitants jusqu’aux villages pour qu’ils écoulent enfin la productionet, en introduisant des marchandises nouvelles, ramènent le calme ( 495 ).

Page 141: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

La Ngounié n’échappe pas non plus aux tensions. Les Fang qui viennent ycommercer doivent affronter les facteurs et leurs traitants dont les pratiquesinfâmes engendrent les conflits les plus graves ( 496 ).

De leur côté, les villages ne sont pas en reste. Bien imprudemment, lesfactoreries accèdent aux exigences des familles qui incluent systématiquement dansles dots les fusils de plus en plus perfectionnés. L’introduction d’armes et demunitions connaît un développement alarmant pour l’autorité coloniale. En 1881 et1882, près de cent mille fusils sont ainsi introduits au Gabon par les maisons decommerce, et se répandent largement auprès des Fang, Galwa et Enenga qui ont tôtfait d’apprendre à s’en servir efficacement. Les batailles sont donc beaucoup plusmeurtrières qu’auparavant.

Devant la dégradation générale de la situation politique et craignant que touterépression soit plus dommageable que salutaire, en particulier pour le commerce,Masson prévoit d’interdire prochainement l’importation de “ toute munition deguerre, poudre, fusils et accessoires quelconques ” ( 497 ).

Enfin, quoique contribuant pour une grande part aux évènements récents, lesmaisons de commerce se plaignent de l’insécurité des rivières. Au comble, ellesbravent un arrêté pris par Baudin qui interdit aux traitants de pénétrer au-delà de lazone d’action de la station navale. Schulze déplore ainsi la capture de Bohn, agentde Woermann par un village fang du Haut-Ogooué qui exige une rançon de 12.000francs pour le libérer. Schulze réclame l’intervention de Libreville. Masson l’endéboute en le renvoyant à ses responsabilités ( 498 ). Arguant de l’irrégularité desvisites des bâtiments de la station, qui ne peuvent atteindre le Moyen-Ogooué qu’àl’époque des hautes eaux, les principales maisons de commerce réclamentl’implantation d’un poste militaire à proximité de leurs factoreries ( 499 ). A la fin de1882, Masson part en mission dans l’Ogooué pour installer un poste à la pointeNord-Est de l’île d’Assingué Ningué ( 500 ).

Ainsi, les pratiques peu orthodoxes des maisons de commerce et l’incapacitéde la station navale favorisent les conditions d’une insécurité jusqu’alors inconnueau Gabon. Son expression la plus flagrante apparaît avec le refus de quelquesvillages de se soumettre au drapeau français. Fédérés et refusant de dénoncer lesvillages coupables, ils offrent une certaine forme de résistance à l’autorité. L’affaired’Akin Moin, chef kele dans le Como, en février 1882, en est la parfaite illustration( 501 ).

Page 142: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Inconfort de la station navale

Plus que jamais, la station navale se trouve dans une situation inconfortable.Avec des moyens matériels toujours dérisoires, le commandant du Gabon doitengranger les revenus fiscaux indispensables au budget de la colonie engarantissant la liberté du commerce par la sécurité des rivières. Dans le mêmetemps, il doit refréner l’ardeur des maisons de commerce qui cherchent às’affranchir de la tutelle de Libreville ( 502 ). Il doit ensuite composer sa politique enfonction des instructions qui lui viennent de Paris, au moment où les rapports quisont parvenus de Brazza laissent présager d’un avenir florissant pour le Gabon.Libreville doit aussi poursuivre sa politique de cadeaux vis à vis des Fang quicontinuent d’arriver dans la région ( 503 ). En cas de répression, elle ne doit pasengager la vie des soldats. Les débarquements sont donc proscrits. Seulsbombardements, incendies de villages, et tirs depuis le bateau sont autorisés dansles cas extrêmes. ( 504 )

Pour terminer de rassembler les circonstances défavorables à la tranquillité, ilse trouve des officiers dans les rivières qui, loin d’apaiser les tensions, laissent librecourt à leur ardeur guerrière, faisant naître des rancœurs chez les populations etchez les militaires français. Ainsi, le quartier-maître Léon Guiral, parti deFranceville le 22 mars 1882 pour relever Malamine, dénonce les pratiquesautoritaires et incendiaires de Mizon ( 505 ). L’esprit humanitaire est absent chez lui.Son manque de perspicacité inquiète. Guiral en conçoit un fort ressentiment ( 506 ).La rivalité entre officiers finit par éclater au grand jour. Mizon se heurte à Ballayauprès duquel il affiche ses prétentions : il veut les pleins pouvoirs dans l’Ogooué( 507 ). Contre les projets de Brazza, Mizon ordonne l’évacuation de Brazzaville.Malamine est rapatrié au Sénégal. La mission se poursuit néanmoins, Ballayremonte à Franceville en juillet 1882.

En attendant d’obtenir les vapeurs qui puissent remonter le fleuve quelle quesoit la hauteur des eaux, Libreville veut pallier l’irrégularité de ses visites dans lemoyen-Ogooué et dépêche en septembre 1882 Tenaille d’Estais, enseigne devaisseau, Thollon, envoyé du Muséum, Espinassy enseigne de vaisseau auxiliaire etLota, aide médecin, pour étudier la route la plus rapide depuis l’Estuaire jusqu’àLambaréné, en remontant le Remboué ( 508 ). Tenaille dispose de douze jours. Unautre aspect de sa mission est de faire des relevés altimétriques afin de compléterles connaissances du terrain et reprendre l’étude avortée du canal Remboué-Ogooué( 509 ). Le dimanche 17 septembre à 20 heures, la chaloupe à vapeur atteint Donguila( 510 ). Le 18, elle y embarque le R.P. Bichet puis part pour Chinchoua. Ilsremontent le Remboué, passent devant le village fang de Diakoulé et atteintAkondjo point ultime de la navigation, où est aménagé un débarcadère et où

Page 143: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Dubarry possède un comptoir tenu par le traitant Cassegrain. Plus loin est lafactorerie de Schulze, tenue par Luembé, un chef fang qui promet de les menerjusqu’au clan Ebenvoul, sur l’Ogooué ( 511 ). L’expédition suit un chemin decommerce ponctué de haltes aménagées en cabanes sommaires. Après une révoltede porteurs, Tenaille accepte de faire route vers le lac Azingo qu’ils atteignent le 21au matin. Ses rives sont tenues par les Fang. Le village de Joromafam sur la rive esttenu par le chef Nguema qui possèderait 80 fusils. Tenaille traverse le lac enpirogue pour rejoindre l’autre rive. Il entreprend ensuite d’atteindre Lambaréné parles chemins plutôt qu’en pirogue. Le 23 septembre, ils arrivent à la missioncatholique de Lambaréné, tenue par le R.P. Heintz ( 512 ). Ils repartent en remontantle Rembo Azingo habité par les Galwa et les Jumba. Les Fang n’y ont que descampements et un seul village, Otanda, sur la rive droite. Ils visitent le village deNdoum sur la rive ouest, le 28, le village des ebingoumba puis arrivent à Akondjoquelques heures plus tard. Ils sont de retour le 29 septembre à Libreville. Ilsconcluent qu’il faut compter six jours pour aller d’Akondjo à Lambaréné par le lacAzingo puis en pirogue.

Lota note combien les Fang ont progressé et dominent à présent le paystraversé y compris le lac Azingo, au détriment des Galwa et des Kele ( 513 ). Ils sonten relations régulières avec la mission de Lambaréné qui, à l’exemple de Donguila,tente de les “ civiliser ” ( 514 ). Seuls les rivages de l’Ogooué et des alentours deLambaréné restent aux mains des Galwa et des Enenga ( 515 ). Mais la situationéconomique a bien évolué. Les forêts sont épuisées et les villages s’éteignent àmesure que les factoreries se retirent ( 516 ). La seule activité reste la pêche dont leproduit important est vendu très loin ( 517 ). L’économie de subsistance permetd’ailleurs d’asseoir la place des Fang dans l’économie traditionnelle du pays autantque leurs relations avec les anciennes populations courtières qui se refusent à touttravail de la terre ( 518 ).

Masson

Les pratiques des traitants et des maisons de commerce conduisent à desdébordements extrêmes qui mettent en cause Galwa, Enenga, Kele et Fang ( 519 ).Excédé, Masson prend une mesure significative destinée à rétablir l’ordre dans lesrivières : dès janvier 1883, il interdit le commerce des armes à feu et de toutemunition. Les Européens eux-mêmes ne peuvent plus posséder qu’un seul fusil dechasse. La mesure est vertement critiquée par les maisons étrangères, surtout

Page 144: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

anglaises qui y voient un frein à leurs activités, alors que la France avait signé le 28juin 1882 avec l’Angleterre une convention garantissant réciproquement les droitségaux à leurs commerçants dans leurs possessions africaines ( 520 ). Car dans lemême temps, le gouvernement français autorise, avec l’appui du ministre Ferry,l’envoi de 100 000 vieux fusils à destination des villages. La chambre de commercede Hambourg présidée par Adolf Woermann dénonce la situation dans un rapportadressé à Bismarck le 6 juillet 1883 et réclame la liberté du commerce des armes etpoudre ( 521 ).

Le climat politique entre les différents acteurs du commerce est à ce pointdétestable que la mesure est sans effet. Loin de s’atténuer, les tensions s’accentuentpartout au Gabon, notamment dans le Komo où les Fang se montrentparticulièrement nerveux. Six mois plus tard, Masson exprime au ministre savolonté de ne plus engager d’expédition dans les rivières et de mettre les traitantsface à leurs responsabilités en les invitant à ne plus se rendre dans les rivières sinonqu’à leurs risques et périls ( 522 ).

Rien n’y fait. Les traitants continuent de sillonner les rivières et stationnenttoujours devant les villages grâce à leurs navires pontons. En tout, une quinzaine depontons parcourent les rivières du Komo. Isolées, ces véritables factoreriesflottantes sont des proies faciles pour les riverains. Ils représentent un véritabletourment pour l’autorité qui, incapable d’en assurer la sécurité, demande leursuppression et propose en lieu et place, l’implantation définitive des factoreries surl’île de Ningué-Ningué où la création d’un poste militaire exercerait unesurveillance suffisante ( 523 ). Elle favoriserait en outre l’implantation définitive desvillages qui, pour le moment, changent d’emplacement tous les deux ou trois ans,au grand dépit des officiers ( 524 ).

Le passage mensuel de la citerne devant l’île de Ningué-Ningué ne parvientpas à freiner les ardeurs des villages ( 525 ). Déjà entamée par l’affaire d’Akin Moinquelques mois plus tôt, l’autorité du drapeau français n’est plus crainte. L’agitationprend de l’ampleur. Pour contrer les opérations militaires, les Fang fortifient leursvillages et bloquent l’entrée des rivières en abattant des arbres. En juillet 1883,Masson doit envoyer le Basilic après le pillage d’un cotre français ( 526 ). Un moisplus tard deux autres cotres, toujours français, sont attaqués par des Fang dans leKomo. Les marchandises sont pillées, les équipages sont complètement déshabilléset relâchés en tenue d’Adam. Dans le même temps, quarante pirogues fangattaquent dans le Bokoué la goélette de Schultze, représentant de la maisonWoermann et Consul d’Allemagne qui se plaint de l’absence de police. Massons’empresse de réclamer à son ministre l’autorisation de bombarder les villagescoupables ( 527 ). Chaque semaine, les traitants se plaignent d’avoir été attaqués. Fin1883, les villages de Donguila et Boumba dans le Komo sont reconnus coupablesde pillages. Masson décide de les réprimer sévèrement. Envoyé début décembre surle Basilic, Guibert déploie une férocité rare. Deux chefs sont pendus et douzevillageois sont fusillés ( 528 ). Les deux chefs et Boumba et Donguila signent le 11

Page 145: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

décembre leur acte de soumission. La brutalité de la répression oblige CornutGentille, nouveau commandant, à rendre compte à Paris des difficultés querencontre la station navale avec ces populations agitées, incontrôlables et“ hautaines ” que sont les Fang ( 529 ).

Enfin, la station navale se préoccupe de la situation sur la côte nord où lesfactoreries étrangères liés à Elobey et à Glass règnent en maître sur le commerce.Pourtant les populations de San Benito expriment le désir de se mettre sousl’autorité de la France ( 530 ). Au début de novembre 1883, Libreville dépêche lelieutenant de vaisseau Félix pour une mission de huit jours dans la baie de Corisco,au poste de Dambo, au Bénito et à Banoko afin d’exprimer l’influence françaisecontre les ambitions émancipatrices des maisons anglaises et allemandes aumoment où les regards se portent vers l’Afrique Equatoriale ( 531 ).

Mission de l’Ouest Africain

Conquise par l’enthousiasme de Brazza et reconnaissante de la tâche accomplielors de sa seconde mission, la France renvoie l’explorateur au Gabon en mars 1883avec la mission de sécuriser les voies vers Brazzaville et fonder de nouvellesstations ( 532 ). Les crédits attribués sont beaucoup plus ambitieux queprécédemment ( 533 ). Ils lui permettent de s’entourer de moyens matérielimportants. Un vapeur est mis à sa disposition. Il consacre plus de la moitié de sonbudget à l’achat de marchandises destinées à la traite. Des navires de commercesont spécialement affrétés pour transporter son matériel. Il élargit considérablementson équipe. Il s’entoure d’un détachement de tirailleurs algériens, de trentetirailleurs sénégalais. Recrutant à la hâte, il compose son état major de cinqmilitaires et d’une quinzaine d’agents auxiliaires ( 534 ), auxquels s’ajoutent d’autresagents, pour former une équipe d’environ quarante européens ( 535 ). Enfin sesattributions sont élargies. Il accède au grade de lieutenant de vaisseau et est nomméCommissaire du Gouvernement, mandat qui lui confère les pleins pouvoirs.

Comme à son habitude, Brazza envoie rapidement un premier contingent sur leterrain pour préparer l’arrivée de la mission qu’il achève de compléter en France.Son frère Jacques et Attilio Pecile, naturalistes, arrivent au Gabon le 22 janvier1883. Rigail de Lastours arrive le 2 février 1883. Le 4 mars ils sont à Lambaréné

Page 146: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

où Pecile reste, tandis que Lastours et Jacques de Brazza remontent pourFranceville le 8 mars avec quatorze pirogues duma que Mizon vient de ramener duhaut fleuve ( 536 ). Decazes part également en avant garde en février 1883 pour leSénégal où il doit recruter une centaine de laptots. Il est accompagné de Veistroffer,Roche et Meurville ( 537 ). Des Kroumen sont recrutés pour les travaux demanutentions de la mission. Enfin Pierron et Eckmann quittent la France fin février1883 avec pour mission de préparer, en secret des factoreries, l’installation du postede Ndjolé ( 538 ).

Brazza débarque au Gabon le 21 avril avec les agents, les recrues et le matériel.Il se heurte aussitôt à l’hostilité de Masson, commandant de la station, qui n’entendpas mettre à disposition ses moyens matériels et humains, d’ailleurs fort restreints,à son service. Les marchandises sont entreposées sur les quais ouverts auxintempéries ( 539 ), tandis que les hangars de la Marine sont vides ( 540 ). Sans lasurveillance nécessaire, elles sont allègrement pillées ( 541 ). Outre l’agacementqu’éprouve la station à devoir servir la mission par ailleurs indépendante del’autorité de Libreville ( 542 ), l’affaire révèle les craintes de Libreville de voir sonautorité disputée auprès des populations locales ( 543 ).

Figure 55 : Débarcadère de la Station Navale de Libreville (Compiègne, 1874).

Page 147: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Le 30 avril 1883, Brazza part pour Lambaréné avec une quinzaine de sesagents. Il y retrouve Pecile ainsi que des anciens pagayeurs duma, descendus pourle transport du caoutchouc, qui lui réservent le meilleur accueil. Au total, près detrois cents personnes, parmi lesquelles une vingtaine de Blancs, sont réunis pour lamission, attendant depuis quinze ou vingt jours les pirogues de Franceville ( 544 ).

La chaleur des Duma ne réussit pas à masquer les difficultés du commercedans le fleuve et les hostilités entre traitants et riverains. Brazza prend alors troismesures inspirées de la mission précédente, destinées à pacifier le fleuve, préalableindispensable à la réussite de la mission, et à s’assurer son transport par lerecrutement des riverains. Trois postes doivent être créés sur le cours inférieur, auCap Lopez (en janvier 1884 par Dufourcq, délégué du Ministère de l’InstructionPublique), à Lambaréné, et à Ndjolé dont le commandement est confié à un de sesagents, Vittu de Kerraoul, ancien agent commercial au Niger ( 545 ). Ultime point denavigation pour les vapeurs, Ndjolé doit servir de base pour les expéditions versl’amont. Sa gestion demande une rigueur extrême qui ne peut faillir sans mettre endanger la réussite de la mission. La charge est souvent lourde et ingrate pour desagents mal préparés ( 546 ). La seconde mesure est à la hauteur des moyenscolossaux de la troisième mission. Brazza institue un service obligatoire qui lie lesriverains pendant plusieurs mois à la mission. Kota, Pinzi, Kande et Duma, puisFang, sont recrutés dans les villages comme porteurs, pagayeurs et soldats. Ilsparcourent le pays de Libreville au Congo et garantissent l’indispensable main-d’œuvre au transport du matériel et des hommes ( 547 ). En contrepartie, les villagesreçoivent la protection de la France et les hommes reçoivent un salaire enmarchandises à retirer en partie à Ndjolé. L’autre partie est payée dans les postessecondaires, installés au plus près des villages où retournent les hommes libérés deleur service (Pinzi, Achouka, etc. ). En les forçant à descendre l’Ogooué, Brazzas’assure ainsi que les hommes fournissent un transport supplémentaire aux convoisqui doivent remonter vers le haut fleuve. Enfin, pour garantir l’efficacité desmesures prises et éviter les troubles entre marchands, Brazza ordonne, le 3 mai1883, la fermeture du commerce dans l’Ogooué, en amont de Ndjolé. Seules lesmarchandises de la mission doivent pénétrer dans le haut-fleuve ( 548 ).

Page 148: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 56 : Le poste de Lambaréné (Veistroffer).

Les prétentions de l’Association Internationale Africaine l’oblige à se rendreimmédiatement à Loango afin d’y établir un poste et affirmer la présence françaisedans la vallée du Niari-Kouilou. Il confie le poste avancé de Ngotchou à Veistroffer( 549 ).

Brazza revient ensuite à Lambaréné, où il retrouve Rigail de Lastours,descendu de Franceville avec cinquante-huit pirogues et huit cents pagayeurs.Remontant aussitôt vers Franceville, Brazza et Lastours visitent Kerraoul à Ndjolépuis fondent un poste à Achouka, Madiville et Booué où ils s’accrochent aux Shiwa( 550 ). Le 22 juillet 1883, ils parviennent à Franceville où s’organise l’expéditionvers le Congo. Au cours de sa remontée, Pecile prend quelques notes sur les paystraversés, notamment la région de Booué où les Fang sont à présent solidementinstallés. Quoique naturaliste, ses notes sont empruntes d’une légèreté coupable( 551 ). Pour recruter ses hommes, Brazza doit passer outre le décret de Masson etdistribue des fusils rayés aux riverains ( 552 ). Le 13 novembre 1883, la station deBooué est créée. Il reçoit par l’intermédiaire de rapports particuliers des agentsenvoyés dans le fleuve des informations sur l’occupation fang des rives. L’avancéefang s’y poursuit, poussant jusqu’en pays duma, entre Booué et Madiville ( 553 ).

Page 149: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Plus bas, les premiers signes d’agitation apparaissent. Contre la fermeture dufleuve au-dessus de Ndjolé, les négociants protestent et interpellent Libreville quidoit avouer son impuissance. Brazza est omnipotent. La mesure est d’autant moinscomprise que Kerraoul autorise le négociant Galibert, agent de Woermann, às’établir à Ndjolé et à commercer avec l’amont ( 554 ). Or Galibert n’a ni permis deséjour ni patente. Successeur de Masson en janvier 1884, Cornut-Gentille faitarrêter Galibert et en réfère au Ministre dans une note où il dénonce l’arrogance dela troisième mission Brazza ( 555 ).

Auprès des riverains, la fermeture provoque des réactions de plus en plusvives. Les Fang, en aval de Ndjolé s’estiment lésés. Ils n’admettent pas d’êtreinterdits de commerce. Ils sont d’autant plus nerveux que, Ndjolé n’étant pascorrectement ravitaillé en marchandises pour payer les convois qui y descendentchargés de caoutchouc et d’ivoire, Vittu de Kerraoul, chef de poste, autorise cesderniers à se rendre à Lambaréné pour compléter leur paye ( 556 ). Kerraoul doitégalement renforcer l’interdiction jusqu’ici quelque peu perméable au commercelocal, car les factoreries, s’appuyant sur ces échanges entre villages fang situés depart et d’autre de Ndjolé, multiplient les tentatives de fraudes. Aussi envisagent-ilsde bloquer la circulation aux agents de Brazza ( 557 ). En décembre 1883, Michaud,descendu au Gabon, est la cible de coups de fusils tirés par des Fang. Pour réprimercet acte, Lastours descend de Franceville, en vain ( 558 ). D’autre part, lespopulations de l’amont sont interdites de descendre après Ndjolé où s’exerce uncontrôle féroce. Les contrevenants risquent la confiscation des marchandises et dela pirogue. Tout le commerce passe donc sous le contrôle de la Mission. Desurcroît, Brazza n’entend plus s’appuyer sur les factoreries de Lambaréné, auxcapitaux étrangers, pour s’approvisionner en marchandises. Il fait désormais appel àla maison française Daumas Béraud implanté dans le bas Congo, qui vend dès 1883pour 29 000 francs de marchandises importées d’Angleterre ou d’Allemagne ( 559 ).

Toute l’économie de la région est donc menacée. Pour contourner le passage deNdjolé, les marchandises sont acheminées par la terre. Elles sont achetées par lesFang dans l’intérieur et revendues aux factoreries implantées en aval. Cettenouvelle organisation provoque l’installation d’une centaine de villages fang enaval de Ndjolé ( 560 ).

Nzoum

Page 150: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

L’événement le plus grave de la période concerne l’attaque de la missionBrazza par le village de Nzoum, très gros village fang situé entre Lambaréné etNdjolé. Le 17 février 1884, deux pirogues descendant de Ndjolé à Lambaréné lesPères Bichet et Davezac et des laptots de la mission sont attaquées devant Nzoumau prétexte du vol d’un pagne par un équipage duma. Deux pagayeurs duma sonttués, trois autres sont blessés, un laptot est grièvement touché à la cuisse. Davezacest atteint sans gravité par un projectile mort mais sa pirogue ne peut forcer lepassage et doit remonter sur Ndjolé où les missionnaires se plaignent aussitôt àKerraoul. Sans attendre ni en référer à Libreville dont Nzoum dépend, Kerraouldescend avec Dufourcq à Nzoum. Il se fait livrer deux prisonniers, dont unvillageois désigné comme le premier coupable, qu’il ramène sans heurt à Ndjoléavant de les envoyer à Libreville. Sur un banc de sable Dufourcq retrouve le corpsatrocement mutilé d’un pagayeur duma. Il n’en reste que le tronc. Les membres ontété coupés, la tête tranchée, des lambeaux de chair arrachée. Dufourcq conclut à unfestin cannibale. Cornut Gentille est interpellé. Il réclame à son Ministre le droit desévir avec vigueur rappelant l’effet bénéfique de l’intervention de Guibert dans leKomo quelque temps plus tôt ( 561 ). Mais Paris tarde à lui donner une réponsefavorable.

De son côté, Kerraoul impose la fermeture totale du haut fleuve et arraisonne,parfois avec violence, les pirogues qui tentent de franchir le poste de Ndjolé. HuitFang meurent ainsi devant Ndjolé à la fin de février. En fait l’intendance de lamission est très difficile à assurer tant le besoin en vivres et en marchandises estimmense. La tâche confiée par Brazza s’avère très lourde pour Kerraoul, d’autantqu’il se retrouve, à l’exemple de Fourneau à Booué, seul, sans contact avec Brazzasinon que par l’intermédiaire des convois qui lui apportent quelques nouvelles surl’évolution de la mission. Qu’il faillisse à ses responsabilités et la mission estcompromise. Aussi, appliquant les instructions à la lettre, il se montre d’uneintransigeance totale à l’égard des pirogues qui tentent de passer des vivres et desmarchandises. Tous les moyens sont bons pour s’en procurer ( 562 ). Les facteursfinissent par se plaindre à Cornut Gentille des pratiques de la mission Brazza quisont autant d’entraves à leur activité. Elle a envahi le Gabon, pris possession duCap Lopez et intercepterait et saisirait des marchandises prises à terre ( 563 ). Lesrapports se durcissent entre les agents de la mission de l’Ouest Africain qui régit leséchanges sur le haut fleuve et l’administration coloniale qui défend le commercelocal, seul pourvoyeur de rentrées fiscales. Cornut Gentille se plaint à son tour àson ministre des mesures prises par Brazza et demande à son ministre d’intervenirpour rouvrir le fleuve au commerce ( 564 ).

Alors que Kerraoul autorise un traitant mpongwe à venir s’installer devantNdjolé, les Fang de Nzoum réclament réparation pour le sang versé lors del’intervention de Kerraoul. Ils organisent le 4 mars le siège du poste de Ndjolé.Conscient des limites d’une réponse armée, Kerraoul parlemente. Le siège se

Page 151: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

termine le 14 mars sans violence. Kerraoul rejette la responsabilité de ce coupd’audace sur Libreville qui, selon lui, n’a pas conduit de répression efficace contreNzoum, tandis que Cornut-Gentille réclame toujours une plus grande libertéd’action ( 565 ).

En aval de Ndjolé, les traitants sont également victimes des attaques fang. Lespirogues sont attaquées, les marchandises saisies. Les négociants en profitent pourdemander, avec Cornut Gentille la réouverture du haut fleuve, “ seule mesure depacification sur laquelle il faille compter, en dehors de l’emploi de la force ” ( 566 ).

En attendant de recevoir l’autorisation de punir le village de Nzoum, CornutGentille affronte dans le Komo plusieurs affaires dans lesquelles les Fangd’Akondjo et surtout de Ngata font preuve d’une insolence rare, défiant l’autorité,refusant de livrer les coupables. Il n’hésite pas à employer la force pour tenter derétablir l’ordre et rassurer les traitants ( 567 ).

Finalement, le Ministre donne son accord à une intervention militaire contre levillage “ rebelle ” de Nzoum. Le 11 juin 1884, Cornut Gentille donne desinstructions très libres au lieutenant de vaisseau Félix, pour qu’il mène sans pertedans ses rangs, la répression la plus énergique contre le village ( 568 ).

La baisse des eaux contraint Félix à lancer son attaque depuis la chaloupe àvapeur le Pygmée escortée de deux pirogues, armées d’une quarantaine de laptots.Le 22 juin, soit trois mois après l’attaque des pirogues, Nzoum est bombardé sanssommations ni pourparlers, mitraillé. La troupe descend ensuite à terre pourincendier le village. Les pertes matérielles sont considérables. Les villageoiscomptent plusieurs tués. Ils manifestent aussitôt leur soumission au drapeaufrançais. La mission catholique voisine et certaines maisons de commercefrançaises et étrangères expriment leur soulagement quant à la soumission de cevillage redouté. Quoique heureux d’avoir mené à bien cette action, Cornut Gentillen’en est pas moins circonspect sur l’attitude des factoreries dans cet épisode : lereprésentant de la maison Hatton et Cookson tente d’empêcher l’interventionfrançaise, et malgré les avertissements répétés de Cornut Gentille sur l’imminencede la répression, le traitant de la maison Schultze ne quitte pas Nzoum. De surcroît,il s’offre comme intermédiaire pour rétablir les liens entre Libreville et le villagerévélant son importance économique ( 569 ).

L’attitude des factoreries souligne leur position ambiguë voire séditieux vis àvis de la présence française dans l’Ogooué. Pour autant, plus que les précédentes, latroisième mission Brazza, si elle garantit de confortables bénéfices aux factoreriesde Lambaréné, constitue bel et bien un obstacle à la libre circulation desmarchandises. Pire, Brazza et ses agents, n’hésitent pas à ôter aux facteurs toutmoyen de circulation et les enferment dans une fonction de gardiens d’entrepôts( 570 ).

Page 152: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

La station navale tempête contre Brazza et ses hommes. Cornut Gentille engarde d’autant plus de ressentiment qu’il essuie les critiques acerbes à propos de larépression contre Nzoum dont Dufourcq, délégué de l’Instruction Publique,dénonce l’inefficacité et la brutalité ( 571 ). Dans l’Ogooué, la tension ne retombepas.

Le village de Nzoum est reconstruit. A la saison sèche, la baisse des eauxoblige les pirogues à passer près de la rive. Les Fang en profitent pour attaquer lespirogues des traitants. Ils veulent ainsi, bien maladroitement, les obliger à installerdes factoreries dans leurs villages ( 572 ). Les convois de la mission essuient des tirs,contraignant le chef de poste de Lambaréné à patrouiller sur le fleuve avec depetites chaloupes à vapeur. Il est, lui aussi, la cible d’attaque. Les Fang n’hésitentdonc plus à s’en prendre directement au drapeau français et à ses représentants( 573 ).

La répétition et la témérité nouvelles des attaques marquent une étape dansl’histoire des Fang. Certes leur volonté de participer à l’économie du fleuve, envendant à la mission les produits de cueillette, et les victuailles, explique-t-elle lesévènements récents, mais plus encore, les attaques sont l’expression d’une situationdégradée depuis les mesures prises par Brazza pour mener à bien sa mission.Certains villages sont ainsi tentés d’user de la force pour mettre en déroute lesconvois et récupérer par le pillage quelques marchandises ( 574 ).

Atakama

Les récents évènements de l’Estuaire et les difficultés de l’Ogooué entamentlargement la “ patience ” du commandant de la station navale. Après avoirsévèrement réprimé Donguila, Ningué-Ningué et Ngata, Libreville doit faire face àde nouvelles difficultés dans le Komo. Au début de septembre 1884, un traitantmpongwe, agent du français Bidégaray, habitant le village de Dembè dans leBokoué, enlève une femme du village d’Atakama, dans le haut-Komo. Or,Atakama est considéré comme le village le plus puissant de la région, comptantprès de deux mille guerriers. En représailles les villageois pillent une embarcationde Bidégaray et capturent une femme Krewman ( 575 ). Envoyé dans le Komo, lemême Félix réussit, à force de palabres et de persuasion, à rétablir le droit enraccompagnant la femme fang à Atakama ; la krewman, s’étant, quant à elle,

Page 153: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

échappée et réfugiée chez le traitant Demba à Ewole Mekok, cinq ou six milles au-dessus d’Atakama ( 576 ).

L’agitation grandit quand Ehrmann, négociant français, installe une plantationde palmiers après Donguila. Il se plaint de vols par les hommes de Ndjeko, chef duvillage de Bolendjo. Son employé est mis en joue par Ndjeko. Ehrmann demandel’intervention du Basilic. Conscient des risques d’embrasement en cas d’expéditionpunitive, Félix réussit à capturer Ndjeko sans dommage ( 577 ). Peu après, le mêmeDemba, lésé dans un pillage des villageois de Sakouma, se rend justice en tuanttrois Fang venus lui vendre des bananes. Puis le négociant portugais Viegas est àson tour pris à partie ( 578 ). Dix-huit pirogues du village de Mboma en avald’Atakama attaquent son embarcation et pillent son caoutchouc. A son bordQuememba, du village Lembé, est capturé et assassiné ( 579 ).

Poursuivant son inspection des rivières, Félix reçoit à Ningué-Ningué diversesplaintes. Le village d’Ewole-Mekok a volé 100 francs de marchandises au soustraitant Animbba de la maison Woermann, dont un surf boat aurait été pillé par lesgens d’Atakama. Ces derniers auraient en outre pillé les embarcations de la maisonHolt, les faits remontant au mois de janvier.

Alors que la situation semble s’apaiser dans l’Estuaire et dans le Remboué,Félix peste contre les faiblesses de la station et son incapacité à maintenir latranquillité dans le haut-Komo. Il est exaspéré par l’attitude des traitants quin’hésitent pas, malgré les recommandations du gouvernement, à dépasser Ningué-Ningué et par les villages fang dont l’audace et l’insolence grandit et pour qui lerèglement des affaires par la justice de Libreville n’empêche pas les représailles.

Aussi, déçu de l’échec de la politique “ diplomatique ” menée lors de l’affaireprécédente, Félix décide-t-il de châtier le village d’Atakama qu’il tient pourresponsable des récents désordres, véritables défis à l’autorité de Libreville. Le 22octobre 1884, il poste le Basilic devant le village et demande la restitution desmarchandises. L’attente dure un jour et demi. Comprenant les intentions de Félix,les villageois prétendent se méfier de celui qui a pendu les chefs de Donguila un anplus tôt et refusent de se soumettre aux ordres. Ils coupent alors des arbres et lesjettent à l’eau pour qu’ils barrent la route du Basilic. Mais Félix réussit faire àcesser la tactique en menaçant d’exécuter un otage qu’il a pris la veille au soir.Après une dernière sommation, Félix fait lever l’ancre pour simuler une retraite.Observant la manœuvre, les villageois sont intrigués et sortent des maisons. Félixdéclenche alors le feu à volonté sur les habitants qui se cachent dans l’épaisseur desrives et ripostent à la mitraille ( 580 ). Au bout de vingt minutes, Félix dégagele Basilic et repart pour l’Estuaire. Pendant une demi-heure, le feu continued’arroser les rives traversées ( 581 ).

L’année 1884 est donc marquée par la répression brutale et sanglante exercéecontre deux villages fang, Nzoum et Atakama, symboles d’une situation

Page 154: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

économique et politique bouleversée par les trois missions de Brazza. La colonie envient même, par la voie de Largent qui livre un rapport au Ministre, à s’interrogersur les bienfaits d’une politique incitative auprès de ces Fang si turbulents et àprésent si dangereux ( 582 ). Mais il est trop tard. L’attrait du commerce reste encoretrop fort pour stopper les groupes de l’intérieur et les empêcher de bousculer lesvillages qui les séparent des factoreries, de la côte nord, de l’Estuaire ou del’Ogooué.

Fin de mission

A la fin 1884, la plupart des postes sont créés sur l’Ogooué et le Congo. Lapremière partie de la mission de l’Ouest Africain est donc accomplie. Brazza veutmaintenant ouvrir le Haut-Congo vers l’Oubangui. Il lui faut des hommes et dumatériel pour explorer ces régions nouvelles. Lastours amène d’abord cinquanteDuma ou Kande dans le Congo. Le 19 mars 1885, cent cinquante porteurs loangoquittent Ndjolé et longent l’Ogooué sous la conduite de Veistroffer pour atteindreFranceville, devancés par Brazza qui veut ouvrir un sentier sur la rive. Brazza signeavec les chefs pinzi le 3 avril et kande le 15 un traité où ils s’engagent à fournir à lamission des hommes valides astreints à cinq voyages par an ( 583 ). A Madiville,Lastours met sur pied à partir de mai une expédition qui doit gagner le nord et lesrives de la Bénoué ( 584 ). Dans le même temps, Decazes reconnaît la Sangha, leMossaka et l’Oubangui Nkundja où il fonde des postes. Rhins et Dufourcqcomplètent les travaux sur l’Ogooué où sont implantés huit stations ou postes. Lefleuve est parcouru par un ballet incessant de convois remontant ou descendant,obligeant principalement les postes de Ndjolé et Booué, respectivement tenus parVittu de Kerraoul et Fourneau, à organiser les vivres, ravitaillements, paies, etc.pour assurer la réussite de la mission. Malheureusement, le bilan humain est cruel.L’épuisement gagne les hommes. Rien que pour l’année 1885, beaucoup d’agentssuccombent aux fièvres : Taburet et Desseaux à la côte, puis Lastours à Madiville,Malamine, Beauguillaume, Camuset, Chevin. De très nombreux convois se perdentdans les rapides, multipliant les noyades. Les pertes matérielles sont trèsimportantes.

Pendant ce temps, en Métropole, le 5 février 1885 la France signe avecl’Association Internationale Africaine une convention, résultat de la Conférence deBerlin, qui confirme ses possessions sur la rive droite du Congo ( 585 ). La Missionde l’Ouest Africain est donc terminée. Le gouvernement désengage le ministère de

Page 155: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

l’Instruction Publique de la mission et en confie la suite au ministère de la Marine.Officiellement, Brazza, les chefs de postes et ses agents sont démobilisés. Mais,daté de mars, l’ordre est long à parvenir au Gabon.

En attendant, dans l’Estuaire, la situation n’est plus aussi tenduequ’auparavant. Quelques affaires surgissent, vite rétablies. Plus que le souvenir desrépressions passées, le traitement “ amiable ” des affaires semble garantir unerelative tranquillité ( 586 ). Dans l’Ogooué, quelques heurts se produisentponctuellement, là aussi sans grandes conséquences. A partir de Ndjolé, les agentsde Brazza, qui font encore autorité, ont pour instructions de tempérer leurs ardeursrépressives ( 587 ). La tension retombe en quelques mois, depuis que les Fang sontrecrutés comme porteurs vers le Congo. Envoyés loin de leur village, leurs famillesles considèrent comme otages de la Mission et n’osent entreprendre des actionsd’envergure. Le calme revient enfin quand l’interdiction de circulation au-delà deNdjolé est partiellement levée, sous réserve d’abord, d’autorisation du chef deposte. Puis en avril 1885, un décret permet aux riverains de descendre leursproduits en aval de Ndjolé. Par une circulaire du 19 avril 1885, Dufourcq rétablit lacirculation jusqu’à Booué inclusivement où Fourneau s’inquiète du climat detension qui règne ( 588 ). Le 2 juillet 1885, Pradier remplace Cornut Gentille aucommandement du Gabon. Le 28 septembre 1885, il signe un arrêté qui rétablit lesystème du commerce d’avances dans l’Ogooué et les traitants. Ces derniersenvisagent déjà l’installation de comptoirs jusqu’à Booué.

Coupé du monde et de ses propres agents, Brazza se trouve à Diélé, au Congo,au début de juillet 1885 quand il apprend la fin de la Mission. Après une brèvevisite de l’Oubangui, il rentre par l’Alima et atteint Libreville le 18 octobre 1885.Le 19, inquiet des difficultés que provoquent la réouverture du commerce, il confieà Veistroffer le commandement de la région du haut-Ogooué avec résidence àBooué ( 589 ). Il remet ensuite ses pouvoirs à Pradier. Il rentre en France ennovembre 1885. Malgré le ressentiment qu’il nourrit à l’égard des décisions prisesen Métropole, notamment, il reste enthousiaste sur l’avenir de la colonie ( 590 ). Iln’en reste pas moins critique sur les positions prises en faveur des traitants dansl’Ogooué, qui risquent d’anéantir dix ans d’une politique de diplomatie, de patienceet de fermeté à l’égard des riverains pour leur donner la liberté de commercer ensécurité sur le fleuve ( 591 ). Enfin, les difficultés de transport par l’Ogooué ledissuadent définitivement d’en faire la voie de pénétration vers le Congo.

La fin de la Mission de l’Ouest Africain marque le terme d’une période révoluepour la colonie du Gabon. Les mesures prises entre 1880 et 1885, organisation d’unservice obligatoire, création de postes sur les rivières, circulations sur l’Ogooué,posent les cadres d’une administration moderne des vastes territoires courant del’Atlantique à l’Oubangui qu’il s’agit d’étendre encore. L’intermède ducommandement de Pradier ne peut inverser le cours nouveau. Pour les populations

Page 156: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

gabonaises, quelles que soient les orientations politiques prises par les responsablesdu Gabon ou du Gabon-Congo, l’intérêt du commerce prévaut. Alliées, rivales ouinstruments des négociants et des maisons de commerce, les relations que leurimpose Brazza ne parviennent pas à effacer plusieurs siècles de rapportstraditionnels.

Pour les Fang, la mise en place pendant cinq ans d’une nouvelle organisationde l’Ogooué, ne ralentit pas le processus d’approche des rives déjà observé depuisMarche et Compiègne. Les grands axes de progression débouchant sur lesprincipaux points d’échanges : Lambaréné, Ndjolé, Booué se confirment,poursuivant vers le sud, la Ngounié et le Fernan Vaz. Dans l’Estuaire, la situationévolue très peu, si ce n’est la multiplication des conflits entre Fang de clansdifférents qui rajoutent à l’insécurité habituelle. La progression ne s’y mesure pasen territoire conquis sur les populations locales ; depuis longtemps, les villagesfang occupent, hormis quelques terres mpongwe, l’ensemble du bassin del’Estuaire, du Remboué jusqu’au lac Azingo et de l’Ikoy jusqu’au Bokoué. Enrevanche, le mouvement migratoire y est continu, alourdissant la domination fang.

Le mouvement le plus remarquable est celui qui conduit à présent au Nord lesFang à se rapprocher du littoral où ils disputent les points de commerce auxriverains.

Vers le Nord 1886 - 1891

Les dernières mesures prises par Pradier et Dufourq pour rétablir la liberté decirculation dans le fleuve ne parviennent pas à arrêter le mouvement que lecommerce prend depuis trois ans et que Brazza, loin de le vouloir, a contribué àintensifier en supprimant les traitants, en instituant le service obligatoire et lepaiement aux factoreries de Lambaréné.

Les chefs de postes achètent l’ivoire, l’ébène et surtout le caoutchoucdirectement aux villages, remplaçant ainsi les traitants mais supprimant du mêmecoup les intermédiaires, fondement même du commerce dans le fleuve. De

Page 157: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

nombreux villages perdent ainsi une activité très lucrative. Le service obligatoiredéstabilise l’équilibre social et politique du fleuve. Les hommes qui partent pour delongs mois dégarnissent les villages de leur défense tandis que certainespopulations trouvent un intérêt matériel et politique à participer aux convois vers leCongo. Enfin, le système de paiement retarde la réception des marchandises reçuesen salaires et reste subordonné à la navigation sur le fleuve, souvent difficile ensaison sèche. La redistribution des marchandises dans les villages s’en ressent.

A cette situation difficile s’ajoute le départ de Brazza à la fin de 1885, quidémoralise les agents. La plupart d’entre eux, en poste dans l’Ogooué et le Congoveulent à leur tour être rapatriés. L’épuisement, les maladies, l’ennui ont raison del’enthousiasme primordial. Installé à Booué le 25 février 1886, Veistroffer constateque les convois sont nettement ralentis. L’activité du fleuve semble suspenduependant l’absence de Brazza ( 592 ).

Obstacle au commerce traditionnel, l’organisation voulue par Brazza détourneles échanges vers la côte Nord, depuis l’estuaire du Mouni et les ports francs desîles Elobey et Corisco jusqu’aux comptoirs au nord du Ntem. Ils remettent donc enservice des anciens chemins, que Brazza connaît pour les avoir fréquentés lors de sapremière mission, qui traversent le pays fang pour déboucher au nord de la Mondah( 593 ). Libreville est soucieuse de contrôler ce commerce qu’elle qualifie decontrebande à laquelle participe activement les Fang de l’arrière-pays ( 594 ).L’Espagne est historiquement souveraine de la côte nord mais son influence faiblitdepuis 1875, quand elle décide de retirer sa garnison des îles Elobey et Corisco,laissant sans garde les factoreries. Aussi, profitant d’un statu quo Libreville a-t-elleinstallé depuis 1880 plusieurs postes douaniers, à Dambo dans l’estuaire du Mouni,à Benito sur l’embouchure du Woleu, à Campo à l’embouchure du Ntem etdernièrement à Bata ( 595 ). En réponse, l’Espagne envoie les expéditions d’Iradier -Ossorio - Montes de Oca (1884-1886) dans le Mouni, qui rappellent son influenceauprès des chefs locaux, en particulier le Mitemboni, et freine les prétentionsd’annexion de la France.

Influence allemande

En plus des possessions espagnoles d’Elobey et Corisco, Libreville s’inquiètede la présence allemande au Cameroun. Remontant aux premières années ducommerce dans le Golfe de Guinée, elle augmente en 1866 quand Thormahlen,

Page 158: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

agent de la maison hambourgeoise Woermann, bien connue au Gabon, fonde unemaison de commerce à Douala. Les Anglais y sont actifs depuis 1840 pour lecommerce de l’ivoire et par l’activité missionnaire (1845). Deux ans plus tardWoermann commence les premières récoltes d’huile de palme, suivi en 1869 parJohn Holt qui installe une factorerie à Bimbia, au pied du Mont Cameroun. Commeau Gabon, l’importance du commerce crée des conflits entre les intermédiaires etpoussent les chefs de la côte à réclamer à plusieurs reprises l’aide de l’Angleterrepour mettre fin à leurs rivalités (7 août 1879, 6 novembre 1881 ; puis 23 avril1883). Mais le gouvernement anglais retarde la réponse (1er mars 1882). De dépit,les chefs locaux se tournent vers les Allemands et le 20 janvier 1883, Woermannsigne un premier accord avec les Akwa de Douala. Entre temps, brusquementgagné par les ambitions coloniales, le chancelier allemand Bismarck dépêche le 19mai 1884 Gustav Nachtigal, explorateur du Sahara et du Soudan dans les années1870, dans le Golfe de Guinée pour signer, en qualité de Commissaire Impérialpour l’Afrique Occidentale, des traités avec des chefs locaux. Le 5 juillet 1884,Nachtigal prend ainsi possession, au nom de l’Allemagne, du Togo. L’annonce deson arrivée au Cameroun précipite les Anglais, basés à Fernando Poo, à proposer entoute hâte un traité aux chefs douala. Devant leur refus, les Anglais vexés menacentd’incendier les villages. Les Douala sollicitent à nouveau la protection desallemands et signent le 11 juillet avec Woermann un traité dans lequel ils renoncentà leurs droits de souveraineté, de législation et d’administration. Le soir même,Nachtigal accoste dans le Wouri. Le 12 juillet 1884, les Douala se rallient auxAllemands et signent un nouvel accord. Le 13, Woermann rétrocède ses droits auCameroun à l’Empire et le 14 juillet, Nachtigal prend officiellement possession duCameroun (Douala) au nom de l’Allemagne. Quelques jours plus tard, les chefs deBimbia, au pied du Mont Cameroun (21 juillet), Malimba, à l’embouchure de laSanaga (22 juillet), de Petit Batanga, à l’embouchure du Nyong (23 juillet) et Kribi,24 juillet, signent à leur tour un traité avec Nachtigal. Plus bas, malgré l’influencefrançaise, Nachtigal signe des traités analogues à Bata le 27 juillet, Campo le 30juillet, Benito le 2 août, Awouni le 6 août et Bapouko le 7 août. Le 10 août,Nachtigal rend visite à Cornut Gentille à Libreville. Fin août, Nachtigal se ravise etenlève le drapeau allemand de la côte au sud du Woleu. Enfin, le 15 octobre 1884,par une note officielle, le dernier poste au sud des possessions allemandesau Cameroun remonte à Kribi. La Conférence de Berlin entérine la frontière franco-allemande mais laisse le champ ouvert aux possessions dans l’intérieur.

L’Espagne s’inquiète à son tour de la présence des Allemands car ces derniersaffichent aussitôt des prétentions sur l’intérieur du pays. Résolument hostiles à cevoisinage, les commandants du Gabon arguent des traités passés avec les riverainset du désir qu’ils expriment de se ranger sous l’autorité française pour réclamer lerèglement rapide et définitif avec l’Espagne et asseoir leurs postes sur la côte.Brazza suggère même que l’enclave espagnole sise en face d’Elobey soit déplacéeau nord, créant ainsi une zone tampon contre les prétentions allemandes ( 596 ).

Page 159: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

L’inquiétude française est d’autant plus fondée que le commerce au Camerounest prospère. Autrefois basé sur l’île de Fernando Poo (Malabo), il bénéficie depuisquelque temps de l’aménagement au sud de Kribi, d’un port, à Grand Batanga, àune soixantaine de kilomètres à peine au nord de Campo. Il est tenu par les maisonsanglaises et allemandes dont la plupart sont déjà implantées au Gabon. Pourcomble, des essais de plantations à partir de 1884 de cacaoyers, caféiers et plants detabac au pied du Mont Cameroun donnent des résultats encourageants ( 597 ). Pourpreuve, en juillet 1885, les maisons Woermann et Jantzen-Thormälen créent laKamerun Land und Plantagen Gesellschaft. L’agriculture sous l’Equateur n’estdonc pas un vain mot.

Par l’attrait du commerce pour les îles espagnoles et la présence allemande auCameroun, la vitalité économique de la côte nord risque de compromettre lecommerce au Gabon. En détournant les produits exploités sur son sol, elle priveraitLibreville des taxes à l’exportation tout en épuisant ses forêts. A l’heure où laMission de l’Ouest Africain laisse en chantier les structures économiques, socialeset administratives du Gabon, où la rivalité avec l’Association InternationaleAfricaine détourne l’attention vers le sud et les rives du Congo, les officiers de lastation de Libreville ouvre une campagne d’exploration vers le Nord.

Dans le même temps, les récentes découvertes dans le bassin du Congo et lamédiocrité de l’accès par l’Ogooué encourage Mizon à rechercher une voie d’accèsau Nord ( 598 ). Selon les informations qu’il tient des riverains du haut-Ogooué, aunord de Booué coule une grande rivière appelée Liba. Sa reconnaissance estcapitale car la Liba écoule l’ivoire et le caoutchouc vers l’Atlantique via le bassindu Woleu et vers l’Ogooué via l’Ivindo et Booué. Mizon suppose que la Liba est unaffluent de cette mer intérieure que mentionnent les premiers rapports d’expédition,ou un affluent du Congo ( 599 ). Elle ouvrirait vers l’intérieur de l’Afriquedifficilement accessible par le Congo et offrirait à la France un atout dans la courseexpansionniste contre l’Allemagne ( 600 ). Au début de 1885, Mizon envoie Guiral,son second, à Benito avec pour mission de remonter le San Benito (actuel Woleu)et reconnaître la Liba. Guiral est arrêté au village de Balaniguy de Njela, à près de140 kilomètres de la côte. Il apprend l’existence, après Njela, du lac Ediba. A unejournée de marche de Njela, se trouvent les premiers villages fang avec lesquels lesBalaniguy sont entrés récemment en guerre. Il renonce à poursuivre son explorationet fait demi-tour en juillet ( 601 ). Puis c’est au tour de Froment de constituer uneexpédition pour tenter d’explorer le nord ( 602 ).

Afin de marquer les limites de leur expansion respective dans la région, laFrance et l’Allemagne signent un Protocole le 24 décembre 1885 dans lequel ellesfixent le Ntem (Campo) comme frontière de leurs possessions, renoncent à leursouveraineté sur l’autre rive et s’engagent à ne pas y mener d’action politique ( 603 ).La frontière court jusqu’au 15° est de Greenwich, au-delà duquel rien n’est arrêté.

Page 160: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

La course à l’occupation reprend donc aussitôt en direction du bassin nord duCongo ( 604 ). L’Espagne manifeste son mécontentement contre ce protocole qui niesa souveraineté sur le Mouni et les terres qu’il baigne. Le 22 mars 1886 la France etl’Espagne se retrouvent pour une conférence à Paris. Au nom du Traité de Pardo etdes traités signés avec les chefs locaux, et en réaction aux entreprises allemande etfrançaise, l’Espagne revendique la côte de Campo au Cap Santa Clara et l’intérieurdu pays jusqu’au 17° est de Greenwich. La France, niant les droits de territorialitédu Traité de Pardo, ne se résout qu’à abandonner ses prétentions sur Corisco et lesterres autour du Cap Saint Jean. Un incident sérieux éclate le 30 juillet 1886 quandle Gouverneur d’Elobey en visite dans le Mouni fait amener avec force et violencele drapeau français qui flotte sur la factorerie de la maison Sajoux installée àBoutika dans le Mouni ( 605 ). Le drapeau est finalement rétabli malgré lesprotestations du gouverneur de Fernando Poo. Pradier puis Ballay préconisentl’échange avec l’Espagne des territoires français au nord du Cap Saint Jean contreles îles Corisco, Elobey et le Mouni ( 606 ).

Transition

Au Gabon, plusieurs mois sont nécessaires pour mettre en place la nouvelleadministration qui doit gérer un territoire nettement agrandi depuis la dernièremission de Brazza. Le décret du 27 avril 1886 nomme Brazza Commissaire duGouvernement du Congo français, placé cette fois sous la tutelle du ministère de laMarine, contrairement au souhait de l’explorateur. Il doit organiser dans une mêmeunité l’ensemble des territoires conquis ( 607 ). Chavannes et Ballay le secondent. Lepremier est nommé Délégué du Commissaire du Gouvernement au Congo. Brazzaperd ainsi son fidèle secrétaire qu’il remplace aussitôt par le jeune Paul Crampel,attaché au Ministère de l’Instruction Publique. Ballay est nommé Lieutenant-Gouverneur du Gabon (décret des 27 avril et 29 juin 1886). Il prend ses fonctions,succédant à Pradier, en octobre 1886.

Page 161: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 57 : Paul Crampel (Alis, 1888, p. 336).

L’arrivée de Ballay marque la fin de plusieurs mois de difficultés pour lastation navale ( 608 ). La politique à l’égard des Fang change sensiblement. Malgréla querelle qui l’oppose à Brazza, Ballay travaille dans l’optique de Brazza qui“ considère l’ouest africain et le bassin du Congo comme un pays dont l’avenirdépend du commerce et de la culture des indigènes, non de la colonisation parl’émigration ” ( 609 ). Ballay cherche l’intelligence avec les populations locales etcomprend le désir des Fang de commercer avec les Blancs. Maladroitement ilstentent de forcer les négociants à implanter une factorerie sur leur village enmenaçant les traitants, parfois en les enlevant. Ballay reste avant tout soucieux defaire respecter le drapeau national et la liberté de circulation dans les rivières ( 610 ).Parfois, il doit affronter certains chefs fang dont l’arrogance, qui outrepasse leraisonnable, est le signe d’une disposition hostile à l’autorité ( 611 ). Mais, conscientdes pratiques des traitants, Ballay ramène les évènements à leur juste valeur et segarde de toute expédition punitive. Sa politique sage et clairvoyante permet deramener pour plusieurs mois le calme dans l’Estuaire, que quelques affaires sansconséquence viennent troubler ( 612 ).

En revanche dans l’Ogooué, la réouverture du commerce depuis un an nerétablit pas la tranquillité du fleuve. Les antagonismes traditionnels couvent et sontsouvent la cause d’affrontements plus sérieux. D’autres affrontements résultent del’hostilité de certains riverains à l’installation des Blancs près de leurs villages. Enavril 1886, les Wanji se heurtent aux missionnaires de Madiville dont l’activitéoutrepasse leur tâche d’évangélisation en débordant sur les recrutements etl’immixtion dans les affaires locales. Arrêté et mis aux fers, Bamba, le chef desWanji est abattu alors qu’il tente de s’enfuir. La crise bloque le recrutement despagayeurs. Fourneau se résout à une expédition punitive. Le village est brûlé, denombreux villageois sont tués. Quant à l’expédition, elle est attaquée, laissant unmort et trois blessés. ( 613 ).

Plus bas, le retour des traitants s’oppose aux Kota et Pinzi. Alors qu’il campede nuit sur une île proche du village kota de Djambala, dans les rapides de Kondo-Kondo, à une journée de pirogue en amont de Ndjolé, la troupe que conduitFourneau est attaquée par les riverains. Un soldat a le pied arraché par un tir.

Page 162: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Fourneau apprend que les Kota sont victimes de Justin, traitant gabonais, qui se ditl’homme du commandant de Lambaréné et profite de ses “ relations ” pour voler lescourtiers kota. Ces derniers sont donc hostiles à la présence française qu’ils croientalliés des traitants ( 614 ).

Quant aux Fang, ils continuent leur descente vers Lambaréné, la Ngounié et leFernan Vaz où les pères Bichet et Buléon fonde la mission Sainte Anne à Odimba.Ils installent des cases en bambou que remplace un an plus tard deux maisons enpréfabriqués conçue par Eiffel (23 juillet 1888). Plus haut, les Fang deviennent lesintermédiaires indispensables du commerce en contrôlant la région stratégique deNdjolé où certains villages se distinguent par l’activisme de leur chef. Ainsi,apparaît pour la première fois vers 1886 le nom d’Emane Tole, chef du village deNseghe en amont de Ndjolé. A l’origine, semble-t-il, un accident de chassedégénère en conflit mortel entre les villageois et les Kota du village de Djambaladéjà connu. Le chef de poste de Ndjolé se décide à intervenir pour rétablir l’ordre etincendie le village de Nseghe ( 615 ). Loin de retomber, l’agitation gonfle au pointd’obliger les agents du Congo Français à une seconde intervention que mèneNicolas sur le Basilic entre le 2 février et le 2 mars 1887 ( 616 ). Un mois plus tard leposte de Ndjolé est de nouveau le centre d’une tension extrême. Labastic,commandant de Lambaréné reçoit au début d’avril des lettres alarmantes de Ndjoléqui font état “ d’actes d’une audace inouïe de la part des Pahouins ” et le prientd’envoyer en urgence une canonnière sur place. La sécurité des agents et destraitants y est directement menacée. Labastic engage une expédition mal préparée.Une descente à terre est improvisée contre un village fang de la rive droite. Decaux,agent du Congo détaché en mission spéciale, reçoit une balle qui lui fracasse lamâchoire. La troupe repart sans parvenir à soumettre le village. Brazza qui remonteà cette période sur Ndjolé se déplace et parvient à régler le palabre et ramener levillage à des dispositions favorables ( 617 ).

Sur la côte Nord, la situation est d’une gravité jamais atteinte. En avril 1887,trois Fang enrôlés comme tirailleurs gabonais au poste de Campo assassinent leurchef, le caporal d’infanterie de Marine Fonteneau ( 618 ). Les meurtriers sont misaux arrêts et traduits devant un conseil de guerre ( 619 ). Par ailleurs, la présence denombreuses succursales que les maisons de commerce d’Elobey ont établies danstous les affluents du Mouni augmente chaque jour l’importance commerciale de lacôte nord. Elle provoque l’arrivée massive de Fang qui y vendent parl’intermédiaire de leurs nombreux traitants une grande quantité de marchandises( 620 ). Ils bousculent les villages en place. Ballay craint pour la sécurité desfactoreries. Dans son rapport mensuel du 18 juin 1887, il demande à Paris lerenforcement du poste de Bata en y stationnant une compagnie complète detirailleurs pour surveiller toute la côte ( 621 ). Les premiers villages s’installentégalement à présent à proximité de Campo où les chefs locaux manifestent leurinquiétude auprès de Mouzin, commandant le poste de Bata. Il se déplace à Campoà la mi-août pour rassurer ces chefs sur leur autorité politique en même temps qu’illes engage à composer avec les nouveaux venus. Au terme d’un palabre, il obtient

Page 163: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

la réconciliation entre “ les envahis et les envahisseurs… par une distributiond’étoffe et d’eau de vie ” ( 622 ).

Retour de Brazza

Brazza est de retour au Gabon en mars 1887. Il entreprend aussitôt de parcourirla colonie pour mettre en place la nouvelle administration et prévoir l’organisationdes missions vers le nord du Congo et l’Oubangui. Personnalité complexe, aucaractère indépendant, Brazza ne fait plus l’unanimité des années précédentes.Critiqué pour ses absences et ses instructions évasives qui laissent ses agents dansle désarroi, il voit s’éloigner ses collaborateurs de la première heure, dont Ballay, leplus proche ( 623 ).

Auprès des populations locales, il dispose d’une notoriété encore très favorabledont il use rapidement en renouant avec une politique de dialogue et de patiencepour ramener à de meilleures dispositions les riverains de l’Ogooué et y attirer ànouveau les villages fang. Partout en effet, plusieurs mois d’absence ont ébranlél’entreprise menée depuis 1878. L’incurie de ses agents en est grandementresponsable ( 624 ). Il faut lui ajouter les décisions contraires à ses projets prises àl’issue de sa mission. Ainsi, constate-t-il que l’organisation des convois vers leCongo, qu’il avait si difficilement mis en œuvre du fait des populations réfractaires,est minée par une politique négligente envers les Fang, les Saké et les Kota, quin’ont “ été ni traitées avec une attention spéciale, ni suffisamment récompensés[…] même maltraitées corporellement ” ( 625 ). Au lieu donc de disposerd’auxiliaires dévoués, Brazza doit se résoudre à employer les hommes commepagayeurs ou commerçants. Il apprend également que les Fang récemment installéssur le fleuve sont victimes des Duma, qui doivent leur puissance à la présencefrançaise, et des convois des Européens et des Sénégalais. De dépit, certainsvillages sont retournés dans la forêt se mettre à l’abri de la mission. Plus hautencore, le pays teke est en effervescence ( 626 ). D’une manière générale,l’encouragement des populations riveraines à participer à l’économie du fleuve n’apas suivi son départ prématuré, l’économie du caoutchouc est tombée très bas( 627 ).

Page 164: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Mais Brazza est un homme de ressources. Ses projets sont à la mesure de sonénergie. Il ramène dans ses bagages des graines de cacao qu’il confie au jardind’essai de Libreville. Accompagné de Crampel, il remet au pas les chefs de postesde l’Ogooué, rappelant leur mission d’autorité et d’organisation des convois ( 628 ).Il rétablit l’organisation de la paie des riverains qui participent aux convois,appliquant ainsi les premières mesures du projet qu’il défend depuis longtemps :“ L’armement de chaque convoi étant engagé pour plusieurs voyages aller etretour, un des pagayeurs reste à la station terme où on lui délivre une quantité demarchandises représentant la solde de tous ses compagnons. Avec cesmarchandises il achète des produits du pays qu’il garde et partage entrel’armement après travail accompli. Les pagayeurs descendent alors et vendent eux-mêmes ces produits aux factoreries du bas fleuve ” ( 629 ). Pour Brazza, l’avantagede ce système de paie est triple. D’abord les pirogues disponibles sont exploitées aumieux, elles ne redescendent plus à vide. Ensuite les riverains s’offrent commepagayeurs, notamment les Fang du bas-fleuve qui, autrefois réticents par craintesuperstitieuse des rapides, se proposent en nombre si important que Brazza ne peutsatisfaire toutes les demandes. Enfin, les traitants disparaissent et leur influences’efface pour laisser place à un commerce direct entre les producteurs et lesfactoreries. Plein d’espoir dans la disparition du commerce d’avances au Gabon,Brazza n’attend plus que les pouvoirs pour réorganiser le système douanier etfavoriser les maisons françaises ( 630 ). Il poursuit son œuvre réformatrice en signantle 5 juin 1887, un arrêté qui règle l’organisation du service des “ auxiliairesindigènes ” et assure la mise à disposition totale des auxiliaires pour le service duCongo ( 631 ). Il crée le service de tirailleurs gabonais ( 632 ).

Il rétablit la confiance auprès des villages fang de l’Ogooué qui ont récemmentparticipé au recrutement et dont les hommes ont été maltraités. Il convainc les chefsde confier leurs enfants pour les envoyer dans les missions. Il signe un nouvelarrêté le 5 septembre 1887 qui interdit la pratique de prendre en otage des femmesen garantie des dettes contractées ( 633 ). Le calme revient alors dans l’Ogooué.Brazza et Crampel remontent ensuite à Booué avant de partir en août pour le paysteke secoué de guerres fratricides et où les convois sont complètement désorganisés( 634 ).

Les guerres teke, les tensions dans le Haut-Ogooué opposant Fang, Duma etKande et les difficultés de transports poussent Brazza à organiser progressivementles convois pour le Congo depuis Loango. Par l’arrêté du 7 octobre 1887, ilsupprime le poste de Lékiti sur l’Alima. La voie du Mayombe devient prioritaire,mais Brazza n’en demeure pas moins attentif au maintien d’une relative stabilitédans l’Ogooué.

Assuré du retour au calme, Brazza autorise Crampel à retourner sur Libreville àla fin de novembre, en attendant de lui confier une mission d’exploration vers lenord, dans le bassin de l’Ivindo, mal connu, qui suscite tous les fantasmes ( 635 ).

Page 165: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Dans un long rapport qu’il adresse à son Ministre, Brazza mesure avec satisfactionl’évolution politique et commerciale du Gabon depuis 1875 ( 636 ).

Reste que deux facteurs récurrents ralentissent le développement du Gabon : ledéficit chronique de main-d’œuvre et les difficultés de subsistance. Pour yremédier, le projet de Pinet Laprade et Mottez est relancé par le décret du 1erdécembre 1887 qui crée un bagne pour prisonniers annamites. Il est prévu de lesemployer aux travaux d’utilité publique et aux cultures potagères ( 637 ). Centpremiers condamnés aux travaux forcés sont envoyés en mars 1888 à Libreville( 638 ). Le bagne doit également être un réservoir pour le service au Congo ( 639 ).

D’une santé défaillante, Brazza est obligé d’abandonner une nouvelle fois lacolonie. Inquiet des effets de son absence, il donne des instructions très précises àBallay, nommé commissaire général par intérim, concernant les territoires àadministrer, notamment l’Ogooué où la clé de la stabilité réside dans l’étatpolitique des Fang. Ballay doit parvenir à les faire participer aux convois avec lesKota, Pinzi et Kande, afin qu’ils soient associés aux bénéfices commerciaux enredescendant à la côte les produits achetés dans l’intérieur. Ils sont égalementappelés à servir dans l’Oubangui ( 640 ).

Avant de partir, Brazza envoie Crampel explorer les terres inconnues au nordde l’Ogooué, depuis l’Ivindo jusqu’au Ntem. Au-delà de l’explorationhydrographique, le but de sa mission est de prévenir la pénétration allemande versla Sangha et l’Oubangui ( 641 ). Il doit contrer l’expédition que mènent vers le nord-est Kund, Tappenbeck et Weissenborn, partis de Kribi le 7 novembre 1887.Crampel entame les préparatifs de sa mission en février 1888 en partant à Loangopour y recruter des porteurs.

Au nord, l’Espagne proteste officiellement contre la prise du Cameroun etaffiche ces prétentions qui pourraient s’étendre jusqu’à la Sangha voire l’Oubangui.Elle provoque un nouvel incident diplomatique en envoyant une canonnière dans leNtem et s’oppose officiellement à un établissement commercial français, violantainsi le statu quo ( 642 ).

Ndjolé

Page 166: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Les recommandations que donne Brazza à Ballay avant de quitter le Gabon nesont pas inutiles puisque de nombreuses affaires opposent des riverains dansl’Estuaire, le Komo et l’Ogooué, où les Fang sont toujours mêlés. Les mesuresprises à propos du service obligatoire ne sont pas étrangères aux attaques fang.L’engagement de pagayeurs et de porteurs dépeuplent en effet les villages enenga,galwa, kota, pinzi et au-delà, des hommes qui partent pour de longs mois jusqu’auCongo, voire l’Oubangui et réduit leur capacité de résistance. Or les Fang,navigateurs malhabiles et reculés dans l’intérieur sont moins concernés par leservice. Leur approche des rives est donc grandement facilitée par les besoins duservice.

Dans un premier temps, la sagesse et le tact de certains agents permettent deréduire les affaires à une échelle locale, sans que soit compromise la relativetranquillité et la libre circulation des rivières. Dans la région de Lambarénéd’abord, Mordrelle, Commandant particulier par intérim du Gabon, s’abstientd’intervenir dans un conflit opposant deux villages fang ( 643 ). L’affaire s’éteintrapidement ( 644 ). Plus haut, il faut toute l’attention de Ballay pour éviter lapropagation des foyers de tensions. La région de Ndjolé est particulièrement eneffervescence depuis que son importance grandit avec la décision prise à Librevilled’y remonter le matériel de la Mission de l’Ouest Africain auparavant stocké auCap Lopez, lequel perd son poste pour ne garder qu’un brigadier des douanes ( 645 ).

A Ndjolé précisément, depuis les dernières directives de Brazza, la situation estplus que confuse tant du point de vue administratif que politique et commercial.Pour les commerçants, le service obligatoire correspond à une nouvelle fermeturedu Haut-Ogooué. A l’exemple de Cornut Gentille en 1884, Ballay s’en inquiète etfait part fin février 1888 des premières protestations de négociants à son ministre( 646 ). Il craint une recrudescence des attaques avec l’approche de la saison sèche( 647 ). Ballay réitère ses craintes en cherchant à passer outre les ordres de Brazzaqu’il désapprouve ouvertement ( 648 ). Il se fait l’écho des négociants qui demandentà réoccuper leurs factoreries abandonnées dans l’urgence, dont quelques-unesgardent un stock important de marchandises ( 649 ). Puis, devant la dégradation de lasituation économique, il prend fait et cause pour les commerçants ( 650 ). De soncôté, le Conseil d’Administration du Gabon, par l’intermédiaire de son Conseild’Agriculture et du Commerce demande officiellement le 14 février 1888 que“ l’Ogowé soit rendu à la libre circulation et au libre commerce par un actehautement constitué qui mette fin à une série de mesures arbitraires et dechangements perpétuels, et qui soit de nature à [leur] assurer enfin la stabilité et lasécurité nécessaires à [leurs]nos opérations commerciales ” ( 651 ). Brazza doitfinalement en répondre au chef des Affaires Economiques au Ministère desColonies. Dans un exposé clair et méthodique, il affronte les attaques en assumantses responsabilités. Il estime n’avoir pris aucune mesure de fermeture du fleuve, lesseules mesures prises ayant pour but de maintenir la sécurité du commerce et la

Page 167: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

tranquillité du fleuve, tout en garantissant le rôle des maisons françaises dans lehaut-fleuve et l’organisation des convois vers le Congo ( 652 ). Devant cette réponse,la maison française Sajoux fait une demande à Ballay en vue de s’implanter enamont de Ndjolé. Ballay la transmet aussitôt (13 août) au ministère de la marine( 653 ), qui la renvoie à Brazza. Le 30 août, Brazza répond par la négative. Il refusede transiger sur les principes qui conduisent sa politique coloniale. Pour garantir lasécurité du fleuve, l’installation des factoreries dans l’Ogooué ne peut se faire qu’àproximité immédiate des postes français. Il rappelle que les négociants doivents’interdire de détourner de leur service obligatoire les auxiliaires indigènes ( 654 ).Dans ces conditions, le 11 octobre 1888, le Conseil d’Administration du Gabon, parla voix de son directeur de l’intérieur, informe Ballay de son accord donné à lamaison John Holt pour qu’elle installe une factorerie sur la troisième île de Ndjolé( 655 ).

La confusion touche également les autorités dans l’administration du fleuve. Enprincipe, le chef du poste de Ndjolé doit régler les affaires qui concernent l’amont,en accord toutefois avec les instructions de Ballay. Reste que les compétences et lesordres se croisent parfois, laissant le champs libre à tous les débordements. Endécembre 1887, les deux villages fang de l’île Talagouga près de Ndjolé sont enconflit avec le traitant Emmanuel, établi à Ndjolé. Ils veulent lui soustraire son rôled’intermédiaire et menacent de le piller. Saury, ancien responsable d’une scierie surla première île de Ndjolé désormais responsable de la zone en aval de Ndjolé,intervient et se rend à la factorerie d’Emmanuel où l’attendent cent cinquanteguerriers en armes. Il réussit habilement à parlementer et à raisonner les deux chefsde village, bien que le second, dénommé Emane Tole, se montre moins satisfait del’issue trouvée ( 656 ). Vittu de Kerraoul administrateur du haut-Ogooué protestecontre cette intervention qu’il prétend être de son ressort et admoneste Saury avecdes propos très libres ( 657 ). Ce dernier s’en plaint à Ballay, qui rend compte auministre ( 658 ).

Au début de 1888, un peu au-dessus de Ndjolé, les villages fang-shiwad’Ombala et Boyabé sont en guerre avec les villages kota de Yassa et Sangalodi. Ala suite d’une attaque fang et pour rétablir l’ordre qui menace les convois pour leCongo, Froment qui en a la responsabilité, décide avec Veistroffer et Latouche,sans en référer à Vittu de Kerraoul, d’une action répressive sans tenter de réglerl’affaire en “ palabres ”. Ils partent avec sept Kota et un tirailleur sénégalais. Aprèsdeux heures de marche à travers la forêt, la petite troupe parvient vers six heures dumatin devant le village coupable. Surpris dans leur sommeil, les villageois semettent à fuir tandis que Veistroffer fait ouvrir le feu puis incendier le villagecoupable. Heureux vainqueur d’une bataille déséquilibrée, les Kota fêtent leurvictoire par de “ coutumières manifestations de cruauté ” qui déplaisent àVeistroffer. Celui-ci perd patience et tire sur l’un d’eux ( 659 ).

Page 168: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 58 : Albert Veistroffer (1931, p. 48)

Loin de calmer l’antagonisme entre Fang et Kota, l’intervention de Froment,Veistroffer et Latouche exaspère les villages. Les Fang harcèlent les Kota dontcertains villages doivent se réfugier sur les îles au milieu des rapides. Vittu deKerraoul, le chef du poste, doit se transporter en personne sur place pour tenter unemédiation ( 660 ). Il réussit à conclure une paix qu’il garantit par l’échange de sangentre les chefs fang et kota et en prenant en otage à Ndjolé le fils de Ngumba, chefd’Ombala ( 661 ). Pendant ce temps, Veistroffer atteint Booué où il annonce àDelaroche, sa mission d’explorer le pays ( 662 ). Il part avec deux chefs Fang, sixporteurs, deux laptots, son second Samba Coumba, un interprète, un cuisinier et sonboy. Après avoir marché pendant sept jours dans la forêt et traversé plusieursvillages où il reçoit toujours le meilleur accueil, Veistroffer atteint l’Ivindo surlaquelle il jette une pirogue mal construite appartenant à un chef fang qui lui“ prête ” ses pagayeurs. Ils remontent à grand peine la rivière pendant cinq jours,puis découragé par l’équipage, il choisit de faire demi-tour promettant de reveniravec un équipage kande et duma. Veistroffer ne peut mener à bien l’exploration del’Ivindo, Brazza l’envoie sur le Congo.

Page 169: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 59 : Village pahouin près de Booué (Veistroffer).

Peu après, Kerraoul n’hésite pas à tirer sur une pirogue fang qui passe devantNdjolé. Il est convoqué à Libreville par Ballay qui s’inquiète des méthodesappliquées à Ndjolé. Kerraoul invoque la stricte application des consignes qui luiont été données verbalement, “ entre autres d’avoir à tirer sur les embarcations ducommerce qui tenteraient de forcer le passage ” ( 663 ). Pour conforter la tranquillitéet éviter les attaques des convois, Froment et Veistroffer recrutent des Fang pourles transporter dans l’Oubangui ( 664 ). Mais les effets de ces recrutements sontparfois contraires à ceux recherchés car les convois subissent de lourdes perteshumaines ( 665 ). Une épidémie de variole frappe la région de Brazzaville, lesconvois propagent la maladie. Les familles cherchent en réparation descompensations financières ou humaines. Les chefs de postes y voient, non sans unecertaine lucidité, une vengeance.

La paix entre Kota et Fang est de courte durée. Courant juin, quatorzecharpentiers akra travaillant pour le poste de Ndjolé s’arrêtent au village fang deBitoga pour y acheter de la nourriture. Ils y sont reçus à coups de fusils. Un desleurs est grièvement blessé et doit être transporté à l’hôpital de Libreville. Dépêchésur place, Gazenguel, qui assure l’intérim de Kerraoul, se rend pour tenter deramener le calme. Il apprend que l’attaque de Bitoga est une représaille du meurtred’un des leurs par les Kota. En effet, les Fang considèrent que les Blancs sontcomplices des Kota. Aussi, tirent-ils sur les hommes travaillant pour le poste ( 666 ).

La rancune des Fang est aussi mal placée que tenace. Une pirogue de la stationcirculant devant Ndjolé chavire. A son bord, deux hommes du village fang de

Page 170: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Biban tombent à l’eau et se noient. Considérant la station responsable des noyades,Biban attaque à coups de fusils une pirogue de la station qui remonte le fleuve.Kerraoul tente de ramener le calme en indemnisant la famille des noyés maisdemande que Biban soit châtié pour son attaque. En attendant que s’organise unecolonne pour incendier Biban, ses villageois, ayant échoué dans leur premièreattaque, s’en prennent par dépit aux hommes de la factorerie Hatton et Cookson.Trois agents s’arrêtent à Biban pour acheter de la nourriture. Ils sont aussitôt pris enotage. Kerraoul doit envoyer un sergent pour obtenir leur libération ( 667 ).

L’attitude de Kerraoul oscillant entre règlement pacifique et répression illustreà quel point l’administration coloniale reste incapable d’accéder à l’idée de justiceque conçoivent les Fang malgré plusieurs décennies de contacts. Tranchantsingulièrement avec la politique qu’il défend, l’administration que Brazza met enplace pêche particulièrement par l’insouciance et l’incapacité de certainsresponsables qui confinent parfois à une absurdité coupable. Delaroche vientgrossir la cohorte des agents cruels, à côté de Félix, Froment et Kerraoul.Succédant à Veistroffer le 25 janvier 1887 au poste de Booué, il est remarqué unepremière fois en avril 1888 par Ballay qui note à quelle hauteur se situe sonincompétence. Craignant absolument tout mouvement de la part des Fang, il croitpouvoir acheter leur paix en distribuant sans compter des cadeaux ( 668 ). Le 18octobre 1888 dans son rapport mensuel sur la situation de la colonie, Ballay doitrevenir sur son cas auprès du ministère de la Marine : en septembre 1888, “ Un faitgrave vient de se passer à la station de Booué. M. Delaroche, agent du cadredéfinitif, chef de cette station a fait fusiller de sa propre autorité et aprèsinstruction et jugement sommaires, un Pahouin qui, aidé d’un de ses camarades,avait volé dans un hangar ouvert cinq petits barils de sel ! ” ( 669 ). Le 20 suivant,Ballay demande à sa hiérarchie de prendre rapidement des mesures disciplinairescontre Delaroche ( 670 ).

Page 171: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 60 : Le poste de Ndjolé en 1888 (Veistroffer).

Alertée, la presse se fait l’écho de cette affaire qui risque de nuire aux intérêtsfrançais ( 671 ). Delaroche est remplacé au poste de Booué par Terrier, agent de 2eclasse. Vittu de Kerraoul écrit ensuite le 28 octobre au Lieutenant Gouverneur pourapporter son soutien à Delaroche en minimisant la portée du crime ( 672 ). Le 12novembre, Paris télégraphie à Ballay et l’engage à prescrire en urgence une“ enquête sévère sur mesure prise par chef poste Booué et rendez compte ” ( 673 ).

Ballay rend compte dans son rapport mensuel de novembre. La culpabilité deDelaroche ne fait aucun doute ( 674 ). Ballay joint à charge la lettre de Vittu deKerraoul. Ce dernier reçoit à Ndjolé la visite du lieutenant inspecteur Boffard-Coquat. Il lui reproche de ne pas tenir les comptes à jour, de dépenser trop, den’avoir aucune autorité sur le personnel ( 675 ). Boffard-Coquat poursuit soninspection à Booué. La situation y est déplorable ( 676 ). Montrant quelque hésitationà sanctionner un agent du Congo, le 19 novembre, Paris réitère sa demanded’enquête ( 677 ). Finalement Delaroche est congédié pour actes d’immoralité etmauvaise gestion du poste de Booué ( 678 ).

Cinquante ans de présence française

Page 172: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

L’indignité des comportements coloniaux évoqués n’est pas l’apanage de laFrance. En mars 1888, à Elobey, deux Fang sont tués par quatre Espagnols enprésence du sous gouverneur de l’île, “ sous le prétexte le plus futile ” ( 679 ). Malgréla présence française, la côte nord apparaît comme une zone de non droit où lapersistance d’un trafic négrier à destination de Sao Tomé réfrène l’arrivée des Fangsur la côte ( 680 ). La situation observée dans l’Estuaire, dans les années 1840 serenouvelle ainsi : bien que disputant le commerce aux intermédiaires côtiers, lesFang craignent les négriers et s’en remettent à l’autorité des chefs de postes pourrégler leurs différends ( 681 ).

Dans l’Estuaire, en revanche, cinquante ans de présence française neparviennent toujours pas à pacifier les rivières qu’occupent les Fang à quelquesvillages près. Les Mpongwe conservent leurs villages des pointes Denis et Pongarasur la rive gauche, tandis qu’autour des vieux villages de la rive droite, de Glass àQuaben, le cercle des villages fang se rapproche.

Les tentations sont trop fortes pour les villages de ne pas faire quelquesbénéfices en attaquant les pirogues, inspirés le plus souvent par les traitants eux-mêmes ( 682 ). Pour réprimer ces actes, la destruction des villages reste une méthodepratiquée, bien qu’elle soit reconnue sans effet ( 683 ). Ballay ne peut que regretter lacrainte qu’inspire dans les rivières la présence d’un navire, trop souvent synonymepour les villages de répressions mal comprises ( 684 ). A la suite de nouveauxpillages, il décide en juin 1888 de mettre fin à l’incendie des villages pillards, etpropose d’établir un poste dans l’Estuaire, en face de Donguila, à la hauteur duRemboué qui draine une grande partie du commerce de l’Ogooué et de sesaffluents, et un autre dans le Komo, sur l’île de Ningué-Ningué, où convergent lesproduits du haut-Komo ( 685 ). Malgré tout, il doit agir sévèrement en octobre contredes Fang qui viennent d’attaquer des convois à la Pointe Owendo, à quelqueskilomètres à peine au sud de Libreville.

Crampel

Page 173: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Tandis que Crampel recrute ses porteurs en février 1888, la missiond’exploration menée par Kund, Tappenbeck et Weissenborn au Cameroun, partiede Kribi et remontant vers le nord-est, et après de nombreuses péripéties, atteint laSanaga aux chutes qu’ils baptisent “ Nachtigal ”. Le 8 février, retournant vers lacôte, la colonne essuie un sérieux revers au nord de Bot Makak. Elle est attaquéepar les Bassa, intermédiaires vers la côte qui, par crainte de voir leurs privilègesatteints, s’opposent à la pénétration blanche. Kund est blessé aux bras, Tappenbeckreçoit une balle à la tempe, dix hommes sont tués, vingt-six sont blessés, centdésertent. En toute hâte, la colonne bat en retraite et regagne la côte, abandonnantses armes rayées, les instruments et le matériel. Le choc est rude pour l’Allemagnequi, n’envisageant pas en 1884 une occupation militaire du Cameroun, doit revenirsur son engagement colonial. Touchés dans leur orgueil, les trois officiers gardentun fort ressentiment de l’attaque et décident aussitôt de recomposer une expédition.

Figure 61 : L’expédition de Crampel (Alis, 1888, p. 321).

A Libreville, Ballay est informé de la déroute allemande au début mars ( 686 ).Un mois plus tard, le 25 avril 1888, Crampel rassemble ses marchandises à Ndjolé.Il reçoit une lettre de Ballay l’informant de la situation dangereuse dans la régionnord ( 687 ). Inspiré des méthodes de Brazza qu’il a suivi pendant près d’un an,Crampel ne s’en inquiète pas et reste déterminé quant à l’engagement de sa mission( 688 ). Le 12 août 1888, Crampel quitte Lastourville (Madiville) avec deux laptots,trente-trois porteurs et deux domestiques. Son intention est de remonter droit aunord, à la recherche de la Liba ( 689 ). S’orientant vers l’est puis le nord est, Crampel

Page 174: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

traverse pendant quatre jours une zone inhabitée, ne trouvant ni village, ninourriture. Il explique ce désert humain par la présence française dans l’Ogooué quia dépeuplé les habitants. Certains, se sont avancés vers les rives tandis que d’autress’en sont éloignés suffisamment pour échapper au service obligatoire et àl’organisation du commerce.

Figure 62 : Itinéraire de Crampel (Alis, 1888, p. 334).

Le 17 août, la colonne parcourt le haut-bassin de la rivière Mchiguidina etgagne le pays kota qu’elle explore pendant un mois. Au-delà de la rivièreBouniandjé, Crampel apprend de Tsilo, chef kota de Mpoumba, que les Kota sonten relations avec les Moutendié, voisins de la rivière Woleu. Tsilo connaîtl’existence d’une mission américaine sur cette rivière. Le 27 septembre, Crampelatteint la rivière Liboumba. Jusqu’au 8 octobre, il parcourt les environs duconfluent Liboumba-Ivindo, signe des traités avec les Kota de qui il recueille des

Page 175: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

informations sur les Shiwa qui habitent la rive droite de l’Ivindo, qu’ils nommentAïna. Les Shiwa achètent l’ivoire aux Kota et l’apportent vers la côte. Leurmouvement vers la côte est continu jusqu’au Komo et au delta de l’Ogooué ( 690 ).

Le 9 octobre, Crampel remonte vers le nord par la rive droite de l’Ivindo. Il setrouve alors dans le pays habité par les Fang. Ils sont plus méfiants que les Kotadevant la présence d’un Blanc qu’ils soupçonnent de vouloir les déposséder de leurcourtage. Le 1er novembre, Crampel arrive à Essénekam, village d’un autre groupefang arrivé depuis peu dans la région, qui a repoussé les populations vers l’ouest. Ilnote combien les Fang de l’intérieur sont peu enclins au travail ( 691 ). Le 25novembre, il atteint la boucle que décrit l’Ivindo depuis l’ouest près du village deKogennyemm. Annundjoko, son chef, lui indique la présence à l’est d’un grandrocher, de petits hommes, les Bayaga, et l’existence d’un vaste lac aux eaux noires.Au lieu de se rabattre vers la côte comme lui prescrivent ses instructions, Crampeldécide alors de poursuivre son excursion vers l’hypothétique Liba. Sans nouvelle,Libreville le croît en face de grandes difficultés ( 692 ). Parti avec seulement dixporteurs duma, Crampel arrive devant le mont Akoafen. Il visite trois jours durantun campement de Pygmées dont il note avec précision le système de dépendancequ’ils entretiennent avec les Fang. Le 24 décembre, Crampel atteint le Dja, courssupérieur du Ngoko, principal affluent de la Sangha. Il atteint là la limite despossessions françaises telle qu’elle a été définie à Berlin. Il doit faire demi-tour. Le30 décembre 1888 (ou le 6 janvier 1889), il s’arrête au village fang Binvolo du chefEyegueh qui lui donne en mariage une fille de huit ans, manifestant ainsi leurdisposition à l’égard des Blancs et leur volonté de commercer avec eux.

Page 176: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 63 : Le village Eyegeh (Alis, 1888, p. 331).

Crampel entreprend de repartir vers la côte. Le 14 janvier 1889, il découvre lessources de l’Ivindo, puis traverse une vaste région de marais avant d’atteindre leKom (16 janvier), affluent du Ntem. Pour soulager ses porteurs exténués, ilconfectionne des radeaux de combo-combo et descend la rivière à partir du 20janvier. Sur les berges apparaissent des villageois en armes, signe évident d’unetension. Le cinquième jour, un villageois hèle Crampel et l’interroge sur sanationalité. Crampel s’attend à une attaque.

Le lendemain, à midi, un coup de feu claque de la rive où est posté un Fang.Les hommes de Crampel ripostent, engageant une fusillade au cours de laquelle lecuisinier de l’expédition est atteint, tandis que les porteurs plongent pour seréfugier sur la berge opposée que Crampel rejoint à son tour. Il entame alors unediscussion avec un vieux chef qui l’invite à venir au village guérir deux blesséscontre une escorte pour poursuivre la descente de la rivière. Acceptant l’offre,Crampel soigne les blessés au village. Le projectile qu’il extrait de son cuisinier estune véritable balle de revolver en plomb, ce qui l’étonne puisque d’ordinaire, lesprojectiles sont des petits lingots de fer fabriqués artisanalement par les populationslocales. Sans qu’il s’en doute, la balle de plomb provient des munitions prises àl’expédition allemande en février 1888 ( 693 ).

Le convoi reprend la rivière. Plus loin, il subit une nouvelle attaque. Crampelet ses hommes doivent se réfugier sur un îlot. A nouveau, il parlemente avec le

Page 177: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

village assaillant pour parvenir à un accord aux termes duquel il abandonne sesmarchandises contre une escorte des villageois par les routes terrestres. Mais pourgagner le chemin prévu il faut descendre encore la rivière.

Le lendemain, le convoi se risque à nouveau sur l’eau. Soudain une foule deguerriers en armes se postent sur les berges et tirent à l’approche des radeaux. Lesporteurs nagent jusqu’à la berge. Crampel ferme leur retraite. Les radeaux sontperdus. Crampel ne se résout pas à perdre la caisse qui contient ses notes. Risquantla noyade et s’exposant au tir, il fait demi-tour. Il est touché d’une balle à la cuissemais parvient jusqu’au radeau. Arrivé près du rivage une deuxième balle l’atteint. Ilest repêché par ses hommes et sauve ses notes. L’expédition doit fuir sespoursuivants en quittant la rive pour pénétrer au plus vite dans la forêt marécageuseet inextricable. La progression est insupportable, n’effectuant qu’à grand’peine cinqà six kilomètres par jour. La blessure de Crampel s’infecte. Pour éviter la gangrène,il pratique régulièrement d’intenses saignées sur sa cuisse.

Au prix d’un effort surhumain, Crampel conduit ses hommes jusqu’au Ntem( 694 ). Puis il décide de descendre vers Bata pour éviter de passer devant les villagesfang qui contrôlent l’entrée du fleuve. Le 3 mars 1889 il arrive enfin à Bata où ilapprend que plusieurs factoreries espagnoles ont été récemment pillées et queplusieurs Blancs ont été tués. Epuisé, il rentre en France le 26 mars avec sa jeuneépouse fang. Le temps de sa guérison, il ambitionne déjà d’entreprendrel’unification de l’Ouest Africain, du Congo à la Méditerranée. De son expédition,Crampel rapporte à la France plusieurs traités signés avec les villages traversés quiassoient un peu plus la prééminence française sur les terres à l’intérieur de la côtenord, au détriment des prétentions allemandes et espagnoles.

1889

Les difficultés rencontrées par Crampel lors de son expédition dans le nord duGabon rappellent celles de Marche et Compiègne seize ans plus tôt dans l’Ogooué.Elles sont la conséquence de la progression du commerce dans l’intérieur ducontinent. Aux portes de l’Ivindo comme sur le haut Ntem, les intérêtséconomiques attirent les producteurs au détriment des populations courtières. Lemouvement met à bas les rapports politiques autrefois favorables aux courtiers,déstabilise les fragiles équilibres traditionnels et provoque une agitation intense( 695 ). Pris à parti dans les rivalités interclaniques dans le bassin du Ntem,

Page 178: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

l’aventure de Crampel illustre l’intérêt économique que revêt depuis quelquesannées la région nord du Gabon.

Moins d’un an après leur première expédition, Kund, Tappenbeck etWeissenborn repartent à l’assaut de l’intérieur camerounais le 6 janvier 1889depuis Kribi, avec cent quatre-vingts hommes. Cette deuxième expédition n’est pasmoins fatale. Cinq jours après leur départ, Weissenborn abandonne la troupe. Ilmeurt à Douala le 21 février 1889, à 32 ans. Le 12 mars, Kund doit repartir vers lacôte laissant Tappenbeck guidé par Hörold, dernier allemand valide pour avancervers le nord-est. Ils fondent le poste de Yaoundé. Malade, Kund rentre enAllemagne fin mai. Le 17 juin 1889, Tappenbeck abandonne Hörhold et quitteYaoundé pour rejoindre Kribi le 4 juillet. Il meurt de la malaria le 26 juillet 1889, à28 ans. Fin juillet, Kund décide malgré son état de repartir pour le Cameroun. Onlui choisit pour second Curt von Morgen qui s’embarque pour Douala. En lerejoignant en octobre 1889, Kund, âgé de 37 ans, est frappé d’une attaque qui leparalyse et l’oblige à rentrer en Europe. Il reste handicapé.

Malgré l’hécatombe, les Allemands possèdent à présent avec Yaoundé unebase avancée au Cameroun et menacent sérieusement les intérêts français enAfrique. Ils ambitionnent d’étendre leur influence vers le nord, jusqu’aux rives dulac Tchad, le Niger, et vers le sud-est, jusqu’au Congo. En même temps, leurprésence sur la côte nord est une source d’insécurité et un danger pour l’économiedu Gabon. Chavannes, qui remplace Ballay le 26 avril 1889 (décret du 12 mars1889), s’inquiète dès ses premiers rapports du ralentissement du commerce ( 696 ). Ilse montre favorable à l’établissement de contacts avec les Fang par l’ouverture deroute et l’exploration autour de Libreville qui reste encore très mal connu ( 697 ). Ilabandonne cependant le projet de Ballay concernant la création des deux postesdans le Komo pour leur préférer l’envoi d’une canonnière ; les difficultésbudgétaires ont eu raison du plan de Ballay. Le Komo reste calme pour quelquesmois ( 698 ). Le détournement du commerce vers la côte nord reste un sujet depréoccupation important pour Libreville ( 699 ). L’inquiétude est d’autant plussoutenue que le commerce se dirige vers des points que la France ne contrôle pas :les îles Corisco et Elobey et la côte allemande. Le poste de Bénito à l’embouchuredu Woleu reste sans intérêt. Chavannes décide de sa suppression en août 1889( 700 ). Il conserve Campo et Bata ( 701 ). A Bata, les tensions sont continues entre lespopulations côtières et les Fang qui poursuivent leur progression vers la mer ( 702 ).

Dans l’Ogooué, les Fang reviennent à de meilleures dispositions. Ils acceptentle recrutement de leurs hommes. En une journée, entre Lambaréné et Ndjolé,soixante-dix-sept Fang sont recrutés pour le Congo ( 703 ). Plus haut, la situation sedégrade. Les pagayeurs travaillant pour la mission s’attirent l’hostilité desriverains. Ils sont payés en marchandises à Ndjolé et chargés de descendre lesproduits des riverains. Nul doute que dans les transactions, les pagayeurs, se sentantsoutenus par les agents de Brazza, se conduisent à la manière des traitants. Desincidents éclatent, sans plus de conséquences. A Booué, le poste est tenu par Sâr.

Page 179: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Inspirées des méthodes de Brazza, les relations qu’il entretient avec les Fangcontiennent les débordements ( 704 ). Cependant, le 3 juillet 1889, à Retjégo, entreNdjolé et Booué, un pagayeur pinzi est blessé par un Fang. Lafforest, responsabledu convoi, décide d’une attaque. Ils sont reçus par les tirs de villageois ( 705 ).

Enfin, en juillet 1889, une première bille d’okoumé est remorquée par unepirogue fang jusqu’à Glass.

Fourneau

De retour d’Europe après un premier séjour au Gabon en 1884-1885, AlfredFourneau débarque à Libreville le 24 avril 1889. Le 10 mai 1889, Chavannes luiconfie la mission de remonter depuis le pays kande vers le Campo (Ntem), puis dedescendre le fleuve jusqu’à la côte. Paul Dolisie, frère d’Albert, administrateur deBrazzaville, lui est adjoint. Après quelques difficultés pour recruter les porteurs,notamment en pays douma ( 706 ), Fourneau part le 4 août 1889 d’Achouka avecquarante-quatre porteurs. Le 10 août, la colonne atteint le grand village deZouameyong, situé à 120 kilomètres au nord de Lopé. Il est long de 1500 mètres,très peuplé, cerné d’immenses plantations. Fourneau signe avec Bekale, son chef,un traité qui l’engage à implanter rapidement une factorerie sur ses terres. Les jourssuivant Fourneau et Dolisie signent des traités analogues avec les villages traversés( 707 ). Le 24 août, il parvient au pied de Ndoméko, et du 24 août au 4 septembrel’expédition séjourne à Honduré, avant de traverser le Ntem puis le Kom le 19septembre. Fourneau se trouve alors en zone allemande, au milieu des Fang Mekukdans un pays montagneux. Il traverse la Vila, puis le Mehoum. Le 7 octobre, ilsigne un traité avec Linassé, chef de Ntola. Le 8 octobre il arrive au villaged’Ebiameyong qui touche le commerce à la côte. Enfin le 11 octobre, tous arriventsains et saufs à Campo sans avoir tiré un seul coup de fusil, après 68 joursd’expédition. Les traités signés par Fourneau veulent garantir l’occupationfrançaise sur la côte nord et les terres intérieures.

Au début de mars 1890, Fourneau repart pour une nouvelle mission :l’exploration des terres voisines de Libreville, depuis l’Ikoy jusqu’à la Mondah. Ildébarque le 4 mars dans le petit village seke de Mandjy, à la pointe Péni, en face del’île Conniquet. La région est habitée par des Fang du clan Samékasse, parent desvillages visités par Fourneau dans la haute vallée du Ntemboni. Leur principaleactivité consiste à se rendre à Libreville pour vendre de la nourriture, banane etmanioc essentiellement. Le 13 mars il remonte la crique Mekouma et visite lesvillages de Mekoma et Kalétoune, habités par des Fang du clan Ossouma. Ils sont

Page 180: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

en guerre, pour des questions de femmes, avec les Samékasse qui habitent près desplantations de café qu’entretient la maison Woermann à Siebang. Ils s’en remettentà Fourneau pour régler les palabres. Fourneau remonte ensuite l’Ikoy jusqu’à sasource, la crique Youkabikoungé. Autrefois habitée et fréquentée par lesmissionnaires anglicans, la crique est aujourd’hui désertée. Sa source est séparée dela source de la Mondah par un simple dos de terrain de 30 mètres de haut sur2000m de base. Dans ce village, (actuel village de Nkok) un traitant noir est installépour le compte de la maison Daumas. Poursuivant par la Mondah, Fourneau etDolisie sont de retour à Libreville le 14 mai ( 708 ).

Kerraoul

Parce qu’il en apprécie les méthodes, Brazza donne, le 17 juin 1890, denouvelles instructions à Fourneau pour qu’il se rende dans le haut Ogooué rétablirl’ordre. Il doit ensuite visiter à nouveau le grand village fang de Zouameyong et sediriger vers le nord pour contrer l’action allemande ( 709 ).

La situation dans l’Ogooué est en effet à ce point dégradé que Brazza doitenvoyer un collaborateur de confiance. Au début de 1890, les riverains en amont deBooué font savoir qu’ils refusent de se soumettre au service obligatoire ( 710 ).Responsable de la zone, Kerraoul décide d’inspecter les villages réfractaires.Descendant de Lastourville, il s’arrête au village sake de Mongoda pour recruterdes villageois. Il se heurte au refus du village. Furieux de son échec, Kerraoulincendie le village et le pille, s’emparant “ de toutes les marchandises, de cabris etvolailles qui [tombent] sous sa main ” ( 711 ). Reprenant sa route vers l’aval,Kerraoul s’arrête maintenant au village fang de Belatchakina ( 712 ). Les villageoiss’étonnent de la présence d’un homme du “ Commandant ”, qu’ils connaissent bienpour l’avoir accueilli à plusieurs reprises et qui l’ont déjà assuré de leurs bonnesdispositions en lui envoyant des auxiliaires. Fourneau donne le récit de larencontre :

“ A peine sa pirogue avait-elle accosté […] que les chefs du village vinrent à larencontre de Kerraoul avec des cabris et des femmes chargées de bananes. DeKerraoul les reçut alors brutalement disant qu’il ne [se soucie] fort peu de leursvivres et de leurs cadeaux [,] que ce qu’il exigeait pour le moment c’était des

Page 181: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

hommes et des enfants qu’il fallait donner pour qu’ils travaillassent à notre serviceet que pour l’instant il entendait qu’il ne lui fit pas de conditions.

“ Les Pahouins répondirent qu’ils voulaient lui envoyer des hommes et desenfants à notre service, mais qu’il fallait au moins laisser des [gages] aux parents etaux chefs, dire à quelles conditions on prenait ces hommes et ce qu’ils allaientfaire, etc. De Kerraoul ne voulut rien entendre, alors les Pahouins lui dirent deprendre qui il voudrait mais de force, mais qu’eux ne livreraient rien puisqu’il enétait ainsi. De Kerraoul se rendit alors à sa pirogue y pris son fusil (Winchester) etprévint M’Joulia qu’il allait tirer sur les indigènes et brûler leur village. Malgré lesreprésentations de ce dernier qui s’opposait à cet acte de folie, De Kerraoul passaoutre, tira trois coups de feu, etc., etc. d’où et depuis les hostilités ”.( 713 ).

Kerraoul n’en reste pas là. Après son coup de sang à Belatchakina, il poursuitsa route et parvient au village fang de Madaboga. Nouvelle tentative derecrutement, nouvel échec. Ils ont récemment perdu des hommes dans l’épidémiede variole qui a frappé les convois au Congo. Kerraoul réfute leurs arguments. Prisd’un nouvel accès de colère, il tire sur les villageois et fait huit morts ( 714 ).

Les conséquences de ses actes prennent une tournure alarmante. Les villageoisde Belatchakina tirent sur les convois de pirogues ( 715 ). Le commerce en estprofondément affecté. La compagnie Daumas écrit au sous-secrétaire d’Etat auxcolonies pour dénoncer la situation et réclamer l’ouverture rapide du haut-fleuve aucommerce ( 716 ). Brazza est alerté pendant son séjour en France par les rapports quelui fait Chavannes. De retour au Gabon, il écrit en mai 1890 à Vittu de Kerraoulpour lui signifier qu’il désapprouve ses méthodes énergiques pour rétablir l’autoritéauprès des Fang, notamment le recours aux otages ( 717 ). Il laisse le soin à deux deses interprètes, Casimir et Etouké, de rétablir les relations amicales avec les villagesen question, prescrivant des instructions à Kerraoul pour “ qu’il favorise par tousles moyens [leur] entreprise pacifique ” ( 718 ). Dans le même temps, Brazza reçoitau début de mai un rapport spécial de Duval, chef de la station de Ndjolé. Il signaleque les factoreries vendent aux riverains depuis plusieurs mois “ quantité degrosses chevrotines ” et demande à Brazza d’intervenir ( 719 ). Devant la situation etmalgré bien des réticences, Brazza envisage de recourir à une action militaire ( 720 ).

Les évènements interviennent au moment où Brazza envisage la réouverture dufleuve aux factoreries mais la situation retarde l’exécution du projet ( 721 ). Brazzadoit reconnaître qu’aux conflits entre riverains, aux intérêts des négociants,s’ajoutent l’incurie de certains de ses agents. Les efforts pour amener les Fang duhaut-fleuve à commercer avec la côte se heurtent à la mauvaise volonté des Kande

Page 182: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

et des Duma. Quant aux mauvais traitements commis par les agents, ilscompromettent la participation des Fang aux convois ( 722 ).

En juillet 1890, Fourneau entame sa visite de la région du Haut-Ogooué. Dansl’intérieur, les villages qu’il a visités l’année précédente commencent à ouvrir uneroute vers Ndjolé pour y écouler leurs marchandises ( 723 ). En août 1890 il remontela région entre Booué et les premiers villages saké. Le 19 août, il assiste à unpalabre au village fang de Ngoa. Les riverains du clan fang Binello sont en guerreavec les villages fang de l’intérieur, du clan Biko. La présence de la station deBooué n’est pas étrangère à ce conflit, Brazza favorisant les premiers, Kerraoulfavorisant les seconds. Le commerce s’en trouve réduit à néant pour ces villages.Tous réclament le rétablissement des factoreries à Booué. Le 22 août, poursuivantsa remontée, Fourneau se trouve à Mécho-Mécho. Les villageois tiennent grief auxFrançais de ne pas tenir leur promesse pourtant renouvelée d’ouvrir le commerceavec l’installation d’un poste car leur inexpérience de la navigation leur interdit deconduire des convois pour écouler leurs produits. D’autre part, ils sont parfaitementdisposés à envoyer à Libreville des enfants et réclament l’intervention françaisedans leurs différends qui les oppose aux Fang du clan Biko. Depuis deux ans, leconflit les tient dans un état d’alerte continuel et les empêche de s’établir sur lesrives. Les mêmes reproches lui sont fait au village de Madaboga le 29 août. Levillage est récemment installé sur la rive. Les hommes sont venus de l’intérieurattiré par le commerce. Mais, regrettant de ne voir que trop rarement les convoiss’arrêter pour échanger des produits, les villageois déclarent vouloir intimider lesconvois en tirant sur eux . Fourneau rappelle que l’engagement des hommes auxconvois et l’envoi des enfants dans les missions françaises sont le préalable àl’implantation d’une factorerie sur leurs terres. Le 31 août, après avoir reconnu cinqvillages fang depuis Madaboga, il parvient au confluent de la Dilo. Le village estd’une installation toute récente, attiré ici encore par l’espoir d’écouler les produitset accéder aux richesses en évitant les intermédiaires. Il y reçoit égalementl’assurance des bonnes dispositions des Fang riverains. Plus haut encore, sur labarre de sable de la Lolo, les mêmes témoignages lui sont faits le 2 septembre( 724 ). Il se rend ensuite à Belatchakina .

Habile, Fourneau reçoit les doléances des villageois et obtient la restitution desarmes prises sur les tirailleurs tués lors des récentes échauffourées. Il rétablit laconfiance sans violence ni démonstration de force et signe un traité avec le village( 725 ). De retour à Booué, il rédige un rapport confidentiel qu’il adresse à unadministrateur du Gabon Congo, dans lequel il met en évidence toutes les lacunesdont souffrent l’organisation de la colonie, de l’incompétence et l’inexpérience deses agents en passant par les méfaits commis par les recrues sénégalaises ( 726 ).

Une fois la situation rétablie, Fourneau entreprend la deuxième partie de sesinstructions : gagner le nord de l’Ogooué, et contrer la poussée allemande. Le 21

Page 183: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

septembre 1890, Fourneau reprend l’itinéraire tracé l’année précédente. Le 26, ilarrive à Zouameyong où la promesse faite l’année précédente de création d’unposte a favorisé l’accumulation des produits. Il gagne ensuite l’ouest cherchant àatteindre le Bokoué en créant une route directe à travers la forêt. Après un arrêt àAzombé, Fourneau atteint l’Okano le 3 octobre. Le 6, laissant l’Okano à sa gauche,Fourneau arrive à Akembe, grand village courtier, qui reçoit les marchandises del’Ivindo et de Zouameyong, et les écoule vers l’Estuaire et l’Ogooué. Le 16, ilfranchit l’Abanga et parvient au pied des Monts de Cristal. Le 18, Fourneau atteintDjokbefame, sur le Bokoué ( 727 ). Il rentre alors à Libreville où Brazza lui confieune mission parallèle à celle que suit Crampel. Pour barrer la route aux expéditionsallemandes, l’urgence est à l’occupation des régions qui s’étendent à l’est du 12°40longitude est de Paris ( 728 ). En novembre, il quitte Libreville pour Loango quidevient tête de pont vers le Congo, remplaçant le Cap Lopez, Lambaréné et Ndjolé( 729 ).

Bata, Campo

Huit ans après l’avoir parcouru, Brazza privilégie enfin la route vers le Congopar la vallée du Niari-Kouilou. Dès lors, le haut-Ogooué devient une zone d’uneimportance stratégique moindre. Elle reste cependant une artère commerciale activeservant toujours de réservoir humain pour le recrutement. Les porteurs et lespagayeurs, qui retournent dans leur village, remontent les marchandises, favorisentles échanges et écoulent ivoire, ébène, caoutchouc, etc. En revanche, n’étant plus lavoie de communication principale pour remonter les marchandises et le matérielvers le Congo, le règlement des conflits entre villages, les éternelles difficultés dufleuve, le rétablissement de la sécurité, revêtent un caractère relatif.

Dans le bas-Ogooué, en aval de Ndjolé, la situation est plus contrastée. Laprésence de factoreries oblige à une certaine vigilance de la part de Libreville quipeut intervenir directement, pour peu qu’elle dispose d’un vapeur en état. Lasituation politique est tendue, alimentée par des erreurs déplorables commises parles postes eux-mêmes. Quelque temps avant juillet 1890, à Lambaréné, les hommesdu poste tuent par méprise un enfant Fang. En réponse, les hommes du village deMikoua Ndjolé tirent sur les hommes du poste de Ndjolé. Responsable du poste,Gazanguel réclame que le village livre les auteurs. Il essuie un refus ; l’affairesemble en rester là ( 730 ). L’une des causes de tension est toujours l’éloignementdes Fang recrutés pour le Congo et l’Oubangui d’où parviennent des bruits

Page 184: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

inquiétants, concernant l’épidémie de variole et la disparition de nombreuxhommes ( 731 ). Brazza reste très attentif à l’évolution de la situation qu’il espèretoutefois s’améliorer avec le retour en permission des porteurs mais restecirconspect sur l’état “ d’excitation ” des rivières ( 732 ). Malheureusement, lesnouvelles qu’il reçoit de l’Oubangui ne sont pas bonnes. Entre novembre etdécembre 1889, dix hommes auraient ainsi disparu, morts d’accidents ou maladies,ou déserteurs ( 733 ). Il craint un embrasement général de la région de Lambaréné( 734 ).

L’attention de Libreville se porte à aussi vers le nord où la conquête denouvelles possessions se heurte aux ambitions allemandes. L’enjeu est l’occupationdes zones inexplorées du triangle Oubangui - Lac Tchad - Nil. Pour concurrencerl’expédition de Zintgraff qui part de Yaoundé vers l’Adamaoua et la Benoué,Crampel s’est récemment élancé par une route trop orientale, d’où l’intérêt de lamission confiée à Fourneau qui doit suivre par la Sangha, plus à l’ouest, une routevers le Tchad. La proximité du bassin de l’Ivindo avec celui du Congo par le Dja-Ngoko-Sangha, mis en évidence par les expéditions précédentes de Crampel puisFourneau augmente fortement la rivalité entre la France et l’Allemagne, sansnégliger l’Espagne, pour le contrôle du littoral et les fleuves qui s’y jettent commeautant de voies de pénétration.

La stratégie coloniale force donc Libreville au maintien des postes de Bata etCampo comme remparts contre l’influence allemande qui se fait plus sensible versle sud et l’est, au-delà du Ntem. Elle l’oblige également à stationner en permanencele Pygmée, petite canonnière, pour prévenir tout incident avec l’Espagne ( 735 ).L’activité des factoreries allemandes amplifie un mouvement déjà ancien. Al’exploitation des forêts s’ajoutent les productions agricoles, notamment plantationde cacao dont la réussite encourage des entreprises similaires ( 736 ). L’autre aspectde l’activité allemande, beaucoup plus néfaste aux intérêts français, est la vented’armes et de munitions qui reste interdite sur le territoire gabonais. Une partimportante du commerce est ainsi détournée vers Batanga et les factoreries au nordde Campo. Mais les produits étant exploités dans une zone dont les limitesdépassent largement les frontières arrêtées en 1885, le mouvement migratoire desproducteurs se détourne également vers le Cameroun. Le souci est grand pourLibreville car outre son influence qui diminue, elle perd de l’argent en ne pouvanttaxer de droits de douanes ses produits exploités dans ses forêts, et vendus auCameroun ( 737 ).

Entre Bata et Bénito, les courtiers Seke et Molengui sont bousculés par lesFang de l’intérieur vers la côte ( 738 ). Au nord, entre Bata et Campo, le mouvements’accentue, les premiers villages fang apparaissent sur la côte. Les populationslittorales tentent de diaboliser les nouveaux arrivants mais, lucides, les Français nefont pas cas du procédé connu et prédisent déjà la disparition des courtiers au profitdes Fang dont la densité et la vigueur ont été révélées récemment par Crampel etFourneau ( 739 ).

Page 185: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Les tensions sont parfois très vives, à la hauteur des enjeux commerciauxdéfendus par les factoreries concurrentes et les occupants. Elles se traduisent parune oscillation entre manifestations d’hostilité et bienveillante volonté decoopération. Ainsi, en septembre 1890, dans le Mouni, les Fang refusent de vendredu manioc à Durou, missionnaire envoyé par Mgr Le Berre ; il soupçonne desmanipulations espagnoles ( 740 ). Plus haut, à Bata, les Fang de l’intérieurcommencent à fréquenter régulièrement la côte. Le volume des échanges s’accroîtsensiblement, et la qualité des produits, caoutchouc en tête, est très bonne ( 741 ). Surle Benito, les Molengui jouissent d’une relative tranquillité depuis l’abandon duposte français. Dépendants des Molengui pour écouler leurs produits, les Fang fontles frais de la supériorité navale et militaire de ces courtiers ( 742 ). Soucieuxd’amener pacifiquement et durablement les Fang à s’installer à la côte etcommercer avec la colonie, Brazza plaide pour leur protection ( 743 ).

Libreville

Autour de Libreville la situation reste calme, malgré quelques alertes. Brazzaveille à ce que ni le commerce, ni l’autorité de la France n’y soient menacés. Dansle Remboué, les troubles renaissent, bloquant la rivière. Craignant les pillages,Brazza envoie Chevallier sur le Basilic pour faire acte d’autorité et obtenir deschefs la promesse de “ s’abstenir de tout acte qui pourrait motiver une répression ”( 744 ).

Le mouvement migratoire des Fang se poursuit. Quelques rives sont encoredisputées aux villages en place. Dans la rivière Ikoy, les villages seke cèdent laplace aux plantations fang qui annoncent l’implantation prochaine de villages ( 745 ).D’autres villages quittent le Komo pour se rapprocher des factoreries ets’établissent vers la pointe Owendo, comme le village de Mfula Befun. D’autresenfin qui se trouvent dans la Mondah investissent les terres derrière Libreville( 746 ).

Plus à l’écart des considérations commerciales que les villages des rivières del’Estuaire, les villages de l’intérieur se montrent dans des dispositions favorables àl’égard de l’autorité ( 747 ). Ils lui gardent leur confiance et lui font appel pour réglerleurs conflits ( 748 ). Ils participent volontiers à la politique indigène de la colonie.Au début de 1891, deux femmes meurent au cours d’une cérémonie rituelle dans unvillage près de Sibang, récemment visité par Fourneau ( 749 ). Les villageois

Page 186: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

signalent à la police de Libreville les faits. Chargé de la milice, Veistroffer estdépêché par Brazza pour arrêter les coupables et châtier le village ( 750 ). Non sansbrutalité, il fait attacher le chef de village et les vieillards, Veistroffer s’empare du“ féticheur ” et de ses acolytes, vingt hommes en tout, qu’il embarque à Librevillepour les livrer à la justice, convaincu de la barbarie des Fang ( 751 ).

Avec l’affaire de Sibang s’ouvre une longue période de tranquillité et destabilité dans les villages proches de Libreville, marquée par leur soumission àl’autorité coloniale. Seules de petites affaires ponctuelles où les intérêtscommerciaux tiennent toujours une part importante viennent troubler cette période.Les déplacements des factoreries au gré des intérêts des traitants restent unedécision très difficilement applicable du fait de l’attachement des villages hôtes à laprésence des marchandises sur leur terre. Soucieuses de s’approvisionner au plusprès des producteurs, les factoreries quittent le bord des rivières pour s’établir enamont. Les villages de l’aval s’en trouvent lésés. Ils bloquent les rivières oumenacent les pirogues, réclamant le retour des traitants ( 752 ).

Nouvelle administration de l’Ogooué

Dans l’Ogooué, l’activité économique continue d’attirer les Fang. Certainsvillages quittent l’estuaire du Gabon et parviennent par le Remboué sur les terresqu’ils disputent aux Galwa ( 753 ). Plus au sud, les Fang touchent le Fernan Vaz, oùils s’opposent à la prééminence Nkomi sur le commerce ( 754 ). Chef de poste auFernan Vaz, Delaroche prévoit que l’arrivée des Fang au détriment des Nkomifavorisera le commerce ( 755 ). A Lambaréné, le retour des recrues de l’Oubangui neprovoque heureusement aucun trouble particulier. Dans le haut-fleuve, Brazzaveille à ce que les conflits ne prennent pas une ampleur trop grande et restesoucieux de faire respecter l’autorité de la France. En février 1891, un village fangentre Booué et Lopé, en palabre avec un village voisin, tire sur une pirogue où setrouve un homme du village ennemi. Mais la pirogue transporte également le chefdu poste de Booué. Brazza prend alors des dispositions pour qu’un châtimentsévère soit pris à l’encontre du village indélicat ( 756 ).

Le recrutement des Fang pour le service au Congo est critiqué par Dolisie,responsable de Brazzaville. Il déplore leur participation et réclame à Brazza qu’ilsne lui soient plus envoyés, malgré la pénurie de main-d’œuvre qu’il connaît ( 757 ).

Page 187: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

De fait, Dolisie va à l’encontre de la politique que mène Brazza pour s’aliéner lesFang au Gabon.

Conséquence logique du détournement des convois par le Mayombe, Brazzaveut modifier l’organisation administrative de l’Ogooué ( 758 ). Ndjolé étant devenuune place plus importante que Lambaréné, il y regroupe l’administration du bas-Ogooué et du Fernan Vaz. Le 26 mai 1891, il en confie la direction à Vittu deKerraoul ( 759 ). Une prison doit être aménagée sur une des îles de Ndjolé. En effet,la prison de Libreville est peu sûre. Le 28 mai, vingt-deux prisonniers doivent êtretransférés. Le 27 juin 1891, un arrêté redéfini les territoires du fleuve en fixant lafrontière entre bas et haut-Ogooué à la limite entre Fang et Duma. Dans le haut-Ogooué, Lastourville dépend à présent de Franceville. L’application de ces mesuresintervient en juillet 1891( 760 ). Elle permet à Brazza d’envisager la réouverture ducommerce au haut-fleuve et le retour des factoreries, sous réserve d’uneréglementation à déterminer ( 761 ). Brazza charge Kerraoul d’étudier la mise enapplication de mesures qui consistent essentiellement à libérer les pirogues aucommerce sous réserve qu’elles aient participé à l’effort de convois.

Brazza suspend très vite son projet. Il apprend en effet que la Métropole adoptele principe des compagnies de colonisation. Encouragée par la réussite del’agriculture au Cameroun, l’Allemagne étudie un tel système depuis plusieursmois ( 762 ). Brazza se montre particulièrement favorable au projet. Le 20 août 1891,Brazza écrit au sous-secrétaire d’Etat aux Colonies pour lui faire-part de tous lesavantages que représentent cette mesure rapidement applicable au haut-Ogooué.Laissant à la compagnie la responsabilité de l’administration, du commerce et de lasécurité, le système doit permettret une mise en valeur de la région à moindre coûtpuisqu’il supprimerait la gestion et l’entretien des postes de Lopé, Booué,Lastourville et Franceville et permettrait une meilleure gestion des autres régionsen y reportant l’économie faite sur le haut-Ogooué. Enfin, le principe d’une seulecompagnie supprimerait la concurrence commerciale, trop souvent à l’origine destroubles qui surviennent ( 763 ).

Ignorant les nouvelles intentions de Brazza, Kerraoul envoie ses agents auprèsdes riverains pour les préparer au retour du commerce. Il n’apprend que plus tard lasuspension du projet initial et fait part de son inquiétude à Chavannes qui assurel’intérim à Libreville. Chavannes en informe aussitôt Paris et rappelle que lesriverains attendent la réalisation de promesses régulièrement faites depuis Fourneausur l’installation prochaine de factoreries. De plus, Brazza est parti directement auCongo alors qu’il leur avait promis de les visiter. Chavannes craint que leurimpatience conduise à de nouveaux troubles. Il va même jusqu’à dénoncerl’angélisme de Brazza sur la tranquillité du fleuve ( 764 ).

Page 188: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Influence à la côte nord

Brazza ne quitte pas le Gabon sans avoir reçu des nouvelles rassurantes de lacôte nord. Il reste très attentif à l’activité allemande au Cameroun. Il suit avecintérêt l’avancée des expéditions concurrentes de Crampel et Fourneau. Il apprenden avril 1891 que Zintgraff est défait à Tibati et ne parvient pas à pénétrerl’Adamaoua. Zintgraff perd quatre européens et soixante porteurs ainsi que tout sonmatériel lors de sa retraite vers l’ouest. Mais Brazza reste sans nouvelle de Morgenqui poursuit son exploration ( 765 ).

De leur côté, les Allemands projettent de fonder un poste sur la rive droite duNtem, en face de Campo ( 766 ). Le projet répond aux intérêts commerciaux desmaisons de Batanga dont l’activité est en baisse au profit du sud ( 767 ). Servi par lesproducteurs fang qui ne cessent de se rapprocher de la côte, le commerce s’ydéveloppe et la concurrence devient rude. La présence des postes de Campo etBata, et la politique menée par les chefs de postes, dont Pobéguin et Delaroche àl’égard des Fang pour favoriser leur installation près de la côte augmentel’influence française. Les rapports se succèdent, relatant les uns après les autresl’arrivée à la côte de nouveaux villages et le déplacement depuis l’intérieur d’unepopulation importante, annonçant d’autres installations. Près de Bata, centcinquante hommes, femmes et enfants s’établissent à la côte ( 768 ). A Bérindjé, dansun affluent du Benito, Ravaud qui parcourt la rivière découvre qu’un grand villagefang d’environ cent-cinquante à cent-quatre-vingts cases qui vient de s’établir,tandis que plus loin dans l’intérieur un autre grand village ne compte pas moins decent-sept cases ( 769 ). Le chef de poste de Bata reçoit une délégation de Fang venusde la rive gauche du Benito, à trois jours de marche, pour demander sa protectionafin de pouvoir commencer des plantations et préparer l’arrivée prochaine denouveaux villages ( 770 ). Le mouvement provoque évidemment des tensions entrepopulations locales et nouveaux arrivants, notamment pour le contrôle des routescommerciales. Mais pour le moment, les Fang ne sont pas en capacité de s’imposeret les agents et les visites régulières des bâtiments de la station navale dans lesrivières parviennent à régler les problèmes ( 771 ). Les Fang se montrentparticulièrement dans de bonnes dispositions envers l’occupation française ( 772 ).

L’évolution du commerce à la côte nord, sous l’impulsion du mouvement fangvers les factoreries est telle que les Allemands de Batanga implantent dessuccursales à Bata et Campo. Habituellement dirigé vers Batanga, l’ivoire estexpédié pour la première fois à Bata en avril 1891 ( 773 ). Reste que la liberté devente d’armes au Cameroun est un obstacle pour accélérer ce mouvement, qui doitdisparaître bientôt quand entreront en application les mesures concernantl’interdiction de vente d’armes adoptées à la Conférence de Bruxelles ( 774 ).

Page 189: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Ainsi, plus que jamais, Brazza engage la colonie dans une politique favorable àl’établissement des Fang autour de Libreville, sur la côte nord et dans l’Ogooué. Iljustifie son action auprès du Ministre en lui présentant son projet d’ouvrir le pays àl’exploitation agricole, cacao, café, et caoutchouc ( 775 ). Son œuvre est enadéquation avec le principe des compagnies de colonisation qui ouvrent denouvelles perspectives en même temps qu’elles annoncent de nouveaux enjeuxauxquels les Fang prennent part.

Nouvelles perspectives 1892 - 1900

Arrivé à Loango, Brazza reçoit la nouvelle de la mort le 9 avril 1891 deCrampel par le sultan de Djambala, au nord de l’Oubangui, à El Kouti. Il en porteaussitôt la connaissance à Paris par une lettre confidentielle. Les prétentionsfrançaises vers le nord s’en trouvent grandement compromises, au moment où sesefforts portent dans la réalisation du projet de Crampel de réunir l’Afrique françaisedu Congo à la Méditerranée en organisant plusieurs expéditions.

Les nouvelles préoccupations de Brazza n’éloignent cependant pas sonattention du Gabon où il demeure inquiet quant à la situation politique, notammentdans l’Ogooué où la tranquillité est indispensable pour permettre la mise enconcession du haut-fleuve. Or, Brazza s’inquiète du sort des Fang quiaccompagnaient Crampel et de ses conséquences auprès des villages dans l’Ogooué( 776 ).

Jusqu’à Ndjolé, la tranquillité du fleuve n’est en effet garantie que par lepassage des bâtiments de la station navale. Mais les difficultés matérielles nepermettent pas des visites régulières et ne peuvent empêcher une certainedégradation de l’état politique à la fin de l’année 1891 ( 777 ). L’émotion gagne enparticulier le bas-Ogooué quand le second de l’Eclaireur, vapeur de la compagniedes Chargeurs Réunis, s’amuse à coucher en joue les pirogues qui passent près dubord. Effrayées, des femmes se jettent à l’eau et trois sont noyées ( 778 ).Conséquence de l’irresponsabilité de son équipage et de l’importance secondaire del’Ogooué dans la course au Congo, l’Eclaireur est envoyé en juin 1892 dans leGolfe de Guinée, malgré les protestations de Chavannes, car c’est le seul bâtimentde faible tirant d’eau dont dispose la station, qui lui permet de sillonner le fleuvemême en période de basses eaux. Epuisé par plusieurs années de service,le Basilic est retenu pour des inspections au nord. La région de Booué, Ndjolé,Lambaréné n’est donc plus visitée ( 779 ).

Page 190: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

L’autre sujet d’inquiétude de Brazza reste la côte nord où, aux intérêtscommerciaux, s’ajoutent des difficultés diplomatiques. Les Fang y poursuivent leurmouvement qu’accompagnent les habituelles dérives du commerce, pillages etprises d’otages, intimidation des traitants pour qu’ils installent près des villages desfactoreries, sans oublier la contrebande d’armes. Les tensions animent la région àpartir de 1892. La période est surtout marquée par l’effronterie des villages quifrappe les trois principales maisons de commerce. A Mbini, la maison Woermanninstalle une factorerie. Mais elle y envoie un traitant benga avec si peu demarchandises pour la représenter que les “ Les Pahouins se croyant trompés,forcèrent la porte de la factorerie et dispersèrent les marchandises. Le nouvelagent Woermann ne voulut plus envoyer d’autre traitant à M’Bini. [Le 1er avril1892] les Pahouins s’emparèrent alors du cotre Alice et prirent 10 000 francs demarchandises ”. Woermann s’en plaint à Reira, sous gouverneur d’Elobey. Latorreà bord du cotre de Janessen et Thormalen reçoit à son tour des menacesouvertement dirigées contre Reira. La maison Hatton et Cookson se plaint enfin dupillage d’un surf boat pour une valeur de 1000 francs par les Fang de Massaï,village du Mouni. Reira engage le Pelicano dans une répression contre Massaïd’abord, qu’il tente de brûler sans succès, puis contre Mbini. En gage de leur bonnevolonté, Mbini porte au traitant de Woermann 125 francs de piassava et decaoutchouc mais réclame, contre la restitution des marchandises pillées,l’installation d’une grande factorerie sur son village. Plus haut dans le Mitemboni,les Fang se heurtent aux Seke dans des guerres meurtrières ( 780 ). Les mêmes vieuxprocédés sont employés par les intermédiaires côtiers pour diaboliser les arrivantsmais rien n’y fait ( 781 ). Le mouvement migratoire est continu. Il semble d’ailleursalimenté par la position ambiguë de la côte où les droits de douanes ne règnent quedans l’enclave espagnole de l’estuaire du Mouni et, au nord du Campo, en territoirecamerounais. La rigueur du service allemand fait également fuir les villageois.L’avancée fang est plus marquée à Bata qui retrouve une activité économique ( 782 ).

D’une manière générale, la situation politique semble calme au Gabon, de lacôte nord à l’Ogooué pendant l’année 1892. Libreville est devenue une stationpénitentiaire qui compte deux cents Annamites ( 783 ). La culture du cacao débutesur l’île aux Perroquets où est installé H. Janselme. Dans l’Estuaire, Chavanness’inquiète de la réaction des riverains en apprenant que les maisons de commerces’accordent pour faire cesser la concurrence et décident d’une baisse concertée desprix ( 784 ). Veistroffer règle pacifiquement quelques affaires. Les Fang luiexpriment leurs bonnes dispositions et souhaitent l’installation d’une factorerie( 785 ). Les semaines se succèdent sans troubles significatifs ( 786 ). Chavannes sepréoccupe également de la baisse des prix en Europe qui annonce dans l’Estuaireun ralentissement marqué du commerce et quelques tensions dans les rivières ( 787 ).Dans l’Ogooué, les quelques affaires n’entament pas la sérénité que Chavannesaffiche dans ses rapports ( 788 ). Pourtant, dans l’Ogooué aussi, le commerce estralenti depuis la mise en route des convois par le Mayombe. Certaines factoreriesferment des petits établissements, provoquant des heurts de la part des villages quirefusent l’éloignement de ce fructueux voisinage ( 789 ).

Page 191: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

S.H.O.

L’accalmie est de courte durée. Le fort ralentissement des convois dansl’Ogooué et la baisse du commerce dans l’Estuaire sont à l’origine d’affaires plussérieuses qui surgissent dans toute la colonie. Principale zone d’activités, Ndjoléconcentre les affaires. En février 1893, des hommes du village de Nzoum fracturentle magasin du traitant de la maison Hatton et Cookson ( 790 ). Le 9 mars 1893, unconvoi de vingt pirogues duma chargées pour ravitailler les postes du Haut-Ogoouépart de Ndjolé sous la conduite de trois miliciens sénégalais. Deux kilomètres plushaut, les villages fang installés sur les deux rives ouvrent le feu sur le convoi. Denombreux pagayeurs sont blessés. Alerté, Gaston Gaillard, administrateur deNdjolé, organise immédiatement la répression. Il réunit douze miliciens et deuxeuropéens. Après avoir bombardé les villages, la troupe débarque et incendie leshuit villages coupables, dont le premier n’est situé qu’à huit cents mètres de larésidence de Gaillard ( 791 ). Gaillard soumet la région en arrêtant les coupablesgrâce à la collaboration de certains villageois ( 792 ).

Dans le Komo, la succursale de la maison Hatton et Cookson à Bundania,village fang, entre M’Fula Bifun et Vormakok est envahie et son agent menacéparce qu’il avait refusé au chef une avance de 100 dollars de marchandises ( 793 ). ALibreville, un groupe d’hommes venus pour affaires dévalisent le temple de Barakaemportant quelques mobiliers avant de se cacher en forêt. Les villageois lesdénoncent en signalant le lieu où le butin est caché ( 794 ). C’est ensuite la missionde Donguila qui est prise à partie dans une affaire opposant deux clans fang. Lenommé Bésié s’est établi sans autorisation sur les terres de la mission et pille unepirogue ennemie ancrée au débarcadère de la mission. Adam, vicaire apostoliquedes Deux Guinées écrit alors à Lippmann, Lieutenant Gouverneur du Gabon enposte entre mars et septembre 1893, pour que son insolence soit réprimée ( 795 ).D’une manière générale, les incidents se multiplient, plus fréquents et plus intenses.Pas un seul rapport périodique de l’année 1893 sans le compte rendu de méfaitsfang commis à la côte nord, au Mouny, dans l’Estuaire ou dans l’Ogooué.

Brazza, Chavannes et Lippmann espèrent une accalmie, au moins dansl’Ogooué avec l’application de la convention signée le 30 octobre 1893 avec laMaison Daumas et Compagnie. Delcassé, Sous Secrétaire d’Etat aux Colonies luiaccorde pour trente ans l’exploitation exclusive du bassin supérieur du fleuve,correspondant à un trapèze de 11 millions d’hectares et 700 kilomètres de fleuve.

Page 192: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

La convention, ratifiée par le décret du 17 novembre 1893, lui accorde une relativeautonomie dans la gestion du fleuve, et lui délègue les droits régaliens de police etde protections ( 796 ). Pour autant, elle ne prévoit pas la suppression des postes deLopé, Booué, Lastourville et Franceville. Pour gérer la concession, Daumas fondeen décembre 1894 la Société commerciale, industrielle et agricole du Haut-Ogooué,S.H.O., au capital de deux millions de francs, première grande sociétéconcessionnaire du Congo français.

Chez les commerçants, les vieilles maisons installées au Gabon, l’inquiétude etles protestations ne tardent pas à surgir. Ils engagent aussitôt une action pourdénoncer la convention signée avec Daumas. L’arrivée des premiers agents de laS.H.O. n’amène pas la tranquillité dans le fleuve, au contraire. Inquiet desmouvements du fleuve, Gaillard recueille auprès des villages fang des témoignagesqui soulignent la dimension commerciale des conflits. La plupart des attaques deconvois par des Fang ne sont que des tentatives de règlement de compte qui lesopposent aux courtiers kota ou kande qui leur ont volé de l’ivoire ou ducaoutchouc, transporté ensuite par des pirogues du gouvernement. Habile, Gaillardamène à composition les Kota, à la satisfaction des Fang. Pour éviter d’autresconflits entre riverains et malgré leur inaptitude à la navigation, Gaillard autoriseles Fang à prendre place dans les convois vers Ndjolé pour accompagner leursproduits, soutenant ainsi l’économie du fleuve. Au début de février, vingt-huit Fangdescendent à Ndjolé douze pointes d’ivoire et mille cinq cents boules decaoutchouc, suivis quelques jours plus tard d’une seconde caravane, partie elledepuis neuf mois de la région du Ngoko ( 797 ).

Malgré l’action intelligente de Gaillard, certains conflits dégénèrent, à lafaveur des alliances contractées par les villages concernés. En juillet 1894, à lasuite d’un palabre anodin, un Fang Biniambi tue une Kande d’Agouma, dans leHaut-Ogooué. En représailles, les Kande attaquent les Fang Bandjibili absolumentétrangers à cette affaire. Ils blessent cinq hommes et une femme. Les Bandjibilis’allient alors aux Biniambi pour attaquer les pirogues kande à leur descente deLastourville. Il en résulte un état de guerre général entre Achouka et Booué. Inspirédes méthodes de Brazza, Gaillard s’oblige à une complète neutralité et mène unepolitique pacifique de médiation auprès des riverains ( 798 ). Les Fang l’assurent derespecter les convois de l’administration. Ses efforts sont malheureusementanéantis par l’inexpérience des agents de Daumas. L’un d’eux, Baron, remontantdepuis Ndjolé vers Lopé, se mêle au conflit. Il prend fait et cause pour les Kande ettue deux Bandjibili dans des circonstances non élucidées. Décrédibilisé, Gaillarddoit immédiatement informer les Fang qu’il récuse l’action de Baron et assure delui faire payer le prix des deux victimes ( 799 ). Gaillard parvient à regagner laconfiance des Fang en promettant qu’aucun Blanc ne tirerait sur eux. Mais lescommunications avec le haut-fleuve sont compromises ( 800 ). Les troubles sepoursuivent jusqu’en octobre-novembre 1894, retardant la mise en valeur du fleuveet la reprise d’une activité économique florissante.

Page 193: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Contrebande

A défaut d’écouler leurs produits par l’Ogooué, les riverains continuent de lesdiriger par l’Ivindo et les Monts de Cristal vers la côte nord, alimentant nonseulement les convoitises et les tensions entre courtiers et producteurs maiségalement le mouvement vers la côte des Fang ( 801 ). Celui-ci semble se concentreressentiellement vers Bata où le chef de poste observe régulièrement l’arrivée denouveaux villages, provoquant inéluctablement les conflits que la France, par le faitdu statu quo avec l’Espagne, ne peut prévenir. Elle ne peut étendre son action niinstaller durablement des forces. Or le commerce s’en trouve contrarié, certainsnégociants offrent de payer le poste pour leur protection. Pressentant l’urgenced’asseoir définitivement l’autorité de la France sur une région appelée à un richeavenir, Chavannes réclame l’ouverture de négociations diplomatiques ( 802 ). Ellespermettraient de réduire avec les îles Elobey et Corisco la contrebande douanièrequi importe des armes et des munitions sur le sol gabonais et prive Libreville derecettes fiscales au moment où les dépenses sont en augmentation, notamment parle projet de doter les postes existant de personnel supplémentaire et par laconstruction de nouveaux postes. Chavannes prévoit en outre l’achat d’un canotsupplémentaire pour les postes de Libreville et Cap Lopez ( 803 ). Le statuquo profite également aux voleurs et aux pillards, qui, cherchant l’impunité, seréfugient dans l’enclave espagnole et ne reconnaissent pas l’autorité française.Incapable d’agir, Libreville doit laisser les plaintes des riverains en suspens ( 804 ).

Outre les difficultés dans l’Ogooué, le mouvement vers la côte nord estencouragé par la situation au Cameroun où les méthodes de colonisation, trèséloignées des doctrines de Brazza, ignorent la souplesse et la diversité despopulations colonisées ( 805 ). A la brutalité répond la violence. En décembre 1893,les troupes dahoméennes se révoltent contre les mauvais traitements qu’ilssubissent. Elles massacrent le secrétaire général du Cameroun et se retirent avecleurs armes dans les environs. La population européenne évacue les établissements,suspendant ainsi les relations commerciales. Les Dahoméens restent maîtres de lasituation jusqu’à l’arrivée fin décembre d’un navire de guerre allemand ( 806 ). Lespopulations locales sont également inquiètes de la situation. Une partie des Fangqui progresse vers les comptoirs du Cameroun se détourne de l’ouest et choisit dedescendre vers Campo et Bata.

Page 194: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Chef du poste de Bata, Delaroche accueille favorablement l’immigration fangqui doit remplacer à court terme selon lui les populations côtières “ abâtardies ”( 807 ). Plus bas, le Mouni souffre également du déplacement du commerce vers leNord. La maison Woermann retire ses comptoirs pour les déplacer vers Bata etCampo. Du coup, les problèmes de pillages ressurgissent. En juin 1894,la Cigogne est envoyée pour enquêter sur des arraisonnements commis par deuxvillages près de Ndombo. Les troubles se poursuivent jusqu’en septembre avec laprise en otage de la fille du chef shiwa incriminé Ndongo Mabalé. Une autremaison de Hambourg, Rasch et Compagnie, projette d’installer un comptoir dans leMouni. Dolisie, qui vient de succéder en juin à Chavannes (décret du 27 avril 1894)soupçonne ouvertement cette maison de vouloir passer en fraude des produits avecle Cameroun ( 808 ).

Calme précaire

En 1894, la situation semble calme partout. La visite régulière des bâtiments dela station navale règle rapidement les conflits. Sur la côte nord, le calme sembleégalement régner, malgré l’instabilité ethnique ( 809 ). Autour de Libreville, les Fangcontinuent leur progression ( 810 ). Dans le Komo, le père Stalter, de la mission deDonguila obtient qu’un village voisin, responsable de la mort de deux enfants paractes de sorcellerie paie une amende de 1 500 francs ( 811 ). Toutefois, leralentissement des activités force le départ de comptoirs secondaires dans lesrivières, ce qui cause quelques agitations auprès des villages concernés. Ainsi, lamaison Holt demande l’assistance de l’autorité pour permettre en toute sécurité leretrait de sa factorerie du Remboué, ce à quoi s’opposent les Fang ( 812 ). Restel’épineux problème de la contrebande douanière qui prive encore pour longtempsLibreville de recettes fiscales ( 813 ).

Confiant dans la tranquillité des rivières que lui décrit Libreville, ThéodoreDelcassé, ministre de la Marine, estime que les régions administrées par la stationnavale de Libreville sont définitivement pacifiées. Le 14 août 1894, il envoie desinstructions à Dolisie pour réduire la surveillance des rivières et envoyer le bateauciterne Como et le petit aviso à roues la Cigogne à Loango où l’organisation desconvois est difficile, dans sa course vers le Nord. Pour éviter les désastres passés deCrampel et Fourneau, Brazza, fidèle à ses principes, choisit d’asseoir pas à pasl’influence de la France vers le nord et d’avancer prudemment à partir de la Sanghacar la puissance militaire et l’organisation politique du pays foulbé rend sa

Page 195: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

conquête très difficile. Les difficultés sont d’abord matérielles. Les missions se fontplus lointaines, plus longues et plus lourdes en moyens matériels et surtouthumains. Elles augmentent le temps de service et multiplient les risques. Lacréation et l’occupation des postes obligent à une intendance très pesante. La maind’œuvre recrutée par les services habituels du Haut-Ogooué et des Loango ne suffitplus. Les recrutements se multiplient au Gabon, particulièrement dans la région deLambaréné, Ndjolé, Fernan Vaz et Bas Ogooué. Les Fang sont mis à contribution( 814 ).

Figure 64 : Le Cameroun d’après la Convention du 4 février 1894.

Brazza doit également affronter les tracasseries diplomatiques qui frappentcomme un coup d’arrêt la progression vers le Nord-Cameroun, l’Adamaoua et leTchad. Le 15 novembre 1893, l’Allemagne et la Grande Bretagne signent un traitéfixant les limites occidentales du Cameroun, depuis la Cross River, Yola, jusqu’aulac Tchad. L’Allemagne obtient ainsi les vastes territoires sur lesquels elle nepossède jusqu’alors aucun droit. La conquête de l’Adamaoua, porte du lac Tchad,

Page 196: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

s’achève ainsi. La France traite à son tour avec l’Allemagne à propos des frontièresdu Cameroun, à la suite des explorations sur la Sangha et vers le Nord ( 815 ). Le 4février 1894, un protocole est signé ( 816 ). En attendant d’utiliser la topographie etles lignes naturelles, la Sangha, puis le méridien 15° est de Greenwich jusqu’au 10°nord touchant jusqu’au Chari, fixent la frontière orientale du Cameroun.

S’appuyant sur le poste avancé d’Ouesso, la France concentre donc sesmissions vers le nord-est, à partir de la haute-Sangha.

L’établissement des postes dans la Sangha provoque un courant commercialvers le Congo. L’ivoire de son bassin est expédié par l’intermédiaire despopulations musulmanes sur lesquelles Brazza compte pour développer sa politiqueexpansionniste ( 817 ).

Veistroffer à la Côte Nord

Dolisie regrette amèrement la décision de Delcassé de réduire les moyensmatériels de la station navale. Elle émane d’une méconnaissance de la politique quemène Libreville depuis plusieurs années pour montrer le pavillon français dans lesrivières et réduire efficacement les conflits. En attendant, il ne dispose plus que decinq canonnières montées chacune par dix hommes, assurant par un roulement detrois mois, une station permanente dans l’Ogooué et le Mouni ( 818 ). Laconséquence est immédiate. Les Espagnols profitent du retrait français pouroccuper le terrain par l’intermédiaire des missionnaires dépêchés par le préfetapostolique de Fernando Poo ( 819 ). Ils implantent dans la Noya une mission quidoit servir de base supplémentaire au commerce vers Elobey, les intérêtsévangéliques s’accordant avec le profit. Parcourant lui aussi la côte nord afin des’attirer les populations, Mgr le Roy en réfère aussitôt à Libreville ( 820 ). Lasituation se durcit en février-mars 1895. L’arrivée des Fang sur la côte provoquedes troubles avec les populations littorales, notamment les Combe entre Benito etBata. Les missionnaires espagnols encouragent l’implantation fang au voisinageimmédiat de leur mission au Cap Saint Jean. Les Benga visitent Dolisie et luidemandent sa protection ( 821 ). Dépassé, le chef de poste de Bata réclame à son tourl’intervention de Libreville ( 822 ).

Page 197: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 65 : Le poste de Benito (Veistroffer).

Veistroffer est envoyé pour une tournée sur la côte nord avec un détachementde 60 miliciens. Il parcourt les villages et visite les missions puis arrive à Bata oùDelaroche est en difficulté avec des Fang Shiwa. Tous les palabres sont régléspacifiquement ( 823 ). Un peu plus tard, une goélette espagnole sillonne le Mouniafin de recruter des hommes pour les plantations de Fernando Poo. Elle est repéréepar le Como ( 824 ). De retour à Bata, Veistroffer est attendu par une canonnière quelui envoie Brazza pour se porter dans l’Ogooué.

Veistroffer dans l’Ogooué

La mise en concession effective du Haut Ogooué profite au commerce.L’activité commerciale provoque un mouvement d’émigration. Sur l’incitation destraitants, quelques villages quittent le Komo pour s’implanter dans l’Ogooué ( 825 ).

Page 198: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Mais, l’organisation du commerce laissée libre par Brazza à la SHO se heurteparfois aux intérêts des différentes populations du fleuve.

Neuf ans après avoir fait parlé de lui, le nom d’Emane Tole, chef de Nseghe unpeu en amont de Ndjolé, réapparaît dans les rapports officiels. En 1895, il s’enprend à Valentin, agent de la SHO, dont le tort est de traiter directement avec lesDuma de Lastourville, coupant toute ressource aux Fang intermédiaires ( 826 ).Largeau, nouvel administrateur de Ndjolé, envoie une troupe pour mettre au pas levillage. Emane Tole refuse de se soumettre.

Peu après, Largeau envoie Forêt diriger les représailles contre le village deBendoli Ndoum, en aval de Ndjolé. Embarquant 15 miliciens sénégalais sur unepetite canonnière, Forêt opère “ d’une façon ridicule et déplorable ”. Quelquescases sont brûlées. En revanche un milicien est grièvement blessé. Dolisie regrettecette opération considérant son impact auprès des riverains regrettable ( 827 ).

Plus bas au confluent de la Ngounié, le 3 février 1896, le vapeur de la maisonHolt essuie des tirs des villages riverains. Un passager européen est blessé. Lasituation se dégrade. Les pirogues sont attaquées et le commerce interrompu. Débutmai 1896, Brazza envoie Veistroffer soumettre les villages coupables et le pays surune dizaine de kilomètres autour de Mvoul, le foyer principal. Veistroffer doitégalement procéder à l’évacuation complète et définitive des villages de la zonepour éviter que les incidents se reproduisent ( 828 ). Veistroffer embarque le 7 maiavec un inspecteur de milice et 75 miliciens. Veistroffer prévoit de s’embarquer surl’Eclaireur, vapeur de la Compagnie des Chargeurs Réunis, qu’il réquisitionne, afinde surprendre les villages qui sont sur leur garde. Le 8 mai, au petit matin, Mvoulest balayé par la mitraille et rasé en quelques minutes. Par un stratagème militaire,Veistroffer fait des otages pour amener les villages alentours à la soumission ( 829 ).Il brûle ensuite six villages en amont de Mvoul et, pendant quatre jours parcourt laNgounié et le bas Ogooué puis s’arrête pour construire un poste sur la rivière et youvrir le commerce. Pendant ce temps, les habitants de Mvoul remontent l’Ogoouéet se replient sur l’Abanga où ils reçoivent le soutien des grands villages Eréréboloet N’Gouamlaka, près de Sam Kita ( 830 ).

Page 199: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 66 : Village en flammes (Veistroffer).

Le 11 juin 1896, mécontents de la fermeture d’une factorerie de la maison Holtsur leurs terres, les villageois de Ngouamlaka détournent à mains armées deuxpirogues chargées de marchandises que le vapeur de Holt traînait en remorque.Brazza décide d’y envoyer Veistroffer accompagné du plus grand nombre demiliciens et d’y procéder à l’évacuation des villageois. Cette nouvelle pratique,éprouvée dans la Ngounié convainc en effet Brazza. Elle lui permet de libérer lesplantations en réservant les terres aux futures maisons qui doivent prochainement yfaire la culture du caoutchouc, du cacao et du café, dont des essais sontheureusement réalisés à Achouka et Ndjolé ( 831 ). Veistroffer déplace sa troupe etson poste sur l’Abanga et détruit Erérébolo et Ngouamlaka. Un mois durant, ilparcourt la région, harcelant les villages. Il obtient leur soumission et apprend queles principaux coupables sont morts. Veistroffer peut alors se porter vers Ndjolé oùéclate un incident d’un caractère local ( 832 ).

Emane Tole (Veistroffer à Ndjolé)

Page 200: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

La position stratégique de Ndjolé a considérablement augmenté sa population.En 1896, Veistroffer y dénombre environ 10 000 habitants, tous Fang. A l’étroit surl’île, l’activité s’est transportée en 1893 sur la rive droite qu’occupel’administration, les maisons Holt, Hatton et Cookson, Woermann, Daumas etBérault et le planteur Gazenguel, ancien agent du Congo. La mission catholique estinstallée sur la rive gauche, la mission protestante occupe l’île principale. Ndjolécompte enfin une prison qui reçoit parmi les captifs, des déportés célèbres commeSamory et les anciens ministres de Béhanzin, roi du Dahomey.

Ndjolé continue à attirer les villages de l’intérieur qui cherchent à s’implanter àproximité immédiate des factoreries. Fin mai 1896, Largeau, administrateur deNdjolé et Veistroffer ordonnent le déplacement de trois villages, délimitant unezone exclusive réservée aux factoreries. Un seul village se distingue en refusantl’ordre. Veistroffer détruit ses cases, forçant le village à s’installer en amont. Sonchef, Emane Tole, promet de fermer le fleuve. Renouvelant le stratagème d’otages,Veistroffer fait arrêter sur un marché une cinquantaine de femmes et enfants fang,provoquant une certaine agitation. Deux jours plus tard, Veistroffer apprendqu’Emane Tole est chassé dans l’intérieur par ses “ compatriotes ”. Le calmerevient et le fleuve est rendu à la circulation. Pas pour longtemps. Veistroffer quitteNdjolé pour l’aval, laissant à Largeau un détachement de miliciens ( 833 ).

Page 201: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 67 : Paillotes dans l’île de Ndjolé (Veistroffer).

Le 21 juillet 1896, la concurrence entre Fang et Kota pousse les habitants deNseghe, dont le chef reste Emane Tole, à attaquer six courtiers kota du villageDjambala qui remontent de Ndjolé. Deux ou trois Kota sont tués. Malgré lesinstructions que lui donne Brazza de ne pas intervenir dans les affaires“ indigènes ” si le commerce n’est pas atteint, Largeau monte une expédition contreNseghe, commandée par Vadou et Rives. Informé des intentions de Largeau,Emane Tole s’assure l’alliance de six autres villages fang. Il fait évacuer Nseghe,laissant seulement quelques hommes et dispose le gros des forces sur les rives,attendant l’arrivée de l’expédition. Le 23 juillet, à 4 heures, une partie de la troupecomposée de 18 miliciens sénégalais marche vers Nseghe, cherchant à couper laretraite à d’éventuels fuyards. Elle rencontre un feu nourri mais insuffisant pourstopper sa progression. L’autre partie remonte le fleuve afin de surveiller les rives.Vadou et ses hommes, cherchant à surprendre le village dans son sommeil, pénètredans Nseghe. Ils sont aussitôt assaillis par les Fang. Le combat dure une heure. Unmilicien est tué, trois autres sont blessés. Emane Tole et ses hommes disparaissentdans la forêt. Vadou brûle l’ensemble des villages complices ( 834 ). Craignant desreprésailles contre Djambala, Largeau obtient de Veistroffer un détachement de 20miliciens, commandé par Leymaire, qui débarque à Ndjolé le 26 juillet. La mesureest inefficace. Emane Tole et ses hommes sont introuvables.

Haut-Ogooué

Soucieux de ne pas engager la vie des miliciens dans des débarquementshasardeux, Brazza déplore l’action ordonnée par Largeau et rend compte auministre de la situation ( 835 ). L’administration de Ndjolé, comme de l’ensembledes postes du Gabon Congo, ne peut souffrir d’hésitations ou de maladresses de lapart des agents. Depuis son retour au Commissariat général, la situation de Brazza aen effet évolué. Ses préoccupations humaines se doublent de préoccupationsmatérielles et financières. Les comptes de la Colonie sont mauvais. Al’accroissement des dépenses qu’engendre le poids des missions, s’ajoute entreautres le maintien des postes de la côte nord. Le déficit se creuse. Dans le hautOgooué, l’espoir d’une mise en valeur à peu de frais s’évapore avec les difficultésde la S.H.O.. La convention est dénoncée en janvier 1896 et la déchéance

Page 202: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

prononcée le 27 février 1896 par un arrêté de Chautemps, nouveau ministre desColonies. Une seconde convention doit être négociée. La S.H.O. dépose un recoursdevant le Conseil d’Etat, procédure qui interdit l’ouverture à la concurrence de laconcession jusqu’au prononcé du jugement. Le commerce en amont de Ndjolé estdonc suspendu. Les riverains se retrouvent une fois de plus en face de promessesnon tenues. Ayant déplacé les dépenses vers Loango, la colonie ne peut intervenirpour apaiser les tensions qui ne manquent pas de surgir. Elle suit la logique d’undésengagement dans la région. Le maintien des postes en amont de Ndjolé pourpermettre l’installation des comptoirs de la S.H.O. et sécuriser le commercecoûterait beaucoup trop cher. Le 7 décembre 1896, Brazza écrit à son ministre sesintentions d’évacuer les postes en amont de Ndjolé et le 21, il soutient le retour dela S.H.O. ( 836 ).

Le 27 février 1897, le Conseil d’Etat rend un jugement favorable à la S.H.O.Le 20 mars 1897, Brazza annonce au ministre l’évacuation complète de l’Ogoouéen amont de Ndjolé ( 837 ). Il évite ainsi une dépense de 200 000 francs. Cependant,il ne peut faire face aux remontrances que lui vaut sa gestion de la colonie. Audébut de 1897, le déficit s’élève à 2 250 000 francs ( 838 ). Brazza est rappelé àParis. En janvier 1898, il est mis en disponibilité. Dolisie assume l’intérim à partirde mars 1897, en attendant que de Lamothe, ancien Gouverneur du Sénégal leremplace en novembre 1897.

Brazza quitte le Gabon fin mars 1897. La situation n’y est guère réjouissante.Le centre de gravité de la colonie est depuis plusieurs années le Stanley Pool. Lastation navale est “ languissante ” ( 839 ). L’activité est ralentie. La sécurité desrivières de l’Estuaire est assurée par le passage régulier de la Cigogne. Partout, ellereçoit l’expression de soumission des riverains à l’autorité française, notamment enmatière judiciaire. Ses tournées sont paisibles ( 840 ). Les factoreries poursuiventleur commerce, recevant les insistances des villages pour s’installer à leurproximité ( 841 ). Quelques troubles agitent encore le Mouni en décembre 1896( 842 ). L’action missionnaire favorise les rapports intelligents avec les villages,notamment les Fang ; le premier sermon en langue fang est prononcé le 23 mai1897 ( 843 ).

Le commerce dans les estuaires du Gabon, Mondah et Mouni n’est plus depuislongtemps alimenté par l’ivoire et l’ébène du fait de l’épuisement des forêtslittorales. Au padouk (bois rouge) encore exploité s’ajoute désormais une nouvelleessence, l’Okoumé (nom galwa ; Aukoumea Klaineana), distingué pour la qualitéde son bois, la rectitude de son fût et sa densité importante dans les forêts autour deLibreville ( 844 ). Les Gabonais l’utilisent pour construire des pirogues et recueillentsa sève pour fabriquer des torches. La maison allemande Woermann est à l’originede son exploitation à partir de 1889, restée timide dans un premier temps ( 845 ).L’agriculture reste à l’état expérimental sur des lopins exigus.

Page 203: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Location foncière

L’avis du Conseil d’Etat permet à la S.H.O. de reprendre ses activités. Ellereçoit une compensation financière pour le préjudice subi pendant la suspension deson activité. Contre l’engagement d’exécuter des travaux publics d’intérêts général,notamment la construction d’une route de Booué à l’Ivindo pour éviter les rapides,la nouvelle convention lui accorde le privilège des transports et le droit exclusifd’engager pirogues, piroguiers et porteurs ( 846 ). Elle reçoit donc les mêmesprérogatives que la mission de l’Ouest Africain. A ceci près que depuisl’évacuation des postes, sa situation est ambiguë, quant aux fonctions de police etde justice qui lui sont déléguées. Prenant conscience des risques que peut entraînerune totale délégation de pouvoir, Lebon, nouveau ministre des Colonies révise lesstatuts de la compagnie et, par l’avenant du 8 juin 1897 à la convention, lui retireses fonctions de police et de justice. Le décret du 31 juillet 1897 impose à lacolonie l’obligation d’assurer la police de la concession. A cet effet, une sectiond’une quarantaine de miliciens doit stationner en permanence à Ndjolé. Pour seporter sur les lieux d’opération, le transport doit être assuré par la sociétéconcessionnaire qui doit en outre, mettre à disposition des hommes et desinterprètes. Le commandement des opérations est confié à un officier de Marine( 847 ).

Page 204: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 68 : Le poste de Ndjolé (Veistroffer).

La reprise du commerce est suivi de près par la réapparition des conflits. Enaoût 1897, deux affaires éclatent. Au début du mois, un convoi de neuf pirogueschargées pour la S.H.O. est attaqué en amont de Ndjolé. L’équipage compte trentemorts ou blessés et six pirogues sont perdues ( 848 ). Le 14, l’Eclaireur, vapeur de laCompagnie des Chargeurs Réunis, commandé par Gauchet s’échoue sur un banc desable près de Sam Kita. Pour alléger le navire et le remettre à flot, il fait jeter àl’eau une partie de sa cargaison, des fûts de caoutchouc, pour les entreposer sur unbanc de sable voisin. Mais le courant les emporte. Gauchet n’en retrouve que septsur quarante. Tous les autres sont récupérés par les riverains, fang et kele. Gauchets’en plaint à Ndjolé. Le 5 septembre 1897, Godel, administrateur de Ndjolé, arriveà bord de l’Avant-Garde, accompagné des quarante miliciens, Vadon et Lecomte,pour châtier les villages coupables d’avoir ramassé la marchandise. Le feu estouvert sur le village. La troupe débarque et chasse les villageois. Elle en tue trois.Elle récupère 75 fusils et 180 barils de poudre. Le village est ensuite incendié. Le 6septembre, Godel poursuit son action répressive en mitraillant les rives et lesvillages ayant participé au ramassage du caoutchouc. Il est atteint d’une balle quilui brise la main ( 849 ). L’affaire secoue le milieu colonial parisien. La compagnieréclame réparation tandis que le ministère impute la responsabilité des pertes à lanégligence de Gauchet ( 850 ).

Libreville craint que le retour de la S.H.O. ne provoque une instabilitépermanente. La société prévoit en effet de déplacer vers l’amont le commerce deNdjolé. Or la cause essentielle des conflits étant la concurrence entre les villages etleur rapprochement des rives, Dolisie cherche à stopper le déplacement des

Page 205: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

villages. Dans une lettre d’instruction daté du 30 novembre 1897, il charge Godelde faire appliquer une nouvelle mesure : la terre gabonaise est déclarée françaisepar droit de conquête. Tout village voulant s’installer doit s’acquitter d’un droit delocation, et d’un droit variable selon le nombre de cases construites. En échange,Libreville garantit “ le respect de la terre louée ” ( 851 ). Un mois plus tard, Dolisietransmet de nouvelles instructions à Godel afin qu’il fasse appliquer par la S.H.O.le décret du 31 juillet 1897.

Ndjolé concentre toutes les attentions. La zone que le poste a en charge est trèsvaste. Godel doit régler de nombreux palabres souvent inextricables, révélant desalliances surprenantes. Au début de 1898, dans le bas-Ogooué, le chef galwaRentendi, parcourt les villages fang et kele pour amener leurs chefs à fermer lecommerce. La maison Woermann, qui en fait les frais, demande l’intervention del’administrateur pour ramener l’ordre ( 852 ).

A Ndjolé même, le 24 février 1898, la justice inflige une amende à Emane Tolequi se cache toujours. Craignant de se rendre au poste de Ndjolé, il envoie sesenfants pour déclarer qu’il fait sa soumission complète et paie l’amende. En gagede sa collaboration, il livre le nom de ses complices qui ont tué le miliciensénégalais en juillet 1896. Les informations qu’il donne permettent à Godeld’arrêter au début d’avril 1898 un autre chef turbulent, Emana Angoé dit EgogomMeyé, “ un des principaux instigateurs de la révolte des pahouins du haut fleuve etqui aurait lui-même tué le caporal Boubakaryba ”. Depuis plusieurs mois en effet,Emana Angoé, réfugié chez le chef Massa à Ndjolé même, harcèle le commerce etdétient captives deux femmes qu’il a enlevées. Godel le fait prisonnier et le déporteau Fernan Vaz ( 853 ).

Sociétés concessionnaires

Ancien Gouverneur du Sénégal, Lamothe entre en fonctions au Gabon enqualité de Commissaire Général du Gouvernement le 2 janvier 1898. Il est précédéd’une réputation d’excellent administrateur, “ seul capable de remettre en état lesfinances de la colonie ” ( 854 ). S’appuyant sur son équipe de fonctionnaires qu’ilfait venir du Sénégal pour remplacer celle de Brazza, il réorganise l’administrationde la Colonie. Sa première action est d’instituer, fin 1897, un impôt de capitation,destiné tout autant à renflouer les caisses de la colonie qu’à recenser les populations( 855 ). L’impôt est fixé à deux francs par habitants. En échange, l’administration

Page 206: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

offre sa protection et le règlement des palabres ( 856 ). La mesure est faiblementappliquée. La plupart des villages l’ignorent, sans être pour le moment inquiétéspar l’administration qui manque surtout d’effectif pour imposer la mesure. Certainsvillages pourtant s’en acquittent, laissant l’espoir d’une diffusion lente mais solide.Lamothe compte alors sur l’action des chefs de village pour y amenerprogressivement les villageois. Le 15 février 1898, au cours d’une tournée dansl’Ogooué et le Como, il convoque les chefs fang à Ndjolé pour leur annoncer lamise en place d’une “ taxe de suzeraineté et de protection ”. Il ne rencontre aucuneobjection ( 857 ).

L’arrivée de Lamothe au Gabon coïncide avec l’ouverture de nouvellesperspectives pour la colonie. Après de multiples tergiversations, la Métropoleconsent enfin à appliquer le projet de Brazza d’ouvrir aux capitaux français privésl’exploitation des ressources du Gabon et du Congo. Surpris par l’apparent succèsdes compagnies concessionnaires au Congo Belge, notamment grâce au commercedu caoutchouc, et soucieux d’effacer les difficultés financières du Gabon-Congo( 858 ), le 28 mars 1899, Guillain, Ministre des Colonies, signe un décret instituant lerégime de concessions au Congo qui doit permettre la mise en valeur par descapitaux privés des territoires conquis sans engager trop loin l’Etat dans desdépenses insupportables ( 859 ).

Entre mars 1899 et février 1900, la colonie du Gabon Congo est divisée enquarante parcelles, à l’exemple du Haut-Ogooué, chacune exploitée pour trente anspar une société privée de préférence de fonds français qui paie une redevanceannuelle à l’Etat et 15% sur leurs bénéfices. Le capital social de l’ensemble dessociétés s’élève à 55 millions de francs de l’époque. Ainsi en 1900, les concessionssur le territoire du Gabon de l’époque sont réparties au sud et à l’est. La concessionla plus grande reste à la S.H.O., dont la superficie est de 104 000km² (voir cartepage suivante, n°28). C’est la plus importante du Gabon et la seconde de la colonie,après celle des sultanats du Haut-Oubangui qui atteint 140 000 km². Vient ensuite,jouxtant la limite ouest de la S.H.O. la Société des factoreries de Ndjolé deMonthaye qui exploite la basse Ngounié sur 4 200 km² (n°25). Sur l’autre rive de laNgounié, la concession revient à la Société de l’Ogooué-Ngounié de Gazenguel (11) pour 3 350 km² ( 860 ). La Société Commerciale et Agricole du Bas Ogoouéexploite la concession à l’ouest de Gazenguel, sur 1 200 km² ( n°35). Au sud,Izambert, déjà en activité comme planteur, obtient la parcelle du Fernan Vaz sur 12400 km² (n°20); Devès obtient le Sette-Cama sur 19 000 km² (n°22), Leplus leHaut-Ngounié sur 7 100 km² (n°26). Quant aux territoires autour de l’Estuaire, duCap Lopez jusqu’au Woleu, Lamothe les réserve.

Page 207: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 69 : Les concessions au Gabon-Congo (d’après Coquery-Vidrovitch,1972, p. 56-57)

L’organisation est prévue pour éviter la concurrence. Chaque société reçoit lemonopole de l’exploitation agricole et forestière de sa concession. En échange, elledoit participer matériellement à l’administration de la colonie en mettant àdisposition ses moyens, vapeurs, établissements, et favoriser par exemple la culturedu caoutchouc en plantant cent cinquante pied de plantes à caoutchouc par tonneexportée ( 861 ). Par ailleurs, le décret de Guillain annonce que “ le commerce des

Page 208: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

armes à feu et des munitions est formellement interdit à la société concessionnaireet à ses agents, sauf dans le cas où ils seront autorisés par le Gouverneur à selivrer à ce commerce sous le contrôle des agents de la colonie ” ( 862 ). L’articlecherche ainsi à réduire les risques d’embrasement dans les régions éloignées despostes, l’administration coloniale restant souveraine, en principe, en matière depolice et de justice.

Figure 70 : Plantation d’arbres à caoutchouc (Veistroffer).

La mise en concession de 70 % des territoires de la Colonie n’est pas sansprovoquer le mécontentement des acteurs du commerce traditionnel au Gabon enparticulier les maisons Holt, Woermann et Hatton et Cookson. Dans un premiertemps, elles tentent de dénoncer le décret de Guillain en lui opposant L’ActeGénéral de Berlin qui interdit le monopole commercial dans le bassinconventionnel du Congo. Mais leurs factoreries gabonaises sont situées en dehorsde ce bassin. L’argument ne tiendrait que pour la S.H.O. dont la concession toucheà l’est le bassin de l’Alima. En outre, le décret prévoit que les conventionsengagent les sociétés concessionnaires à trouver un accord avec les maisons decommerce pour racheter les factoreries anciennement en place afin qu’elles quittentle territoire concédé d’ici à deux ans.

Page 209: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

La réalité est autre. Le commerce libre est empêché d’exercer son activité. Illui est interdit d’implanter de nouvelles factoreries et de faire commerce desproduits agricoles et forestiers, donc caoutchouc et ivoire, avec les habitants desconcessions. De plus, les sociétés accaparent les produits exploités par diversesmanœuvres. L’une d’entre elle consiste à entraver l’introduction dans la colonie dunuméraire prévu, entre autres, pour payer l’impôt. Elles considèrent le numérairecontraire à l’intérêt de la colonie qui est d’exploiter ses richesses. Mais leurdiscours est ambigü car d’un autre côté, elles dénoncent le paiement en produitscomme une concurrence de l’administration à leur activité. Elles obtiennentfinalement que les produits versés en impôts leurs soient rétrocédés. Surtout, lessociétés concessionnaires reçoivent l’appui de l’administration coloniale et de sajustice qui trouvent enfin l’occasion de réduire l’activité du commerce étranger. Lepremier exemple qui fait jurisprudence vient avec la saisie de caoutchouc et lacondamnation de la maison Holt accusée en 1898 par la S.H.O. de traiter avec lesriverains du Haut-Ogooué ( 863 ). L’origine de l’affaire tient dans la délimitation desconcessions rapidement tracée sur le papier mais difficilement reconnaissable sur leterrain. Les écarts sont fréquents. Les maisons de commerce cherchent donc à seredéployer dans les zones libres mais ne se résignent pas totalement à abandonnerleur activité sur les terres concédées ( 864 ).

Rembo Ncomi

Satisfaire l’installation des concessions pour permettre la relance del’économie est la priorité de Lamothe. Pendant un an, la mise en place desconcessions provoque au Gabon un mouvement de marchandises, de matériel etd’hommes sans précédent, triplant les recettes douanières d’importation. Lesrecettes en hausse et les redevances escomptées permettent à Lamothe d’engagerdes dépenses pour percevoir différentes taxes. Il met en place une cohorte defonctionnaires qu’il encourage au zèle par des traitements de faveur ( 865 ). Lesrecettes lui permettent également de réorganiser les forces de sécurité. Il augmenteles effectifs militaires et policiers. Il crée une légion de gendarmerie. Un poste estcréé dans le Komo, à Kango afin de mieux contrôler les Fang et le commerce qui ytransite ( 866 ). Un peu plus tard, des postes de surveillance sont créés à Ndombo aunord de l’Estuaire, dans l’estuaire de la Mondah, au confluent du Remboué et duMbilagone, et à Mfoula Mayong sur la Mbéï ( 867 ).

Page 210: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Dès son arrivée, Lamothe doit affronter les tensions dont les Fang sont àl’origine dans le Fernan Vaz, où, depuis plusieurs années, ils descendent depuis larégion de Lambaréné et des lacs voisins. Ils sont attirés par le commerce qui s’y faitdans la lagune où les factoreries sont nombreuses. Leur installation en terresNkomi, courtiers traditionnels, provoquent les troubles habituels. En mai 1898 deuxgrands villages fang s’installent pour la première fois sur le haut du Rembo Nkomi.Inquiet, Lamothe entend stopper leur descente en les obligeant à “ demanderl’autorisation de se déplacer et en frappant d’une redevance chaque nouveaudéplacement ” ( 868 ).

Lamothe poursuit sa réorganisation de la colonie. Il la divise en régionsadministratives et en cercles. Le Fernan Vaz, placé sous l’administration deVeistroffer, est englobé avec les cercles du Cap Lopez et d’Iguéla dans une régionque dirige Fondère. Comme ailleurs, la mise en concession se heurte àl’organisation traditionnelle du commerce. Ainsi en 1899, deux traitants de lamaison John Holt installés chez les Fang sur le haut Rembo Nkomi refusent departir et organisent, avec l’aide des villageois, le blocage de la rivière. Veistrofferintervient à la tête de trente hommes. Trois villages sont brûlés. Une semaine plustard, la tension retombe et le commerce reprend ( 869 ).

Malgré les taxes, l’activité économique continue d’attirer les Fang quiatteignent l’embouchure du Fernan Vaz. En juillet 1899, les Nkomi demandentl’intervention de Libreville. Fondère, administrateur de la région, profite desévènements pour reprendre en main la région ( 870 ). Il intervient en faveur desNkomi et soumet les Fang en brûlant au moins huit villages. Il justifie la répressionpar l’obligation de pacifier la région qui doit s’ouvrir aux concessions tout enreconnaissant l’indispensable participation des Fang à son développement ( 871 ).Fondère réunit ensuite au poste de Fernan Vaz, en présence de Veistroffer, les chefsNkomi pour signer un traité de protection avec la France. Le traité engage lesNkomi au versement de l’impôt ( 872 ). Tous les habitants, exceptés les enfants demoins de dix ans et les élèves des missions, doivent payer en espèces ou enproduits deux francs pour l’impôt. Les chefs de villages doivent en organiser laperception ( 873 ). Fondère ne nourrit aucune illusion à propos du paiement del’impôt par les Fang ( 874 ).

En septembre 1899, Lamothe visite Veistroffer au Fernan Vaz. En novembre1899, Fondère revient à Ndjolé sur l’Alcyon et bombarde “ encore au passagequelques villages afin d’entretenir les indigènes dans une salutaire frayeur ” ( 875 ).

Page 211: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Nouvelles mesures

Convaincues de l’appui de la Colonie, les sociétés concessionnaires usent deleur position pour pallier leurs difficultés d’exploitation dont la principale estl’absence de main-d’œuvre. A ce titre, elles dénoncent l’impôt de capitation que lesvillages fuient en se déplaçant dans les forêts. Le décret Guillain interdit le travailforcé, et prévoit l’embauche des villageois avec contrat de travail ( 876 ). Mais dansles faits, les concessions utilisent des moyens détestables pour contraindre lespopulations au travail ( 877 ). Les chantiers sont parfois éloignés de plusieurs moisdes villages, la nourriture, les soins, l’hébergement, sont réduits au minimum parl’employeur. Les conditions de travail sont pénibles et dangereuses ( 878 ).L’administration coloniale est incapable d’assurer les contrôle prévus. Les dérivessont nombreuses. Les concessions règlent leurs affaires intérieures.L’administration semble se conforter en suivant la règle qui prévaut depuisplusieurs années : n’intervenir qu’en cas d’outrage à l’autorité ou d’entrave aucommerce. Aussi, consciente des risques d’embrasement dans la région de Ndjolé,Merlin, commissaire général par intérim, émet le 6 mars 1899, un avis défavorableà une demande de la S.H.O. qui argue d’une délimitation imprécise de saconcession pour revendiquer des terres à Ndjolé ce qui chasserait les Fang et lesobligerait à s’installer plus à l’ouest ( 879 ). Déjà dans la Ngounié, les contoursflottant de la S.H.O. conduisent cette dernière à expulser des traitants des maisonsanglaises Holt et Hatton et Cookson. D’ailleurs, un décret est promulgué le 23 mars1899, instituant le régime des terres domaniales. Les terres non concédées sontpropriété de la Colonie. Le décret renforce ainsi les mesures précédentesconcernant les redevances à payer pour le déplacement des villages.

Un mois plus tard, un arrêté du commissaire général crée le port d’armes dansla Colonie ( 880 ). Le 17 avril 1899, un nouvel arrêté relève les droits de douanes etétablissant de nouvelles taxes de consommation, complété le 12 octobre 1899 parl’“ Interdiction de la circulation et de la vente d’alcool dans l’Ogooué au-dessus deLambaréné, dans le bassin de la Ngounié et dans le Rembo Nkomi jusqu’à FernanVaz ” ( 881 ). Les Fang sont directement touchés par la mesure. Pour éviter toutnouvel incident, Lamothe confie au Lieutenant Avelot la mission d’établir avec laplus grande précision la limite des différentes concessions. Il parcourt d’abord lehaut-Komo, puis la Mondah avant d’arpenter l’Ogooué et la Ngounié, pendant prèsde cinq mois, pour reconnaître la limite ouest de la S.H.O..

En même temps que s’installent les concessions, les missions catholiques etprotestantes étendent leur influence sur les populations gabonaises. En 1898, deuxmissions protestantes sont présentes dans le Moyen-Ogooué, à Lambaréné etTalagouga (Ndjolé). Très actives, elles décident d’installer une nouvelle mission à

Page 212: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Ngomo dans la région des lacs, puis en 1899 de dédoubler la mission de Talagougaen créant une mission à Sam Kita pour permettre aux missionnaires de remonter lefleuve, vers l’Okano ( 882 ). Au nord, les catholiques sont tout aussi actifs. Donguilacompte trois pères, un frère et deux sœurs et une centaine d’écoliers. Mais lesrelations sont plus tendues, du fait des enjeux économiques et politiques. Ennovembre 1899, les Fang se révoltent et pillent la mission de Batanga ( 883 ).

Tandis que Lamothe est en tournée d’inspection dans la Colonie, Lemaireassure l’intérim à Libreville. Le 9 février 1900, après délibération du Conseild’administration de la Colonie, il signe une circulaire qu’il adresse auxadministrateurs des secteurs pour la perception de l’impôt de capitation. Conscientdes difficultés à l’organiser, le chef de poste de Batah lui demande des directivesécrites (25 mars 1900). La contribution est uniformément fixée à 3 francs par tête,ou 6 francs par case, et 12 francs par case “ en planches sur pilotis avec véranda ”.Lemaire stipule que le versement peut se faire en produits (Journal Officiel desColonies Françaises, 15 juillet 1900). Toutes les mesures prises par Lamothe sontsans effet pour redresser une situation difficile. Les recettes tardent à rentrer. Ledéficit atteint 5 millions. Lemaire est nommé Lieutenant Gouverneur pour seconderLamothe.

Le grand Nord 1900-1907 ( 884 )

Le 27 juin 1900, la France et l’Espagne signent une convention qui délimite lafrontière entre le Gabon et la Guinée ( 885 ). Le Mitemboni marque la limitethéorique entre les deux colonies jusqu’au 1° nord qu’elle longe jusqu’au 9° est deParis. Campo, Batah, Benito, Batanga deviennent des postes espagnols. Les îlesElobey et Corisco restent espagnoles ( 886 ). A Libreville, la signature est vécued’autant plus comme un échec diplomatique que les populations, notamment fang,ont toujours marqué leur attachement à la souveraineté française ( 887 ).L’établissement d’une frontière ne signifie cependant pas la fin des déplacementsde populations dans la région. La frontière avec le Cameroun est souvent traverséepar des villages qui fuient l’occupation allemande où les recrutements sont trèssévères. L’émigration camerounaise déstabilise le commerce et l’exploitation

Page 213: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

agricole au Gabon ( 888 ). Elle marque également le début d’une série d’incidentsqui opposent les deux puissances coloniales. En 1900, un détachement de miliciensallemands viole la frontière et pénètre en territoire gabonais sur plus de centkilomètres. Le fait est que la frontière n’est qu’une ligne tracée sur le papier et necorrespond à aucune réalité topographique. L’argument est utilisé par l’Allemagnedont les incursions sont ressenties comme une concurrence déloyale par lesconcessions françaises. Le fait est qu’au sud Cameroun, la société concessionnaireriveraine se plaint de n’avoir que deux débouchés du côté du Congo français, l’unsur la Sangha, long de trente kilomètres, l’autres sur la Ngoko, long d’environtrente-six kilomètres, qui lui ont été accordés lors de la signature de la convention.Elle réclame une révision de la frontière avec une extension de son accès aux rivesde la Ngoko pour atteindre près de deux cents kilomètres ( 889 ). Une mission mixtefranco-allemande est prévue pour reconnaître sur place la frontière, notamment versla Sangha-Ngoko. Le 30 octobre 1900, Cureau et Laurent, administrateurs descolonies, reçoivent leurs instructions pour mener la mission, côté français, enparallèle d’Engelhard, côté allemand. La mission s’embarque le 15 novembre 1900.Dans le même temps, une mission commerciale est mise sur pied, menée parLesieur, agent commercial, le père Trilles, et Font qui doit pénétrer dansl’hinterland inexploré de la Guinée Espagnole.

Recettes

La suppression des postes de la côte nord permet à Lemaire d’affecter un plusgrand nombre d’agents à la collecte de l’impôt. Libreville est quasiment la seulezone où l’impôt est versé, malgré son coût de trois francs par case (circulaire du 15juillet 1900). Il rapporte 3 887 francs ( 890 ). Les villages de l’Estuaire paientd’autant plus volontiers l’impôt qu’il est indispensable à leur installation. Car lesFang poursuivent leur progression au détriment des Mpongwe dont les terres sonttoujours plus restreintes et leur nombre estimé, fin 1900, à 1500 individus ( 891 ).

Ailleurs au Gabon, les récentes mesures favorisent la dispersion des villagesqui refusent de servir dans les concessions et payer l’impôt. Autour de Ndjolé, seulsles villages les plus proches du poste, qui jouent un rôle important dans l’économie,s’acquittent de l’impôt. Les plus éloignés n’en versent, quand ils ne peuvent faireautrement, qu’un faible pourcentage. Lemaire reprend à son compte les importantsmoyens humains engagés par son prédécesseur. Les tournées dans les régions sontfréquentes et la milice est partout. Cette forte présence dissuade visiblement les

Page 214: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

fauteurs de troubles. Le calme règne donc en apparence ( 892 ). En réalité, lesvillages cherchent à se soustraire aux nombreux contrôles et les plus réfractairesreculent dans la forêt. Conscient des conséquences que pourrait entraîner lagénéralisation de ce mouvement, l’administrateur de l’Ogooué veut contrôler lesvillages en les fixant sur le fleuve. Il leur fait savoir qu’il n’entend pas “ ajouter denouveaux noms à la liste des villages imposés, jugeant préférable de portertous [ses] efforts sur ceux déjà inscrits ”. L’effet obtenu est inverse. Certainsvillages payeurs refusent de supporter seuls l’impôt et disparaissent à leur tour( 893 ). Lemaire prend une mesure significative de l’inquiétude qui règne à Libreville: il interdit l’incendie de villages en cas de troubles. Le but est de respecter lesrecommandations ministérielles de fixer définitivement les villages ( 894 ).

Au total, tandis que les recettes douanières rapportent près de deux millions àla colonie, l’impôt ne rapporte qu’environ dix mille francs, soit une contributiondérisoire. Lemaire n’hésite donc pas à remettre en cause cet impôt que les Fang,particulièrement, ne comprennent pas, croyant pouvoir s’en acquitter une fois pourtoutes. Des opérations de recensement sont entreprises sur la côte nord, mais ellessont lourdes et onéreuses et font fuir également les villages dans la brousse. Ellessont vaines. Dans l’Ogooué, l’impôt n’est payé que sous la menace des armes. Enjanvier 1901, Lemaire suggère donc d’abandonner ce système d’imposition directeen préférant une fiscalité indirecte, reposant sur les taxes ( 895 ). Il rejoint la volontédes concessionnaires qui considèrent l’impôt de capitation comme un frein aurecrutement de la main-d’œuvre, provoquant l’exode des travailleurs potentiels.

La région de Ndjolé est particulièrement affectée par ces problèmes de main-d’œuvre. Outre les rivalités entre la S.H.O. et les maisons de commerce,l’exploitation des ressources est difficile. Craignant pour l’organisation de sonactivité, la S.H.O. s’enferme dans un isolement. Elle décide d’empêcher seshabitants, Kande, Duma et Fang, de toutes relations d’échanges avec l’aval, enparticulier Ndjolé, afin de conserver le contrôle des prix. Elle cherche ainsi à éviterune propagation sur son territoire de pratiques commerciales qui dissuaderaient sestravailleurs d’exercer pour elle. Aucun produit ne doit sortir autrement que sous lecontrôle strict de la S.H.O. Les échanges s’organisent par l’intermédiaire descomptoirs qu’elle implante aux limites de son territoire. De même, elle rechigne àla pénétration de la milice sur ses terres au prétexte que les miliciens pourraientégalement, par leurs besoins quotidiens, perturber l’économie locale. La S.H.O.entend donc assurer, pour mieux l’encadrer, le transport des troupes en mettant àdisposition son matériel de navigation au service de la Colonie ( 896 ). A son tour, laSociété des Factoreries de Ndjolé prend une série de décisions similaires quant aucontrôle des échanges. Rapidement, le trafic s’organise à destination des comptoirs.Les villages de l’intérieur y écoulent leur production, par l’intermédiaires devillages riverains qui tentent alors de se rapprocher des comptoirs. L’organisationdu commerce s’en trouve à nouveau bouleversée.

Page 215: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Grodet

Lemaire est finalement remplacé par Grodet en décembre 1900. La situationfinancière de la colonie l’amène à restreindre sévèrement les dépenses. Confiantdans l’état politique de la colonie, Grodet réduit dans un premier temps la charge depolice en passant l’effectif de la milice de 1500 à 700 hommes. Le corps degendarmerie est supprimé. Il réduit également les traitements des fonctionnaires.Ceux qui touchent plus de 8 000 francs annuels d’appointements sont congédiés.Les indemnités sont supprimées. Les responsables sont engagés à ne prendreaucune initiative. Le découragement gagne les agents coloniaux : “ lesfonctionnaires maintenus, à qui on a interdit toute initiative, et que l’on a privés detoute autorité, sont écœurés ; découragés, ils opposent la force d’inertie dans leursfonctions mal rétribuées ” ( 897 ).

A Ndjolé les agents et les miliciens ne touchent plus leurs soldes. Ils reçoiventdes bons à retirer aux factoreries que celles-ci, ne parvenant pas à se fairerembourser au chef-lieu, refusent à présent. L’indiscipline gagne les troupes.Responsable de Ndjolé, désolé par les nouvelles mesures prises à Libreville,Veistroffer entend redresser la situation car l’ordre est menacé. Sa premièrepréoccupation est donc de payer les soldes et les mensualités promises aux déportéspolitiques, dont Samory, emprisonnés sur l’île. La caisse de Ndjolé étant vide, ilpart pour le Cap Lopez où, sans prendre l’avis de son supérieur, il prélève les 5 000francs nécessaires. Apprenant son geste, Grodet le menace de retenir la somme surson salaire et lui interdit toute dépense ( 898 ). Veistroffer doit s’en tenir à verserquelques acomptes. Enfin, devant l’état sanitaire lamentable des Européens qui lesecondent, il décide de les renvoyer sur Libreville. Il est alors le seul agent à Ndjolépour affronter une situation politique de plus en plus dégradée ( 899 ).

Conscient de la faiblesse de ses moyens, Grodet invite les administrateurs derégion à éviter les expéditions punitives. A Sette Cama, le chef de poste reçoit le 16juillet 1901, Ndjego, chef du village fang Attivino. Les villageois viennentprotester contre les pratiques de la Société agricole et commerciale du Sette Cama.Elle fait couper les boules de caoutchouc sous le prétexte qu’elles sont alourdiespar des cailloux et refuse d’en payer le prix convenu. Débouté dans sa requête,Ndjego repart en proférant des menaces. Il est arrêté par le chef de poste et mis enprison. Le lendemain 17 juillet, Merlet, agent de la Société, remontant desmarchandises vers la Nyanga est arrêté par Fang d’Attivino, près de la laguneSongo. Il trouve refuge chez des Fang voisins, tandis que ses hommes sontlégèrement brutalisés ( 900 ). Le chef de poste se porte aussitôt à son secours. Le 18

Page 216: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

juillet, Il réclame une répression sévère contre Attivino et son chef ( 901 ). Grodet luirefuse en l’engageant à une enquête discrète ( 902 ).

En même temps qu’il fait des économies en supprimant des forces de sécurité,Grodet cherche à augmenter les recettes. Il montre une certaine réticence à utiliserl’impôt indigène qu’il considère pour le moment inefficace ( 903 ). Devant lesinjonctions ministérielles, il argue de la faiblesse des moyens humains dont ildispose et réclame deux nouvelles compagnies de tirailleurs pour collecter l’impôt( 904 ). En revanche, il n’a aucun scrupule à augmenter les taxes sur le commerce. Le15 novembre 1901, il signe un arrêté alourdissant la fiscalité sur les produitsd’importation les plus appréciés des Gabonais : tissus, tabac, poudre, fusils… Lecommerce est gravement atteint par cette hausse. Les sociétés concessionnairesréagissent en s’unifiant contre la Colonie. Elles refusent de payer leur redevanced’exploitation et répercutent le manque à gagner en payant moins cher les produitsachetés aux riverains qui voient à leur tour leurs revenus diminuer.

L’autre chantier que doit réaliser Grodet est l’évacuation de la Côte Nord. Lesmoyens dont dispose la station navale sont si faibles que Libreville fait appel à laCompagnie Woermann qui dispose d’une ligne régulière pour rapatrier les agentsdes postes passés sous administration espagnole ( 905 ). La surveillance du trafic etdes mouvements de population avec le Gabon devient difficile. La présencemissionnaire ne peut pallier l’absence d’autorité coloniale. Rouyer, administrateurde Libreville, obtient du Commissaire Général, désormais basé à Brazzaville,l’autorisation de créer un poste à Boutika, sur la Pointe Urinia, dans l’estuaire duMouni. Il envoie ses instructions au nouveau chef de poste en juin 1901 ( 906 ). Le 4juillet 1901, l’administrateur des Colonies Bonnel de Mézières, arrive à Librevillepour mener une mission de délimitation de la frontière avec la nouvelle colonieespagnole ( 907 ). Il convient d’agir rapidement car la Convention provoque le départdes factoreries de la côte, perturbant l’économie des villages. D’un autre côté,Grodet encourage malgré lui la disparition des villages sur la côte nord en accédantaux demandes du Gouverneur Général de Fernando Poo de faire venir pour sacolonie des travailleurs. Il va jusqu’à exonérer de taxe l’établissement despasseports au “ titre de relation de bon voisinage ” ( 908 ). La décision de Grodet estmalheureuse pour la colonie diminuée par la faiblesse de sa main-d’œuvre et nepeut qu’encourager l’exode qui s’opère déjà dans la clandestinité.

Embrasement à Ndjolé

Page 217: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Pendant que Grodet diminue les effectifs, la position des comptoirs de laS.H.O. et de la Société des Factoreries de Ndjolé devient intenable. L’affluxcontinu de villages autour des comptoirs étouffe progressivement le commerce quiéchappe aux représentants des sociétés. Tenant les rives en aval, les Fang instituentsur le fleuve un droit de passage aux marchandises sortant des concessions. Pouréviter que les Fang prennent le contrôle définitif du commerce, la S.H.O. décide derouvrir le fleuve et de rétablir des succursales. Aussitôt installées dans l’amont, cesdernières privent les villages proches de Ndjolé de leur revenus d’intermédiaires.En même temps, le cours du caoutchouc, principal produit d’exploitation, chute. Larégion s’embrase.

Dans le haut-Ogooué, un traitant est tué. Le chef fang Makouengay appelle à larévolte contre les Blancs ( 909 ). A Ndjolé, oubliant leurs dissensions internes, treizeclans fang s’unissent sous l’action du même Emane Tole qui rassemble entre 4 et 5000 hommes. Ils bloquent le fleuve, attaquent les pirogues, occupent les factoreries,menacent de les brûler et de massacrer leurs agents. De janvier à juillet 1901, aucunconvoi ne réussit à forcer le blocus. Une seule pirogue réussit à rejoindre le hautfleuve entre août et septembre. La S.H.O. est complètement isolée. Son personnelest empêché de sortir de la concession.

Autour de Ndjolé, les villages, privés de leurs revenus, décident de piller puisd’incendier les comptoirs. Aussitôt leurs forfaits accomplis, ils disparaissent enforêt. Seul à Ndjolé, Veistroffer ne peut rien. En attendant les renforts qu’il réclamerégulièrement, il réussit grâce à l’influence qu’il a sur certains villages, à réunir leschefs fang. Il organise des palabres et contient un moment l’agitation. Les chefsréclament la fermeture des succursales dans le haut-fleuve et la liberté totale decirculation ( 910 ). De son côté, Grodet reste, dans un premier temps, sourd auxdemandes de Veistroffer. La S.H.O. s’en indigne publiquement. Lemaître, sonagent général, engage alors une cinquantaine de miliciens sans parvenir à rétablir lasituation. Grodet envoie à son tour trente hommes et un officier à Ndjolé. Les chefsfang vivent cette arrivée comme une trahison de Veistroffer. Celui-ci dispose àprésent de quarante-cinq miliciens qu’il répartit autour des magasins. Grodet luipromet un contingent de cent-cinquante tirailleurs sénégalais qui doivent venir duDahomey, commandé par Lucien Fourneau, le frère d’Alfred. Les commerçantss’en réjouissent et rendent hommage à la tactique politique de Veistroffer. Mais lesattaques se poursuivent. Deux-cents tirailleurs parviennent enfin à Ndjolé. Enquelques jours, ils exercent une sévère répression, douze villages sont brûlés. Denombreux villageois sont tués ou fait prisonniers. Le calme semble revenir maisEmane Tole reste insaisissable, de même que son fils, Tole Emane, dont la tête estmise à pris. Emane Tole s’est réfugié chez ses beaux-parents, du clan Essinsu, dansl’Otoumbi, en amont de l’Okano. Ceux-ci le dénoncent et les miliciens de la S.H.O.viennent pour l’arrêter. Il parvient à s’échapper mais son fils est fait prisonnier. Enseptembre 1902, Emane Tole se rend à Ndjolé où Grodet est en tournée ( 911 ).

Page 218: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Les évènements ne cessent pas pour autant. Les Fang poursuivent leur révoltedans des affrontements déterminés. Lors d’un combat, Lucien Fourneau est atteintpar trois balles dans la cuisse. Il doit redescendre à Libreville. Il préconise derenforcer les tirailleurs. D’autres tensions éclatent plus bas dans le fleuve et dansl’Estuaire.

Madékélo, Davo, SamKita, Makok

L’augmentation du prix des marchandises et l’agitation qui en découle nefrappe pas que la région de Ndjolé. Tout le Gabon est concerné. Un nouvelaccrochage intervient le 8 juin 1902 dans la région de Madékélo, près de Libreville.Des hommes, clan Yévan, du village fang de Lébi, près de Ndombo sur la côtenord, tentent d’introduire frauduleusement au Gabon des marchandises provenantde la Guinée espagnole. Ils sont interceptés près de Madékélo par un agentgabonais des douanes et par un milicien détaché du poste de surveillance voisin.Une altercation se produit. L’agent des douanes et le milicien sont violemmentfrappés ( 912 ). Grodet ordonne une répression contre le village de Madékélo.

La Ngounié, depuis longtemps productrice importante d’ivoire et decaoutchouc, exploitée depuis trois ans par la Société Ogooué-Ngounié deGazenguel, n’échappe pas aux tourments. Le 21 juin 1902, une cinquantaine deFang, du clan Ebivègne, viennent fortement armés devant la factorerie de Davo, aunord de Samba, protester contre l’augmentation des prix. Ils dissuadent par la forcesix blancs, parmi lesquels Lahoude en personne, commandant du cercle de laN’Gounié, de repartir en bloquant l’accès au débarcadère. Finalement, les Blancsréussissent à partir sous la promesse de revenir pour palabrer. Les Fang lesmenacent en les mettant en joue mais ne tirent pas. Le 23, comme convenu,Lahoude et ses collègues reviennent pour palabrer mais les Fang menacent unenouvelle fois de les empêcher de partir s’ils ne conviennent pas de leur prix.Lahoude cède alors et s’inquiète pour le futur. Visiblement très choqué, il écrit :“ Une leçon exemplaire s’impose envers les Pahouins, pour avoir porté la main surdes Européens, menaces de mort à main armée et imposition forcée de leursvolontés ; il n’y a pas de raison pour qu’ils s’arrêtent en si bon chemin et leursprétentions vont croître au fur et à mesure que l’impunité leur semble assurée ”.( 913 )

Page 219: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Le 7 juillet, les forces de police envoyées par Grodet et commandées parl’inspecteur de Milice Langlais arrivent dans la région de Madékélo. Au village deN’Cou, clan Yévan, l’opération tourne court. Langlais est tué. Le soir même, leshommes de N’Cou et Madékélo incendient le poste de douane ( 914 ). Le 9 juillet1902, devant la gravité de la situation, Grodet autorise l’administrateur de l’Ogoouéà mener “ toutes opérations [de] sauvegarde [des] biens et [des] personnes ” ( 915 ).

Au même moment dans l’Ogooué, Les Fang Mboumi de la région de Sam Kitatentent de fermer la rivière à la suite du retrait des factoreries de Sam Kita. Aprèsavoir tenté sans succès une négociation, Rouyer mène une répression qui conduit àla destruction de deux villages et fait par ailleurs vingt morts et trois prisonnierschez les villageois et deux miliciens tués. La brutalité de la répression semble agiren faveur de Rouyer. Les villages alentours viennent “ protester de leurs sentimentspacifiques ” ( 916 ). Aussitôt après, Rouyer se porte sur la Ngounié. Du 19 juillet au6 août 1902, accompagné par soixante hommes, il mène une campagne tout aussisanglante. Six villages sont incendiés et treize Fang sont tués ( 917 ).

Le 11 septembre, sur la côte nord, les villages du clan Yévan poursuivent àcoups de fusil Herre, le chef du poste de Ndombo en tournée pour le paiement del’impôt ( 918 ). Un milicien qui l’accompagne est blessé à la tête. Grodet décide d’enfinir une fois pour toutes avec le clan Yévan ( 919 ). Les quatre villages de M’Baine,Mangeme, N’Cou et Madékélo doivent être détruit mais les plantations ne serontpas touchées, afin que les villages, une fois soumis, puissent se reconstruire aumême endroit. En revanche, Grodet autorise la saisie des volailles, cabris, moutonset porcs que se partageront les soldats. Il donne des instructions précises pour quedes hommes soient capturés. Il confie la mission au Capitaine Noton, entouré desoixante-dix miliciens et laptots, et secondé par sept blancs dont Baudon, maître deport qui dirige la colonne sur la région de Ndombo. Le 8 octobre 1902, larépression est effectuée avec succès ( 920 ).

Quelques semaines plus tard, Garouste, chef de station arpente la région entreNdjolé et Remboué pour y étudier la construction d’une ligne télégraphique jusqu’àLibreville. Le 12 décembre 1902, à Makok, il tombe dans un guet-apens ourdi parles villageois. Ils lui refusent toute assistance et l’obligent sous la menace de leursfusils à quitter l’endroit. Grodet voit là une nouvelle menace pour l’autoritécoloniale et un moyen de châtier les villages voisins qui bloquent régulièrement lacirculation sur le Remboué. Le 19 janvier 1903, il envoie l’inspecteur de 1èreclasse, Commandant la garnison régionale pour détruire les trois villages quiconstituent l’agglomération de Makok, le village de Diabéré et un village de garde( 921 ). Là encore, les plantations doivent être épargnées et des hommes faitsprisonniers, notamment Mandouma Mba, un des chef de Makok, coupables demaintes exactions contre l’autorité de Libreville. La répression est menée finjanvier. Prudent, Grodet laisse sur le Remboué un garde principal et trente gardesrégionaux. Le 12 février, les chefs des quatre villages viennent faire acte desoumission. Seul Mandouma Mba, coupable, est amené à Libreville. Il est renvoyé

Page 220: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

devant l’administrateur de la région, en tant que chargé de la justice indigène. Ilencourt cinq années de prison qu’il devra effectuer en déportation à Loango ( 922 ).Une nouvelle répression est entreprise dans la région le 21 février, conduite parsoixante hommes. Deux villages sont incendiés, quatre villageois sont tués. Parcette campagne qui dure depuis plusieurs mois Grodet espère avoir pacifié la région( 923 ). Il n’en est rien. Un note reçue le 8 mars 1903 indique une nouvelle répressioncontre les Fang du clan Mgoumou, installé sur le Mbilagone ( 924 ). Plus bas dans lacrique Gongoué l’administrateur de la région de Libreville mène une actiondéterminée, à la tête de soixante-dix hommes, le 19 mars 1903. Les villageois,réfugiés dans les plantations sont surpris par la troupe et s’enfuient aux premièressalves. Les marchandises sont prises et les villages sont détruits ( 925 ).

L’impôt de capitation n’est pas étranger à ces évènements. Le 11 février 1902,Grodet prend un arrêté local qui institue définitivement “ l’impôt indigène ” surl’ensemble de la Colonie. Auparavant, seules l’Ogooué et la région de Librevilleétaient véritablement concernées. Il adresse une circulaire datée du 6 mars 1902 àses agents dans laquelle il annonce leur évaluation prochaine sur la base de leursrésultats ( 926 ). Le 13 mai 1902, il envoie des instructions aux administrateurs pouraugmenter le rendement de l’impôt ( 927 ). Dans le même temps, il réclame à laMétropole des moyens supplémentaires, pour appliquer la mesure. L’attitude deGrodet ne laisse pas de doute sur l’inconfort de la situation. La perception del’impôt lui permet de réclamer les troupes dont il a besoin pour rétablir l’ordre. Leministère lui envoie finalement deux nouvelles compagnies ( 928 ). L’effet tardecependant à se faire sentir sur les recettes. L’impôt est encore rare sur l’ensembledu Gabon ( 929 ).

Gesellschaft Süd Kamerun

Les enjeux du commerce, à l’origine des évènements de 1901-1902, trouventd’autres échos dans le Nord, à la frontière avec le Cameroun où les factoreriesallemandes cherchent à élargir leur zone d’influence vers le sud et détourner à leurprofit la production “ gabonaise ” de caoutchouc.

La Gesellschaft Süd Kamerun (G.S.K.), compagnie germano-belge créée àBruxelles, occupe depuis le 16 janvier 1899 une concession de 9 millionsd’hectares dans le bassin supérieur de la Sangha en territoire camerounais. Elleentre ainsi en concurrence directe avec la compagnie française de la Ngoko-Ouesso

Page 221: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

et de la Société des Produits de la Sangha-Lipa-Ouesso. Pour remedier à cesincursions, la France envoie Cureau à la frontière nord pour la redéfinir. Peu après,la France et l’Allemagne signent le 14 février 1901, un accord dans lequel ellespromettent de respecter le statu quo concernant les frontières fixées quelquesannées plus tôt.

A peine deux mois plus tard, le 10 avril 1901, une factorerie française installéeà Bomédali est expropriée par trois allemands. En octobre 1901, les deux directeursde la G.S.K., confisquent une allège de la Ngoko-Ouesso et, accompagnés ducommandant allemand, prétendent supprimer la factorerie Emile Loubet, pourtantsituée à 15 km de la frontière en territoire français. La Ngoko-Ouesso porte unepremière réclamation au département des Colonies le 4 novembre 1901.

Les incursions allemandes sont très préoccupantes pour l’autorité coloniale quiy voit un obstacle supplémentaire au développement des concessions. Les facteursallemands disposent d’un réseau de communication très performant quiapprovisionne en marchandises et en hommes la multitude de postes disséminés lelong de la frontière. Leur efficacité tranche cruellement avec les difficultés desconcessions françaises. L’accès aux factoreries françaises les plus septentrionalesparaît insurmontable. La vallée de l’Ivindo est marécageuse et barrée de rapides. Lavoie du Congo est longue et ardue, quant à la route depuis la mer, les reliefs et lesvallées inhospitalières, aux populations, en l’occurrence Fang, hostiles à lapénétration blanche, sont autant d’obstacles décourageants. Car dans le mêmetemps Von Stein permet à l’Allemagne d’occuper le Cameroun oriental jusqu’à labasse-Sangha et efface la mission Plehn, massacrée en 1896. Parti du Nyong etaprès avoir traversé le Dja et le pays Djem, il atteint Bertoua puis fonde une stationà Yokaduma. Bertoua est une place économique de première importance tenue parles marchands haoussa qui remontent par Ngaoundéré l’ivoire qu’ils revendent auNiger. Von Stein cherche alors à relier Bertoua aux factoreries du sud. Il atteintNgoïla sur le Dja qu’il reconnaît alors comme le cours supérieur du Ngoko et dontles forêts abondent en caoutchouc.

Pendant ce temps, Cureau parcourt la zone frontalière et constate certainesirrégularités. La position du Ngoko avec le parallèle 2° Nord et méridien 15 °Est estréglée. L’Allemagne doit abandonner 35 kilomètres de rives du Ngoko, mal tracéespar les missions précédentes et évacuer les postes et factoreries créées saufMoloundou. Mais la richesse du bassin du Ngoko retarde l’évacuation. Les facteurstentent de rester, obligeant Félix Dupont, nouveau commandant d’Ouesso, à denombreux contrôles dans la région. Les Allemands finissent toutefois par évacuer àpartir de février 1902 leurs postes et factoreries, qu’ils prennent soin de détruirecomplètement. D’autres incidents se produisent vers la frontière est du Cameroun,illustrant le climat tendu qui règne entre la France et l’Allemagne ( 930 ).

La commission de délimitation s’achève Le 7 avril 1903, Cureau rend sonrapport, lequel aboutit le 17 juin 1903 sur la signature d’un accord franco-allemand

Page 222: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

pour l’évacuation par la Süd-Kamerun des points occupés en territoire gabonais(Ngoko, Ndongo, Matuli, etc.). Le pavillon français flotte sur Ndongo. Mais leposte est rapidement abandonné. Sa réoccupation par les Allemands ne tarde pas.Une entrevue a lieu le 21 novembre 1903 entre représentants des deux colonies àMoloundou, en territoire camerounais. De nouveau, les Allemands doivent évacuerla région. Mais la Süd-Kamerun y maintient son activité.

Figure 71 : Village fang du Bas-Campo (Cureau, 1912).

La compétition que se livrent Allemands et Français déstabilise l’économie dela région, habituée à servir d’intermédiaire vers la côte. Aussi, la création despostes pour l’occupation effective de la région par les colonisateurs privent-elle lespopulations de leurs revenus. Certains, manipulés par l’une ou l’autre partie, tententdonc de s’opposer à cette présence gênante ( 931 ). Au Cameroun, les Allemands,mieux organisés, contrôlent les débordements. Du côté français, la situation est plusdifficile. En mars 1902, dans le Ngoko, les villages, apparentés aux Fang, sont eneffervescence. Ils s’en prennent à la Compagnie Franco-Congolaise.L’administrateur d’Ouesso envoie en tournée le lieutenant Charreau pour réprimerles attaques. Dix-huit villageois trouvent la mort dans cette campagne, trois femmessont faites prisonnières, quatre hommes sont arrêtés ( 932 ).

Page 223: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Gentil

Préoccupée par l’agitation des Gabonais, en particulier des Fang qui protestentcontre l’impôt et le prix des marchandises, attaquée sur sa frontière nord où lesAllemands grignotent des parts importantes du commerce, la colonie du Gabon vitdes heures difficiles. Jugé inefficace, Grodet est rappelé par la Métropole qui veutlimiter les abus et appliquer une politique de fermeté. Droits et devoirs doivent êtrerappelés aux Gabonais, aux concessions et aux administrateurs. Une premièremesure apparaît le 17 mars 1903, par le décret qui modifie le tribunal supérieur,autrefois composé d’administrateurs coloniaux. Trois magistrats de carrière ysiègent à présent, réduisant les connivences. Les peines contre les Blancs sontdurcies. Le décret accorde également aux Gabonais le droit de saisir les tribunauxfrançais de leurs litiges. La Métropole place ensuite à la tête de la Colonie unhomme capable de rétablir son autorité, en la personne d’Emile Gentil, explorateuret collaborateur de Brazza, auréolé de sa victoire sur Rabah, gouverneur au Chari. Ilentre en fonction le 18 mars 1903.

Le 19 mars 1903, dès le lendemain de sa nomination, Gentil adresse unecirculaire inspirée de son prédécesseur aux agents et administrateurs. Il y annonceleur prochaine évaluation sur la base des résultats qu’ils obtiendront dans laperception de l’impôt ( 933 ). Grâce aux compagnies obtenues par Grodet, il disposed’un contingent suffisant pour détacher une cinquantaine de tirailleurs dans larégion de Booué qui fondent un poste à Dilo Bikouala, afin de protéger unefactorerie de la S.H.O. et rétablir le calme. Au nord, tandis que la mission Cureauprend fin, la situation à la frontière espagnole est peu encourageante. Autour duposte de Boutika, autrefois si peuplé, il ne subsiste qu’une vingtaine de villages. Lapopulation s’est en grande partie réfugiée en Guinée espagnole. Ceux quidemeurent refusent de servir dans les concessions ou de payer l’impôt et se cachentdans la brousse, attendant que rouvre une factorerie promise par le chef de poste.Plus loin, l’émigration que connaît à son tour le Mitemboni est en passe d’êtreenrayée par la création d’un poste à Mbéto ( 934 ).

Appliquant la loi au plus près, Gentil n’entend pas laisser impunis les villagesqui ne s’acquittent pas de l’impôt. Il prend le 29 juillet 1903 un arrêté qui prévoitdes peines allant d’une simple amende de vingt francs jusqu’à quinze joursd’emprisonnement. La milice procède aux premières arrestations et marque ainsi lafin d’une période transitoire de laxisme ( 935 ). L’impopularité de Gentil grandit à telpoint qu’une pétition est adressée au Ministre des Colonies, signée par “ Tous lesGabonais en général ”, qui réclament le retour de Grodet ( 936 ). Impassible, leCommissaire Général poursuit son “ œuvre ”. Il décrète l’interdiction et la vented’armes sophistiquées ( 937 ). Seuls les vieux fusils à silex avant 1842, à pierre ou à

Page 224: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

capsules sont autorisés, pour ne pas entraver la chasse indigène. Maladroite, lamesure encourage la contrebande qui s’organise en particulier depuis la frontièrenord.

Résultats

L’intransigeance de Gentil cache mal ses difficultés dans l’administration de laColonie. Les concessions s’opposent toujours au commerce libre mais leur stratégieévolue. Leur santé économique étant fragile, elles cherchent des rentrées d’argentpar tous les moyens. Dans un premier temps, elles feignent d’ignorer la présencedes maisons étrangères sur leur territoire pour ensuite les condamner et obtenir desdédommagements. L’astuce ne fait pas long feu. En février 1904, la compagnieJohn Holt obtient la relaxe dans un procès qui l’oppose à la Société de l’Ogooué-Ngounié. Elle est autorisée à poursuivre son activité sur le territoire de la société( 938 ). Le jugement fait jurisprudence et conduit l’administration à interdire ce typede procès financier ( 939 ). En fait, il tient compte de la place que retrouve lecommerce libre dans l’économie de la Colonie. Plus souple et fort d’une longueexpérience ainsi que de rapports plus anciens avec les producteurs, le commercelibre parvient plus facilement à organiser son activité que les sociétésconcessionnaires dont l’immensité des territoires nécessite des moyensconsidérables. En 1903, l’ensemble des sociétés concessionnaires, mises à part laS.H.O. et la Compagnie Kouilou-Niari (C.P.K.N.), réalisent 1.9 millions de francsd’échanges, contre 2.3 millions pour la S.H.O. et la C.P.K.N. exclusivement, et 3.7millions pour le commerce libre (Hatton et Cookson, Holt, Woermann,principalement). Les chiffres tendent cependant à s’équilibrer pour l’année 1904.Ils portent respectivement à 2 millions, 2.6 millions et 3.2 millions l’activité desdifférents exploitants ( 940 ).

L’attitude de Gentil envers les sociétés concessionnaires reste ambiguë. Aunord, les compagnies Ngoko-Ouesso et Sangha-Lippa-Ouesso, fusionnent le 4 mai1904 pour former la compagnie Ngoko- Sangha. La nouvelle compagnie demandeà l’administration de prévoir l’installation d’un poste sur le haut- Ivindo, à lafrontière camerounaise, afin de sécuriser la région dont la population paraîtremuante et prévenir les incursions allemandes. La demande reste lettre morte( 941 ). L’occupation du nord ne semble pas être l’affaire de la Colonie qui en laissele soin à la Ngoko Sangha, quoique celle-ci n’ait pas les moyens de ses ambitions.Gentil compte s’en tenir à la pacification des zones d’occupation plus anciennes, en

Page 225: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

particulier l’Ogooué dont le cours supérieur est concédé à la S.H.O. La récentecréation du poste de Booué-Bikouala ne parvenant pas à apaiser complètement lestensions, Gentil ordonne, au début de 1904, une “ série de coups de mains ou depetites opérations qui semblent avoir heureusement amené le résultat [depacification] cherché ” ( 942 ). Or, à peine le calme rétabli dans l’Ogooué, un autrefoyer s’allume au sud, dans le Haut-Ngounié. Les Tsogo se révoltent contrel’administration et les concessions. Ils cherchent à empêcher l’établissement depostes militaires sur leurs terres. Une campagne de répression est menée à partir demai 1904 par le capitaine Colonna de Leca. Mais, faute d’engagement des insurgés,elle ne permet pas de soumettre la région ( 943 ).

Les évènements du sud ne sont que le résultat des abus des sociétésconcessionnaires et de la politique agressive menée par Gentil, en particulier pourl’impôt. Les miliciens sénégalais commettent des actes sanglants sur tout leterritoire, auxquels répond la résistance de plus en plus organisée des villages ( 944 ).La démesure des moyens mis en œuvre pour la perception et la répression exercéesur les réfractaires sont à la mesure de l’intransigeance de Gentil. Mais il a pour luil’obsession de la supériorité militaire et l’entêtement de l’incompétence ( 945 ). Le19 juillet 1904 il signe une circulaire annonçant l’augmentation de l’impôt qui doitpasser de 3 à 5 francs par personne au 1er janvier 1905 ( 946 ).

Autour de Libreville, l’insoumission s’exprime diversement. Le LieutenantGouverneur du Gabon s’inquiète de la fuite des habitants attirés vers le Camerounpar des salaires plus élevés. Parmi les premiers volontaires sont les lettrésMpongwe et quelques Fang qui, par leur formation scolaire reçue auprès desmissions catholiques, sont en capacité de servir l’administration ( 947 ). Ainsi, déjàminée par la faiblesse de la main-d’œuvre, le Gabon est en train de perdre desauxiliaires potentiels. La demande régulière de passeports est en augmentationconstante, et l’émigration clandestine s’organise à partir de voiliers mouillant aularge, que rejoignent des convois de pirogues de postulants au départ ( 948 ). Plusloin dans l’Estuaire, des démonstrations de force se produisent régulièrement àl’encontre des villages récalcitrants ( 949 ). L’effet produit est satisfaisant pourLibreville. Quatre-vingt-quatre chefs fang viennent manifester à Libreville leurallégeance à l’autorité coloniale ( 950 ).

La soumission du Komo doit être mise au crédit de l’action de Bidaine, chef deposte. Noufflard, Lieutenant Gouverneur par intérim du Gabon, n’a que des élogesà faire sur la politique de fermeté et de dialogue que mène Bidaine avec les villagesqui viennent maintenant avec discipline s’acquitter de l’impôt. L’efficacité de sapolitique est telle, qu’enfin, les produits de consommation sont abandonnés auprofit du numéraire pour le paiement de l’impôt. L’enthousiasme de Noufflardquant à la situation dans l’Estuaire le conduit à proposer à Gentil en février 1905,au cours d’un rapport très circonstancié, de créer un nouvel impôt en taxant lespirogues des villages riverains. La mesure a pour but d’imposer les villagescourtiers qui contrôlent le commerce par leur position sur les rivières tout en

Page 226: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

s’assurant leur soumission ( 951 ). Prudent, Gentil répond un mois plus tard que lamesure n’est pas souhaitable. Il craint qu’elle provoque l’éloignement des riverainspour la forêt ( 952 ). Dans cet esprit sa circulaire du 19 juillet 1904 n’est pasappliquée.

En fait, Noufflard se heurte au projet de Gentil qui prévoit la perception del’impôt par les sociétés concessionnaires, reversé ensuite en numéraire àl’administration. La mesure est à l’étude quand en Métropole, la presse se faitl’écho des crimes commis au Congo par certaines sociétés concessionnaires ( 953 ).Brazza est rappelé par le Ministère pour mener une enquête ( 954 ). Dans ce contextetendu, hostile au système qu’il a lui-même désiré, il désapprouve le projet de Gentil( 955 ). De son côté, Noufflard, obsédé par les recettes, ne se décourage pas. Ilmultiplie les rapports sur l’utilité de sa mesure et propose dans le même tempsd’imposer les fusils à raison d’un franc par fusil ( 956 ).

Dans l’Estuaire, plusieurs mois de pression constante exercée sur les villages del’Estuaire finissent par faire éclore les rancœurs. Au fond du Komo, le posted’Atacama est la proie des menaces fang. Bidaine est lui-même victime d’unetentative de meurtre tandis que deux Fang du clan Essibikan sont tués dans unpalabre ( 957 ). Le 12 septembre 1905, Noufflard informe son supérieur qu’il part yrégler l’affaire avec la persuasion de la force. La presse s’en émeut. Telle,Gouverneur Général par intérim lui intime l’obligation, dans la limite du possible,d’éviter toute effusion de sang. Le 15 septembre, il obtient sans violence lasoumission du village et la promesse que le chef meurtrier soit livré. Le 24septembre, il est remis à l’administration puis à l’autorité judiciaire ( 958 ).

Missoum-Missoum

Gentil continue d’ignorer les demandes répétées de Noufflard. Sapréoccupation se porte vers les sociétés concessionnaires. Pendant l’année 1905, lespetites concessions et le commerce libre réussissent à prospérer tandis que l’activitéde la S.H.O. et de la C.P.K.N. baisse sensiblement ( 959 ). Au nord, le décret du 18mars 1905 agrandit de 28 350 km² le territoire de la Ngoko Sangha encompensation des pertes subies par l’activité allemande. Ainsi doublée, laconcession s’étend à l’ouest jusqu’à la frontière de la Guinée Espagnole, englobant

Page 227: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

une partie des bassins du Woleu et du Ntem et au nord-est jusqu’à la haute Sangha.De plus, elle est exonérée de redevance pour dix ans.

L’extension vers l’ouest amène le territoire de la Ngoko-Sangha à jouxter sonterritoire directement contre celui de la G.S.K., séparé par une frontière que lamission Cureau semble avoir fixée. Pourtant, des contestations allemandesprovoquent l’intrusion au Gabon Congo de troupes “ indigènes au service de laColonie allemande ” ( 960 ). Le poste français de Missoum-Missoum est attaqué le 9mai 1905. La présence, lors de l’attaque, de Kahlen, gérant de la G.S.K., trahit ladimension commerciale du coup de force ( 961 ), au cours duquel le chef de poste etquatre miliciens sont tués. Les travailleurs sont faits prisonniers. Quelques joursplus tard, deux administrateurs français sont accueillis au même endroit par descoups de fusil.

Le gouvernement allemand nie les faits, considérant que Missoum-Missoum setrouve deux kilomètres au nord du parallèle du Campo, c’est-à-dire en territoireallemand ( 962 ). Il faut attendre septembre pour que les deux pays se retrouvent àParis lors d’une entrevue où ils expriment leur volonté de reconnaîtredéfinitivement la frontière Gabon - Cameroun et conviennent d’une nouvellemission de délimitation. Le 21 septembre, le Capitaine Cottes reçoit ses instructionsdu Ministre dans lesquelles il souligne clairement l’importance économique de larégion ( 963 ).

Page 228: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 72 : Missoum-Missoum (Cottes, 1908, p. 276).

Pendant que s’organise la mission, au Gabon, la S.H.O. et la Ngoko-Sangharéclament l’aide de Libreville pour garantir leur sécurité. Déjà, dès mars 1905,Gentil tente de rassurer les directeurs en annonçant l’envoi de troupes dans le Haut-Ivindo, puis en juillet, il y envisage l’établissement d’un poste ( 964 ). Noufflardapprouve l’occupation du nord du Gabon pour garantir les recettes douanières, lasécurité de la main-d’œuvre et du commerce ( 965 ). Mais dans les faits, rien ne sepasse. Les compagnies sont inquiètes. Le 23 septembre 1905, Plaisant, directeur dela S.H.O., écrit à Noufflard. La S.H.O. prévoit d’exploiter les confins nord de saconcession et craint de nouvelles incursions ainsi que l’hostilité des populations( 966 ). Noufflard rend compte à Gentil le 23 octobre. Considérant la présencefrançaise sur la frontière nord suffisante par la mission Cottes, Noufflard rejette lademande, estimant par ailleurs que l’attitude des sociétés est mal venue ( 967 ). Il luisemble surtout plus utile de relier la mission Cottes depuis la côte nord et d’ouvrirune nouvelle voie de pénétration vers le nord à travers les Monts de Cristal parl’Abanga ( 968 ). Son cours, vient d’être renseigné par le père Trilles, traversel’angle nord-ouest de la S.H.O. et il est peuplé par des Fang industrieux et encoretrès farouches. Or, l’Abanga n’a pas fait l’objet pour l’instant d’une concession et

Page 229: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

reste ouverte au commerce libre. Les difficultés de navigation l’ayant préservéjusqu’ici, son bassin est appelé à une exploitation importante ( 969 ).

De son côté, Fourneau, de retour au Gabon au poste de Lieutenant Gouverneur,reçoit une lettre datée du 14 novembre 1905, adressée par Mestayer,l’administrateur délégué de la Ngoko-Sangha. Il y indique la création prochaine, enjanvier 1906, d’une factorerie sur le Woleu, puis en février-mars, d’une autre sur leNtem. Il lui demande de “ bien vouloir établir un poste dans l’angle formé par lafrontière allemande et la frontière espagnole ”. Rejoignant Noufflard, Fourneauécrit à Gentil pour le dissuader d’occuper le Haut-Ivindo. Le manque d’effectif, lesintérêts des populations riveraines et surtout les difficultés rencontrées dans laHaute-Ngounié avec le soulèvement des Tsogo, sont autant d’arguments décisifs.Fourneau préfère se laisser devancer par les concessions ( 970 ).

Vers le Nord

Le 5 décembre 1905, la mission Cottes est à Ouesso, au complet, hommes etmatériels. La courtoisie des rapports entre officiers allemands et français masquemal la suspicion qui pèse sur les activités allemandes ( 971 ). Au cours de lapréparation de la mission, l’Allemagne suggère de conduire la mission d’Est enOuest. Cottes la soupçonne de vouloir gagner du temps et évacuer le plus tardpossible les facteurs installés au Gabon.

Le lendemain 6 décembre, la prise de contact avec les Allemands a lieu àMoloundou. Les deux parties s’organisent pour mener les premiers travaux entre leNgoko et la Sangha. Cottes se porte sur Missoum-Missoum et, à quatre heures demarche au sud-ouest, il installe un poste de ravitaillement à Ntam afin de “ fixer lapopulation que les Allemands étaient, à mon arrivée, en train de faire déménagersur leur territoire ” ( 972 ). Laissant au lieutenant Boisot le soin de poursuivre lamission, Cottes use d’un prétexte fallacieux auprès de ses homologues allemandspour quitter la frontière. Il veut en effet organiser une mission d’exploration deLibreville à la frontière espagnole où l’imprécision est là aussi source deproblèmes. Fin mars 1906, il réunit son équipe et part pour le Ntem.

Page 230: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 73 : Mission Cottes (Cottes, 1908, p. 67).

La présence de la mission Cottes donne raison à Noufflard. La demandepressante de la Ngoko Sangha pour l’installation d’un poste à la frontière nord restelettre morte ( 973 ). Libreville veut porter l’effort sur l’Abanga où l’activité estcroissante. Les maisons de commerce s’y livrent une âpre concurrence dont nebénéficient pas les populations riveraines. Les productions sont disputées au coût leplus bas. Les rancœurs se nouent à l’encontre des commerçants. En mai 1906,Noufflard demande l’augmentation des moyens humains pour qu’un poste puisse yêtre créé ( 974 ).

Avec un poste dans l’Abanga, Noufflard veut étendre l’influence de Librevillevers le Nord. Or, la région est très mal connue, malgré sa proximité avec l’Estuaire.Agounenzork reste le poste le plus avancé vers les Monts de Cristal. Le 19 mai,Noufflard charge Luciani, responsable d’Agounenzork, d’étudier l’organisationadministrative du haut-Komo. Mais les projets sont contrariés par la situationgénérale du Gabon. Partout, les populations rechignent à verser l’impôt, principalinstrument de mesure de l’autorité coloniale. Dans l’Offoué, dans l’Ogooué, toutesles tentatives pour pacifier les riverains sont vaines ( 975 ). Les affaires entre clansrivaux redoublent. La justice coloniale n’est pas efficace ( 976 ). La tentation de

Page 231: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

mener des expéditions de soumissions est freinée par les évènements du sud quimonopolisent les moyens matériels et humains. Au début de 1906, à la révolteTsogo, s’ajoute le soulèvement des Punu dans la région de Mocabe. Elle demeurepour de longs mois au centre des correspondances officielles dont la plupart sontchiffrées, ce qui montre le degré d’inquiétude de Brazzaville et l’ampleur dumouvement ( 977 ). Plus haut, l’attitude hostile des Shiwa de l’Offoué résulte de leurperte de revenus d’intermédiaires, à la suite de l’implantation de plus en plus hautde factoreries ( 978 ). Elle conduit Noufflard à mener une répression en avril et mai.Il envoie le Capitaine Curault, administrateur de l’Ogooué, secondé d’un officiermédecin et de trois sous-officiers. Le 28 avril 1906, Curault arrive à Achoukacommandant une colonne impressionnante de soixante-cinq tirailleurs et soixante-dix gardes régionaux. Le premier mai, Mokongo, sur l’Offoué, principal villagerebelle est pris. Les villageois s’enfuient dans la forêt. Dans un premier temps lesmilitaires tentent de les poursuivre, en vain. Curault décide d’installer à Mokongoun poste militaire provisoire, le temps de soumettre la région ( 979 ).

Pendant que la mission franco-allemande progresse depuis la Sangha versl’Ouest, Cottes entreprend, à partir de mai 1906, une reconnaissance de la frontièredepuis le Ntem vers l’est. Du point de vue ethnographique, il note avec précision lemême phénomène d’installation des Fang vers la côte et la poussée des villages del’intérieur pour parvenir, eux-aussi, vers les points de commerce. La régionqu’explore Cottes, normalement concédée à la Ngoko-Sangha, est exploitéeillégalement, sur près d’un million d’hectares, par trente-cinq factoreriesallemandes et dix anglaises, qui étendent leur influence jusqu’à dix à douze joursde marche de la frontière et organisent l’exportation vers le Cameroun ducaoutchouc et de l’ivoire ( 980 ). Avec tact et détermination, Cottes les met endemeure de quitter la région ( 981 ). Puis il assure les préparatifs pour organiser lasuite de la mission, entre l’Aïna (cours supérieur de l’Ivindo) et le Ntem. Al’arrivée de la mission au poste de l’Aïna en juillet 1906, Cottes, conscient de lafaiblesse des moyens français, prend une série de mesures destinées à asseoir laprésence française sur la frontière et éviter définitivement les débordementsallemands. Il charge d’abord le sergent Cervoni de rejoindre par l’Aïna le poste deBooué et reconnaître ainsi tout le cours supérieur de l’Ivindo. Il envoie vers le suddes hommes constater le départ définitif des facteurs allemands. Enfin, il se rend àBrazzaville pour s’entretenir avec Gentil des conditions nécessaires pour garantirl’intégrité des territoires repris, dont la richesse en caoutchouc et en ivoire nemanquera pas d’attirer à nouveaux les intérêts allemands. Approuvant les mesuresproposées dans ses deux rapports, Gentil câble une demande à Paris pour obtenirles deux nouvelles compagnies que Cottes demande. Gentil lui confie ensuite desinstructions à remettre à Libreville à Noufflard pour que soient exécutées lespremières mesures. Malgré quelques réticences, Noufflard envoie Weber créer unposte à Minvoul, à la tête de la route commerciale qui conduit à Ebolowa, principalposte allemand du sud Cameroun ( 982 ). Cottes quitte Libreville pour rejoindre la

Page 232: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

frontière nord en septembre 1906. Pendant ce temps, Luciani est chargé enseptembre 1906 de la création d’un poste dans le Komo, à Omvan, où existe unefactorerie de transit de la Ngoko-Sangha et une poste qui rejoint Fort Langlais, surla Mbè ( 983 ).

Woleu Ntem

La création du poste de Minvoul, trop loin de Libreville, contrarie les projetsde Noufflard qui continue de réclamer un poste sur le haut-Abanga ( 984 ). Lasituation n’y est pas bonne. Le commerce y prend une place importante qui durcitles rapports entre les commerçants et les producteurs. Dans un premier temps, lesvillages accueillent favorablement l’installation des factoreries qui signifientl’accès aux produits manufacturés tant recherchés et à l’alcool, tabac, et surtout,malgré les nouvelles réglementations, fusils et poudre qui continuent d’êtreintroduits en contrebande ( 985 ). Mais les stocks sont vite écoulés et les facteurs nepaient plus d’avance. L’exploitation de l’Abanga n’apporte qu’une richesseéphémère, mais suffisamment importante pour que les villages s’organisent pouragir. Comme l’ont fait quelques mois plus tôt les Fang de Ndjolé, les villagesorganisent le blocus de l’Abanga. Ils forment un cordon de “ douane ” pour isolerles factoreries et obliger physiquement les facteurs à passer par les producteurspour parvenir à leurs entrepôts. Pour contourner l’obstacle, les factoreries usent del’entremise des traitants gabonais, en vain. La situation devient dangereuse. Lescommerçants risquent à tout moment de perdre patience et d’employer tous lesmoyens pour passer en force. Noufflard dénonce une fois encore l’absence de postedans la rivière ( 986 ). A Brazzaville, Gentil affecte une attitude détachée, minimisantl’audace des Fang ( 987 ).

Au nord, la mission de délimitation prend fin le 11 octobre 1906. Attendantpendant un mois les deux compagnies de tirailleurs qui n’arrivent toujours pas,Cottes se résout à quitter la région. Il décide de diviser le personnel en cinqcolonnes. La première rapatrie les blessés, le matériel et les résultats par leCameroun, la seconde court vers l’Ouest entre le Woleu et le Ntem, une troisièmeest chargée d’étudier l’hydrographie du Woleu. Cottes prend le commandement dela quatrième colonne. Il veut longer la frontière entre la Guinée et le Cameroun etreconnaître la frontière entre la Guinée et le Gabon. Il entend ainsi éviter le retourpar le nord-ouest des facteurs allemands qui seraient tentés de s’installer en Guinéeafin de déborder leurs activités à l’Est, en territoire français. La cinquième colonne,

Page 233: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

commandée par le capitaine Boisot, est chargée de descendre le bassin de l’Abangaafin d’en relever le cours. Pendant que les colonnes évoluent vers Libreville,Weber, secondé par Luciani et Chaussé, parcourent la région nord, du Mvoung auNtem. Abandonnant sa marche sur Minvoul, Weber retrouve le 23 octobre lacolonne Boisot à Ayérim sur le Woleu. Ils descendent jusqu’à Emina, pénétrant enterritoire espagnol puis descendent jusqu’à Oudong qu’ils atteignent le 6 novembre.Le lendemain, la colonne atteint les sources de l’Abanga qu’elle longe ensuite pourrejoindre le Bokoué puis le Como. Libreville est atteint le 29 novembre. Débutdécembre 1906, les cinq colonnes sont de retour à Libreville, clôturantdéfinitivement la mission ( 988 ).

La délimitation est donc accomplie. Cottes rentre à Bordeaux le 10 janvier1907. La frontière Cameroun-Gabon-Congo est fixée par une ligne de bornes. Levillage de Missoum-Missoum est reconnu en territoire camerounais. Les intrusionsallemandes en territoire français ne peuvent plus prétexter une méconnaissance duterrain. Le territoire peut enfin être mis en valeur par une action volontaire de laColonie et la participation des populations locales ( 989 ). Reste que la missionrévèle la faiblesse de la frontière espagnole. Cottes souligne dans son rapportl’urgence d’y mener les travaux de délimitation. Au mieux, il envisage larétrocession de la Guinée à la France. L’Espagne n’y a engagé que peu de moyenstandis que la France trouverait par le Woleu et le Ntem un débouché direct desrégions nouvellement visitées, riches en caoutchouc ( 990 ). Mais les enjeuxéconomiques contrarient une solution diplomatique. L’occupation de la Guinéepour l’Espagne relève d’une stratégie double. Laissant l’exploitation de l’intérieurdu pays aux compagnies allemandes et anglaises sans engager de force de police,elle se contente de prélever les droits de douanes ; elle projette de céder lesterritoires à une compagnie à charte dont les capitaux sont belges, ce qui ne manquepas de troubler Paris. L’autre aspect est celui de la main-d’œuvre qu’elle recrute surle continent pour tenter de réaliser sur l’île de Fernando Poo la culture du cacao, quirapporte de très gros bénéfices sur l’île de Sao Tome ( 991 ). A défaut, Cottespréconise l’installation rapide de postes le long des frontières nord de la colonie. Ennovembre 1906, Luciani achève la construction du poste d’Omvam sur le Komo, aucœur des Monts de Cristal. Installé au milieu d’une population fang farouche, leposte doit servir de relais pour étendre l’influence de la France vers le nord ( 992 ).Un second poste est créé plus bas, à Massago, en amont des chutes de Kinguélé, surle Mbè, puis un troisième, à Fynierme (localisation inconnue). Ces créationspermettent de libérer le poste d’Agonenzork, au nord est de Kango, désormaisaffecté à un établissement agricole ( 993 ). Enfin, l’occupation régulière du Woleu-Ntem est prévue par la création d’un poste à proximité immédiate de la frontièrecamerounaise et d’un poste situé plus bas sur la frontière espagnole ( 994 ). Cottestrouve un appui inconditionnel en Noufflard qui ne tarde pas à rendre compte àGentil ( 995 ). Conquis ou résigné, le ministre des Colonies envoie des instructionspour “ assurer, par une occupation effective, les heureux résultats de la mission ”( 996 ). Le 15 février 1907, Noufflard signe un arrêté qui crée la région du WoleuNtem avec pour chef lieu Angoum, confondu aujourd’hui avec Oyem, comprenant

Page 234: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

les cercles de Bitam, Minvoul et Nzork, à l’angle sud est de la frontière espagnole( 997 ). Weber doit en assurer l’administration avec l’appui d’un détachement de centgardes régionaux. Il reçoit ses instructions pour accomplir l’occupation effective dela nouvelle région à partir d’Ekodoro. Il doit construire une route pour relier depuisLibreville via Ekodoro les postes créés jusqu’à Minvoul ( 998 ).

Abanga

La rivalité franco-allemande et la détermination de Cottes pour assurerl’intégrité du territoire gabonais oblige la Colonie à des efforts de pénétration etd’occupation au nord particulièrement éprouvants en raison des problèmes qu’ellerencontre ailleurs. Au sud, la région de la Haute-Ngounié continue d’être le théâtred’affrontements au cours desquels les troupes coloniales sont mises en difficulté Enjuillet 1906, soixante-dix hommes menés par le Capitaine Curault marchent surMocabe. La colonne est attaquée. Les batailles livrées ensuite laissent le résultatindécis. La région entre Tchibanga et Moabi est aux mains des résistants. Ennovembre, le commandant Le Meillour basé à Mouila parvient à rejoindre Moabi.Il tente de poursuivre la campagne vers le sud. Il est arrêté sur la rivière Douigni.La situation est telle que le 23 novembre 1906, un arrêté proclame la haute-Ngounié territoire militaire ( 999 ). Le 15 décembre, Le Meillour reçoit le renfort dequarante-cinq tirailleurs qui lui permettent de rejoindre en décembre Tchibanga.Malgré onze batailles livrées, l’armée n’est pas maîtresse du terrain ( 1000 ). Lesdifficultés ralentissent la campagne qui s’oriente désormais vers la négociation. Lapriorité de Libreville se porte maintenant vers le Nord ( 1001 ).

Depuis la fin de 1906, les villages de l’Abanga se montrent “ insolents ” àl’autorité française ( 1002 ). Noufflard n’entend pas voir s’installer une situation quipourrait mettre en péril l’activité des maisons de commerce mais pour l’heure, leGabon, concentrant ses efforts administratifs au nord et militaires au sud, nedispose pas de forces suffisantes pour y mener quelque action. Envoyé enreconnaissance dans l’Abanga, le lieutenant Boisot suggère la création d’un poste àNzogeungom, à quatre ou cinq jours de marche en amont d’Alarmaké,qu’occuperait un agent des affaires indigènes. Il permettrait d’asseoir la présencefrançaise et de servir de liaison entre Ndjolé et le futur poste à établir sur le Woleu( 1003 ).

Le 18 janvier 1907, Gaffory, administrateur du cercle de Ndjolé rentre d’unetournée dans l’Abanga, envoyé par Curault. Il rend compte d’une situation trèsdifficile. Les Fang sont hostiles à la pénétration française. Gaffory insiste sur

Page 235: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

l’urgence de créer un poste sur le haut-Abanga, afin de relier à Ndjolé la région,soupçonnée de conserver des richesses importantes ( 1004 ).

Figure 74 : Côte Nord, Komo et Abanga (Denis, 1931, c14).

L’ouverture du bassin de l’Abanga se double de l’exploitation du bassin del’Okano. Les deux rivières riches en lianes de caoutchouc font l’objet d’uneconcurrence rude entre les maisons de commerce libre et les sociétésconcessionnaires, à l’heure où, en Occident, l’essor de l’industrie automobileaugmente la demande. Les résultats économiques de l’année 1906 montrent unehausse importante de l’activité dont bénéficie surtout le commerce libre : 1,3millions de francs de hausse pour la S.H.O. et la C.P.K.N. réunies contre 5,3millions de francs de hausse pour le commerce libre ( 1005 ).

Okano

Page 236: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Le contexte pousse les responsables du commerce à agir dans leur propreintérêt, sans mesurer les conséquences de leurs actions. Après avoir réclamé aucours des mois précédents l’intervention de Libreville sur son territoire avecl’implantation d’un poste et le stationnement de troupes, la S.H.O., par la voix deBriandt, son administrateur directeur veut dissuader Noufflard de mener desopérations militaires dans l’Ogooué. Il lui écrit de Paris, le 23 janvier 1907 : le“ pays est parfaitement tranquille, aucun évènement n’y peut justifier aux yeux desindigènes l’arrivée de blancs sous une autre forme que celle de commerçants... Lesouci des intérêts que nous représentons, et le sentiment que nous avons d’avoirréussi à occuper une grande partie de notre immense territoire, sans éveilleraucune susceptibilité de la part des populations, nous fait un devoir de voussignaler les inconvénients que pourrait apporter un changement de méthode, et devous demander de laisser à la pénétration de l’Ogooué le caractère pacifique quenous nous efforçons de lui donner par la lente progression de nos opérationscommerciales. Nous ne manquerons pas d’ailleurs, le cas échéant, de vous rendrecompte de tous les incidents qui pourraient motiver une démonstration de la partde l’autorité coloniale. ” ( 1006 )

La S.H.O. ne veut pas qu’intervienne l’armée sur sa concession, en dehors desa demande expresse. Elle entend régler par l’intermédiaire de ses agents lespalabres entre villages, rejetant le principe de la justice de Libreville ( 1007 ). Quoiqu’il en soit, l’intervention de l’armée est très difficile sur la concession.L’implantation des factoreries de plus en plus loin des rives compliquentsérieusement le déplacement des troupes et provoque des rancœurs des riverainsqui sont frustrés de voir leurs revenus d’intermédiaires disparaître et promettent des’en prendre aux Blancs. Elle interdit également l’intervention efficace des troupesdepuis les postes, généralement implantés sur les rivières.

A partir de février 1907, les agents de la factorerie de la Lara signalent à leursresponsables que la situation est intenable. Quentin s’y rend pour régler les affairesmais il est accueilli par une centaine de Fang qui encerclent la factorerie. Une balleperdue traverse son chapeau. Quentin cherche à cacher l’incident auprès deLibreville. Le 28 mars, Damien, agent de la S.H.O. se résout à écrire à Curault pourlui rendre compte d’une situation sur l’Okano qui ne fait que se dégrader. Il est sansnouvelles de deux agents européens de la S.H.O. partis ravitailler la Lara et craintqu’ils soient prisonniers d’un village fang irréductible appartenant au clan Essobam( 1008 ).

Le 30 mars, Curault envoie l’administrateur de Tersannes pour tenter de réglerpacifiquement les différents palabres et libérer les agents. Le 3 avril, il se présentedevant le village de Nyon quand il est assailli par d’autres guerriers essobam avec à

Page 237: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

leur tête leur chef Emane Ndong. Un milicien est tué et quatre autres sont blessés àla première décharge. Faute de munitions Tersannes doit se replier sur Madouma le5 avril, à douze kilomètres d’Alembé. Craignant pour la vie des trois européens,Curault se porte dès le lendemain à leur secours avec quarante-huit tirailleurs etdix-neuf miliciens.

Partie de Ndjolé, la colonne atteint le 11 avril au matin, le village d’Ebélé quicompte, d’après les renseignements obtenus, un nombre important de guerriers. Auterme d’un assaut fulgurant, le village est occupé facilement. Mais dix minutes plustard, deux cents guerriers essobam, retranchés dans les bois alentours ripostenténergiquement. Trois tirailleurs sont tués, un sergent, un agent de la S.H.O. etquatorze tirailleurs sont blessés. Une nouvelle fois, le manque de munition obligeCurault à une piteuse retraite vers Madouma le 13 avril. La colonne rentre surAlembé le 15 avril, sans avoir obtenu de nouvelles de la Lara ( 1009 ). Curault yrédige son rapport dans lequel il exprime toute son amertume d’avoir à engager unerépression qui décrédibilise à l’autorité coloniale ( 1010 ).

Page 238: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 75 : ’Opérations dans l’Okano’ (Denis, 1931).

Le 24 avril, il réunit une nouvelle colonne de trente tirailleurs et trente miliciensde Ndjolé, épaulés par trente-deux tirailleurs arrivés de Booué. La colonne remontel’Okano par la rive gauche et parvient sans incident le 30 à La Lara. Les Européenssont sains et saufs, protégés par les villageois autour de la factorerie. Curault rentresur Ndjolé après avoir laissé une garnison sur place.

Page 239: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Les évènements de l’Okano ne sont que l’expression d’une situation trèsdégradée partout au Gabon. En avril-mai, les Shiwa du cercle de Booué inquiètentl’administrateur qui doit envoyer trois colonnes pour ramener l’ordre. A Sindaradans la Ngounié, l’administrateur et les miliciens sont reçus par des tirs. Unenouvelle intervention armée est nécessaire. Enfin à Lambaréné, le village fang deNziré déclare ne plus vouloir obéir aux ordres de l’administrateur. Le retour deCurault à Ndjolé ramène le calme dans les villages ( 1011 ).

Marche vers le Nord

Les évènements de l’Okano et de la Ngounié ralentissent l’occupation desrégions Nord, Woleu Ntem et Ivindo. Libreville attend des renforts pour soumettredans l’Okano les Essobam dont l’ardeur et le courage au combat inquiètent. AuNord, la construction de la route de ravitaillement qui part d’Ekodoro pourrejoindre la frontière camerounaise connaît certaines difficultés. Administrateur dela région, Poupard doit réduire la répartition des postes de surveillance par manquede moyens humains. Le premier poste est donc installé à Nkan où est implantée unefactorerie de la Ngoko-Sangha, soit à deux cents kilomètres d’Ekodoro. Weber yparvient le 24 mars, espérant atteindre Angoumo le 10 avril, Minvoul le 15 avrilpuis Bitam au commencement de mai puis de retour à Angoum vers le 15 mai( 1012 ). Malheureusement sa progression est ralentie par l’hostilité des villagestraversés qui refusent de livrer des porteurs. L’envoi de porteurs Loango est doncpréconisé ( 1013 ).

Au nord-est, la politique de pénétration par l’Ivindo est relancée depuisdécembre 1906, malgré les réticences de Fabiani, administrateur du haut-Ogooué( 1014 ). En juin, Lucas, commandant le poste de Booué rapporte l’essentiel desdonnées hydrographiques et ethnographiques nécessaires à l’occupation future del’Ivindo ( 1015 ). Mais, averti par les évènements récents, Curault ne prétend pasmarcher vers Booué sans un renfort d’hommes et matériel. A Libreville, Telle,gouverneur par intérim du Gabon, intervient auprès de Gentil pour garantirl’exécution des ordres ( 1016 ).

Venant du Sénégal, le matériel et les hommes arrivent en juillet à Ndjolé. La 2ecompagnie compte à présent deux cents tirailleurs, elle s’assure d’une force

Page 240: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

suffisante, où les munitions ne manquent pas. Remis d’une santé précaire, Curaultprend le commandement de la colonne. Mais, au moment de se diriger vers Booué,une nouvelle agitation s’éveille dans l’Okano où les Essobam menacent de nouveaules caravanes. Curault suspend son projet initial. Il profite des nouveaux renfortspour mener une campagne définitive contre les Essobam de Nyon, et installer unposte à La Lara ( 1017 ).

Envoyé en éclaireur, un interprète lui rapporte que les Essobam connaissent lesplans de Curault et ne demandent qu’à faire leur soumission. Le 9 août, Curault enpersonne se rend à Aféniga, village essobam, avec vingt-cinq tirailleurs et un sous-officier, non sans avoir assuré ses arrières. Quatre-vingt-sept tirailleurs stationnentdans un village plus loin et se tiennent prêts à intervenir. Les Essobam, conduits parquatre chefs de villages viennent lui faire leur soumission et acceptent de payer uneamende de mille francs. Ils obtiennent de Curault que l’amende soit versée en deuxfois : cinq cents francs immédiatement et cinq cents francs d’ici deux mois. Quantau village fautif de Nyon, ses habitants ayant disparus dans la forêt, Curault décidede laisser sur place trente hommes et de poursuivre par une répression en paysEssensia, clan complice des méfaits, avant de poursuivre la marche sur Booué etl’Ivindo. Avant de quitter la région, Curault fonde, conformément à sesinstructions, un poste militaire à la Lara. Le garde principal Coppier en est leresponsable. Le 16 août, il reçoit de Curault ses instructions. Trente fusils viendrontasseoir l’autorité coloniale pour préserver la sécurité du commerce dans la région ;la Lara étant un point d’échange important entre producteur et commerçants etégalement un carrefour entre l’Ogooué et le Nord. Quant au village Nyon, Coppierdoit obtenir la remise de l’amende et arrêter son chef Emane Ndong ( 1018 ).Rédigeant son rapport, Curault, avec grande lucidité, n’omet pas de relever la partimportante des compagnies concessionnaires dans la plupart des conflits ( 1019 ).

La soumission des Essobam ouvre enfin la voie de l’Ivindo. Telle charge lecapitaine Fabiani, à la tête de la deuxième compagnie du bataillon du Moyen-Congo, de mener à bien la pénétration vers le nord-est. Les recommandations qu’illui fait sont empruntes d’une sage prudence quant aux méthodes tempérées à user àl’encontre des riverains ( 1020 ).

Au Woleu Ntem, la situation économique n’est guère brillante. Le départ desAllemands laisse dans le désarroi les villages ( 1021 ). Certains continuent d’écoulerleur production par le Ntem. Weber dénonce l’incapacité de la Ngoko-Sangha àpoursuivre l’exploitation de la région ( 1022 ). Malgré l’extension de sa concession,l’occupation du Woleu-Ntem se limite longtemps à la seule factorerie deMboleuzork au sud de la frontière espagnole, à deux jours de marches d’Angoum.Or, les villages autour d’Angoum, autrefois en relation avec les Allemands,réclament l’implantation chez eux d’une factorerie. De plus, la région regorge de

Page 241: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

liane à caoutchouc, facilement exploitable, grâce à une main-d’œuvre sur placeabondante et docile ( 1023 ).

En juillet 1907, les postes d’Oyem, Bitam et Minvoul sont créés, poursuivantla politique de pénétration de la région. A leur suite, la Ngoko-Sangha annonce ledéploiement le long de ses frontières nord d’un réseau de postes de traitants, entreBitam et Minvoul ( 1024 ). Pour comble, le calme semble régner dans la région, grâceà l’envoi, dans un premier temps, de soixante-quinze gardes régionaux ( 1025 ). Ilspermettent à Weber de continuer la construction de la route vers le nord malgrél’hostilité des villages au sud d’Oyem ( 1026 ). A la suite de pression exercée par laNgoko Sangha qui dénonce l’insécurité du Woleu-Ntem, l’arrêté du 14 décembre1907 prévoit l’envoi de deux-cent-vingt-cinq militaires et huit fonctionnaires,répartis en cinq postes : Oyem, Nzork, Bitam, Minvoul et Alati ( 1027 ).

Page 242: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 76 : ’Opérations dans le Woleu-Ntem’ (Denis, 1931, c12).

Enfin dans l’Okano, la situation paraît également calme, bien qu’une demandesoit faite, au début de septembre, auprès du Sénégal pour obtenir un nouveaurenfort de 175 miliciens venus du Sénégal ( 1028 ) et que des rumeurs malveillantescourent à Paris à propos d’une opération d’envergure, que Gentil se dépêche dedémentir auprès de son ministre de tutelle ( 1029 ).

L’année 1907 s’achève donc avec l’occupation totale du Gabon, jusque dansses frontières septentrionales. Les Fang sont à présent au contact permanent del’administration coloniale et avec les sociétés de commerce, concessionnaires ounon, qui couvrent jusque dans les zones les plus inaccessibles, les vallées de

Page 243: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

l’Abanga, de l’Okano, de l’Ivindo, des zones où les populations arrêtent leurdéplacement vers les côtes et les vieux points de commerce littoral. Les principauxpostes sont en place. Libreville, Lambaréné, Ndjolé, Bitam, Minvoul, etc., formentl’ossature d’une administration qui se construit petit à petit. Les routes sontentamées pour relier efficacement ces points encore très éloignés.

Derniers Soubresauts 1907 …

La période de longs déplacements des villages depuis l’intérieur, touchés par lecommerce littoral et l’attrait des marchandises, est révolue depuis longtemps. Lescourants commerciaux, la pénétration française et allemande, la poussée dessociétés concessionnaires ont mis en relation les populations de plus en pluséloignées avec la côte. Dans sa frange septentrionale, la zone Fang couvre une largebande autour du Ntem et du Woleu, qui touche au coude de l’Aïna et rejoint la mer,tandis qu’au sud, par les affluents de la rive droite de l’Ogooué, depuis Boouéjusqu’à l’Abanga, les Fang sont installés dans l’Estuaire du Gabon, la région delacs, jusqu’à la Ngounié, débordant sur le pays Nkomi.

Dans les années qui suivent la pénétration du Nord-Gabon, quelquessoubresauts retouchent encore la trame générale de la géographie fang.

Pour la Colonie, l’occupation de la nouvelle région du Woleu-Ntem se fait,pendant l’année 1907, au prix de grands sacrifices en hommes et en matériel ( 1030 ).Elle suspend la répression du sud, oublie un instant les échecs subis contre lesEssobam et ferme les yeux sur l’incompétence de la Ngoko-Sangha et les actionsnéfastes de la S.H.O. ( 1031 ). L’exigence de l’occupation entraînant de nouvellesdépenses, l’idée de relancer l’impôt pour équilibrer le budget revient en force. Le 3septembre 1907, le Lieutenant Gouverneur du Gabon signe une circulaire destinéeaux chefs de région en vue de l’application locale du tarif de l’impôt, selon l’arrêtédu 29 juillet 1903 qui prévoit des amendes en cas de soustraction à l’impôt. Surplace, les travaux routiers de Weber contrarient l’activité économique des Fang.Les uns refusent de laisser passer les travailleurs et de leur fournir les vivresdemandés, d’autres refusent de fournir des porteurs à la mission ( 1032 ). L’envoi deLoango est de nouveau préconisé. A l’est, Libreville décide en décembre 1907d’occuper militairement l’Ivindo.

Page 244: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Aux difficultés locales s’ajoute la chute du cours du caoutchouc avec la crisede l’industrie automobile américaine qui touche à présent le Gabon. Les sociétésconcessionnaires payent moins cher les villages qui ne comprennent pas cesfluctuations. L’activité se porte alors sur l’exploitation de l’Okoumé ( 1033 ).

La période est surtout marquée par une occupation fluctuante de la région. Le18 avril 1908, sous la pression de compagnies concessionnaires qui se disputent lesrives des Kom, Ntem, Aïna, Ngoko et Sangha, de nouvelles négociations entre laFrance et l’Allemagne révisent la frontière entre le Gabon et le Cameroun.L’administration du Gabon n’a de toute façon pas les moyens de faire respecter safrontière nord. Elle est obligée, au début de 1908, de suspendre l’occupation duWoleu Ntem, laissant libre l’action de la Ngoko Sangha et de la SHO ( 1034 ).L’attention de Libreville se concentre sur plusieurs villages fang qui se sontapparemment ligués pour résister à l’impôt et contrôler le commerce.

La multiplication des révoltes qui éclatent tant au Nord qu’au Sud permet àLibreville d’obtenir enfin les renforts nécessaires à l’occupation effective duGabon. En septembre 1908, des troupes parvenant de Dakar relèvent la compagniede Ndjolé et entament la pénétration de l’Okano en occupant Omvan et La Lara( 1035 ). Dès décembre 1908, un détachement doit intervenir à nouveau à Omvandans le Komo ( 1036 ). Le mouvement dit des Binzima est très dur. Il entendrassembler par la force les villages hésitants ( 1037 ). Il est suffisamment organisépour inquiéter Libreville qui doit multiplier les opérations militaires jusqu’endécembre 1909. Le maintien approximatif de l’ordre n’est possible qu’avec lerenfort, à partir de 1909, de nouveaux effectifs militaires, dans le but d’uneoccupation définitive. Bitam, Oyem et Minvoul, théâtres d’agitations fréquentessont réoccupées par des fractions de la 3e compagnie, placée sous les ordres deClaustre ( 1038 ). A partir de mai 1909 Debieuvre intervient dans l’Okano, d’abordpour soumettre les Essobam, qui acceptent sans condition le 13 juillet 1909 ( 1039 ).Il doit ensuite réduire la révolte des Binzima. Depuis Ndjolé qu’il quitte le 23 août,Debieuvre remonte vers Oyem. Le 8 septembre, il reçoit la soumission des clans deLara et Nzork, impliqués dans les révoltes. Parvenu à Oyem le 21 septembre,Debieuvre éteint les derniers foyers de résistance au bout d’un mois, avant deredescendre vers l’Ogooué à travers un pays en apparence tranquille.

Les quelques conflits qui naissent encore çà et là sont réprimés par des actionsmilitaires, ou par la présence d’un administrateur qui parvient à ramener lasoumission des villages. Mais l’autorité de l’administration continue de fairedéfaut. En 1909, la colonie du Gabon n’administre que 26% du territoire contre38% en Oubangui-Chari et au Tchad, malgré une présence bien plus ancienne.Deux obstacles expliquent l’écart : la forêt et les Fang, considérés comme les plusfarouches résistants à la pénétration française ( 1040 ). Or Trilles, qui connaît larégion nord pour l’avoir parcouru au cours d’une précédente mission, estime quel’ensemble des Fang dépasse dix millions d’individus ( 1041 ). Dans les

Page 245: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

circonscriptions du Woleu Ntem et de l’Okano, Périquet compte, en 1911, 142 000habitants.

L’administration de la colonie évolue en 1910 avec la réorganisation d’unecompagnie militaire et renforce l’occupation de l’Ivindo. Les décrets des 20 juin1908 et 15 janvier 1910 créent le gouvernement général d’Afrique EquatorialeFrançaise. Le décret du 31 mai institue le code de l’indigénat qui conduit auxpremières organisations des tribunaux indigènes, dans les chefs lieux, composésd’un président, généralement l’administrateur, un assesseur européen et d’unassesseur africain, doublés d’un suppléant. L’année 1910 marque surtout unralentissement dans l’activité des sociétés concessionnaires, malgré la remontée ducaoutchouc à un cours maximum ( 1042 ). L’okoumé connaît une progressionimportante mais presque exclusivement destinée à l’Allemagne ( 1043 ). EnMétropole, les investisseurs se détournent de l’aventure coloniale ( 1044 ).Inéluctablement, le régime des concessions est peu à peu abandonné. Legouvernement entreprend de revenir au principe du commerce libre en récupérantles territoires concédés et en limitant l’exploitation à un seul produit. En échange,les sociétés reçoivent de façon inaliénable une propriété de leur choix ( 1045 ).L’échec est cuisant. Une à une, les tentatives de mise en valeur du territoire serévèlent vaines ( 1046 ).

A la fin de 1911, les difficultés marocaines de la France la conduisent à sedéfaire du nord du Gabon qu’elle abandonne à l’Allemagne, avec le monopoled’achat des produits locaux. Le territoire perdu correspond à la concession de laNgoko-Sangha. L’accord est signé le 4 novembre 1911.

Page 246: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 77 : Le Cameroun depuis la Convention du 4 novembre 1911 (Brisset,1920, p. 31).

Le Woleu Ntem est évacué et remis officiellement le 2 octobre 1912 à Oyemaux autorités allemandes. L’administration peut concentrer ses efforts sur lasoumission et la pacification de son territoire amoindri. Les campagnes sontmenées, notamment en juillet 1912 autour d’Omvan, en août 1913 dans l’Okano etle Komo, quand un an plus tard, la guerre éclate en Europe ( 1047 ).

Rapidement, le Cameroun et le Gabon sont plongés dans la tourmenteeuropéenne. Brazzaville entend reprendre les terres cédées en 1911, et Yaoundévoudrait pousser son commerce plus au sud et vers l’est. Les Anglais ouvrent leshostilités en juillet 1914 en arraisonnant dans le Golfe de Guinée le ProfesseurWoermann, un transport venant de Hambourg chargé de pièces d’artillerie modernepour Douala. Le 8 août, une colonne allemande attaque les postes frontières duGabon-Congo et arrêtent des agents de commerce. Le 22 août, l’Allemagne viole laneutralité du bassin du Congo voulue par l’Acte de Berlin en bombardant un portbelge du Tanganyika. La Belgique s’allie alors à la France et à l’Angleterre pourdiriger des colonnes sur le Cameroun depuis le Nord par le lac Tchad, le sud par le

Page 247: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Gabon et l’est par la Sangha. Les populations locales sont fortement mises àcontribution pour constituer les colonnes ( 1048 ). La première victoire alliée survientau Cameroun, le 20 septembre 1914, avec la prise de Kousseri qui ouvre par Morala voie du Sud. Le 27 septembre, Douala tombe à son tour, libérant la route deBamenda. En décembre, un courrier allemand est intercepté, livrant les plans dugouverneur allemand Zimmerman ; il prévoit de concentrer ses forces vers le Nord.Grâce à des renforts du Sénégal, Garoua tombe le 10 juin 1915. La guerre se portevers le sud, dans la forêt. Les alliés tentent d’empêcher les Allemands de se replieren Guinée espagnole. Minvoul est repris à la fin de 1915. Le Cameroun tombefinalement le 1er février 1916. Zimmerman bat en une retraite pitoyable ethonteuse, déportant près de quarante-mille villageois dont un grand nombresuccombe de famine. L’Angleterre et la France se partagent le Cameroun ( 1049 ).

La guerre n’empêche pas la colonie du Gabon de poursuivre et de développerla production des denrées locales. Les administrateurs des régions sont directementimpliqués dans cet élan par une première circulaire du 13 février 1915. Ils sontsecondés par des agents de surveillance ( 1050 ). Le code de l’indigénat prévoitl’emprisonnement pour les villageois hostiles, les gardes sont habilités à procéder àdes arrestations immédiates en cas de flagrant délit.

Une fois repris, le Woleu Ntem est de nouveau occupé par La France. Denouveaux postes sont créés et les villages sont de nouveau soumis à l’impôt, nonsans quelques manifestations d’hostilité de leur part. L’ordre est cependant viterétabli. Toutefois, la démobilisation de troupes armées laisse pour quelques moisencore, la région dans une sécurité incertaine. Les dernières campagnes derépression et de soumission ont lieu en 1920 aux confins du Mouni. Le Gabon estalors pacifié. Les premières tentatives de plantation de cacaoyers sont menées auWoleu Ntem, sous l’impulsion de l’administrateur, le capitaine Raffeli.

Les désordres dus à la guerre, à la pénétration française, à l’impôt, au serviceobligatoire : sept jours par an à partir de 1918, arrêté du 7 avril 1915 ( 1051 ), …provoquent un véritable bouleversement dans la culture fang, dans l’organisationsociale. Le plus cruel est sans conteste la famine qui frappe les villages du nordpendant six longues années, ramenant la population des circonscriptions Okano etWoleu Ntem de 142 000 habitants en 1911, mission Périquet ( 1052 ), à 65 000habitants en 1933 (mission Le Testu). La famine frappe progressivement tout lepays fang, s’étendant le long de l’Ogooué et de la Ngounié. A la famine il fautajouter le déplacement des villages le long des routes tracées et entamées à partir de1910 (décret du 22 février 1910), mesure destinée à mieux contrôler les villages,sans oublier la poursuite du mouvement vers Libreville. Le recensement de 1953donne pour 15203 résidents d’origine africaine, 5437 Fang, soit 35.5 % de lapopulation, contre 2 209 Mpongwe, soit 14.5%. Le mouvement se poursuit de nos

Page 248: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

jours. Quelques Mpongwe vendent aux Fang les dernières parcelles, jusqu’auxterres ancestrales de la “ Pointe Denis ”.

Deuxième partie : Histoire précoloniale desFang

L’histoire coloniale des Fang ne laisse plus aucun doute sur le processusd’installation de ce “ peuple ” sur le territoire gabonais. Le dépouillement desarchives a permis de suivre presque quotidiennement leur implication active dans lecommerce, les rapports avec les populations autochtones, depuis l’approche despremiers producteurs vers les villages courtiers dans les années 1840, jusqu’à lamise en place de l’administration coloniale aux confins du Gabon, en 1907. Resteque, malgré l’attention particulière portée sur eux, leur histoire ancienne n’est pasencore connue.

Pendant près de cent ans, et à mesure que s’augmentent les contacts avec lesFang, les Occidentaux tentent d’approfondir leurs connaissances sur ce peuple. Auxpremières localisations dans les Monts de Cristal, succèdent les descriptionsphysiques, avant qu’apparaissent, au terme de plusieurs décennies, les premièresdonnées ethnologiques. Officiers, aventuriers, savants, missionnaires etadministrateurs rassemblent un fonds volumineux de témoignages au travers de

Page 249: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

rapports, d’articles, de comptes-rendus de tournées et de mémoires où ils livrent lespremières tentatives de recomposition migratoires. S’appuyant sur ce soclecompact et massif, les chercheurs modernes mettent à contribution plusieursdisciplines : l’anthropologie, l’ethnographie, la linguistique, l’histoire. Ilsproduisent une bibliographie aussi imposante que variée et avancent, à leur tour,des reconstitutions historiques. Rares pourtant sont celles qui donnent pleinesatisfaction. Parfois encombrées d’exagérations, souvent construites sur leshypothèses les plus fragiles, elles font des Fang tantôt des Francs égarés au sud duSahara, tantôt des Egyptiens, jamais un peuple gabonais.

De telles extravagances sont l’expression d’une tendance très fréquente desauteurs à s’éloigner de la réalité, qui myhtifie l’histoire des Fang et leur attribueune origine glorieuse. Elles sont aussi le résultat d’un manque de lucidité chezd’autres auteurs, qui n’ont pas analysé avec suffisamment de distance lesdocuments qu’ils ont exploités. Ils en ont tiré des renseignements sans les dégagerdu contexte politique de leur production. D’autres encore se sont abstenus deconsidérer les toutes premières sources, et se sont basés sur les archives tardives duGabon et sur des documents de seconde main. Ils n’ont donc pu saisir la réalitéhistorique de l’arrivée des premiers groupes à la côte. D’autres enfin, par quelqueenjeu politique, sont restés complaisamment aveuglés par cette image des Fangconquérants et l’ont entrenue.

Il convient donc de reconsidérer objectivement, au vu des connaissancesnouvelles sur l’histoire coloniale des Fang, les sources les plus utiles et d’y releverles renseignements déterminants pour réduire les mythes, et progresser aussi loinque possible dans l’histoire précoloniale de ce peuple pour lequel l’intérêt ne faiblitpas depuis près de deux siècles.

Connaissances générales

Pour qu’elle soit efficace, la lecture des documents anciens nécessite aupréalable d’approcher le contexte “ philosophique ” et scientifique qui a présidé àleur production, en saisissant au plus près les renseignements dont disposaient lespremiers auteurs. La plupart des éléments du mythe y trouvent leur fondement.

L’époque à laquelle les Fang apparaissent au Gabon est celle d’une Afriqueméconnue aussi bien de ses terres que de ses hommes. Au début du XIX ème

Page 250: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

siècle, quelques découvertes ont permis d’ouvrir l’Afrique occidentale, mais plusbas, en dehors de quelques vieux souvenirs d’une relation avec le royaume duKongo, l’Afrique équatoriale est totalement inexplorée et reste pour de nombreusesannées encore le continent mystérieux. Il n’est donc pas étonnant de trouver chezles auteurs des raccourcis abusifs, des conclusions hâtives sur le physique,l’industrie, les mœurs et d’autres caractères des Fang.

Malgré la fréquentation régulière des populations côtières avec lesquelles lesrelations s’arrêtent au commerce, les Occidentaux ne connaissent du Golfe deGuinée que ses rivages,. Au Gabon, hésitant à pénétrer les méandres de l’Estuaireoù la monotonie des rivières bordées de palétuviers augmente le risque de s’yperdre, les voyageurs se limitent à de rares et timides excursions en bateau quiremontent les bras principaux, accompagnés de guides-interprètes. Ils n’ydébarquent qu’auprès des villages courtiers bien connus. Découragés par cesderniers qui agitent le danger des populations intérieures sauvages et cannibales,arrêtés par une forêt impénétrable, ils ne s’aventurent jamais loin des rives,rarement à plusieurs heures de marche. Ils n’acceptent l’hospitalité que des villagesavec lesquels ils sont en affaire et de toute façon préfèrent retourner à bord de leurnavire. Par ailleurs, leur préoccupation est de limiter leur présence sous l’équateurau strict échange de produits, aussi bref qu’efficace, afin d’éviter de tomber sous ladépendance matérielle et surtout alimentaire des villages, de succomber àl’inaction, aux pillages et au climat malsain chargé de fièvres traumatiques,hématuriques, scrofuleuses ou bilieuses, de dysenterie, de malaria, …

Passée la frange littorale les cartes sont donc muettes. Quelques rivières sonthypothétiquement tracées. Impressionnés par leurs embouchures, les premiersvoyageurs placent celles du Gabon en relation avec le bassin du Congo, dont lecours moyen et supérieur est encore inconnu. Certains géographes, inspirés par lesconnaissances antiques et les voyageurs portugais du XVIe siècle, supposent qu’ilexiste au centre de l’Afrique un immense bassin hydrographique, sorte de lacgigantesque, qu’alimentent les Montagnes de la Lune, évoquées par Ptolémée.D’autres imaginent que de cette majestueuse chaîne de reliefs qui coupe d’Ouest enEst le continent, aux sommets enneigés, coulent les grands fleuves africains : le Nilvers le nord, le Zambèze au sud, le Congo vers l’ouest ( 1053 ). D’abord placées auxconfins méridionaux du continent, les cartographes remontent les Montagnes versle Nord à mesure que progressent les explorations, pour marquer vers 1850 lalimite entre le Soudan et la forêt. Plus loin dans l’intérieur, en traversant le Zaïre ontrouve à l’Est “ les Montagnes du Soleil, longues de 200 lieues, large de 80 lieues,divisées en plusieurs chaînes appelées serras de Cristal, de Sal, et de Salnitre, quise dirigent du sud au nord, et non de l’est à l’ouest, ainsi qu’on a l’habitude de ledessiner ” ( 1054 ). D’autres géographes, suivant les observations des premiersvoyageurs dans l’intérieur, tentent la réunion des deux hypothèses en suggérant laprésence d’un vaste plateau central aux neiges éternelles, dont les contreforts

Page 251: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

descendraient en terrasse vers l’Océan atlantique. Les Monts de Cristal gabonais enseraient les premiers mouvements.

L’histoire naturelle de l’Afrique est imprécise, souvent encombrée derenseignements fantastiques. La flore n’est connue qu’à travers les échantillonscôtiers. La faune est riche, constituée de “ limaces grosses comme le bras ”, de“ femme[s]-poisson[s] ” ; “ le boa long de vingt-cinq à trente pieds et gros de cinqs’élance des arbres sur les hommes ”, “ différentes espèces de fourmis trèsredoutables attaquent les hommes et les animaux ” : “ les insongongi entrent dansla trompe des éléphants, et les font mourir avec des accès de fureur terribles ” ;“ les nègres redoutent [le chimpanzé], et ce n’est pas sans raison, car il lesmaltraite durement quand il les rencontre. Si l’on veut en croire plus d’unmissionnaire, l’union de ces satyres avec les négresses, pour lesquelles ils ont ungoût très vif, aurait réellement produit des espèces de monstres ” ( 1055 ).

Les populations de l’intérieur ne sont connues que par les souvenirs antiques.Les bassins marécageux abritent les populations des légendaires Pygmées quidisputent leurs nourritures aux grues couronnées. Ils y cohabitent avecles Samapalas, nains à pieds fourchus, qui “ parlent une langue que les indigènesde ce pays ne comprennent pas ; mais enfin ils parlent, ce qui établit suffisammentque ce sont des hommes ” ( 1056 ) ; les hommes à queue, et les hommes singes. Lessavants les plus sérieux sont convaincus d’y trouver le chaînon manquant entre leshommes et les singes, à défaut d’en trouver des marques “ fossiles ” chez les Noirs.La découverte récente du gorille enfièvre les milieux naturalistes ( 1057 ). Tout ceque l’Afrique compte alors d’aventuriers et d’explorateurs veut apporter sacontribution à la science, fut-ce le plus malhonnêtement qui soit ; Du Chaillu,souvent critiqué pour ses ambitions scientifiques, en est un exemple des plusfrappants ( 1058 ).

Page 252: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 78 : Comparaison de crânes d’hominiens (Du Chaillu, 1863)

L’époque est en effet celle d’une anthropologie naissante, qui cherche à classerl’espèce humaine en différentes races. Les théories les plus insupportabless’affrontent. Les plus rétrogrades se réfèrent à la Bible qui sépare la descendance deNoé en trois groupes. Les japhétiques, les fils de Japhet, sont les Blancs, peuple élu,supérieur, qui comptent notamment les Aryens et les Caucasiens. Les sémitiques,descendant de Sem, regroupent les Egyptiens, Assyriens, Babyloniens, Akkadiens,Phéniciens, Hébreux, Araméens, Arabes ; les chamitiques, les Noirs, sont les fils dumaudit Cham, père de Canaan, marqué par Dieu, lui et sa descendance, pour avoirfait observé la nudité de son père ( 1059 ). Les anthropologues distinguent à leur tourcinq races. La caucasique comprend les familles ariane, sémitique, et égyptienne.La race mongolique rassemble les jaunes. Sont ensuite les races américaine etocéanienne. Enfin, la race nègre regroupe deux grandes familles : la familleéthiopienne et la famille hottentote. Les savants confortent leurs théories enappliquant des méthodes “ scientifiques ”. Aux xanthodermes, mélanodermes etleucodermes qui distinguent les couleurs de peaux, s’ajoutent les nez fins, épatés,aquilins, droits. Parmi eux on trouve les liotriques et les ulotriques, qui distinguentles cheveux crépus et les cheveux lisses. A partir des années 1840, les mesures

Page 253: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

crâniennes déterminent les indices céphaliques : angles faciaux, circonférencescrâniennes, les prognathes, les brachy-, sous brachy, méso- et dolichocéphales.Puis, de nouveaux critères comparent les proportions entre le tronc et la longueurdes membres, la longueur de la main par rapport au bras, etc. Enfin, à courtd’arguments sérieux, les physionomistes distinguent les grands, les gros, lesmusclés, les chétifs, les imberbes et les poilus, sans que jamais ne puisseobjectivement ni scientifiquement être établie la notion de races humaines.

Malheureusement, les Occidentaux sont imprégnés pour très longtemps de cesthéories racistes. On pouvait encore entendre en Afrique, dans les années 1970,quelques vieux colons affirmer que les enfants nés de l’union d’un africain et d’uneasiatique étaient tarés et stériles. Et tandis que dans les salons d’Europe, les savantsde l’époque discutent leurs théories, en Afrique, les Blancs cherchent à lesconforter par des observations directes sur le terrain. Ainsi aux caractères physiquessont associés les caractères intellectuels et moraux.

L’infériorité du Noir, primitif et instinctif, défendue depuis toujours par lesnégriers, est justifiée dans les milieux scientifiques et colonisateurs sans qu’aucunargument ne puisse la corrompre. La civilisation ne les ayant pas touchés, les Noirsvivraient dans un état de quasi-bestialité, guidés par leurs sens qu’ils ont, a priori,plus développés que les Blancs. Ils seraient capables d’endurer d’intensessouffrances grâce à une sensibilité moindre. La médecine s’en mêle. Elisée Reclusrapporte en 1885 :

“ D’après les physiologistes, le sang des Noirs serait plus épais, moins rougeque celui des Blancs ; il se coagule plus vite et bas plus lentement. Le Noir, demême que le jaune d’Asie, a la sensibilité plus obtuse que l’Européen ; il souffremoins des opérations chirurgicales et ne court pas le même danger de fièvrestraumatiques ; sa vie nerveuse est moins intense : il ne vibre pas comme le Blanc ”( 1060 ).

Le Docteur Cureau, administrateur des Colonies, qui a mené une mission auNord-Gabon, note encore en 1912 que “ Les incisions et mutilations, que tous lesNègres se pratiquent sur le corps comme signe distinctif de la tribu et pour réaliserleur idéal de beauté, dénotent une obtusion à la sensibilité analogue à celle que lescriminalistes ont signalée chez le dégénéré ” ( 1061 ).

Page 254: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Le même revient sur le développement des sens, réfutant que le Noir puisse enquoi que ce soit être supérieur au Blanc, affirmant que “ C’est l’éducation de sessens et non leur acuité, qui lui fait distinguer le gibier dans l’épaisseur du feuillageou discerner le lointain appel du tambour de guerre. Nous ne lui cédons en riensous ce rapport ; nous reprenons même notre supériorité, dès que nous avonsadapté notre œil et notre oreille aux conditions du milieu africain ”. ( 1062 )

Les observateurs établissent toutefois des disparités parmi la race noire.D’après eux les Soudanais ou Nigritiens sont plus évolués, plus aptes à lacivilisation, tandis que les plus inférieurs des inférieurs sont les Noirs d’Afriquecentrale :

“ Les nègres du Congo paraissent inférieurs en intelligence à beaucoup d’autresraces africaines. On leur accorde cependant une assez bonne mémoire ; mais ilsn’ont que des sentiments, des instincts et des penchants grossiers, des passionsbrusques, tumultueuses ; leurs mœurs, leurs habitudes et leur manière de vivre engénéral, dans leur état agreste et primitif, sont si près de l’animalité, qu’il n’y a pasde quoi s’étonner s’ils ont regardé eux-mêmes les singes comme appartenant à leurrace ( 1063 ). Leur ineptie est telle qu’on n’a jamais pu leur faire comprendre l’usagedu moulin [… ] Nés dans l’abrutissement, mais pétris d’orgueil et de vanité, cesêtres dégradés sont, de tous les maîtres, les plus durs, les plus barbares, les pluscapricieux […] l’ivrognerie, une musique bruyante, des danses grossières et lesommeil, voilà ses jouissances ” ( 1064 ).

Dans un premier temps, l’infériorité des peuples forestiers est expliquée parl’influence de l’environnement sur le physique et le caractère. Puis, lesconnaissances historiques réduisent l’explication en avançant que la forêt a servi derefuge aux peuples les plus faibles, contraints à y pénétrer sous la pression desNoirs supérieurs et conquérants ( 1065 ).

La couleur de la peau renforce la comparaison entre les différents groupesafricains. Elisée Reclus retient :

“ Peut-être le régime carnivore, comprenant même la chair humaine, contribue-t-il pour une certaine part à donner un teint relativement clair à ces indigènes, carles observations de M. Antoine d’Abbadie sur les tribus éthiopiennes, observationscorroborées par beaucoup d’autres voyageurs, ont établi que les populations

Page 255: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

carnivores, même celles des plaines chaudes, ont un teint beaucoup plus clair quecelui des granivores, même lorsque ceux-ci vivent à une plus grande hauteur, surles plateaux ou les pentes des montagnes ” ( 1066 ).

Reste que les “ Nègres ” n’en appartiennent pas moins à l’espèce humaine pourl’Occidental égaré sous les tropiques :

“ Dans la plénitude d’un cadre tropical, sous le soleil éclatant du midi, ungroupe de gracieuses jeunes filles nigritiennes, dans leur simple parure nationale,peut faire une impression agréable sur un voyageur intelligent, exempt de toutpréjugé. Transplantées dans un salon européen, ces mêmes jeunes filles auraient unaspect comique et même repoussant ” ( 1067 ).

Figure 79 : ’Jeune femme de la tribu des Pahouins’ (Griffon, 1865, p. 309).

C’est donc dans ce cadre intellectuel particulier, où suinte constamment lasupériorité de l’homme blanc, lequel divise lui-même l’Afrique en populations plusou moins évoluées, que sont établis les premiers contacts avec les Fang ( 1068 ). Ilinfluence lourdement les premières observations et résistera pendant longtemps,

Page 256: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

vaillamment, aux assauts de la connaissance qui progresse à mesure que lesOccidentaux pénètrent le cœur de l’Afrique.

Premières informations : Bowdich

Il revient à l’anglais Bowdich d’apporter les premières informations sur lesFang, vingt ans avant l’installation française. Embarquant pour un voyage decommerce dans le Golfe de Guinée, il stationne dans l’estuaire du Gabon en 1818.Les descriptions qu’il donne de la région et de ses habitants ne sont pas d’unevaleur absolue puisqu’elles sont le fruit de renseignements obtenus auprès desMpongwe qui le visitent à son bord. Toutefois, le maigre paragraphe concernant lesFang jette les bases de la connaissance. Il requiert donc la plus grande attention :

“ En avançant toujours vers le nord, [au-delà des Kele,] on arrive à six journéesdans le Paamouay et ensuite dans le Schaybie, pays sur la frontière septentrionaleduquel est le Bayhie. La rivière Ouola ou Ouolé coule dans ce royaume dans ladirection de l’est. C’est la plus grande rivière que ces Nègres voyageurs eussentvue, ou dont ils eussent entendu parler. Mon ami le gouverneur [un chef du Gabon]me répéta plusieurs fois, pour me servir de ses propres expressions, que c’était laplus grande rivière du monde ; qu’elle allait si loin, qu’excepté Dieu, personne nepouvait le savoir ; il ajoutait que toutes les grandes rivières du pays venaient duOuola. Toutes les informations qu’il avait prises lui avaient toujours donné l’heurde penser que le Moohnda en sortait, mais il ne pouvait parler aussi positivementsur ce point que sur la jonction de l’Ogouaouay avec le Ouala, parce qu’il avait lui-même remonté la première de ces deux rivières jusqu’à une distance considérable.On représente toutes les nations qui se trouvent sur cette route comme cannibales ;les Paamouays le sont pourtant un peu moins que les autres, parce qu’ils élèventune race de gros chiens dont ils se nourrissent, ce qui semble un mets recherchédans plusieurs parties de l’Afrique ”. ( 1069 )

En additionnant les six jours de marche depuis le pays kele aux quatre joursnécessaires depuis le fond de l’Estuaire pour gagner le pays Kele, il faudrait doncpour atteindre le pays fang, selon Bowdich, dix jours de marche depuis les environs

Page 257: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

de l’actuel Kango, ultime point, à cette époque de la navigation et du commerceentre les Blancs et les “ Gabonais ”. L’erreur serait d’accorder trop de crédit à cetteaddition, qu’ont cependant retenue les auteurs, sans mettre les réserves nécessairesà l’interprétation des éléments recueillis dans un contexte particulier.

A l’époque de Bowdich et pour longtemps encore, les Mpongwe gardentjalousement le monopole du courtage avec les Blancs. Ils savent que leur puissanceest uniquement le fait des positions qu’ils occupent sur les rives de l’Estuaire etqu’ils ont tout à perdre de laisser les Blancs visiter les producteurs dans l’intérieur.Ils n’ont aucun intérêt à placer les Fang, principaux pourvoyeurs d’ivoire dans unezone accessible aux Blancs, sinon quelques intrépides marins s’y risqueraientvolontiers pour les éviter. Or, jamais les Blancs ne s’aventurent dans les terres,encore moins pour des séjours longs. Les rares échanges en dehors des Mpongwese produisent avec les Seke, Passall et Cobangoï dans le Komo, tandis qu’au Nord,la tentative de Blanchard, en 1837, de contourner les courtiers mpongwe réguliersse solde par un cuisant échec. Les dix jours de marche depuis Kango représententdonc pour les Mpongwe la distance suffisamment infranchissable pour dissuaderles Occidentaux de toute tentative. Et s’il venait quelque inconscient désireuxd’affronter une épreuve totale de vingt jours de marche dans la forêt, ce qu’aucunBlanc n’a alors tenté jusqu’alors, il lui faudrait affronter, en plus des éléments, despopulations résolument hostiles et franchement cannibales. Le stratagèmefonctionne admirablement. Il garde inviolées les “ Colonnes d’Hercule ”, c’est-à-dire le confluent Bokoué-Komo, pendant vingt-cinq ans, jusqu’en 1842 et l’arrivéede Wilson.

Par ailleurs, la mise en évidence, dans la première partie, des relationsmatrimoniales entre producteurs et courtiers rend incertaine la compositionethnique d’un village et très aléatoire la limite territoriale d’une ethnie par rapport àune autre. Les indications de “ royaumes ” sont donc très difficilement exploitable.Le mot “ Royaume ” fait lui-même référence à l’histoire du Congo qui représente laseule référence des Occidentaux. Il est inapproprié en ce qui concerne les Fang dontle pouvoir s’arrête au chef de clan, voire au chef de village.

Reste que dès le début du XIXe siècle, les Mpongwe, sans commercerdirectement avec eux, incluent les Fang dans leur espace géographique et dans leurréseau économique qui achemine l’ivoire à la côte. Les villages les plus prochessont installés dès les Monts de Cristal, les plus éloignés touchent au bassin duWoleu. Ils y cohabitent d’ailleurs avec les Pygmées. Bowdich signale en effet qu’àpeu de distance, “ une montagne située au nord-est du Kalay est habitée par deshommes qui, dit-on, y voient mieux la nuit que le jour ; ils dorment la plus grandepartie du jour, parce que la clarté blesse leurs yeux qui sont très brillans (sic). Ony trouve de l’ivoire en abondance ” ( 1070 ).

Page 258: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Or les Pygmées sont réellement liés aux Fang, notamment dans la chasse àl’éléphant. Ils échangent les défenses contre des denrées agricoles ou des armes enfer. Ainsi, Bowdich associe-t-il, dès le début du XIXe siècle, les Pygmées et lesFang producteurs, puis les Kele et les Seke intermédiaires et enfin les Mpongwecourtiers, dans le réseau de l’ivoire dont le marché gabonais est un des plusfréquentés à l’époque.

Les années qui suivent sont muettes de toute référence aux Fang. Ils sontignorés du processus d’implantation française au Gabon. On ne trouve pas uneseule mention à leur propos dans les documents d’époque, les correspondances etles rapports.

A partir de la période proprement coloniale, les renseignements sur les Fang semultiplient au fur et à mesure des contacts, et, à l’exemple de Bowdich, ils doiventêtre débarrassés de la subjectivité des informateurs. Car la présence françaisebouleverse les équilibres économiques, politiques et sociaux, ouvrant uneconcurrence parfois très violente entre les différents acteurs du commerce. Aumilieu de cette évolution, les explorateurs sont livrés à leurs guides et interprètes,souvent mpongwe ou seke.

Beauté Physique : Wilson

Il faut attendre vingt-cinq ans après Bowdich et le voyage, en 1842, dumissionnaire américain Wilson accompagné du courtier Toko chez Cobangoï, pourretrouver une nouvelle mention sur le “ pays ” des “ Pangwe ”. D’après Wilson, lespremiers villages fang sont situés entre cinq et douze jours de marche de Cobangoï.Leur pays est plus loin. En somme, identiques à ceux livrés par Bowdich, cesrenseignements laisseraient croire que la situation ethnique n’a guère évolué depuis1818. Les quelques chasseurs fang qui quittent leur forêt et traversent la “ zone ”kele pour visiter directement les Seke ne sont pas les témoins d’un quelconquemouvement vers la mer, car le portage a pu auparavant conduire certains às’aventurer vers Cobangoï, sans qu’aucun ne se soit avancé plus loin vers la mer( 1071 ).

Page 259: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

L’évolution des Fang n’est pas géographique, elle est dans les esprits. De sontémoignage, Wilson rapporte que les Fang ont pris conscience de l’organisation ducommerce vers la côte, notamment le rôle des Blancs et des courtiers :

“ Hearing of us at this place, they came in considerable numbers to see a whiteman and old Toko, one of whom was as much an object of curiosity as theother… They are aware that vessels visit the opposite coast, and they affirm thatthey have seen articles of merchandize brought from that quarters ” ( 1072 ).

Ils savent également qu’ils ne touchent qu’environ 10% de la valeur réelle deleurs produits. A l’opposé, la politique de mise en valeur du territoire que mènentles Français au Gabon, l’accroissement du commerce, le besoin d’une main-d’œuvre docile et surtout la fréquentation régulière des rivières du fond del’estuaire ne font qu’encourager la descente des premiers Fang vers l’embryon decolonie.

Surpris par la vitalité des Fang, les observateurs tentent d’établir trèsrapidement une distinction avec les populations du Gabon. N’ayant aucuneconnaissance de la langue des Fang ni de leur culture, les observateurs s’arrêtentsur les aspects extérieurs. Ils dépassent en industrie les Seke et Mpongwe dont laproduction s’est éteinte avec les revenus du courtage. Ils fabriquent leurs objets, lesarmes et les outils en fer sont d’une qualité bien supérieure à ceux importés par lesnavires. Et cependant, ils vont presque nus, à peine couvert d’une pièce d’écorcebattue. Alors que les populations côtières sont avides d’alcool et de tabac, les Fangsemblent sobres. Ils accordent la plus grande valeur aux perles, à la poudre et aucuivre. Pour les Blancs, le contraste est d’autant plus saisissant qu’il est renforcépar la propreté des villages, la fécondité des femmes, les soins qu’ils portent à leurscoiffures. Ils portent les cheveux longs tressés et une barbe divisée en deuxbranches, à l’opposé des côtiers aux cheveux courts, voire rasés et imberbes. Ilsportent des tatouages scarifiées sur le corps. Enfin, tous les observateurs soulignentleur beauté physique. Wilson, le premier, livre une description emphatique :

“ During our short sojourn in this place, we met with a number of men entirelydifferent in their features and general appearance from those in this part of thecountry… Those of them whom we saw, both men and women, were vastlysuperior in their personal appearance to the maritime tribes ; and if they may beregarded as a fair specimen of their people, I should have no hesitation inpronouncing them the finest Africans whom I have ever met with ” ( 1073 ).

Page 260: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Sans doute Wilson relève-t-il à dessein, comme facteur de vitalité, la qualité duclimat du “ pays ” fang, dont la comparaison avec l’étouffante atmosphère littoralene souffre aucune contestation ( 1074 ) :

“ They represent their country as mountainous and healthful, and affirm thatcutaneaous and other diseases common to the maritime regions are unknownamong them ”.

Les montagnes habitées par les Fang seraient donc suffisamment éloignées pourles préserver des fléaux côtiers : la syphilis, le pian, la variole, …

L’association est aussitôt faite avec les mythiques Montagnes de la Lune :

“ It is difficult to define the limits and extend of their country. Perhaps the mostwesterly border of what is known as the Pangwe territory was within on hundredmiles into the interior, and possibly spread itself over a large portion of the southside of the Mountains of the Moon. Their country is represented as immenselypopulous ” ( 1075 ).

Ainsi dès 1842, en signalant les Montagnes de la Lune comme région d’originedes Fang, Wilson installe les premiers éléments d’une recomposition historique queles auteurs vont suivre volontiers en la consolidant, au gré des connaissances et àforce d’arguments plus ou moins sérieux.

Quatre ans après Wilson, la supériorité physique des Fang est de nouveausoulignée. Attaché à la station navale, Méquet visite les Fang dans les villages duBokoué. Il décrit un chef avec des détails inattendus :

“ Matouka, coiffé d’un bonnet rouge en pitte, a plus tôt (sic) l’air d’un pêcheurnapolitain que d’un Nègre ; son regard est intelligent, son nez presque aquilin ses

Page 261: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

lèvres peu épaisses, sa tournure distinguée […] Il n’y a pas entre le nez et la bouchece grand intervalle qui donne en général aux races noires quelque chose de bestial ”( 1076 ).

En 1848, Walker, missionnaire américain, rencontre d’autres Fang dans unvillage du Komo. A son tour il vante le physique des Fang :

“ Their appearance did not belie their reputation. It is said that they never fearthe face of man ; and more perfect specimens of masculine vigor, I have neverseen. The competitors at the Olympic games might have envied such bones andmuscles so perfectly developed ” ( 1077 ).

La comparaison confinerait au ridicule si elle n’alimentait pas l’idée que lesFang sont un peuple supérieur, dont les corps superbes exhalent la pureté de la race.Dans les premiers villages qui s’installent dans le haut-Komo, Wilson note uneforte natalité et rapporte les propos du chef Mkwenga qui décrit les Fang comme ungroupe immense avançant vers le Gabon ( 1078 ). La vision occidentale est déforméepar la comparaison avec les vieilles populations côtières dont les relations avec lesmarins occidentaux ne s’arrêtent pas au commerce de marchandises. La prostitutioncontribue largement à la propagation des maladies et au déclin des villages par unefécondité faible.

Quoiqu’il en soit, pour les Blancs, ignorants de l’Afrique intérieure, la questiondu nombre conforte l’idée d’une origine vers le cœur de l’Afrique, sanctuaire degrandes civilisations.

Nord-Est : Du Chaillu

Après Wilson, le premier à revenir sur la question de l’origine des Fang est DuChaillu, certainement l’aventurier gabonais qui a cristallisé sur son nom le plus decritiques, sans cesse contesté, raillé et décrédibilisé ( 1079 ). Malgré ses détracteurs,l’homme a, par ses voyages, marqué définitivement la colonisation du Gabon en

Page 262: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

incitant les Français à pénétrer l’arrière-pays. Il est en effet le premier, en 1856,après avoir remonté au plus loin une rivière, le Mitemboni, à abandonner sa piroguepour s’élancer à pied, sans escorte militaire, à travers la forêt.

Que Du Chaillu ait atteint ou non la région de l’actuelle Médouneu, l’intérêt dela réponse est dépassé par le fait qu’il a atteint les villages fang loin dans l’intérieur.Il a d’ailleurs dépassé au cours de son périple les dix jours de marche depuis lesrivières et il est revenu vivant des populations anthropophages. Quant au sérieux deses écrits, en dehors de son exubérante recherche de sensationnel, les descriptionsqu’il donne de l’industrie, du mobilier, des armes et de la vie matérielle des Fangmontrent un sens ethnographique suffisamment important pour être retenues. Enfin,et surtout pour ce qui concerne l’origine des Fang, il reste d’une humilité rare. Laseule hypothèse qu’il mentionne, sans la servir, est celle qui fait des Fang desdescendants des Jagga, peuple de l’intérieur du Royaume de Loango, cruels etsanguinaires, qui, au XVIIème siècle, auraient parcouru le Congo jusqu’au sud del’Angola en une vaste campagne ( 1080 ). Mais, n’obtenant pas de renseignementprécis, il se garde d’avancer quelques hypothèses :

“ D’ailleurs, tous les Fans, quand on leur demande d’où ils viennent, montrentle nord-est. N’importe à quel village ou à quel homme vous adressez cette question,la réponse est toujours la même ” ( 1081 ).

La direction Nord-Est n’est en soi pas une indication nouvelle. Elle coïncideparfaitement avec les connaissances de l’époque puisque les géographes placentjuste au nord de l’Equateur les Montagnes de la Lune, auxquelles le MontCameroun et les Monts de Cristal semblent être associés. D’ailleurs, Du Chaillureprend à son compte les propos de Wilson en soulignant :

“ Ce sont, du reste, les plus beaux et de la plus vaillante mine que j’ai vus dansl’intérieur des terres, et leur affreux régime semble leur réussir. Cependant j’airencontré depuis lors d’autres tribus de Fans dont les membres n’avaient pas si bonair que ces montagnards. Là, comme partout, la nature exerce sans doute soninfluence. Vivant dans les montagnes, ils ont l’extérieur hardi et fier de tous lesmontagnards ” ( 1082 ).

L’évolution notable qu’il faut retenir du périple de Du Chaillu, est que les Fangsont à présent en contact avec la côte nord, via de nombreux villages intermédiaires

Page 263: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

qui se plaignent de bousculades. Les mouvements qu’ils opèrent vers le Sud-Ouestet vers l’Ouest montrent, en recoupant avec les informations de Bowdich, que lesFang occupent une région très étendue, qui touche l’ensemble des Monts de Cristaljusqu’aux bassins du Ntem et du Woleu. La vigueur du mouvement qui resteintacte pendant très longtemps corrobore l’idée d’une région démographique trèsdense. La question essentielle reste cependant en suspens : cette région est-elle unesimple région de transit pour des groupes migrants venus d’ailleurs ou le cœur dupays fang, véritable foyer de rayonnement ?

Nubiens : Braouezec

En attendant de s’aventurer dans les villages de l’intérieur et mesurer ladémographie de la région Nord, la station navale a des préoccupations bien plusmatérielle. Elle envoie des officiers dans les rivières de l’Estuaire pour établir uncontact durable et fécond avec les Fang. S’appuyant sur les premiers rapports, ilslivrent de nouveaux éléments dénués de toute sobriété, qui marquent pourlongtemps la recherche. Cinq ans après le voyage de Du Chaillu, Braouezec,lieutenant de vaisseau, fréquente régulièrement le haut-Komo au cours de plusieurstournées. En 1861, il publie un article dans le Bulletin de la Société deGéographie dans lequel il relève l’aspect physique des Fang. Il franchit le pasqu’aucun n’avait osé auparavant en soulignant que certains ont un “ nez égyptien,les yeux relevés et fendus en amandes comme les Nubiens, […] C’est chez eux quej’ai vu les plus beaux hommes ”. Il conclut : “ Je crois qu’ils viennent de laNubie et ont traversé l’Afrique ” ( 1083 ).

Ainsi, Braouezec, le premier, introduit les Fang dans la sphère égyptienne. Sonidée est loin d’être révolutionnaire pour son époque qui s’interroge sur l’histoire del’Afrique noire depuis la fin de l’antiquité. Les scientifiques pensent que lescivilisations noires qui étaient autrefois en contact avec l’influence de l’Egyptepharaonique ont trouvé refuge en Afrique centrale après son déclin et ladésertification des rives du Nil.

La fragilité de ces arguments vient de leur nature. L’anthropologie physique estincertaine. En revanche, la philologie naissante est plus convaincante. Le terme“ Pahouin ” utilisé par les Français depuis les premiers temps de l’occupation duGabon, lui paraît impropre à désigner l’ensemble des groupes Fang mais il resteusité par commodité. Braouezec note l’existence de deux groupes linguistiques

Page 264: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

parmi les Fang qui se distinguent notamment par des accents et un vocabulairepropre et surtout par une caractéristique fort remarquable dans l’expression quicommence les phrases, couramment traduite par “ Je dis que ” :

“ les Pahouins se divisent en deux races : 1° les Pahouins Faon ou Fan [quidisent “ Ma zo na ”] ; 2° les Pahouins Makéï [qui disent “ Ma ki na ”]. LesPahouins Faon s’appellent eux-mêmes Faon ou Fan ; ils sont appelés par toutes lesautres peuplades Pahouins. Les Pahouins Makéï se nomment eux-mêmes Makéï ;ils sont appelés par les Pongoué Shiéba ; par les Bouloux Makéï ; par lesAkalais Be Makéï ”. Il ajoute : “ [Les Pahouins Faon] viennent de la rivière Comopar le nord-nord-est, nord-est, sud-est, est-sud-est ; [les Pahouins Makéï secondsviennent par le sud-est. Leurs langues ont beaucoup d’analogie entre-elles. LesPahouins Faon semblent mépriser un peu les Pahouins Makéï, qui paraissentprovenir d’un mélange de Pahouins Faon et d’un peuple nommé Shiibi qui habitesur les bords de l’Ogo-Uwaï ” ( 1084 ).

Le rapprochement de ces Shiibi avec les Shaybie de Bowdich est aléatoire carles Shaybie semblent bien être les Shiwa. Or, les premiers explorateurs, Compiègneet Marche en 1874, les trouvent sur l’Okanda, c’est-à-dire au-dessus de la PointeFétiche, et non dans l’Ogooué ( 1085 ).

Faute de pratiquer suffisamment les langues locales, la distinction linguistiqueFan - Makéï ne donne pour l’instant pas naissance à des interprétations ( 1086 ). Lesobservateurs continuent de s’en tenir aux aspects extérieurs de la culture des Fangqui permettraient de les distinguer des populations côtières déclinantes, assouviespar le commerce, “ abâtardies ” par la civilisation occidentale, l’union avec lesesclaves ( 1087 ). L’orientation des discours est d’autant plus flagrante que la mise envaleur du territoire s’avère mal engagée, au travers de quelques expériencesmalheureuses. Petit à petit, la beauté physique des Fang amène les Blancs à croirequ’ils constitueraient un groupe à part entière sein de la race africaine. Tout leurcorps transpire l’originalité, la pureté intacte. Missionnaire américain, Bert écrit en1863 : “ Comme race, leurs traits sont plus réguliers et leur teint plus clair quecelui des autres tribus ” ( 1088 ). Les traits négroïdes sont oubliés au profit des nezaquilins, des peaux claires, voire des cheveux lisses. Pour un peu, certains auraientmême les yeux et les cheveux clairs. L’explorateur Richard Burton, qui fait unebrève rencontre lors d’un passage au Gabon en 1863, écrit à leur propos :

Page 265: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ Expecting a large-limbed, black-skinned, and ferocious looking race, I wasastonished to see a finely-made, light-coloured people, of decidedly mild aspect.The features, also, were sub-African, many, if whitened, might pass for Europeans ;few were so negroed in type as the Mpongwe, none so Negro as the blacks ofGuinea or Kongo. Their aspect, however, is that of a people freshly emerged fromthe ’bush’. The complexion of the Fans is, as a rule, café-au-lait, the distinctivecolour of the African mountaineer or man from the interior. Some few are verydark ; these, however, are of servile origin ” ( 1089 ).

Burton reprend ainsi l’idée de Walker d’associer leur physique et la qualitésanitaire des montagnes d’où ils descendent. Elle est renforcé deux ans plus tardpar Griffon du Bellay, médecin attaché à la station navale. Il note en 1865 que“ leur habileté à la chasse, leur inaptitude absolue à conduire les pirogues,prouvent qu’ils ont toujours habité les hauts plateaux de l’intérieur couverts deforêts et probablement dépourvus de ressources ” ( 1090 ). D’un autre côté, enavançant l’origine servile des Fang les plus “ sombres ”, Burton parvienthabilement à expliquer les premières divergences physiques qui poignent. Griffonle suit, affirmant que ce n’est qu’en parvenant aux abords des premiers villages“ gabonnais ” que les Fang corrompent leur originalité en s’unissant auxpopulations locales, d’où quelques divergences physiques ( 1091 ).

Pour autant, rien ne peut entacher la réputation de vaillance des Fang. En 1867,Roullet, Chirurgien de la Marine, souligne : “ Les individus de cette nation ont lastature haute, élancée, l’ensemble de leur physionomie est généralement fortintelligent ” ( 1092 ). Aidés par des qualités physiques et mentales, ils sont appelésnaturellement à supplanter les populations autochtones ( 1093 ).

Yendzo : Aymès

Pendant que s’établit la supériorité des Fang sur les peuples côtiers, la divisionnotée fort judicieusement par Braouezec résonne comme une brèche dans lasupposée compacité du groupe fang. Les auteurs s’y engouffrent et constatent queles divisions ne sont pas que linguistiques. En 1867, Fleuriot de Langle,commandant la station de Libreville, souligne que ceux qui parviennent dans

Page 266: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

l’Estuaire “ appartiennent aux Makeï qui ne passent pas pour la plus noble destribus fans ” ( 1094 ).

Les auteurs saisissent mieux la réalité du mouvement de populations que lesplus fascinés réduisent à une “ invasion fang ”. L’idée d’une hiérarchie dans lestribus fang est rapidement reprise. En avril 1872, à la suite d’une tournéed’inspection pour la station navale dans les rivières du Gabon, le lieutenant devaisseau Aymès rend un rapport très documenté sur “ la situation des populationsautour de l’Estuaire ”. Après une description minutieuse de l’économie des rivières,il s’attarde sur la “ migration ” fang en commençant lui-aussi par réduire l’usage duterme Pahouin :

“ Le Gabonnais appelle indistinctement ces noirs des Pahouins. C’est unecorruption du nom dont s’appelle le peuple qui est en tête de colonne dans cetimmense mouvement. Le nom est Fam, et non-Fan - faute du reste dont le toutpremier j’ai été coupable. Au pluriel on dit Ba-Fam ”. ( 1095 )

Plusieurs éléments sont à retenir de son rapport. Le premier est que l’unité fangest un concept définitivement hasardeux. Certes au-delà de la distinction entre Fanget Makéï, il existe une cohésion culturelle entre les nombreux groupes, “ une foulede races diverses ”, qui s’étendent depuis Corisco jusqu’à l’Ogooué, mais son unitépolitique s’arrête au clan :

“ Ces peuples ne parlent pas la même langue ; ils se distinguent aussi par desaptitudes et des types divers les uns comme les Baku sont petits et consententvolontiers pour un salaire à servir un autre noir ( 1096 ) ; d’autres sontparticulièrement sauvages comme les Batchis ; d’autres, essentiellement guerrierscomme les Yokos et surtout les Yendzzô ”.

Pour autant les liens à l’intérieur des clans restent forts malgré l’éloignement deses différents villages :

“ Ils arrivent chez nous pêle-mêle. Cependant, malgré cette confusion, la nationFam a gardé intacte l’union des premiers jours : les villages d’une même nationsont séparés souvent par d’énormes distances et des villages d’une foule de nationsdifférentes, néanmoins la liaison est si réelle que le village engage de droit dans sa

Page 267: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

cause la nation tout entière, aussi bien que le particulier engage le village. Il estinouï que deux villages de la même nation se soient jamais fait la guerre ” ( 1097 ).

A ces clans Fang, s’en rajoutent d’autres qui ne sont peut-être qu’apparentés ouassimilés : “ Le Gabonnais a […] tort de croire à un seul peuple envahisseur :ainsi que je viens de le dire, il en est une foule d’autres ou mêlés aux Fam, ouvenant sur leurs derrières ”. Aymès souligne ces disparités en précisant : “ On doitremarquer avec intérêt que tous les peuples en contact avec les Fam s’empressentd’apprendre le Fam pour ne plus parler que ce langage - honteux de se servir pluslongtemps d’une langue “ barbare ”. Parmi eux, on le voit, il y a des gens“ barbares ” et des gens “ civilisés ” : ceux-ci parlent “ doux ”, ceux-là parlent“ gros ” ”.

Le mécanisme de la progression fang s’en trouve plus accessible. Au lieu de lamasse compacte décrite auparavant, Aymès distingue ce que les auteurs appellerontplus tard une avant-garde et une arrière-garde. L’arrière-garde semble êtrereprésentée ici par les Yendzzô que tout conduit à les présenter comme les gardiensdes traditions fang.:

“ Mes renseignements ne vont pas au-delà des Yendzzô, qui paraissent être enqueue, et ne pas peu contribuer par leur tempérament et leurs qualités militaires àaccélérer le mouvement en avant. Parler des Yenzzô, c’est déjà toucher à lalégende : le troubadour Fam chante leurs exploits, et tous font du chefdes Yendzzô (Ngoumanzzô) une sorte de demi-dieu dont ils prétendent tenir leurslois et leurs fétiches ”.

Quant aux motivations qui ont conduit les groupes à descendre du nord-est,Aymès retient leur intérêt pour le commerce dans la légende qu’ils lui donnent :

“ Après bien des vicissitudes, ils ont appris un jour que là-bas, … bien loin dansl’occident, habitaient les hommes des morts, les mains pleines pour eux de toutesles œuvres de N’Zzama capables de leur plaire, un pays aussi merveilleux était pourles Fam la terre promise, un véritable Eden, aussi a-t-il pressé le pas entraînant à sasuite, comme un torrent, tous les peuples qui apprenaient la nouvelle ”.

Page 268: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Enfin, Aymès retire tout espoir à la recherche historique précisant que “ Lamigration des Fam s’est produite lentement ; plusieurs générations ont passé avantque les premiers aient connu nos rivières et s’y soient établis. Aussi est-il trèsdifficile, sinon impossible, d’avoir sur leur point de départ des données précises. Ilsn’ont gardé du vieux temps que la tradition qui s’en va s’effaçant chaque jour ”.

Origine orientale : Schweinfurth

Aymès conclut une première période d’études sur les Fang, dans lesquelles ladescription des hommes tient une place prépondérante. Loin de fermerdéfinitivement la recherche, elles alimentent une nouvelle série d’écrits oùl’interprétation de ces données favorise les hypothèses historiques. Son ouverturecoïncide avec la pénétration occidentale.

Entre 1868 et 1871, Schweinfurth, botaniste allemand, parti de Khartoum,arpente la région entre les bassins du Nil et du Congo, entre le Bahr el Ghazal etl’Ouelle qu’il découvre en 1870. Il suit de trois ans l’expédition de l’Italien Piaggiaqui a parcouru la région pendant vingt mois, entre 1863 et 1865. Tous deux y ontvisité les Zande dont le pays semble s’étendre vers l’Ouest jusqu’à la limite dubassin du Tchad. Au Sud-Ouest des Zande, Schweinfurth visite également lesMangbetu qu’il associe aux premiers. Mais c’est surtout des Zande qu’il rapportedes descriptions où les élans fantastiques en rappellent d’autres sur les Fang. Avantd’entamer son périple, Schweinfurth recueille parmi les Nubiens, les esclavagisteset les trafiquants d’ivoire des informations et des légendes sur les hommes qu’ils’apprête à visiter. Leur existence est connue depuis très longtemps :

“ La tradition avait appris aux Nubiens le nom d’un peuple de cette régionvoilée, nom qui résumait pour eux tout ce que l’idée de sauvagerie peut faireconcevoir de plus épouvantable à des gens doués d’un esprit inventif. Les sauvagesque désignait ce nom terrible, les Niams-Niams, n’étaient pas seulement voisins del’animalité par leur genre de vie, ils conservaient, disait-on, la marque de leurdescendance ; et la question de l’origine simienne de l’homme était alors discutéeau bord du Nil avec non moins de chaleur qu’elle ne l’est actuellement en Europe ”.( 1098 )

Page 269: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ Zande ” n’est en effet pas le nom usité à l’époque pour désigner le groupe.Les Occidentaux retiennent celui de Niams-Niams que leur donnent les Dinka,voisins du nord-est, qui signifierait, d’après Schweinfurth “ grands mangeurs, ettrès évidemment fait allusion au cannibalisme des gens qu’il désigne ”. Quant à “ lamarque de leur descendance ”, il s’agit d’un hypothétique appendice caudale, dontles Nubiens les affublent pour mieux rendre l’idée de sauvages qui les entoure. LesNubiens, dernière “ nation civilisée ” avant l’Afrique Centrale, tiennent donc lemême rôle que les courtiers de la côte atlantique et usent des mêmes stratagèmes dediabolisation des populations intérieures pour dissuader les Blancs de s’aventurer àleur rencontre. Schweinfurth rajoute ainsi : “ Pour les Nubiens, qui l’ontcomplètement adoptée, cette dénomination [Niams-Niams] est tellement associée àl’idée d’anthropophagie, que parfois ils l’appliquent à d’autres peuplades n’ayant,avec la nation qui nous occupe, d’autre rapport que leur goût pour la chairhumaine ”.

Page 270: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 80 : Guerriers Niams-Niams(Schweinfurth, 1875, p. 213).

Schweinfurth souligne l’originalité physique des Zande dons il est l’hôte :

“ Il n’est pas un voyageur […] qui, […], arrivant chez les Niams-Niams, ne soitfrappé de la différence que présentent ceux qui l’entourent. Les caractères qu’ilsoffrent sont tellement tranchés qu’on les reconnaît immédiatement au milieu desfoules les plus nombreuses, et ces caractères sont de telle nature qu’ils font paraîtred’un intérêt secondaire tous les indigènes que l’on a vus jusque là… Ils ont ladémarche noble, un air de chevalerie qui ne les abandonne jamais ”.

Ils portent les cheveux longs, divisés en nattes, le nez droit, la bouche épaissemais étroite, ils portent des tatouages sur le corps, se taillent les incisives enpointes, portent un vêtement d’écorce. Ils portent un grand intérêt aux perles deverroteries bleues, au cuivre, ce qui permet au voyageur muni de quelquesfragments d’acheter les fourrures de léopard, les plus recherchées. Leurs armes secomposent d’une lance, d’un couteau aux formes étranges, à plusieurs lames : letroumbache, d’un bouclier et d’un grand sabre courbe. L’arc et la flèche sontsurtout utilisés pour la chasse. Ils cultivent le manioc, n’ont pas de bétails mais deschiens et des poules. Ils sont éminemment carnivores. Quant au cannibalisme,Schweinfurth n’en doute pas un instant :

“ D’après ce que j’ai entendu dire, et surtout d’après ce que j’ai vu, j’affirmesans hésiter que les Niams-Niams sont anthropophages ; que, loin d’en fairemystère, ils recueillent les dents de leurs victimes, et s’en composent des colliersdont ils se parent avec ostentation. Dans leurs trophées de chasse se voient lescrânes des gens qu’ils ont dévorés, et la graisse humaine est chez eux d’une ventejournalière. On dit qu’absorbée à large dose, cette graisse produit l’ivresse…”.

Toutefois, il reconnaît que Piaggia “ n’a été le témoin que d’un seul faitd’anthropophagie ; encore s’agissait-il d’un ennemi tué au combat ”. PourSchweinfurth, qui a pris connaissance des découvertes en Afrique équatoriale etnotamment des descriptions sur les Fang, le rapprochement est évident :

Page 271: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ Parmi les Africains notoirement anthropophages, les Fans du Gabonsemblent, à cet égard, les plus grand rivaux des Niams-Niams. De même que cesderniers, ils trafiquent de leurs morts ; et l’on cite des exemples de cadavres qu’ilsont également déterrés pour en faire leur pâture. D’après leur propre témoignage,les Fans ou Pahouins sont venus du Nord-Est, et nous retrouvons chez eux diversescoutumes qui annoncent une étroite affinité avec les Niams-Niams ”.

Ce faisant, il contredit Bowdich qui tempérait le cannibalisme des Fang par laprésence des chiens. Mais deux arguments viennent soutenir Schweinfurth. Laprésence de chiens, d’abord, est considérée par les observateurs, chez les Zandecomme chez les Fang, comme un bétail source de protéines. Elle est considérée àl’époque comme la dernière étape à franchir avant le cannibalisme ( 1099 ). Ensuite,la proximité phonétique de l’Ouellé, affluent du Congo avec le Ouolo de Bowdichfait rapidement oublier ce point divergent. D’ailleurs, l’hydrographie imprécise del’époque, surtout pour ce qui concerne les fleuves gabonais que l’on croit trèsproches du bassin du Congo, appuie sa théorie ( 1100 ). Schweinfurth conclut enfin :“ ils se livrent aux même danses, aux même orgies à l’époque de la pleine lune ;enfin tous les deux sont essentiellement chasseurs ” ( 1101 ).

Ainsi, alors même qu’il n’a pas voyagé au Gabon et encore moins fréquentédirectement les Fang, qu’il ne les connaît qu’au travers des récits de l’époque,Schweinfurth, sur la base d’éléments dont la minceur n’a d’égal que leur légèreté,associe les Fang aux Zande et fixe leur origine quelque part entre l’Ouellé, le Nil etle Congo, c’est-à-dire au centre même du continent. Il apporte une contributionmalheureuse à l’histoire des Fang en avançant l’hypothèse d’une origine orientale.

Compiègne

Faute de connaissances pointues, l’époque de Schweinfurth n’est pas à laremise en question de ses arguments. Son rapprochement avec les Zande estconsidéré comme un progrès très important qui permet de relier en un bondspectaculaire la région du Haut-Nil à la côte atlantique. Les géographess’empressent donc d’utiliser la migration fang pour compléter les zones vierges del’Afrique centrale. Aussi, en attendant d’en expliquer plus précisément les

Page 272: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

différentes étapes et ses motivations. L’hypothèse de Schweinfurth reçoit le soutienimmédiat des explorateurs du Gabon.

Inaugurant avec Marche la période des grandes expéditions vers le Haut-Ogooué, Compiègne y visite un village shiwa en 1874, avant de connaître l’échecdevant le confluent de l’Ivindo. Dès son retour en France, il s’attache à accréditer lathéorie orientale des Fang. Lui-même surpris par la proximité des descriptions qu’ilfait avec celles Schweinfurth, il s’oblige à préciser :

“ Avant de commencer, je rappellerai que l’ouvrage du docteur Schweinfurth aété fait à peu près à l’époque où j’envoyai à la Société de géographie, sur lesPahouins et les Osyéba, tous les détails que l’on trouvera ici, et qu’en conséquenceil m’a été impossible, en décrivant ces peuples de connaître ses écrits, qu’il lui a étéimpossible d’avoir connaissance des miens en écrivant son récit ” ( 1102 ).

Les descriptions de Compiègne laissent en effet le lecteur dans le trouble, tant ilsemble reprendre point par point les ressemblances :

“ La race des Fans est une tribu franchement cannibale, car ils mangent nonseulement leurs ennemis pris ou tués dans le combat, mais encore leurs morts àeux, qu’ils aient succombé à la guerre ou aux atteintes de la maladie, peu importe[…]. Les hommes sont grands, bien faits et ont un air d’énergie indomptable […].Leurs cheveux sont généralement disposés sur la tête en petites mèches recourbéescomme des cornes […]. Tous les hommes ont autour du cou un grand collier faitordinairement avec des dents de tigre, mais j’en ai vu qui remplaçaient les dents detigre par des ossements provenant de doigts humains, enfilés en chapelet… Ils ontautour des reins une ceinture faite avec l’écorce d’un certain bois et large de vingt-cinq à trente centimètres, ou bien encore deux petites peaux de chat-tigre attachéespar une ceinture de perles bleues…Les femmes des Fans […] s’enlaidissent encoreen se peignant une grande partie du corps avec des couleurs variées, principalementavec du rouge et du jaune. Elles tressent leurs cheveux en toutes petites nattesentremêlées de fils de cuivre; elles sont passionnées pour la verroterie, et sechargent les bras et les pieds d’anneaux de cuivre. Leur passion pour la chasse etleur esprit remuant les empêchent de s’adonner à l’agriculture ; néanmoins, ils sontd’une habileté extraordinaire pour défricher une forêt et obtenir sur l’emplacementdéfriché une plantation de bananiers assez productive ”.

Page 273: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Pour Compiègne, la proximité des descriptions n’est pas un fait du hasard. Ilconsidère que les Fang, les Mangbetu et les Zande, sont parents :

“ Il y a évidemment au centre même de l’Afrique, un peu au nord de l’équateur,un immense foyer de populations cannibales qui rayonne à la fois sur l’occident etl’orient de l’Afrique ; à l’occident il envoie les Pahouins et les Osyéba ; à l’orientles Monbouttous et les Niams-Niams […]. Les Pahouins, Osyéba, Monbouttous etNiams-Niams sortent évidemment d’une même souche; cette souche a donné desrejetons innombrables […]. Il est naturellement impossible de dire exactement lescauses qui ont poussé cette grande famille à se démembrer ainsi, mais il est plusque probable que la densité toujours croissante de la population, la destruction dugibier et le désir de se rapprocher des établissements commerciaux sont lesprincipales raisons de leurs émigrations à l’occident comme à l’orient ”.

Pour achever de convaincre le lecteur, Compiègne rajoute l’intérêt des Fang etdes Zande pour les perles bleues, la présence de cauris, d’un couteau“ Trombache ”, et enfin rappelle la présence des chiens :

Les chiens zande “ ressemblent au chien loup, sont de petite taille et ontl’oreille droite et grande, le poil ras et lisse, la queue courte en tortillon commecelle d’un porcelet; le museau, qui est très pointu, se projette brusquement du frontlarge et bombé […]. Or les Pahouins ont exactement les mêmes chiens ” ( 1103 ).

Loin de dénoncer les extravagances de son homologue oriental, Compiègnealimente ainsi la réputation des Fang tant elle sert leur origine. Ainsi, il expliqueleur cannibalisme par les conditions de la migration en reprenant Griffon du Bellayqui écrit en 1865 :

“ Les serpents, les insectes, les viandes corrompues, rien n’échappe à desappétits obligés de se contenter des rebuts de la nature, et l’anthropophagie est laconséquence presque forcée d’un pareil dénuement. Mais cette barbare coutume quiexiste aussi chez les Bakalais, tend à disparaître d’elle-même, à mesure que cespeuples perdent leurs habitudes nomades pour faire dans notre voisinage desétablissements réguliers ” ( 1104 ).

Page 274: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 81 : Guerriers fang (Fleuriot, 1876, p. 272).

L’idée d’une continuité de populations entre l’Afrique centrale et l’Atlantiquepermet à Fleuriot de Langle de proposer une origine légèrement différente dans ses“ Croisières à la côte d’Afrique ”, publiée en 1876 ( 1105 ). Il y rapporte :

“ [Les villageois du Bokoué affirment sortir] d’un territoire nommé N’Doua, oùil se trouvait un lac nommé Tem : à leur dire, cette terre était fertile, le lacpoissonneux, mais la guerre sévissait dans ces parages d’une manière incessante, ensorte que ces pays n’offraient plus aucune sécurité aux populations paisibles, quiavaient pris le parti d’émigrer. [...]Les principaux fleuves [de N’doua] se nommentLomon et Bakoul, et les montagnes, Mendif et Kolaké ; quelques villages avaientmis onze mois, d’autres cinq mois, pour accomplir le voyage qui les avait conduitsau Gabon ; ils avaient l’habitude de s’arrêter deux jours après avoir marché troisjours, ce qui réduisait leur marche de trois cinquièmes. [...]

“ Les tribus de N’doua parlent toutes le fan ; les éléphants y sont nombreux etleurs dents à vil prix. Il n’y avait que huit centres de populations entre Tem et Iconi; le collecteur du versant oriental de la chaîne d’Anenga N’pala jette ses eaux dans

Page 275: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

l’Ogooué. Les tribus avaient traversé d’immenses plaines remplies de hautesherbes. Le désir de se créer un meilleur avenir en se rapprochant des blancs, avaitété leur mobile. Dans leurs stations antérieures ils n’avaient pas de communicationavec la côte orientale : leurs fusils et leur poudre venaient de l’ouest ”. ( 1106 )

L’hydrographie moderne permet de confondre le Tem avec le Ntem, qui, bienqu’il ne soit pas un lac, n’en constitue pas moins un vaste bassin inondé demarécages. Quant à lui, ignorant de cela, Fleuriot recherche un véritable lac commel’imaginent avant lui les géographes ( 1107 ). Il s’oriente au Nord vers un affluentoriental du lac Tchad car il note :

“ On remarque que les peuples situés à l’ouest du lac Tchad cultivent le coton,qu’ils tissent avec habileté. Ils sont industrieux, ont de grands marchés, tandisqu’une barbarie extrême règne parmi les tribus qui sont comprises entre ce lac et lessources du Nil. On n’y rencontre nulle trace d’industrie textile ; chez eux l’écorceremplace le coton ” ( 1108 ).

Il ose enfin un rapprochement avec le Nil quand il souligne l’analogie destatouages en zig-zag que pratiquent les Fang sur le buste et le “ hiéroglypheégyptien qui signifie eau, et par suite purification et renaissance ” ( 1109 ).

La théorie de Schweinfurth reçoit encore le soutien d’un autre explorateur duhaut-Ogooué, l’Autrichien Oscar Lenz, bloqué entre juin 1875 et avril 1876 auxportes du pays shiwa, par les Kande qui lui refusent le passage :

“ Je suis convaincu que ces Oshebas [Shiwa] sont très proches parents desNjam-Njam visités par Schweinfurth. Si l’on considère dans Schweinfurth lesdescriptions et les dessins, si l’on voit leurs armes et leurs ustensiles, si on lit leursmœurs et les usages, on trouve une foule d’analogies entre ces races ” ( 1110 ).

Quant à Brazza, qui suit la course de Lenz de quelques mois, il s’intéressedavantage à l’arrivée des Fang au Gabon qu’à leur histoire ancienne. Il s’abstient detoute supposition et ne fait qu’emprunter à ses prédécesseurs ( 1111 ). Il n’en restepas moins empreint d’une certaine fascination lorsqu’il écrit :

Page 276: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ Les M’fans sont grands, bien faits, beaucoup moins noirs que les naturels dela côte. A première vue, on trouve qu’ils diffèrent autant des nègres proprement ditspar la stature, les traits et la barbe, qu’ils s’éloignent des Européens par la couleur ”( 1112 ).

Vers le Nil

La comparaison de Brazza apparaîtrait anodine ou naïve si elle ne s’inscrivaitpas dans le contexte scientifique et notamment anthropologique de l’époque. Lessavants qui cherchent à classer les Africains sur la base des critères physiques.D’emblée, ils en excluent les Egyptiens, qui semblent constituer un groupe à partpeut-être d’origine sémitique ( 1113 ). Ils s’interrogent également sur l’histoire descivilisations nubiennes depuis l’extinction de la civilisation pharaonique.

En 1880, l’Allemand Hartmann propose que les “ Nigritiens ”, autrefoisappelés “ Nahasu ” auxquels les “ Pharaons firent plusieurs fois la guerre etglorifièrent, sur leurs monuments, leurs insignifiants faits d’armes par des imageset des inscriptions figurées ” se sont installés sur les rives progressivementstabilisées du haut Nil. Cultivant les terres fertiles, enfermés dans la vallée ferméepar le désert alentour, ils y ont développé une civilisation à l’écart du continent,conservant “ leurs caractères particuliers ; et leurs mœurs, éminemment africaines,se transmirent de génération en génération ” ( 1114 ). Pour Hartmann, les Nigritienssont les derniers survivants de la culture nubio-égyptienne parmi lesquels il rangeles Zande et les Mangbetu. Il appuie sa théorie en relevant plusieurs analogies entreles deux civilisations qui sont autant de témoins de cette descendance. La coiffuredes Zande est ainsi proche de certaines coiffures égyptiennes ( 1115 ). Les Egyptienspossédaient une arme semblable à celle usitée “ chez les Tedas, les Touaregs, lesFunjés, les Marjis, les Kanoris, les Niam-Niams [et] les Monbuttus […] Chezles Monbuttus, cette arme est courbée comme la faux ou le sabre ; chez les Niam-Niams, elle présente des parties plus larges, comme la hache. Cette espèce de fauxdes Monbuttus figure dans la main des Pharaons, sur les monuments des anciensEgyptiens ” ( 1116 ). Hartmann n’inclut pas les Fang parmi les Nigritiens mais laprésence de l’onzil dans leur armement, à côté “ couteaux courts, larges, dont lalame gigantesque est semblable à un grattoir ”, les associe indirectement ainsi queleur anthropophagie notoire. Certains auteurs n’hésitent pas franchir les derniers

Page 277: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

obstacles qui séparent les Fang du Nil. Vivien de Saint Martin et Elisée Reclus selaissent emporter par l’enthousiasme. Ils livrent la conclusion la plus audacieuse enaffirmant carrément que les Fang sont des Blancs d’origine égyptienne ( 1117 ).

En attendant de trancher la question égyptienne, la philologie et la linguistiqueapportent à la fin du XIXème siècle de nouveaux éclairages. Elles identifient unensemble linguistique rassemblant la plupart des ethnies situées en Afrique centralequ’elles nomment Bantu, terme emprunté à l’ancien groupe des “ A bantus oucaffres [qui] occupent aujourd’hui le sud de l’Afrique entre le Kunene, la baie desbaleines et le Zambèze ” ( 1118 ). Ils se distinguent des Nègres proprement dits quioccupent la partie occidentale de l’Afrique sub-saharienne. La question del’appartenance des Fang au groupe Bantou devient vite préoccupante car ladéfendre reviendrait à admettre leur origine commune avec les populations côtières.Or leurs caractères ethnographiques les en distinguent. Les quelques divergencesnotées dans les villages entre Fang, ne parviennent pas à troubler les observateurs.Liotard, pharmacien de la Marine publie ses notes anthropologiques en 1895 :

“ Avant tout le Pahouin est un guerrier doublé d’un chasseur. Tout en luiindique l’homme d’action, en lutte perpétuelle avec la nature pour les besoins del’existence. Ce qui frappe le plus, c’est l’impression de rudesse sauvage et celle deforce brutale qui sont encore plus exagérées quand le Pahouin se rapproche plus dunègre par l’ensemble de ses caractères. On reste alors stupéfait devant un pareil être[…]. Les Pahouins de Lambaréné sont de coloration plus foncée que ceux de larégion de Mondah, et une observation superficielle permet de se demander s’ils nesont pas mélangés avec des populations de race bantou. - Tous les Pahouins neviennent pas de la même portion de l’Afrique centrale et présentent entre eux desdissemblances ” ( 1119 ).

Implicitement, Liotard soulève la question du parcours suivi par les Fangdepuis leur territoire d’origine et les différents épisodes qui l’ont ponctué.

Imbroglio

Page 278: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

La question de l’appartenance au groupe bantou reste en suspens, tandis quel’origine égyptienne demeure pour longtemps dans les esprits. Quant à reconnaîtrele parcours de la migration des Fang depuis son origine, la fin du XIXème siècleapporte des éléments nouveaux. Elle est marquée par la pénétration allemande auCameroun et par l’avancée française vers le Nord du Gabon-Congo. Passées lesvieilles populations côtières autour de Douala, les Allemands découvrent unemosaïque de groupes assez proches des Fang, tant du point de vue linguistique quede la culture matérielle. Les coutumes, les idées religieuses, les rites et les légendesy sont également fort voisines. Des “ Boulou ” de la région de Kribi aux Nzamande la vallée du Dja, des Ewondo de la région de Yaoundé aux Ntumu et aux Mvaïdes vallées du Ntem et du Woleu, l’ensemble apparaît suffisamment cohérent auxpremiers observateurs pour lui reconnaître une unité culturelle. Au fur et à mesurede la pénétration, ils y associent d’autres groupes, les Mangisa, les Eton,…,jusqu’aux Ngumba, Maka, Badjoué, qui semblent avoir subi la culture de cetensemble au point de l’assimiler. Dans le même temps, les explorations françaisesvers le Nord-Est de Jacques de Brazza et Pecile, puis de Crampel et Fourneaurencontrent également d’autres groupes, dont les Dzem et les Dzimou, relativementproches des Fang. Les observateurs cherchent alors à comprendre comment tousces groupes en sont arrivés à occuper un si vaste espace géographique, de la Sanagaà l’Ogooué, et de la Sangha à lAatlantique.

Loin de s’éclaircir, l’étude Fang est rapidement associée à celles de cesgroupes apparentés pour former un imbroglio de plus en plus complexe.

Deuxième génération

Page 279: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Depuis la prise de possession du Gabon, près de trente ans ont été nécessairespour produire, par la voix d’Aymès, les premiers éléments de tradition oralesusceptibles d’orienter les recherches historiques sur les Fang. Il faut attendre la findu XIXème siècle, pour que les observateurs retiennent tout l’intérêt de ladémarche et recueillent directement auprès des intéressés légendes, mythes etcoutumes. Il est vrai qu’entre-temps, les ambitions économiques et politiques de lacolonie s’accordaient mal avec une étude minutieuse des populations soumises ; cen’est pas un hasard si, au début du XXème siècle, l’affirmation de l’autoritécoloniale par l’administration complète du Gabon coïncide avec de nouvellesétudes. Le pas est franchi grâce à une nouvelle génération d’hommes directementimpliqués dans l’occupation du pays, dont la curiosité pour les populations qu’ilscôtoient amène à reprendre les recherches de leurs prédécesseurs. Grâce à leurstravaux, les connaissances sur les Fang dépassent largement le simple cadre del’observation.

Mais ici encore, malgré le volume des renseignements recueillis, plusieursréserves s’imposent. La première concerne le rapport entre l’interrogateur etl’informateur. Les enjeux commerciaux ne sont plus prépondérants dans lesentretiens mais le désir demeure chez l’informateur de satisfaire aux questionsqu’on lui pose en donnant les réponses attendues et donc pas toujours exactes.L’incompréhension mutuelle entraîne souvent la subjectivité. Allégret écrit à cesujet, en 1904 :

“ [Les Fang] n’ont pas assez de réflexion et d’esprit d’analyse pour comprendrela forme souvent abstraite de nos questions, et alors même qu’il les comprennent,n’en voyant guère l’utilité, ils tendent à cacher à des yeux profanes, railleursparfois, leur vie intérieure si rudimentaire qu’elle puisse être. Enfin, leur mentalitéest si différente de la nôtre qu’à vouloir introduire nos catégories et notre logiquedans ce qui, précisément, est vague et nous semble contradictoire, on fausseabsolument leurs conceptions ” ( 1120 ).

L’autre réserve concerne l’épuisement de la culture traditionnelle, au contactavec la civilisation occidentale et à l’activité missionnaire qui brouillentl’originalité des légendes et des croyances. Certaines idées religieuses s’en trouventaffectées :

“ Tous les esprits des morts habitent sous la terre un lieu mystérieux et obscur ;ils sont gouvernés par un roi impotent couvert de gale, très méchant ; c’est ce roiqui condamne à la deuxième mort ceux qui se conduisent mal ; ils vont alors en un

Page 280: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

terrible endroit où ils sont très malheureux, et d’où ils ne reviennent jamais. Leshommes qui ont été très méchants pendant leur vie vont directement dans cesombre séjour ; cette deuxième mort est le plus terrible châtiment qui puisseatteindre un homme ”. ( 1121 ).

Enfin, l’activité professionnelle des collecteurs et leur confiance dans ladémarche intellectuelle des premiers auteurs tempèrent l’objectivité de leursconclusions, certains d’ailleurs s’enhardissant à valider les hypothèses antérieuresen scrutant, dans les récits, les détails évoquant la migration qui a conduit lesgroupes jusqu’au Gabon.

Sans interférer sur l’histoire ancienne, l’histoire récente des Fang évolue donc,au gré de la pénétration occidentale en Afrique Centrale et de la connaissance deses populations.

Cavaliers - Neu

Le père H. Neu, missionnaire du Saint-Esprit, est un des premiers à étudiersérieusement l’histoire récente des Fang. Il avance quelques éléments qui vontconnaître une postérité bien supérieure à celle de son auteur, dans la mesure où ilest souvent absent des bibliographies même les plus instruites. En 1887,ses “ Lettres ” sont publiées dans les Annales apostoliques des PP du Saint-Esprit ( 1122 ). Il y écrit toute la difficulté de remonter au plus loin dans l’histoire desFang mais engage la réflexion en notant d’abord combien “ la direction nord-estindiquée par les Pahouins paraît un point indiscutable, car s’ils venaient de l’est,ils auraient dépassé l’Ogowé, et se seraient établis dans les contrées au sud dufleuve. Or c’est à peine si on rencontre quelques villages sur la rive gauche ; lamasse de la population est restée sur la rive droite ”.

La pertinence de sa remarque s’évapore quand il évoque l’histoire ancienne. Ilreprend Schweinfurth pour attribuer aux Fang une parenté avec les Niams-Niams.

Le troisième point qu’il avance mérite une attention plus particulière. Il yenvisage les moteurs de la “ migration ” vers la mer. Neu suggère que le désir des’approvisionner en marchandises occidentales n’a été qu’un élément mineur. Il

Page 281: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

rapporte le souvenir des vieux Fang qui lui parlent de cavaliers montés sur deschevaux. Il avance donc l’hypothèse de la conquête de peuples islamisés, Foulbé,Haoussa, qui auraient conduit les Fang à fuir vers la grande forêt et la mer.

Mvogh Etangha - Largeau

Après avoir passé plusieurs années au Gabon, notamment dans lacirconscription de Ndjolé où il est administrateur au moment des gravesévènements de 1896, Largeau publie en 1901 une Encyclopédie Pahouine, ouvragemonumental, dont l’ambition est d’y compiler l’ensemble des connaissances sur legroupe fang, sous la forme d’un dictionnaire dont les entrées sont traduitesphonétiquement en fang par la transcription en signes et lettres de l’alphabetfrançais ( 1123 ). Il traite notamment des questions religieuses, de l’organisationsociale, de la cosmogonie et rapporte quelques légendes à caractère historique,signant là un ouvrage qui demeure à ce jour très précieux pour la recherche. Pourautant, le riche corpus rassemblé n’est pas exploitable sans réserve ne serait-ce queparce qu’il est le témoin d’une époque difficile où les préjugés grossiers sur lesFang, cruels et farouches perdurent. Il rapporte ainsi certains récits des plusgrotesques :

“ Quand un homme est devenu vieux, si vieux qu’il est fatigué de vivre et queles jeunes gens sont las de le voir vivre, on dresse un bûcher sur lequel on étend levieillard attaché et recouvert de quelques feuilles de bananiers, et on y met le feu ”( 1124 ).

En second lieu, l’exploitation des légendes transcrites doit être parcimonieuse etprudente tant la traduction pose problème. Largeau ne possède pas suffisamment lalangue et s’en remet à un tiers pour les traductions. Or, la langue fang est d’unegrande complexité notamment pour la subtilité de sa prononciation qui connaîtplusieurs accents toniques, à l’opposé du français monotone. Un accent mal placéou une voyelle mal prononcée (ouverte ou fermée) peuvent donner lieu à uneméprise ( 1125 ). Même Trilles qui pourtant produit d’importants efforts pourapprendre la langue se fait railler par ses hôtes alors qu’il tente de s’exprimer dans

Page 282: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

leur langue. Enfin, Largeau ne parvient pas à distinguer les différentes composantesde l’immense groupe qu’il nomme sous le terme générique de Pahouin, alors qu’iln’a devant lui que les Fang du Gabon ( 1126 ). Il accumule maladroitement lesgénéralisations.

Reste qu’il apporte de nouveaux éléments concernant l’origine des Fang,notamment en reprenant trois récits collectés auprès des villageois. Le premierrévèle le nom du supposé habitat originel des Fang. Il en fait une description trèssommaire :

“ Les Fan’ viennent d’Oku, d’un pays appelé Mvôgh-Etangha ; ils en ont étéchassés par des guerres continuelles et terribles ; on y tue sur les routes ; on y voleles femmes ; on y mange les hommes comme des poulets. Dans ce pays, il n’y a pasde grandes rivières, mais seulement des lacs et des étangs ; on n’y a jamais vu deBlancs. Les envahisseurs ont une arme qui ressemble à un canon ; onl’appelle Anou-a-nene (la grande bouche) ” ( 1127 ).

Le terme Oku signifie l’amont, ce qui, au vu de la configurationhydrographique du Gabon, correspond à la direction nord-est. Il doit être retenuavec une attention toute particulière parce qu’on le retrouve dans les mvet pourlocaliser le groupe opposé aux habitants d’Engong avec lesquels il estrégulièrement en conflit. Quant à Mvogh Etangha, Largeau le traduit par le “ paysnuageux ” ou le “ pays honorable ”, suivant le ton donné.

Il explique ensuite la distinction entre les trois principaux groupes “ pahouins ”reconnus alors, les Betsi, les Fang et les Makéï, en rapportant la légende de l’adzap:

“ [Les Pahouins] trouvèrent un arbre à beurre colossal (adzap), à travers lequelils mirent une année à se frayer un passage (cet arbre symbolise sans doute lagrande forêt vierge équatoriale dans laquelle ils durent errer pendant une année). Ilsse trouvèrent ensuite en présence de trois chemins : les Bedzi passèrent à droite (aunord); ils suivirent le Komo, les rivièresAboghe, Ntem, et Ayia ; les Fan’ passèrentau milieu ; les Mekeï à gauche (au sud)… Nous avons, en effet, constaté que cettetribu est établie ou en voie d’établissement au sud et à l’est du Gabon, sur l’Ivindoet la Dilo, dont ils ont descendu le cours, et sur l’Ogowé où, entre Ndjolé etLambaréné, ils prennent le nom de Ndzem. Au-dessus de Ndjolé et jusqu’à Booué,ce sont les Bi Biali (sing. Ebiali), mais Be Dzem et Bi Biali ne sont que desfractions de la grande tribu Mekeï…

Page 283: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ Quant aux Pahouins qui se trouvent encore sur la rive droite de la Sangha etdu Ngoko et que l’on appelle Aséba (sing. Oséba), ou Momouali, et que lesaborigènes désignent sous le nom de Bougondos, ils viennent évidemment de l’estet représentent de ce côté l’arrière-garde des Bedzi, dont ils parlent le dialecte, maisd’une façon cependant assez barbare pour qu’on l’ait différencié sous le nomde makina. Ils sont particulièrement féroces ”.

L’existence d’une “ arrière-garde ” particulièrement féroce rappelle les Yendzod’Aymès. On retrouve leur évocation dans un troisième récit recueilli auprès d’unvieux Betsi :

“ Les Pahouins, nous dit-il, habitaient à l’est Mvan’- Okouan’ (la Pluie desgazelles), dans le pays de Yen Dzogh, où coule une rivière appelée Dzam-a-Nen (lagrosse affaire), qui se jette dans l’Ayéna, affluent de l’Ogowé, et qui vient du nord.Il n’y a pas de bateaux sur la rivière et on n’a jamais vu de Blancs dans ce pays. Cepays, très montagneux, est couvert de forêts ; il y a là des éléphants, deshippopotames, des crocodiles, de grandes antilopes et des bœufs sauvages qu’onappelle là-bas Ndon’ ; pas de chevaux. Le pays serait habité par une tribu dePahouins appelée Mvôgh Etangha, gens fort méchants, qui sont toujours en guerre ;ils n’ont pas d’esclaves ” ( 1128 ).

“ Dzogh ” signifie Eléphant. Il se retrouve transcrit sous différentes formes :Djog, Dzô, Zok, etc., ce qui autoriserait le rapprochement des Yen Dzogh avec lesYen Dzo d’Aymès.

Largeau rapporte un dernier récit où les Blancs interviennent, modifiantsensiblement les raisons de la migration. On y retrouve des éléments déjà renduspar Neu :

“ Une autre tradition nous dit : “ il (Nzame) appela le Blanc et lui dit : ’Va versles eaux de l’ouest’. Ensuite le Blanc s’étant dirigé vers l’ouest traversa le Kon,franchit Nkongho, puis l’Abanghe, et arriva au Komo. Ensuite, ayant aperçu unnavire, il demanda : qu’est-ce ? ’On lui répondit : c’est un navire. Alors ils’embarqua sur le navire jusqu’à la mer occidentale, où il vit les Gabonnais. Il dit :c’est cela ; je m’établis ici…’

Page 284: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ Nous voyons que, dans cette autre légende, le point de départ est le même : larivière Kon, traversée d’abord, est le Komm des cartes ; le Nkongo est le même quele Mekongo, rivière qui déverse dans l’Ivindo, affluent de droite de l’Ogowé. Lepoint d’arrivée, le Komo, est, en fin de compte, comme le point de départ et ladirection générale, commun aux deux itinéraires ” ( 1129 ).

D’après Largeau, Blancs et Noirs seraient les fils de Nzame, les Blancs ayantusurpé la richesse aux Noirs en fuyant vers l’Ouest. Enfin, laissant à d’autres lesinterprétations historiques, il conclut que “ les Pahouins devaient occuper du moinsavant la dernière migration qui les a acculés à la mer, les plateaux au-dessus duparallèle 27° de latitude nord et entre les méridiens 10° et 12° de longitude est oùprennent leurs sources le N’Tem ou Campo et l’Ivindo affluent de l’Ogooué ”.

Ndéré - Anonyme

L’année de la publication de Largeau, un rapport est écrit sur les Fang, àdestination des autorités de Libreville. Un paragraphe attire particulièrementl’attention. Il s’intitule “ Origine de la race M’Fan et migration à la côte ” ( 1130 ).D’une quinzaine de pages, il est malheureusement anonyme et reste difficilementidentifiable quoique son style laisse croire à un rapport officiel pour Libreville.L’unique certitude est qu’il n’est pas de Largeau puisque l’auteur en conteste laconclusion, quant à la localisation récente près des sources du Ntem et de l’Ivindo :

“ Ces indications sont certainement quelque peu erronées, mais il n’en paraîtpas moins certain que ces Pahouins ont dû être chassés de leur pays par les Foulbéqui viennent du Nord et par les Ndéré qui viennent de l’Est et du Nord-Est ”.

L’auteur poursuit en rappelant les conditions des déplacements, bien qu’ilfaille nuancer les ambitions de suprématie des déplacements :

Page 285: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ Les M’Fans n’arrivent pas comme on pourrait le croire d’une seule étape dupays de Mvogh Etangha, leur migration se fait par étapes successives et neressemble en rien aux invasions des Huns d’Attila, des Sarrazins des Normands et àcelles déjà plus récentes des Hongrois en Lorraine ou des Turcs dans les Balkans.Les séjours des Pahouins sont plus ou moins longs, suivant les richesses des paystraversés. Ils partent par groupes de plusieurs familles, ils emportent des provisionsde farine de manioc, de maïs, de patates d’ignames (etc.). Puis quand les provisionsvont manquer, on s’installe dans un endroit favorable, on construit un village facileà défendre, on déblaie un terrain et les femmes cultivent la part qui revient àchacune d’elles. A proximité de la côte, alors qu’il leur est très difficile d’entrer enrelations commerciales avec les gens qu’ils ont acculés à la mer, ils envoient uneavant-garde composée de quelques couples. C’est le procédé de l’infiltration. Ceséclaireurs s’établissent dans un village autochtone, ils obtiennent bientôt lasupériorité numérique et chassent enfin ceux qui leur ont donné l’hospitalité. Lesvillages ainsi conquis servent par la suite de débouchés pour le commerce de toutela tribu avec les Européens de la côte ”.

Ainsi, après Neu en 1887, réapparaissent les Foulbé, branche orientale desPeuls, pasteurs dispersés depuis le Sénégal vers le Cameroun sous la pulsion dechefs puissants, dont le célèbre Ousman dan Fodio a conduit une glorieuseconquête au XVIIIe siècle vers l’Est qui a bousculé bon nombre de populationslocales.

L’expansion coloniale vers le nord du Gabon - Congo permet en effet deconnaître un peu mieux les populations situées à la périphérie des territoiresconquis et de les associer à l’histoire régionale. Cholet, administrateur de la Sanghaécrit en 1896 :

“ Les Ndéré habitent les plaines herbeuses qui remplacent la forêt au-delà duparallèle 4° de latitude nord. Mes voyages antérieurs dans l’Oubangui m’avaientdéjà familiarisé avec ces N’dérés venus du Nord-Est, et connus des indigènesriverains des fleuves, sous le nom de N’Dry, qu’ils appliquent indistinctement àtous les gens de l’intérieur, parce que cette interjection (n’dry-n’dry) revientfréquemment dans leur conversation. Leurs diverses tribus s’étendent en latitudedepuis le 8° jusqu’au 4° nord, et en longitude sur l’espace considérable, compris àpartir du 12° de longitude est, jusqu’à la ligne de partage des eaux entre le Nil et leCongo. Il n’y a guère plus de quarante ans qu’ils sont venus dans la régioncomprise entre la Mambéré et la Kadéï, suivant les lignes de faîte depuis la rivièreOuham, où ils placent le berceau de leur race.

Page 286: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ Tant que les Yanghérés, un clan des N’Dérés, venus des hautes plaines,n’eurent à vaincre d’autres obstacle que la résistance des aborigènes Bakotas etM’fangs, ils poussèrent droit au Sud-Ouest en suivant le cours de la Batouri, où ilss’établirent, arrêtés par la forêt et par le cours profond et rapide de la Kadéï, à peude distance en amont de Nola, laissant à l’Est, sur les bords de la Mambéré, lesdébris de la tribu Bakota des Goundis. Maîtres des régions découvertes, fertiles,giboyeuses, saines, où la noix de kola et le gibier sont abondants, les rouges, c’est-à-dire les N’Dérés, qui ont la peau rouge sombre, en exclurent peu à peu lesBakotas, navigateurs et commerçants qui se fixèrent dans les îles, à l’abri desvexations des envahisseurs. C’est pour ce motif que ces bannis se désignent sous lenom de Pandés sur la Mambéré ou Ya-pana dans la Kadéï, qui signifie littéralementgens des îles (Pana=île). Les M’fangs Makina, leurs voisins de l’Ouest, se retirèrentà l’abri des forêts, et dans les marécages qui avoisinent la rivière N’Goko, où ilssont connus sous le nom de Dzem ou de N’Djimous. Il n’est pas douteux que lapoussée des N’Dérés n’ait hâté la marche vers l’Ouest des tribus pahouïnes, quiatteignent aujourd’hui la mer après s’être substituées aux races septentrionales duCongo français. Il y a trente ans l’existence des Pahouïns était presque autantdiscutée que celles des gorilles, leurs voisins de brousse ” ( 1131 ).

La poussée occidentale des Foulbé ou la poussée orientale des Yanghere sontdeux hypothèses qui s’offrent maintenant pour expliquer la descente des Fang dansla forêt que symbolise l’épisode de l’Adzap géant. La “ rougeur ” des deux groupesne parvient pas à trancher. En attendant d’éclaircir ce mystère, les auteursreprennent à leur compte cette proche période et tentent de remonter aux originesdu mouvement fang.

Page 287: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 82 : L’Afrique Equatoriale (Cureau, 1912).

Francs - Franc

Page 288: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Remonter toujours plus loin l’histoire des Fang semble donc être l’âpre volontédes auteurs malgré les connaissances pour le moins parcellaires sur le sujet.Certains, loin de discuter ou de démonter les mystifications antérieures, osent denouvelles théories passionnées. Ainsi, après l’hypothèse de Fang descendants destribus nilotiques, Louis Franc donne la version la plus audacieuse de l’époque, ensuggérant une origine franque aux Fang. Dans un texte court et rare, qui mérited’être repris dans son intégralité, il rassemble la plupart des poncifs exprimés surles Fang et donne une idée d’une certaine mentalité scientifique qui prévaut à sonépoque :

De l’origine des Pahouins, essai de résolution de ce problème ethnologique,Paris, Maloine, 1905.

“ Le but de ce travail est de montrer qu’il est possible d’assigner une origineeuropéenne à la nation si mystérieuse des Fâns (Ba-Fân) ou Pahouins.

“ Il est facile de remarquer les nombreuses et frappantes ressemblances quiexistent entre ce peuple encore sauvage de l’Afrique et la race germanique àl’époque des Grandes Invasions.

“ Or, nous connaissons le fait initial qui a jeté une fraction de cette race sur leContinent Noir, et il est curieux de voir comment, après de longs siècles, elle a pu,parmi les peuples qui lui ressemblent si peu, garder son caractère propre, adaptépourtant au milieu dans lequel elle évolue.

“ 1] - L’historien grec Zozime rapporte, qu’en l’année 254, une bande de Francstraversa toute la Gaule, franchit les Pyrénées, pilla l’Espagne pendant douze ans,détruisit presque Tarragone, puis alla se perdre en Afrique (1) (2).

“ Il est peu probable que, dans l’état où elles se trouvaient alors, les peupladesdu nord de l’Afrique aient réussi à détruire ce fragment de peuple qui avait faitpreuve d’une si grande vitalité.

“ Il dût pénétrer plus en avant dans l’intérieur du Continent.

“ A l’appui de cette assertion, on peut remarquer qu’un village de l’Oasisd’Ouargla, fort ancien puisqu’il a joué un rôle important dans l’histoire du schismemusulman, porte le nom bien caractéristique de Fran ou Feran.

“ Environ mille cinq cents ans plus tard, à une trentaine de degrés au Sud,s’avance, vers la côte de l’Atlantique, un peuple présentant, comme on va le voir,une curieuse analogie avec celui dont je viens de parler.

Page 289: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ A l’instar des guerriers germains, il s’intitule “ Fân ”, ce qui dans sa languesignifie “ Homme ” avec tout ce que les peuples du Nord voyaient de beau et demâle dans ce titre (vir des latins).

“ Il est facile de remarquer que l’allongement de la voyelle initiale â indique ladisparition d’une consonne voisine, sans doute l’r, si difficile à prononcer par laplupart des nègres*. 1132

“ On a dit avec raison que le peuple Fân n’appartient pas à la race nègre, dont iln’a ni la couleur, ni les traits, ni les cheveux (3).

“ Richard Burton, qui les a visités au-dessus du Gabon, a même pu écrire :

“ Beaucoup d’entre eux, s’ils étaient tout à fait blancs, pourraient passer pourdes Européens (4). ”

“ Il est aisé, en effet, de noter les nombreux points de ressemblance qu’ils ontavec les peuples de l’Europe et la race germanique en particulier.

“ De haute taille et bien musclés, ils ont les jambes fortes, le pied petit et arqué,qui en cela diffère tant du pied des nègres en général.

“ La face est longue, le front large et saillant, le nez souvent droit, l’œil bienfendu et vif.

“ Comme leurs homonymes, beaucoup sont dolichocéphales.

“ Leurs cheveux * 1133 ne sont ni crépus, ni laineux (5).

“ Dans beaucoup de tribus, la moustache en crocs des Germains s’esttransformée en deux crocs de barbe tombant raides sous le menton.

“ Au point de vue mental, le rapprochement est tout aussi frappant.

“ C’est avant tout une race guerrière, peu attachée au sol, comme elle l’a bienmontré lors de l’exode des travailleurs libres.

“ Le temps n’est rien pour eux ; l’insouciance dans la vie et le mépris de la mortsont communs aux deux peuples.

“ La chasteté relative des Pahouins, au milieu des populations noires qui lesentourent, est aussi à noter (6) (7), de même que la similitude de leurs vices et deleurs défauts, parmi lesquels la perfidie domine.

“ La condition de la femme est la même que dans l’ancienne Germanie où lapolygamie était permise aux chefs.

Page 290: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ L’esclavage, si généralement répandu en Afrique, est si peu dans leurs mœurs,qu’on ne trouve seulement pas, dans leur langue, un mot pour le désigner.

“ Cette langue qui ne ressemble à aucune autre de la contrée qu’ils occupent, estdure et très gutturale. Or, parmi le peu de mots qu’on en connaît, il est à noter, parexemple, que le mot “ oui ” dans l’intérieur se prononce comme le “ ia ” desAllemands.

“ La religion des Fâns est d’une étude assez difficile, entourée comme elle estde pratiques fétichistes, mais, parmi les divinités, on en trouve une qui correspond àla Diane Chasseresse, “ Holda ”, des Germains.

“ A propos de leurs armes, les rapprochements curieux ne manquent pas * 1134

“ C’est d’abord une sorte de couteau allongé qui prend souvent les proportionsd’une véritable épée et qu’ils suspendent à leur côté dans un fourreau.

“ Ils excellent à manier les javelines, dont un type ressemble étonnamment à laframée.

“ Enfin, on trouve exclusivement, dans la région qu’ils occupent ou dans cellesqu’ils ont dû occuper, une arme très singulière qui peut avoir son origine dans lafrancisque des Germains.

“ C’est une espèce de hache à plusieurs tranchants qu’ils jettent adroitement envisant à la tête leur ennemi.

“ Enfin, l’organisation sociale est identique.

“ Basée sur la liberté individuelle, il est très curieux de retrouver dans leurpays, d’après les dires de presque tous les voyageurs, des Confédérations de tribus,de même qu’il en existait autrefois sur les bords du Rhin.

“ 2 ] - De si nombreux points de ressemblance sont vraiment intéressants àconstater, et la coutume du cannibalisme, qui n’a pas sa raison d’être dans unecontrée aussi fertile que celle occupée actuellement par les Pahouins, serait ainsiexpliquée.

“ Elle aurait été contractée dans les régions désolées qu’ils ont dû traverserjadis, comme le montre l’orientation générale de leur migration et où elle existaitdès la plus haute antiquité.

“ Une telle concordance de faits permet d’affirmer qu’il y a une parenté réelleentre les Germains et les Fâns. ”

Page 291: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Index bibliographique

(1) Michelet. - Histoire de France (1er vol.). Appendice 78.

“ En 254, sous Gallien, les Francs avaient envahi la Gaule et percé à traversl’Espagne jusqu’en Mauritanie (Zozime, liv. Ier, p. 646). ”

(2) Duruy. - Histoire de la France, de 395 à 1270, (p. 53).

“ En 256, une bande de Francs traversa toute la Gaule, franchit les Pyrénées,pilla l’Espagne pendant douze ans, puis alla se perdre en Afrique. ”

(3) Vivien de Saint-Martin. - Dictionnaire de Géographie Universelle.

(4) Burton. - A day amongst the Fâns. Anthropological Review, 1863 (p. 52).

“ The features also were sub-african, many if whitened might pass forEuropeans. ”

(5) Burton. - Même ouvrage, p. 45.

“ The hair is not crisply-woolly like that of the Coast tribes. In some women itfalls below the neck nape and the texture is of a superior order. ”

(6) Burton. - Même ouvrage, p. 52.

“ Chastity is still known amongst them. The marriage tie has somesignificance. ”

(7) Du Chaillu. - Voyages dans l’Afrique Equatoriale (p. 163).

“ Il paraît qu’ils ne marient jamais leurs filles avant qu’elles n’aient atteintl’âge de puberté et qu’ils veillent avec soin sur leur chasteté, au rebours de laplupart des tribus. ”

Supplément

“ L’hypothèse qui fait l’objet de ce travail, semble, au premier abord,paradoxale ; mais l’ethnologie africaine nous montre maints exemples de peuplesqui sont ainsi venus de fort loin se fusionner avec les populations autochtones.

Page 292: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ Les Berbères dont les nombreuses tribus peuplent l’Afrique du Nord jusquedans la vallée du Nil, sont originaires de l’Inde.

“ Les Cafres, pourtant de si beaux noirs, se rattachent aux Arabes par leurorigine sémitique.

“ Les Hovas de Madagascar sont venus de Malaisie.

“ Comme le disait un voyageur célèbre, on ne doit, dans l’ethnologie africaine,négliger aucun des rapprochements qui peuvent être des lumières.

“ Or, dans ce travail, c’est tout un faisceau de caractères que l’on compare pouren dégager une originalité ethnique absolument identique chez les deux peuples.

“ On a pu objecter que les Fans ont beaucoup de ressemblances avec leursvoisins les Monbuttus et d’autres tribus de l’Afrique Centrale*, mais on ne peutsupposer, en admettant ma théorie, qu’un mélange, même intime, ne se soit pointproduit avec les populations autochtones.

“ Le fait, du reste, est signalé actuellement par les voyageurs. La race tend deplus en plus à se rapprocher du type nègre, par les unions contractées avec les tribussubjuguées **.

“ De plus, on retrouve chez les Fâns des caractères ethnologiques quipermettent de les rapprocher des tribus habitant la vallée moyenne du Nil. Or, c’estde cette direction (Nord-Est) qu’ils viennent et on peut remarquer vers cette régionquelques noms géographiques ayant ces consonances germaniques. Ce serait peutêtre à cet endroit que leur langue aurait perdu sa forme, en conservant le mêmecaractère.

“ Il n’est pas possible d’objecter que le désert ait pu arrêter la marche en avantdes guerriers germains. Il est avéré que le Sahara n’a jamais été un obstacle pour lesinvasions. L’histoire l’a maintes fois prouvé et il est aisé de constater la parentéintime qui unit les populations de ses bords opposés.

“ De plus, une preuve que dans leur évolution transhumante les Fâns onttraversé de grands espaces privés d’eau, c’est qu’ils ont une horreur instinctive decet élément.

“ On pourra objecter que les Vandales ont trouvé leur tombeau dans l’Afriquedu Nord ; mais il suffit de lire Procope pour voir qu’ils n’ont pas survécu enAfrique, ayant à lutter eux, barbares, contre les troupes organisées et bien mieuxarmées. Les guerriers furent presque tous tués et leurs femmes, vers l’an 500, furentexpulsés par Salomon.

Page 293: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ On ne saurait donc comparer deux faits historiques ayant, selon touteapparence, donné des résultats différents.

“ L’anéantissement des Francs, dont parle Zozime, étant une chose tout à faitproblématique, on ne doit point chercher à écarter, sans raison, une hypothèse quitend à éclairer l’ethnologie du centre de l’Afrique encore si mal connue.

* NOTA. - Hartmann ne fait pas rentrer dans le groupe des Nigritiensproprement dits, les Monbuttus ni les Fâns, bien que, dit-il, ils semblent retenirquelque chose de chacun des trois groupes qui forment la division de l’Afrique.

** NOTA. - Pour mieux montrer jusqu’à quel point la race a pu se transformertout en gardant son caractère, supposons qu’il y a quelques siècles, un peuple nègrebelliqueux se soit jeté sur l’Europe. Evidemment, il serait possible de retrouverchez ces populations issues de ce mélange les caractères ancestraux, mais elles n’enseraient pas moins noyées dans les populations blanches ”.

Le texte se passe de commentaire.

Bahr-el-Ghazal - Trilles

En même temps que Largeau, le Père Henri Trilles se penche sur les légendeset les mythes, et vient conforter l’hypothèse d’une origine orientale des Fang.Affecté au Gabon le 15 août 1893, ce missionnaire spiritain est d’abord nommé àLambaréné. L’année suivante, il est chargé du ministère extérieur chez les Fangdans l’Estuaire. Il les visite régulièrement au cours de tournées qui l’amènent parles rivières, de Libreville à Ntoum et Donguila. Sa bonne connaissance du paysFang l’amène à participer en 1900 avec Lesieur, à la mission commerciale dereconnaissance jusqu’au Dja, avant de partir fonder une mission dans l’Abanga. Seslongs séjours auprès des Fang, lui permettent d’apprendre la langue, de recueillirles traditions, les coutumes, les contes, légendes, devinettes, pour constituer la plusriche des compilations de littérature orale Fang qu’il publie régulièrement lors deses séjours en France. Cependant, malgré une connaissance approfondie des Fang

Page 294: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

et un attachement évident aux populations gabonaises, il ne peut s’extraire ni ducontexte colonial de l’époque ni de sa mission évangélisatrice ( 1135 ).

A la suite de sa mission au Nord-Gabon et de la pénétration allemande auCameroun, Trilles n’hésite pas à réunir sous le terme fang tous les groupes qui leursont apparentés du point de vue linguistique et à avancer le chiffre de plus de dixmillions pour l’ensemble, dépassant ainsi toutes les estimations précédentes ( 1136 ).

Quant aux légendes qu’il rapporte, elles sont souvent la transposition exotiquedes mythes bibliques qu’il enseigne à ses ouailles, ce qui en réduitconsidérablement la valeur historique. Il n’est qu’à voir la présence d’une Trinitédans la cosmogonie fang :

“ A l’origine des choses, tout à l’origine, quand rien n’existait, ni homme, nibêtes, ni plantes, ni ciel, ni terre, rien, rien, rien, Dieu était. Dieu était, il était Un etil était Trois. Comment cela peut-il se faire ? Je n’en sais rien, mon père ne me l’apas appris, il l’avait entendu dire ainsi. Ce Dieu Un, nous l’appelons Nzame, et lesTrois qui sont Nzame et ne font qu’un seul Nzame, nous les appelons Nzame,Mébère et Nkwa ” ( 1137 ).

Il introduit de nouvelles légendes, celle d’Ombure, puissant crocodile mangeurd’hommes que les Fang devaient nourrir en chair humaine et qu’ils ont fini par fuir,et celle du frère cadet qui rappelle Neu et Largeau : Nzame, l’ordonnateur de toutechose avait deux fils entre lesquels il partagea la richesse du monde, la coutumevoulant que l’aîné hérite des plus belles choses. Mais l’aîné est défait par son cadetqui lui dérobe les richesses et fuit vers l’ouest ( 1138 ). Ainsi la légende explique-t-elle la migration fang et la distinction entre populations côtières, pourvoyeuses desrichesses européennes (biôm), et les Fang, aînés dépossédés, qui ont entrepris deretrouver leurs droits.

Trilles exploite ce concept de Nzame à des fins politiques. L’appartenance desFang au groupe Bantou semble acquise, mais il défend leur supériorité sur lesautres Noirs :

“ Cette idée de ’Créateur’ est extrêmement remarquable et assez rare chez lespeuples Bantou. J’ai interrogé plus de cent chefs de tribus : Nza a nga bo mammèsèsè ? Qui a créé toutes choses ? Sans hésiter, on répondait toujours : Nzame !Et où est-il ? - E yô ! En haut ! ” ( 1139 ).

Page 295: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Il retient également la présence d’une monnaie fang, les Biki, pour souligner lasupériorité des Fang sur les autres peuples de la région ( 1140 ).

Trilles propose d’expliquer cette supériorité par une origine noble, acquise,sinon au sein, du moins au contact d’une civilisation prestigieuse d’où l’idée d’uneorigine nilotique des Fang ( 1141 ). Sans se heurter aux propositions de Schweinfurth,Trilles évoque la région soudanaise du Bahr-el-Ghazal pour situer le pays Fang. Ilbase ses conclusions sur le récit qu’il a collecté en 1894 auprès d’un informateurBetsi dans la Tsini, au nord de la région de l’Estuaire :

“ Il y a longtemps, bien longtemps déjà, mon peuple habitait dans les valléesfertiles où les bananiers poussaient en abondance. Nous n’avions à cette époque nimanioc ni maïs, cela est venu bien plus tard ; mais beaucoup d’autres choses trèsbonnes à manger les remplaçaient. Nous n’avions ni poudre ni fusils, mais des arcset des armes que nous forgions nous-mêmes.

“ Un peuple très méchant vint nous attaquer ; les Bemvu étaient plus nombreuxet plus forts que nous, et ceux qui étaient pris étaient mangés.

“ Et alors nous sommes partis. Pendant treize lunes, nous avons marché, marchésans relâche. Et sur le chemin beaucoup d’hommes, beaucoup de femmes,beaucoup d’enfants se sont couchés. Et d’eux l’on disait : c’est fini.

“ Nous étions arrivés dans un pays de montagnes très grandes, très grandes. Ilnous fallait monter, monter toujours, les pierres aiguës nous coupaient les pieds et,pour la première fois, nous vîmes l’eau devenir dure comme les pierres, on laprenait entre les mains et si on la mettait dans sa bouche, elle brûlait la langue etredevenait liquide.

“ […] Puis on redescendit dans des vallées profondes et là nos chasseurs tuaientdes bœufs sauvages qui y vivaient en grandes troupes. C’était un temps heureux !Tous les jours, il y avait de la viande à manger, et beaucoup ; les marmites étaientpleines, et nos paniers garnis de bons morceaux séchés au soleil.

“ Cela se passait du temps de mon grand-père, et alors les guerriers étaientheureux ! […]

“ Dans ces heureuses vallées, […] les Fang demeurèrent longtemps et mongrand-père y mourut. Mais comme sans cesse le nombre des enfants croissait etqu’en même temps la viande diminuait, la faim de nouveau régnait dans les huttes.

“ Longtemps auparavant, une partie de nos frères, ceux qui étaient en avant denous, étaient partis vers les pays du sud.

Page 296: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ Chassés à leur tour par des peuples méchants, nos frères de l’intérieur de laforêt commençaient à arriver dans nos vallées ; mais ils étaient devenus mauvais etils nous faisaient la guerre.

“ Il nous fallut donc repartir : j’étais bien jeune alors et mon père me portaitencore sur ses épaules. Nous marchâmes longtemps, longtemps, le long d’unegrande rivière que l’on appelait Bah […]

“ Et plus nous marchions, plus la rivière devenait forte ; elle coulait à notredroite et avec elle peu à peu nous remontions vers le nord.

“ Toutes les autres rivières que nous trouvions venaient se jeter dans la grandeet leur source était vers le Sud.

“ Souvent, il nous était bien difficile de les franchir, et cet obstacle nous arrêtaitlongtemps. Dans le beau pays que nos ancêtres avaient quitté, les Fang n’avaientpas de grandes rivières et ils ne connaissaient pas les canots comme aux jours demaintenant.

“ Les peuples dont nous traversions les terres étaient toujours fort méchant : ilsnous faisaient la guerre et beaucoup d’entre nous mouraient. Les petits hommes dela brousse surtout, ceux que nous appelons maintenant Békû, nous poursuivaientavec acharnement, cachés dans la forêt […]

“ Après onze lunes de voyage, nous fûmes arrêtés par une rivière qui venait dusud ; elle marchait très vite, très vite ; devant nous, il y avait beaucoup d’eau, degrandes plaines, le gibier était abondant.

“ A la saison des pluies surtout, l’eau montait haut, et cet endroit-là, nousl’avons appelé Tem. Tout autour des marais, les cases furent bâties, village parvillage ; les bananiers donnaient une récolte abondante et dans toutes les huttes,vous auriez trouvé de grands paniers remplis de poissons secs et de morceaux deviande.

“ En un jour funeste, nous vîmes apparaître des hommes, montés sur d’étrangesanimaux à quatre pattes, avec qui ils ne semblaient faire qu’un. Ces animaux-là,vous les avez retrouvés à la côte, mes enfants, et vous les connaissez maintenant.C’étaient des chevaux. Mais nous, alors, nous ne les connaissions pas.

“ Et ces hommes attaquèrent nos guerriers. Pour se défendre, ceux-ci n’avaitque leurs boucliers en peau d’éléphant, leurs couteaux et leurs sagaies. Les autresétaient garnis de fer, leurs habits étaient de fer et leurs lances étaient longues.Beaucoup des nôtres périrent.

“ Nos chefs décidèrent alors d’abandonner cet endroit mauvais et, en hâte, notretribu redescendit vers le Sud. A notre droite, se dressaient de hautes montagnes.

Page 297: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Mais les vieux se rappelaient les misères que jadis ils avaient endurées dans lesrochers et ils nous détournèrent de ce chemin.

“ A partir de ce temps, toujours, nous marchâmes vers le sud : souvent, l’ondécidait de s’arrêter pour bâtir un nouveau village : mais derrière nous venaientsans cesse d’autres tribus et, sous peine de mourir de faim, il nous fallait bien vitereprendre la marche en avant.

“ Tous les Fang se réunirent enfin dans un endroit nommé Ekumaza et c’est làqu’eut lieu la dernière séparation. En ce lieu, deux grandes rivières viennent seréunir ; c’est au point de jonction qu’eut lieu la dernière palabre. On y décida de seséparer complètement. Les uns (ce sont aujourd’hui nos frères les Fang) partirent àdroite, le long d’une grande rivière qui s’en allait de ce côté vers la mer et que nousavions appelé Dzong. Les autres (c’étaient les Méké) continuèrent à descendre versle sud, le long d’une rivière nommée Dzah, et nous autres enfin, les Bétsi, nousprîmes au milieu, descendant vers l’ouest.

“ Nous fûmes d’abord arrêtés par une grande montagne et tout en haut, tout enhaut, il nous fallut passer par un étroit défilé entre deux grosses pierres. Là vivaientdes bœufs sauvages et nous en avons tué. Il y avait aussi beaucoup de groséléphants, et, à cause de cela, nous avons appelé la montagne Ekumanzork (le pèreEléphant).

“ Puis nous avons suivi les rivières qui s’en allaient vers l’ouest et c’est ainsique, de nos tribus, les unes descendirent la Wôm, les autres le Komm, et nous, leNtèm, puis la Noya, puis l’Ebè, et enfin cette rivière Tsini où nous sommesmaintenant établis près des blancs, heureux, non loin de la mer et en paix pourlongtemps, je l’espère du moins ”. ( 1142 ).

Le rapprochement avec le Bahr-el-Ghazal repose sur la proximité phonétiqueentre les méchants Bemvou et les Momvou du haut-Arouvimi, affluent de la rivedroite du Congo ( 1143 ). L’indice est donc très faible, mais Trilles l’étaie avec lerapprochement entre Ouellé et Wélé (Woleu), la présence de reliefs, “ les chaînesde Manga et de Marfa, hautes arêtes côtières qui séparent le bassin du Nil de celuidu Niger ”. Quant au Tem, dans lequel certains croient voir le lac Tchad, Trilles luipréfère “ les marais de Toubouri ”, peuplé des Baghirmi, peuple “ qui monte àcheval et lutte bardé de fer, cuirasse au corps, heaume en tête, rappelant par cettecotte de mailles à chaînes entrelacées et par tout son attirail guerrier nos preuxchevaliers du Moyen Age ”. Enfin, il place Ekumaza “ très probablement sur lahaute-Sanaga, au-dessus des rapides de la Lipa ”.

Page 298: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Itinéraire - Avelot (1905)

Trilles est immédiatement suivi par Avelot qui exploite à son tour les plusmaigres indices pour reconstituer l’itinéraire des Fang. Lieutenant d’infanterie auGabon, Avelot se pique d’intérêt pour l’histoire des différents peuples du Gabon etdu Congo. Il réalise la synthèse des légendes collectées par Fleuriot, Largeau etTrilles en apportant quelques précisions.

Le pays de Yên Dzogh évoqué par Largeau serait la “ vallée des éléphants ”.L’Ayéna serait l’Aïna, nom du cours supérieur de l’Ivindo et la rivière Dzam-a-nên serait le Dja qui se jette en réalité dans la Sangha, et signale, reprenant Trilles,que “ les Fan Dzima qui l’habitent encore sont persuadés en effet que ses eaux vontà l’Ivindo ”. Une fois encore, l’avancée coloniale vers le nord du Gabon-Congo etune meilleure connaissance géographique permettent à Avelot d’identifier dans leslégendes quelques sites repérables :

Page 299: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 83 : Migrations Fang d’après Avelot (Avelot, 1905, planche II).

“ Les Pahouins ont pourtant laissé sur leur route des îlots-témoins, les Bendzi(ceux qui mangent), sur l’Ouellé et les Doualla dans la Haute-Sangha ; ces derniersont vraisemblablement quelque rapport avec la terre de Ndoua dont parle Fleuriotde Langle. Le point Ekoumaza où a eu lieu la grande séparation est connu : il est

Page 300: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

situé près du confluent de la Kadéï et de la Batouri (Haute-Sangha), non loin duterritoire des Fan-Dzem, Dzima ou Dzimou, les Mvôgh-Etangha de M. Largeau, àla poignée de l’éventail formé par les trois itinéraires divergents :

“ A droite, le Dzong ou Nyong, qui traverse la colonie du Kameroun de l’Est àl’Ouest ;

“ A gauche, le Dzoh ou Dzah, affluent de la Sangha, le Dzam-a-nên deLargeau ; “ Au centre, la Womm (Benito), la Komm et le Ntem (branches originesdu Campo), la Noya (Mouni) et l’Ebé (affluent de la Mondah).

“ Quant à la l’Ekoumanzork, il a été retrouvé par Crampel près du Dzah et revudernièrement par le R. P. Trilles ” ( 1144 ).

Avelot conclut :

“ Leur pays d’origine serait proche des plateaux séparant le Bahr-el-Gazal duhaut Ouellé; ils furent chassés dans le courant du XVIII° siècle par les Bemvou,dont les descendants peuplent encore le Haut-Arouhimi; leur exode vers l’estaboutit à Koumaza, au confluent de la Kadeï et de la Batouri (Haute- Sangha), et delà ils envahirent toute la partie nord de notre colonie, les Osyeba, ou Fan Makeï ouMakina formant partout l’avant-garde, les Fan Bedzi ou Mazouna les suivant,poussées à leur tour par les Fan Dzem ou Dzimou ” ( 1145 ).

Bantou Supérieurs : Cottes - Poutrin

Tandis qu’Avelot publie son premier article sur les Fang, la Mission Cottes dedélimitation des frontières entre le Gabon-Congo et le Cameroun commence. Outrela reconnaissance topographique, elle se double d’une enquête ethnographique etanthropométrique que mène le Docteur Poutrin sur les populations rencontrées. Lesrésultats sont repris dans l’ouvrage de Cottes.

Page 301: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Les diverses reconnaissances qu’il fait dans le Haut-Ntem, permettent à Cottesde bien comprendre le processus d’installation des Fang à la côte et la poussée desvillages intérieurs :

“ Dans la région du Haut-Ntem et jusqu’à Andoum, sur le Woleu, les indigènes,qui sont restés en contact fréquents avec des agents européens des diverses maisonsdu nord du Gabon, sont sociables et doux. Quand les Pahouins nouvellement établisdans les villages riverains des estuaires du Mouni, du Benito et du Campo entrèrenten relation avec les commerçants de la côte, ceux de l’intérieur, attirés par l’appâtdu gain et surtout par la facilité avec laquelle ils pouvaient se procurer des armes,de la poudre, des étoffes, des perles en échange du caoutchouc et de l’ivoire, semirent de proche en proche en rapport avec leurs voisins de l’Ouest.

“ Pendant quelques années, ces derniers leur servirent d’intermédiaires, puis ilsdevinrent de plus en plus exigeant, ne voulant céder les précieuses armes achetéesaux Européens que contre des stocks considérables de caoutchouc et d’ivoire. Alorsquelques tribus se réunirent, il y eut des discussions, des palabres interminables, etelles décidèrent enfin, d’un commun accord, de se lancer dans l’inconnu, vers cesparadis de la côte, où, pour quelques charges de caoutchouc et quelques défenses,on pouvait acquérir tant de choses utiles et précieuses. A la saison sèche, chaqueannée, des caravanes s’organisaient, comprenant des membres de la même tribu oude tribus amies. Tous les gens valides, hommes et femmes, se dirigeaient vers lesoleil couchant, laissant au village les vieillards, les malades, les estropiés et lesfemmes ayant un nourrisson, sous la garde de quelques guerriers. Les vieuxPahouins des villages du Woreu et de l’Abia ont encore gardé le souvenir de ceslongs voyages, et c’est avec un luxe de détails extraordinaires que le chef desEsseng nous faisait le récit de ces équipées “ vers le pays des Blancs, près de lagrande eau salée ”. Les caravanes rencontraient constamment, tout le long de laroute, des difficultés énormes. Leurs congénères, pour lesquels ils étaient unegrosse source de bénéfices, s’opposaient à leur passage par tous les moyenspossibles, pillant leur convoi, s’emparant des femmes, et livrant à chaque nouveauvillage des combats souvent meurtriers. Cependant, quelques caravanes très forteset bien armées réussirent à passer, moyennant de grosses rançons, après avoiressuyé le feu de quelques pillards, et nombreux sont ceux qui ne revirent jamaisleur village et qui furent tués ou gardés en captivité dans une tribu ennemie ”. ( 1146 )

Les responsables de la mission estiment à deux ou trois millions d’individus legroupe Fang. Il s’étendrait vers la Sangha dont les populations, les Sangha-Sanghaou Missangha, les Dzem ou Dzimou sont parentes : “ ils [en] ont absolument lescaractères physiques et sociaux et […] ils ne diffèrent que par quelques coutumesou usages datant de la séparation des différents éléments du groupe primitif […] Il

Page 302: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

est absolument impossible, dans l’état actuel de nos connaissancesethnographiques et linguistiques, de déterminer d’une façon absolue la région oùcette fusion a pu s’opérer, ni l’époque à laquelle elle s’est faite, néanmoins laplupart des anthropologistes qui ont étudié cette question s’accordent à dire que leberceau de la race mfang serait un vaste territoire compris entre les sources duNil, de l’Oubangui et du Congo ” ( 1147 ).

D’après Poutrin, les statistiques anthropométriques montrent des taux élevés debrachycéphalie chez les Fang alors que les populations gabonaises seraient plutôtdolichocéphales. S’appuyant sur ces résultats, Cottes revient sur l’identité bantu desFang et défend leur supériorité sur les populations gabonaises :

“ Les Bantous seraient des métis nés de l’union des Négrilles pygmées, nains àpeau claire qui habitaient autrefois la forêt du centre africain, avec les Ethiopiens aunord et les Hottentots- Boschimans au sud.

“ Les rejetons nés des Négrilles primitifs et des Ethiopiens forment un groupetout à fait différents des Bantous beaucoup plus nombreux provenant du croisementdes Négrilles avec les Hottentots - Boschimans. La distinction ne réside passeulement dans les caractères anthropologiques proprement dits, quoique lespremiers soient d’une taille bien plus élevée et d’une coloration plus claire; elle semanifeste encore aux points de vue linguistique, psychique et social.

“ Le domaine des Bantous peut être assez nettement déterminé. Il comprend unquadrilatère limité au nord par le parallèle 5° nord, au sud, par 3° sud, à l’est, par lemoyen Congo, les affluents du moyen Oubanghi (rive droite), à l’ouest par l’océan.

“ Les principales peuplades Bantoues ou supposées telles, appartenant aupremier groupe, que nous avons rencontrées dans ce quadrilatère sont, en allant del’est à l’ouest: les Bomassa et les Sangha-Sangha de la moyenne Sangha et duN’Goko, les Dzem ou Dzimou, les Dzem-Dzem du N’Goko et de l’Ivindo ( rivegauche), enfin les Mfang (ou Pahouins) dont les groupements les plus importantssont les Yaoundé et les Boulé du Cameroun, les Ntoum, les Waÿ, les Mazouna, lesMakina, les Mavouna, les Ossyéba du Congo français.

“ Les Bantous du deuxième groupe, métis des Négrilles primitifs et desHottentots-Boschimans, disséminés sur la plus grande partie du territoire del’Afrique centrale et australe, n’habitant pas les pays qui nous intéressent, nous enciterons simplement les principaux groupements et les régions où ils sont fixés.

Page 303: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ 1° au Cameroun, les Djouala, les Ba-Tanga, les Goumba, les Mabea, lesSubu;

“ 2° Au Gabon et dans la Guinée espagnole, les Mpong (ou Gabonais), lesBoulou ou Séké, les Combé, les Loango.

“ Toutes ces populations du Cameroun, du Gabon et de la Guinée espagnolevivaient jadis dans l’Hinterland de l’Ouest Africain; elles ont été refoulées vers lacôte et les estuaires des grands fleuves, où elles se sont fixées depuis l’occupationeuropéenne, par les invasions successives des hordes pahouines venant de l’AfriqueOrientale ( 1148 ).

Cottes revient ensuite sur l’histoire récente en rapportant le témoignage deChoko, vieux chef d’Ouesso :

“ Il y a environ trois générations, les Sangha-Sangha habitaient une régionmontagneuse et n’avaient jamais “ vu l’eau ”, c’est-à-dire n’avaient jamais naviguésur les fleuves. Ils vivaient ainsi bien tranquilles depuis de nombreuses années,quand les Goundis, race venue de l’est, leur firent la guerre. Fuyant devant leursennemis, ils traversèrent deux grandes rivières, descendirent la Sangha et, pour semettre en sûreté, ils s’établirent dans les nombreuses îles de ce fleuve, d’où leurnom de Sangha-Sangha (île insulaire).

“ Après quelques années passées dans ces îles, leurs ennemis semblant les avoiroubliés, ils vinrent s’établir sur les rives de la Sangha, aux environs de Bomassa,Ikélemba, Ouesso.

“ Alors survinrent les Dzimou, peuplade guerrière venue de la montagne Guikau nord-est de Ndongo, dont le chef s’appelait Gogothuro. Cette peuplade fuyaitdevant une puissante tribu, probablement les Bombassa, dont le chef, qui s’appelaitLiboum, fit une guerre acharnée aux Sangha-Sangha jusqu’au jour où les blancsarrivèrent pour mettre fin à ces luttes. Les Dzem occupaient encore il y a vint ans lepays boulé, c’est-à-dire la région montagneuse traversée par l’Aïna, au moment oùson cours ouest-est change brusquement de direction pour couler vers le sud. Ilsétaient en bonne intelligence avec les Pahouins et faisaient avec eux des échangescommerciaux, quand survint une époque où ces derniers, ayant acheté à la côte,directement ou par des intermédiaires, des fusils et de la poudre en quantité,déclarèrent la guerre aux Dzem, qui n’eurent d’autre ressource que la fuite loin deleurs ennemis vers les affluents de gauche du moyen Aïna.

Page 304: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ En somme, les grandes familles mfang (Sangha-Sangha, Dzem, Dzimou,Dzem-Dzem) n’ont renoncé à leur marche envahissante vers l’ouest, derrière lesMfang proprement dits, que parce que ces derniers, les plus avancés parmi lesenvahisseurs, se trouvèrent subitement arrêtés par la mer. Un contre-coups’ensuivit, et c’est à la suite de ce choc que les Dzem furent obligés de fuir versl’est, comme les Dzem-Dzem, tandis que les Sangha-Sangha bataillaient contre lesDzimou pourchassés par les Bombassa ” ( 1149 ).

Ba-Bwa - Avelot (1909)

Quatre ans après avoir reconstitué l’itinéraire de la migration fang, Avelot,maintenant Capitaine, fort de nouveaux éléments, revient sur le sujet en apportantquelques précisions. Son argumentation apparaît aujourd’hui toujours aussi fragile,mais en son temps, il bénéficie de la reconnaissance des anthropologues au premierrang desquels Théodore Hamy, Conservateur du Musée Ethnographique duTrocadéro de Paris.

Avelot reprend son précédent discours pour dénoncer sa propre erreur, lerapprochement des Bemvou, ancêtres présumés des Fang évoqués dans les légendesavec les Momvou. Après une explication linguistique, il rapporte autant d’élémentsqui les éloignent des Fang :

“ De plus les Momvou ont toujours été considérés comme appartenant à unerace inférieure : bons cultivateurs, peu belliqueux, ils s’en tiennent à une tactiqueuniquement défensive, et sont une proie facile pour leurs voisins, qui lesconsidèrent comme un gibier de chasse. Enfin, et bien que nous n’ayons pas derenseignements précis à cet égard, ils semblent ne pas être cannibales, car ils nepratiquent pas la taille des dents ”.

La suite de son exposé se base sur des éléments de même nature, où leconditionnel prend une valeur affirmative, ce qui lui permet, par une démonstrationrapide, de relier les Fang aux Bwa de l’Ouellé et de retrouver Bowdich :

Page 305: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ Be-mvou est simplement le pluriel du mot pahouin mvou qui signifie“ chien ”. Les Bemvou sont donc les “ chiens ”… Il s’agirait donc plutôt ici d’unpeuple ayant le chien comme totem… Le nom Ba-bwa […] a la même significationque Be-mvou, c’est-à-dire les “ Chiens ”. Les Ba-bwa sont Bantous…Les A-babwaont une renommée justifiée de férocité et de sauvagerie ; ils ont résistévictorieusement aux A-zandé ; ils sont anthropophages. Il y a donc déjà uneprésomption pour que les Be-mvou soient identiques aux A-babwa ” ( 1150 ).

En conclusion, Avelot propose :

“ Tout est donc bien comme si les Be-fan, ou tout au moins les membres de lafamille pahouine les plus orientaux, avaient été chassés du bassin supérieur del’Ouellé par les A-babwa, et comme si, dans leur exode vers l’ouest, ils avaientsuivi d’abord l’Ouellé, puis l’Oubangui, puis la ligne de faîte entre les bassins duChari et du Congo, puis la Sangha. Le départ du pays mombouttou aurait eu lieu aucommencement du XVIIIe siècle ” ( 1151 ).

Die Pangwe - Tessmann

En 1907, l’Allemand Günter Tessmann s’installe en Guinée espagnole. Ilentame auprès des “ Pangwe ”, appellation germanisante des Pahouins, la premièremission ethnographique qu’il a réussie à faire financer, notamment par le muséeethnographique de Lübeck contre l’envoi régulier de pièces. Un premier séjour detrois ans au Cameroun lui a permis de se familiariser avec les langues et les cultureslocales. Il passe deux nouvelles années au milieu des Ntumu et des Fang, d’abord àAlen puis à Woleubourg, sur le Woleu. Il y collecte sans relâche, avec brutalité etviolence, les objets qu’il expédie régulièrement à la côte, puis s’installe à Bebai etAkonangi à la frontière camerounaise. Il y trouve enfin la sérénité pour s’ouvrir à laculture matérielle, orale et religieuse de ses hôtes ( 1152 ). Il rassemble ses

Page 306: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

descriptions et ses interprétations dans une monumentale monographie qu’il écrit àson retour en Europe en 1909 ( 1153 ).

Il partage l’idée d’Avelot sur l’histoire ancienne des Pahouins :

“ Les Pahouins, dont la migration bouleversa toute la masse des peuplesd’Afrique et les fit migrer à leur tour, étaient poussés par la pression des conditionsextérieures mais aussi par l’aspiration au “ royaume de Dieu ” qui était censé setrouver à l’ouest, là où chaque soir disparaissait l’astre du jour ”.

“ … Lorsque les peuplades habitant au voisinage de la côte acquirent la richesseet - ce qui pour les Nègres est la même chose - le bonheur en faisant du commerceavec les Blancs et en servant d’intermédiaires avec l’arrière-pays, on se dit que ceshommes étaient les élus de Dieu et de ses envoyés blancs ”.

“ Aujourd’hui encore, les Pahouins se déplacent en suivant les fleuves, soit enamont soit en aval, le second cas étant bien évidemment le plus fréquent. Ainsidurent-ils, en remontant le réseau fluvial du Bahr-el-Ghazal, arriver au Mbomou età l’Oubangui. Ils les suivirent jusqu’au point où l’Oubangui tourne vers le sud.Peut-être se doutèrent-ils que cette orientation vers le sud les emmènerait trop loin ;ils abandonnèrent donc l’Oubangui là où il fait un coude ; ils remontèrent vers lenord-ouest, le long de ses petits affluents et parvinrent dans le bassin du Chari. Ilsauraient probablement suivi ce fleuve, s’ils ne s’étaient bientôt heurtés aux peuplesde cavaliers du Chari dont la supériorité les contraignit à rebrousser chemin et lesrepoussa dans la direction du sud-ouest qu’ils suivent aujourd’hui encore. ( 1154 )

Page 307: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 84 : Le territoire pahouin d’après Tessmann (Laburthe-Torla, 1991, p.175)

Il s’attache ensuite à retenir la dernière phase de la migration : “ LesFang […] arrivèrent en deux vagues ; l’une continua vers le sud, le long du Benito,l’autre, celle des Okak, restant au nord du Campo, marcha sur les pas desNtumu vers l’ouest. ” ( 1155 )

L’expérience de terrain de Tessmann lui permet d’affirmer une positionopposée à celle des Français, à propos de l’unité culturelle pahouine. Il considèreen effet que les Bati et les Djem, notamment, ne peuvent y être inclus. De plus, il

Page 308: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

considère que les Ntumu ne sont pas des Fang. Il est donc un des premiers àdéfendre les réalités claniques.

Enfin, il faut retenir de Tessmann l’attaque frontale contre Trilles, qu’ilvilipende dans l’introduction de son ouvrage, suggérant que Trilles “ considèrecomme sa tâche, non de décrire fidèlement, par exemple, les rites, ou d’enrechercher le sens intime, mais de les combattre par tous les moyens et de lesdétruire ”. ( 1156 )

Nomades - Martrou

Martrou, missionnaire de la Congrégation du Saint-Esprit à Ndjolé est ledernier représentant de cette génération d’auteurs apparus à la fin du XIX èmesiècle qui ont observé les Fang pendant leur installation au Gabon, au plus près deleur réalité quotidienne. Martrou en a acquis une profonde connaissance qu’il s’estefforcé de transmettre dans des articles de valeur où il décrit les codes sociaux etl’organisation de la vie fang. Il reste cependant très influencé par son illustrecollègue, Trilles, dont il partage les estimations démographiques, portantl’ensemble du groupe fang à 15 millions d’individus, par suite de l’inclusion desDzem, Dzundzama et Ossyébas.

Sa première contribution porte sur les interdits qui règlent la vie de l’ensembledes membres d’un clan ( 1157 ). Sa classification est sujette à quelques remarques.Les interdits de maladies, d’âge, de moralité, etc., ne sont appréhendés que dans unrapport matériel, sans révéler qu’ils s’intègrent dans une véritable stratégied’équilibre de la société et de la conservation des ressources vivrières ( 1158 ). Uninterdit fondamental attire pourtant particulièrement l’attention. Il concerne celui del’exogamie, qui oblige un homme à chercher une femme dans un autre clan que lesien. Il conditionne les relations des clans fang avec leurs voisins.

Dans un deuxième article, Martrou étudie le mécanisme des déplacements fangdont il décrit plusieurs aspects : malheur, épuisement des richesses naturelles, etc. Ilretient notamment l’intérêt économique dans l’installation des villages au Gabon :“ On a pu lancer le paradoxe suivant sur l’avidité des Fangs pour nosmarchandises européennes : enlevez toutes les factoreries du Gabon et de l’Ogowé,ne laissez que celles du Sénégal, et dans vingt ans les Fangs seront à Dakar et àSaint-Louis ” ( 1159 ). Mais il conforte avant tout l’idée de Fang nomades. En réalité

Page 309: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

ses descriptions s’attardent sur la période coloniale du mouvement des Fang. Sonanalyse ne peut s’élargir à l’histoire ancienne ( 1160 ).

Sur ce dernier point, Martrou retient que les Fang viennent du “ Nord-Est ”, du“ Melgale Mebur ” (naissance des hommes). Il appuie cependant l’hypothèse d’uneorigine de savane en soulignant dans les légendes qu’il collecte lui-même “ lafréquence des animaux […] qui appartiennent à la faune de l’Afrique des savanes :antilopes, pintades, panthère, lion, éléphant, varan, tortue de terre ” ( 1161 ). Enfin,il rassemble les connaissances historiques sur l’Afrique centrale, cherchant à relierle commerce arabe sur la côte orientale avec le début de la migration fang :

“ Les Fangs auraient commencé leur migration au dix-septième siècle, quand lemonde de l’islam avait coupé les grandes routes commerciales des épices et de lasoie, que Gênes et Venise, déchues de leur prospérité navale, ne faisaient plus lecommerce avec les échelles du Levant ; les Arabes de la côte occidentale frustrés serabattent vers le centre africain, à la conquête de l’ivoire et des esclaves,tyrannisant, jonchant leurs routes des os desséchés des noirs, porteurs et captifs.Les peuples noirs, moins forts, se sauvèrent à l’abri de l’écran des forêtséquatoriales ; les Fangs auraient été des derniers émigrés ” ( 1162 ).

Ainsi, Martrou est-il un des rares, depuis Schweinfurth, à replacer l’impact ducommerce des esclaves par les Arabes à la côte orientale dont les plus profondsréseaux ont touché la rive droite du bassin du Congo. L’itinéraire et les motivationsde la migration semblent donc être parfaitement concordants avec l’ensemble destraditions recueillies et les faits historiques observés. Mais la temporalité necorrespond pas, puisque Martrou se heurte aux estimations qui donnent le début duXIXème siècle pour la poussée des Foulbé dans l’Adamaoua ( 1163 ). Si les deuxhypothèses étaient exactes, cela aurait obligé les Fang à quitter leur habitatd’origine et à rejoindre, en à peine un peu plus d’un siècle, la région de la Haute-Sangha. A moins qu’il ne faille retarder cette poussée.

Foulbé - Bruel

Page 310: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Bruel parvient à réunir les deux théories en étudiant les conséquences de lapoussée foulbé dans le bassin de la Sangha.

Au Nord-Est, dans le haut-Logone, les razzias des Foulbé semblent avoir duréjusqu’au début du XX ème siècle, jusqu’à ce qu’ils soient défaits en 1903 puis en1904 par les troupes françaises. Plus au sud, Bruel suppose que les razzias endirection des Baya ont pu commencer avant 1875, date avancée par Mizon, etqu’elles ont pu, tout en touchant la Moyenne Sangha, prendre une direction plusoccidentale, en passant notamment vers Bertoua puis vers l’Est, en suivant leplateau herbeux ( 1164 ). En fait, Bruel prolonge vers le sud et l’est les razzias foulbédont il ne doute pas qu’elles sont à l’origine des mouvements des populations de laSangha :

“ Les razzias Foulbé auraient déterminé des migrations dans deux sens opposés: celles des Mfang vers la mer et le S.-O., l’autre, celle des Ndzimou, des Boumali,vers l’Est. Ce serait cette dernière qui aurait poussé devant elle les Pomo, les Kaka,les Ikassa, etc. ”

Il appuie son système sur des témoignages :

“ En tous cas, [les Foulbés] semblent avoir fait des expéditions Nord-Sud, quiont été assez loin, puisque le sergent Samba Fatouma nous a affirmé avoir vu àNgaoundéré en 1894 ou 1895, lorsqu’il y est allé avec le chef d’explorationGoujon, un très grand nombre d’esclaves Mfang, qui lui déclarèrent être nés au suddu Djah, ce qui prouverait que les Foulbés auraient traversé cette rivière.

“ Ce renseignement nous semble d’ailleurs confirmé par celui que nous a donnéM. Hillaire, qui a séjourné assez longtemps dans le bassin de l’Ogooué, avant devenir dans la Sanga. Des Mfang lui auraient dit en effet, qu’ils avaient émigré à lasuite de razzias faites par des gens à cheval, or on sait que les Foulbé sont surtoutdes cavaliers ”.

L’hypothèse foulbé est renforcée par l’anthropologie qui hésite à situer lesFoulbé. Meynier résume :

“ Bientôt se fait une infiltration continue et progressive d’hommes “ rouges ”venant du Nord. L’antiquité parlait déjà de ces hommes rouges, les “ Pharusii ”, quipeuplaient les régions sahariennes du Nord-Ouest africain. On voit généralement en

Page 311: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

eux le résultat de croisements de Berbères, anciens sujets de Carthage, avec lestribus noires venues d’Ethiopie, tant au nord du Sahara qu’au sud… Leur triomphecorrespond à un rejet vers le Sud des races noires indigènes qui, pour fuirl’envahisseur, cherchent un asile dans la grande forêt équatoriale ” ( 1165 ).

Quant à retrouver des traces du passages des Fang dans le bassin de la Sangha,Bruel note quelques analogies avec les Boumali, concernant les vêtements, laparure, les maisons et leur rapport à l’eau :

“ Les Boumali mangent surtout du manioc et des bananes. Sans être de grandspêcheurs comme les Goundi, les Pomo, les Boumali pêchent, surtout dans la Sanga.Ils utilisent notamment de grandes nasses, hautes de 2 à 3 mètres et ayant de 80centimètres à 1 mètre de diamètre. Ils savent aussi pêcher au harpon. Tous nesavent pas nager ” ( 1166 ).

Par cette synthèse, Bruel clôt les études de cette deuxième génération dechercheurs qui, malgré une meilleure connaissance des populations rencontrées, ontprogressé sur l’histoire ancienne des Fang, sans toutefois parvenir à se défaire despremiers écrits où le mythe l’emporte sur la réalité.

Etudes modernes

A partir des années 1915-1920, une troisième génération d’études apparaît.Tandis que les deux premières relevaient de découvreurs et de pionniers del’entreprise coloniale, cette fois les auteurs, missionnaires, médecins ouadministrateurs, puis scientifiques, sont suffisamment éloignés du contextepolitique pour tendre vers une objectivité plus grande. Tout en s’appuyant sur les

Page 312: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

études précédentes ils modèrent les interprétations et se limitent plutôt à la simpledescription de leurs sujets.

Deux auteurs font la transition avec la période précédente. Ils témoignent del’érosion de la société traditionnelle fang.

A peine reçoit-il le titre de docteur en médecine au début de 1913 qu’AlbertSchweitzer débarque au Gabon le 13 avril 1913 pour installer à Lambaréné unhôpital à destination des Gabonais. Il fait le vœu de leur faire profiter des progrèsde la médecine ( 1167 ). Grébert est alsacien, proche de Schweitzer qu’il suit auGabon à un mois d’intervalle. Il arrive en 1913 à Samkita, mission protestantefondée en 1900, puis il est nommé à Talagouga en 1915, où il exerce au côté deSamuel Galley, l’auteur d’un précieux dictionnaire Fang-Français ( 1168 ). En 1929,Grébert fait un voyage d’enquête au nord Gabon et fonde la mission d’Oyem, avantde quitter définitivement le pays en 1931.

Dans leurs écrits, Schweitzer et Grébert dépeignent la triste réalité des Fangdont la décomposition des structures sociales est en marche. Le premier signe enest l’abandon de leur culture matérielle, notamment de leur industrie ( 1169 ). Lesartisans disparaissent. La poterie est éteinte, les armes traditionnelles sontremplacées par le fusil. Les masques, les tambours, les colliers, les coiffures seraréfient, les rares productions sont destinées pour la vente aux Blancs. L’autresigne est la perte des valeurs traditionnelles. La mise en culture du Nord-Gabon, ledéplacement des villages sur les axes routiers et surtout le besoin de main-d’œuvrepour les chantiers forestiers perturbent considérablement la “ société fang ”. Ilsprovoquent surtout des catastrophes humaines avec la grande famine du Woleu-Ntem ( 1170 ). Il devient dès lors très difficile de reconnaître, au travers d’une sociétéen mutation des éléments à caractère historique. Les légendes, les généalogies sontégalement affectées.

Linguistique-Anthropologie

Cette troisième génération d’étude est également marquée par l’intervention deplus en plus prégnante des sciences humaines dont l’autorité grandit, grâce auxprogrès effectués. Elles veulent pallier l’extinction des sources directes et tenter desecourir les chercheurs perdus dans la complexité ethnique de l’Afriqueéquatoriale. En 1941, la linguiste Lysias Homburger soulève les deux questions

Page 313: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

essentielles de l’histoire des Fang. Elle reconnaît une parenté entre les dialecteszande et fang et classe le Fang dans un groupe intermédiaire entre les langues bantuet soudanaises ( 1171 ). Quant à l’intervention foulbé, dont les légendes ont gardé lesouvenir des hommes rouges, elle semble confirmée ( 1172 ).

Les anthropologues ne parviennent pas davantage à trancher la question.Baumann rejoint Homburger et avance que les Fang sont issus d’une populationsoudanaise mélangée avec les populations bantou de la Haute-Sangha ( 1173 ). Enoutre, il appuie fortement l’idée que les Fang constituent un bloc homogène. Leurémigration vers la côte aurait bousculé les “ Bantous côtiers ” dont quelquesparents se sont retrouvés à l’est du “ domaine fang ” ( 1174 ). Au contact de cesBantou, les Fang auraient abandonné leur idiome soudanais pour adopter la languebantou mais ont conservé des traits caractéristiques d’une origine septentrionale( 1175 ). Il réfute néanmoins l’hypothèse du Bahr-el-Ghazal, trop lointaine, etpropose plus modestement la haute-Sangha pour l’origine des Fang. Marchantensuite vers l’ouest, ils auraient subi la pression d’une invasion, probablement celled’Ousman dan Fodio, puis seraient descendus vers le sud et la Sanaga, jusqu’à lagrande forêt.

Bien que séduisante, la version de Baumann trouve ses propres limites car il secontredit à propos de la culture matérielle des Fang. Dans un premier temps ilaffirme que : “ Les Fans sont nettement des planteurs. Dès le premier coup d’œil,on se rend compte de l’origine ouest-africaine de leur civilisation, qui fut déjà cellede leurs devanciers ; citons : les cases quadrangulaires à pignon faites avec desnervures de palmier, le village en forme de rue, les espèces cultivées, les animauxdomestiques, l’agriculture incombant aux femmes ” ( 1176 ).

Il oppose ensuite cette origine ouest-africaine avec le type de houe des Fang :“ la houe caractéristique de la forêt est celle à manche coudé à lame en fer ou enbois liée au manche, type bien connu de l’agriculture des mers du Sud aux âgesprémétalliques (Bafos, Duallas, Fans….) ” ( 1177 ).

Les travaux de Homburger et Baumann tentent avant tout la synthèse des étudesprécédentes. Il n’y est pas pris garde de l’enchevêtrement de populations. Les Fangsont donc intégrés au grand groupe des Pahouins, mêlés voire assimilés aux Bulu etaux Beti du Cameroun :

“ Les Pahouins traversent la Sanaga en plusieurs vagues, entre Nanga Eboko etle confluent du M’Bam, de part et d’autres des chutes de Nachtigal. Les premièresvagues comprennent les ancêtres des Fang et Boulou qui s’enfoncent dans la forêtsous la pression des Beti dont une fraction reste sur la rive droite… La pénétration

Page 314: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

se fait les armes à la main et n’est pas terminée lorsque les Européens commencentà explorer le pays ” ( 1178 ).

Le terme “ Pahouin ” connaît à cette époque une grande prospérité notammentdu fait des recherches ethnologiques sur le Cameroun. Car il n’est plus entenducomme un mot dérivé de Pangwe pour désigner les groupes Fang, il est à présentutilisé pour regrouper l’ensemble des populations qui leur sont culturellementproche. L’erreur est donc très facile, à la fois d’oublier le sens donné au motPahouin, aujourd’hui plus qu’hier commode pour couvrir d’éventuellesimprécisions, et de noyer les particularités ethniques dans un ensemble artificiel.

En 1951, Lilias Homburger reprend l’idée que les Fang sont des Soudanaiscomme les Zandé et qu’ils sont venus du nord pour repousser les populationsbantou vers l’Atlantique ( 1179 ). Elle ne parvient cependant pas à se prononcer sur laparenté entre les idiomes fang et ceux des voisins du Gabon :

“ Tandis que des Bantous occupent la côte nord du Congo, les populationsgabonaises de l’intérieur appartiennent à la famille des Fans venus de l’est ou nord-est au cours du XIXe siècle. Il y a des éléments morphologiques communs auxdeux familles, mais les systèmes phonétiques présentent des différences notables :les mots bantous sont composés de syllabes ouvertes, les Fans aiment les consonnesfinales et les voyelles nasales quasi-inconnues dans le groupe bantou. Tant quel’histoire linguistique n’aura pas été complètement élucidée, il paraît sage de ne pasidentifier des idiomes présentant des différences aussi marquées ; il est évident queles dialectes fans sont plus proches morphologiquement des langues bantoues qu’ilsne le sont du zandé ou même de langues du Cameroun central, mais ils sontactuellement très différents des langues côtières et de celles du Congo au sud dufleuve ” ( 1180 ).

Devant les limites de sa discipline, Homburger préconise prudemment de parlerde semi-bantou à propos des Fang. Encore faut-il comprendre de quel(s ) groupe(s)il s’agit tant le substantif est usité dans des acceptions diverses.

Page 315: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Dugast

La première à souligner les dangers de la confusion entre les groupes est lasociologue Idelette Dugast, qui publie en 1949 un Inventaire ethnique du SudCameroun ( 1181 ). Elle écrit :

“ C’est parce que le métissage est si net entre PAHOUINS et BATI, tant aupoint de vue culture qu’au point de vue langue, qu’actuellement, avons-nous dit,d’actions en réactions, il est devenu difficile de débrouiller l’écheveau de leursdifférentes ramifications, car certains fils se sont perdus, d’autres rompus, et ceuxqui subsistent ont pris des teintes variées ” ( 1182 ).

Son travail constitue certainement la première étude moderne sur la régionéquatoriale. Il demeure un outil essentiel pour la recherche au Cameroun ( 1183 ).Mais, concernant les Fang, se pose à nouveau la réserve des sources. En effet, ellene semble pas soustraire les renseignements historiques des vieux préjugés sur lecaractère guerrier et envahisseur des Fang. Aussi recompose-t-elle sur ces basesviciées l’histoire des Fang/Pahouin :

“ Dans l’histoire lointaine de ces populations, il serait peut-être plus plausiblede penser à la première incursion, dans l’Est du plateau de l’Adamaoua, del’invasion pahouin, qui aurait séjourné longtemps sur le Lom, puis aurait déferlésur l’Adamaoua. Ces PAHOUINS guerriers, qui plus tard semèrent la terreur,cherchèrent-ils noise à leurs voisins dont peut-être certains s’enfuirent ? ”.

“ La question est d’autant plus complexe qu’il est permis de se demander sicertains Bantu du plateau central n’ont pas voisiné avec les PAHOUINS. Il est bienévident, en effet, que, parmi les BETI, certains d’entre eux, les BAFÖK, qui nefigurent pas au nombre des populations submergées puis absorbées par lesPAHOUINS, subirent une influence certaine de ces derniers. Est-ce par suite d’unvoisinage aux confins du plateau de l’Adamaoua, que les BAFÖK de l’actuelvillage de Lena, enclave isolée entre Yoko et Tibati, parlent encore l’actuellelangue bulu à peine déformée ? Le fait est troublant. Que révélerait une enquêteméthodiquement menée dans le centre du Cameroun ? ” ( 1184 )

Page 316: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Idelette Dugast recompose ensuite les migrations pahouines :

“ Le peuplement définitif du Sud, tel que les Européens le trouvèrent et lefixèrent, se produisit par secousses brusques à partir de la fin du XVIIIe siècle.C’était l’époque de l’apogée du Royaume des Fulbe de Sokoto et de la guerre qu’illivrait à celui du Bornu. Cette guerre chassa du Bornu les BABUTE, qui s’enfuirentvers le Sud. Les deux royaumes rivaux étendirent leurs batailles très au Sud deleurs habitats. Puis survint l’attaque violente des populations animistes du Nord parles FULBE musulmans. Devant eux, les populations prirent la fuite et se pressèrentles unes les autres. C’est ainsi que les MBUM, voisins des LAKA, s’ébranlèrent,bousculant les BABUTE.

“ Plus à l’Est encore, la grosse population YANGERE eut aussi à souffrir desincursions des FULBE. Les YANGERE se dispersèrent, s’entrechoquèrent avec lesBAYA. Ces derniers rencontrèrent les PAHOUINS sur les Lom qui, d’une vagueirrésistible, submergèrent le haut-plateau qu’ils abordèrent de l’Est.

“ Mais ils ne purent s’arrêter, pressés qu’ils étaient eux-mêmes par lesBABUTE. Ils rencontrèrent les BASO et les BETI, et peu à peu se mirent àtraverser la Sanaga, non sans attirer à eux quelques BETI (une partie des TSINGAet les MANGISA). Alors cet énorme flot pahouin pénétra à son tour, par vaguessuccessives, en forêt, et les derniers arrivants allèrent le plus loin. Ils y trouvèrentMAKA et DJEM, les scindèrent ou les assimilèrent parfois. Certains MAKA furentrepoussés jusque près de la côte (NGUMBA et MABEA). Les autres restèrentcantonnés à l’Est du 13ème parallèle. Les PAHOUINS s’avancèrent profondémentet, dans la région du Gabon, retrouvèrent l’autre flot de PAHOUINS qui y étaitarrivé par la vallée de l’Ivindo. Leurs derniers mouvements furent encore observésil y a soixante ans, lors de l’arrivée des premiers allemands ” ( 1185 ).

D’un point de vue général, la recomposition paraît très plausible tant elleobserve scrupuleusement et rassemble astucieusement les différentes donnéeshistoriques jusque là recueillies. Le schéma qu’elle propose reste pour longtempsinchangé ( 1186 ).

Page 317: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Balandier

Tandis que Dugast travaille sur les populations du Sud-Cameroun, GeorgesBalandier, autre sociologue, et le géographe Gilles Sautter travaillent sur les Fangdu Gabon. Ils ouvrent une période féconde de recherches qui se traduit par unevolumineuse publication. A lui seul, Balandier constitue un corpus aussiconsidérable que celui de Trilles ou Tessmann. La force des travaux de Balandierest d’avoir appliqué une méthode scientifique moderne, qui lui a permis de sedistinguer des nombreuses études réalisées précédemment sur les Fang.Observateur de la société fang, il se place non plus au milieu ou à côté de cettesociété, mais au-dessus d’elle. Cette position nouvelle et ses outils de travail luidonnent la distance nécessaire pour analyser sans interférence les éléments qu’ilrassemble. Il réalise ainsi une description magistrale de la société fang actuelle, enproie à une évolution déstabilisante. Son ouvrage maximal, Sociologie actuelle del’Afrique Noire, paraît pour la première fois en 1955 au terme d’études menées surle terrain depuis 1948. Il a été maintes fois réédité et révisé, et reste l’ouvrage deréférence sur la société fang( 1187 ).

Pour autant, Balandier ne parvient pas à se départir d’une certaine visionoccidentale des Fang. En 1949, il publie un premier article dans lequel apparaîtpour la première fois sa célèbre expression : “ Les ’Fan’ du Gabon, des conquérantsen disponibilité ” ( 1188 ). Il y rend notamment compte des récents mouvements deregroupements de clans fang, connus sous le terme Alar-Ayong, dont le temps fortest le Congrès Pahouin de Mitzic en 1947. Son discours est teinté de colonialisme :

“ Ainsi au Cameroun et dans le Haut-Gabon (Voleu N’Tem) a-t-on arrêtérécemment un mouvement de regroupement des tribus alar-ayong. C’est unetentative moderne visant à rétablir la cohésion ancienne du groupe Fan etéventuellement à créer un fédéralisme tribal. Ce mouvement a un caractèreambivalent. Il est, à la fois, conservateur et progressiste, nationaliste (du“ nationalisme ” de tribu) et fédéraliste, docile et subversif ; création des “ JeunesFan ” et émanation des “ Vieux Fan ”. Les “ évolués ” aimeraient l’utiliser commeun moyen d’action politique, de pression. Ils essaient d’attirer à eux des groupesvoisins ; ceux-là mêmes qui furent, autrefois, attaqués et pulvérisés à l’époque de lapoussée. Ils aimeraient bouleverser l’actuel ordre administratif ” ( 1189 ).

Balandier n’hésite pas à s’appuyer abondamment et sans réserve sur Cureaudont il cite volontiers les lignes les plus sombres ( 1190 ). Il reprend la vieille théoriedes Fang guerriers, un “ groupe mobile, organisé pour la conquête et la défense ”

Page 318: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

( 1191 ), qui a exercé une “ poussée continue et [entretenu une] terreur au sein despopulations refoulées ” ( 1192 ), mais que l’expansion coloniale a freiné. Ils auraientalors “ tenté d’utiliser le système colonial pour […] transformer une conquêteguerrière devenue impossible en conquête économique. Ils se sont ainsi ouverts auxprocessus de changement, alors que les peuples voisins continuaient à éviter lecontact ” ( 1193 ).

Il écrit encore :

“ En pays fang, […] les rapports avec la terre n’y ont pas une telle importanceet toute l’économie reste, jusqu’à une époque récente, orientée vers la conquêteguerrière et économique. Même dans les régions où le peuplement fang paraîtrelativement ancien, l’instabilité est de règle pour une large fraction desgroupements. Il s’est ainsi établi une sorte de cercle vicieux : la mobilité, imposéepar une conquête à longue portée, a contrarié la mise en place d’une organisationhiérarchisée, et ce ’manque’ a continué à intervenir dans le sens d’une instabilitémal contenue ” ( 1194 ).

Même l’adoption des coutumes et des cultes des populations voisines, quirépond à une obligation d’adaptation, est considérée au travers du prisme de laconquête :

“ Le peuple fang, réduit à l’état de conquérant en disponibilité, perd l’essentielde sa force morale ” ( 1195 ).

On trouve encore :

“ Les Fang n’ont renoncé que tardivement à une politique de conquête àlaquelle ils excellaient du fait de leur valeur combattante et de leur capacitéassimilatrice ” ( 1196 ).

S’appuyant sur les sources anciennes, il reprend les poncifs sur le nomadismeincessant des villages qu’il nomme encore “ manie migratoire ” ( 1197 ). Quant aurapport à la terre : ils n’ont “ longtemps entretenu avec la terre que des relations

Page 319: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

très lâches ; un peuple dont la mobilité a contrarié le développement des’techniques d’aménagement de l’espace’. Le niveau des moyens de production, etle fait que les Fang aient eu à “ devenir ” agriculteurs, la faible marque socialeimposée au paysage, les conceptions traditionnelles en matière de droits sur le solexploité, sont révélateurs à cet égard ” ( 1198 ).

Il prend ainsi le contre-pied total des déclarations de Baumann, quelques annéesplus tôt, sur les Fang planteurs ( 1199 ). Balandier tombe finalement dans une doublecontradiction en rapprochant une étude récente de Sautter, qui réfute commemoteur unique des migrations les modes de cultures Fang ( 1200 ), avec l’existencede droit foncier chez les Boulou mis en évidence par Bertaut en 1935 ( 1201 ). Enréalité, son appréciation est erronée car elle repose sur des renseignementscontemporains. Il cite ainsi Le Testu :

“ Voyez ce que disait encore, en 1934, l’administrateur Le Testu (un desmeilleurs observateurs des hommes et du pays) : ’A défaut du goût du travail de laterre que le Pahouin ne prendra jamais, car il le trouve humiliant, il prendra peut-être goût au bénéfice de ce travail’ ” ( 1202 ).

Ce faisant, Balandier néglige tous les rapports administratifs de la période1850-1880 qui invite à faire des Fang les auxiliaires de la mise en valeur duterritoire, les seuls aptes à l’agriculture, en regard des vieilles populations côtièresqui rechignent au travail de la terre ( 1203 ). Il donne lui-même la clé qui permet decomprendre pourquoi il souffre lui aussi de cécité par rapport à cette théorie. Ilexplique que pour mieux appréhender la société qu’il devait étudier, il s’est plongédans une recherche historique en dépouillant les archives coloniales, ne remontantpas remonté au-delà de 1890. Il n’a donc pas pu saisir pleinement la réalité del’arrivée des Fang au Gabon, telle qu’elle est décrite dans notre première partie( 1204 ).

Sur l’histoire ancienne des Fang la principale contribution de Balandier est delimiter l’étude sociologique aux Fang proprement du Gabon, qu’une estimationramène à 127 000 habitants, avec quelques débordements naturels sur leurs parentsdu Cameroun et de Guinée Equatoriale ( 1205 ). La description minutieuse descaractères sociaux et culturel des Fang sert de base à des comparaisonsindispensables avec les sociétés voisines. Mais, en reprenant les travaux de Bruel( 1206 ) et de Rouget ( 1207 ), il retombe dans la contradiction en reconnaissant uneunité historique au groupe Pahouin :

Page 320: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ La pression des Foulbe - venus occuper le Haut-Cameroun - […] provoqua lesmigrations récentes. Divisés en deux groupes, les Fan se dirigèrent, d’une part, versla Sanaga, d’où ils s’éparpillèrent dans les régions de Yaoundé, Ebolowa,Sangmelima ; d’autre part, vers l’Ivindo et le Haut-Ogooué d’où ils essaimèrent etdescendirent vers les côtes du Gabon ” ( 1208 ).

Balandier reste aux prises avec les préjugés anciens, quand il veut démontrer lavolonté des Fang du Woleu Ntem de remonter à une origine égyptienne, lorsqu’ilslui évoquent “ l’époque où leurs ancêtres s’habillaient ’exactement comme desHaoussa’. Cette volonté, plus ou moins explicite, de se donner des origines ’nobles’correspond au désir, plus ou moins conscient, qu’ont les Fang de s’imposer auxpopulations forestières du Gabon - l’esprit conquérant se nuance et varie ainsi sesmoyens ” ( 1209 ). Il ne remet pas non plus en cause les ambitions coloniales d’enfaire un peuple non gabonais.

Balandier, plus attaché à la société contemporaine, n’ose pas ce raccourci.Quant aux motivations migratoires, il s’en tient aux légendes rapportées parLargeau et Trilles qui mettent le Blanc en état de supériorité, possesseur desrichesses, vers qui les Fang devaient marcher.

Reste que le premier apport de Balandier est d’avoir décrit les crises quetraversent les Fang et d’avoir surtout montré leur capacité d’adaptation. A lalumière de l’histoire coloniale des Fang, on lui objectera que ces crises trouventleur origine, non pas au début du XXème siècle, comme il l’écrit en s’appuyant surTrilles, mais bien aux premières heures des contacts avec la civilisationoccidentale, par l’attrait incontestable qu’ont exercé les marchandises européennessur ces producteurs, premiers intervenants du commerce vers la côte. Le poidsfiscal et administratif de la colonie, ses différents tentatives de mise en valeur, et leschantiers d’exploitation n’ont fait que les amplifier.

Alexandre

Page 321: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Les années 1950 sont fertiles en études sur les populations d’Afriqueéquatoriale. A la suite de Balandier, Pierre Alexandre et Jacques Binet,administrateurs au Cameroun, publient une monographie sur le groupe pahouin telque le définissaient Largeau, Tessmann et Dugast. L’ouvrage célèbre ainsil’apparente unité culturelle des Fang, les Beti et les Bulu ( 1210 ). Il est peu de direque les visions partiales ou partielles dont ont fait preuve les auteurs précédents,obligent à une attention particulièrement soutenue pour la lecture de cettemonographie qui reste, pour beaucoup, une référence essentielle, à l’égal destravaux de Balandier.

Dès les premières lignes, apparaî une contradiction fort inquiétante quant à lalégitimité du groupe. Les auteurs soulignent qu’il “ est à noter que ce terme[Pahouin], longtemps pris en mauvaise part par les Africains, tend à être adoptépar eux depuis quelques années, à l’occasion du mouvement de regroupementpolitique des tribus, justement parce qu’il ne donne la prééminence à aucuned’entre elles. C’est ainsi que le Congrès de Mitzic de 1947, réunissant des Fang,des Boulou, des Ntoumou, des Mvaé et des Fong, prit le nom de Congrès Pahouin,Ntoumou, Boulou, Mvaé et Fong se refusant à être englobés dans l’appellation’fang’ ” ( 1211 ).

Cette réserve étant posée, il est maintenant difficile de suivre les auteurs dansleur développement sur l’unité des Pahouins.

La terminologie pose également problème, dès la présentation du groupe. Larépartition du groupe oppose “ Les envahisseurs ou Pahouins proprement dits ” aux“ tribus assimilées ou pahouinisées ” ( 1212 ).

Quoiqu’il en soit, le groupe qui fait l’objet de notre étude serait, car les auteursse gardent de toute affirmation et parlent au conditionnel, les “ Fang proprementdits, de la vallée de l’Ogooué au Sud-Cameroun ”. Ils feraient partie du “ groupedes Fan du sud ” avec les Ntoumou, les Mvaé et peut-être les Osyébas. Les autresenvahisseurs seraient les Bulu qui comprendraient les Boulou, les Zaman, lesYengogo, Yembama et Yelinda, et les Okak, peut-être les Yesum, Yebekanga,Yebekolo et Mvele (à distinguer des Mvele). Quant aux Beti, leur origine estincertaine. Peut-être forment-ils un “ groupement en quelque sorte intermédiaireentre les Bantu du Centre-Cameroun et les Pahouins ”. Ils comprendraient lesEwondo, Bane, Fong, Mbida-Mbane et Mvog Nyenge. Mais, selon les informationsrecueillies au début du siècle par l’allemand Nekes, les Beti auraient “ suivil’invasion pahouine ”. Enfin, les Maka (Mekaé), Ngumba, Mabéa, Dzem, Dzimouet Badjoué auraient été en place au moment de “ l’invasion pahouine ”, et seraientconsidérés à tort comme des Pahouins. Du point de vue démographique, l’ensemble

Page 322: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Pahouin compterait, toujours selon Alexandre, environ 820 000 individus, pour 150000 Fang au total ( 1213 ).

L’histoire ancienne des Fang est fondue dans celle du groupe Pahouin déjàprésentée par Dugast. Il en est de même à propos de la linguistique qui reprend lestravaux de Guthrie sur les langues bantu, publiés en 1948, à quelques réservesérudites près ( 1214 ). Mais là encore, alors que Guthrie compte sept dialectes dans legroupe Pahouin, dont trois principaux, les auteurs n’en décrivent que les pointscommuns, gommant les différences en les réduisant à des particularismessecondaires. La même méthode est appliquée aux aspects de la culture matérielle,activités quotidiennes, cuisine, agriculture, commerce, etc.

A propos du commerce, les auteurs avancent un point de vue original, qui va àl’encontre des faits historiques, en énonçant :

“ Fait étrange à constater, il n’y a absolument aucune tradition commercialechez les Pahouins. Pour payer les dots, les anciens se servaient de pointes d’ivoiresou de morceaux de fer façonnés en forme de flèches. Mais était-ce là unemonnaie ? ”. Quant au commerce de l’ivoire, ils affirment qu’il n’entrait en compteque pour la constitution des dots qui exigeaient des marchandises européennes( 1215 ).

A l’appui de la théorie de l’unité pahouine, Alexandre et Binet avancent le faitque le nombre de clans seraient identiques chez les Fang, les Beti et les Boulou :“ Trilles dénombrait environ quatre-vingts meyon chez les Fang gabonais ; onarrive à des chiffres analogues chez les Boulou ou les Ewondo ”. Le raisonnementest faussé. Le calcul ne peut que consacrer l’unité pahouine actuelle tant il estévident que les mariages extra-claniques ont conduit à superposer les clans. Deplus, il dessert l’histoire en induisant qu’il était juste à l’époque de Trilles, voireencore avant.

Ainsi, le propos des auteurs, multipliant les exemples de convergences entreles différentes entités du groupe Pahouin, s’avère néfaste à la recherche historiquequi, compte tenu de la disparition inéluctable des matériaux d’investigation, doit aucontraire s’intéresser aux moindres écarts entre les groupes pourtant nombreux : lesspécialités culinaires, la distinction entreMvogh (clan beti) et Ayong (clan fang), lalégende de la traversée de la Sanaga, les rites So et Ngi, le rapport à l’esclavage,l’âge de la circoncision, pour ne citer que ceux-là. On peut donc se demander si lediscours ne s’inscrit pas, lui aussi, dans le contexte politique de regroupement Alar-Ayong,( 1216 ).

Page 323: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Deschamps - Pepper

Opposé à la démarche unificatrice du groupe Pahouin, Hubert Deschamps,administrateur du Gabon, attaché à l’Office de la Recherche Scientifique etTechnique d’Outre-Mer, O.R.S.T.O.M., collecte en 1962 les légendes à caractèrehistorique auprès des différents groupes du Gabon. Il suit ainsi les traces deLargeau et Trilles, et plus récemment de l’Espagnol Alvarez qui réalise entre 1939et 1948 des campagnes ethnographiques sur l’ensemble des tribus de GuinéeEspagnole ( 1217 ). Plus récemment encore, l’abbé gabonais André Raponda-Walkera fourni une importante documentation en rassemblant des notes dans deuxouvrages fondamentaux pour la connaissance du Gabon ( 1218 ).

Deschamps recueille également des aspects de la culture ancienne, techniques,religion, organisation de la société ; et marque ainsi tout l’intérêt que revêt latradition orale en voie d’extinction, épuisée par l’évolution culturelle des Africains( 1219 ).

Il enquête notamment auprès des cinq groupes fang : “ Zamane, Betsi,Ndoumou, Vaï et Okak ” ( 1220 ). Malheureusement, les légendes les plus précisessont récentes et concernent, pour l’essentiel, l’arrivée au Gabon et les contacts avecles populations en place. Les légendes relatives à un passé lointain sont communesau groupe. On y retrouve l’installation dans un pays au nord d’où les Fang sontchassés, l’obstacle de l’arbre géant que les Pygmées aident à franchir, la traverséed’un grand fleuve sur un serpent providentiel et la séparation avec les Ewondo etles Bulu, puis la marche vers le Gabon actuel. Les informateurs “ ntoumou ” et“ vaï ” notent toutefois qu’ils ont été chassés du nord par les Mvélé. Mais il seraithasardeux d’en tirer une interprétation car l’enquête de Deschamps auprès desdifférents groupes ne repose que sur deux ou trois informateurs à peine. Pour lesBetsi, seuls deux informateurs, un de Libreville, un autre de Lambaréné, ontrenseigné l’auteur. L’échantillon est donc fois trop faible pour être valablestatistiquement, surtout lorsqu’on sait les liens inter-claniques entre les différentsgroupes.

Dans le même temps, Herbert Pepper, ethnomusicologue à l’O.R.S.T.O.M.,enregistre en 1960, à Anguia au Gabon, un mvet joué par Zwe Nguema dans saversion intégrale, soit dix heures. La démarche suscite l’intérêt de l’Association desClassiques Africains qui propose de le publier. Elle envoie à Libreville les De Wolf

Page 324: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

pour reprendre la transcription et en proposer une traduction. L’œuvre est éditée en1972, trois disques d’extraits accompagnent le “ livret ”. C’est la première foisqu’on peut entendre une “ sauvegarde ” d’un patrimoine oral en voie d’extinction,le mvet. La démarche encourage les joueurs de mvet à fixer par écrits ces chants,dont Ndong Philippe, élève de Zwe Nguéma, plus célèbre auprès des occidentauxsous le nom de Tsira Ndong Ndoutoume. Entre 1970 et 1993, il publie trois chantsoù s’exprime toute la philosophie fang ( 1221 ).

Alexandre 1965 ( 1222 )

Sept ans après avoir consacré l’unité culturelle du groupe Pahouin, Alexandrerevient sur le sujet en se penchant cette fois sur l’histoire ancienne du groupe. Alorsque son étude précédente nommait dans l’ordre “ Fang, Boulou, Beti ”, commepour signifier la prépondérance culturelle du premier groupe sur les deux autres,cette fois, l’ordre est inversé : “ Beti - Bulu - Fang ”, dans une sorte dereconnaissance implicite d’une étude d’abord centrée sur les Beti. Conscient de ladifficulté de résoudre la question historique au travers des seuls documentsoccidentaux et devant la disparition de la mémoire ancienne, il rejoint Deschampsen écrivant : “ Il est de la plus extrême urgence de sauver ce qui peut encore l’être,en utilisant aussi bien la plume que le magnétophone ” ( 1223 ). Il va beaucoup plusloin en s’interrogeant sur la réalité des distinctions ethniques :

“ Le problème posé est, dès lors, le suivant : ou bien l’on admet cette identitédes clans au-delà des limites tribales, et alors il faut conclure que les clanspréexistaient aux tribus et que celles-ci se sont, en quelque sorte, différenciées aucours de la migration, pour des motifs qu’on pourrait dire géographiques(dispersion des meyon sur de trop grands espaces, suivie de regroupement locale deleurs lignage). Ou bien, au contraire, on admet que les tribus ont préexisté auxclans, comme l’affirment certains traditionnalistes (Ondua Engute : 1948), et alorsl’identité de certains clans ne peut s’expliquer que par des échangesultérieurs ”.( 1224 )

Malgré cette ouverture, il continue d’appuyer sur les mêmes vieillesreprésentations : “ les Fang proprement dits ne représentaient qu’une fraction d’un

Page 325: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

vaste groupe de populations s’avançant vers la mer […] : sans l’interventioneuropéenne, il est permis de se demander si cette marche se serait arrêtée, une foisla côte atlantique atteinte, ou si, au contraire, s’infléchissant vers le sud-est, lelong de l’océan, elle n’aurait pas abouti à l’occupation complète de l’actuelGabon et même une partie du Congo” ( 1225 ).

Il passe malheureusement à côté d’une analyse critique des sources, notammentà propos des descriptions physiques des Fang du Gabon. Enumérant les qualités etles défauts reconnus par les auteurs, il oublie d’expliquer dans quellescirconstances politiques ces descriptions ont été faites ( 1226 ). Reprenant un à un lesthèmes développés dans son étude précédente, l’organisation sociale, la culturematérielle, la linguistique, Alexandre reste attaché à ne pas briser l’unité du groupe.L’histoire récente ne livre pas d’éléments définitifs, les rares détails qu’il donne nesont pas exploités : il voit plutôt dans les cavaliers rouges, présumés foulbés, descavaliers bamum, voire des bandes tchamba. Leurs razzias auraient bousculé lesBeti, et indirectement les Fang qui auraient contourné Beti et Bulu pour trouver ausud un accès à la mer. Quant à l’histoire ancienne qu’il appelle la périodelégendaire, convaincu que les Fang, les Bulu et les Beti partagent un passécommun, Alexandre la traite à travers les écrits sur les Fang. La séparation se seraitproduite vers 1790, selon un savant calcul linguiste ( 1227 ). L’origine du groupereste une “ région montagneuse située au nord-est de son habitat actuel,probablement l’est de l’Adamawa. Il est possible que ses ancêtres, ou certainsd’entre eux, y aient été conduits par une migration venue du sud-est, suivant l’axegénéral de la vallée de la Sangha jusqu’à ses sources, peut-être en provenance dela vallée du Congo : c’est là l’extrême limite des hypothèses admissibles en l’étatactuel de nos connaissances ” ( 1228 ).

Quelques années plus tard, Binet publie une étude sur la danse chez les Fang,dans laquelle il développe à son tour la thèse des Fang descendus de la savane, avecune conviction totale ( 1229 ).

Perrois

On ne peut pas reprocher à Alexandre un manque de lucidité quand il reconnaîtla limite des hypothèses sur l’origine des Fang que plus d’un siècle d’écrits ont

Page 326: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

reconduites en les reformulant, sans que leurs auteurs s’efforcent de les soumettre àla critique. On ne peut davantage lui reprocher de lier cet état à celui desconnaissances sur les Fang. En 1965, les descriptions, la linguistique,l’anthropologie, la sociologie semblent être parvenues au terme de leurcontribution. Pourtant, à cette période, la recherche est loin d’avoir épuisé toutes lesméthodes et envisagé tous les domaines. Des pans entiers de la culture fangméritent une investigation approfondie.

A la suite des travaux d’André Leroi-Gourhan et de Jean Laude surl’anthropologie de l’art, Louis Perrois inaugure une nouvelle étape de la rechercheen étudiant les byeri fang, statuettes qui ornent les paniers reliquaires ( 1230 ). Ils’inspire d’une méthode mise au point pour l’étude des formes congolaises deTervuren par le Professeur Olbrechts, qui tente d’établir l’existence de canons et destyles propres aux ethnies ( 1231 ). Sur le principe statistique, il met en évidence lesproportions les plus fréquentes. Il dégage trois groupes principaux : leslongiformes, équiformes et bréviformes qu’il tente d’associer aux différents ethniesqui sont rassemblées sous le nom de groupe Fang.

On aurait ainsi un style Ntumu, longiforme, dont le foyer serait autour deBitam, avec des sous-style ngumba, et ntumu ; et un style Betsi, bréviforme, dont lefoyer serait dans la zone Mitzic-Lalara, avec des sous-styles nzaman/betsi, okak,mvaï et des têtes betsi. Les autres styles seraient des styles de transition.

Tout à fait originale pour les arts du Gabon, la démarche ouvre enfin desperspectives nouvelles. En cernant mieux les différents styles proprement fang, ellepermet de dégager, au moins pour une époque récente, les apports des arts voisinset d’envisager, à un niveau supérieur, la nature des échanges entre les populations,l’éventuelle prépondérance de l’une sur l’autre.

Page 327: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 85 : Les styles longiformes, équiformes et bréviformes (Perrois, 1966, p.70-72).

Page 328: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 86 : ’Les styles Fan’ (Perrois, 1972, p. 107).

Malgré la qualité de son travail, Perrois ne parvient pas à exploitersérieusement ses résultats. En fait, il s’inscrit en droite ligne des auteurs précédents.Il met ses résultats au service d’un discours récurrent dans lequel les Fang sontprésentés comme des envahisseurs :

“ un peuple conquérant et fier, [dont le style] ne s’est jamais mêlé aux stylesvoisins, ceux-ci étant soit en contact et donc détruit irrémédiablement, soit hors deportée et préservés de toute influence. Ainsi le style fan s’est imposé par la force,en bloc, comme la tribu elle-même. Aucune compromission, aucune demi-mesureet surtout pas dans la tribu Betsi, la plus farouche de toutes. Les Fan se sontinstallés dans un pays vidé de ses hommes et donc de ses institutions propres. Toutcontact avec eux signifiait l’anéantissement pur et simple. Il n’est pas étonnant,dans ces conditions, surtout dans les styles des Fan du sud, de constater à la fois lapureté des formes fan et celles des voisins ” ( 1232 ).

Page 329: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Il poursuit, non sans ardeur, à propos des Fang Betsi :

“ Les Pahouins les plus entreprenants sont de l’avis de tous, les Betsi […] C’esten quelque sorte le fer de lance de l’invasion. De mœurs sauvages, ils tuaient, chezeux, les enfants de constitution faible et chez les autres, tous les hommes valides.Les Osyeba, qui leur sont apparentés (comme ils le sont aux Nzaman), avaient aussicette réputation de tribu redoutable ”.

Figure 87 : Migrations fang d’après Perrois (1972, p.105).

Il va ainsi directement à l’encontre non seulement d’Aymès qui attribuait cescaractères à l’arrière-garde représentée par les Yendzo, mais aussi de la réalité

Page 330: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

historique. Il semble ignorer complètement les conditions d’arrivée des Fang sur lesbords de l’Estuaire et de l’Ogooué, qui a été montrée dans notre première partie ;comment par exemple les Fang, y compris les Betsi, ont constamment cherché lecontact pour s’installer auprès des villages riveraines, faire avec eux des alliancescommerciales, matrimoniales, militaires, avant qu’ils ne se fassent flouer par leurspartenaires, et que les rapports s’inversent.

On pourrait simplement regretter ces propos d’une autre époque s’ils avaientpour but de rappeler tous les poncifs sur le sujet. Mais Perrois s’appuie sur cesarguments pour justifier ses classifications :

“ Il est remarquable de noter que c’est le style ntumu qui se prête le plus à cesemprunts et à ces mélanges. Les Betsi présentent des statues et des têtes tout à faitoriginales dans lesquelles il est difficile de trouver des éléments hétérogènes. Celaconfirme encore l’opinion qu’il y a une relation nette entre les rapports sociauxétablis par les tribus entre elles et la possibilité des influences stylistiques. LesBetsi, anéantissant leurs ennemis conservent leurs formes propres sans procéder àaucun échange culturel tandis que les Ntumu, en établissant des liens avec leursennemis vaincus, profitent de cette nouvelle culture en empruntant parfois desnouveaux éléments. Il faut dire aussi que les Ntumu ont rencontré des peuples déjàmieux armés (matériellement et culturellement) que ceux touchés par les Betsi. Lestribus de la côte (Mpongwé, Benga, Balengi, Ngumba, etc.) ont toujours étéhabituées aux contacts, car ce sont elles qui furent les intermédiaires pour le traficdes esclaves et qui connurent, les premières, la civilisation occidentale ” ( 1233 ).

Passés ces remarques, il faut reconnaître que les travaux de Perrois constituentun matériaux que la lumière historique permet à présent d’exploiter plusobjectivement.

Laburthe-Tolra

Page 331: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Une autre voie est ouverte quelques mois après le début de l’enquête dePerrois. Ce n’est pas tant un champ d’investigation qui est ouvert, il s’agit plutôtd’une méthode nouvelle pour le sujet. En 1966, Philippe Laburthe-Tolra se rend auCameroun pour comprendre l’évolution religieuse et la conversion rapide etmassive des habitants de Minlaaba, mission catholique du diocèse de Mbalmayo,au sud de Yaoundé. L’enquête ethnologique dure six ans. Elle constitue sa thèse dedoctorat soutenue en 1975 ( 1234 ).

Il faut mesurer tout l’intérêt que revêtent les travaux de Laburthe-Tolra pour lechercheur qui n’a pas cessé de se heurter à la vision déformée des Fang. La faute enincombe aux auteurs de ne pas avoir considérés les Fang dès leur arrivée au Gabonet de s’être laissés emportés par une fascination ( 1235 ). L’autre écueil a été laconstruction du “ groupe pahouin ”. Laburthe-Tolra en dénonce les limites :

“ C’est une erreur de méthode que de la présumer au départ en se reposant surles ressemblances de langue et de culture. On s’embarrasse alors de vieilles lunesethnologiques qui obscurcissent le ciel bëti au lieu de l’éclairer ; le fait est qu’ainsiencombré du problème “ fang ”, on n’est arrivé jusqu’à présent à rien de biensatisfaisant. Je suis certain que l’on progressera en se limitant strictement d’abordaux données bëti, sans se préoccuper aussitôt de leur cohérence avec les donnéesfang ” ( 1236 ).

La voie d’une enquête propre aux seuls Fang, proposée par Balandier, est doncplus que légitimée : elle est nécessaire. Laburthe-Tolra l’entérine, soulignant maintsécarts entre la culture beti et la culture fang, dans l’organisation politique, lesrituels, les légendes, etc. Enfin, rappelant que les mot “ Beti ” ou “ Fan ” désignentdavantage la condition de “ vrais hommes ”, et que la pratique de “ naturalisation ”est largement répandue en Afrique équatoriale, il souligne la légèreté des“ appellations ethniques telles que Bulu ou Ntumu [qui] fonctionnent comme desnoms qualificatifs, des titres d’honorabilité, plutôt que comme des noms propres ”.Dès lors, il valide l’orientation prise dans notre étude de considérer les Fang duGabon dans leur ensemble, en évitant les groupes qui le composent ( 1237 ).

L’histoire des populations de Minlaaba est donc traitée, non pas à travers lesgrandes études générales sur les Beti, mais sur la base plus confinée, plus réaliste,des généalogies des différentes familles et clans en place, de leurs souvenirs, eninterrogeant pendant six ans les vieux, et en confrontant leurs récits avec labibliographie.

Page 332: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

C’est peu de dire que le travail de P. Laburthe-Tolra constitue un exemple àsuivre, pour peu que

l’institution scientifique offre les moyens de telles recherches.

Quant à l’histoire ancienne des Fang, Laburthe-Tolra suit prudemmentBalandier en avançant l’hypothèse suivante : le groupe proto-Fang “ a dû sedéployer entre la Haute-Sangha, les sources du Ntem et le sud de la Sanaga ”.Possédant le fer, leur supériorité matérielle leur aurait permis de s’imposer sur lespopulations locales, notamment les Maka, qui d’ailleurs seraient peut-être lesMakey. La suite est faite de lents déplacements en descendant les rives des fleuves,de la traversée de la Sanaga par les Bëti, poussant les Fang vers le sud, de leurattrait pour les marchandises européennes et de la pénétration coloniale.

Page 333: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,
Page 334: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 88 : Origine des Beti : hypothèses historiques (Laburthe-Tolra, 1981, pp.108-109).

Page 335: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Travaux africains

L’apport principal de la période précédente est de mesurer, avec Balandier etLaburthe-Tolra, l’importance d’étudier les sociétés africaines pour ce qu’elles sont,sans les regarder à travers le prisme des critères occidentaux, pour mieux lescomprendre avant d’entamer toute étude historique. Pour autant, ni l’un, ni l’autren’ont atteint cette objectivité nécessaire à l’étude de l’histoire ancienne des Fang, lepremier trop inscrit dans un discours passé, le second trop éloigné de la réalité desFang du Gabon. Au fond la question récurrente est bien celle de la position del’enquêteur, dont, par exemple, l’immersion totale dans la société qu’il observe,n’est pas toujours la garantie de l’objectivité. Aussi, il serait tentant de croire queles Fang eux-mêmes sont les plus aptes à s’exprimer sur leur culture et leur histoire.En outre, la disparition des interprètes, des problèmes de traduction et detranscription évacuent les intermédiaires successifs et laissent croire à une solutionidéale. La lecture des différents travaux réalisés par plusieurs générations dechercheurs africains, gabonais et fang, oblige à reconsidérer le point de vue.

Pionniers

Le premier Gabonais à écrire sur le Gabon est également celui qui par sonérudition a apporté la contribution majeure à la connaissance des sociétésgabonaises, à leur langue, à leur culture et à leur histoire. André Raponda-Walkernaît à Libreville en 1871. Il passe un an en Angleterre avant de revenir, à l’âge decinq ans à Libreville où il entre en 1877 à l’école Sainte-Marie. En 1899, il est lepremier gabonais à être ordonné prêtre, affecté à la mission de Sindara. Il estensuite envoyé à Boutika en 1917, Donguila en 1921, Lambaréné en 1926, Sindaraen 1929, Saint-Martin en 1934 et enfin Fernan Vaz de 1941 à 1949. Il prend saretraite l’année suivante à la paroisse Saint Pierre de Libreville. Dès 1914, il se metà l’œuvre en rédigeant un dictionnaire Mpongwe-Français, publié en 1934 ( 1238 ).

Page 336: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Vient ensuite une longue liste d’articles publiés dans les revuesscientifiques, Journal de la Société des Africanistes, Bulletin de la Société deRecherches Congolaises, Bulletin de l’Institut d’Etudes Centrafricaines, de notesdactylographiées et d’ouvrages d’une haute valeur scientifique qui lui valent lesdistinctions les plus honorifiques : Prix Radius, Prix Georges Bruel, PalmesAcadémiques, Lauréat de l’Académie Française pour ses travaux de linguistique,d’ethnographie et de botanique, Officier de l’Académie, Chevalier de la Légiond’Honneur en 1950, et Officier de l’Etoile Equatoriale. Il est enfin Associé Etrangerde l’Académie des Sciences d’Outre-mer. Il meurt en 1968 à l’âge de 97 ans.

Malheureusement pour l’histoire des Fang, Raponda-Walker n’est pas trèsloquace sur le sujet. Dans ses Notes d’Histoire du Gabon, il laisse la parole au PèreNeu en citant de larges extraits de son article de 1887 ( 1239 ). Quant à l’ouvrage co-écrit avec Roger Sillans, Rites et Croyances des peuples du Gabon ( 1240 ), lesdescriptions propres aux Fang sont rares, et noyées dans les rites d’autrespopulations. Elles sont donc difficilement exploitables.

Le premier Fang à écrire sur les siens connaît un destin plus controversé. Né en1902 dans l’Estuaire, Léon Mba est élève de la mission catholique où il reçoit uneéducation et une instruction occidentale. En 1927, il est nommé chef de canton dansle sud du Gabon. La même année, il écrit à son supérieur pour lui transmettre desnotes ethnographiques qu’il a rassemblées sur les Fang. En réalité, il n’a fait querecopier des paragraphes entiers de l’article de Martrou sur le nomadisme auxquelsil a juxtaposé quelques notes personnelles, notamment des légendes et descroyances. Il a en effet une bonne connaissance des pratiques religieuses, qui luivient du rang qu’il occupe dans les sociétés secrètes. Ses écrits ne sont pas d’unegrande valeur scientifique, tant il y exprime un attachement et une loyauté à laFrance. Il fait paraître deux articles en 1938 dans le Bulletin de la Société deRecherches Congolaises, à Brazzaville : “ Essai de droit coutumier pahouin ”, suivid’une “ Origine des coutumes pahouines ” ( 1241 ), qui sont souvent repris en bonneplace dans la bibliographie.

L’influence de Léon Mba dépasse largement le cadre de la recherche. Il devientun personnage de poids dans les affaires politiques de la colonie. En 1947, il estanimateur au Congrès Pahouin de Mitzic et devient rapidement le chef del’opposition souverainiste du Gabon. Ses relations avec l’autorité coloniale ne sontpas très heureuses. Il est révoqué de l’administration pour une affaire de meurtrerituel ( 1242 ).

Léon Mba la légende de Trilles et intronise les Blancs aînés des Fang. Selon lui,leur arrivée à la côte atlantique et toute leur migration ne serait rien d’autre quel’observation d’un ordre donné à ses enfants par Mebegue, que Mba traduit parDieu le père : “ Vous êtes à présent à Okû (est), et après ma mort vous descendrez à

Page 337: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

N’Ki (ouest) Là-bas, il y a des hommes comme l’écume de la mer, blancs commeles revenants ; ils sont très riches, ce sont vos aînés ” ( 1243 ).

Premiers travaux universitaires

Une nouvelle ère s’ouvre en 1960 avec l’Indépendance. Les élèves gabonaisobtiennent des bourses pour poursuivre en France des études supérieures. Unepremière génération d’Africains diplômés apparaît au tournant dans les années1960, engagés dans l’anthropologie, la linguistique et la sociologie. Elles leurspermettent de s’exprimer enfin sur leur propre culture, en rétablissant parfois leserreurs passées ( 1244 ). Certains réagissent vigoureusement aux préjugés quitranspirent dans les vieux écrits. Trilles est ainsi stigmatisé par Soter Azombo, undes tout premiers étudiants à présenter une thèse pour le doctorat d’Etat, sous ladirection de Georges Balandier ( 1245 ). Son étude fort riche, sur le rite So, est baséesur la société Beti.

Concernant les Fang proprement dits, les premières études apparaissent audébut des années 1970. Jean-Emile Mbot s’attache aux contextes de production destémoignages, récits ou légendes. Après deux travaux préliminaires sur les contextessociaux et le genre oral ( 1246 ), il établit en 1972 une méthode d’analyse des corpusoù qui met en évidence les différents enjeux qui font la relation entre l’informateuret l’ethnologue- collecteur ( 1247 ). La méthode est appliquée en 1975 à trois énoncésrelevant des bouleversements culturels depuis la pénétration européenne ( 1248 ). Ellesouligne les processus d’évolution sociale et permet d’appréhender l’essence mêmedes énoncés. La démarche est avant tout le fruit d’une réflexion de l’auteur sur saposition en tant qu’ethnologue face à sa propre culture. Elle relève d’un désird’objectivité que manifestent la plupart des chercheurs en anthropologie ou enphilosophie.

Les questions historiques sont traitées d’une manière beaucoup pluscirconspecte. En 1974, Ndong Bonaventure, qui étudie La marche des enfantsd’Afiri-Kara à travers ses différents aspects dans la culture traditionnelle fang,critique Trilles pour l’orientation de ses descriptions de la Trinité chez les Fang touten adhérant à ses thèses sur le rapprochement avec la civilisation pharaonique( 1249 ).

Page 338: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Les premiers travaux historiques apparaissent autour de 1970. Dans un premiertemps, ils s’intéressent à l’occupation coloniale du Gabon dans ses aspectsadministratifs ( 1250 ). Les relations entre les populations fang et l’autorité françaisesont étudiées à partir de 1970 avec A. Ratanga Atoz qui soutient un mémoire,dirigé par Henri Brunschwig ( 1251 ). Le poids des travaux anciens et la position del’auteur entament son objectivité et conduisent à une interprétation rapide des faits,qui met en valeur les sociétés africaines soumises à la colonisation ( 1252 ). Selonl’auteur, les Mpongwe du clan Adonis et ceux de Denis auraient offert l’hospitalitéaux Fang et auraient ainsi favorisé leur installation dans l’Estuaire. Il soutend ainsil’idée d’une “ cohésion nationale ”, dès les premières heures de la période coloniale( 1253 ). Cette cohésion est d’ailleurs argumentée dès les premières lignes avecl’arrivée des Fang :

“ Notre histoire se revitalise donc grâce aux Fan, surtout par suite de leur refusmomentané de collaborer avec l’administration, et les peuples voisins. L’abord Fanallait devenir un danger permanent, et il ne serait pas faux de dire que la colonie futatteinte pendant longtemps d’une psychose Fan ” ( 1254 ).

L’histoire coloniale des Fang démonte un à un ces arguments : les Fang onttoujours manifesté leur intérêt à s’attirer les grâces de la Colonie et jamaisl’inquiétude des officiers à les contrôler ne s’est exprimée l’apparence d’unepsychose. Une telle négation de la réalité historique ne peut qu’amener aux réservesles plus sérieuses sur la suite du discours. Quant à leur histoire ancienne, RatangaAtoz suit la voie orientale de Schweinfurth :

“ Sans pour autant aller jusqu’à affirmer une parenté étroite avec les Egyptiens,nous pensons qu’à une époque très reculée de leur histoire, les ancêtres Fan ontpeut-être été étroitement en contact avec des peuples sémito-chamitiques qui leuront légué plusieurs de leurs traditions de leurs arts, de leurs langues et peut-êtreaussi un peu de sang. La résurgence de certain type brun-clair voire certain rouge (àl’exception des albinos fréquents chez les Fan) témoignerait peut-être en notrefaveur et encore...

“ Au cours de leur migration, les Fan se seraient peut-être aussi croisés avecd’autres peuples nilotiques ou berbères ce qui expliquerait le teint clair. Encorequ’aujourd’hui à l’exception de certaines tribus du Nord, les Fan accusent lesmêmes caractères morphologiques que l’ensemble des Gabonais ” ( 1255 ).

Page 339: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Ratanga Atoz poursuit le même argumentaire dans sa thèse de doctoratd’histoire, en 1973 ( 1256 ). Il est suivi par deux autres Gabonais, Ndoume Assebe etNicolas Metegue N’Nah, qui défendent l’idée des populations hostiles et résistantesà l’occupation coloniale. Dans son mémoire de maîtrise, Ndoume Assebe analyse lapersonne d’Emane Tole à travers les évènements de Ndjolé ( 1257 ). Le chef fang yest décrit comme le défenseur des intérêts fang dans la région de Ndjolé ( 1258 ).Bien que le contexte socio-économique soit clairement décrit : les rivalités avec lesKota, la hausse des prix de la S.H.O. et les difficultés de la répression militaire,Emane Tole a été élevé au rang de héros de la résistance gabonaise face àl’occupant colonial par Metegue N’Nah. Peut-être influencé par la mémoirecollective qui a plus ou moins bien conservé le récit des évènements ( 1259 ),Metegue N’Nah analyse la plupart des conflits qui opposent l’autorité coloniale auxpopulations locales, en particulier fang, comme l’expression d’une résistanceorganisée, farouche et déterminée ( 1260 ). Le premier exemple de conflit armé rendcompte de la lecture orientée qu’il fait des évènements. En février 1862, un conflitcommercial banal entre Kele et Mpongwe resté sans solution dégénère et entraîneune répression coloniale meurtrière. Il en conclut :

“ Le fait le plus important est que, dans cette affaire, les deux partis en présenceont l’un et l’autre manifesté leur volonté respective : d’un côté, volonté desautochtones de régler eux-mêmes leurs affaires et de sauvegarder leurindépendance ; de l’autre, volonté des colonisateurs de s’imposer comme la seuleautorité du pays. Ces deux positions n’étaient pas conciliables, et c’est ainsiqu’avec ces événements de février 1862 fut inauguré le cycle infernal dessoulèvements des autochtones et des interventions armées des forces d’occupationscoloniales ” ( 1261 ).

Ainsi, dans toutes les affaires qu’il traite, de la retenue de Walker chezRempolé en 1866 aux Binzima, en passant par les événements de Mocabe etl’agitation des Essobam, les raisons économiques sont reléguées au second plan,pour mieux mettre en avant l’aspect politique, la résistance du peuple Gabonais,rejoignant ainsi l’idée nationale de Ratanga Atoz.

Marc-Louis Ropivia

Page 340: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

L’histoire coloniale des Fang n’a pas l’exclusivité d’une lecture orientée desfaits. L’histoire ancienne est également soumise à une vision qui, compte tenu desmatériaux de base, emprunte une large part à la liberté d’interprétation. Mais lechamp d’investigation est si vaste, l’ouverture si large, que les chercheurs s’yperdent facilement. Craignant peut-être les tentations vertigineuses, les historiensmodernes se sont d’ailleurs gardés d’approcher l’histoire précoloniale des Fang.D’autres s’y sont donc aventurés avec plus ou moins de bonheur.

Les études les plus ambitieuses depuis longtemps sur l’histoire ancienne desFang sont le fruit de Marc-Louis Ropivia. Entre 1981 et 1984, il publie trois articlesdans lesquels il rassemble des éléments pour recomposer la migration des Fangdepuis leur origine jusqu’au Gabon ( 1262 ). Géographe, son travail reposeessentiellement sur l’analyse des Mvett dans lesquels il scrute les moindresindications toponymiques, géomorphologiques, qui sont pour lui autant d’élémentsirréfutables. Ropivia explique l’originalité de sa méthode :

“ Ce que [les] différents spécialistes n’ont point compris c’est que le Mvettn’est pas un art pour l’art. Il est essentiellement un mode de transmission par lequelun peuple sans écriture a pu, de bouche à oreille, véhiculer son histoire intérieuredepuis les millénaires et les sites les plus lointains jusqu’à nous. A ce titre, sasignification fondamentale ne peut être qu’historique […] Son importanceprimordiale, comme celle de toute tradition orale, réside non seulement dans lesnouvelles perspectives de l’historiographie mais aussi dans la possibilité qu’il offreà l’historien d’abstraire les faits sociaux des cosmogonies et des mythesfondateurs […] ” ( 1263 ).

L’enchaînement des détails conduit à “ convertir en vérités irréfutables ” lesconjectures des auteurs anciens, Trilles, Largeau, etc. ( 1264 ). Il reconnaît en effetl’habitat d’origine des Fang, qu’il nomme “ l’œkoumène fangoïde primitif ”, dansla région qui s’étend des Lacs d’Afrique Centrale, foyer du peuple d’Engong, auBahr-el-Ghazal, foyer du peuple d’Okü, Engong et Okü étant les deux peuples quis’affrontent dans les récits.

La démarche de Ropivia amène plusieurs commentaires. En premier lieu, elles’inscrit dans le développement d’un panafricanisme et d’une recherche d’histoirecommune avec l’Egypte, initiés à l’aube des indépendances, notamment par CheikhAnta Diop et repris par Théophile Obenga. En conclusion de son premier article,Ropivia cite Obenga :

Page 341: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ Pour nous, le territoire commun à l’égyptien et au négro-africain moderne està localiser, avec vraisemblance, dans ces régions des Grands Lacs Africains. Làdoit être le berceau du négro-égyptien, langue prédialectale, préhistorique,commune à l’égyptien pharaonique et aux autres langues négro-africaines ” ( 1265 ).

En second lieu, la validité scientifique de la méthode est très limitée. Lesrecherches ne s’appuient que sur la lecture des deux premiers tomes du Mvett, écritpar le chantre Tsira Ndong Ndoutoume ( 1266 ). Ropivia ne pose aucune réserve surl’originalité des récits, sur la légitimité de leur interprétation, en tant que récitsmodernes, transcrits et traduits. Au contraire, il développe ses arguments sur lamétallurgie du cuivre dans la Région des Lacs et celle du fer dans la Vallée du Nilet propose que l’apparition d’échanges par l’intermédiaire de Méroé soit à l’originedes conflits entre Okü et Engong ( 1267 ).

Le système de Ropivia se heurte alors à celui des linguistes qui progressent enétudiant, grâce à l’archéologie, la diffusion de la métallurgie dans l’aire bantu. Ilrésout la difficulté en maintenant ses hypothèses géographique mais en suggérantque les Fang ne seraient pas des Bantu, “ tandis qu’ils présentent de nombreusesaffinités avec les peuples du Haut-Nil ” ( 1268 ). Il propose enfin, contre lesdéfenseurs d’une métallurgie directement du fer apparue en Afrique sub-saharienneautour de Nok, que les Fang aient inventé celle du cuivre en Afrique centrale, àl’origine des civilisations du cuivre du bassin du Congo ( 1269 ).

Ropivia n’est pas le seul à puiser dans la littérature orale, et notammentles Mvett, pour repérer des éléments historiques. Travaillant sur les Bulu, leCamerounais Samuel Eno Belinga souligne à son tour combien les épopéesvéhiculent la culture du fer dans le groupe pahouin ( 1270 ). La démarche renvoie àl’interprétation couramment faite du fer en tant que matière dans les récits,apparemment synonyme d’immortalité mais qui prend une dimensionmétaphysique difficilement accessible au spectateur ( 1271 ). Elle renvoie égalementà Pascal Boyer qui a mené une étude très complète sur le Mvett. Tout en relevant laplace du fer dans les récits, il note combien leur interprétation est aléatoire :

“ […] L’essentiel du mvët est constitué de récits considérés sans le moindredoute comme des fictions. On est donc loin ici de la vision ordinaire d’une traditioncomportant l’exposé de croyances particulières et d’une certaine “ vision dumonde ” mythique, qui est la situation paradigmatique dans les théories ordinaires

Page 342: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

de la tradition ; en effet, personne ne “ croit ” ce qu’il y a dans le mvët […]. Lesépopées sont généralement constituées d’énoncés confus ou contradictoires dont ilest impossible de tirer aucune proposition claire quant à ces notions ” ( 1272 ).

LUTO

D’autres voies de recherches sont encore ouvertes dans les années 1980.L’Université Omar Bongo de Libreville en est le siège. Ses responsables prennentla mesure de l’urgence à sauvegarder la mémoire orale du pays au moment oùl’évolution des modes de vie à l’occidentale devient irréversible. Les premièresétudes sont menées sous l’impulsion de Raymond Mayer, professeur audépartement d’histoire qui travaille à recueillir, par l’intermédiaire de ses étudiants,des récits migratoires auprès des vieux dans les villages. En 1985, Benjamin MeyeM’Owono soutient un mémoire de licence sur l’histoire de son propre clan, lesNkodjeign ( 1273 ). L’analyse des sources orales, la reconstitution du clan par lesgénéalogies et le travail sur son histoire engagent les chercheurs à suivre sonexemple malheureusement arrêté à la licence. Avec lui, les études globales sur lesFang ayant montré leur limites, les études plus modeste mais plus réalistesapparaissent. Elles se bornent au niveau du clan, dans une démarche bien plusféconde et plus prometteuse.

Dans cet esprit, la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Libreville créeen 1985 le LUTO, Laboratoire Universitaire de la Tradition Orale, qui regroupe uneéquipe pluridisciplinaire d’une trentaine d’enseignants-chercheurs, dans une équipepluridisciplinaire et ouverte. Son “ premier objectif scientifique […] est larecherche fondamentale sur le patrimoine culturel national, en particulier lacollecte des documents oraux, l’étude systématique des pratiques socioculturelles,leur élaboration, leur analyse contextuelle et leur publication selon des normesscientifiques ” ( 1274 ). Ses travaux sont présentés lors de séminaires annuels.

La contribution de la tradition orale à la connaissance de l’histoire anciennedes Fang n’est pas à défendre. Les enquêtes même les plus modestes apportent deséléments utiles. En 1989, Raymond Mayer publie cent-trente récits originauxrecueillis auprès des vieux villageois sur les migrations des différents clans ( 1275 ).La forte présence des pseudo-traditions autochtones déjà repérées par P. Laburthe-Tolra à Minlaaba ne fait que renforcer le caractère d’urgence du travail entreprispar le L.U.T.O.

Page 343: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Nouveaux éléments

La présentation des études sur les Fang montre comment, par manque de recul,par ignorance ou par volonté délibérée, les premières observations ont nourri denombreux préjugés, sans que les auteurs successifs parviennent à s’en dégager :l’esprit de conquête, le nomadisme, la supériorité physique et intellectuelle... Lamise en évidence de ce long processus et l’éclairage nouveau porté sur l’histoirecoloniale des Fang amènent plusieurs reconsidérations à leurs sujets. Le caractèredes Fang, leur rapport à la présence coloniale, leurs conditions d’installation auGabon et leur histoire précoloniale, sont à reprendre à l’appui d’une étudeethnologique de leur culture orale et matérielle. Tout en soulevant plusieurs pointsd’interrogation, ces nouveaux éléments ouvrent sur une révision de la chronologieet tentent d’expliquer les raisons des déplacements fang jusqu’au Gabon.

Structures sociales

Le caractère qui a le plus marqué les Occidentaux, en particulier les autorités deLibreville, est l’absence de lien politique entre les différents villages, au contrairedes populations côtières. L’indépendance des villages fang a souvent été malperçue par les auteurs. En 1874, Hedde écrit :

“ Malheureusement il n’existe aucun lien entre les individus de cette nation ; àpeine arrivés, on les voit se chasser mutuellement pour avoir une place favorablepour la culture ou pour le commerce, et à leur tour chercher à arrêter leurscompatriotes attirés de l’intérieur par les mêmes besoins de curiosité et de cupidité .

Page 344: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ […] Chaque village est indépendant ; il est souvent le rival ou l’ennemi duvillage pahouin le plus proche ” ( 1276 ).

Cent ans plus tard, Fernandez écrit encore :

“ The economic unit is the “famille restreinte” (ndebot) and a grown man withwives and children feels himself economically almost entirely on his own. Therehas been very little institutionalised or even inter-personal cooperation amongthem. This lack of the spirit of cooperation is one of the most important facts aboutthe Fang and the greatest obstacle to their constructing and participating in a viablemodern state. The Fang say “Mot ase a yoane tobo and dje–“ (each man shouldstay in his own house). This saying is an important theme of their sociallife ”( 1277 ).

Vu de l’intérieur, la réalité des relations claniques est différente de cetteperception étroite. Metegue N’Nah note avec justesse que l’autonomie des villagesn’interdit pas l’existence de liens ( 1278 ). Ces liens solides et pérennes sont tissés surles relations familiales que les Occidentaux cernent rarement. Pères, mères, oncles,tantes, neveux et nièces semblent se multiplier à l’infini, décourageantl’observateur non-averti. Il faut constater le poids parfois encombrant de sesrelations car elles impliquent des relations d’entre-aide qui peuvent être trèscontraignantes. Ces relations se doublent des relations avec la belle-famille, ellesaussi très encombrantes. Par exemple, le gendre ne finit jamais de payer la dot, ildoit souvent rendre des services à ses beaux-parents, leur offrir des cadeaux, del’argent, etc. Enfin, du point de vue géographique, les relations s’étendent depuisles rives de l’Ogooué jusqu’au Cameroun.

D’un point de vue pratique, ces relations obligent les villages à l’hospitalité deleurs parents. Mais cette hospitalité va bien au-delà des clans puisque l’étranger lareçoit avec la même spontanéité. Ce dernier peut s’installer au milieu de ses hôtes,se faire “ adopter ” par le village et y fonder un foyer. En échange, le ntobo rendcertains services en participant aux travaux du village. Cet aspect est un élémentabsolument essentiel de la société fang, il explique en grande partie le processusd’installation des Fang au Gabon.

L’existence des relations claniques permet une grande mobilité des Fang sur leterritoire gabonais, de même qu’au Cameroun et en Guinée équatoriale. Elleinstitue cependant une certaine hiérarchie entre les individus :

Page 345: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ Ainsi, tout en haut de l’échelle sociale étaient placés les membres à partentière du clan […] les atem bo b’ayong, les purs sangs, libres, jouissant de tousleurs droits, ensuite ceux dont un parent était d’une autre ethnie. Au milieu del’échelle sociale, on trouvait encore deux catégories d’hommes de conditionintermédiaire entre la liberté et l’esclavage : d’abord, les enfants nés de pères libres,membres à part entière du clan, et de mères esclaves ; ensuite, les hommes libresayant élu leur domicile dans un autre clan que le leur ” ( 1279 ).

C’est bien l’étroitesse de ces relations entre Fang qui a permis aux premiersgroupes fang de s’installer dans les villages courtiers puis de fonder leur proprevillage. C’est donc par un processus d’assimilation et non d’invasion oud’extemination que les Fang sont parvenus à gagner les points du commerce, tantdans l’Estuaire que dans l’Ogooué ( 1280 ).

Peuple farouche

Le caractère des Fang constitue le second élément à reconsidérer. Il n’a pasparu contradictoire aux Occidentaux de présenter les Fang comme un peupleextrêmement farouche alors que dès 1848 et la description de Walker, ils parlaientd’une véritable invasion programmée du Gabon ( 1281 ). Ce caractère, si souventrepris dans les descriptions, renvoie aux rapports ambivalents que les Fangentretiennent d’une part avec les populations riveraines du Komo et d’autre partavec les Blancs.

A lire Bowdich ( 1282 ), et quelle que soit la distance qui les sépare de la côtevers 1818, les Fang sont, par l’intermédiaire des Kele et des Seke, en relation decommerce avec les Mpongwe. Ces relations ont donc au moins vingt ans aumoment où les Français s’installent durablement au Gabon y modifiantconsidérablement l’aspect du commerce. Aussi, les Fang ne peuvent-ils ignorer quedepuis longtemps la côte diffuse vers l’intérieur les marchandises importées. A cetitre, le mythe des Blancs, possesseurs et pourvoyeurs des richesses, remonte bienplus loin que ne le pensent Trilles ou Léon Mba. Les Fang savent aussi que lesréseaux d’accès aux marchandises européennes sont également les voies de la traite

Page 346: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

négrière qui, malgré la vigilance des Français, perdure très longtemps ( 1283 ). Deplus, si les villages côtiers connaissent la destination transatlantique des captifs, onpeut croire que les populations de l’intérieur, premières touchées par les razzias,ignorent à peu près tout de l’ “ usage ” que leur réservent les Blancs, d’où lesfantasmes sur l’anthropophagie des Blancs rapportés par Wilson ( 1284 ), ou surl’origine du vin, citée par Faidherbe ( 1285 ).

A l’arrivée des premiers Fang dans l’estuaire du Gabon, la traite négrière, bienqu’interdite et combattue, est encore prospère dans les villages mpongwe. Mbokoloestime que chaque semaine, Denis envoie avec Dukin quinze à vingt esclaves versle Cap Lopez et chaque année, environ trois mille esclaves partent du Gabon ( 1286 ).Encore en 1845, les côtes du Mouni à Loango fournissent 12 500 esclaves pour leBrésil et 5 200 pour Cuba ( 1287 ). En 1851, cinq Fang sont capturés pour le comptede Fontan, traitant espagnol “ fort respecté ”. Ils sont libérés chez Glass alors qu’ilspartaient pour Sangatanga ( 1288 ). La crainte de l’esclavage n’est donc pas sansfondement et n’est pas non plus qu’un mauvais souvenir, ramenant aux razziasarabes.

La perception qu’ont les Fang des Blancs ne peut cependant pas être compriseuniquement à travers l’image négative du négrier. Elle fait appel à leursconceptions “ religieuses ” qui font du blanc la couleur de la mort et de larenaissance. Pour les Fang, les premiers Blancs rencontrés sont des “ revenants ”qui font la curiosité et parfois la stupeur des villageois. Pour autant, il seraithasardeux d’interpréter cette vision car les morts accompagnent les vivants danstous les moments de la vie et n’ont pas le caractère d’hostilité que leur prêtent lesOccidentaux.

Les courtiers mpongwe, seke et kele font bien plus pour dissuader Fang etBlancs d’entrer en contact, d’où une méfiance accrue. Brazza explique commentl’influence négative des Mpongwe a marqué les premières heures de l’arrivée desFang sur le littoral :

“ Depuis vingt-trois ans, les traitants et les populations voisines de la côte ontsuivi la ligne de conduite que signalait si bien le général Faidherbe. Guidés parleurs intérêts d’intermédiaires commerciaux, ils représentaient les Pahouins commedes sauvages intraitables, féroces, pillards, cannibales, bons tout au plus à êtredétruits par le fer et le feu.

“ Par contre, devant ces peuplades primitives et ignorantes, ils se targuaient duprestige de l’autorité, la leur représentant comme uniquement préoccupée de lessoutenir dans leurs tromperies, leurs vols commerciaux et parfois aussi dans leslibertés de toute nature envers le beau sexe qu’ils se permettaient en leur qualitéd’enrichis, car c’étaient bien des enrichis ” ( 1289 ).

Page 347: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

La même explication vaut pour les régions de l’Ogooué supérieur, où les Fangs’avancent depuis le nord, à partir de 1860. Compiègne et Marche ne saisissent niles enjeux économiques ni les rivalités ethniques qui s’expriment contre leurprésence, lors de l’attaque du convoi en 1874 sur le confluent de l’Ivindo.Manipulés par les Kande, les Shiwa sont en effet convaincus que les Blancs sont lesalliés des Kande et leur sont résolument hostiles, d’où l’attaque du convoi emmenépar des pagayeurs kande. Plus tard, Brazza est lui-même victime de ces’diabolisations’ kande lorsqu’il veut rencontrer les Shiwa, afin d’éviter la mêmedéroute que ses prédécesseurs : “ Les Okandas ont tellement effrayé le traitantgabonais, duquel je vous ai parlé, qu’il n’a pas accepté mon offre de le faireconduire chez Mamiaca ” ( 1290 ). Encore en 1907, Fourneau rapporte la réputationqu’entretiennent auprès des Shiwa les Duma et les Kande, soucieuses de conserverleur monopole : “ Certes, les populations ont été très émues par l’arrivée des Blancsqu’elles ne connaissaient que par ouï-dire… On leur a dit que le Blanc étaitméchant et qu’il mettait du piment dans les yeux des gens, qu’il les chargeait dechaînes et brûlait les villages. C’est en effet, sous ces sombres couleurs que nousdépeignent constamment à leurs yeux traitants et intermédiaires indigènes,intéressés les uns à nous empêcher de parvenir au cœur des populations qu’ilsexploitent, les autres à retarder l’arrivée des productions aux lieux de vente et sur lefleuve ” ( 1291 ).

Agressés

Que ce soit dans le Komo ou dans l’Ogooué, l’établissement de relations entreproducteurs et courtiers entraîne la visite dans les villages des premiers Fang, puisleur installation. Les premiers moments leur sont, loin s’en faut, faciles etagréables. Les Fang apparaissent “ rustiques ” : leurs vêtements sont des plussimples, archaïque, en écorce. Leur coiffure est élémentaire, leurs ustensiles, outilset armes, malgré leur qualité indéniable, sont dépassés. A l’inverse, les courtiersportent des vêtements occidentaux, la plupart en laine chaude et inconfortable, maisde la dernière mode. Ils possèdent des objets qui représentent une richesseincomparable, ils ont des bouteilles en verre, des plats en cuivre, des perles et desbijoux, et surtout des fusils qui leur garantissent une supériorité incontestable. Dansun premier temps, les groupes fang subissent l’autorité matérielle de leurs hôtes.

Page 348: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Profitant de leur position, ces derniers n’hésitent pas à léser les producteurs ( 1292 ).Ils n’hésitent pas non plus à créer les conditions de l’insécurité ( 1293 ).

Mais les replis kande sur la rive opposée, les déplacements kota sur les îles aumilieu du fleuve montrent que la puissance matérielle des courtiers n’est quetemporaire. L’organisation traditionnelle des Fang rétablit la situation. Ils ont poureux le nombre et la solidarité clanique. Plus encore, l’accès progressif aux objets detraite, en particulier les fusils, amène les Fang à rattraper, en une vingtained’années, leur infériorité matérielle ( 1294 ). On est loin d’une stratégie bien “ rodée ”comme l’évoque certains auteurs ( 1295 ). La stabilité n’est cependant pas définitive.Les positions nouvellement acquises transforment les anciens producteurs encourtiers et les conflits demeurent. L’observation est la même dans les rivières del’Estuaire comme le prouve la longue suite de pillages, vols et représailles, où lesalliances et la justice traditionnelle rendent rarement efficace l’intervention del’autorité coloniale.

Résistants

Au-delà de la complexité des intérêts en jeu, l’efficacité de cette interventioncoloniale est lourdement entravée par la lenteur de la réaction de la station navaledans l’Estuaire ou des stations dans l’Ogooué. Le manque d’homme, le manque dematériel, la coordination déficiente retardent de plusieurs semaines, souvent deplusieurs mois l’arrivée d’un vapeur auprès des belligérants, alors que la situationexige une intervention immédiate. Les villages châtiés sont alors dansl’incompréhension totale. De plus, à de rares exceptions près, la mentalité coloniales’accorde mal avec la diplomatie. Depuis les débuts de l’occupation du Gabon, lesOccidentaux pensent que la force est l’expression indispensable de l’autorité. Ilssont même persuadés qu’ entrer en pourparlers avec les chefs coupables serait pources derniers un signe de faiblesse. Les expéditions sont donc presque toujourspunitives, brutales, sanglantes, meurtrières. La démesure qui les caractérise, parrapport à l’enjeu sécuritaire, trouve aussi son explication dans les manipulationsdont les officiers français font l’objet de la part des représentant des maisons decommerce, qui les pressent de châtier les pillages.

Malgré les morts et les blessés, les villages incendiés, les plantations détruites,les prisonniers nombreux, les otages et les enfants enlevés à leur famille pour êtreplacés dans les missions catholiques, les Fang manifestent chaque fois leur volonté

Page 349: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

de ne pas se couper des Français. Les villages rasés sont reconstruits à quelquesmètres seulement, afin de ne pas perdre ni la position stratégique qui contrôle larivière, ni les relations avec les Blancs, à l’exemple des villages aux alentours deDonguila, au grand mécontentement des pères de la mission. Les éloignementsdans la forêt sont très rares et correspondent à un repli temporaire et non à une fuitedéfinitive. Seules, les disparitions dans les forêts à partir des années 1880 sont unetentative délibérée de se soustraire au service obligatoire et à l’impôt de capitation.En aucun cas il ne s’agit d’une volonté de se couper des richesses qu’apporte lecommerce.

En ce sens, il n’a jamais été dans l’intérêt des Fang de résister à l’occupationfrançaise, qui est la garantie d’un accès aux richesses matérielles. Jusque vers 1885,les différentes affaires ne sont ni une volonté délibérée de piller afin d’obtenirfacilement des produits de traite comme le pense Boitard, ni une forme derésistance à l’autorité coloniale comme suggèrent Ratanga Atoz et Metegue N’Nah,ni encore une réaction à une quelconque transgression de règles traditionnellescomme le suppose Mbot ( 1296 ). Les intérêts économiques renvoient en effet à plusde pragmatisme. Ce n’est qu’après l’organisation de l’Ogooué mise en place parBrazza qu’apparaissent des affaires plus sérieuses pour la Colonie. Les situationssont proches de celles qu’ont vécu les rivières de l’Estuaire, mais les enjeux y sontplus importants, les “ potentiels ” humains et matériels plus forts. L’ouverture aucommerce de l’Ogooué, avec l’apparition des sociétés concessionnaires gérées pardes traitants peu scrupuleux, les recrutements, la mise en application de l’impôt etl’éloignement des stations enfièvrent rapidement les tensions et provoquent desréactions d’hostilités à l’égard des Blancs. Mais d’une manière générale, lesatteintes aux intérêts de la Colonie sont extrêmement rares. Les stations ne font pasl’objet d’un “ siège ” comme beaucoup de factoreries en connaissent. D’ailleurs cesoccupations, comme la prise d’otage de traitants, sont souvent des tentativesd’intimidation naïves pour réclamer l’installation ou le maintien sur place d’undépôt de marchandises. Toutes les affaires, qu’elles apparaissent dans l’Estuaire,sur l’Ogooué ou à dans le Nord ont, à l’origine, un différent commercial.

Nomades

Indéniablement, l’économie de traite prime dans l’activité des Fang. Auxpremières heures de la colonie, ils participent activement à l’approvisionnement enivoire. Tout laisse croire que la situation est identique au moins depuis le début du

Page 350: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

XIXème siècle, depuis que la côte gabonaise reçoit la visite régulière de navires.Les villages fang seraient dans les Monts de Cristal et s’étendraient jusqu’au bassindu Ntem et du Woleu. Vers 1840, les Fang qui descendent sur le bas-Komo sontdes porteurs isolés qui viennent vendre l’ivoire aux courtiers. Les premièresinstallations de villages dans l’Estuaire ne sont observées qu’une dizaine d’annéesplus tard, avec une vigueur qui ne faiblit pas jusqu’au début des années 1880.

Pour les Occidentaux, ces déplacements, apparemment soudains, sontsurprenants car inhabituels. En effet, à force de fréquenter la côte atlantique sanspénétrer l’intérieur, ils ont surtout rencontré un seul système politique stable, celuides chefferies locales, organisées pour contrôler le trafic des produits àl’exportation. Dans l’estuaire du Gabon, les villages mpongwe et seke sont en placedepuis fort longtemps.

Les observateurs retiennent les paroles de chefs sur le nombre des Fang ( 1297 ),et sur leur longue “ pérégrination ” de cinq à onze mois lunaires avant d’arriverdans l’Estuaire ( 1298 ). Ils intègrent ces informations à leur connaissance del’Afrique. Considérant que le cœur du continent n’est qu’un vaste désert humain,ils placent l’origine de la “ migration ” fang sur son versant oriental. Aussi, touss’accordent pour considérer que les mouvements vers l’Estuaire et l’Ogooué nepeuvent qu’être le fait de populations dont la nature profonde est d’être enperpétuel mouvement. N’ayant aucune référence africaine pour décrire de telsdéplacements, ils font une comparaison hâtive et malheureuse avec les hordes“ barbares ” dont les descriptions, sous des traits sauvages et sanguinaires, semblentparfaitement s’accorder avec les Fang et leur vitalité, leur fécondité, leur cultureoriginale, leur métallurgie, etc. Implicitement, à la longue marche pressée,s’associent l’invasion du littoral, la conquête des points de commerce ; les nomadesfaisant le vide autour d’eux, assimilant ou massacrant. La référence perdure tout aulong de leur fréquentation, de Tessmann à Perrois, en passant par Sautter qui vamême jusqu’à considérer le nomadisme des Fang comme contraire à leur culture,mais adopté par nécessité ( 1299 ). Or, les descriptions ne conviennent pas plus auxFang qu’aux Goths ou Vandales, ni les massacres, ni le principe d’une invasionprogrammée, encore moins la dépendance aux populations sédentaires qui a étédémontrée, à l’instar des Pygmées eux-mêmes, étroitement liés aux “ GrandsNoirs ” qui échangent le produit de leurs chasses, notamment l’ivoire, contre desobjets en fer.

L’apparente instabilité des villages fang donne aux Occidentaux l’image d’unpeuple en perpétuel mouvement. La vision semble exacte pour la période coloniale.L’exploitation des produits d’exportation conduit, comme le dit Alexandre, aunomadisme ( 1300 ). On a d’ailleurs pu observer l’épuisement des forêts de la régionde l’Estuaire et le déplacement vers le sud des villages fang. Mais certains

Page 351: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

caractères de la société fang remettent en question ce nomadisme si rapidementattribué aux Fang, tant ils s’accordent mal avec des déplacements fréquents.

Le “ nomadisme ” des Fang n’est pas celui des chasseurs - cueilleurs, ni celuides pasteurs, il ne repose pas sur l’épuisement des richesses naturelles d’une régioncar, contrairement à ce que certains auteurs ont pu écrire, Balandier entre autres( 1301 ), les Fang sont incontestablement agriculteurs. Comme la plupart des ethniesdu Gabon, ils pratiquent la technique du brûlis. A proximité du village les hommesdéfrichent une parcelle de forêt. Ce travail dure environ un mois ( 1302 ). Les arbresles plus gros sont épargnés. La surface dégagée dépend à la fois des besoins et descapacités des cultivateurs. Au besoin, il est fait appel à des aides extérieures, dansla famille et auprès des voisins. La parcelle est ensuite brûlée, ce qui fertilise le sol.Puis les femmes ensemencent, entretiennent et récoltent. La technique permet debonnes récoltes pendant environ trois ans, selon la culture. Quand une parcelledevient trop pauvre, elle est mise en jachère pour une période indéterminée ( 1303 ).Avant son abandon, une nouvelle parcelle de forêt est préparée. Au fur et à mesurede leur remplacement, les plantations s’éloignent des villages ( 1304 ). La sécuritédes femmes qui s’y rendent et des enfants qui les accompagnent vient alors à seposer. Pour Martrou, ces problèmes encouragent les hommes qui défrichent loin duvillage à construire de nouvelles habitations, d’abord temporaires (Mfini), puis,quand la plantation est exploitée, un nouveau village ( 1305 ).

Par comparaison avec les plantations actuelles, la surface moyenne desparcelles n’excède pas un hectare. En supposant, avec une grande marge d’erreur,qu’une quinzaine de plantations alimentent un village de près de deux centshabitants, deux ou trois renouvellements de chacune des parcelles permettent auvillage de rester en place pendant environ dix ans. Quoique l’estimation reste trèsbasse, elle représente une période trop longue pour les auteurs qui ont fait des Fangdes nomades invétérés ( 1306 ). Elle réduit en tout cas la cause première denomadisme évoqué par Martrou, le nomadisme de culture.

Page 352: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 89 : ’Femmes fang revenant de la plantation’ (Cureau, 1912, pl. VIII, p.152).

D’autres habitudes purement matérielles retiennent encore les Fang dans leursvillages. Selon Tessmann, dès qu’un village est construit, les habitants y plantentdes figuiers à proximité des maisons pour la production d’écorce à battre destinée àla fabrication des habits ( 1307 ). L’arbre est coupé quand son tronc atteint 8 à 10 cmde diamètre. La croissance demande au moins cinq ans pour obtenir des bandesassez grandes ( 1308 ). La culture de certaines plantes, l’iboga par exemple, dans lacour même du village stabilise également son implantation.

La construction du village fait également apparaître quelques élémentscontraire au nomadisme. Elle nécessite d’abord de réduire la force d’un village enenvoyant les hommes préparer les parcelles à défricher pour le futur village et pourles plantations à venir. Les habitants viennent ensuite s’y installer dans des casesprovisoires. Les cases définitives ne sont construites que lorsqu’une activiténormale a démarré au village, au terme de plusieurs mois ( 1309 ). Ainsi, entre lemoment où le déplacement d’un village est envisagé, de nouvelles plantations sontentreprises, et le moment où le nouveau village est achevé, on peut considérerqu’une période supérieure à six mois s’est écoulée.

Page 353: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

La qualité des matériaux engage aussi le village dans la durée. Les structuressont en bois lourd, les pièces maîtresses sont en bois de fer (ewume), rare maisimputrescible et résistant aux termites ( 1310 ). Les parties les plus fragiles sont lesparois d’écorce (nzel) ( 1311 ), et la couverture en feuilles de palmier tressées. Ellesdemande un renouvellement régulier, environ tous les ans pour la couverture,encore que la fumigation des habitations allongent leur durée de vie en réduisantconsidérablement l’action des insectes xylophages ( 1312 ).

Les rites appellent aussi les habitants à demeurer quelque temps dans unvillage, en particulier le culte des ancêtres. Il repose sur la conservation de certainesparties du squelette, en particulier du crâne. Or, les corps sont inhumés et larécupération des os n’est pas immédiate. Elle peut intervenir plusieurs mois après lamort. Le plus souvent elle a lieu à un moment critique pour le village, où lesvivants ne parviennent plus à assurer seuls leur protection. Il faut donc à toutmoment accéder à la tombe du défunt pour chercher le crâne. La présence detombes dans les villages serait donc le fait d’une vie sédentaire.

Si on porte quelque crédit à la littérature orale, on trouve aussi dansles mvett des éléments incontestables de sédentarité, en commençant par la positionimmuable des deux tribus, Engong et d’Okü. Un épisode, écrit par DanielAssoumou Ndoutoume en 1986, relate d’ailleurs une histoire de sépulture :

“ Un jour, Evini Ekang se surprit à effectuer une tâche qui ne lui plaisait pas dutout, une tâche plutôt macabre : assurer l’entretien de la sépulture de son pèreEkang Nna. Pourquoi assurait-il la propreté de ce lieu? Etait-il devenu fou? sedemandait Evini Ekang. Son méchant père est mort après avoir commis la pire desinjustices en confiant à Ngame Ekang (le frère de Evini Ekang), le benjamin d’unemultitude d’enfants, tout ce qui aurait dû être réparti entre tous. Et Ngame Ekangqui avait pourtant tout reçu et avait enterré leur père avait déserté le village,probablement pour ne pas avoir à s’occuper de cette macabre besogne ” ( 1313 ).

Quoiqu’il en soit de la période coloniale, l’époque contemporaine consacre lasédentarité voulue par l’autorité française. Abel Nguéma, notre principalinformateur, né en 1939, originaire de Meyo Nkodjeign, à l’est de Bitam, manifestel’attachement des Fang à leur terre, bien qu’ils n’aient pas de “ mère patrie ” ni deterre ancestrale. Ils ont une parfaite connaissance des lieux importants, des lieuxqu’ils ont habités et qu’ils connaissent parfaitement l’endroit où sont enterrés leursancêtres. Une enquête réalisée en 1996 auprès d’étudiants fang en résidence à Lille,donne une idée assez étonnante de leur attachement au village ( 1314 ). D’après eux,le culte melan l’explique à lui seul. Leur deuxième argument est peut-être uneextrapolation du culte melan : un homme ne peut mourir s’il n’a pas vu son fils une

Page 354: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

dernière fois pour lui demander d’habiter sa case. Le fils mettra un point d’honneurà respecter cette dernière volonté. Enfin, pour l’homme fang, une seule chosecompte, son village. Les étudiants donnent comme preuve le nombre de casesd’habitations en dur, construites en ciment et parpaings : tout Fang qui commence às’enrichir à la ville ne conçoit pas d’investir son argent autre part qu’au village,pour améliorer son propre confort mais aussi celui de ses parents qui y viventcontinuellement, car la vraie richesse de l’homme fang, matérielle commespirituelle, se trouve au village.

Sur cette base, les étudiants démontent quelques-uns des motifs envisagés parMartrou. Les cas de morts soudaines ou d’épidémie ravageuse, le village ne devaitpas être abandonné sans tenter des remèdes. Les sages se devaient d’en appeler auxancêtres, et pour cela devaient recueillir un maximum de crânes pour combattre cetesprit maléfique manipulé par des sorciers, d’où l’importance d’habiter près destombes. Quitter le village aurait constitué d’abord comme un désaveu aux ancêtres,et une victoire des esprits malins qui, d’après les étudiants, auraient de toutes lesfaçons poursuivi leur entreprise dévastatrice au-delà du village, car les espritss’attaquent aux hommes et non au village.

Outre la question agricole évacué avec la technique de jachère (ekoro), lesinformateurs ont récusé les cas de guerre. En premier lieu, les combats auxquels selivrent habituellement les Fang sont peu meurtriers. Dès qu’un camp déplore lamort d’un homme, la bataille est arrêtée et les négociations aussitôt entamées. Il estpeu probable qu’un village soit perdu et donc que les villageois aient à s’implanterplus loin. De plus, selon nos informateurs, les guerres remontent aux tempsimmémoriaux, à l’époque où les Fangs habitaient l’Egypte. A l’exemple de cetteinvariable référence antique, il ne faut certainement pas prendre ces témoignages aupremier degré car la notion de village est intimement liée à celle de famille, et declan.

Au-delà de ces informations récentes, la taille de certains villages réduit encorele nomadisme des Fang La présence de villages très importants dans l’arrière-pays,loin des zones de commerce, demeure assez peu compatible avec l’idée depopulations en déplacements constants. En 1856, le village que visite Du Chailluaurait huit cents mètres de long ( 1315 ). Les guides de Compiègne, Brazza puisCrampel évoquent la présence, au nord de l’Ogooué, de véritables agglomérations.En août 1889, Fourneau visite le village de Zouameyong, “ long de près de 1500mètres, avec, en certains endroits, 3 à 4 rangées de cases parallèles. […] La régionétait très peuplée et couverte d’immenses plantations ” ( 1316 ). D’autres villagescomportant plusieurs corps de garde sont également visités, dans le Woleu Ntem, lehaut-Komo, l’Abanga ( 1317 ). L’importance de ces villages laisse plutôt croire à desétablissements durables ainsi qu’à l’existence de foyers de concentration humaine,

Page 355: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

sans doute liés à une activité de commerce traditionnel avec les rives de l’Ogoouéet la Côte Nord ( 1318 ).

Loin de conclure à la sédentarité des Fang, ces différents éléments viennentnuancer le point de vue largement défendu sur leur nomadisme. Ils proposent, entoute prudence, d’allonger à au moins dix ans la durée moyenne d’un village. Maisavant tout, ils veulent montrer que les conditions de déplacements des groupes fangdans les années 1840 ne peuvent pas être prises comme modèle théorique pourl’histoire ancienne des Fang et qu’il faut appréhender cette période avec d’autresschémas.

Conditions de déplacements

Les déplacements eux-mêmes doivent faire l’objet d’une attention particulièrecar de nombreux d’auteurs se sont perdus dans des raccourcis abusifs et ontéchafaudé des itinéraires migratoires discutables.

La plupart des auteurs considèrent qu’au cours de leurs déplacements, les Fangont suivi les cours d’eau. Or, les Fang ne maîtrisent absolument pas la navigationce qui réduit leur déplacement, bien qu’ils puissent traverser les rivières sur defragiles embarcations, les radeaux de Combo-Combo, décrits par Brazza.Alexandre note que les Fang ont suivi les lignes de crête plutôt que les vallées, pourmieux s’orienter grâce au soleil. L’idée des déplacements en fonction des réseauxhydrographiques conduit à des extrapolations pénibles quant au prétendu but dumouvement vers la côte ( 1319 ). Il est pourtant facile d’en réduire la portée enmontrant son origine : elle provient du fait que les Blancs sont allés depuisl’Estuaire du Gabon vers l’intérieur en remontant les multiples rivières. Lareconnaissance fluviale est en effet la voie la plus simple et la plus sûre pour lesexplorateurs ( 1320 ). Leurs apparitions dans l’intérieur ont ainsi encouragé lespopulations à se montrer de manière durable sur les rives, à construire des villagesau bord des rivières, copiant ainsi les villages seke qui s’étaient eux-mêmesinstallés sur les rivières pour faciliter les échanges avec les navires qui cabotaient.Dans l’Ogooué, véritable artère commerciale de la région, les Fang ont égalementcopié les populations riveraines, de même que sur le Ntem. Encore au début duXXème siècle, la mise en concession du bassin de l’Abanga, avec l’installation decomptoirs sur ses rives, favorise la descente de groupements depuis les Monts deCristal et l’apparition de villages sur ses rives.

Page 356: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Outre les explorations, les auteurs ont négligé la possibilité de déplacementsterrestres. Pourtant les chemins existent depuis longtemps. Ils contribuent auxéchanges vers l’intérieur. Par exemple, le village de Chinchoua tient sonimportance du fait qu’il contrôle l’embouchure du Remboué, navigable jusqu’àAkondjo, où débouche un chemin qui arrive sur l’Ogooué par le Lac Azingo. Lesentier a été très fréquenté aux heures les plus sombres de la traite négrière, tombéen désuétude avec l’implantation française dans l’Estuaire. En 1862, Genoyer etServal puis Walker gagnent l’Ogooué depuis l’Estuaire par ces chemins. Tenailled’Estais fait de même en 1883, alors que le chemin connaît une nouvellefréquentation depuis l’exploitation des forêts de son bassin. Les chemins ne sontpas réservés à la région côtière puisque dans l’Ogooué, Brazza témoigne dutransport de l’ivoire par les Fang jusque dans l’estuaire du Gabon par des cheminsqui coupent l’Okano puis l’Abanga ( 1321 ).

La carte moderne du Gabon donne aussi une idée de la grande mobilité desFang. La ville de Ndjolé en est l’illustration parfaite. Situé à l’origine en régionkota, au moins jusqu’au passage de Compiègne et Marche, le site est choisi parBrazza pour servir de base avancée à l’exploration de l’Ogooué. Il y fait construireun entrepôt sur l’île de Talagouga, au milieu d’un coude de l’Ogooué. Un tempsdélaissé, Ndjolé est réinvestie à partir de 1887, avec le retour de Brazza au Gabon.Terminus de la navigation à vapeur, son importance grossit avec la création d’unemission, d’une plantation et la mise en concession de sa région. Ndjolé devient unpoint stratégique, d’abord pour la conquête du Congo, puis pour l’exploitation del’Ogooué, en tant que débouché de la S.H.O. Dès 1887, les premiers Fang s’yavancent au détriment des Kota avant de devenir un des villages les plus surveillésdu Gabon, souvent gagné par une agitation fébrile ( 1322 ).

Le développement des villes sur des points stratégiques, comme Ndjolé,Ntoum (entre crique Rogolié et crique Nzeme), Lalara (sur l’Okano), Mitzic,Medouneu et Oyem (proches de la Guinée), Bitam et Minvoul (sur la frontièrecamerounaise), exprime le pouvoir d’attraction des centres d’affaires, sur lespopulations fang, autant qu’à l’inverse la désaffectation des postes commeAtakama, Ekodoro, Nkan ou Mbolenzork conduit à leur dépeuplement. Cesbouleversements se retrouvent directement dans la population dont on peut mesurerla stabilité en comptant le nombre de clans qui la compose. Dans son étude sur lasociété Fang, Balandier montre clairement l’éparpillement des clans dans lesrégions à fort pouvoir d’attraction, autour de Libreville, éparpillement qui contrasteavec une relative stabilité des villages dans le Grand Nord, qui apparaît comme le“ pays ” Fang :

Page 357: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ On pourrait calculer, pour chaque région, un volume moyen par clan quidonnerait des chiffres situés entre un minimum de 64, dans l’ancienne subdivisionde Chinchoua, et un maximum de 1000 dans le canton Kyé-Nyé (ancien districtd’Oyem) et dans les villages situés autour de Bitam Minvoul ”. ( 1323 )

Cette simple statistique montre à quel point la cohésion sociale disparaît versles vieux points de la traite, Libreville, Lambaréné, Ndjolé, et, en revers, soulignela stabilité sociale du Woleu Ntem, apparaissant dès lors comme un éventuel“ réservoir ” fang.

Enfin, il n’est qu’à voir la démographie galopante que connaît Libreville pourmesurer la grande mobilité des Fang. Alors que depuis vingt ans la population duGabon reste stabilisée à environ un million d’habitants, celle de la capitale avoisineaujourd’hui les 400 000 habitants, contre 225 000 en 1984 et 15023 en 1953 ; nonsans causer quelques soucis d’urbanisme et d’insalubrité. Les bidonvilles,enchevêtrement de tôles ondulées et de planches de récupération, fleurissent dansl’épaisseur des “ matiti ”, hautes herbes des terrains incultes. Tous les grands axesautrefois autoroutiers sont déclassés en boulevards depuis la constructiondésordonnée sur les bas-côtés de maisons, depuis le quartier de Nzeng-Ayongjusqu’à la Cité du 12 mars. Même les classes moyennes, en capacité de faireconstruire, n’ont plus guère accès qu’à des terrains de second, voire de troisièmerang.

Ainsi, à l’image d’aujourd’hui, les Fang ont été, pendant la période coloniale,très mobiles et ont toujours été attirés vers les centres économiques du Gabon :activité de traite et centres de production ( 1324 ). Aussi, serait-on tenté de réduire lamigration à un “ exode rural ”, tout au moins dans le principe, la présence françaiseet les relations matrimoniales avec les courtiers ayant dynamisé le mouvement.

Reste que l’ampleur et la détermination des déplacements, qui ont conduit lesobservateurs à parler d’invasion, continuent d’interroger. Il faut rappeler que cesmouvements ne se mesurent que par rapport aux populations en place et dans lecontexte particulier de la mise en valeur de la colonie. Il est difficile de s’en teniraux estimations démographiques de l’époque. En 1861, Touchard donne lespremiers chiffres : “ Les Séki sont tout au plus trois mille âmes ”, “ Les Akalais sont60 000, occupant les rives de la rivière Mondah et celles de la rivière du CapLopez jusqu’à celles de la rivière Como ” ( 1325 ). Deux ans plus tard, le chiffre de120 000 Fang est annoncé ( 1326 ). En 1867, Fleuriot de Langle évalue la populationde la région de l’estuaire du Gabon à 120 000 individus dont 6 000 Mpongwe, 10

Page 358: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

000 Seke, 10 000 Kele et 60 à 80 000 Fang ( 1327 ). Les écarts montrent le degré defiabilité de ces chiffres. L’autre réserve est dans la distinction faite entre lesgroupes ethniques, basée sur les villages, alors que, l’histoire coloniale a montréque la répartition ethnique ne correspond pas strictement à celle des villagespuisque plusieurs groupes peuvent y cohabiter. Les estimations qui viennent plustard sont également à nuancer, car beaucoup d’auteurs, n’ayant pas compris leprocessus d’assimilation, en ont fait une double lecture : la continuité d’unedescente massive des Fang et la disparition pure et simple des populations kele etseke ( 1328 ). Or, on aurait beaucoup de mal à croire que, par exemple, 60 000 keleaient été purement et simplement exterminés par l’arrivée des Fang. En réalité,l’ampleur du mouvement doit être plus étalée dans le temps. Pour autant, cetétalement du mouvement ne remet pas en cause la détermination des groupes qui enest à l’origine.

Economie traditionnelle

Tous les groupes fang ne se sont pas portés vers la côte et l’Ogooué pendant lapériode coloniale. La présence, déjà évoquée, “ d’agglomérations ” importantesdans l’arrière pays et la densité démographique des régions nord au début duXXème siècle en témoignent. Elles supposent une activité suffisamment importantepour maintenir en place ces villages. Nous manquons de renseignements sur lesrelations à l’intérieur du pays, mais les informations de Bowdich et desexplorateurs successifs, l’apparition de mouvements vers la côte nord, à partir de lafin des années 1850, et vers le Nord à la suite de la pénétration allemande, rendenttout à fait plausible l’hypothèse d’un foyer important de population entre le Ntem,l’Ivindo et l’Ogooué.

Encore faut-il, pour la vérifier, connaître la nature de l’activité économique quiprédomine et les raisons qui ont poussé certains groupes à quitter leur régiond’origine. En réalité, les deux réponses sont liées. Très vite et à mesure qu’ilsprogressaient dans l’intérieur, les explorateurs se sont rendus compte que le cœurde l’Afrique n’était pas le “ no man’s land ” décrit par les premiers voyageurs, aucontraire. Au Sud et à l’Est du Gabon, les échanges avec les rives du Congo sontimportants ; Brazza en a témoigné. Au Nord, les relations avec les “ principautés ”de la savane sont révélées par Crampel et Fourneau. Quant à la pénétrationcoloniale, elle révèle l’existence des relations entre les villages, capablesd’entraîner au plus loin les explorateurs : les Enenga aux Kota, les Kota aux Kande,

Page 359: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

les Kande aux Duma, etc. La circulation des produits associe l’ensemble desintermédiaires dans des relations de troc très segmentaires, efficaces, quimaintiennent en place, pour ne pas dire sédentarisent les intermédiaires en leurgarantissant les revenus de “ taxes ” pour le passage des produits. L’aptitude desFang, une fois arrivés dans l’Estuaire, à abandonner l’exploitation des forêts pourdevenir des courtiers, incline à penser que le courtage était déjà, à côté de laproduction, une activité traditionnelle dans leur zone d’origine. En 1888, Crampelconstate que l’activité des villages du Nord-Gabon est pour un tiers destinée aucommerce et au courtage :

“ Le M’Fan va de village en village, tâchant de revendre avec bénéfice l’ivoireet le caoutchouc qu’il a achetés ou volés ; chemin faisant, il entretient les divisions,afin qu’on ne sache pas, dans l’intérieur, quels sont les cours de la région maritime.Les Pahouins sont donc surtout des intermédiaires : ils tuent fort peu d’éléphantseux-mêmes. Ils vont chercher l’ivoire chez les Djandjamms et chez les N’Jimas, oubien exploitent les Bayagas ” ( 1329 ).

Si les Occidentaux n’ont retenu que leur grande qualité de producteurs, enparticulier d’ivoire, bois et caoutchouc, c’est qu’à défaut de pouvoir observer la“ société ” fang dans sa zone géographique comme le fit Crampel. Leurconstatation ne s’est faite qu’à propos des premiers groupes parvenus à la côte.L’autre constatation, faite aussi bien dans l’estuaire du Gabon que dans l’Ogooué,est que les Fang, habiles chasseurs, vendent le produit de leur chasse aux villagescourtiers trop occupés à commercer pour entreprendre des campagnes de chasselongues et périlleuses. Ce point est important car il reconnaît l’existence derelations anciennes d’échanges en dehors des relations de traite, et il souligne queces relations “ alimentaires ” placent les courtiers dans une certaine dépendance visà vis de leurs fournisseurs de viande. Il modifie la perception que les Occidentauxont eu des relations exclusivement commerciales entre les Fang et les courtiers etpermet de mieux comprendre comment les Fang sont parvenus à s’avancer vers cesvillages. D’autres produits fang sont échangés avec les villages voisins. Leurmétallurgie est particulièrement appréciée comme en témoigne une épée du muséed’ethnographie de Lille. L’épée a été collectée avant 1850, comme l’indique lesinventaires. Elle porte une mention manuscrite : “ Poignard des Bullows ”. Bienque la facture de la lame soit typiquement fang, ses proportions très petites, et sonfourreau très éloigné des fourreaux fang, en font au moins un objet d’échange, aumieux un objet de dot ( 1330 ).

L’observation des premiers groupes arrivés dans l’Estuaire donne desinformations précieuses sur les raisons qui les ont poussé à quitter leur régiond’origine. En particulier, leur engouement rapporté par Walker, Wilson et Méquet,

Page 360: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

pour certains produits de traite, est révélateur de cette économie traditionnelle. Ilsse désintéressent de l’alcool et du tabac alors que ce sont depuis longtemps lespremiers cadeaux offerts aux populations visitées, et ne veulent que des verroteries,des pacotilles, des ustensiles de cuivre qu’ils refondent, et des fusils ( 1331 ). Du faitde leur rareté, ils confèrent à leur propriétaire une prééminence sociale indéniableet disputée. C’est dire leur place dans la société fang et l’attrait qu’ils engendrent.Naturellement, ce sont les franges situées au Sud et à l’Ouest, c’est-à-dire celles quise trouvent en contact avec les courtiers qui ont été, les premières désireusesd’acquérir plus facilement ces richesses. Remontant dans les villages, parl’intermédiaire des porteurs, une “ contamination ” lente et définitive s’est opérée.La découverte des premiers villages dès les années 1850 dans le haut-Komo, rendcompte de l’ancienneté de ce mouvement, antérieur à l’implantation française( 1332 ).

Raisons internes

Il ne semble plus faire de doute que l’attrait pour les marchandises occidentalesa constitué un élément décisif du mouvement d’approche des Fang vers les pointsde commerce. Pour autant, il pose lui-même une question encore plus délicate àrésoudre car n’explique pas, à lui seul, ce mouvement, en ce sens que lesmarchandises d’importation sont des éléments extérieurs, mais leur attrait relève deraisons internes qui conduisent les Fang à quitter leur milieu d’origine : quellesraisons sociales ont amené les Fang à rechercher ces produits ? Il est en effetdifficile d’admettre, vu l’ampleur du mouvement, que des nécessités matérielles etsociales n’aient pas pris une part importante dans une entreprise aussi difficile,compte tenu de l’éloignement des soutiens familiaux, de l’insécurité desdéplacements en forêt, de l’accueil dans les villages courtiers et de la persistancedes trafics négriers.

Plusieurs explorateurs ont décrit la misère qui règne dans certains villages del’intérieur, le dénuement des hommes. La stabilité des villages dans le Nord duGabon oblige à ne pas généraliser cette précarité à l’ensemble du groupe. Elletendrait plutôt à penser que ces villages, en retrait de l’économie basée sur larecherche de marchandises d’importation, ont été moins perturbés que ceux situésdans les franges sud et ouest du groupe, ou qu’ils l’ont été plus tard, au tournant dusiècle, avec les pénétrations française et allemande, et l’activité des sociétésconcessionnaires.

Page 361: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Il faut pénétrer plus loin la société fang pour tenter de comprendre cetterecherche d’une richesse nouvelle, les possibilités et les capacités qu’elle procure.Encore est-il nécessaire de s’entendre sur la notion de richesse dans la culture fangqui, pour peu qu’on puisse l’appréhender, revêt plusieurs aspects. La richessematérielle n’est en quelque sorte que la partie visible de la richesse immatérielled’un individu. Celle-ci repose essentiellement sur sa famille et, incontestablement,sur sa descendance. C’est elle qui confère son poids social, dans la mesurenotamment où elle lui assure d’être honoré de son vivant et après sa mort ( 1333 ).Cette descendance n’étant assurée que par le mariage, le nombre de ses épouses estla véritable mesure de la richesse d’un homme ( 1334 ). Il lui faut donc chercherplusieurs femmes à marier ( 1335 ). Or dans la société fang, que ce soit chez lesShiwa, Betsi, Zaman, Mvae, etc., le mariage est une “ institution ” beaucoup pluscontraignante que dans d’autres sociétés, comme le note Mary Kingsley, lors deson séjour dans le bas-Ogooué en 1895 ( 1336 ). En effet, les Fang pratiquent uneexogamie stricte. Elle leur interdit d’épouser des femmes de leur clan, au moinsjusqu’au cinquième degré de parenté ( 1337 ). Parfois l’exogamie est double. Elleconcerne alors le lignage de la femme, en plus de celui du mari. Il est donc trèsdifficile pour un Fang d’épouser une femme dans son entourage proche.

Les relations commerciales favorisent sinon le mariage, du moins la“ circulation ” des femmes. Celles-ci sont données en gage aux vendeurs ou auxacheteurs pour qu’ils respectent les termes des échanges. Braouezec note ainsi :

“ Lorsqu’ils vont acheter une dent d’éléphant chez les Pahouins, [les Seke]laissent une de leurs femmes ou deux, suivant l’importance de la défense, en otagechez les Pahouins qui passent le pied de la femme dans un gros morceau de bois –la femme est rendue lorsqu’on apporte le prix de la défense. La réciprocité a lieu. –Ainsi les Pahouins envoient aussi une de leurs femmes en otage, lorsque le [Seke] adonné des avances de marchandises. – Même chose a lieu chez les Akalais – s’ilsont des captifs ” ( 1338 ).

Il était fréquent que les femmes une fois délivrées, épousent des membres duclan qui les avait gardées ( 1339 ). Mais prendre une femme dans une ethniedifférente n’est pas non plus chose aisée car le coût d’un mariage dépend de la dotfixée par la belle-famille. Et en principe, la validité du mariage repose sur leversement intégral de cette dot.

Page 362: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Ainsi, la recherche des femmes, et particulièrement la constitution des dotspeuvent expliquer à elles seules le mouvement des groupes fang vers les points ducommerce ( 1340 ).

Dot

Sans revenir dans le détail sur le principe de la dot maintes fois décrit par lesOccidentaux, il faut rappeler qu’un de ses aspects est, en quelque sorte, uneindemnisation de la belle-famille pour la perte d’une femme, par sa qualité d’êtrehumain et sa “ contribution ” à la vie, par ses qualités de “ maîtresse de maison ”,d’ouvrière agricole, et surtout de génitrice. Le montant d’une dot est difficile àestimer. Il est fixé suivant plusieurs facteurs qui dépendent des deux parties enrelations. Toutefois l’aisance du prétendant, sa richesse, sa place dans la sociétéaugmenteront les prétentions de la belle-famille. Traditionnellement, les dotscomprennent des objets courants d’équipement : vêtements, bijoux, outils, armes,animaux destinés à la consommation, et des barrettes de fer, les biki, dans lesquelsquelques auteurs ont cru voir une monnaie ( 1341 ). Balandier s’arrête surces biki pour ne retenir que l’aspect symbolique des dots ( 1342 ). Certes le fersymbolise l’efficacité (outils) et la sécurité (armes), mais l’aspect matériel ne doitpas en être écarté. Très tôt, les produits occidentaux sont introduits dans laconstitution des dots, soulignant la détermination des groupes à se mettre enrelation avec les villages courtiers. De son voyage en 1856 dans le Haut-Mitemboni, Du Chaillu note le lien entre le commerce, notamment de l’ivoire, etles dots :

“ Il se passe souvent des années avant qu’un homme puisse acheter et épousersa femme. Si le commerce avec le littoral allait mieux, l’affaire serait moinsdifficile à conclure ; mais le commerce “ étant pour eux ce qu’il y a de plusprécieux au monde ”, ce sont toujours les denrées commerciales que l’on attendpour acheter les femmes. De là vient la bravoure des chasseurs ; car l’ivoire est undes principaux articles que l’on expédie à la côte ; […] il appartient à ceux qui onttué [l’éléphant], sauf à donner une part du produit à leurs parents les plus proches.Les anneaux de cuivre, les perles blanches, et les plats de cuivre appelés neptunes,sont les meilleures valeurs qui aient cours chez les Fans pour l’achat d’une femme ”( 1343 ).

Page 363: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Inclus dans les dots, les verroteries, pacotilles, neptunes et fusils revêtent uncaractère ambivalent dans la culture fang. D’un côté, ils permettent aux Fang, enmariant leurs filles à des courtiers, d’obtenir rapidement des richesses et destabiliser par ces unions les groupes descendus à la côte. D’un autre côté, ilspermettent à ces hommes d’aller chercher des femmes dans l’intérieur où l’accès àces produits est moindre et favorisent leur introduction dans la culture matérielledes villages éloignés.

A mesure que ces produits pénètrent dans les groupes fang, ils alourdissent lacomposition des dots, les beaux-parents devenant de plus en plus avides de cesnouvelles richesses. Une comparaison chronologique donne un aperçu del’évolution ( 1344 ). Léon Mba donne quelques exemples :

“ Nous savons que le taux de la dot pahouine n’est pas le même partout et que,depuis l’origine, celle-ci a subi d’importantes modifications.Les bioum (marchandises diverses ou autres biens) ci-après rentraient dans sacomposition :

“ 1- Vers 1875 et auparavant : une ou deux pointes d’ivoire, deux ou troiscabris ou chèvres, trois ou quatre paniers de mikel (sagaies), aking-mindzoughe (petits couteaux pahouins),biki (petites barres de fer), et du selindigène ;

“ 2- Vers 1900 jusqu’en 1918 : 30 fusils, 800 biki, 100 pagnes de traite,300 aking-mindzoughe, 100 machettes, 20 barils de poudre, 10 boîtes de capsules,10 sacs de sel, 60 coffres, 1 chapeau, 2 cabris ou chèvres, 30 touques, 100 mikel, 30marmites et 30 assiettes ;

“ 3- Vers 1918 à 1922 à peu près comme ci-dessus, mais le biki et mikel étantembarrassants, et la poudre, les capsules et fusils introuvables, il y eut des dots,moitié en marchandises, moitié en argent ;

“ 4- A partir réellement de 1922, le numéraire a été offert en dot. Les tauxadoptés ont été successivement de 500 francs, puis de 2500 francs et ensuite de1500 francs. Des cadeaux en marchandises, telles que chemises, chapeaux,pantalons destinés au beau-père, pagnes, marmites, cruches (touques) destinés à labelle-mère et la chèvre traditionnelle, furent ajoutés à ces taux ”. ( 1345 )

Page 364: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

En poste à Libreville entre 1884 et 1885, Cornut-Gentille donne la compositiond’une dot avec sa traduction numéraire :

“ Le prix des femmes est relativement plus élevé chez les Pahouins que dans lesautres tribus gabonnaises. Voici la valeur d’une femme adulte, dans de bonnesconditions, ayant déjà eu un enfant, preuve qu’elle ne doit pas être stérile :

20 caisses ou coffres à 5 francs l’un 100 fr.

9 touques vides, de 10 à 15 francs 100

12 marmites, de 10 à 15 francs 150

10 sabres, de 2fr. 20

10 gros coutelas pahouins, à 5 fr. 50

20 coutelas moyens, à 2fr. 50 50

150 sagaies, à 0fr 50 70

6000 pièces de leur monnaie (bikir) 600

1 pilon en fer 20

40 assiettes 20

10 pots à eau 50

1 carafe 3

10 cuvettes 30

3 couvertures 40

20 pagnes 100

3 chemises 15

6 fusils 150

1 chapeau de feutre 5

6 moutons 150

2 barils de poudre 20

Page 365: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

3 ceintures rouges 6

1 paletot 10

Total 1759 francs.

En 1907, Fourneau donne un autre exemple :

“ Combien coûte en moyenne une femme ? La dot se compose d’un grandnombre d’objets divers. Nous avons vu payer : quinze fusils, cinquante coffres detrait, vingt-cinq barils de poudre, vingt-cinq marmites de fonte, vingt touques degrès, cent assiettes, cent matchettes, cinquante pagnes, deux moutons, deux centscouteaux pahouins, mille bikkis […] Le tout représentant bien une valeur de prèsde 1000 francs. Nous ne parlerons que pour mémoire des manilles, des bracelets decuivre, des neptunes, des verroteries diverses qui viennent compléter le premierapport obligatoire. Constamment en outre, dans la suite, le mari devra venir en aideà ses beaux-parents ” ( 1346 ).

C’est en effet un autre aspect de la dot. Chaque événement est l’occasion pourla belle-famille de réclamer à son gendre le versement de marchandises, au titre dela dot. Ce qui donne les proverbes suivants : “ quand le panier se décroche de latête, il tombe sur les épaules ”, et “ on ne finit jamais de doter une femme ”.D’autres listes confirment cette tendance inflationniste, qui s’accentue à partir desannées 1940 avec les revenus du cacao ( 1347 ).

Dates

Rapportée par Du Chaillu en 1856, la place de l’ivoire dans la société fangcorrobore les renseignements de Bowdich quant à la participation des Fang aucommerce avec la côte bien avant l’implantation française. On serait d’ailleurstenté d’y voir un autre facteur de déplacement, le nomadisme de chasse décrit parMartrou, certes moins important que l’attrait pour les marchandises d’importation.

Page 366: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Mais se pourrait-il que les déplacements vers les franges sud et ouest du “ pays ”fang aient pour origine la raréfaction des troupeaux d’éléphants ? En l’absence derenseignements précis sur les populations d’éléphants au Gabon au cours du XIXème siècle, il paraît hasardeux de tirer des conclusions définitives. On peuttoutefois rappeler qu’en 1876, Fleuriot de Langle note que la région de l’Estuairecompte encore de nombreux troupeaux ( 1348 ), et que, d’après E. Mbokolo, l’ivoireest le produit le mieux prisé en 1868 : 10 000 francs la tonne, contre 1000 francspour le caoutchouc ou 200 pour la gomme copal ( 1349 ). C’est dire, au passage, lavaleur des dots décrites plus haut et l’attachement des Fang à ce commerce.

Un autre élément vient soutenir l’hypothèse de l’existence de relations fangavec la côte bien avant l’implantation française. Il s’agit des mines de sel du Haut-Komo, dont les premiers explorateurs attestent l’exploitation par les Fang. En 1855,Ira Preston et Henry Adams, deux missionnaires américains, remontent surplusieurs milles l’Abanga, un affluent de la rive droite du Komo en face deNengué-Nengué, à ne pas confondre avec l’Abanga de l’Ogooué. Ils découvrentprès de la rive des trous de six à huit pieds de profondeurs où les Fang puisent del’eau salée qu’ils font ensuite bouillir pour en recueillir les cristaux de sel ( 1350 ).Les Fang rencontrés sur place disent provenir de villages situés cinquante millesdans l’intérieur ( 1351 ). Lors de ses relevés dans le Komo en 1858-1859, Braouezecnote à son tour dans l’Abanga la présence d’une “ flaque d’eau salée où viennentchercher du sel les habitants de l’intérieur ” ( 1352 ). En 1866, Roullet remonte leKomo et découvre encore, dans la rivière Eloa, en face de l’île de Nengué-Nengué,une mine de sel ( 1353 ). Autour de trois trous exploités, les Fang ont construit unetrentaine de cases dont chacune abrite un ou deux foyers. Roullet retient que lesmines de sel n’appartiennent à personne. Les Fang s’y déplacent avec les femmes.Ils viennent de très loin. Ceux qu’il rencontre n’ont jamais vu de Blancs. Il note que“ Ces mines sont très-anciennes, et beaucoup de Pahouins âgés m’ont dit qu’ils lesavaient vues toujours exister. Elles […] sont une véritable providence pour cepays, qui sans elles, serait obligé de recourir aux traitants ” ( 1354 ).

Le témoignage des “ Pahouins âgés ” ne saurait à lui seul certifier la présencedes Fang dans le Haut-Komo depuis le début du XIX ème siècle. On peut regretterque Roullet ne donne plus de précision sur l’âge des hommes, ni n’indique depuiscombien de temps ils fréquentent ces sources ; ces deux données auraient permis uncalcul, même approximatif. Pour autant, les mines de sel sont si proche de la grandeîle de Nengué-Nengué, alors en zone seke, qu’on imagine mal, en suivant lachronologie “ classique ”, que les Fang aient pu s’établir à quelques kilomètres deces sources et les fréquenter aussitôt après leur installation. Les populations localesleur ont certainement appris la présence de ces sources à leur arrivée dans la zone,ce qui avance la descente des Fang vers l’Estuaire au moins au début du XIX èmesiècle.

Par ailleurs, la fréquentation des sources réduit la sectorisation des ethnies vuepar les Occidentaux. Les renseignements de Roullet, en particulier le témoignage

Page 367: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

des “ Pahouins âgés ”, montrent que les relations inter-ethniques sont beaucoupplus denses qu’on n’avait jamais osé l’imaginer en 1840-1850, et même avant( 1355 ). Preston, Adams et Roullet montrent que, dès cette époque, les Fangcirculent très facilement en zones prétendues Kele et Seke, et tout porte à croirequ’il en est ainsi depuis plusieurs décennies.

Avant de conclure sur la présence de groupes Fang à proximité immédiate del’Estuaire du Gabon dès les premières années du XIX ème siècle, il reste quelquespoints d’ombre qui doivent être discutés.

Pour les historiens gabonais Ange Ratanga Atoz et Nicolas Metegue N’Nah, lamigration des Fang vers la côte s’est déroulée en deux temps. Un premiermouvement les aurait menés vers le Ntem où ils auraient stationnés, ensuite laprésence française les aurait encouragés à descendre vers la côte. A leur suite etrelisant Braouezec, Chamberlin s’est penché sur les mouvements fang pendant lapériode coloniale. Il s’interroge notamment sur les durées qu’ont mis les villages àparvenir dans la région de l’Estuaire : de cinq à dix jours, quarante jours, troismois, onze mois. Il s’interroge plus particulièrement sur la cohérence avec lesthéories de Ratanga Atoz et Metegue N’Nah. Une durée de quarante jours àplusieurs mois s’accorderait avec une descente du Nord-Gabon, tandis que la duréede cinq à dix jours correspondrait à la descente des Fang situés dans les Monts deCristal, que Du Chaillu a visité. Chamberlin conclut à la présence de deux foyers demigration, l’un à l’est des Monts de Cristal, habité par les Betsi, d’où les premiersgroupes descendent vers 1840, l’autre habité par les Shiwa, situé aux “ Woleu-Ntemheadwaters region ”, d’où les villages migrent après 1860 en longeant l’Ivindojusqu’à l’Ogooué ( 1356 ). Cette thèse ne s’accorde ni avec la réalité desdéplacements ni avec la chronologie, que ce soit pour le foyer à l’est des Monts deCristal ou pour celui du Nord Gabon. Car, pendant longtemps, les Fang du centredes Monts de Cristal continuent d’habiter la région sans apparemment bouger. Ilsne sont visités qu’à la fin du siècle avec l’ouverture de l’Abanga par lesOccidentaux qui les trouvent dans un état retardé. Certains n’ont encore jamais vude Blancs jusqu’à l’arrivée de la mission Cottes ( 1357 ). Ceux du flanc ouestdescendent directement par la vallée du Mitemboni et joignent la côte nord. Quantau deuxième foyer, la date de descente, après 1860, ne correspond pas aumouvement sur l’Ogooué où les premiers parviennent, selon Brazza, vers 1860.

Sans doute l’erreur de Chamberlin est d’avoir construit l’hypothèse des foyerssur la répartition des groupes ethniques entre Betsi et Shiwa, en s’appuyantnotamment sur Braouezec, alors que Braouezec lui-même ne parle pas des Shiwa,mais des “ Makéï ” ( 1358 ). Pour Chamberlin, les Shiwa ne sont pas Fang. Il va ainsià l’encontre de Brazza, Marche et Compiègne, mais suit Du Chaillu ( 1359 ). Il estlui-même suivi par Michel Voltz, linguiste, qui s’appuie à son tour sur Braouezec( 1360 ). La situation semble beaucoup plus complexe qu’il y paraît et certains

Page 368: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

éléments semblent avoir échappé à Chamberlin. Ainsi, Fleuriot de Langle constate,vers 1865, que de nombreux Meke parviennent dans l’Estuaire, et qu’ils jouissentd’une certaine réputation ( 1361 ). L’absence de renseignements plus précis, laprésence de Shiwa sur la côte nord, et surtout l’utilisation courante du terme“ Shiwa ” signifiant “ homme des bois ”, à la manière des “ Boulou ”, réduisent sadistinction et ses hypothèses.

Nkodjeign

Nombreux sont les auteurs qui, à l’exemple de Chamberlin, se sont appuyés surdes distinctions claniques pour étudier les Fang et progresser dans la connaissancede leur histoire ancienne. La méthode paraît caduque maintenant que de nouveauxéléments ont mis en évidence l’existence de relations anciennes et étroites avec lespopulations voisines autour de l’Estuaire et plus loin, dans l’Ogooué. D’une part,les relations matrimoniales associent des clans fang à des clans d’ethniesdifférentes ( 1362 ), d’autre part, au sein d’un même clan, les ramifications sont à cepoint complexes qu’elles dissuadent toutes tentatives de distinction en sous-groupes. On comprend mieux ici l’importance des généalogies dans la culture fang,pour respecter l’exogamie.

L’étude du clan ou lignage (ayong) des Nkodjeign, montre parfaitement lesramifications multiples qui s’étendent sur une grande partie du territoire gabonaisactuel, en même temps qu’elle illustre les mouvements de villages à l’époquecoloniale ( 1363 ).

Le clan est connu sous différentes orthographes, qui sont la transcription d’uneprononciation plus ou moins appuyée selon les accents ( 1364 ) : N’Kodjis ou Nkodjéautour d’Oyem pour Leroux ( 1365 ), Balandier et Pauvert ( 1366 ), Ekodjé pour Cottes( 1367 ) ; Nkodjeign vers Bitam. Lors de sa mission de délimitation du Sud-Cameroun, Cottes note que “ Les Ekodjè sont situés sur le Woleu et étaient enrelations constantes avec les factoreries d’Angoum, où un agent de la HamburgAfrica Gesellschaft était établi ” ( 1368 ). Actuellement, le groupe est essentiellementconcentré dans la région d’Oyem, il constitue plus de 90 % de la population ducanton ( 1369 ). Les ramifications du lignage sont nombreuses et fort longuespuisqu’elles s’étendent jusqu’au Cameroun, notamment à Ebolowa et à Mbalmayooù les Nkodjeign sont en forte proportion. On les retrouve également en GuinéeEquatoriale.

Page 369: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Tous les informateurs s’accordent à situer les racines du clan au Cameroun, aunord de la Sanaga, sur les plateaux de l’Adamaoua. En arrivant dans la région del’actuelle Oyem, dans la première moitié du XIX ème siècle ( 1370 ), le clan se seraitinstallé sur une colline inoccupée où se trouvait une importante colonie d’odjeign,une espèce de petite antilope de 40 cm. environ, au pelage roux. L’arrivée desBlancs provoqua la dispersion des villages, devenus, depuis lors, des quartiersurbains ( 1371 ). La toponymie donne ainsi le nom du clan, formé des deux motsntumu : Nko signifiant montagne et Odjeign. Nkodjeign est donc l’appellationntumu du clan, mais il est présent chez les Bulu, sous le nom de Yevu, ou Yevo,dont la signification est inconnue ; il est également connu chez les Fang del’Estuaire sous le nom d’Efak, mot fang désignant un outil de labourage, tiré duverbe afak : labourer, creuser. Cette triple désignation désempare au premier abord,d’autant que nos informateurs ne l’expliquent pas. Elle montre en tout cas combienil est hasardeux de répertorier de façon aussi catégorique les clans, d’autant plusque les confusions sont très faciles, par exemple entre les Efak de l’Estuaire, et lesEffak du Woleu Ntem dont la parenté est nulle ( 1372 ).

A en croire Bonaventure Ndong, la triple désignation témoigne d’unedénomination du clan originelle, transformée au gré de circonstances. MendameNdong, un de ses informateurs, affirme que “ la dénomination [Nkodjé] estinjurieuse : car elle fait disparaître le vrai nom du fondateur pour privilégier lanature du lieu géographique et l’espèce animale qui le peuplait ” ( 1373 ). MeyeM’owono le rejoint en avançant que le mot “ Nkodjeign […] n’existait pas àl’origine ; le véritable nom mythique étant celui de Yengoak de l’ascendance deNgogo Ovolo ” ( 1374 ). Il donne ensuite le récit de Ndong Nguema ( 1375 ) :

“ Nous ne sommes pas Nkodjeign, nous sommes Esaduga. Donc lorsque tu medemandes d’où viennent les Nkodjeign, cela équivaut à savoir d’où viennent lesFang ” ( 1376 ).

Il cite Atome Ndong Manfred ( 1377 ) :

“ Le nom Nkodjeign est quelque chose de très proche. C’est Bewu be Edugaqui est allé habiter sur la montagne. Maintenant, quand les femmes se rendaient auxchamps elles les trouvaient saccagés par les antilopes adjeign.

“ Donc c’est parce qu’il y avait de nombreuses antilopes que tous ont eu le nomde Nkodjeign. C’est pourquoi, tous ceux qui sont partis avec Bewu be Eduga, ceuxnés après ont porté et portent encore le nom de Nkodjeign.

Page 370: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ C’est donc ce nom qui a subsisté dans tout le Woleu Ntem ” ( 1378 ).

Les deux récits coïncident avec deux autres, d’abord celui de MendameNdong :

“ En réalité le père fondateur s’appelait Edugha, ce qui donne Esaduka commevrai dénomination du clan N’kodje. Un des enfants de Edukha [Bewu Be Eduga]alla s’installer sur cette colline riche en antilopes : le clan N’kodje voyait ainsi lejour ”.( 1379 )

Puis, celui de Biyogo Ndong Atome :

“ Tous les enfants de Eduga Ntoum habitaient un même village appeléZuakeign. Cependant il eu des problèmes entre les fils de Bewu be Eduga et ceuxde ses frères. C’est alors que leur père Eduga Ntoum demanda à Bewu be Edugad’abandonner le village et d’aller vivre sur la montagne... et là il y avait plein deAdjeign ” ( 1380 ).

Ndong Nguéma reconstitue ensuite la généalogie du groupe en descendantdepuis Eduga. Le vrai nom d’Eduga (Edugha, ou Edukha, selon la prononciation)est Ntum (ou Ntoum) Edugha. Il a eu neuf enfants, Adome Eduga, Zué Eduga,Mpwa Eduga, Bewu Be Eduga, Efon Eduga, Yeme Eduga, Vine Eduga, Aka Edugaet Dan Eduga, respectivement fondateur des clans Esamedome, Esaseign, Yempwa,Yewo, Evon, Yemyema, EsaVine, Esekak et Esadan ( 1381 ).

Quelques divergences apparaissent dans la comparaison avec les informationsde Mendame Ndong, où la descendance d’Eduga serait Bang Edugha, NgolEdugha, Nje Edugha, Nkwark Edugha, Ndang Edugha, Evon Edugha, EbamEdugha et Mwua Edugha, respectivement fondateurs des clans Esabang, Yengol,Esenje, Yenkwark, Esandang, Evon, Ebibam et Mwua, résidant le premier auWoleu-Ntem, le second dans l’Estuaire, au Cameroun pour les deux suivant, enGuinée Equatoriale, et au Moyen-Ogooué pour les trois derniers. En dehors deEvon et Esadan, et d’éventuels rapprochements qu’une connaissance plus pousséepermettrait, il faut surtout noter que Bewu Be Eduga n’apparaît pas dans ladeuxième liste qui ne compte d’ailleurs que huit noms. Il faut se garder de conclurehâtivement que Mendame Ndong ne reconnaît pas en Bewu Be Eduga son ancêtre.

Page 371: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

On ne trouve chez cet informateur pas plus d’élément qui puisse rattacher à lagénéalogie qu’il donne, ni Yengoak, ni Ngogo Ovolo. La recherche demande làplus de patience.

En attendant, d’après Meye M’Owono, la descendance de Bewu Be Edugaserait ensuite la suivante : Mba Bewu, Ossele Bewu, Anvome Bewu, Ndze Bewu,Odjeing Bore Bewu, Mbo Bewu et Nsomore Bewu, encore qu’un doute persiste surce dernier, que la tradition rallie à Bewu Be Eduga au court de sa migration, peut-être un ntobo, étranger adopté par une famille ( 1382 ).

Meye M’owono donne la liste des sous-lignages et des villagescorrespondant ( 1383 ):

“ SOUS-LIGNAGE VILLAGE ANCÊTRE EPONYME PAYS

Ossele bewu Adzap-Elone Essone Metoulou Gabon

Abenelang Obiang Mbwè Gabon

Mba Bewu (?) Endome-Alene Meye Me Ngore Gabon

cf les noms de villages Adzap-Bikat Minko Mi Obiang Gabon

ELone Gabon

Angan Ekore Edzome Gabon

Mvomayo Edou Mba Gabon

Esson-Ossi Zue Evui Gabon

Ondo Bika Nkoum Ondo Bika Gabon

Nlong-Zoa-Ekare-Zoa

Mbaeyene

Adzap-Eyeign Sima Mba

Melene Obiang Ondo

Page 372: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Etome-Assi Ndong Mebè

Ndzomessi Nguema Nkou

Ebeign Beka Be Nkore

Esson-Okui Biko Bi Ndong

Ebo’o Mba Ntsame

Zameyôo Guinée

Odjeign Bore Bewu(?)Ebeign

Ndzè Bewu Mbomo Mbe Envo Gabon

Ako’a Essono Obone Gabon

Angone-Ayo Ebozogue Eyi Guinée Meyo Nguema Zuè Gabon

Mekome Mintsa Mi Ebè Gabon

Biyen II Mbega Oto’a Gabon

Mbo Bewu Meka’a Mendou

Nsomore Bewu Sankale Ndong Nsomore Guinée

Missè Aba’a Ondo Guinée

Anvome Bewu Akoakam Ekoga Mengue Gabon

Ken Ako’a Engueng Owono Gabon

Meka’a Ekoga Ndong Gabon

Page 373: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Methuign Atome Ndong Gabon

Angone Mbeng Mintsa Gabon

Nfoul Ekoga Zuè Gabon

Ewot Ndong Owono Gabon

Les divergences entre les deux sources à propos de l’existence de Bewu BeEduga sont visiblement réduites quand les informateurs respectifs livrent leurpropre généalogie ( 1384 ) :

Mba Abessolo

“ 1 ABESSOLE MBA

2 MBA ZUE

3 ZUE MBWIRI

4 MBWIRI ZUE

5 ZUE EKOGA

6 EKOGA ZUE

7 ZUE OSENE

8 OSENE ANVOME

9 ANVOME BEWU

10 BEWU BE ANDOME

11 ANDOME NTSAME

12 NTSAME MVELE

13 MVELE MEYIANE

14 MEYIANE ME NKO

Page 374: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

15 NKODJEIGN

16 ODJEIGN KULU

17 KULU NGOGO

18 NGOGO OVOLO

19 OVOLO MEBE

20 MESE MORE

21 EMORE OKUA ”.

Mendame N’Dong :

“1 MENDAME - NDONG,

2 NDONG - OWONO,

3 OWONO - NDONG,

4 NDONG - OWONO,

5 OWONO - EKOGHA

6 EKOGHA - NZUE,

7 NZUE - OSSEN,

8 OSSEN - ANVOMA,

9 ANVOMA - BEWU,

10 BEWU - B’EDUGHA,

11 EDUGHA - MESEBORE (ancêtre fondateur du clan Nkodjeign),

12 MESE BORE - N’TSAME,

13 NTSAME - MVELE,

14 MVELE - MEYANE,

15 MEYANE - MEN’KE,

Page 375: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

N’KE - NZAME ”.

Il est remarquable de constater la proximité des deux généalogies qui serejoignent dès la sixième génération. Les ancêtres communs sont cités, jusqu’auneuvième degré, soit Anvome Bewu. Au-delà, les choses semblent se disperser. Laplupart des auteurs l’ont reconnu : au-delà de plusieurs générations, l’histoiredevient légende. Le passage semble s’opérer au niveau de Eduga. Chez AbessoleMba, Ntsame, Mvele, Mekiane interviennent après l’apparition du lignageNkodjeign, tandis que chez Mendame Ndong, ils interviennent avant, comme pourmieux raccrocher le lignage à Nke Nzame, ancêtre primordial des Fang. MendameNdong rajoute :

“ Que l’on soit ESABAN du Woleu-Ntem ou YENGWARK du Cameroun, ouESENZUE du Moyen-Ogooué... On devrait, en déclinant valablement sonpatrilignage aboutir à EDUKA, et suivre ensuite un “ chemin ” identique constituépar l’ascendance de ce père fondateur ” ( 1385 ).

De son côté, Ndong Nguéma affirme que les Nkodjeign descendent, non pas deNke Nzame, mais de Ntoum Betsi “ car c’est lui qui est le père de celui par quinous portons le nom dont tu parles. C’est Betsi Be Zoa qui a eu neuf enfants dontles noms suivent : Tono Besti qui forme le groupe des Eton ; Kola, celui desEwondo ; Nna, celui des Bena ; Fon, celui des Fon ; Zame, celui des Zaman ; Fan,celui des Fan ; Mbulu, celui des Bulu ; Akak, celui des Okak ; Ntoum, celui desNtoum [ou Ntumu]. Tous ces enfants ont eu une nombreuse progéniture. Toutefois,c’est Ntoum Betsi le dernier qui nous intéresse ici car c’est lui qui est à l’origine denotre nom ” ( 1386 ).

La valeur de ce dernier récit est loin de satisfaire l’histoire. La généalogie qu’ildécline est celle qui a été avancée dans une légende, Dulu Bon Be Afiri Kara, écritepar Ondua Engute ( 1387 ). D’après Alexandre, qui qualifie la légende de “ Pseudo-tradition ” ( 1388 ), Ondua Engute n’aurait fait que transcrire une légende forméeaprès la première guerre mondiale et diffusée par l’action des missionnaires au Sud-

Page 376: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Cameroun, débordant vers le Nord-Gabon ( 1389 ). Sa publication aurait amplifié soninscription dans la mémoire collective. Deschamps la rencontre lors de son enquêtesur les traditions orales du Gabon. Selon lui, Ondua Engute l’aurait écrite dès 1948,soit dans le contexte très particulier de rapprochement des clans fang “ AlarAyong ”, évoqué plus haut. Il note combien “ cette légende paraît des plussuspecte : elle décèle un esprit de système consistant à rattacher tous les Pahouins,ceux du Cameroun comme les Fang, à un ancêtre et à expliquer la formation desdifférents groupes par l’existence d’un nombre de fils correspondant ; lerapprochement entre Afiri-Kara et Afrika indique évidemment une origine scolairerécente ; on pourrait presque en déduire que le nom d’Afiri-Kara a été forgéexprès ” ( 1390 ).

Selon la légende, Afiri Kara serait le descendant de Noé. Il apparaît dansl’ “ histoire ” des “ Pahouins ” au moment où ceux-ci fuyant le nord, décident detraverser la Sanaga pour pénétrer dans la forêt. Il serait le père de toutes lescomposantes du groupe Pahouin, les Ntumu, les Ewondo, les Bulu, etc. La volontéexplicite de réunir en un ancêtre unique les “ Pahouins ” confirme les ambitionspolitiques de ce texte.

Malheureusement, légende d’Afiri Kara est aujourd’hui considérée comme unesource historique incontestable pour beaucoup de Fang qui, par ailleurs, en oublientles véritables généalogies ( 1391 ). Ainsi, interrogé sur l’histoire des Fang telle qu’ill’avait apprise, Abel Nguéma, notre informateur, s’est tourné vers la légended’Afiri Kara. Quant à son histoire “ traditionnelle ”, très vite coupé de ses racines, iln’est pas capable de formuler une longue généalogie. Seulement six noms lui sontconnus : Nguéma (lui-même, né en 1939) ; Menye, son père, dont l’âge resteinconnu. Il retient toutefois que Menye, pendant la première guerre mondiale, allaitpuiser de l’eau pour les Allemands. Puis vient Zue, son grand-père, qui a vécu dansun très grand village, qu’il a lui-même fondé, d’environ un kilomètre de long. Sonarrière-grand-père s’appelait Nguéma ; puis viennent Azeme, Ebozo’o et Zue. Ilsemble qu’Azeme soit le fondateur du lignage, puisque celui-ci s’appelle MvogAzeme Mba.

Peut-être est-ce de cette époque que date la scission avec les Nkodjeignd’Oyem. En effet, à la suite de disputes internes graves, puisqu’elles ont entraîné lamort d’hommes, la branche Azeme Mba a migré vers le nord, dans la région deBitam. Menye a longtemps vécu dans un village situé en brousse à l’est de Bitamavant de s’installer à Meyo, sur la route de Minvoul ( 1392 ). Il est impossible d’avoirplus de précisions sur l’origine de la scission, ni sur une éventuelle dated’installation à Meyo.

Page 377: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

On retrouve la légende d’Afiri Kara dans le récit donné en 1982 par AdèleMbeng Allogo, née vers 1925, du lignage Nkodjeign, du village d’Ewot-Mekoa,près d’Oyem ( 1393 ). Pour l’informatrice, l’origine des Fang remonte à la MerRouge. La descendance d’Afiri Kara a donné les Bulu au Cameroun. Au Gabon, lesclans se sont dispersés comme suit : les Ntumu à Bitam, les Mveign à Minvoul, lesNzaman à Minkebe, les Okak à Oyem et en Guinée équatoriale, les Betsi à Ndjoléet Lambaréné, et les Meke me Nkona dans l’Estuaire.

Le récit le plus complet sur l’histoire des Nkdojeign est donné par le pasteurBosc, missionnaire protestant, au cours de ses voyages au Gabon entre 1926 et1958, a rassemblé de nombreux éléments sur les villages rencontrés, que ce soitd’ordre ethnographique ou historique, sous la forme de notes manuscrites, jamaispubliées et confiées au Musée de l’Homme de Paris en 1990 ( 1394 ). Laprononciation du clan est encore une fois différente, puisqu’il la transcrit par“ Nkodzui ”. Cependant, aucun doute quant à l’identité du clan ne peut envelopperle récit, car l’informateur livre sa généalogie qui le rattache bien à Bewu BeEdugha, l’ancêtre des Nkodjeign.

Le récit est également le plus moderne, celui où les éléments de christianismeet de colonisation sont les mieux intégrés :

“ Histoire de l’ozambogha (azapbugha) racontée par Owône Obame monNkozui du village d’Angône le 19 mai 1949 :

“ Nzame créa le ciel, la terre et ses 4 fils : Môr à Nzame (les noirs), Nañe àNzame (les blancs), Nkwè à Nzame (les pygmées) et Seme. Les hommes habitaientd’abord dans le village de Nzame mais ils firent le mal. Alors Nzame alla du côtéde la mer, il la traversa sur un pont et arriva dans un pays où il trouva un azap. Ilfendit l’azap, passa au travers puis fit de l’autre côté une plantation. Il revint alorsvers les hommes qui ne savaient pas ce qu’il venait faire. Il leur dit : “ Un grandmalheur va venir du ciel, échappez-vous vite du village ”. Les hommes allèrentalors vers la mer, ils marchèrent trois mois et virent enfin le pont. Nañe a Nzamedit : “ Traversons la mer par ce pont ”. Môr a Nzame passa le pont avec Nañe aNzame et ils marchèrent ainsi un mois pour traverser la mer. Ils arrivèrent àl’azap et passèrent par la fente puis se trouvèrent dans la plantation que Nzameavait préparée. Ils envoyèrent alors un homme dire à ceux qui étaient restés del’autre côté de la mer : “ Venez ”. Nzame leur dit : “ Partez aujourd’hui même lemalheur va arriver ”. Nkwé a Nzame et Seme partirent donc et après avoir traverséla mer et l’azap vinrent rejoindre Môr a Nzame et Nañe à Nzame. Ils habitèrenttous dans les cases que Nzame avait préparées à côté de la plantation. Nzame étaitresté dans son village de l’autre côté de la mer. Une nuit il vint et ferma la fente de

Page 378: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

l’azap puis s’en retourna. Le matin Nañe à Nzame vint voir l’azap et il trouva lafente fermée, il vit aussi que le pont avait été détruit. Il cherchait au bord de la merqui avait démoli le pont lorsqu’il vit un amoncellement de toutes sortes de chosesutiles au milieu duquel il y avait un livre. Il s’appropria le livre qu’il cacha puis ilappela les hommes pour partager avec eux toutes les autres richesses qu’il avaittrouvées (c’était Nzame qui les avait placées là car il avait vu que les hommesétaient dans le besoin). Nañe à Nzame partagea les richesses avec Môr a Nzame etNkwé a Nzame mais Seme n’eut rien. Môr a Nzame et Nkwé a Nzame ne savaientpas les noms de toutes ces choses mais Nañe à Nzame le leur apprenait car ilsétaient écrits dans son livre. Môr a Nzame lui dit : “ Comment sais-tu tous cesnoms? ” Celui-ci répondit : “ J’ai été près de Nzame pendant que tu étais dans laforêt et il m’a appris tout cela ” et il ajouta : “ Viens prendre l’intelligence dulivre ” mais Môr a Nzame refusa et dit : “ Non, je veux garder ma propreintelligence et continuer à suivre mes coutumes et mes manières de faire ” ; Nañe àNzame étudiait le livre et en suivait les indications. Môr a Nzame lui dit : “ Tum’ennuies de me dire toujours de venir voir le livre quand je veux faire mesaffaires ; je ne peux plus rester avec toi ”. Alors Môr a Nzame, Nkwé a Nzame etSeme laissèrent Nañe à Nzame à l’ozamboghe au bord de la mer et ils cherchèrentun endroit pour eux, ils allèrent à Ebanga. Là ils furent si nombreux qu’ils durent seséparer et les différentes tribus allèrent de pays en pays émigrant chacune de leurcôté. C’est ainsi que les Nkozui partant d’Ebanga allèrent à Otoma, puis à Mibañ,puis à Ozamoñgafui, puis à Melokh, ils finirent par arriver à Ombyoñ où ils seséparèrent les uns allèrent du côté de la mer, les autres restèrent dans l’intérieurplus à l’est, certains aussi s’arrêtaient en chemin et restaient en arrière. Enfin lesancêtres d’Owône Obame arrivèrent à Mefakh, ils allèrent ensuite à Mewome (quiétait là où se trouve actuellement la plantation des hévéas), puis à Angañ, puis àAngomenzap, puis enfin à Oyem où ils sont aujourd’hui.

“ Tous ces renseignements ont été donnés le 19 janvier 1949 par Owône Obamemon Nkozui, habitant au village d’Angône à 5 km au nord d’Oyem.

“ Owône Obame est fils d’Obame Ndutume, fils de Ndutume Mintsa, fils deMintsa mi Owône, fils de Owône Ekogha, fils d’Ekogha Nzuie, fils de NzuieOsene, fils de Osene Amvome, fils d’Amvome Bewu, fils de Bewu b’Edugha, filsd’Edugha Mesebôre, fils de Mesebôre me Ntsame, fils de Ntsame Mvele, fils deMvele Meye, fils de Meye me Nke, fils de Nke Môr qui a été formé par Dieu.

“ Avant l’arrivée des missionnaires, les Nkozui savaient que Nzame voyait tout: “ Nzame a ta we ”. Nzame défend de voler, de faire le ngwel, de tuer, de mangerles hommes, de faire des adultères, de faire certains médicaments. Les médicamentsfaits avec des plantes et les médicaments pour avoir des richesses (mebyañ akôm)sont permis. Le byeri et le nkukh sont des médicaments pour avoir des richesses,le byeri est permis mais le nkukh est défendu car il entraîne une mort d’homme ;quant au ngil il ne remonte qu’à la précédente génération.

Page 379: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ On peut en conclure que ces peuples avaient déjà bien des notions justes surDieu, la Création et la Chute, avant l’arrivée des missionnaires. Ce qu’ils ignoraientabsolument, c’était la venue de Jésus pour ramener tous les hommes à Dieu.

“ A cela Owône Obame répond :

“ Oui Jésus est venu pour nous chercher tous, mais il est allé d’abord chez vous,les blancs et vous l’avez tué avant qu’il soit arrivé chez nous ; c’est à cause devous, que nous n’avons pas su qu’il était venu ! ”.

Quoi qu’il en soit des légendes pseudo-traditionnelles, les Nkodjeign interrogésau Gabon revendiquent une appartenance au groupe Ntumu ( 1395 ). Pourtant, del’autre côté de la frontière, ce point ne fait pas l’unanimité. Dans son étude enGuinée Equatoriale, Augusto Panyella cite les Nkodjeign à propos d’un masque durite initiatique So qu’il a lui-même collecté dans le village de Mbedumu et donnéau Musée Ethnologique de Barcelone ( 1396 ). Selon l’auteur, Mbedumu est bien unvillage du clan Nkodjeign, situé en pleine zone Ntumu, mais le clan appartient augroupe “ fang-fang ” du Gabon ( 1397 ). Le masque attire une seconde remarque. Laplupart des auteurs, par exemple Tessmann, qui a séjourné en pays Ntumu enGuinée espagnole, et Laburthe-Tolra spécialiste des Beti, affirment que le So estpropre aux Beti et non aux Bulu, ni aux Fang (selon les groupes d’Alexandre), etdonc ni aux Ntumu. Il n’est pas présent au Gabon, où le rite principal est celui duculte des ancêtres Melan ( 1398 ). Enfin, toujours d’après Laburthe-Tolra, “ lesNtumu nient être des Fang et vice-versa ” ( 1399 ).

Il semble donc bien que l’existence du groupe Pahouin soit définitivementobsolète et que les divisions ethniques sont d’une valeur toute relative. Elles necorrespondent pas à des caractères spécifiques et leur exploitation au point de vuehistorique est peu fiable. Quant au croisement des cultes so et melan chez lesNkodjeign montre combien la région du Woleu et du Ntem, aux confins de laGuinée équatoriale, du Cameroun et du Gabon, a été une terre de contacts td’échanges. Or, cette même région apparaît aujourd’hui comme celle qui aconservé la culture fang ( 1400 ). La situation semble bien paradoxale. Elle pose leproblème de la nature de ces échanges et surtout de l’origine des différents groupes.Elle ouvre naturellement sur l’histoire ancienne des Fang, au-delà de la périodeprécoloniale.

Tradition orale

Page 380: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

L’importance donnée à la légende d’Ondua Engute montre, à travers l’exempledes Nkodjeign, avec quelle souplesse les Fang sont capables d’intégrer des récitsmodernes dans leur tradition. A l’inverse, elle souligne les défaillances de lamémoire et montre combien l’approche de l’histoire ancienne des Fang est difficile.

Plusieurs pistes de travail ont déjà été empruntées par des auteurs illustres,avec plus ou moins de satisfaction compte tenu des a priori dont ils n’ont pu sedéfaire ( 1401 ). L’erreur la plus couramment commise a été d’exploiter certainessources, principalement la tradition orale, les généalogies et les légendes, sans lesconfronter ni à la réalité historique, ni à d’autres sources. Par exemple, il resteencore de nombreuses notes personnelles à découvrir dans les archives, des muséesd’ethnologie par exemple, écrites par les collectionneurs, explorateurs oumissionnaires, qui auraient pris soin de renseigner leurs dons.

La rapide étude des généalogies du clan Nkodjeign a permis d’entrevoirquelques éléments de la tradition orale assez largement répandus chez les Fang duGabon, qu’ils soient Betsi, Nzaman, Okak, Mvae ou Ntumu. De nombreux auteursles ont transcrits ( 1402 ).

Il n’entre pas dans la présente étude d’analyser les mythes créateurs. Trèsnombreux, ils sont eux-aussi souvent corrompus par l’intervention desmissionnaires, catholiques ou protestants. On trouve ainsi une légende qui montrecomment s’est construite l’idée d’un peuple en mouvement vers la mer ( 1403 ):

“ Nzame a vécu autrefois de l’existence que mènent aujourd’hui encore sesenfants, avançant vers l’Ouest par abandon des villages qu’il habitait avec sesfemmes et qui étaient quittés après épuisement des plantations. Le nombre de sesfemmes était tellement grand qu’on ne le connaît pas, et ses villages si importantsqu’à leur emplacement la forêt n’a pu repousser, c’est d’ailleurs pourquoi il existemaintenant des savanes au milieu de la forêt en pays pahouin.

“ Nzame est arrivé au bout de la terre qui est plate, il a rencontré, lui barrant laroute, le ciel, toit de fer recouvrant la terre comme un toit couvre une case, soutenuen son milieu par un piquet invisible que maintient depuis Ningone Maboere, sœurde Nzame. Il est passé de l’autre côté du ciel après avoir traversé un fleuve trèslarge, Endam, où toutes les rivières vont se jeter, qui coule tout autour de la terre eten dessous et qui l’a crevée aux endroits où elle est le moins épaisse, pour sortirsous forme de source. Alors Nzame s’est arrêté et a créé le village Dzo qu’il n’aplus quitté depuis.

Page 381: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ C’est dans ce village que Nzame vit toujours avec ses femmes et ses enfantsde la même vie que sur terre, qu’il accueille les morts et qu’il tient enfermés leséléments, soleil, lune, pluie, etc. ” ( 1404 ).

Il est délicat d’attribuer à ce genre de mythe un caractère historique, même sicertains informateurs, conciliants avec l’enquêteur, parviennent à leur rattacher leurpropre généalogie, à l’exemple de Mendame Ndong ( 1405 ). Les contes, fables,proverbes et devinettes n’apportent pas non plus d’éléments décisifs hormisl’expression d’une philosophie ou d’une conception du monde. On peut toutefoisnoter que la tradition orale ne retient pas de légendes où la terre est mise en jeu,comme mère nourricière avec laquelle l’homme s’accouple, comme c’est le caschez les peuples agriculteurs d’Afrique de l’Ouest.

Trois aspects de la tradition méritent toute l’attention du chercheur : la légendede la traversée associée à celle de l’adzap creusé, la légende de Ngurangurane etles mvet. La particularité de ces trois documents est de décrire des évènements enapparence historique. Les Occidentaux ont cherché à les exploiter en interprétationset rapprochements ardus avec la “ migration fang ”. Une nouvelle lecture s’impose.Elle laisse apparaître des niveaux de compréhension qui semblent avoir échappé aupremier abord.

Traversée

De l’ensemble du corpus, la légende de la traversée, déjà évoquée chez lesNkodjeign, est la plus connue et celle qui intéresse le plus les historiens, puisque yfigureraient des éléments relatant la migration d’un grand groupe vers le sud et sonentrée en forêt. Son étude demande un bref rappel :

A une époque lointaine, les Fang auraient vécu dans un milieu de savane. Ils yauraient subi la pression de guerriers féroces, conquérants qui les auraient poussés àfuir en se dirigeant toujours plus vers le sud jusqu’à ce qu’ils soient acculés par ungrand fleuve trop large pour être traversé. Un serpent géant, providentiel, apparut etleur proposa de traverser sur son dos. Alors qu’une partie du groupe avait franchil’obstacle, le serpent fut blessé accidentellement par une personne. Il plongeaaussitôt, laissant sur la rive la dernière partie du groupe, tandis que les voyageurs

Page 382: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

sur son dos furent noyés. Ayant traversé, le premier groupe se retrouva face à lagrande forêt, infranchissable. Le chemin, qui suivait une crête, était barré par unarbre gigantesque qui n’autorisait aucun passage, sauf à le percer, ce qui fut fait,avec l’aide des Pygmées. Ensuite, le groupe se dispersa en plusieurs fractions entrele Gabon, le Cameroun et la Guinée Equatoriale.

Les variantes sont aussi nombreuses qu’il y a d’informateurs. Elles concernenttout à la fois la présence ou non de chevaux chez les conquérants ; leur identité,tantôt arabe, tantôt Mvele ou Bassa, tantôt inconnue ; le nom du fleuve traversé,Sanaga, Nyong, Kom, etc. ; le serpent, parfois remplacé par un arc-en-ciel, ce qui,dans le cas d’un serpent python est tout à fait compatible, puisqu’il symbolise l’arc-en-ciel, mais d’autres versions placent un pont de liane ou un crocodile ; l’accidentdû à un homme ou une femme, à un sorcier ou à un “ innocent ”, à un fer de lanceou à une torche ; l’aide des Pygmées pour creuser l’arbre ; l’essence de celui-ci :Adzap Bura (Mimusops djave) ou Moabi (Baillonella toxisperma), sa situation surune crête, en bordure de précipice ou dans une profonde vallée ; et enfin, l’ordre decertains épisodes, en particulier la dispersion des différents groupes ( 1406 ). HubertDeschamps a tenté de suivre ces différences en fonction de l’ethnie de sesinformateurs ( 1407 ). Au vue de l’exemple des Nkodjeign, le résultat semble bienpeu exploitable.

La légende de la traversée appelle plusieurs remarques. Selon Laburthe-Tolra,elle serait strictement beti. Ni Trilles ni Largeau ne l’ont présentée. MaisDeschamps et plusieurs informateurs la mentionnent chez les Fang ( 1408 ). Laquestion d’une adoption se pose donc. L’époque, ensuite, est absolument inconnueet rigoureusement indéterminée. Elle ne se place pas dans un cycle quelconque ni àla suite d’événements déjà remarqués. Il semble que pour les informateurs, sonéloignement est tel, en quelque sorte hors du temps, qu’il n’est pas la peine d’enpréciser la date. Seule la mention, dans certaines versions, de cavaliers rougesfournit un début d’indication ( 1409 ). Mais, le rapprochement avec la poussée foulbén’est pas le fait de l’informateur. Il est rétrospectif. Il date du moment où les Blancsprogressent dans l’intérieur des terres et découvrent l’histoire du continent. Parrecoupement avec leurs connaissances de l’Afrique Occidentale, ils ont identifié lapériode avec cette conquête. Ensuite, pour justifier cette datation, ils se sontappuyés sur l’estimation des généalogies, entre quinze et vingt, selon lesinformateurs, en comptant environ vingt à vingt-cinq ans pour chacune ( 1410 ).

Malgré cette base arbitraire, certains auteurs ont fixé le début de la migrationvers la fin du XVIII ème siècle. Cette datation est d’autant moins convaincante queles Fang sont supposés provenir d’un pays de savane. Or notre étude montre que lesFang étaient présents sur le territoire actuel du Gabon, au moins depuis le début duXIX ème siècle, et, au vu du nombre très important de villages déplacés, il faudraitêtre naïf pour croire qu’ils ont parcouru une telle course en une cinquantaine

Page 383: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

d’années, qui plus est à travers la forêt. Laburthe-Tolra est lui-même sceptique surla chronologie d’Alexandre : “ La date de 1790 pour un passage de la Sanaga parles Fang […] est rendue tout à fait impossible par l’étude des généalogies […] Siles Fang avaient franchi la Sanaga (ce qui n’est vraisemblable que sous réserves),ce ne pourrait donc être qu’antérieurement. Du coup, toute la chronologieproposée par l’article précité d’Alexandre est à modifier d’un bon demi-siècle ”( 1411 ). Si la légende repose sur des fondements historiques, il faudrait la placerbeaucoup plus loin dans le temps.

La localisation du supposé pays d’origine est aussi imprécise que la date dumouvement migratoire bien qu’elle soit couramment désignée par MvogEtangha. Largeau puis Alexandre la traduisent par “Pays honorable ou paysnuageux” ( 1412 ). Assoumou Ndoutoume le rapproche du radical Kan puis Ekanga =marque, nuage, dessin ; ce qui rappelle plutôt Ekan Nna, dynastie originelle desFang ( 1413 ). Le premier terme de la localisation, Mvog, semble avoir échappé auxcritiques. Or, si l’on tente une analyse linguistique, au risque de se fourvoyer dansdes erreurs de phonétique, Mvog désigne un clan, chez les Beti, et non chez lesFang, où “ clan ” se dit ayong. On serait donc enclin à penser que MvoghEtangha est une expression Beti, ce qui troublerait l’authenticité fang de la légende.C’est en tout cas une des explications que donne à Largeau un vieux Betsi sur lepays d’origine : “ Le pays serait habité par une tribu de Pahouins appelée Mvôgh-Etangha, gens fort méchants, qui sont toujours en guerre ” ( 1414 ).

Quoiqu’il en soit, la plupart des informateurs place Mvogh Etangha dansl’Adamaoua, le plus souvent au sud-est du massif, mais on peut se demander si cen’est par pour confirmer le rapprochement avec les Foulbé. D’autres avancent quece puisse être plus à l’est encore. Alexandre pense à la haute-Sangha vers Bouar ouBaïbokoum, plus au nord ; Trilles, remarquant la présence de lions et de rhinocérosdans les légendes qu’il recueille, pense au Bahr el Gazal ( 1415 ), suivi par Avelot ;d’autres encore, comme Ropivia, à la région des Grands Lacs.

Le principe d’une origine nord-orientale repose sur l’impression qu’ont eu lesOccidentaux que le mouvement général des Fang était de suivre une course nord-est/sud-ouest. Ils s’appuyaient sur le témoignage des premiers Fang parvenus dansl’Estuaire ou visités par Du Chaillu, qui affirmaient venir d’Okü, que les auteursont traduit par nord-est. En réalité, le Oküsignifie “ l’amont ”, et non une direction.

Quant aux motifs qui ont poussé le groupe à fuir Mvogh Etangha, les versionsdivergent. Alexandre remarque que le terme “ Cavaliers ” n’est présent que dans lesversions données par les Beti ( 1416 ). Dans une version bulu, il s’agirait non pas desFoulbé mais des Tchamba, proches des Bamum qui “ opèrent des razzias sur leplateau précisément à cette époque ” ( 1417 ). Pour les Fang, au contraire, l’identitédes guerriers est très vague. Deschamps rapporte de Bitam une version où

Page 384: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

intervient un belliqueux chef mvele, Onda-Abora et où les Mvele sont assimilésaux Basa. Deschamps est contesté par Alexandre, qui affirme ne retrouver lesMvele dans aucune source ancienne et réfute l’assimilation Mvele – Basa ( 1418 ).Mais il est suivi par Laburthe-Tolra qui écrit : “ Le souvenir de leurs luttes avec lescruels Mvele (= Basa ou Bakoko) hante leurs épopées de Mvet ”, avant d’évoquerles Benthoua, qu’il pense pouvoir assimiler aux “ Bendzo, c’est à dire ceux des Batiqui ont donné souche à nos Bëti actuels ” ( 1419 ). S’aventurer dans les détails del’hypothèse sur l’antériorité fang de Laburthe-Tolra risquerait de corrompre sesarguments et de perdre le lecteur. Il faut donc se borner à la rappeler trèsbrièvement : les Fang ont une possible origine commune mais lointaine avec lesBëti qui remonterait au-delà du XVe siècle. Occupant la forêt, ils auraient étébousculés par l’arrivée des Bëti, dont les ancêtres, les Bati sont venus de la régioncomprise entre Adamaoua, Mbam et Sanaga, fuyant les Foulbé. Leur division adonné, outre les Mengisa et le Eton Bëti, un groupe dit “ Elip ” qui comprend,notamment les Bendzo, ancêtre des Bënë actuels ( 1420 ).

Revenant sur la tradition beti, Alexandre parvient à localiser le lieu de latraversée, “ Approximativement entre Nanga-Eboko et le confluent du Mbam, depart et d’autre des chutes de Nachtigal ” ( 1421 ). La précision est encore plus grandeavec Laburthe-Tolra : “ Chaque grand lignage peut dire et montrer l’endroit précisoù il a passé : l’emplacement du pont de Kikot (non loin de Ngog Lituba) pour lesBakoko et les Basa, Ebebda pour les Eton-Beti et les Mengisa, les chûtes deNachtigal pour les Bendzo ancêtres des Bënë, les parages de Mbandjock pour lesEmveng, le côté de Nanga Eboko pour les Bulu, etc. ”( 1422 )

Il n’entre pas dans notre propos de discuter ces témoignages. De toute façon,pour ce qui concerne les Fang, la localisation est nulle. D’ailleurs il n’est nullementcertain qu’il s’agisse de la Sanaga. Pour Abel Nguéma, il s’agirait plutôt du Nil,que les Bulu, et non les Fang, auraient traversé. Pour d’autres, les Fang auraienttraversé le Ntem. Ce serait de cette traversée que les Fang tiennent leur crainte del’eau.

Mandja-Baya

Page 385: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Les Fang ne sont pas les seuls à avoir conservé dans leur tradition orale lalégende de la traversée d’un grand cours d’eau avec l’intervention, ou non, d’unserpent. Les Ngumba, parfois assimilés aux Fang gardent en mémoire la séparationdu groupe suite à la rupture d’un pont de liane, alors que le groupe fuyait les Fangde l’est. Maka et Djem restaient sur la rive droite de la Sanaga, le groupe de la rivegauche se divisa en Ngumba, Mabéa et Pliebouri ( 1423 ). Baumann et Westermannrapporte aussi une légende Baya très proche de celle évoquée plus haut :

“ Ces Baya connus sous le nom de Mandjia repassent l’Oubangui au lieu-dit les“ Rapides de l’Eléphant ” (40 km en amont de Bangui), le génie des eaux N’diba,un long serpent noir, ayant prêté aux émigrants son corps en guise de pont. Lesémigrants remontent ensuite l’Ombella jusqu’à la montagne N’Zouli, près del’actuel poste de Fort-Sibut. Ils parviennent au lieu-dit Bandoko (ligne de crêteentre Bouka et Crampel) ”.

Kalck, spécialiste de la République Centrafricaine, rajoute :

“ Un certain nombre d’entre eux [des Mandja, en traversant sur le dos duserpent] seraient restés sur l’autre rive, Ndiba piqué malencontreusement par lapointe d’une sagaie s’étant enfui ” ( 1424 ).

Le plus étonnant dans ce parallèle avec les Mandja, c’est qu’il ne s’arrête pas àla simple légende de la traversée. Baumann et Westermann poursuivent :

“ Puis, à la suite de discussion, ils se séparent en plusieurs groupes :

les Ali vont vers la M’poko et la Pama ;

les Mbaka Mandjia redescendent vers le sud jusque vers Bangui ;

les Boffi, vers 1860, passent l’Oubangui au niveau de Libengué et remontent laLobaye jusque dans la région de Boda N’gotto où ils se heurtent aux Baya-Bokoto ” ( 1425 ).

Page 386: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

A l’origine de cette traversée, on retrouve encore les Foulbé :

“ Les Baya au début du XIX e siècle sont pris à parti par les Peuls d’Ousmanedan Fodio et, de la montagne où ils sont alors installés, ils se dirigent vers lesplaines du Logone et du Chari, puis de là, toujours poursuivis, ils remontentl’Oubangui pour s’installer sur les plateaux de la Haute Sangha et de la Lobaye( 1426 ).

Il est tentant d’approfondir, au-delà des récits, un éventuel rapprochement entreFang et Mandja. L’étude de ces derniers est plus tardive que celle des Fang,puisqu’elle ne commence qu’à la fin du XIXe siècle ( 1427 ). Malgré uneconnaissance plus grande du continent, on retrouve des observations et descomparaisons assez semblables à celles lues quelques années plus tôt à propos desFang :

“ Les peuplades établies entre l’Oubangui et le Gribingui possèdent beaucoupde caractères communs qui permettent de les rapprocher ; elles présentent aussi denombreux points de ressemblance avec les tribus visitées par Schweinfurth,notamment avec les Niam-Niam. […Les Mandja] ont la physionomie la pluscaractéristique du groupe, mais aussi la plus bestiale. Le prognathisme de leur faceest très marqué. Les Mandja appartiennent à une race robuste, mais fruste et peuintelligente. Au moral, ils sont méfiants et d’humeur farouche ” ( 1428 ).

Les Mandja compteraient trois composantes : les Mandja proprement dits, lesMbaka et les Gbaya, Baia, Baya, Gbeya ou encore Gbéa, selon les transcriptions.D’après Kalck, les Gbaya sont, dans les années 1960, “ environ 420 000 habitantsfixés à l’Ouest et au Nord du pays, auxquels il convient de joindre 90 000 Mandjiainstallés au Centre, entre les bassins de l’Oubangui et du Chari […] On retrouvede nombreux Baya au Cameroun ” ( 1429 ). Le groupe des Gbaya est, de loin, celuiqui attire le plus notre attention. Le terme-même “ Gbaya ” laisse perplexe. Pourcertains, il serait un surnom donné par les Haoussa, signifiant : “ ceux qui sontrestés en arrière ” ( 1430 ). Pour d’autres, il signifierait “ les hommes rouges ”, enraison de leur coutume de se peindre le corps ( 1431 ). Pour les Gbaya eux-mêmes, leterme signifierait “ Frères ”.

En plus de ces étranges coïncidences, les Gbaya interrogent, notamment par lesnombreux points communs avec les Fang. D’abord leur origine lointaine est tout

Page 387: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

aussi inconnue, mais certaines études les placent au nord de la Bénoué, “ auprès depeuples, qui, comme les Djoukoun, venaient à une époque plus ou moins reculée deNubie ” ( 1432 ). Les causes de la migration gbaya diffèrent légèrement, selon lesinformateurs. Ils sont parfois associés aux Mandja : “ Les Mandja (Mandja, Mbakaet Baia) sont établis là depuis un temps très long et en même temps très attachés ausol. Ils ont été envahis, pénétrés par les Banda [venus du nord], fuyant les razziasdes musulmans du Ouaddai ” ( 1433 ). Chargé des études ethnographiques dans lamission Chari Tchad et résident à Fort Crampel pendant trois ans, Decorse revientsur les mouvements de population dans la région, suite à l’arrivée des Banda. Il enprécise l’origine :

“ Ici nous sommes en plein pays Banda.

“ Primitivement les Mandja en étaient les maîtres. Ils sont encore représentéspar quelques groupes en décadence, misérables, noyés et resserrés par le flot desenvahisseurs.

“ Ces Banda occupant actuellement le territoire Mandja de Fort Crampel sontoriginaires d’une région beaucoup plus orientale, située au sud du Dar Rouna [DarRounga], au nord de la bande riveraine de l’Oubangui, habitée par les N’sakara, lesSango, les Banziri et les Bouraka. C’est là que les localisait [dès 1803] le cheikMohamed El Tounsi, sous le nom de Bandeh-Yamyam, et de Bandeh-Joko. A lasuite de perturbations profondes, dues à la pénétration de l’Islam, les Bandaémigrèrent violemment du centre vers l’ouest, si bien qu’à l’heure actuelle on entrouve jusqu’à Bangui. Ils se subdivisent en une infinité de tribus qui portentchacune un nom ” ( 1434 ).

On ne saurait être insensible à la proximité phonétique entre les Bandeh-Yamyam du cheik et les Niam-Niam de Schweinfurth, encore moins à la proximitédes scénarios entre Baya bousculés par les Banda, et Fang bousculés par les Beti,selon la thèse de Laburthe-Tolra.

Le pays d’origine des Banda se situerait dans les montagnes du Darfour ( 1435 ).Les premiers mouvements font également référence à la poussée de l’islam. Sanspouvoir les dater précisément, Kalck émet l’hypothèse “ que ce départ a pu être liéaux campagnes menées par les sultans vers la fin du XVIIIe siècle contre lespopulations réfractaires à l’islamisation ” ( 1436 ).

Page 388: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

En réalité, nous avons déjà rencontré les Banda, avec Cholet à propos desNdéré ( 1437 ). Ces derniers sont un clan parmi les Yanghere qui, eux-mêmes, sont lafraction des Banda qui s’est réfugiée vers l’ouest et la forêt du sud-ouest, à la suitede razzias des sultans venus du Ouadaï :

“ Les Banda-Yanghere, c’est-à-dire les Banda séparés, devaient effectuer en1830 et 1845 une longue marche de plus de mille kilomètres qui les conduisit dansles forêts de la Haute-Sangha et de la haute Lobaye. Au passage un groupes’établissait non loin de Bossangoa, un autre dans les montagnes de l’Ouham-Pendé. La forêt offrait alors un refuge plus sûr que les savanes mêmesmontagneuses. Les Banda-Yanghere constituèrent quatre groupements forestiers, lepremier entre la Bodengué et le Mbaéré dans le bassin de la Lobaye, le second entreles deux Boumbé et dans la basse vallée de la Kadéï dans le bassin de la Sangha, letroisième aux environs de Yokadouma dans l’actuel Cameroun et le quatrième dansles forêts de l’Ibenga dans le Nord de l’actuelle République populaire du Congo.Peu après, vers 1840, des groupes banda se réfugièrent au-delà de l’Oubangui etformèrent dans l’actuel Zaïre, dans les hautes vallées de la Loua et de la Mangalla,un peuple nouveau, les Banza. L’arrivée des Banda entre l’Oubangui et le Congoobligera les groupes Baya-Mandjia qui s’y étaient déjà installés à remonter vers lenord et à s’établir sur le seuil séparant les bassins de l’Oubangui et du Chari. Dèslors les migrations banda s’orienteront vers le sud-ouest ” ( 1438 ).

Quant au lien avec les Fang, il apparaît plus clairement dans le bassin de laSangha. Les mouvements à l’est de la Sangha ne sont pas sans effet sur lespopulations. Pour Rouget, la poussée banda et son impact sur les Baya touchentindirectement les Fang : “ Ils ont émigré vers l’ouest, poussés par la conquêtemusulmane, les attaques des Bayas (du Haut-Oubangui) et la recherche de paysriches […] La migration des Baya-Mandja du Nord et de la Oua rejeta le groupeEst des Pahouins (autre nom donnée aux Fan) vers la Sangha ” ( 1439 ). Enfin, pourToqué, administrateur de l’Oubangui, il est probable que les Fang soient d’origineMandja. ( 1440 ).

Pour séduisante qu’elle soit, l’hypothèse est fragile. Elle se renforce avec Gentilqui reconnaît une parenté entre Mandja et populations de la Sangha : “ Les Mandjade N’Dokoua, […]sont moins robustes d’aspect que les populations que nous avonsrencontrées jusqu’ici ; leur langue aussi est complètement différente et serapproche beaucoup de l’idiome Baya parlé dans la Sangha. Ce sont d’ailleurs lesmêmes mœurs, les mêmes tatouages, les mêmes armes que dans cette dernièrerégion ” ( 1441 ). Kalck confirme la parenté : “ Dans les premières années du XIXesiècle, des clans baya avaient déjà émigré dans le moyen Oubangui où ils

Page 389: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

constituèrent rapidement un amalgame avec les populations bantou déjà maîtresdu terrain ”. ( 1442 )

Laburthe-Tolra retient à son tour que : “ La linguistique et la culture semblentrapprocher les Fang de populations plus orientales et méridionales […] Enexaminant l’aire de diffusion de certains objets, on peut avoir des indicationsconcernant les contacts et les voisinages probables, […] tels l’arbalète (mfan) oule mvèd (cordophone de raphia) dont l’usage relie les “ Pahouins ” aux peuples dela R.C.A. comme on peut le voir au musée Boganda de Bangui ” ( 1443 ). L’usage del’arbalète chez les Gbaya est en effet clairement attesté par Balfour ( 1444 ). Pluslargement, la culture matérielle des Mandja et des Fang partagent de nombreuxpoints communs. Le village est gardé par des palissades, il abrite plusieurslignages. La banane et le maïs constituent la nourriture de base. L’industrie du ferest réputée. Les vêtements sont en écorce provenant d’un ficus, le système defabrication est le même ( 1445 ). Même poisons de flèches pour la chasse ( 1446 ).Enfin, en signe à Schweinfurth, ils sont éleveurs de chiens. La seule différencerésiderait dans la pratique de la navigation : les Mandja possèderaient en effet despirogues qu’ils utiliseraient pour pêcher, usage totalement étranger aux Fang, à leurarrivée au Gabon. Or, rien n’indique que les Baya Mandja, agriculteurs etchasseurs, maîtrisaient ces techniques avant leur installation sur les rivières ( 1447 ),ce que semble vouloir confirmer Gaud quand il évoque le rapport qu’entretiennentles Mandja avec l’eau, rapport en tout point identique aux Fang :

“ Aucun Mandja du Haut-Chari ne sait nager, même ceux qui vivent sur le borddes rivières importantes comme le Gribingui et la Nana. Ils ont une profondecrainte de l’eau […] Les rivières sont dangereuses pour ces hommes qui ne saventpas nager ” ; il ajoute plus loin qu’ils n’ont aucun transport par eau ( 1448 ).

On n’échappe pas non plus à l’idée fort répandue que les Mandja aient été degrands anthropophages, jusqu’à l’arrivée des Blancs :

“ Le Mandja, agriculteur, est plutôt végétarien, non qu’il méprise l’alimentationcarnée, mais parce que le pays est peu giboyeux et peu favorable à l’élevage. Endéfinitive, la viande dont il usait le plus, avant l’arrivée des Européens, était lachair humaine ” ( 1449 ).

Page 390: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Gaud croit cependant bon de préciser que “ Les Mandja sont anthropophages.Ils mangent de l’homme à la fois par gourmandise et par besoin de viande, maispas du tout pour s’assimiler les vertus du mort… L’endocannibalisme n’existe paschez les Mandja ” ( 1450 ). D’autres rapprochements concernent la fabrication du sel,également obtenue par lavage puis évaporation de cendres de certaines plantes. Ilsn’ont pas de captifs, pêchent en empoisonnant les rivières ( 1451 ).

Reste que le rapprochement Fang-Mandja demande de vérifier deux pointsessentiels : la géographie et la chronologie. Le bassin de l’Oubangui, autour de laLobaye et de la haute-Sangha est distant d’environ 650 kilomètres du Nord-Gabon,soit la même qu’avec les contreforts de l’Adamaoua. La végétation coïncideégalement avec les récits fang. Le réseau hydrographique est similaire, il oblige lesgroupes en mouvement à traverser une importante rivière à un moment ou à unautre. Enfin, l’orientation des déplacements correspond davantage au nord-estévoqué par les tout premiers informateurs, notamment ceux de Du Chaillu, plutôtqu’une direction parfaitement nord.

Mais la chronologie reste le principal obstacle au rapprochement, puisque lesévènements décrits à propos des Mandja sont à peu près contemporains, voirepostérieurs, à ceux rapportés à propos des Fang. On pourrait arguer que les datesavancées par les spécialistes de l’un ou l’autre groupe se sont fourvoyés sur lesévènements, mais les deux chronologies font référence aux razzias musulmanes etle nom d’Ousman dan Fodio est cité dans les deux récits. Pour les mêmes raisonsque celles évoquées à propos des Fang, il est sans doute préférable de ne pass’attarder sur cette conquête foulbé, pour retenir plutôt les incursions musulmaneset le trafic d’esclaves dont sont victimes les populations animistes installées enbordure nord de la forêt équatoriale.

On ne saurait conclure sur la question des Baya sans revenir à Kalck. Segardant d’affirmer qu’il existe une parenté Baya-Fang, il évoque le séjour des Fangen Centrafrique :

“ Une autre population soudanaise semble avoir séjourné jusqu’au XVIIIesiècle dans le massif montagneux de l’Ouest du pays centrafricain. Il s’agit desFang, appelés aussi Pahouin, dont les ethnologues ont remarqué les nombreux liensculturels avec les autres populations de l’espace centrafricain. On sait que lamigration des Fang vers l’Atlantique ne s’est achevée qu’à l’époque coloniale. LesFang font mention d’un certain habitat, le mvogh et angha [sic !] c’est-à-dire paysnuageux qui semble correspondre aux monts du Yadé (où la pluviométrie est laplus forte de tout le plateau entre Benoué et Lobaye). Selon Clozel, les Pandé de lahaute Sangha seraient, comme bien d’autres populations de la région entre Sangha,

Page 391: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Sanaga et Ogoué (Dzem notamment), issus de croisements entre Fang et Bakota ”( 1452 ).

Laburthe-Tolra avance une hypothèse voisine :

“ On peut le présumer, cela faisait déjà un bon siècle vers 1820 [que les Fang]avaient dû pénétrer dans la grande forêt, dans les actuelles régions de Carnot et deBatouri, pour se trouver sur la Haute-Sangha […] C’est en effet une possibilité queles Fang aient pu descendre du nord parallèlement aux Bati en détruisant la forêtsur leur passage ” ( 1453 ).

Adzap Bura

L’idée que les Fang aient pu détruire, au sens littéral, la forêt sur leur passagen’est pas sans évoquer une fois encore les hordes barbares qui ont nourri lacomparaison avec les Fang. Le terme destruction semble abusif. Tout au plus peut-on considérer leur passage, par les techniques d’agricultures, comme à l’origine dela dégradation de la forêt primaire en forêt secondaire, si tant est qu’unecartographie fiable puisse être établie. Quoiqu’il en soit, la remarque de Laburthe-Tolra amène à revenir sur l’épisode de l’adzap creusé, brièvement évoqué plushaut. La légende de l’obstacle, qui se place généralement après le passage de latraversée, est encore très présent dans les esprits. Encore en 1945, Eckendorff enrecueille une version très à l’est de la zone fang, autour de Makokou :

“ Les Fan et les Bisiboe expliquent leur origine par la légende bien connue dutrou de l’adzo.

“ Dans leurs migrations, ils se seraient trouvés dans l’obligation de passer parune crête étroite, flanquée de chaque côté d’un ravin à pic où il était impossible dedescendre. La crête était barrée par deux gros arbres, un adzo et un boim.

Page 392: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ Les Fan ont entaillé les deux arbres à l’endroit où ils se touchaient et y ontpratiqué une ouverture suffisante pour permettre le passage.

“ Ce lieu est nommé Adzo Mbura, littéralement, le trou de l’adzo. Les gensdisent que ce lieu est situé loin vers le nord, mais sans plus de précision. Certainsajoutent que de l’autre côté de l’Adzo Mbura le pays n’était pas boisé ”. ( 1454 )

L’épisode de l’adzap est interprété par les historiens comme le symbole de lapénétration des Fang dans la forêt équatoriale. Il sous-entend donc que les Fang,avant de traverser le grand fleuve, venaient d’une région de savane, ce qui, aupassage, renforce l’hypothèse de la Sanaga, considérée comme la limite entre lasavane boisée et la grande forêt. L’aide des Pygmées pour creuser l’arbresymboliserait l’étroite collaboration entre les Fang et les Pygmées, qui prend le plussouvent l’aspect d’une interdépendance.

D’autres moments plus douloureux se placent après le passage de l’adzap.D’après Eckendorff, la dispersion des clans date de cette époque, et non de l’après-traversée : “ La dispersion des clans Fan aurait été causée par une grande guerregénérale dont l’époque et le lieu ne sont pas précisée, on n’en cite que le nom :oban ” ( 1455 ). Pour d’autres, les conflits sont étrangers à la dispersion des groupes.Après l’épisode de l’adzap, les Fang auraient poursuivi leur route dans la forêtavant de se heurter à d’autres peuples. C’est à cette époque que certains datent lesbatailles avec les Mvele ( 1456 ).

Relecture Moderne

Au-delà d’un rapprochement entre Fang et Gbaya, d’autres indices sont àtrouver, ailleurs que dans l’histoire et la géographie. La légende a effectivementconnu un développement inattendu, intégré dans des rites qui en ont fait une lecturemoderne.

Dans une explication manifestement tournée vers les Beti, Alexandre écrit :“ En franchissant la Sanaga, les Pahouins pénétraient, au moins symboliquement,dans le pays des morts ” ( 1457 ). Il s’appuie sur l’étymologie de “ Sanaga ”, selon luiconstituée de Osoé Nnanga, qui signifierait “ Rivière Blanche ” ou “ Rivière de

Page 393: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

l’Albinos ”. Or le blanc est la couleur des morts, et le Sanaga coulant vers l’ouest,elle coule vers l’endroit où le soleil se couche, c’est-à-dire, dans la symbolique“ pahouine ”, le pays des morts, qu’une expression traduit par “ Tombeau duSoleil ” ( 1458 ). Il est difficile de ne pas voir là un raccourci empruntant unesymbolique rapide, d’autant que les Fang, s’ils ont réellement traversé la Sanaga,auraient laissé le pays des morts sur leur droite. Il est tout aussi difficile de croire àune valeur symbolique traditionnelle dans la rencontre avec les Revenants, lesBlancs, venus de l’Ouest, donc du pays des morts, et pourvoyeurs de richesse. Lesrécits rapportés par Trilles et Largeau montrent plutôt ces “ fantômes ” retournantvers les Noirs pour redistribuer les richesses que Nzame leur avait confiées.L’exemple de l’Okanda jalousement gardée par la Pointe Fétiche montre combienun légende peut naître d’une réalité pratique, en l’occurrence commerciale : il étaitici question de dissuader les populations de l’aval, Enenga et Galwa, de remonterl’Ogooué à la rencontre des marchés kota et surtout kande.

Sans doute la symbolique un peu facile de ces légendes cache-t-elle unesymbolique plus difficilement accessible, peut-être réservée à des auditeurs moinsnéophytes. Boyer a finement analysé ces degrés divers d’interprétation des récits,notamment des mvet, en fonction du degré d’ “ initiation ” des auditeurs ( 1459 ). Ilfaut donc retourner vers la légende de la traversée et l’aborder dans une autredimension. Dans son étude sur la question de la mort dans la philosophie fang,Minko M’Obame a recueilli une version qui ouvre de nouvelles perspectives. Elleest ici reproduite intégralement car les digressions auxquelles se livre l’informateursont tout aussi intéressantes que le récit propre :

“ Enquêteur : J’entends dire que les Fang viennent d’Ozamboga

“ Informateur : Azamboga ? Est-ce que Azamboga aussi concerne la sorcellerieou les revenants. Tous les Fang viennent d’’Oku’ ; c’est de là-bas qu’est venu toutle monde. Les Blancs aussi sont partis de là-bas, et sont descendus par la droite (parl’est ?) jusqu’à nous encercler ici et là, (Ainsi) nous sommes encerclés. C’est là-basaussi que se trouve Azamboga, E… E… N… (frère de l’informatrice) y arriva et cesont les soldats qui l’avaient amené.

“ Enquêteur : Azamboga était donc un endroit précis ?

“ Informateur : Voici comment se présente Azamboga : au milieu de deuxrivières se trouve un gros rocher posé sur un toit ; ce toit semble toucher le ciel,(plus précisément) les nuages, car c’est le nuage qui constitue le ciel (voie lactée).C’est là-bas que se dresse Azamboga, entre deux rivières qui s’étendent à perte devue. Ceux qui traversèrent, qui vinrent de ce côté-ci, ce sont les Noirs ; et ce sontles Blancs qui restèrent de l’autre côté. Ceux qui traversèrent ainsi l’Azambogasont : les Bilops, les Fang, les Ntoumou etc ; et ils le firent sur un pont, lequel

Page 394: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

n’était rien d’autre qu’un serpent, et voici de quelle façon : ils placèrentle ngolengole à l’arrière du pont, du côté d’où ils venaient ( 1460 ). Ils partaient dumonde où Nzame les avait créés et venaient ici parce qu’il leur avait dit d’y venirtous et que lui seul restait là-bas. (Pour ce faire) il étendit le (corps du) serpent, latête s’emboîta. A côté de l’endroit où était aménagée une porte et où il y avaitbeaucoup de personnes, il placèrent quelqu’un portant une torche, la torche dont ilss’éclairaient ; à l’arrière et à l’avant, deux personnes tenaient deux autres torches ;il ne s’agit pas de lampe… Il était interdit de renverser les torches. Et tous ces gensse mirent à traverser lentement ; ceux qui se trouvaient du côté de la tête étaientnombreux, de même que ceux qui avaient (déjà) traversé et qui se rangeaientlonguement sur le rivage ; certains tenaient des enfants, d’autres on ne sait pas tropquoi ; il y avait des femmes, des hommes (en un mot) beaucoup de monde.Nombreux étaient ceux qui se tenaient au milieu en une longue file, (sur le point demonter), chacun attendant que celui qui est devant lui lève le pied afin de prendresa place. A l’avant et à l’arrière (du pont) se tenaient respectivementle miêmiê ( 1461 ) et le ngolengole ; au milieu il y avait le nem ( 1462 ); celui-ci…(manifestant le mauvais esprit qui le caractérise) s’écria : “ Comment ! Pourquoi sefatiguer tant ! pourquoi continuer à tenir un si minuscule bout de torche qui mebrûle tant les doigts ! ” (En fait) il n’en restait pas qu’un minuscule bout ; ce n’étaitqu’un prétexte pour accomplir le mal qu’il avait prémédité. (Et mettant son secretprojet à exécution), il donna un mouvement spécial à son ongle et atteignit leserpent qui (instantanément) coula. Ainsi ceux qui avaient déjà traversé et atteintl’autre rivage devinrent des Noirs ; et ceux qui restèrent de l’autre côté devinrentdes Blancs. Ainsi ceux qui sont parfois sous l’eau… (en effet) il faut savoir qu’il ya des gens là-bas, nul ne peut mourir noyé dans une rivière sans que ses parentsaient décidé de le prendre, (et ainsi lorsqu’il va), il va se poser sur le toit ; il arrived’abord dans une rivière noire, puis dans une autre qui est rouge et qui constitue letoit ; et arrivé à l’endroit de la rivière blanche, il est (ainsi) sur le toit. Et les autreshabitants de l’eau de s’étonner : “ Tenez, tel est arrivé, il faut appeler ses parentspour leur montrer l’un des leurs qui est sur le toit ”. Mais ses parents s’interrogent :“ Comment ! que vient-il faire ! On ne lui a pas dit de venir. Retourne, retourne,retourne ! (Qu’il retourne immédiatement), on ne lui a pas dit de venir. ” Même s’ily a longtemps qu’il est mort noyé, on s’arrangera pour aller le jeter sur le rivage ; etceux qui le trouvent là d’annoncer : “ Tel a échoué sur le rivage ”.C’est ton parentqui n’a pas voulu que tu meures. (En apprenant qu’un des siens est arrivé, unhabitant de l’eau peut répondre) : “ Puisqu’il est arrivé, il n’y a rien d’autre àfaire ”. Et il le met à terre. Tel est mort noyé, on n’a pas réussi à retrouver soncadavre ; (et pourtant) un cadavre peut-il se perdre ? (C’est tout simplement qu’ilest parti. Celui à qui on reprochait beaucoup de choses, des choses mauvaises, semet sur le toit lorsqu’il est arrivé ; (et les autres habitants de l’eau de plaindre leparent du nouveau venu) : “ Que son parent se lève et s’en aille ; quelle honte ! Ilcommettait trop souvent telle ou telle mauvaise action ”. On aura beau le chercher,il meurt tout de même, et l’on dira : “ Il commettait trop souvent telle ou tellemauvaise action ; il faut le jeter (au loin), de sorte qu’ils (ses parents) aillentl’enterrer eux-mêmes. Qu’il ne vienne pas nous poser des problèmes à nous ”

Page 395: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

(Finalement) on va le retrouver à l’aval du fleuve Membe, sur le rivage ; et ceci,dans le cas où c’était quelqu’un qui faisait le mal. Dans la rivière, dans les rivièresque tu vois, il y a les gens. C’est la raison pour laquelle on conseille aux gens de nepas faire n’importe quoi dans les rivières, de ne pas y prononcer les noms desautres. Les lettres aussi qui vont dans la rivière ; (c’est ainsi que) ton “ père ” A…O…, celui que tu avais connu déjà très vieux, écrivait des lettres dans lesquelles ilsouhaitait vivement qu’on le prenne et allait les jeter dans la rivière. Son appel futexaucé et tomba malade ; (il découragea ceux qui tentaient de le soigner) : “ Inutilede me soigner, (car) je jetais souvent des lettres à la rivière, à l’intention de mafemme ; elle m’a appelé, (et) j’y vais ”. L’A… O… en question mourut à NkoumEki. C’est le nem qui avait dit aux gens d’agir ainsi ; s’ils avaient tous traversé, il(Nzame) nous aurait fait une communication importante, car c’est Nzame lui-mêmequi avait partagé le monde ; l’Azamboga dont il est question existe bien ; et quandtu y arrives, tu vois ceci : Azamboga est quelque chose d’important, s’étendant çàet là et comportant une porte que personne ne peut soulever ; sur cette porte il(Nzame) posa (le plat de) sa main, (de) sa main droite et (de) sa main gauche ; il yposa (aussi) son pied droit et son pied gauche. (Voilà comment se présente)Azamboga. Malgré les risques que comporte une telle entreprise, celui quidéciderait d’aller voir Azamboga, quand cela était possible, n’aurait qu’à aller enexplorateur, ainsi il arrivera où parvinrent d’abord les Blancs, lorsqu’ils revenaientde l’Ouest ; car c’est de l’Ouest – où nous sommes actuellement - que partirent lesBlancs ; ils passèrent et arrivèrent à Azamboga qu’ils traversèrent et se rendirentau-delà ; ceux qu’ils prirent là-bas (avec eux), à l’époque où la terre n’était pas tantpeuplée, c’étaient ceux qu’on appelle Biloblobo ; en effet il est à noter qu’ils sontdes gens de la même terre. Ces Bilobloba-là ne sont pas semblables aux Ntoumou :les Ntoumou, les Camerounais, les Guinéens et les autres sont semblables, bien queleurs parlers soient différents. Ce sont les Bilop dont nous parlons qui sont leursdomestiques. Ne crois pas que nous sommes aussi importants que les Bilop. Quoiqu’il en soit, un Fang ne ressemble pas à un Bilop. En outre, ils débouchèrent enmême temps que les Blancs. (mais) ces derniers montèrent, traversèrent Azambogaet se disséminèrent à travers le monde, au point d’en devenir maîtres comme c’estle cas aujourd’hui.

“ Enquêteur : Les Bilop étaient des Noirs ?

“ Informateur : Oui, (effectivement), les Bilop sont des Noirs, ce sont desFangs, les Fangs d’autrefois.

“ Enquêteur : Ce sont des Fang, pourquoi parlent-ils une autre langue ?

“ Informateur : En fait ce sont des Fang, quand ils moururent… ; (il n’y a quedeux sortes d’hommes) : Le Blanc et le Noir, comment ne réussis-tu pas à lecomprendre ? Ce fut après s’être quittés qu’ils (les hommes) allèrent habiter dansdes terres différentes et que leurs langues devinrent différentes ; les Blancspartirent, (mais) eux restèrent aux environs d’Azamboga. Nous ne pouvons pas

Page 396: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

nous comparer à eux, ce sont les Blancs eux-mêmes qui les avaient amenés…(Aussi) ne pouvons-nous pas avoir la même langue qu’eux ; ce sont là ceux quirestèrent au bord du fleuve. C’est la personne même qui avait renversé la torche quia commis la première faute et qui, de ce fait, nous a tous rendus mortels. Ne vois-tupas comment les adeptes de (la société initiatique de) l’eboga conservent, eux, latorche ? Ils ne peuvent pas oublier la torche car c’est avec elle qu’ils montèrent ; ilssont infiniment plus forts que les Blancs ; ce sont les adeptes (de la sociétéinitiatique de) l’eboga qui dominent, même s’ils ne semblent pas s’entendre avecles Blancs. Les Blancs connaissent sûrement l’eboga, ils ne l’ignorent pas ”. ( 1463 ).

Les détails que donne la version de Minko M’Obame concernent tout à la foisl’origine du déplacement jusqu’à Ozamboga, l’intervention de la “ sorcellerie ”dans la séparation des groupes, le symbolisme de l’eau et la place de l’épisode dansla vie cultuelle des Fang.

L’origine du déplacement, avec la séparation d’avec le Créateur rappelle lesmythes ouest-africains, en particulier Bwa du Burkina Faso, qui sont joués par lesmasques Calao lors de cérémonies : le Créateur avait enjoint ses fils de le laisservivre seul en les envoyant vivre loin de lui, dans une sorte d’émancipation forcée( 1464 ). Le cours d’eau représente, dans les deux cas, la frontière qui sépare les deuxmondes, celui des hommes et celui du Créateur. Dans le cas des Fang, la traverséereprésenterait, l’entrée dans un monde nouveau, celui des fils du Créateur. Reste àdéterminer s’il s’agit du monde des vivants et dans ce cas l’interprétationd’Alexandre est fausse, ou s’il s’agit du monde des morts, ce qui rétabliraitAlexandre.

L’intervention de la “ sorcellerie ”, que relate cette version, surprend. Ellen’apparaît pas dans d’autres versions. Cela ne signifie pas qu’elle en soit absente,peut-être est-elle à ce point comprise de tous les auditeurs, qu’elle n’est pasprécisée. Elle est à l’origine de la plongée du serpent, noyant les piétons, séparantle groupe. Dans les versions présentées couramment, le mal, en tant que tel, n’estpas présent. Le plus souvent, le serpent est blessé par une femme ou un vieillard,qui ne représentent pas, dans l’esprit fang, le caractère le plus puissant despossesseurs d’evu. Le plus curieux réside dans la précision qu’apportel’informateur sur la présence des trois “ races ” d’humains ( 1465 ), représentéeschaque fois par un seul être, le nem, le miêmiê et le ngolengole, et sur la positionrespective que chacun occupe lors de la traversée ( 1466 ).

L’idée de la première faute, commise par le nem, ramène la légende à uneversion plus récente, syncrétique, où se mêlent des éléments traditionnels et deséléments de christianisme. On retrouve dans le culte bwiti des Fang, étudié parBureau, des symboles très précisément décrits, se rapportant à la légende donnée

Page 397: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

par Minko M’Obame ( 1467 ). Bureau donne ainsi, dans son lexique, la définition dumot rivière :

“ ôsü (osui) – rivière. “ La route de Bwiti est dans la rivière ” Au coursde mesoso, le début de l’initiation, on barre une petite rivière et l’initié est plongé,lavé, dans le bassin ainsi formé. C’est dans cette eau qu’il passe entre les jambesdes femmes, la tête sous l’eau, comme pour remonter dans le sein maternelsymbolisé par la rivière elle-même : “ remonter le courant c’est aller vers le père, ledescendre c’est aller vers la mère ”. (cf. oku et nki : amont et aval)

“ Après la mort, l’âme tombe dans une rivière, la rivière de Dieu (cf. elomba).“ On jette l’âme dans cette fontaine et elle redevient comme au moment où elleétait née, comme l’eau ; cette fontaine est une fontaine de poils ; Nzame n’a pas detissus comme nous pour se couvrir, il n’a que sa chevelure qui lui couvre tout ; là,l’âme peut devenir de l’eau, devenir du vent ou de la fumée ; cela pourrait voler oucouler comme une rivière ; cela pourrait former toutes sortes de choses ; cetterivière de Dieu la développe, la développe ; elle se purifie avant d’aller au ciel.

“ […] Les mythes comptent beaucoup de fleuves : par exemple Komé où lesBlancs et les Noirs se séparent à l’origine ; les Blancs remontèrent enamont ”.( 1468 )

On trouve d’autres explications sur la symbolique de la mort dans la définitionqu’il donne d’ ozambogha :

“ La vulve primordiale représentée par un trou ovale percé dans le poteau àl’entrée du temple […] La vulve d’où la race est sortie, par où passe l’initié, estaussi le “ puits ” (atogho) où le défunt est plongé : “ Quand l’homme quitte cettefontaine, il devient comme le papillon dans son cocon, il peut se changer en touslieux, à tous moments ; c’est ce que nous appelons une vie heureuse ”. L’âme estplongée dans le liquide de la grande vulve : c’est là que l’on quitte ’la vilaine peau’d’ici-bas pour ressortir ’bien blanc’ ”.( 1469 )

A travers ces explications, on ne peut plus dissocier la traversée du cours d’eaudu percement de l’arbre. A l’inverse des nombreux auteurs qui ont vu dans cetépisode, le symbole de l’entrée en forêt pour ces populations supposées migrantesde la savane, Binet avance qu’il n’y a pas là d’explication directement historique.Le percement de l’arbre représenterait l’accouchement. Le symbole est présent sur

Page 398: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

le poteau principal du temple bwiti, figuré par un losange, représentation du sexeféminin. L’interprétation de Binet est validée par Bureau :

“ Dans les traditions du groupe pahouin, il est question des difficultés ressentiespar la tribu en migration lorsqu’elle a buté sur la forêt : un arbre énorme barrait laroute ; il a fallu attendre longtemps et les Pygmées sont venus percer un trou dansl’arbre par où toute l’ethnie a pu passer. Cet épisode est considéré commel’accouchement de la race, et le trou comme la vulve de Nyingon, la sœurde Nzame. Anzem (ou anzem ou adzap) est le premier arbre, l’ “ arbre de vie ” ; il apoussé au commencement, à l’endroit où Nyingon avait déposé ses premièresmenstrues. On fait pousser communément cet arbre à l’emplacement où les femmesenterrent le placenta et le cordon après une naissance. Il sert à fabriquer la tringlesonore et les torches-épées insignes du gardien, brûlées au cours de nombreux rites[…] Le nom propre du “ trou de la naissance ”, ozambogha, contient la racinede anzem et veux dire : “ le trou dans l’arbre ”. Il n’est pas possible matériellementde passer par l’ozambogha mais de nombreux rites expriment la renaissancenécessaire à l’initié qui anticipe la mort et au défunt lui-même […].L’ozambogha est d’ailleurs assimilé à un “ puits ”, une “ fontaine ”, une “ rivière ”,ce qui corrobore la parenté naturelle de la femme avec l’eau, avec l’humide, avec laforêt épaisse, l’humus et la terre elle-même ”.( 1470 )

La seule réserve quant à l’historicité de la légende concernerait lerapprochement des symboles bwiti à propos de la légende de la traversée et dupercement de l’arbre, sachant que le culte est tardif, les premières formesapparaissent chez les Fang en 1910, c’est-à-dire bien après le supposé événementdécrit. On objectera que les symboles sont le reflet d’une certaine vision du monde,et qu’ils n’attendent pas l’adoption de tel ou tel culte pour apparaître. Le fleuve,symbole de la mort, est déjà repéré par Largeau et Trilles ( 1471 ). De plus, les Fangont montré suffisamment leur faculté d’adaptation pour intégrer le nouveau ritedans leur système religieux, tout en y introduisant l’enseignement missionnaire etleur symboles propres, l’adzapest par exemple présent dans les Mvet. Ensuite,l’idée d’une renaissance après le percement d’un arbre paraît difficilementcompatible avec l’idée de renaissance d’un peuple entier comme le suggèreLargeau, même si les conditions de son environnement change, de la savane à laforêt. Certainement l’intervention des Pygmées, peuple forestier par excellence,dans le percement de l’arbre a-t-elle contribué à fonder cette hypothèse historique.C’était simplement oublier la puissante magie que les Fang leur attribuent, commel’ont si souvent souligné les premiers observateurs, Braouezec notamment ( 1472 ).Par ailleurs, le concept de renaissance ne peut concerner que les individus et pas legroupe dans sa totalité. La légende du percement d’un arbre pour naître, n’est

Page 399: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

d’ailleurs pas propre aux Fang. Elle est présente chez les Basa qui disent sortirde Ngog Lituba, la montagne de pierre ( 1473 ).

Au fond, la légende de la traversée est aujourd’hui l’expression d’uneconstruction symbolique autour de la naissance, de la purification, de larenaissance, d’un aller-retour vers le pays des morts, présente dans la philosophiefang, reprise et réinterprétée dans le culte bwiti.

Sangha

Il serait cependant hautement improbable qu’une légende ne repose sur aucunfondement historique. Le rapprochement avec les populations centre-africaines est,compte tenu de la qualité des informations disponibles, difficilement vérifiable.Pour autant, il s’inscrit dans une voie qu’a emprunté Balandier d’une manièreapparemment assez prudente, au regard de ses prédécesseurs, quand il placel’origine des Fang vers la Sangha. L’hypothèse d’une traversée de la Sangha, et nonplus de la Sanaga, évoquée par Laburthe-Tolra serait à bien des égards satisfaisantepour l’histoire, tant elle réduirait les contradictions qui entoure la Sanaga. Parexemple, le cours Nord-Sud de la Sangha, plutôt que Est-Ouest de la Sanaga,validerait, si l’on y croit, la légende d’une course vers le soleil couchant, le paysdes morts.

Mais le plus important est que la Sangha permet de trouver une originehistorique à la légende de la traversée qui tient à des raisons hydrologiques. Avantde recevoir la Ngoko, en amont d’Ouesso, la Sangha est essentiellement constituéede la réunion des eaux de la Mambéré et de la Kadéï. Autrement dit, son bassinavant Ouesso est très sensible aux variations saisonnières. A la saison sèche, denombreux bancs de sable apparaissent, dessinant au milieu des sombres eauxnoirâtres une mosaïque de losanges argentés, décor dans lequel il est tentant dereconnaître le dos d’un python oou d’un autre reptile. Parfois les eaux sont si bassesqu’il devient possible de traverser à gué la rivière, en passant d’un banc de sable àl’autre, ce que pratiquent fréquemment les éléphants, dans la région de Libongo,par exemple. Mais tandis que les eaux baissent lentement, leur remontée peut êtresoudaine.

Il resterait donc, pour être complet, à compléter, après Bruel, les enquêtesauprès des populations de la rive gauche de la Sangha à la recherche d’éventuellessimilitudes avec la culture fang.

Page 400: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Ngurangurane

Comme la traversée de la Sanaga, la légende de Ngurangurane doit faire l’objetd’une attention particulière. Répandue chez les Fang du Gabon, elle est connue enOccident, dès les premiers moments de la “ mélanophilie ”, au début du XXèmesiècle. Trilles en publie une première version, en 1905, que diffuse Paul Guillaume,le collectionneur et promoteur de l’art nègre ( 1474 ). En 1912, Trilles la reprend dansson ouvrage de référence sur les croyances fang ( 1475 ).

Le développement complet du récit contient des épisodes répétitifs et quelqueslongueurs, aussi convient-il de n’en retenir que la trame, les détails sont repris aubesoin :

A une époque inconnue, les Fang habitaient au bord de l’eau. Ils y pêchaientsans toutefois aller sur l’eau. Un crocodile géant, d’une force incroyable, nomméOmbure, les terrorisaient. Il ordonnait qu’on lui serve chaque jour un sacrificehumain. Une première tentative pour le fuir échoua. Ombure retrouva le village etdoubla ses exigences. Un soir pourtant, il épargna la fille du chef. Neuf mois plustard, elle donna naissance à Ngurangurane. Devenu adulte, chef du village etpuissant sorcier, Ngurangurane réussit à l’enivrer en lui faisant boire du vin depalme. Une fois endormi, il parvint, avec l’aide de forces magiques, à tuer Ombureet ainsi à délivrer son peuple. Un rite est ensuite organisé autour de la dépouilled’Ombure.

La version de Trilles est malheureusement la seule transcription disponible, cequi pose un souci majeur quand on sait la disposition du missionnaire à orienter sestraductions. Lui-même avertit le lecteur de la mauvaise vie de son informateur( 1476 ). On trouve ainsi des éléments surprenants, comme, par exemple, le fait queles Fang, plutôt que de livrer des villageois, donnent en sacrifice des esclaves, alorsque, les auteurs s’accordent sur ce point, ils n’en avaient pas.

Cette réserve, quant à l’unique version disponible, n’a pas empêché les étudeset les interprétations. Elles se divisent en deux catégories : d’une part les étudeslongues où la légende est envisagée sur un plan philosophique, voire religieux

Page 401: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

( 1477 ), d’autre part les évocations rapides où la légende est lue sur le plan historique( 1478 ).

Trilles, d’abord, voit en Ngurangurane l’ancêtre des Fang, fondateur du groupe.Il raconte que l’œuvre de Ngurangurane ne s’arrête pas à la mort du crocodile. Enqualité de grand chef des Fang il guide ces derniers à la guerre. Fort de ses pouvoirset d’une pierre fétiche qu’il tient de sa mère, il se transforme en oiseau nocturnepour épier ses ennemis et déjouer leurs tours. Un jour, son fétiche est dérobé.Incapable de reprendre sa forme humaine, il est abattu par une flèche empoisonnéetirée par le voleur ( 1479 ). On serait tenté de voir une référence historique dans lalégende que donne Trilles car il précise qu’au moment où le fétiche est dérobé, “ onapprend qu’un peuple ennemi, les Yê-Nkwa, fait irruption sur les terres des Fang ”( 1480 ). La dénomination rend très probable le fait que le terme Yê-Nkwa désigne unclan fang, le radical Ye étant présent dans beaucoup de noms de clan. Mais, enmême temps, cette hypothèse réduirait paternité de Ngurangurane sur l’ensembledu groupe fang telle que Trilles la perçoit.

Le rite propitiatoire qui vient après le dépeçage du corps conduit Trilles à voirdans le crocodile un animal totem pour les Fang. La chair d’Ombure esteffectivement partagée entre certains hommes. Il s’agit d’éviter de subir lavengeance de son esprit, ce dernier ne pouvant se venger contre ceux qui le“ nourrissent ”. Pour Azombo, la destination de ce rite ne fait aucun doute :“ Pendant trente lunaisons, l’esprit irrité d’Ombure a parcouru les villages,cherchant sa vengeance et poursuivant les vivants, mais partout il a trouvé sapropre chair.A mana yen nul zia. Il ne peut se venger ” ( 1481 ).

L’identité de Ngurangurane, fils d’Ombure, donne au rite un second aspect,celui d’un hommage rendu au crocodile qui, bien qu’ayant “ martyrisé ” les Fang, apermis à ceux-ci de se délivrer du mal, ayant engendré Ngurangurane. C’est cettedualité qu’exprime Azombo lorsqu’il parle de purification, dans le sens où, àl’exemple de Ngurangurane, tout homme doit se purifier car il a en lui les racinesdu mal. Son point de vue développe ainsi une vision manichéenne étonnante. Pourl’auteur, le mot crocodile, ngan, est en lui-même la preuve de sa théorie :

“ Il est difficile de ne pas songer à rapprocher ce terme (ngan) de l’existencedans la société traditionnelle d’un groupe de gangsters spécialisés dans les crimesles plus affreux : ces brigands portent le nom de bizili-ngan (singulier ezili-ngan)qui se décompose en e (pl. bi) = préfixe de formation des noms d’êtres vivants, zili(ou sili) = accueillir, et ngan = crocodile. Les brigands sont donc considérés commedes personnes ayant accueilli chez eux le crocodile légendaire. Autrement dit, lengan (crocodile) est le symbole du Mal dans l’esprit du Pahouin, et non pas le

Page 402: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

totem, produit par l’imagination d’un ethnologue avide de découvertessensationnelles ” ( 1482 ).

Ce faisant, il ne va pas à l’encontre de Trilles sur le crocodile-ancêtre des Fang.Il propose plutôt un axe de lecture différent, obscur pour le commun des auditeurs :

“ Nous distinguons dans la légende du crocodile deux niveaux d’interprétation :un premier niveau accessible aux enfants et un second niveau que seuls peuventatteindre des hommes d’expérience [Premier niveau, celui lu par Trilles : ] LesPahouins ont pour ancêtre un crocodile qui fut le père de Ngurangurane. Le secondniveau de compréhension, qui nous paraît de beaucoup le plus important, peut êtrequalifié de symbolique : le Crocodile est à considérer comme symbole du mal quiexerce sur l’homme un pouvoir tyrannique. Nous avons donc, d’un côté uneexplication d’ordre historico-légendaire qui révèle comment est né et à vécul’ancêtre de la race de Ngurangurane ; de l’autre la puissance du mal dans le mondeet la victoire du Sauveur Ngurangurane. Loin de s’opposer, ces deux optiques secomplètent : la première, plus superficielle, n’est réellement approfondie que par laseconde ” ( 1483 ).

On est tenté d’adhérer à cette double interprétation à laquelle accèdent seuls lesinitiés du So, qu’Azombo présente comme rite de purification de la tribu. Lamarche silencieuse des Fang pour fuir le crocodile, notamment les femmes qui sontdécrites ployant sous le poids des provisions, serait mimée par les candidats(mvon), qui, fatigués par l’initiation, ne savent pas marcher et doivent observer unstrict silence ( 1484 ). Malheureusement, trop d’arguments viennent contrarier ladémonstration. Les références au bien et au mal sont pesantes, appuyées par unvocabulaire révélateur d’une sévère imprégnation chrétienne : Ombure est ainsicomparé au “ Prince des ténèbres ” ( 1485 ) ;

“ Satan se change en ange de lumière. Mieux : il occupe le trône de l’Eternelpour réclamer ses sacrifices auxquels il n’a pas droit ” ( 1486 ) ;

“ Si Ombure a épargné [Alena Kiri], c’est qu’elle est considérée comme sanspêché, non pas au sens où le chrétien parle de l’Immaculée Conception de Marie,mais essentiellement au sens d’une personne qui n’a pas connu l’homme puisquenous savons par ailleurs que le pêché, chez les Pahouins, est d’abord d’ordre

Page 403: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

sexuel. Cette virginité apparaît plus clairement dans le nom qui est donné à la fille :Alena Kiri, c’est-à-dire l’aurore s’est levée ” ( 1487 ).

L’idée du mal vaincu par une vierge laisse perplexe. Le discours est le mêmechez Bonaventure Mve Ondo mais le ton est plus sombre encore ( 1488 ). A la dualitéde l’homme, incarnant à la fois le bien et le mal, s’ajoute l’opposition permanenteentre ces deux “ forces ”. Par exemple la forêt est le lieu de tous les dangers, elles’oppose au village. L’homme est montré en fuite permanente de son état : “ Pourles Fang, l’existence est si déplorable que l’âme de l’homme ne fait qu’y tomber etdoit retourner vers “ là-bas ”. La nature apparaît alors comme le lieu dedéperdition […] non seulement le lieu du divin, mais aussi et surtout un lieusatanisé, maléfique ”. Mve Ondo appuie le fait que la légende de Ngurangurane“ propose une explication d’ordre historico-mythique qui révèle non seulement ladifficulté d’être de l’homme, mais encore son origine et le problème du Mal parmiles hommes et surtout comment il peut être combattu. [… C’est une] légende àorientation philosophique poussée qui invite à comprendre quelles sont lescatégories implicites qui participent au bonheur de l’homme ” ( 1489 ).

A côté du mythe d’origine ou du contenu philosophique que contiendrait lalégende, Alexandre donne une troisième explication. Il s’agirait d’un simple récitimaginaire à la manière desmvet, mettant en scène des personnages tout à faitfictifs : le récit “ rappelle plutôt des romans épiques comme les aventures d’AkomaMba dans l’étotolan ou la grande guerre des Chimpanzés, encore populaires enpays bulu et beti ” ( 1490 ). Bonaventure N’Dong va plus loin en intégrant la légendeau mvet ( 1491 ). Peut-être la légende appartient-elle au genrengubi, mvet des récitshistoriques ou légendaires, selon les critères de Boyer ( 1492 ), en tout cas, il n’estpas du genre Mvet Ekang, car, si on se réfère au texte rapporté par Trilles, ilmanque les digressions du “ barde ”, les interpellations de l’auditoire, et surtout lesprotagonistes habituels, le peuple d’Engong et le peuple d’Okü.

On trouve encore, parmi les interprétations, l’hypothèse que le crocodileOmbure symboliserait les trafiquants d’esclaves venus faire des razzias, obligeantles Fang à fuir ( 1493 ). La légende serait donc ici une réécriture de l’histoire, ce quesuppute Bonaventure N’Dong: “ Quant à la signification globale de la légendeelle-même, elle est une justification de la migration fang : le point de départ decelle-ci est indiscutablement les abords d’un fleuve : serait-ce le Haut-Nil ? ou,beaucoup plus proche du Gabon actuel, la Logone ? La Sangha ? La Sanaga ? ”( 1494 ).

Page 404: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Gustave

Aucune de ces interprétations ne semble donner une pleine satisfaction. Enélargissant le point de vue, on s’aperçoit que des légendes très similaires sontprésentes chez certains voisins orientaux des Fang. A l’ouest, Laburthe-Tolra n’apas trouvé chez les Beti de légendes proches. Au début du siècle, Bruel,administrateur des colonies, séjourne pendant plusieurs mois auprès de diversgroupes de la Sangha.

Il recueille la légende de Goli :

“ M. Hilaire nous a dit que les populations de la Kadéï, de la Mambéré, de laMbaéré (affluent de la Lobaye) lui avaient parlé d’un animal le Goli, amphibie dela grosseur de l’hippopotame, ayant des griffes, une tête analogue à celle du chevalou du tapir, avec de longs poils sur le dos, des dents aussi aiguës que celles ducaïman. Cet animal tuerait beaucoup d’éléphants en leur coupant les piedslorsqu’ils viendraient à l’abreuvoir. Les indigènes trouveraient ainsi beaucoupd’ivoire. C’est la raison pour laquelle ils ne veulent pas montrer cet animal auxEuropéens, qui le tueraient et priveraient ainsi les indigènes de gros bénéfices.Lorsque cet animal trouve un troupeau de bœufs il en tuerait plusieurs en une seulenuit. Cependant ce ne serait pas un carnivore.

“ Ce qui est curieux, c’est que M. Fredon, alors chef de station à Mobaya(1898), nous avait parlé d’un animal mystérieux, qui lui avait été signalé dans laSanga en 1894 et qui semble être le même. De son côté M. Bonnel de Mézièresnous a aussi parlé en 1899 d’un animal du même genre, que lui auraient signalé lesAzandé. D’après eux, cet animal vivrait dans les rapides et enlèverait les femmes ”.( 1495 )

Trilles lui-même, séjournant auprès des Pygmées, sur les bords de l’Aïna,probablement pendant la campagne de reconnaissance du Nord-Gabon, recueille lalégende du géant “ Dzom ” :

Page 405: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ Et je traduis littéralement la légende de l’ancien, de l’ancien du clan, lalégende que redisaient déjà ses ancêtres, voilà plusieurs millénaires, là-bas, tout là-bas, aux rives lointaines du Nil, la légende millénaire, le chant des aïeux perdusdans la nuit des âges lointains…

“ Dzôm, c’était son nom, était un géant, et en même temps un génie malfaisant,d’une hauteur prodigieuse. Il était grand comme quatre hommes mis les uns sur lesautres, grand comme quatre hommes, et peut-être même davantage. Il avait unegrande barbe et des cheveux longs et bouclés. Il était très laid. Il étaitexcessivement méchant. Oui. Il mangeait un homme à chaque repas, et il lui enfallait beaucoup, car il avait trois têtes dont deux n’avaient qu’un œil au milieu dufront. Dzôm avait également six bras, dont deux brandissaient d’énormes massues,faites d’un tronc d’arbre tout entier, durci à la flamme.

“ Et voilà qu’un jour nos ancêtres, ceux de ce temps-là, disent : “ Attrapons-le ”, car ils l’ont trouvé endormi. Endormi si bien qu’il ronfle très fort, les feuillesen ont remué ; très fort : il ne craint rien. Autour de lui, tout autour, les hommes ontfait cercle ; ils ont apporté leurs grands filets, les filets que les éléphants ne peuventbriser ; ils le savent, ils en ont fait l’épreuve. Sous le poids des filets, Dzôm dorttoujours. Les Pygmées n’ont plus de filets, tous ont été employés.

“ Et tout joyeux au signal du chef, les hommes se mirent à chanter le chant descaptifs, et ils chantaient :

“ Le gros sanglier est pris.

“ L’éléphant est tombé,

“ Tombé dans nos rêts !

“ Aux femmes d’entailler ses chairs

“ D’allumer les grands feux pour le cuire,

“ Aux enfants de l’achever ;

“ Le gros sanglier est pris.

“ Mais Dzôm se réveillant au bruit, se lève, brise les liens d’un coup sec, krâ,d’un coup sec, krâ, brandit ses deux massues et frappe à tour de bras, tô, tô, tô,tôtôlo ! A chaque coup, deux têtes s’ouvraient comme un œuf, fwit, fwit , et ceuxqu’il attrapait, d’un seul, il en faisait deux, mâhri, mâhri, il les tenait, il les cognait,il en faisait deux à chaque coup. Bientôt, de tous ceux qui étaient près de lui, il n’enresta pas un, pas un debout. Et ceux qui se sauvaient, (nous en aurons fait toutautant !) et ceux qui se sauvaient, il les poursuivit longtemps, et il en tua beaucoup.Combien ? je n’en sais rien ! Compte les oiseaux qui passent, les papillons qui

Page 406: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

volent, les poissons qui sautent dans la rivière ! Compte ! Combien ? Je n’en saisrien ! Les femmes ont beaucoup pleuré.

“ Il en tua même trop ! Et ceux qui étaient restés par terre, tués ou pas tués,morts ou vivants, mais qui faisaient semblant par peur et qui cachaient leur têtedans leur bonnet, ceux-là, il les mangea. Il les mangea tous !

“ Comme le ndzôm avale les grenouilles, kwiss, kwiss, et qu’une n’attend pasl’autre, kwiss, kwiss. Dzôm les mangea tous, en un jour ou plusieurs.

“ Et ainsi Dzôm chassa jadis nos ancêtres, il y a longtemps, longtemps, quand lesoleil était clair au-dessus des têtes, Dzôm chassa jadis nos ancêtres, de la terre deKhum, où ils étaient heureux.

“ De la terre de Khum… ”

Pedrals enregistre lui aussi une légende très proche de celle de Ngurangurane,en particulier dans la ruse pour tuer le malfaisant. Elle est donnée par Ndon Essola,un vieillard d’Oyem :

“ J’ai entendu dire que l’ancêtre que nous appelons chez nous Yévo fut obligéde quitter le pays de M’Voueiwou, mais à cause d’une histoire arrivée aux siens. Iladvint que la terre natale se trouva dominée par un géant noir qui était un méchanthomme. Il s’appelait Kolomoundou et maltraitait nos aïeux. Un jour, deux fils del’aïeul Yèvo, s’arrangeant pour flatter une femme de Kolomoundou, firent boire àcelui-ci une boisson qui l’étourdit. Ils mirent alors à profit l’ivresse du géant etpendant qu’il vômissait, le tuèrent. Mais, là-dessus, tout le clan prit la fuite et quittale pays ” ( 1496 ).

Le fait que le personnage malfaisant soit tantôt un crocodile, tantôt un monstre,tantôt un homme, réduit l’hypothèse d’une légende commune au profit d’unelégende adoptée et adaptée ensuite. Les légendes autour de crocodiles sontd’ailleurs suffisamment fréquentes en Afrique, pour ne pas croire que tous lesgroupes qui la comptent dans leur tradition orale ont une origine commune. EnAfrique de l’Ouest, par exemple, des légendes de crocodiles sont rappelées au coursde fêtes pour lesquelles les masques de crocodile sont “ sortis ”, pour rendre“ hommage ” aux sauriens. La tentation est grande de voir dans ces rites une formede totémisme. Mais au-delà de cet hommage, le rite qui accompagne la danse revêtune explication moins philosophique, beaucoup plus matérielle : il s’agit d’avertir

Page 407: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

les villageois des dangers qu’ils courent à fréquenter les abords des marigots oùrôdent de puissantes mâchoires.

En général, il s’agit de petits caïmans, deux mètres environ, qui sont pluseffrayés qu’agressifs et les villageois en sont quitte pour une grosse frayeur. EnAfrique centrale, le danger est plus grand avec la présence de crocodiles du Nil, quiatteignent en moyenne trois mètres cinquante de long pour environ cinq centskilogrammes. Leur présence fait courir des risques très sérieux aux populationsriveraines, en particulier aux pêcheurs, surtout lorsque ces derniers s’avancent dansl’eau pour installer ou relever les nasses qu’ils disposent en travers du courant, carles crocodiles sont très attirés par les poissons pris aux piège. On se rapproche ainside l’idée défendue par Azombo, et que défend Tessmann, du crocodile incarnationdu mal dans le sens où il représente une menace permanente pour les Fang ( 1497 ).Les attaques sont fréquentes. En 2000, un crocodile du Nil vivant au Burundi, surles bords du lac Tanganyika, s’est rendu célèbre à la suite de nombreuses attaquesauprès de pêcheurs. Baptisé Gustave, ce crocodile était particulièrement agressif,d’après ses victimes qui ont pu témoigner du caractère extraordinaire de l’animal.Au départ incrédules, les spécialistes ont pourtant du constater qu’ils avaient devanteux un monstre de plus de sept mètres de long pour un poids de plus d’une tonne,d’un âge canonique, ayant survécu aux tirs de mitraillettes et aux lances comme lemontrent ses blessures, d’une puissance colossale et d’un appétit féroce. Iln’hésitait pas à s’attaquer aux hippopotames. Une campagne a été menée pourl’attraper, en vain. Les images montrent un animal en quête permanente denourriture, déployant une force stupéfiante, dont la rencontre peut transformerl’histoire en légende ( 1498 ).

La fin de la légende d’Ombure n’attire pas autant l’intérêt des chercheurs queson développement. Vidé de ses chairs, le corps d’Ombure sert de “ canoë ”, queles hommes lancent sur le lac pour partir pêcher. Ils s’inspirent ensuite de la formepour fabriquer des pirogues :

“ Jusque-là, les Fang ne savaient pas ce que c’était une pirogue ; commeNgurangurane avait fait avec la peau du crocodile, tel ils firent en creusant destroncs d’arbres, mais celui qui leur apprit cet art, ce fut Ngurangurane, et lespremières pirogues creusées dans le tronc des arbres furent faites à l’imitation dutravail du Crocodile. A partir de cette époque, les Fang allèrent sur le lac etcommencèrent à pêcher les gros poissons ” ( 1499 ). Bien qu’il appuie l’idée derapports difficiles que les Fang entretiennent avec l’eau, cet aspect de la légendesemble trop étiologique pour être originelle. Sous cet aspect, elle semble être laforme épique pour énoncer un interdit.

Page 408: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

L’explication du crocodile géant Gustave n’évacue pas tous les problèmesd’interprétation que pose la légende. Le plus facile serait d’admettre le symbole desrazzias. On comprendrait mieux la transformation du crocodile en humain géant ouen “ Goli ”. Car admettre qu’il s’agit d’une légende fang reviendrait à poser laquestion de l’environnement des villages exposés à Ombure. Trilles précise en effetqu’il s’agit “ d’un grand fleuve, grand, si grand qu’on ne pouvait apercevoirl’autre rive ” ( 1500 ). A l’en croire, il ne pourrait s’agir que d’une rive de lac. Or, lesseuls lacs suffisamment vastes pour dissimuler dans les brumes leurs rivesopposées sont les Grands Lacs d’Afrique Centrale. En revanche, si l’on croit à unemétaphore de l’auteur et l’on refuse de s’éloigner du Gabon, l’explication deGustave paraît plus crédible.

Mvet

D’autres chercheurs n’ont pas hésité à suivre la voie des Grands lacs pour situerle pays d’origine des Fang, sans d’ailleurs faire de lien, avec la légende deNgurangurane. Ils se sont appuyés sur les références géographiques présentes dansles Mvet Ekang, chants épiques, qui mettent en scène les guerres interminablesentre les héros du peuple d’Engong, et ceux du peuples d’Okü. Les mvet sontprésents dans l’ensemble de l’ “ aire pahouine ”, mais ils semblent être proprementfang. Les Beti et les Bulu l’auraient adopté ( 1501 ). Le tome 2 du Mvetde TsiraN’Dong Ndoutoume commence par la description du fleuve Bevuyeng sur les rivesduquel habite les Yemebem, une tribu d’Okü :

“ Bevuyeng sort des grandes montagnes verdoyantes dont les cimes pointentvers le ciel comme les lances, la-bas, du côté d’où le soleil se réveille, dans cettevaste région nommée Etone Abandzik Meko Mengone. D’abord cascade grondante,il pénètre ensuite dans la forêt de Bebasso, les chasseurs d’antilopes, du côté deMinkour Megnoung m’Eko Mbègne, hèle plusieurs rivières au passage, grossit etinonde la vallée des crocodiles, s’étire comme un boa repu, traverse le pays desvampires, baigne la tribu des Yemebem, et va s’engouffrer dans la mer des fées,après avoir parcouru le pays qu’on nomme Edoune Nzok Amvene Obame ” ( 1502 ).

Page 409: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

On pourrait être troublé par la référence à l’Est, aux crocodiles, et la tentationest forte de reconnaître dans des localisations ici le Nil (boa repu), là le Bahr-el-Ghazal (forêt de Bebasso), ailleurs les Grands Lacs, en lisant : “ Ces hommesd’Engong, […] leurs ancêtres habitaient le village Mekô, au bord d’un grand lacappelé Atok Ening, lac de la Vie, qui est large et profond comme une mer ” ( 1503 ).

Les descriptions de fleuves sont fréquentes dans les récits :

“ Le grand fleuve Nsangane prend sa source dans les monts granitiques aunord-est de Minkour-Megnoung-N’Eko-Mbègne . Il traverse de vastes étenduescontinentales, coupant cette partie du monde d’est en ouest, arrosantd’innombrables tribus sur son passage, avant d’aller déverser ses eaux grises et sonabominable fardeau de caïmans dans l’immense fleuve Mbangane en plein cœurd’Edoune-Zok Amvene Obame ” ( 1504 ).

La comparaison avec la description précédente est intéressante. Outre leurconstruction identique : une montagne, des indications géographiques, une“ vallée ”, des tribus riveraines, et son terme, on trouve dans l’une et l’autre, lesexpressions “ Minkour-Megnoung-N’Eko-Mbègne ” et “ Edoune-Zok AmveneObame ”. La première indiquerait le “ Nord-Continent ” ( 1505 ), la seconde, selonles auteurs signifierait “ Nord-Ouest-Continent ” ou “ mort d’un éléphant et causesinexplicables ; il y a des relents de malheur ” ( 1506 ). Daniel Assoumou Ndoutoumedonne deux autres traductions assez différentes : “ Minkour-Megnoung-N’Eko-Mbègne ” signifierait “ Lointain brumeux, Pays de Tam-Tam ” ( 1507 ) ; “ Edoune-Zok Amvene Obame ” signifierait “ cadavre d’éléphant en décomposition chezAmvene Obame ” ( 1508 ). L’écart entre les traductions donne une idée remarquablede la fiabilité des interprétations sur des lieux décrits d’ailleurs trèsmétaphoriquement, qui ne sauraient satisfaire les chercheurs.

Plus étrange est la référence, dans les deux descriptions, aux crocodiliens.“ Nsangane ” signifierait “ Terrier aux Caïmans ”, ce qui se rapprocherait de“ vallée des crocodiles ” et “ Mbangane : dépeceur de Caïman, en fait Chasseur deCaïmans ” ( 1509 ). On objectera à juste titre qu’un crocodile n’est pas un caïman,mais là encore, il s’agit d’une question de traduction, les classifications occidentaleet fang ne correspondent pas tout à fait. En effet, la racine ñgan désigne lescrocodiliens de grande taille, trois mètres ou plus. Le petit caïman noir, 1,50 mètresde long est dit Ñkôm-ñgan. Galley explique que les “ femmes peuvent le prendre en

Page 410: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

pêchant, mais il mord fortement. Ñkom demeure dans les petites rivières, dans lespierres ”. Le caïman moyen, environ deux mètres, se dit Nziñdi ( 1510 ). Ladifférence entre crocodile et caïman serait donc le fait d’une approximation del’auteur. Quoi qu’il en soit, sans oser faire le lien avec la légende de Ngurangurane,on ne peut ignorer la présence de ces dangereux reptiles dans la toponymiedes mvet ( 1511 ).

On trouve encore dans les mvet, ici ou là, des indications qui pourraient situerhistoriquement les récits. Dans l’épopée d’Oveng Ndoumou Obame ( 1512 ), lesfemmes de son clan possèdent des pagnes de raphia ( 1513 ), et Mfoulou, un desprotagonistes, s’habille d’un “ immense pagne de raphia aux plis multiples sur seshanches ” ( 1514 ). La présence de ce vêtement est inhabituelle chez les Fang. Elleramène aux cultures du bassin du Congo dont les populations tissent le raphia,comme les Kuba, célèbres pour leur Ntschak, dont les plus longs peuvent dépassersix mètres, à moins qu’elle n’évoque l’importation d’ethnies voisines. Un autreobjet attire l’attention. Il s’agit d’un “ énorme coutelas à quatre tranchants ” dontse sert le héros pour trancher la tête d’un fauve ( 1515 ). La description rappelleimmédiatement les couteaux dits de jet, notamment zande, dont la forme en “ Z ” àquatre branches est caractéristique. Elle rappelle également l’onzil, couteau propreaux Fang qui possède quatre bords tranchants. Sur la présence de ces deux objets,nous avons pu interroger l’auteur lui-même, à Oyem, en mai 1998. D’après lui, lepagne n’est pas étranger aux Fang puisqu’ils en auraient tissés depuis trèslongtemps. Pour ce qui concerne le couteau à quatre tranchants, qu’il appelle Okengbe Nyaboro, il s’agirait d’une sorte de tournevis ( 1516 ) ! Les réponses données sontloin d’être satisfaisante. On a du mal, en effet, à imaginer un tournevis tranchant latête d’un fauve, et aucune indication de pagne en raphia n’a été mentionnée chezles premiers Occidentaux qui ont rencontré les Fang ( 1517 ). L’auteur oblige donc àune grande humilité quant à la récupération historique des mvet.

Au fond, la présence d’objets étrangers à la culture matérielle des Fang ne doitpas dérouter le lecteur ou l’auditeur. De la part des “ chanteurs ”, ce ne sont que desadaptations à leur époque. Le tome 3 de Tsira Ndong Ndoutoume place le récit àl’époque coloniale. Les fusils sont présents, de même que les automobiles. Il fautsimplement comprendre la nature des épopées, leur conception, leur rôle et celui du“ chanteur ” dans la société fang.

Boyer a analysé le Mvet dans une étude complète, mettant la lumière sur cesdifférents aspects ( 1518 ). Le genre le plus apprécié est celui des Mvet Ekang. Le“ chant ” peut durer de plusieurs heures à une nuit complète. D’après Boyerles mvet étaient joués lors de funérailles ( 1519 ). Ils sont également joués à la saisonsèche dans les villages fang, surtout dans le Woleu Ntem, au moment où lesouvriers, fonctionnaires, étudiants et lycéens, fêtent leurs retrouvailles au villagependant les grandes vacances (juillet, août).

Page 411: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

La “ performance ” suit une mise en scène très réglée. Le “ chanteur ”,“ joueur ”, encore appelé “ barde ” par les Occidentaux, est accompagné par un“ chœur ” de percussions, grelots et bâtonnets, destiné à rythmer la récitation. Lerécit est déclamé sous la forme de “ vers ” entre lesquels, le “ chanteur ”s’accompagne de quelques notes jouéees sur son instrument, leMvet. Commun à denombreuses ethnies du bassin nord du Congo, le Mvet est un cordophone, sorte deharpe, composé d’un long arc taillé dans une tige de palmier dans laquelle trois ouquatre “ lanières ” ont été détachées. Elles sont maintenues écartées de l’arc par unchevalet situé en son milieu. La résonance est assurée par trois calebasses fixéesaux extrémités et au centre de l’arc.

Figure 90 : Joueur de Mvet (Avelot, 1905, p. 291).

Le “ chanteur ” a un statut étrange dans la société fang. Il se déplace de villageen village, selon les demandes. Ainsi, bien qu’appartenant à un village et à un clan,il semble méprisé pour sa vie nomade. Et pourtant, il représente certainement lechantre de la culture fang. C’est dire combien la mise en écrit des Mvet peutconstituer une grave atteinte à leur authenticité. Tsira Ndong Ndoutoume s’enexplique dans une longue digression dans son tome 2 :

“ Tsira Ndong joue du Mvett sur du papier !

“ Mvett ! Mvett ! Mvett ! Tu te meurs !

Page 412: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ […] Quel scandale ! A-t-on jamais vu quelqu’un

“ Jouer du Mvett sur du papier ?

“ […] Et Tsira Ndong a dit à son père qu’il voulait jouer du Mvett. Je vous ledis, les oreilles de son père ne le croyaient pas ; un enfant adopté par les Blancspeut-il jouer du Mvett ? ( 1520 )

“ […] O Papa ! O Mama ! Où sont les mélodies ?

“ O rythme des cordes ! O cadence des grelots !

“ O vibrations mélodieuses qui faisaient fondre mon cœur !

“ Tsira Ndong joue du Mvett sur du papier !

“ O chantres ! O rossignols ! O poètes immortels

“ Vous reverrai-je jamais ? Vous entendrai-je encore ?

“ Tsira Ndong jour du Mvett sur du papier !

“ L’unau a fini de chanter, la perdrix s’est tue,

“ Le coq ne s’ébroue plus, le Mvett se meurt.

“ Tsira Ndong joue du Mvett sur du papier ! ” ( 1521 )

L’art du Mvet ne se compromet pas seulement en se couchant sur le papier. , ilintègre également des thèmes très modernes : rapport au colonisateur ( 1522 ), étudesur le mvet lui-même ( 1523 ), critique de la politique gabonaise ( 1524 ). Toutefois lerécit obéit à certaines règles qui semblent très anciennes, pour peu qu’on puisse enjuger d’après les sources disponibles. L’affrontement entre Engong et Oküconstitue la trame de tous les Mvet Ekang, et les récits font toujours référence à lagénéalogie des héros d’Engong. Le chant premier duMvet de Zue Nguéma, recueillipar Pepper, est un prologue qui rappelle les origines du peuple d’Engong ( 1525 ).Engong est surnommé “ Engong Zok Mebegue Me Mba, carrefour des palabres,l’adzap dressé sur une colline que toutes les populations voient ”, expression quirend compte d’une position dominante topographiquement. La généalogie deshéros remonte jusqu’à Ekang Nna, fils de Na-Otsé, fils de Otsé Zame, fils de ZameOla, fils d’Ola Kare, fils de Kare Mebeghe. Le peuple d’Engong habitait à Mekoo,au bord d’un vaste lac. Un homme, Ekang Nna, décida de quitter le lieu et partitpour Oba. Son fils, Evine Ekang eut trois fils : Mba Evine ou Mba Andeme Eyene,Oyono Evine et Ango Evine. Mba Evine engendra Mborzok Bela Midzi, connu

Page 413: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

sous le nom d’Akoma Mba, dont les pseudonymes sont très divers : créateur deschoses qui créé les choses, Celui dont on détourne le regard, Gros bec, Double becque ne portent que les gros oiseaux au vol haut et bruyant, Celui qui suscite lespalabres, Celui qui invente tout ce qui se passe, Celui qui écourte les années, Celuiqui ne vit que de razzias et de rapines sans en subir les conséquences. Akoma Mbaest le chef suprême du peuple d’Engong. Il est décrit comme “ l’homme dont le’Secret n’a pas de secret’, puissance invincible, pouvoir créateur illimité, sagesseinimaginable. [Il] a entouré la vie d’une toile inaccessible à la mort. [Il] est craintet envié de tous les peuples. Profondeur de la Connaissance, unique en son genre,ses frères l’appellent Biyang ou le Dominant ” ( 1526 ). D’autres héros sont au moinsaussi puissants qu’Akoma Mba. Ce sont ses “ cousins ” ( 1527 ). Engouang-Ondo, estle fils d’Ondo Mba, fils de Mba Evine. C’est le “ chef de l’armée d’Engong,pouvoir magique insondable, taureau des batailles, faveur et violence mais paix etbonté. Beau comme un palmier, droit et dur comme la poutre qui soutient la claiede bambou dans la case, Engouang Ondo possède le vampire le plus puissant dumonde. Il voit la nuit, il voit le jour, il voit l’invisible. Ses admirateurs l’appellentBeko-Ondo, l’Altier et les jeunes filles Nang Ondo ou le magnifique ” ( 1528 ). Ladescendance d’Oyono Evine est féconde en héros qui sont, entre autres, EndongOyono, Medang Boro Endong et Nzé Medang. La troisième branche issue de EvineEkang est moins riche. Ntoutoume Mfoulou est le fils de Mfoulou Engouang, filsde Engouang Meyé, fils de Meye M’Ango, fils de Ango Evine. NtoutoumeMfoulou est “ l’orage, l’homme sans peur que nul ne peut surprendre. Irasciblecomme le serpent python, impétueux comme un fleuve hérissé de rapides, brutalcomme l’ouragan, Ntoutoume Mfoulou est la rage d’Engong et la terreur despeuples ” ( 1529 ).

L’impétuosité des hommes d’Engong contribue à donner une image guerrièredes Fang. Liniger Goumaz va jusqu’à considérer que les chanteurs sont des poètesguerriers et qu’une des finalités des chants est l’encadrement idéologique deshommes ( 1530 ). A l’en croire, les mvet seraient donc l’expression d’une culture dela guerre qui distinguerait les Fang des populations gabonaises. La nature durite ngi servirait son hypothèse. Ceci étant, la culture de la guerre ne signifie pasprécisément supériorité militaire. Les mouvements précédant la période colonialedécrits dans les légendes de la traversée et de l’adzap creusé indiquent que les Fangont été bousculés par diverses poussées venant du Nord et de l’Est ; ce en quoi, ilsont connu un sort identique à l’ensemble des populations équatoriales. Leurréputation d’envahisseur est bien postérieure à ces épisodes douloureux, entretenuepar les Occidentaux, par les populations côtières, et peut-être par quelques Fangeux-mêmes qui n’ont jamais eu intérêt à la démentir ( 1531 ).

D’autres ont cru reconnaître dans les récits les conflits qui opposèrent les Fangaux populations rencontrées lors de leur migration, en particulier les Mvele ( 1532 ).Tsira Ndong Ndoutoume, lui-même, n’hésite pas à replacer les mvet dansl’histoire :

Page 414: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ Les Fang descendent, selon les contes et les récits des anciens, des bords duNil, d’où ils semblent avoir été pourchassés par les Mvélés ou Bassa. Au cours deleur fuite, l’un d’entre eux, Oyono Ada Ngono, grand musicien et guerrier,s’évanouit subitement ( 1533 ). On porta son corps inanimé pendant une semaine defuite. Après ce coma, Oyono revint à la vie et annonça aux fuyards qu’il venait dedécouvrir un moyen sûr pour se donner du courage. Hommes, femmes et enfants segroupèrent autour de lui et il les harangua à peu près en ces termes : ’Mes frères, lesMvélés sont plus puissants que nous, ils nous pourchassent partout, mais nousdevons nous venger. Puisque nous ne pouvons rien contre ces maudits Mvélés,allons toujours de l’avant, mais à notre tour, pourchassons toutes les races, fortesou faibles, que nous trouverons sur notre chemin. Nous pillerons les villages pournous ravitailler, ferons aux autres ce que les Mvélés nous ont fait... Nous suivronsle soleil dans sa course, nous aurons un beau pays là-bas où il se couche. Ce payssera peut-être plus fertile, plus riche que celui de la Grande Eau que nous venons dequitter’.

“ Ces épopées eurent pour effet d’exciter les Fang. Ils se ruèrent alors vers lespeuplades du Sud-Ouest avec la violence des héros du Mvett, pillant, saccageanttout sur leur passage. Ils suivirent l’Ouellé et l’Oubangui, se dirigèrent vers l’Ouest,vers la région de Kam-Elone (arbre gigantesque qui leur barra le passage pendantplusieurs années). En réalité, il s’agit de violents combats que leur livrèrent destribus belliqueuses). Il fallut ouvrir un passage à travers le tronc : la caravane défila.La déformation du nom Kam-Elone semble avoir donné celui de Cameroun. Lalégende suppose que les Fang devaient à cette époque se trouver dans la régionsituée entre Berbérati, Yaoundé et Ouesso ” ( 1534 ).

Ces interprétations ne sont pas, et de loin, crédibles. Les guerres entre Engonget Okü ne sont en rien comparables aux véritables guerres qui ont pu marquerl’histoire des Fang. S’il est parfois question dans les mvet de campagnes organiséescontre des villages, des tribus, en réalité, les récits ne mettent en scène qu’unnombre très restreint de personnages. Les guerres sont uniquement l’affaire depersonnes “qualifiées”, qui contrôlent les techniques de magie. La plupart desbatailles qui s’y déroulent n’opposent que deux hommes à la fois. Le combat seréduit alors à une surenchère dans les défis magiques.

Page 415: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Magie

Tous les personnages d’Engong sont considérés comme des hérosextraordinaires tant leur puissance est grande. Leur caractère hors du commun rendparfaitement plausibles aux auditeurs leur déploiement d’astuces et de magie quandils ouvrent démesurément la bouche et pour ingurgiter des tambours, se déplacentdans les airs grâce à une sphère invisible, font jaillir de la terre des objets en toutgenre en cognant le sol de son gros orteil, ou des armes en se frappant la poitrine,domptent les bêtes furieuses, parlent avec les fantômes (esprits), etc. Cettepuissance n’est évidemment pas le fait d’une nature “ divine ” ou surhumaine, oud’un travail acharné pour l’acquérir. Elle provient de leur maîtrise aboutie de lamagie. C’est elle qui leur confère l’immortalité ( 1535 ).

Le peuple d’Okü est de loin inférieur en magie, ce qui le rend mortel. Ses héroscherchent donc à percer le mystère de l’immortalité d’Engong, d’où les guerres, lesdéfis, les aventures les plus invraisemblables. Avant d’affronter leurs ennemis oudans des situations dangereuses, ils doivent recourir à des préparations magiquespour renforcer leur puissance. Mais les héros d’Engong sont plus forts. Ils révèlentces actions hostiles, ils en sont les juges, et rétablissent l’ordre social en défaisantles héros d’Okü.

Par exemple, le tome 1 de Tsira Ndong Ndoutoume raconte la “ croisadepacifique ” d’Oveng Ndoumou Obame, de la tribu des flammes (Okü). Il subit unepuissante préparation magique pour le rendre invincible afin d’affronter le peupled’Engong et faire disparaître de la surface de la terre les objets en fer, source desmaux de l’humanité. Il est vaincu par Engouang Ondo, chef-guerrier d’Engong, quireconnaît cependant chez son adversaire l’honorable conception de la paix et luilaisse la vie sauve. Les vainqueurs ne sont pas toujours aussi magnanimes. Dansle mvet de Zue Nguéma, Zong Midzi Mi Obame, du clan Okane (Okü), prétend êtrele seul à pouvoir diffuser son souffle et veut supprimer Angone Endong (Engong),qui gêne sa respiration en soufflant vers le Nord. La magie de Zong Midzi neparvient pas à contrer la puissance des hommes d’Engong. Il finit par exploser enavalant une boule de feu ( 1536 ).

Autant que les légendes, les Mvet revêtent plusieurs niveaux de compréhensionselon le degré d’initiation que l’auditeur a atteint. Ainsi, l’enfant, la femme ou lenon-initié s’émerveilleront des aventures trépidantes, des combats spectaculairesque le chanteur saura par sa “ science ” rendre vivants. L’initié, comprendracombien la magie est le sujet essentiel des récits.

La magie explique à elle seule la position ambiguë du chanteur évoquée plushaut. Ses apparitions dans les villages s’entourent d’une certaine crainte ( 1537 ). Ilest, en quelque sorte, un homme de la forêt, lieu par excellence des puissances

Page 416: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

obscures, pour les Fang, du fait de ses voyages entre villages au gré des“ commandes ”. Sa performance, son endurance, sa capacité à improviser les récits,à les organiser de manière à éveiller constamment son auditoire sont autantd’aspects extraordinaires de sa personnalité. Plus encore, sa connaissance aboutiede la magie, des différents sortilèges qu’il décrit, en font un être respecté et craint,d’autant qu’il est reconnu pour avoir atteint un degré initiatique très avancé ( 1538 ).A l’exemple de Zwe Nguema, les chanteurs ne s’en cachent pas, au travers de leursdigressions :

“ Le neveu de Nkoum Abang meurt pour les tambours qui résonnent àMengang. Le grand joueur arrive. La mort tient Ebang et Menguire. L’éléphant vafinir par descendre ” ( 1539 ).

Aidé par Tsira Ndong Ndoutoume, Pepper décrypte ces allusions :

“ Nkoum Abang est le village des oncles maternels de Ondo Nkun surnomméMon avul etam (petite mare limpide), qui était un grand joueur de mvet. QuandZwè Nguéma naquit, il était déjà mort (explication fournie par le poète). – Ebang etMenguire sont (toujours d’après Zwè Nguéma) deux joueurs de mvet (morts) dontZwè Nguéma se souvient encore : Ebang était un joueur de mvet du clan Oyek ;Menguire appartenait au clan obuk ” ( 1540 ).

La digression de Zwe Nguéma met en exergue la filiation qui lie tous les“ chanteurs ”. Tsira Ndong Ndoutoume donne sa “ généalogie ” : “ me v’anyongMvett be tarre Zué Nguéma ; […], je reçus (j’appris) le Mvett de Père ZuéNguéma ”. En remontant la filiation, on retrouve les joueurs évoqués ci-dessus :Zwé Nguéma, Elo Sima Mba, Ndong Eyogue Ossa, Menguire m’Edang, Ebang EléMiteme, etc., jusqu’à “ Oyono Ada Ngone, le Père des joueurs de Mvett, [qui] reçutle mvett de “ Je parle ”, […] le “ Verbe ”, […] qui offrit à Oyono Ada Ngone laParole sacrée, la Parole mvett en plein jour ” ( 1541 ).

Le joueur de mvet est donc le “ gardien ” de cette Parole sacrée. En ce sens, ilest très comparable aux aèdes. La “ révélation ” diurne de la “ Parole ” résonneavec la pensée fang. Au risque d’interpréter abusivement cette précision, il semblequ’il y là l’affirmation du caractère magique du “ joueur ” au sens positif. En effet,une révélation nocturne aurait amené sur lui la suspicion de “ sorcellerie ” ( 1542 ).Or l’issue des Mvet ne montrent pas d’ambiguïté par rapport à la magie, dans ses

Page 417: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

pratiques positives ou négatives : les héros d’Okü sont invariablement défaits parEngong. Le mvet dégage donc une sorte de morale, au point de vue occidental :seule la magie à destination bénéfique est salutaire. C’est le véritable enseignementdu mvet.

Mvet et Métallurgie

Malgré l’incontestable portée philosophique des Mvet, le chercheur ne doit pasrenoncer à y trouver quelques informations sur l’histoire ancienne des Fang, car lesujet même des récits, la magie, renvoie à des aspects matériels de la culture fangqui ne peuvent laisser indifférent, en particulier la place du fer et de la métallurgie.

A Engong, les trois branches de la descendance d’Evine Ekang, fils d’EkangNna font référence à la métallurgie : celle de Mba Evine constitue les Rocs, celled’Oyono Evine constitue les Fers et celle de Meyé M’Ango constitue lesMarteaux. Les surnoms des héros d’Engong rappellent aussi l’industrie du fer.Angone Endong, chef d’Endong, fils d’Endong Oyono, fils Oyono Evine, estsurnommé “ soufflet de forge qui ramollit les fers ” ou encore “ fondeur de fers ”.Pour dire la force de Mfoulou Engouang, Zué Nguéma dit qu’“ il peut de ses mainsfendre la pierre ou coller le fer sans aide ” ( 1543 ). Son fils, Medza Me Mfoulou sedit “ la lime qui rend les fers utilisables ” ( 1544 ).

A Okü, Oveng Ndoumou Obame est préparé dès avant sa naissance pourcommander la tribu des Flammes. Il visite les esprits qui l’enseignent sur le monde,la nature, les hommes, etc. ( 1545 ). La préparation se poursuit après sa naissance,beaucoup plus exigeante puisqu’elle réclame la mort de son grand-père, ObameNdong ( 1546 ). Elle rassemble tous les initiés de la tribu. Ils ont pour charge de faireappel à tout leur savoir pour “ remplacer tous les organes de cet enfant, àl’exception de ses muscles et de sa peau par du fer ”. Par cette magie, ObameNdong entend faire de son petit-fils un immortel.

Le fer serait donc le secret de l’immortalité, tandis que la magie serait, à unniveau supérieur de compréhension, la maîtrise de la métallurgie ( 1547 ). Certainschercheurs se sont arrêtés sur ce constat pour l’interpréter historiquement. Engong,qu’ils situent autour des Grands Lacs, serait le bassin de production du minerai,acheminé vers Méroé à travers des peuples hostiles (Okü) pour être transformé( 1548 ).

Page 418: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Ainsi, plutôt que d’envisager le mvet sous l’angle historique, c’est bien l’étroiteassociation, dans la culture fang, entre la métallurgie et la magie qu’il faut retenirdans les mvet ( 1549 ).

Culture du fer

Personne ne saurait contester la place de la métallurgie du fer dans la culturedes Fang, comme chez leurs voisins “ pahouins ”. Du point de vue technique, dèsles premiers contacts, les Occidentaux s’aperçoivent de la grande valeur des objetsen fer produits par les Fang, non sans contraste avec la rusticité de ces “ Centre-Africains ”. On peut déjà noter que l’industrie du fer est reconnue dans toutel’Afrique Centrale. Il n’est, pour s’en convaincre, que d’observer les armesmangbetu ou zande. Certains auteurs, peut-être par ambition panafricaine, ont cru ytrouver des arguments pour la théorie diffusionniste du fer depuis Méroé ( 1550 ).L’éloignement géographique et temporel renvoie l’affaire à une discussiond’archéologues ; un des problèmes majeurs à résoudre en Afrique sub-saharienneétant celui du passage de la pierre au fer, sans, a priori, passer par le bronze ou lecuivre.

Pour les Fang, le processus n’est pas certain, car le cuivre est bien présent dansleur culture. Les mvet placent l’origine du monde dans l’œuf primordial, Aki Ngoss,ce qui n’a pas manqué de susciter des conjectures ( 1551 ). Les Fang ont toujoursmontré un grand intérêt pour les grands plats d’importation en cuivre, les neptunes,qu’ils découpaient en lamelles, pour les fils de cuivre ou de laiton, destinés àrehausser leurs objets, en particuliers les objets en fer. Chez les Ntumu, Tessmannatteste d’une technique de fonte de cuivre à moule ouvert pour la fabrication desparures, anneaux, colliers, bracelets, ce qui a pu laisser croire à une exploitation deminerai autochtone, comme le pense Deschamps, à l’est de Bitam ( 1552 ). Le caséchéant, une industrie du cuivre rapprocherait immanquablement les Fang desKota, en particulier, qui développent leur art du cuivre dans les reliquaires, et, plusloin, des sociétés “ cupriphiles ” du bassin sud du Congo qui composent leur dotsde “ monnaies ” de cuivre rappelant les biki fang ( 1553 ). Mais Collomb, chargé derecherche au Musée National du Gabon en 1980, a enquêté sur la métallurgie dansle bassin de l’Ogooué. Il suggère qu’il y a eu confusion entre mine de cuivre et defer, au moins pour la région de Bitam ( 1554 ). D’ailleurs, Tessmann indique lui-même que les forgerons coulent du laiton ou du cuivre à partir des fils et des objets

Page 419: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

d’importations découpés en petits morceaux d’environ trois centimètres de long( 1555 ).

D’autres aspects de la métallurgie du fer méritent de s’y attarder car ils n’ontpas toujours été bien analysés, que ce soit pour l’extraction du minerai, la fonte, laforge, et les rapports avec les populations voisines.

Pour de nombreux auteurs, dans la région située entre la Sanaga et l’Ogooué, ilsuffit de se baisser pour ramasser du minerai de fer. Cependant, la situation n’estpas aussi nette que cela. Tessmann constate une différence entre gisements et sitesd’extraction : “ Les principaux sites d’extraction se trouvent dans la région duWoddo et du Kyé ainsi que sur le cours supérieur du Woleu ; ils sont malgré toutrares comparativement au nombre de gisements de minerai ” ( 1556 ). Au Cameroun,Laburthe-Tolra note l’importance que les chefs accordent aux gisements deminerai. Il en fait une raison pour ralentir les migrations ( 1557 )., Collomb n’a repéréque trois zones de fabrication du fer, liée “ à la présence du minerai dans leterritoire occupé par les différentes ethnies, plus qu’à des connaissancestechniques qui seraient le privilège de certaines populations […] : à l’ouest deBitam, au Gabon et en Guinée Equatoriale pour les Fang ; près de Mékambo, àBoko-Boka, par les Bakota ; et au sud et à l’ouest de Franceville par lesBawumbuet les Batsengui ” ( 1558 ). Cette restriction des régions “ minières ”renforce l’idée de réseaux d’échanges à l’intérieur du continent que Bowdich décritdès 1819, ainsi que le principe d’une région entre Woleu et Ntem importante dupoint de vue démographique et culturelle. Ce sont ensuite les relations d’échangesavec les villages et les ethnies voisines qui diffusent le fer produit, peut-être sous laforme des biki ( 1559 ).

Eclairées de ces points, deux remarques, de Wilson et Walker, prennent un sensnouveau quand on les met en perspective avec les situations tardives commel’affaire de l’Oise en 1863, où les riverains fang avaient dépecé le bâtiment de lastation navale pour en récupérer la ferraille, notamment les clous ( 1560 ). En août1842, Wilson rencontre des hommes fang dans un village du haut-Estuaire. Il note àleur propos :

“ They had knives, spears, travelling bags and other articles of curious andingenious workmanship, specimens of which we procured for a very small quantityof beads. All of their implements are made of iron of their own, which isconsidered vastly superior to any brought to the country by trading vessels”. ( 1561 )

Six ans plus tard, Walker note à son tour, lors de sa visite, en septembre 1848,dans un village fang du haut-estuaire installé depuis deux ans :

Page 420: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ They use none but native iron of their own manufacture ; and it is of the finestquality. Many of their knives ring like cast steel ; and no flaw or other imperfectioncan be discovered in them. They will not accept imported iron as a present ; forthey do not consider it worth, carrying home. I brought away numerous of theirspecimens of their iron, but I could obtain no one. They have hound none at theirnew settlement ”. ( 1562 )

A lire ces lignes, on peut croire que les Fang arrivés dans les années 1840 dansle haut-Estuaire ont conservé des objets traditionnels en fer “ natal ”, ou“ endogène ”, de la région du Woleu/Ntem, et qu’ils continuaient à en fabriquer. Ilsne se seraient pas coupés des réseaux qui acheminent le fer et les objets en ferjusque dans l’Estuaire. Une vingtaine d’années plus tard, la situation a beaucoupévolué. Les Fang de l’Oise semblent à ce point coupés ou éloignés de ces réseauxqu’ils récupèrent du fer “ occidental ”, dans une forme d’acculturation.

Chez les Fang, comme dans toutes les sociétés du fer, la fonte est une entreprised’une grande envergure, mais la faiblesse des moyens techniques expliquepourquoi les hommes hésitent à la mettre en œuvre. Elle nécessite la participationd’au moins quinze personnes pendant parfois près de deux jours. On commence parrassembler le minerai, ainsi que le charbon de bois obtenu par des essences à trèshaut pouvoir calorifique. Le fourneau est construit dans un atelier spécial. Il estconstitué de hautes parois en tronc de bananier, recouvert à l’intérieur de feuilles debananier (leur concentration en eau doit retarder l’embrasement du fourneau), ettapissé d’argile. Il est ensuite rempli de minerai concassé et de charbon de bois. Ausol, des entrées sont ménagées tout autour de la base pour laisser le passage auxtuyères, disposées de manière rayonnante, dans lesquelles les soufflets, actionnéspar les hommes, pulsent l’air. Le fer fondu est récupéré dans un trou préalablementpratiqué sous le centre du fourneau.

Pour les Fang, la fonte est l’expression d’une magie puissante, capable detransformer le caillou en ce métal si précieux. Elle fait logiquement appel àl’intervention du nganga qui rassemble les aides indispensables à la réussite del’opération. Aux esprits des ancêtres représentés par quelques morceaux de crânes,s’ajoutent des produits purement symboliques comme l’écorce râpée d’unelégumineuse dont l’absence de racines horizontales doit aider le métal à coulerverticalement, ainsi que de la fougère qui aidera le métal à s’agglomérer comme lefont les jeunes feuilles de la plante. La fonte oblige également les participants àrespecter des interdits stricts, comme l’abstinence sexuelle pendant les deux moisqui la précède. Tessmann explique que les interdits et le coût des produits magiquesdissuadent l’activité de fonte ( 1563 ).

Page 421: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Au regard de la fonte, la forge, alvi, est beaucoup moins pénible. Le forgerons’installe le plus souvent dans le corps de garde, éyolvi. Un assistant alimente lefoyer en actionnant les soufflets de forge, ñkôm. L’enclume, nnôn est à une grossepointe de fer plantée verticalement dans le sol, le marteau, édu, ressemble à unpilon serré dans la main. Le forgeron possède encore une pince pour retirer le fer dufeu, mebeny, ainsi qu’un ciseau pour décorer les lames, étsilé ( 1564 ). Du Chaillu aété le premier à décrire l’activité de forge dans un village fang. Il note avec justessemais légèreté quelques détails anecdotiques, notamment sur la patience nécessaire àla forge : “ Le temps n’a aucune valeur aux yeux des Fans ; un forgeron soigneuxemploiera souvent plusieurs jours et même des semaines à la fabrication d’un petitcouteau, tandis que des semaines et des mois seront consacrés à confectionner et àparachever un couteau de guerre, une lance de luxe ou une hache d’armes ” ( 1565 ).L’observation de Du Chaillu correspond à une réalité apparente. La forge est uneopération peu spectaculaire. Le travail paraît lent, les gestes simples.

A la vérité, la forge est une affaire de spécialiste. Transformer du fer brut en ferde hache, en lame d’épée ou en pointe de lance, oblige de connaître les contraintesauxquelles ces objets sont soumis et nécessite d’y répondre par des techniquesabouties, trempe et carbonisation, qui requièrent une expérience et une science peucommunes. Tessmann a minutieusement décrit les différentes étapes de lamétallurgie du fer chez les Ntumu. D’après lui, le forgeron n’oublie pas le recoursaux puissances invisibles. Il place sous l’enclume diverses plumes de coq, feuilleset fleurs. De plus, il se prépare en ingérant des plantes dont la tige est souple etrésistante pour transmettre ces qualités aux objets fabriqués ( 1566 ).

Page 422: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 91 : Forgerons fang en 1856 (Du Chaillu, 1863, p. 168).

Page 423: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 92 : Forgerons ntumu en 1907, (Tessmann, 1991, p. 212).

La forge n’emploie pas souvent le fer provenant directement de la fonte. Ils’agit plutôt de fer récupéré par exemple sur de vieux outils. Quantaux bikie ou bikwele, ces barrettes de fer aux allures de pointe de fer regroupées parpaquets, leur usage reste incertain. Certains observateurs ont cru y voir unemonnaie. Selon Tessmann, ils servaient à rémunérer le propriétaire de l’atelier,le nganga pour son aide, et les souffleurs. Pour d’autres ils étaient uniquementdestinés aux dots traditionnelles dont ils constituent l’élément essentiel (nsua biki),comme dans beaucoup de sociétés forestières ( 1567 ). D’autres encore ont noté queles bikie n’étaient jamais utilisés pour fabriquer des objets ( 1568 ). Si elle est exacte,cette remarque révèle la place symbolique qu’occupe le fer dans la culture fang. Lefer représente le potentiel de la vie que la belle-famille échange contre une de sesfilles. C’est le fer qui permet, par les haches, machettes, couteaux, le mode de vieagricole et semi-sédentaire, c’est le fer qui assure la protection, la sécurité et lasubsistance par les armes ( 1569 ).

Cette symbolique est à considérer sous l’angle des relations avec lespopulations voisines. Trilles raconte l’acquisition des objets en fer dans la légendedes “ Noirs et Blancs ” ( 1570 ). A une époque lointaine, les Noirs et les Blancsétaient égaux. Ni les uns ni les autres ne possédaient d’outils ou d’armes. Pour lesdépartager d’une querelle, Nzame, le “ dieu créateur ”, propose trois épreuves. Auterme de la première, les Noirs choisissent des armes et des outils en pierre, faciles

Page 424: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

à fabriquer, à entretenir et à réparer, mais beaucoup moins résistants. Les Blancschoisissent les armes et les outils en fer. Au terme de la seconde épreuve, lesBlancs, inventent la poterie pour recueillir le miel, le porter au village et leconserver. Sans pot, les Noirs ne peuvent recueillir qu’une quantité infime de mieldans une feuille de bananier. A la troisième épreuve, les Blancs réussissent, grâce àleurs outils, à jeter un arbre en travers d’un fleuve pour le franchir. Bloqués par lanuit, les hommes, Blancs et Noirs, doivent attendre le lendemain pour traverser etgagner ainsi le pays des richesses. Les Blancs construisent alors des cases pour s’yabriter, se réchauffent devant un feu et s’endorment sagement. Les Noirs allumentun feu pour faire la fête et s’enivrer de vin de palme. Au matin, les Blancstraversent sans difficulté. Les Noirs s’avancent à leur tour mais, encore ivres deleur nuit, quelques-uns tombent à l’eau et se font happer par des crocodiles. Ilsrenoncent finalement à traverser. Les Blancs y parviennent très vite. Lue dans lecontexte colonial, la légende explique que le caractère inférieur des Fang, tropparesseux et trop enclins à satisfaire leurs désirs et leurs besoins immédiats, sansprojection dans l’avenir, les a conduit à l’infériorité matérielle devant les Blancs.Au-delà de ces ficelles grossières qui réduisent l’authenticité de cette légende dontdoutait Trilles lui-même, on retiendra l’enjeu primordial de la possession du fer.

Malgré ces réserves, Laburthe-Tolra croit lire dans cette légende la rencontreentre les Fang, représentés ici par les Noirs, et les Bendzo ( 1571 ). Il s’appuie sur latraduction que fait Trilles du terme “ Blancs ”. En effet, le terme utilisé parl’informateur, et que Trilles traduit par “ Blancs ”, n’estpas Mintangan mais Benthoua, que Laburthe-Tolra assimile aux Bendzo. Si l’onsuit l’auteur, cela signifierait que les Fang ne possédaient pas la technique du feravant la descente des Bendzo, qui l’importaient du Nord, et leur traversée de laSanaga, vers la fin du XVIIe siècle ou au début du XVIIIe siècle. Cette inférioritématérielle les auraient conduits à fuir devant la poussée bendzo.

La situation coïnciderait assez bien avec celle décrite par Aymès en 1872, àpropos des Yendzzô ( 1572 ). A moins qu’on soit en présence d’un clan fang commele suggère Balandier :

“ [La tradition] a conservé le souvenir de la première division en quatre clansqui s’accomplit après le passage du fleuve Sanaga. Chaque phase importante desmigrations a accentué la fragmentation et créé des prééminences nouvelles. Tel estle cas des Yendzok : le passage de la Sanaga a entraîné une division en fractionsqui se nomment encore Yendzok, le passage du Ntem (qui donne accès au Gabon) aprovoqué la constitution de l’important groupe Effak qui s’est divisé, pour atteindrela côte, en sous-groupements qui se disent seulement Effak ” ( 1573 ).

Page 425: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Il est difficile de trancher la question de la parenté des Benthoua avec les Fangou avec les Bati. On aurait peine à voir dans les ancêtres des Beti les“ instructeurs ” des Fang en matière sidérurgique, car les Beti, d’après Laburthe-Tolra, ont un type de fourneau assez différent de celui des Fang, dans leur systèmede tuyères : les soufflets sont portés au-dessus du fourneau et actionnés par deshommes montés sur des sellettes. Les tuyères descendent à l’intérieur du fourneau,de telle sorte que l’air pulsé est réchauffé avant d’être introduit dans le foyer,augmentant ainsi sa température et son rendement ( 1574 ). De plus, la confrontationd’un peuple possédant le fer, venant du Nord et bousculant un peuple forestierinférieur matériellement se retrouve très fréquemment dans l’histoire de l’Afrique,ne serait-ce, en ce qui concerne les Fang, que leur voisinage avec les Pygmées.Juste à côté des Fang, Robineau note à propos des Djem, qu’ils doivent aux Bulul’apprentissage du travail du fer ( 1575 ).

En dehors de la légende de Trilles, il est difficile de trouver dans la traditionorale l’origine de la métallurgie du fer. Les Beti en ont gardé une trace dansles mvet :

“ Mfim Ekie (le fer) selon les données rapportées par Nkolo Foé, avait été misau service du peuple Ekan pour des tâches bien définies suivant l’épopée d’AkomaMba. Ce dernier lui parla en ces termes : ’A partir d’aujourd’hui, tu te nommesdésormais cultivateur. C’est pour cette destinée que tu as quitté ton pays’ ” ( 1576 ).

Encore une fois, le fer est l’élément qui permet à l’homme de devenircultivateur. Grâce au fer, il peut abattre les gros arbres et dégager d’immensesparcelles de forêt qui nourriront la famille pendant plusieurs années. Il permet ainsid’abandonner une vie nomade, difficile, à laquelle sont définitivement associés lesPygmées, pour lesquels les Fang expriment tout à la fois le respect et le mépris. Aufond, la légende de Trilles pourrait s’appliquer au rapport entre les Fang et lesPygmées.

L’importance du fer dans la société fang s’exprime encore aujourd’hui dans leculte bwiti qui emprunte à la métallurgie de nombreux symboles :

“ La forge, masculine, symbolisée par la piscine des hommes, est représentéemieux encore par le feu installé à l’exact milieu du temple, sur l’axe des deuxportes, de la naissance et de la mort […] Au moment de la création, les êtres sont

Page 426: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

sortis de la bouche de Dieu comme le feu et le fer de la forge. C’est None-Mebeghe,la troisième hypostase divine, qui, en punition de son inceste avec sa sœur, a pris laforme de la forge. None porte le même nom que le marteau qui figure le sexemasculin. L’acte de la création a consisté en un coup de marteau sur la massette oul’enclume féminine. De ce coup ont jailli les étincelles de la foudre […] Le souffletde forge originel formé de deux diaphragmes en peau fixés sur un évent de bois àcanaux jumelés débouchant sur une tuyère d’argile est présent dans le templependant les rites de création. La tuyère est l’organe mâle analogue au pénis quiréchauffe le sein de la femme, et fournit à l’homme en gestation de quoi former sonsquelette […] Le coup de marteau sur l’enclume est symbolisé par le jeu de latringle sonore. Il marque l’éclatement de l’œuf primordial qui a donné naissanceà Nzame, Nyingone et None. ” ( 1577 ).

L’étude de la tradition orale, des légendes et des mvet en particulier, s’avèredonc difficile. Quand elle n’égare pas le lecteur dans des dédales qui conduisent àdes conclusions à peine vraisemblables du point de vue historique, elle multiplie lespistes invérifiables, tant s’y fonde le creuset de la philosophie fang. L’urgence estdonc de compléter le corpus rassemblé pendant la période coloniale en recueillantles éléments avant que la mémoire ne s’efface à jamais. En attendant, il faut ouvrirde nouvelles voies pour poursuivre la recherche sur l’histoire précoloniale desFang.

Culture matérielle

Page 427: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

La recherche sur l’histoire ancienne des Fang ne bénéficie pas des faveurs de lamuse, tant les sources “ classiques ” sont rares. Après le dépouillement des archivescoloniales, l’examen des travaux et l’analyse de la tradition orale, les documents debase ne sont pourtant pas épuisés. De nombreux aspects de la société traditionnellefang pourraient encore apporter leur contribution, comme la structure de la société,les idées religieuses…, s’ils ne présentaient pas le risque d’interprétationsmalencontreuses ( 1578 ). Car comprendre ces aspects c’est accéder à l’esprit, à la“ philosophie ” fang, au sens de la vie, ce qui oblige à une grande prudence.

Souvent, il faut se contenter de descriptions sommaires. La répartition destâches, par exemple, ne donne pas d’indication spéciale. La femme donne la vie etla nourrit en cultivant et en entretenant le foyer. L’homme défend la vie. Il doit êtreun guerrier valeureux sur lequel le village doit compter en cas d’attaque. Il lui estdéconseillé de s’approcher des marmites, sous peine d’être ridiculisé par ses pairs.La femme ne peut pas rester dans le corps de garde, mais ces quelquesconsidérations sont assez stériles. L’observation plus scientifique semble plusféconde. Au-delà des structures sociales, de la famille restreinte, ndebot, à lafamille élargie, ayong, Balandier retient le caractère patrilinéaire des Fang, paropposition à la majorité des ethnies gabonaises ( 1579 ). Considérant que les Bulu etles Beti ont comme voisins des groupes patrilinéaires, Alexandre conclut à une“ véritable frontière ethnologique du sud du domaine géographique [desPahouins] ” ( 1580 ). Or, la situation est plus complexe. Mbokolo signale que lesMpongwe et les Jumba ont une filiation patrilinéaire ( 1581 ), et l’on peut voir dans ladouble exogamie que pratiquent les Fang, exogamie paternelle et maternelle, lesouvenir d’une matrilinéaire ancienne qui se serait transformée au contact des“ Pahouins du Nord ” ( 1582 ). Cette évolution expliquerait la présence trèsimportante dans la statuaire fang de figures féminines ( 1583 ).

La structure de la société, fragmentée au niveau du clan voire, pour certainsaspects, au niveau de la famille, ne donne pas de meilleures indications, tant elle estcommune aux sociétés forestières de l’Afrique Equatoriale. Pour trouver dessociétés plus hiérarchisées avec une centralisation plus ou moins poussée vers unpouvoir “ royal ”, il faut sortir de la forêt, gagner les rives de l’Ouellé, chez lesZande ( 1584 ), ou les rives du Kasaï, chez les Kuba, par exemple ( 1585 ).Manifestement, la société fang, même aujourd’hui, ne présente aucuneréminiscence d’un pouvoir centralisateur.

On n’est guère plus avancé sur les habitudes quotidiennes dans lesquelles ondiscerne des symboles peut-être révélateurs d’une histoire, mais que les Fang eux-mêmes ne savent pas toujours expliquer. L’habitude de fumer du tabac local a trèstôt été constatée chez les Fang. Elle les rapproche matériellement des populationscongolaises sans en dévoiler les “ préoccupations invisibles ”. La noblesse du côté

Page 428: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

droit, le salut sur les genoux, le sens des expressions courantes, etc. n’ont pas livrétous leurs secrets.

Ces secrets sont intimement liés aux idées religieuses des Fang dont lacomplexité dissuade l’analyse. Le culte des ancêtres, melan, chez les Fang, avec sesrites initiatiques, ses reliquaires, est largement présent dans la zone équatoriale del’Afrique. En cela, il ne distingue pas les Fang. Le principe de l’evur, espritpuissant, généralement négatif et malfaisant, est également commun aux peuples dela même zone, voire au-delà. Ce qui est beaucoup plus étonnant, c’est la souplesseavec laquelle les Fang se sont appropriés les constructions religieuses et lescérémonies étrangères. L’evur a ainsi trouvé, dans la Bible, une transposition idéaleen Satan ( 1586 ). L’enseignement de la Trinité a forgé la triple identité Nzame –Mebegue – Me nkwa. L’idée même du Paradis s’est construite sur la présence desBlancs pourvoyeurs des richesses, d’où le cheminement intellectuel rétrospectif quia fait de la mer le but à atteindre. Certes l’œuvre missionnaire a été redoutable, descentaines de statuettes byeri ont été détruites par le feu, mais on s’interroge sur lavigueur des cultes fang au moment de la rencontre avec les Blancs. On peut penserque la déliquescence des cultes trouve son origine dans les bouleversements socio-économiques nés de l’apparition des produits de traite dans l’intérieur, et que lesFang sont devenus réceptifs aux “ propositions ” extérieures. L’élément le plusrévélateur de cette capacité d’intégration est le Bwiti, emprunté aux Tsogho, autourduquel les Fang ont articulé leur vie religieuse moderne. Sa remontée vers le nords’est faite à la faveur des circulations de porteurs, de pagayeurs et surtout debûcherons, à travers “ tout le Bas-Ogooué, Fernan-Vaz Cap Lopez, estuaire duGabon, chez les Galwa, Enenga, Nkomi, Orungu et Mpongwe, par les esclavesvenus du Sud-Est ” ( 1587 ). Mais une fois encore, la complexité de ces questionsinterdit une analyse rapide qui ne prendrait pas en compte les constructionsmentales propres des Fang.

La mauvaise et partielle connaissance de ces constructions pousse à l’humilitéet oriente la recherche sur l’examen de la culture matérielle : architecture,mobiliers, objets, etc, qui, outre les problèmes d’interprétation, reste beaucoup plusabordable pour des raisons évidentes. D’abord son étude s’intègre dans unedimension concrète qui confine à l’histoire de l’art, telle que l’a défini Elie Faure,notamment ( 1588 ). Ensuite l’analyse des différentes formes peut s’appuyer sur unedocumentation riche du fait des multiples descriptions réalisées sur une centained’années et des échantillons très nombreux, récoltés et confiés aux collectionsfrançaises, malgré la rapide extinction des formes traditionnelles, comme l’asouligné Grébert, dès 1934 ( 1589 ).

Il serait cependant présomptueux d’envisager la culture matérielle des Fangdans son ensemble, d’abord parce que son étude ne pourrait se contenter dequelques paragraphes, ensuite parce que la démarche historienne ne le nécessitepas. En effet, la majeure partie de la culture matérielle des Fang est commune auxpopulations voisines, du simple fait d’une adaptation des mobiliers, ustensiles et

Page 429: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

armes aux conditions forestières. Les variations restent très difficile à exploiter,quand bien même elles révèleraient une survivance d’une technique ou d’un usageparticuliers. En revanche elle révèle des éléments susceptibles d’indiquer desemprunts, comme les coiffures à casques imités des Mpongwe ( 1590 ).

Déjà certains auteurs se sont ainsi penchés sur quelques aspects de la culturefang pour valider des hypothèses migratoires. Binet note que les Fang gardent lesouvenir du tissage du coton et que leur “ langue contenait un mot original pourdésigner le cheval (nkalbegn) ” ( 1591 ). Sa conviction est inébranlable quant àl’origine nord des Fang. Il note la présence d’objets typiquement forestiers à côtéd’objets de savane : l’arbalète et le couteau dit de jet, le poignard et le sabre, lahache massue et la houe sur manche coudé. Loin de s’en étonner, il justifie lajuxtaposition :

“ Dans une migration qui s’étendit sur des milliers de kilomètres et qui dura dessiècles, les émigrants ne purent emmener que des bribes infimes de leur civilisationd’origine. L’outillage abandonné ne pouvait être renouvelé tel quel : le milieun’était plus le même et l’on ne trouvait plus en forêt les matériaux qui existaient ensavane. Il fallait s’adapter à des besoins différents : pour mener une chasse à unnouveau gibier, il faut transformer armes et pièges ; pour cultiver une forêt il fautd’abord abattre les arbres. En savane, où les saisons sont bien différenciées, il fautavoir un grenier plein si l’on veut manger pendant la saison sèche. En forêt, il fautavoir espacé judicieusement ses semis pour récolter en toute saison ” ( 1592 ).

On peut longtemps discuter des aspects forestiers de la culture matérielle fang,de la présence d’animaux de savane dans le vocabulaire ou des préférencesculinaires, pour le maïs plutôt que pour le manioc par exemple, mais la démarche,comme l’explication de Binet, pose ses propres limites dans le fait que l’AfriqueCentrale n’est pas un sous-continent isolé et statique. Les échanges entrepopulations de savanes et populations forestières ont toujours été très nombreux.Immanquablement, ces éléments ont touché les populations même les plus reculéeset il est dès lors très difficile de les exploiter du point de vue historique. Il faut doncs’attacher à scruter dans la culture matérielle les éléments qui fondent ou non uneoriginalité fang.

Page 430: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Village

Dans son organisation et sa construction le village rapproche immanquablementles Fang des sociétés forestières de l’Afrique Equatoriale. De la Sangha jusqu’àl’approche de la côte, on retrouve la disposition en deux lignes parallèles demaisons rectangulaires à pignons jointifs de part et d’autre d’une rue fermée par lacase des hommes, corps de garde ou abegn( 1593 ). Seuls les villages côtiers et lesvillages courtiers de l’Estuaire sont plus éparpillés ( 1594 ). D’après une légende desBulu recueillie par Von Hagen, la maison de Zame yo Mebeghe, le “ créateur ”était ronde. Alexandre en conclut que les Bulu avaient adopté dans un lointainpassé ce type d’architecture ( 1595 ).

Les villages traditionnels sont protégés par de fortes palissades de pieux quicourent à l’arrière des maisons, au-delà du “ jardin ” des bananiers. L’abegn fermecomplètement la “ rue ”. Ses parois sont solides, aveugles ou percées d’ouverturestrès étroites. Il est à la fois case de réunion des hommes, corps de garde et atelierd’artisan. Les hommes y font le guet pendant la nuit. Ce type de village, décrit parDu Chaillu lors de son excursion vers Médouneu en 1856 ( 1596 ), se visite encoredans le Haut-Komo au moins jusqu’en 1875 ( 1597 ), et dans la région nord, jusqu’en1900 ( 1598 ). Ces défenses sont complétées par d’autres dispositifs. Du Chaillu notequ’ “ il leur arrive parfois, [...] quand ils sont en guerre, de planter plusieurs de cesflèches [d’arbalète] de distance en distance dans les bois, sur le passage de leursennemis, de manière que les pointes dépassent le sol d’un ou deux pouces. Lespieds nus une fois entamés et écorchés, le poison circule dans tout le corps avecrapidité ; l’ennemi tombe et meurt en route ( 1599 ) ”.

Page 431: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 93 : Village fang (Griffon, 1865, p. 313).

Toutefois, ce dispositif n’est pas propre aux Fang. Compiègne le trouve chezles Mpongwe ( 1600 ). Alexandre note encore dans certains cas la présence de fossésautour des villages ( 1601 ). L’aspect défensif des villages souligne évidemment leclimat d’insécurité qui touche les Fang, qu’ils soient nouvellement installés dansl’Estuaire du Gabon ou habitants le Grand Nord. L’approche des villages n’estd’ailleurs pas aussi facile que le décrit Brazza dans ses récits. Peut-être est-ce unequestion de méthode et d’attitude, en tout cas, Trilles reste impressionné parl’accueil qui lui est, une fois, réservé :

“ Deux guerriers armés de lances et d’un bouclier viennent au devant del’étranger pour connaître ses intentions. Une blessure faite par ces lances seraitmortelle, car elles sont ordinairement imprégnées d’un poison végétal à base destrychnine, extrait par ébullition du Strychnos Oua. Quand le voyageur est admisdans un de ces villages, il y pénètre par un ouverture étroite située à l’entrée decette rue et en passant sous une lourde poutre destinée à assommer au besoin lesennemis ”. ( 1602 )

Les constructions traditionnelles sont entièrement réalisées avec des matériauxvégétaux. Les murs et la charpente sont constitués par des branches. Les parois sonten panneaux d’écorce déroulée et martelée (okala) ou épluchée (ovôc) et maintenuepar des claies en nervure de palmier ou en bambou très régulièrement agencées. Lacouverture est en feuilles de palmier tressées. D’après Bouet, ce type deconstruction est commun à l’ensemble des ethnies du Gabon, qu’elles soientmpongwe, kele ou Fang ( 1603 ). C’est encore les matériaux disponibles et lesnécessités pratiques qui conditionnent ces techniques. L’intérieur des habitationsest parfois séparé en deux ou trois pièces par des parois d’écorce.

Page 432: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 94 : Maison ntumu (Tessmann, 1991, p. 192).

Si les plans traditionnels varient peu entre les différentes ethnies gabonaises,leurs évolutions appellent quelques commentaires. La maison mpongwe tend àimiter la factorerie en s’agrandissant et en entourant son noyau d’une “ véranda ”,et en s’élevant sur pilotis. L’adoption chez les courtiers d’une couverture de tôlesondulées explique en partie cette nécessité d’agrandissement, car ce signe extérieurde richesse les condamne à la chaleur excessive. Pour les parois, intérieures ouextérieures, les courtiers abandonnent aussi rapidement l’écorce de bois au profitdes planches de bois. La proximité d’une scierie accélère évidemment ce passage.La maison fang, même tardive, garde l’organisation traditionnelle et beaucoupconserve encore des parois d’écorce, comme dans le Nord, jusqu’à la frontièrecamerounaise. En revanche, au Cameroun, notamment chez les Beti, l’usage desplanches est moins répandu, et les maisons en poto-poto sont les plus fréquentes( 1604 ). Selon Alexandre, il faut y voir l’œuvre d’un administrateur qui auraitimposé ce type en pays bulu vers 1925 ( 1605 ). Les Fang les ont toujours décriées,considérant qu’ils s’enterraient vivant dans ces maisons faites en terre ( 1606 ).L’administration a également réduit le caractère défensif des abegn en supprimantles parois ( 1607 ).

Page 433: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Mobilier

Pas plus que le village, le mobilier fang ne présente une grande originalitédevant les autres populations forestières. En dehors des caisses d’importations, lesmeubles se réduisent aux lits-banquettes confectionnées en tiges de raphia etbambou, et aux tabourets (kpa) qu’on rencontre jusqu’aux bords de la Sanaga( 1608 ). Alexandre voit dans cet état sommaire la conséquence du nomadisme, lesfréquents mouvements de villages les dissuaderaient de s’encombrer d’un mobilierlourd et imposant ( 1609 ).

Les ustensiles consistent en des paniers, des assiettes, et des sacs en fibresvégétales, des calebasses, des pots en terre, des mortiers et des cuillères en bois.Les infinies ressources qu’offre la forêt a donné une vannerie très variée qui couvrela plupart des besoins de l’activité quotidienne : huttes pour le transport, panierspour garder les aliments, corbeilles etc. D’après Tessmann, la vannerie est unartisanat d’homme, toutefois, les femmes fabriqueraient elles-mêmes les objetsqu’elles se destinent ( 1610 ). Les calebasses, que l’on retrouve très largement enAfrique, complètent la gamme des récipients.

La poterie est l’affaire des femmes ( 1611 ). La technique n’est pas particulière auFang. Elles travaillent sans aucun outil spécifique en confectionnant des boudinsd’argiles qu’elles enroulent en spirale et superposent de la base au col. Elles lissentles parois avant de laisser les pots sécher au soleil, les décorent, et parfois les fontcuire. La question de la poterie fang est délicate à traiter. En dehors des fourneauxde pipe, les musées d’ethnographie en sont pratiquement dépourvus ( 1612 ). Il estdonc difficile d’en établir une typologie. Du Chaillu montre trois formes biendistinctes : une “ marmite ”, large plat circulaire aux bords peu relevés, une“ cruche à eau ”, à large panse et à col fermé ; enfin une “ bouteille de vin depalmier ”.

Tessmann souligne que les bouteilles sont “ particulières aux Fang et que l’onn[‘en] voit plus au nord du Campo ” ( 1613 ). A l’inverse, les Fang ne semblent pasconnaître les “ très grandes marmites [yaunde] ” dont il parle. Il donne uneillustration des formes les plus courantes et que l’on retrouve dans les collections :ouvertes, plutôt à base aplatie, à panse concave et à col légèrement évasé.

Page 434: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 95 : Poteries fang (Du Chaillu, 1863, p. 169).

Figure 96 : Poteries fang (Tessmann, 1991, p. 233).

Page 435: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Binet oppose la pauvreté des poteries à la richesse des vanneries. CommeAlexandre, il y voit la conséquence du nomadisme : “ Cette richesse estparfaitement logique chez un peuple migrateur qui ne peut s’encombrer de poterieslourdes et fragiles ” ( 1614 ). Pour plusieurs raisons, on adhère difficilement à cettethéorie. D’abord si le raisonnement paraît logique, il n’est pas humain. Certesl’environnement forestier pourvoit, par exemple, pratiquement à toutes lesdemandes de la cuisine en offrant des ressources pour plusieurs techniques decuisson, comme l’étouffée grâce par exemple aux larges feuilles de bananier, pourla conservation de l’eau des gourdes végétales enduites de gomme, des hanaps enbois, de calebasses, de sorte que seules quelques formes de poteries à panse largesuffisent à assurer une cuisson sur les braises. Mais maintenant que l’argument dunomadisme ne tient plus, on ne voit pas les raisons qui pousseraient les Fang à sedébarrasser des poteries pour alléger leurs conditions de déplacements alors que lesPygmées, nomades saisonniers ne le font pas. Enfin et surtout, on note dans laplupart des sociétés une relation étroite entre poterie et métallurgie. Aussi serait-iltrès surprenant qu’un peuple possédant à ce point l’industrie métallurgique soitignorant des techniques de poteries.

Les mortiers sont de différentes tailles selon qu’ils pilent la pulpe de graines decourges, la noix de palme, le manioc, etc. D’après Du Chaillu, les plus courantssont des “ espèces de baquets en bois longs de deux pieds, profonds de deux outrois pouces, et larges de huit ” ( 1615 ). Le mortier à manioc est beaucoup plusvolumineux. Il prend la forme d’une auge, dans laquelle, Baumann reconnaît lemodèle typique des civilisations forestières ( 1616 ). Ils ont encore un mortier rond,pour écraser les bananes, notamment ( 1617 ).

Les cuillères sont, de loin, les ustensiles qui, par leurs diversités de formes,leur harmonie et le soin apporté à la finition, ont retenu le plus l’attention descollectionneurs. Tessmann en distingue deux types : la cuillère proprement dite,qu’il appelle cuillère à pot, et la louche dont la première semble être unedéclinaison ( 1618 ). Du Chaillu donne en illustration un type très particulier et trèsrare. Il s’agit d’une “ cuiller ” dont le manche a disparu au profit d’un simpledéveloppement préhensible, en “ coquille ”.

Page 436: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 97 : ’Cuiller des Fans’ (Du Chaillu, 1863, p. 175).

Si l’on considère le mobilier au sens large, il reste encore à comprendrel’absence de pirogue chez les premiers Fang, que ce soit dans l’Estuaire ou surl’Ogooué. Elle a été perçue comme le signe à la fois d’une origine septentrionale,où l’hydrographie dispenserait de la navigation, et d’une longue migration quiempêcherait la construction navale. Touchard en a même fait un frein à la“ conquête fang ” : “ Quand les Pahouins posséderont des moyens de locomotionplus commodes et lorsqu’ils auront des pirogues, la rivière deviendra tout entièreleur possession ” ( 1619 ).

En réalité, cette question a été traitée rétrospectivement de manière à servir leshypothèses migratoires. La comparaison avec les ethnies gabonaises n’est paspertinente. Des Rungu aux Duma, des Kota aux Teke, tous sont liés au commerceatlantique et écoule par l’Ogooué les marchandises de l’intérieur en convoisd’immenses pirogues portant plus d’une cinquantaine d’hommes. Dans la région oùles Fang sont localisés avant la période coloniale, entre Ivindo, Woleu et Ogooué,le réseau hydrographique : l’Abanga, l’Okano, le Mvoung et l’Ivindo, sans parlerde leurs affluents, est parsemé de chutes et de rapides violents qui ne permettentpas une navigation commerciale. Les Fang écoulent donc leurs produits par lessentiers. Cette habitude de parcourir plusieurs kilomètres par jour a grandementfacilité leur mobilité, et les a éloigné des considérations navales. Il faut d’ailleursnoter que cette préférence pour la terre ferme n’est pas sans lien avecl’appréhension naturelle qu’éprouvent les Fang dans leur grande majorité pour lescours d’eau importants qui sont considérés comme des “ appels à la noyade ”( 1620 ). En dehors de la pêche à pied, elle-même encadré par de très nombreuxinterdits, ils s’y aventurent le moins possible. Quand une rivière doit être traversée,ils longent la rive à la recherche d’un gué. A défaut, ils abattent un arbre en guisede pont. Si le cours est plus large, ils fabriquent des radeaux en tronc de parasolierqui sont abandonnés après usage.

Page 437: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Instruments de musique

A côté de leurs ustensiles, les Fang possèdent des instruments de musique trèsvariés qui montrent une riche culture musicale qui s’exprime encore aujourd’huiavec vitalité. Certains instruments sont très peu renseignés. En dehors de leurdescription et de leur nom, les grelots, sonnailles, cloches, mirlitons, flûtes, corneset sifflets, mentionnés par Largeau, Trilles, Tessmann et Avelot sont assez malconnus. Aussi n’apportent-ils pour l’instant, aucun élément de nature à éclairerl’histoire ancienne. En revanche, des instruments plus imposants amènent quelquescommentaires. Il s’agit des xylophones, tambours, arc musical, pluriarcs,harpe, mvet et sanza.

Figure 98 : Musiciens fang (Du Chaillu, 1863, p. 157).

Les baguettes (ékwarga) sont les instruments les plus simples mais aussi lesplus utilisés. Elles rythment les mvet, les danses et surtout les chants accompagnésaux xylophones. Les xylophones sont de deux types. Le premier est un grandxylophone mendzang me biang. Il se compose de deux troncs de bananier posésparallèlement à terre, sur lesquels sont fixés transversalement, à l’aide d’aiguille,dix-huit ou dix-neuf lames de bois, en général du padouk, de taille à peu prèsidentique mais d’épaisseur variable. Deux hommes jouent côte à côte, à quatre

Page 438: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

mains, l’un la rythmique de base, l’autre l’accompagnement. Selon Duvelle, ce typen’était pas utilisé en public mais plutôt lors de cérémonies du melan, ce quiexpliquerait pourquoi Avelot n’en a jamais entendu parler, en dehors de celui citépar le Capitaine Roche au village d’Ebiang, dans l’intérieur du Mouni ( 1621 ).Grébert, qui a surtout séjourné auprès des Betsi, constate à son tour la rareté desxylophones et avance qu’ils “ pourraient bien être de provenance de tribusétrangères aux Pahouins ( 1622 ). L’autre type est le mendzang me yekaba, queTessmann appelle “ xylophone portatif à cintre ” et que Du Chaillu nomme“ Handja ” ( 1623 ). Le musicien se tient debout, l’instrument est suspendu par unlien autour de son cou et dégagé de son corps par la structure en bois en forme decintre. Elle porte des lames de bois sous lesquelles sont disposées des calebassespour servir de résonateur. Ce type de xylophone ne se joue pas seul, mais dans unensemble de plusieurs autres qui diffèrent par la taille, le nombre de lames et lafonction musicale, rythme ou mélodie, improvisation, solos, etc. On trouve entreautres endoum, à quatre lames, niana et omvek, à huit lames, koulou à dix lameset obolong à neuf lames ( 1624 ). Grelots, baguettes et chants les accompagnent dansune musique propre aux festivités. Mendzang me yekaba forment des orchestresambulants qui se produisent contre rémunérations de village en village. Binetsignale qu’ils sont récents ( 1625 ). Selon Laburthe-Tolra, son origine est identiqueà mendzang me biang, joué lors des cérémonies melan, les différents xylophonesreproduisant les différents voix des ancêtres ( 1626 ). Cette explication correspond àun aspect de la musique qui nous oblige à pénétrer dans des dimensions moinsmatérielles. Il semble qu’à l’origine, les musiciens, en particulier les “ ensembles ”de xylophones étaient appelés dans les villages lors de troubles de l’équilibresociale par le fait d’un esprit malfaisant. Les séances “ cathartiques ” sont alorsinterminables, parfois toute une journée ou toute une nuit, comme le peuvent êtreles séances de mvet. La musique doit parvenir à étourdir l’esprit en question pourlimiter son ardeur et le “ capturer ” afin de l’éloigner du village. On comprendmieux les scènes de “ transes ” dont sont “ victimes ” certains spectateurs, lamauvaise réputation des musiciens, ainsi que l’éblouissante maîtrise technique etmélodique des musiciens.

Les autres percussions sont moins complexes. Ce sont les tambours à peautendue (nkôm), et le tambour en bois creusé (nkul), tous deux monoxyles. Les Fangont deux sortes de tambours à peau, les petits, haut d’environ cinquantecentimètres, servent à la guerre, ils sont frappés avec un morceau de bois ; lesgrands, de plus d’un mètre, servent à la danse, ils sont frappés avec les mains. Dansles deux cas, la peau est tendue par un système de coins qu’on enfonce pour latendre. Les illustrations de Du Chaillu, Avelot et Tessmann donnent deux types degrands tambours nkôm. Le premier présente une base pleine, qui oblige le musicienà pencher son instrument pour laisser échapper le son, le second présente une baseévidée qui libère le musicien de ses mouvements.

Page 439: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 99 : Tambours fang (Avelot, 1905, p. 288)

Le tambour en bois creusé est utilisé pour les fêtes et pour l’émission designaux entre villages.

Figure 100 : Tambour (Avelot, 1905, p. 291).

L’arc musical, mbeyn, est partout présent en Afrique centrale. Avelot en trouveune forme analogue chez les Zoulou ou les Zande. Il consiste en une corde tendue

Page 440: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

sur un arc que le joueur frappe avec un bâton. La corde est placée dans la bouche,de sorte que ses mouvements modulent le son.

Figure 101 : Arc musical (Avelot, 1905, p. 292).

L’arc musical semble avoir connu plusieurs déclinaisons tout aussi largementrépandues. Le pluriarc, akarankam, d’abord aurait fixé à son extrémité une boîte derésonance. On aurait rajouté deux ou trois arcs, chacun portant une corde reliée àl’extrémité de la caisse. Le pluriarc aurait ensuite donné la harpe ngomo : un arcsimple porte entre quatre et huit cordes, tendues par des clés ( 1627 ).

Figure 102 : Harpe (Avelot, 1905, p. 289).

Page 441: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

La présence de cet instrument est attestée du Nord-Cameroun au bassin del’Oubangui, chez les Mangbetu par exemple. Son existence remonte à l’antiquité, ilest déjà présent dans la culture égyptienne, sous des traits absolument identiques.Sa très haute fonction aujourd’hui dans le rite bwiti laisse croire qu’il avait uneplace également très importante dans les différents cultes anciens ( 1628 ).

Figure 103 : Musiciens Niams-Niams (Schweinfurth, 1875, p. 217).

L’arc musical semble avoir connu une deuxième évolution qui, dans un premiertemps, a ajouté sur l’arc une calebasse pour la résonance, et donné la harpemusicale, un genre que l’on retrouve jusqu’au Rwanda. Dans un deuxième temps,un chevalet s’est placé au milieu de l’arc, permettant d’en écarter la corde, et d’enajouter trois ou quatre autres. On peut croire que c’est ainsi qu’est né le mvet. Sansavoir la postérité de la harpe égyptienne, le mvet, déjà décrit, renvoie auxpopulations de la rive droite du bassin du Congo.

Page 442: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Enfin la sanza, boîte creuse sur laquelle sont fixées des lamelles de bambousou de fer est à ce point répandue dans la région, jusque chez les Zande, qu’il estdifficile d’en connaître l’origine. Tessmann n’en trouve pas trace chez les Ntumuqu’il visite, ce que corrige Laburthe-Tolra ( 1629 ). Elle tient une place trèsimportante dans l’univers musical des Pygmées. Mais sa position chez les Fangn’est pas connue.

Décoration

L’exemple des instruments de musique montre qu’il est bien difficile deconsidérer les objets uniquement dans leurs destinations pratiques. En effet, ilss’entourent souvent d’une dimension symbolique qui échappe aux non-Fang. On nesaurait donc analyser clairement leur forme, les matériaux, et la qualité de finitionpour ce qu’ils sont. Il est tout aussi difficile d’approcher la décoration qui orne laplupart des habitations, mobiliers, ustensiles, instruments de musique et aussi armeset outils.

Page 443: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 104 : Décorations sur épées et haches fang (Tessmann, 1991, p. 234).

Tessmann ne donne qu’une valeur limitée aux décorations. D’après lui, ellesont nées d’une technique particulière correspondant au travail de chacun desmatériaux mis en oeuvre : le martelage des écorces pour la construction a donné lemotif en losange, la ligature des plaques a donné la sinusoïdale, la vannerie a donnéle damier, etc. L’association de motifs géométriques créant une “ émotionesthétique ”, que les Fang auraient reproduite, obtenant des formes diverses, desanimaux, des objets, … Tessmann tempère ensuite son propos puisqu’il attribue àcertaines formes animales leur valeur symbolique : le varan, l’écureuil, seraientprotecteurs ( 1630 ).

Page 444: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

L’énumération fastidieuse de Tessmann donne une idée de l’éventail très largedes motifs utilisés par les Fang. Quand bien même la finalité décorative primeraitsur la symbolique, il serait surprenant que les Fang n’accordent pas la plus hauteimportance à ces objets et n’attribuent pas à ces dessins une significationparticulière. Le Musée d’histoire naturelle de Lille possède trois objets fabriqués etdonnés à la Ville de Lille par des “ Indigènes de passage à Lille ”, un couteau onzil,un soufflet de forge, un “ fétiche ” et un tambour de bois ( 1631 ). Quoique d’unefabrication et d’une finition très grossières, d’un matériau local (pin rouge), ils sontabondamment décorés de motifs géométriques. Ce qui prouve qu’un objet fini estdécoré.

Ce foisonnement décoratif n’est pas propre aux Fang, loin de là. L’habitudedécorative, qui fait de l’objet nu une rareté, est largement répandue sur le continent.En revanche, la rareté de la représentation humaine et même animale et un certaincatalogue de motifs géométriques distinguent l’art fang ( 1632 ). Les triangles, leshachures, les chevrons, les parallèles sont à ce titre significatifs. Tessmann croit yvoir des queues de pangolin, des ailettes de flèches, des arêtes de poissons, desarcs-en-ciel ( 1633 ). Le motif le plus marquant est celui des entrelacs, présent jusquedans les tatouages ( 1634 ). Il n’est pas exclusif aux Fang puisqu’on le rencontre danstoute l’Afrique centrale, depuis le Nord-Cameroun jusqu’en Tanzanie. Mais c’estsurtout un des thèmes favoris du très haut art graphique qu’ont développé les Kubaou Bushongo, que l’on peut, à ce titre rapprocher des Fang ( 1635 ). Pour Torday, lesentrelacs représenteraient des fibres entrecroisées de manière stylisée ( 1636 ).Attribuer cette image aux Fang poserait la question de la nature des fibres, simplevannerie ou tissu tressé, ce qui ramènerait au problème de la présence des tissus deraphia dans la culture matérielle des Fang.

Page 445: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 105 : ’Ornementation des anneaux de chevilles’ (Tessmann, 1991, p.233).

Au-delà de l’art graphique, il serait tentant d’appuyer un rapprochement entreFang et Kuba. L’histoire kuba a, par exemple, retenu le nom de ShambaBolongongo, le “ grand héros des Bushongo dont le nom est plus révéré, jusqu’à cejour, qu’aucun autre nom de chef ”. Roi civilisateur, du XVIIe siècle, il tire sasagesse des voyages lointains qu’il fait pendant sa jeunesse, dont il ramèneplusieurs innovations, notamment le drap de raphia et le tabac. D’après Torday,“ Shamba est célèbre par son humanité et, suivant les traditions populaires, ilabolit parmi les indigènes l’usage des javelots, des flèches et même du traditionnelShongo (couteau de jet) “qui pouvait tuer des innocents” ; il limita l’armement deses soldats au seul couteau ; bien plus, il restreignit leur service aux seulesfonctions de police sur son territoire ”. Shamba ordonne ensuite une réforme quin’est pas sans rappeler un récit demvet : “ Le couteau d’apparat qui était la seulearme que les Bushongo eussent le droit de porter dans les occasions ordinairesétait lui-même remplacé, pendant la nouvelle lune, par un couteau de bois du mêmemodèle ” ( 1637 ). Les chercheurs les plus enthousiastes verront dans ce ShambaBalongogo, la véritable identité du héros d’Okü Oveng Ndoumou Obame, qui, dansle parcourt la terre pour en supprimer le fer ( 1638 ). On trouverait dans lacomparaison la même appellation : peuple de la foudre (bushongo) que les Kubaexpriment à travers leur “ couteau de jet ”. Mais cette direction est une fausse piste.

Page 446: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Sans parler de l’organisation sociale, les beaucoup d’éléments de la culturematérielle, ne seraient-ce que les armes, n’ont rien de commun avec les Fang.

Armes

Les collections ethnographiques françaises sont largement pourvues en armesfang. Des différents séjours qu’ils ont faits au Gabon, les explorateurs, agents,administrateurs ou encore missionnaires, ont suffisamment ramené de boucliers,d’arbalètes, de lances, d’épées, de haches et d’onzil pour permettre l’établissementd’une typologie ( 1639 ).

Figure 106 : Guerrier fang (d’après Du Chaillu, 1863, p. 141).

Page 447: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Le bouclier, ñgu, est “ l’exception qui confirme la règle ” car les collectionsethnographiques n’en comptent que rarement. Le Musée de l’Homme n’en a quedeux, le Musée ethnographique de Lille en possède un. C’est la seule armedéfensive des Fang et celle qui pose le plus de questions quant à son usage, sesformes, sa conception. Il consiste en un rectangle régulier d’environ 80 cm de hautpour 60 cm de large. Il est fabriqué en peau d’éléphant, probablement dans l’oreilledu pachyderme, séché au soleil et durci à la flamme. Tessmann en a trouvé en bois( 1640 ), plus long et plus étroit, destiné à protéger des balles. Galley et Laburthe-Tolra en ont trouvés en peau de buffle ( 1641 ). Alexandre affirme que les jeuness’entraînent avec des boucliers en écorce ou en osier ( 1642 ). Il n’est pas du toutcertain que l’on puisse généraliser aux Fang ces entraînements, si toutefois les Betiou les Bulu les ont véritablement pratiqués. Car l’idée d’affrontement necorrespond pas à l’usage très restreint que donnent Tessmann, Galley et Laburthe-Tolra du bouclier, pour lesquels il n’est porté que dans les déplacements, etseulement par le chef de la colonne qui protégerait ainsi ses suiveurs. Largeaunomme cet homme “ éyôgh ” , c’est-à-dire : “ le chef qui va devant le sentier ”( 1643 ).

On comprend déjà mieux la présence d’une telle arme dans la forêt équatorialeoù, hormis sur les sentiers, la végétation luxuriante gêne les mouvements amplespropres à la manipulation efficace de ce bouclier lourd et imposant. Les Fang sontles seuls à posséder un bouclier de cette taille. Quelques ethnies voisines, tsogo enparticulier, en possèdent un de dimensions très réduites (46,8 cm de haut, 8 cm delarge), utilisé lors des cérémonies bwiti. Aucune ne s’en sert comme arme. Il fautsortir de la forêt pour trouver d’autres boucliers guerriers, mais aucun autre n’est enpeau d’éléphant. Bruel croit que ceux en cuir sont “ d’un usage courant sur lesbords du Tchad, au Kanem ” ( 1644 ). Quelques-uns d’Afrique orientale, Nubie etAbyssinie, sont en peau de rhinocéros. En Afrique australe, ils sont en cuir debovidé. Les autres sont principalement en vannerie, rarement en bois. A uneexception près, ils sont tous ovales ou circulaires. Les seuls boucliers rectangulairessont les boucliers mangbetu. Le Musée Royal de l’Afrique Centrale de Belgique àTervuren en possède une douzaine qui présentent des proportions quasimentsimilaires aux boucliers fang. Ils sont en planches de bois ligaturées pour éviterqu’elles n’éclatent en séchant, et parfois recouverts sur leur face externe de bandesplus ou moins larges d’osier enduit.

On pourrait donc voir en eux une parenté lointaine, mais un détail trèsimportant réduit cette hypothèse en même temps qu’il isole complètement lesboucliers fang de toute parenté africaine. La poignée fang est en effet absolumentunique et aucun autre spécimen africain ne la reproduit, même dans l’idée. Lespoignées africaines sont verticales et unique, et donc se porte à poing fermé. LesWarega ont un système plus complexe mais qui découle de la poignée unique. Lapoignée fang est horizontale et double. La première poignée est fixée au centre du

Page 448: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

bouclier, on y enfile le poignet. La seconde est décalée vers l’extérieur, on y enfilele majeur. Ainsi, ce dispositif, proche dans l’esprit des boucliers européens, permetune préhension facile et un contrôle total sur les mouvements, alors que les autresboucliers africains sont difficilement contrôlables, rapidement déséquilibrés parleur inertie, leur poids et leur taille.

Figure 107 : Bouclier Warega (Delhaize, 1910).

Notons encore que le bouclier de Lille porte des décorations. Trois bandeshorizontales divisent le rectangle, l’une recouverte d’un pigment rouge brique, ladeuxième porte des hachures blanches, la troisième est réservée. Enfin, Baumann aprésenté un bouclier fang aux lignes très peu ordinaires ( 1645 ). Le sommet durectangle est surmonté de deux croissants qui retombent sur les coins supérieurs. Ils’agit d’un objet provenant des collections du British Museum. Malheureusement,celles-ci sont inaccessibles en ce moment, et aucune communication n’a pu nousêtre faite sur son origine. Cette piste s’ajoute aux nombreuses autres qui restent àexplorer sur ce sujet.

Page 449: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 108 : Type archaïque de bouclier fang (d’après Baumann etWestermann, 1948, p. 200).

L’arbalète, évoquée plus haut à propos des Baya-Mandja, est certainementl’arme la plus intrigante de l’arsenal fang. Elle n’est utilisée qu’à la chasse au gibierarboricole, oiseaux et singes. Sa présence dans l’aire “ pahouine ” toute entière estun élément de poids dans la thèse de l’assimilation des ethnies rencontrées, ce quesemble confirmer la parenté des noms qui ladésignent : mbeñy, mbèiñ ou mfan chez les Fang, mfan les Beti, les Bulu et lesBadjoué, mbaa chez les Djem, mofany chez les Ndiki. Il reste cependant à enconnaître non pas l’origine, puisqu’il est fort probable qu’elle est liée à lapénétration portugaise, mais plutôt sa diffusion en Afrique et surtout quelle place yoccupent les Fang ( 1646 ). L’absence d’arbalète au sud de l’Ogooué rend peuprobable une diffusion par le bassin du Congo. Il s’agirait, selon Balfour, d’unediffusion depuis l’ancien royaume du Bénin, via les Yoruba. La proximité desmécanismes entre les arbalètes tardives introduites et les arbalètes nigérianesappuie cette théorie ( 1647 ). Sa diffusion vers l’est et la grande forêt expliquerait lesdifférences de mécanismes, comme l’arbalète des Ndiki, ou de proportions : lesarbalètes de la Sangha sont plus grandes, les arcs sont de section carrée, le bois estnu et brut ; les arbalètes fang sont légèrement plus petites, les arcs de section ovale,le bois est décoré autour d’encoche destinée à recevoir la corde tendue ; il estenduit sur toute sa surface d’une patine protectrice noirâtre.

Si la théorie de la diffusion par l’ouest de l’arbalète est vérifiée, elle valideraitl’hypothèse de Laburthe-Tolra de l’antériorité des Fang sur les Beti, et repousseraitleur présence entre Sanaga et Sangha au moins au XVIIe siècle ; la poussée foulbéet les mouvements Baya en seraient réduits à des évènements périphériques.

Page 450: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 109 : Arbalétrier fang (Du Chaillu, 1863, p. 153).

Avant que le fusil ne soit introduit auprès des populations gabonaises et trèsvite adopté par les Fang ( 1648 ), les lances (akong) tenaient une place très importantedans l’armement traditionnel des Fang, qu’explique sa double destination : arme dechasse et arme de guerre. Les hommes en ont toujours deux ou trois, et elles sont aucentre de rites guerriers ( 1649 ). Elles sont constituées d’une hampe taillée en pointeet brûlée au feu sur l’extrémité qui porte un fer. La hampe des lances fang présentedes caractéristiques tout à fait reconnaissables. Sa longueur, variant peu autour de175 cm, son diamètre, n’excédant pas 2 cm., et la légèreté du bois utilisé en fontune lance très maniable, certainement moins utilisée comme sagaie que certainsobservateurs ont pu le croire ( 1650 ). Elle présente des cannelures très spécifiques,réalisées à l’aide d’un couteau racloir, ce qui permet d’en améliorer la rectitude.Cette technique est répandue aussi chez l’ensemble du groupe “ pahouin ”, ainsique dans certains groupes du bassin du Congo.

Tous les fers sont à douille et de différents types, variant entre la “ feuille delaurier ” et le fer à éperons qui reste le type le plus courant, en passant par les ferstriangulaires et les fers à multiples barbelures. Ils correspondent chacun à un typede gibier et à un type de blessure recherché. Dans son étude sur les Ntumu,Tessmann ne compte pas autant de type que nous en avons relevés ( 1651 ). Certainsauteurs d’ailleurs ne reconnaissent pas l’origine fang du type à multiplesbarbelures, qu’ils attribuent aux Beti ( 1652 ). On ne trouve pas non plus dans leslances fang les longs fers représentées par Morgen ( 1653 ). Les proportions des fersfang sont plus trapues. En l’absence d’éléments plus solides de comparaison, il esttrès difficile de se prononcer sur la question. Quoi qu’il en soit, les fers font l’objet

Page 451: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

d’un travail très soigné de la part du forgeron et il est très difficile d’y voir la tracedes biki.

En plus de leurs lances, les hommes portaient sous l’aisselle ce que lesOccidentaux ont appelés un “ grand couteau ” ou épée et que la machetted’importation a depuis remplacé. Le nom vernaculaire, fa, signifie d’ailleursindistinctement machette, couteau et épée. En réalité il s’agit bien d’une épée,puisque l’arme présente deux tranchants, construits de manière symétrique, autourd’une gouttière dans laquelle les auteurs ont vu un dispositif destiné à faciliterl’écoulement du sang des victimes. Il s’agit plutôt d’une technique de forgedestinée à renforcer la solidité de la lame, qui peut être longue et donc susceptiblede plier lors d’une attaque d’estoc. L’épée fang est élancée, ses courbes sontharmonieuses. Elles semblent découler des fers de lance à éperons. La base de lalame se termine par deux éperons qui descendent devant une partie intermédiairequi s’apparente à un renfort. Sur cet axe naît la soie qui fixe sur le manche de boispar deux pattes de fer, ou quillons, formant une garde.

Figure 110 : Lances fang et bouclier (d’après Du Chaillu, 1863).

Page 452: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

L’équilibre et la légèreté de l’épée la rendent très maniable, de sorte quel’escrimeur occidental a tôt fait de la considérer comme étant parfaitement adaptéeà son art. Si l’on adopte cet angle de vue, on est bien obligé de constater que parailleurs, l’épée fang présente des dispositifs de parade. Les tranchants, tout d’abord,ne sont aiguisés que sur les deux tiers supérieurs, le tiers inférieur est laissé brut,parfois guilloché, ce qui ralentirait le glissement de l’épée adverse en cas decroisement. Les éperons permettent d’éloigner les attaques. La partie intermédiaire,entre quillons et éperons, est un piège pour l’ennemi. En cas de glissement au-delàdes éperons, elle coince la lame adverse et, par un mouvement de rotation dupoignet, défait l’adversaire. Le renfort est poinçonné de motifs en épis de maïs quibloque à son tour la lame adverse. Toute tentative de s’en dégager par unmouvement de recul ramènerait automatiquement la menace.

Ces dispositifs contribuent à entourer l’épée fang d’un épais mystère. En effet,son évidente efficacité est contrariée par l’idée de “ duels d’escrimeurs ” dansl’épaisseur de la forêt ou par la fulgurance des attaques de villages, telles qu’ellesont été décrites par les auteurs ( 1654 ). La comparaison avec d’autres épées ou sabresafricains n’aident en rien. Les épées congolaises, par exemple, sont massives etmanifestement inaptes au combat. En outre elles ne présentent pas de dispositifs deparade. En fait, comme le bouclier, l’épée fang ne ressemble à aucune épéeafricaine..

Figure 111 : Onzil (1), Epée (2), hache (3)(Du Chaillu, 1863, p. 155).

Page 453: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

D’autres détails méritent encore d’être analysés. Il est difficile de comprendrepourquoi seule la base de la lame est décorée. Le forgeron prend un soin particulierà y marteler des motifs géométriques présents dans les poteries, les bracelets, etc.Par opposition, les autres épées africaines présentent un décor au cœur de la lameproprement dite. Le rapport avec le fourreau soulève également des questions. Seslignes sont opposées aux lignes à celles de l’épée, de sorte que la pointe de la lameest abritée dans la partie la plus évasée du fourreau. L’usage quasiment exclusif dela peau de varan pour recouvrir les deux planchettes qui le constituent n’est passans rappeler l’idée protectrice que les Fang ont du saurien, dévoreur d’œufs decrocodile, d’où aussi peut-être le soin apporté à la disposition perpendiculairementà l’axe du fourreau des lignes jaunes de l’animal. A l’inverse, Laburthe-Tolra noteque chez les Beti, le couteau de chef avait un fourreau recouvert d’une peau deléopard ( 1655 ). Enfin, les Fang portent traditionnellement cette arme sous leuraisselle droite, et non à la taille comme le suggère la gravure de Du Chaillu. Voilàautant de questions qui, faute d’information précise, restent en suspens.

La hache (ôvôn) a une notoriété partagée. Certains Occidentaux l’ontreproduite (Du Chaillu, Tessmann), d’autres n’en font pas mention dans leursdescriptions (Bosia, Braouezec, Fleuriot de Langle, Fourneau). La hache fang a étésurtout remarquée pour la beauté de ses décorations, qui en font avec certitude, unearme de prestige beaucoup plus qu’une arme de combat. Le fer, d’une vingtaine decentimètres de long pour huit centimètres environ de large est planté par une soiedans un manche en bois qui lui-même fait l’objet d’un travail minutieux. Dans uneétude sur les haches africaines, Wistrand avance que le type fang fait la transitionentre les haches ouest-africaines et centre-africaines ( 1656 ). Sans aller aussi loin, ilfaut noter qu’une grande convergence de lignes, tant celles du manche que celles dufer, rapproche les haches fang des haches kota. Du Chaillu montre encore unehache pinzi très proche des haches fang.

La parenté avec des armes kota se retrouve surtout avec les onzil, étrangescouteaux dont la longue pointe curviligne a souvent évoqué pour les Occidentauxun bec de calao, et que les Fang partagent avec les Kota, chez qui le couteaus’appelle musele. Le couteau se compose de trois parties bien distinctes. Le mancheest en bois, généralement rehaussé de fils de cuivre ou de laiton, ou de bandelettesde fer. Il naît d’un bulbe conique, et reçoit la soie de la lame. Celle-ci est portée parune bande de fer, courbée qui donne une légère inclinaison à la lame proprementdite. De la base de cette bande se dégage un éperon, lui aussi généralementcurviligne, qui remonte légèrement. La lame se développe perpendiculairement àl’axe du manche. Le décor martelé qu’elle ne porte que sur une seule face donneinvariablement, sans aucune exception, l’orientation du couteau. Depuis l’axe de lalame s’avance (vers la gauche), la pointe curviligne, plus ou moins relevé selon

Page 454: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

l’inclinaison de la partie inférieure du fer. Vers l’arrière (à droite) la lame sepoursuit en un quart de cercle légèrement hypertrophié qui descend à l’aplomb del’éperon.

Figure 112 : Différents types d’Onzil (Westerdijk, 1988, p. 327).

Les formes extraordinaires et l’absence de renseignements précis ont alimentéde très nombreuses hypothèses sur la destination de ces couteaux, sans parvenir àune réponse définitive. La plus courante consiste à en faire un couteau de jet,lointain descendant des bâtons de jet égyptiens. Une typologie a été établie sur tousles couteaux dits de jet africains, dans laquelle l’onzil se place à côté des couteauxdits en forme de poisson de la Sangha ( 1657 ). D’autres lames sont plus massives : lapointe disparaît au profit d’une forme plus trapue évoquant une spatule dontcertains spécimens se retrouvent chez les Vili, à moins qu’il ne s’agisse d’uncouteau apporté par un Fang en service à Loango. Il semble qu’il failledéfinitivement abandonner l’idée d’un objet que l’on pourrait lancer, à la manièredes “ tomahawk ”, comme le sous-entend Du Chaillu, ou des “ troumbaches ”,

Page 455: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

comme le pense Schweinfurth, ne serait-ce qu’à cause de l’environnement forestierqui rend très improbable la réussite du coup lancé avec une arme tournoyante. Deplus l’aspect guerrier du couteau est difficilement soutenable, ne serait-ce que parson asymétrie qui annonce une manipulation particulière. D’autres y ont vu uncouteau utilisé lors des sacrifices humains où il servirait tantôt à égorger lesvictimes, tantôt à découper les cadavres. Sans aller jusqu’à soutenir cettehypothèse, l’usage cérémoniel de l’onzil semble correspondre à la fois au manqued’informations à son sujet, expression (muette) d’un rite passé et oublié, et à samanipulation particulière. Ainsi, Kingsley rapporte :

“ Dans les cas d’urgence, on sacrifie une volaille dont on répand le sang devantla hutte ; dans les circonstances vraiment graves, telles qu’une épidémie, uneattaque armée, ou la maladie d’un important personnage, on immole des chèvres oudes moutons, leur sang étant aussi versé devant la case et aux portes du village.Chez les Fang, on exécute les sacrifices à l’aide d’un couteau très particulier dontj’ai pu obtenir un spécimen grâce à l’amabilité du capitaine Davies. Sa formerappelle une tête de calao et diffère de toutes les autres lames des tribus voisines,plutôt longues et fines, aiguisées des deux côtés, ou encore larges comme destruelles, pareilles à des poignards triangulaires. Les couteaux fang sont de bonnesarmes, bien supérieures à celles des autres tribus ; mais leur couteau à sacrifices estde loin le plus original ” ( 1658 ).

L’idée d’une position horizontale rapproche l’onzil fang descouteaux musele kota, avec lesquels il partage les mêmes formes, et dontl’utilisation, selon Perrois, est liée aujourd’hui à la circoncision :

“ Chez les Bakota de l’Ivindo, ils servent d’emblème aux dignitairesdu Mungala qui s’en servent au cours de cérémonies acrobatiques, en principeréservées aux initiés, mais devenues aujourd’hui plus folkloriques. Le ngangamungala, chef de la danse, joue le rôle du monstre Mungunda. Il se traîne au sol,tout en poussant des cris rauques très caractéristiques et brandissant le musele aveclequel il tente de blesser les initiés qui doivent sauter au-dessus de lui le plusénergiquement possible ” ( 1659 ).

L’usage de l’onzil pour la circoncision se rapproche de la traduction donnéepar Tsira Ndong Ndoutoume au couteau à quatre lames qu’il évoque dans un récitde Mvet : Okeng be nyaboro ( 1660 ). Okeng se traduit par “ couteau ”, tandis

Page 456: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

que Nyaboro, pourrait se traduire, d’après Galley, par “ adulte ” , dans le sens“ homme vrai, accompli ”, par opposition aux enfants, qui sont encore avec leurmère ( 1661 ). L’onzil serait donc le couteau qui marque le passage de l’enfant àl’homme adulte, généralement accompli par la circoncision. Par ailleurs, on peuteffectivement voir dans la cérémonie décrite par Perrois un caractère militaire, dansl’exercice qui consisterait à éprouver l’endurance et l’élan des futurs initiés.

Cette description convaincante inviterait donc à croire que l’onzil est uneadoption du musele par les Fang. Or, cette idée est contrariée par la présenced’onzil dans la région de l’Estuaire dès 1847, décrit par Méquet ( 1662 ), et versMédouneu où le rencontre Du Chaillu en 1856.

En fait, deux hypothèses sont possibles pour expliquer cette présence si loindes Kota qui sont installés vers Ndjolé et en amont dans les années 1850. Soitl’onzil est antérieur aumusele, il s’agirait donc d’une adoption par les Kota ; soit ils’agit bien d’une adoption du musele par les Fang, ce qu’indiquent Schwebisch etTholon, membres de la Mission de l’Ouest Africain ( 1663 ). Alors il faut en conclureque les Fang sont en contact depuis suffisamment longtemps avec les Kota pourfaire remonter vers le nord et l’ouest cette forme. Voici encore un argument enfaveur de la présence ancienne des Fang sur le territoire gabonais.

Quoi qu’il en soit de l’origine de ce couteau, son adoption réduit un peu plusl’image des relations inter-ethniques que décrivaient les premiers observateurs, oùseuls les guerres, les rapts, les vols étaient présents. Elle montre des échangesféconds dans la culture matérielle.

Sculpture

L’examen de la culture matérielle des Fang ne saurait être complet sans celuide la sculpture, art dans lequel les Fang ont été particulièrement remarqués, qu’ils’agisse d’aujourd’hui ou des premiers moments de la négrophilie, au début duXXème siècle. La douceur des formes, l’audace des lignes et l’expression d’unecertaine sérénité caractérisent la sculpture fang, résolument anthropomorphe,développée dans la statuaire et les masques ( 1664 ).

Page 457: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 113 : ’Tableau des styles fang’ (Perrois, 1992, p. 44).

La statuaire est liée au culte des ancêtres. Ce sont les statuettes en boisanthropomorphes, byeri, associées aux paniers reliquaires nsekh-byeri posés aufond des cases, et destinées à impressionner les non-initiés. On trouve parfois destêtes seules, d’une hauteur équivalente à celle des statuettes représentant le corpsentier. Depuis 1970, les byeri font l’objet d’une étude particulièrement approfondiede la part de Louis Perrois qui en a classés un très grand nombre, du Sud-Camerounaux rives de l’Ogooué, notant au passage que ces statuettes sont très rares chez lesvoisins bulu et bëti, plus au nord ( 1665 ).

Page 458: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

En 1976, Fernandez rejette l’idée d’une répartition géographique telle que ladéfini Perrois ( 1666 ). Il affirme que seule la région des Ntumu est le foyer primitifde diffusion des styles ( 1667 ). Les différents styles relèveraient de la pénétration desFang dans le territoire gabonais. Le style longiforme serait l’expression d’unesérénité due à la stabilité des villages dans la zone ntumu, tandis que le stylebréviforme exprimerait l’insécurité permanente et le repli sur soi, propres auxvillages en mouvement.

Une autre proposition de classement des statues émane de Mac Kesson ( 1668 ).Il synthétise les deux propositions précédentes et reprend une idée de Tessmannselon laquelle à l’origine n’existaient que les têtes seules, type qu’il attribue auxNtumu. Par la suite, le bâton-support qui la fixe au panier-reliquaire se seraitdéveloppé pour faire naître un buste puis un corps entier, la tête conservant lescaractéristiques si reconnaissable de l’art fang : front bombé, face en cœur, etc.

Quoique séduisantes, ces trois hypothèses ont chacune leur limite. Perroiss’appuie trop pesamment sur une répartition ethnique, qui a déjà montré sesdéfauts. L’hypothèse de Fernandez est tout aussi fragile : donner aux Ntumu laprééminence sur la statuaire fait écho à une idée assez largement répandue auGabon qui fait des Ntumu les Fang vrais, “ originels ”. On est en droit des’interroger sur les fondements et les perspectives (politiques?) d’une telle idée, etsur sa valeur quand on lit, par exemple, Tessmann, qui affirme que les Ntumu ne sedisent pas Fang. L’idée de Fernandez supprimerait dans le même temps les velléitésartistiques des autres clans fang, et au-delà, des sculpteurs eux-mêmes. Quant àl’idée d’une correspondance entre style et place dans la “ migration ”, elle necorrespond pas à la réalité du terrain. Perrois montre que les statues élancées,supposées exprimer la stabilité sont au nord, dans une frange au contact avec lesNgumba et les autres populations camerounaises, tandis que les formes ramasséessont au cœur de la région fang, dans le Woleu-Ntem. Quant à l’hypothèse de McKesson sur l’antériorité des têtes, elle souffre du fait que les bustes, supposésintermédiaires avec les statuettes, sont quasiment absents des collectionsoccidentales, d’où la limite de ses affirmations ( 1669 ). Par ailleurs, Perrois affirmeque l’essentiel des têtes est betsi et non ntumu et qu’elles ne sont pas une formearchaïque de la sculpture fang mais bien un thème à part entière ( 1670 ).

En réalité, la limite de ces trois hypothèses réside dans la vision des Fangqu’ont leurs auteurs, toujours obscurcie de vieux préjugés, de sorte qu’aucunn’envisage l’hypothèse des influences extérieures. Perrois est, à ce titre, le plusradical, reprenant à son compte l’idée d’une migration conquérante :

Page 459: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ [Les populations du Gabon qui partagent des styles artistiques] n’ont jamaisété véritablement en guerre, au contraire des Fang qui, eux, faisaient le vide devanteux par le massacre des hommes et l’assimilation des femmes. Dans ces conditionsun courant d’adoption des formes étrangères était pratiquement impossible. Lecaractère fier et orgueilleux des Fang, par rapport à toutes les autres ethnies duGabon, n’auraient pas facilité la chose non plus.

“ […] Ainsi le style fang s’est imposé par la force, en bloc, comme la tribu elle-même. Aucune compromission, aucune demi-mesure et surtout pas dans la tribuBetsi, la plus farouche de toutes. Les Fang se sont installés dans un pays vidé de seshommes et donc de ses institutions propres. Tout contact avec eux signifiaitl’anéantissement pur et simple. Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, surtoutdans les styles des Fang du Sud, de constater à la fois la pureté des formes fang etcelles des voisins. Un no-man’s land artistique (le pays maké) est à cet égard trèssignificatif ”. ( 1671 )

Ses arguments tombent devant la réalité de l’histoire coloniale des Fang :nécessité d’une collaboration économique avec les ethnies voisines, intérêt pourleurs formes comme le montre l’adoption des coiffures mpongwe oudes musele kota par exemple. On ne voit donc pas comment la sculpture seraitépargnée par les influences extérieures, d’autant plus que les rites fang auxquelssont associés les statues sont très proches de ceux pratiqués par les ethniesgabonaises dans leur écrasante majorité. Reste cependant à expliquer l’écart entreles styles de statuettes. Si l’on devait suivre Fernandez dans une association entrestyle et expression, on serait tenté de requalifier le style longiforme en stylenaturaliste, et le style bréviforme en style géométrique confinant à l’abstraction.Car, le point de vue plastique est plus fécond. La géométrisation du corps n’est passans rappeler les reliquaires du groupe kota et des groupes apparentés. On peutainsi supposer que les sculpteurs fang ont été bel et bien influencés par des stylesméridionaux.

Cette géométrisation des formes, qui est à l’origine du succès de l’art fang enOccident, se caractérise par une économie de moyens et de lignes. Elles réduisentles membres à des cylindres plus ou moins coniques, le visage à un cœur, les doigtsà des sillons… Dès lors, les moindres volumes développent une puissance et uneforce d’expression rares.

La même remarque vaut pour les masques, autant qu’on puisse en juger car cesderniers sont très rares. Très peu ont été collectés. Binet les a étudiés à travers lesdanses. Il note que les masques revêtent un caractère de “ divertissement, sans que

Page 460: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

l’on perçoive à travers eux des mythes ou des rites plus profonds ”. Aussi, doute-t-il de l’usage de masques chez les Fang anciens :

“ Le nombre même des danses de masque qui sont citées fait naître la suspicion.Si elles étaient sérieuses, rituelles, pourraient-elles être aussi nombreuses ? Pour lesseules régions de l’Estuaire et du Woleu Ntem, un vieillard en cite une dizaine :Mvolë, Sibogue mekoum, Awure, Ngome, Ekëkëk ou Nkëgëkëgële, Biban boNdon, Mboge, Ango Meloc, Mone Angoya, Nzue Biyane, Ngon Ntan. L’absencede perspective métaphysique n’est pas étonnante […]. Il s’agit simplement dedivertissements nouveaux ”( 1672 ).

Trois masques se distinguent cependant : Ekëkëk, Ngontan et Ngi. Ekëkëk estun masque heaume destiné à effrayer l’assemblée par ses traits, à la manière d’uncroque-mitaine. Deux origines lui sont attribuées. Pour Binet, il s’agirait d’unpersonnage légendaire fort méchant dont les traits grossiers sont fidèlementreproduits. Pour Perrois, il s’agirait d’une forme nouvelle du masque Ngi autrefoisinterdit ( 1673 ). Ngontan est également un masque heaume à trois ou quatre faces.Panyella en a vu à deux faces en Guinée Equatoriale ( 1674 ). Binet, qui n’exclut pasqu’il s’agisse d’un emprunt aux Nigérians, note avec certitude que les visagesreprésentés sont européens et non africains ( 1675 ). Pour Perrois, Ngontan est uneforme empruntée aux Mpongwe et introduite chez les Fang, par la GuinéeEquatoriale, tardivement, entre 1930 et 1940 ( 1676 ). Il s’inscrirait dans une parentéavec les masques blancs des Myene.

Le masque Ngi est de loin le masque le plus original, mais aussi le plus rare. Ilest associé à un rite très secret, dont les dérives ont conduit l’administrationcoloniale à l’interdire officiellement vers 1910 ( 1677 ). Il a subsisté jusque vers 1950dans les villages reculés du Woleu-Ntem, sous une forme discrète, appauvrie etdénaturée ( 1678 ). Il semble qu’à l’origine, il servait un but militaire de réparationdes défaillances des guerriers en les “ réincorporant ” au village. Par la suite, il s’esttransformé en “ tribunal religieux ”, servant à démasquer les fauteurs de troubles,sorciers, jeteurs de sort et autres esprits malfaisants qui portaient atteinte àl’équilibre social. Il aurait ensuite évolué vers une “ secte de juges-sorciers ”,assoiffés de richesses qui portaient leur clémence à des degrés prohibitifs derétributions matérielles et instauraient un respect totalitaire ( 1679 ). D’après Perrois,la destination et, sans doute, la forme des masques Ngi découlent du masque Nguel,sculpté dans une longue planche de bois, portant un nez démesurément allongé,dont certains auraient dépassé un mètre. Malheureusement, aucunmasque Nguel n’a pu être ni publié, ni identifié.

Page 461: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 114 : Masque Ngi MH 65 104 1 (Photothèque Musée de l’Homme).

Le catalogue des masques Ngi est lui-même très limité, une douzaine. Parailleurs, leur authenticité et leur usage ne sont jamais totalement assurés. Si l’on seréfère aux notices qui accompagnent les objets, il est toutefois possible d’en noterune évolution. Il partirait d’un long masque planche, divisé en deux champschromatiques, noirs et rouges, de part et d’autre d’une ligne médiane blanchie.Cette vision du visage à deux dimensions n’est pas sans évoquer les reliquaires kotani les longs masques duma. La troisième dimension apparaîtrait peu à peu, enmême temps que la sécheresse des premières lignes laisserait la place à des formes

Page 462: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

plus douces, la bouche s’avançant en prognatisme prononcé et la forme évoluantvers des contours moins élancés. Ce serait, ensuite, un retour à des formes pluslongues où les nez fins et longs, les moustaches, marqueraient l’apparition dethèmes européens.

Plus que l’évolution, c’est la diversité des formes, des partis pris artistiques,que montrent ces masques, traduction formelle d’une sensibilité évidente auxinfluences extérieures ( 1680 ).

Mais l’examen de la sculpture fang n’est pas complet. Reste, par exemple, àsavoir pourquoi la sculpture fang est-elle résolument anthropomorphe. Perrois atenté l’explication de l’anthropocentrisme, sans grande conviction. Elle se heurteaux explications de Tessmann sur les motifs décoratifs des maisons, par exemple,qui montreraient des varans et autres animaux bénéfiques.

Quoiqu’il en soit, l’examen des éléments de la culture matérielle les plusabordables montrent clairement les influences qu’ont subi les Fang, que ce soit dufait de l’environnement, à l’exemple du mobilier, ou des contagions extérieurespour les arts plastiques. Il apparaît aussi qu’ils ont développé oou entretenucertaines originalités, leurs armes en particulier, dont la diffusion aux groupesvoisins reste à préciser.

Le travail doit donc être complété par d’autres éléments qui viendront ou nonappuyer ces originalités, la parure, la coiffure, les soins au corps, les tatouages, quinécessiteraient, à eux seuls, des études entières.

Page 463: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Conclusion

Aujourd’hui, la douzaine de masques ngi authentiques sont reproduitsgrossièrement par des artisans ouest-africains et rapidement recouverts de peinturevinylique pour être vendus, à côté des onzil modernes découpés dans des fûtsmétalliques, aux touristes impressionnés par la visite des sous-sols fumigés desvillages artisanaux africains. Les quelques byeri qui ont échappé, au début dusiècle, au feu des missionnaires se retrouvent enfermés dans les réserves desmusées occidentaux, tandis que les musées africains, quand ils ne sont pas pillés,sont trop pauvres pour conserver leurs maigres collections dans des conditionssatisfaisantes.

Une certaine évolution se fait cependant sentir, à différents niveaux deresponsabilité, notamment dans le cadre de coopérations internationales, quant à lanécessité de sauvegarder un patrimoine en péril. C’est dans ce cadre quel’UNESCO classe chaque année des sites africains, le Tombeau des Askia au Malien 2004, et dirige, à la demande des gouvernements italien et éthiopien, la missionde restitution de l’Obélisque d’Axoum exposé à Rome depuis 1937.

A l’échelle du sous-continent équatorial, un programme ambitieux a vu le jouravec le Centre International des Civilisation Bantou (CICIBA). De conférences enpublications, il permet de réunir, au-delà des frontières, les milieux scientifiques etintellectuels autour d’une volonté commune, clairement affichée d’entretenir unpanafricanisme, trente ans après les indépendances. Mais la volonté politique etsurtout des moyens financiers retardent le programme des recherches.

En attendant que la situation s’améliore, le Gabon continue d’œuvrer pour larecherche en se dotant de structures plus modestes, mais aussi plus souples, àl’image du Laboratoire Universitaire de la Tradition Orale de Libreville. L’utilitéde telles structures n’est pas à démontrer, tant il est évident que toutes lescontributions, quelles que soient leurs moyens, sont absolument indispensables etcomplémentaires.

Le travail sur l’histoire des Fang, s’inscrit dans cet esprit. Il s’agissait, àl’échelle d’une thèse, d’alimenter la réflexion sur un sujet qui a suscité de grandespassions par ailleurs toujours actives. Aussi, les conclusions qu’on peut y porter nesont que temporaires et attendent la confrontation avec les études à venir.

Page 464: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

La méthode appliquée : recherche sur l’histoire coloniale des Fang, puis sur leurhistoire ancienne, dépouillement des archives coloniales dans un cadre, une visionet une période plus larges, développé sous la forme d’une chronique, démontage duprocessus qui a mythifié l’histoire des Fang, examen critique des travauxprécédents, et enfin utilisation de sources nouvelles permettent cependant d’avanceravec le poids de l’objectivité, un certain nombre de points et de redresser la plupart“ distorsions cognitives ” qui encombrent le sujet. De sort e qu’on dispose à présentd’une histoire des Fang globale, analysée à la fois dans le contexte de lacolonisation et dans la compréhension du groupe, de ses mécanismes sociaux,économiques et humains.

Il apparaît, en premier lieu, que les Fang n’ont pas été les envahisseursaccourant de l’Afrique Centrale qu’un siècle et demi de littérature a voulu montrer.Tout laisse croire, au contraire, que bien avant l’implantation française au Gabon,les Fang participent à l’économie de la côte qui expédie notamment l’ivoire et lesesclaves, contre des pacotilles. Leurs dispositions cynégétiques et leur collaborationavec les Pygmées y ont fortement contribué. Jusqu’en 1839, ils sont empêchés des’avancer vers la côte et les points de commerce par le réseau économiqueétroitement et jalousement réparti entre intermédiaire, des Mpongwe littoraux auxKele de l’intérieur. Le système, apparenté par les Occidentaux à une répartitionethnique, ne leur interdit cependant pas quelques alliances, avec les Sekenotamment, chez qui ils viennent exploiter le sel.

La création du comptoir français modifie considérablement l’environnementéconomique en créant une demande de plus en plus forte en produits d’exportation.Les relations traditionnelles sont bouleversées dans une période douloureuse,d’aspiration, d’exaspération et de résignation entre les différents acteurs, lesOccidentaux, les Gabonais, et les Fang autour d’une même ambition commerciale.La même dramaturgie se produit d’abord dans l’Estuaire autour du comptoir, dansl’Ogooué et à la Côte Nord.

Dans l’Estuaire, la volonté des autorités de mettre en valeur un colonie difficile,au climat éprouvant et aux moyens humains, financiers et matériels insuffisants, enmême temps que le désir d’éliminer les freins au commerce que représentent lescourtiers, conduisent à une politique favorable aux populations de l’intérieur quesont alors les Fang. Leur installation progressive dans les rivières et autourde Libreville n’est qu’une suite de tensions, de brigandages dont ils sont autantvictimes que protagonistes.

Dans l’Ogooué, avec une vingtaine d’années de décalage, le même scénario seproduit. Les explorations successives, les missions de Brazza et les mesures qu’ilprend unilatéralement pour garantir le succès de son entreprise, destabilisentcomplètement l’équilibre traditionnel. Elles ne font qu’accélérer le processusd’approche des Fang sur les rives et alourdissent de manière détestable les tensions

Page 465: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

entre riverains. Même le Fernan Vaz et le Rembo Nkomi pourtant en marge,connaissent, dès l’installation des premières factoreries, des troubles incessants.

Longtemps épargnée du fait du contentieux franco-espagnol, la Côte Nordconnaît, à partir des années 1880 un déroulement semblable, entre installation desfactoreries, visite des missionnaires, conflits entre courtiers et producteurs etapparition des premiers villages fang vers la côte.

Ainsi, entre les années 1840 où ils apparaissent dans le Komo aux années 1920,marquées par la terrible famine du Woleu-Ntem, les Fang traversent quatre-vingtsans d’incompréhension, de tension, d’insécurité, de crainte, de conflits et derépressions de plus en plus meurtrières, souvent furieuses menés par quelque Félix,Vittu de Kerraoul ou Veistroffer, avant qu’un système économique et administratif,quoique très imparfait, permette enfin de stabiliser la situation. Comment croireencore que les Fang fussent résistants, alors que tout au long de la périodecoloniale, dépourvus de moyens de lutte, n’usant même pas de ceux qu’ilspossédent (pour quelques miliciens blessés, combien de villageois tués), ilscontinuent d’avancer vers les Blancs, réclamant de participer au commerce.

En considérant que les Fang n’étaient pas les conquérants massacreurs et qu’ilsétaient simplement animés des mêmes intentions commerciales que les différentesethnies gabonaises, il devient évident que leur histoire ancienne ne les conduit pas àtravers l’Afrique, des rives du Nil aux rives de l’Ogooué. De même, la relecture deBowdich et la vitalité des populations de la région nord, permettent de penser queles Fang sont, avant la période coloniale, dispersés dans entre Ogooué, Monts deCristal, Woleu-Ntem et Ivindo.

Ces nouveaux éléments pourront rencontrer la désapprobation auprès de ceuxqui se ravissent de la réputation “ romantique ” de quelques ethnies africaines, et secomplaisent à l’entretenir. On en connaît les funestes conséquences. Il leur faudrareconnaître que les deux explorateurs qui ont le plus marqué l’histoire du Gabonn’aient pas été lus sur ce sujet. Du Chaillu d’abord, certainement l’explorateur leplus critiqué, en témoigne implicitement dès 1856, lorsqu’il décrit les Fang dans lesMonts de Cristal. Ensuite Brazza, lui-même, quand il évoque la misère des Fangface à la richesse arrogante des Kande. De simples considérations matérielles, ledésir de richesse, des contraintes sociales, ont conduit les Fang, à sortir del’intérieur, sur une période si longue qu’elle écarte toute idée d’invasion.

Il faut aussi rendre à Laburthe-Tolra d’avoir proposé le premier de distinguerles Beti des Fang, en éclatant le “ Groupe dit Pahouin ”, d’Alexandre et Binet,construction aussi artificielle qu’imposante. De même, la reconnaissance des clansen tant qu’unité de base de la recherche montre les limites d’un travail depuis larépartition des Fang en sous-groupes Betsi, Ntumu, Okak, Mvai, Make et Nzaman.

Page 466: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Elle évite de nombreuses et vaines discussions, sur la parenté Fang-Shiwa parexemple.

On pourrait d’ailleurs pousser la réflexion jusqu’à son point ultime en cherchantà définir avec précision et une fois pour toute le groupe fang. La question peutparaître iconoclaste, mais l’abus dont le terme a fait l’objet a largement altéré salégitimité. Car si on ne peut s’interroger sur une réelle unité culturelle et laprésence dans les généalogies d’ancêtres communs, on ne peut oublier le fait queles individus du groupe qui nous concerne ne se sont jamais appelés eux-mêmesFang.

Sans doute trouvera-t-on prochainement des nouveaux terrains de recherchepour compléter l’étude. Certains thèmes méritent en effet d’être approfondis,comme leur culture de la chasse, leur faculté d’adaptation, les ramificationsclaniques avec les groupes camerounais, équato-guinéens ou congolais. Ilsnécessitent aussi d’établir des comparaisons avec la culture des ethnies de l’Est-Cameroun, Nord-Congo et Centrafrique. En approfondissant la connaissance desethnies voisines, et en élargissant à l’histoire du sous-continent, sans doute pourra-t-on alors remonter plus haut dans l’histoire ancienne, vérifier quelques pistescomme le bassin de la Sangha, les rives de l’Oubangui, ou réduire quelqueshypothèses.

Quelques soient les formes et les disciplines choisies, il s’agit là d’unenécessité, car enrichir la réflexion de nouveaux arguments, discuter les méthodes etsouligner ses contradiction c’est également poursuivre la recherche, et c’est avanttout apporter une contribution modeste mais utile, à l’histoire de l’Afrique etparticiper à son échelle, avec ses moyens, à la sauvegarde de son patrimoine.

Sources

1 Archives d’Outre-Mer - Centre d’Aix-en-Provence

D’après les Soucres de l’histoire de l’Afrique au Sud du Sahara dans lesArchives et les bibliothèques françaises, t. I, Archives, Zug, XIX, Publication duConseil International des Archives, 1971 ;

Page 467: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Et Les Archives Nationales, Etat général des fonds, t. III, Marine et Outre-Mer,Paris, Archives Nationales, 1980.

A. Fonds du ministère des Colonies

Série Missions

Séries géographiques

1. Afrique

I, Traités.

2. Sénégal et dépendances

II - 1 à 5 : Mémoires et notices sur le Sénégal 1814-1888 ; dossier 3, RapportMéquet ;

III - 1 à 17 : Missions d’exploration et missions scientifiques 1816-1901 ;dossiers 5b, 7 ;

IV - 1 à 40 : Expansion territoriale et politique indigène

- dossiers 15 à 19 : Postes sur le fleuve Sénégal 1816-1854 ; dossier 19 ;

- dossiers 29 à 32 : Comptoirs fortifiés : établissements, correspondances,paiement des coutumes 1839-1854 ; dossier 29a, 30b ;

- dossiers 33 à 40 :, comptoirs fortifiés, Grand-Bassam, 1843-1854, Assinie,1843-1870, Gabon, 1838-1854 ; dossiers 37a, 38, 39, 39d, 40 ;

VI - 1 à 33 : Affaires diplomatiques. Relations avec les puissances étrangères :incidents de frontière, conflits, délimitations de territoire, rapports commerciaux etdouanes 1816-1906 ;

Page 468: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

XIII - 1 à 77 : Agriculture, commerce, industrie. Commission commerciale de1850 : organisation, procès verbaux, rapports. Chambre de commerce : décretsconstitutifs ; élections ; procès-verbaux, 1859-1895. Commerce régional. Traite dela gomme. Culture du coton. Dossiers agricoles particuliers. Pêche. Mines deBambouk. Navigation : navires, naufrages ; dossiers 13b, 15a ;

XV - 1 à 35 : Entreprises particulières. Entreprises agricoles, commerciales etindustrielles ; demandes et attributions de concessions 1814-1914 ; dossier 7,Dossier Lecour.

3. Gorée et dépendances

IV - 1 à 3 : Expansion territoriale et politique indigène 1854-1859 ; dossier 3,Gabon (1854-1859).

4. Gabon-Congo

I – 1 à 65 : Correspondance générale (1838 - 1902).

1 à 19 : Correspondance échangée entre le Commandant de la Division Navaleet le Ministère 1859 - 1886 ;

20 et 21 : Correspondance échangée entre le Commandant du Comptoir duGabon et le Ministère 1880 – 1883 ;

22 à 28 : Correspondance échangée entre le Ministère et les commandants desétablissements du Golfe de Guinée, 1884-1886 ; des établissements de la Côte d’Or1885-1886 ; des établissements du Bénin 1884 -1886 ;

29 à 34 : Correspondance échangée entre le Ministère et le Lieutenant-Gouverneur du Gabon puis du Gabon-Congo 1886-1889 ; le Commissaire Généralau Congo 1886-1888 ;

35 à 59 : Correspondance échangée entre le Ministère et le CommissaireGénéral 1888-1900 ;

60 à 63b : Correspondance échangée entre le Ministère et le Commissair-Gouverneur du Haut-Oubangui 1895-1902 ;

64 et 65 : Correspondance échangée entre le Ministère et le CommissaireGénéral 1900-1908.

Page 469: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

II – 1 à 9 : Mémoires généraux, publications, cartographie, expositions 1860-1910, études et rapports économiques 1900-1908 ; dossiers 2 à 7.

III – 1 à 23 : Explorations et Missions. Voyages d’exploration le long de la côteoccidentale d’Afrique et remontée des fleuves : rapports des capitaines de vaisseau(Bénin, Côte d’Or, Gabon, Guinée, Niger). Missions d’explorations et missionsscientifiques. Mission de délimitation du Congo-Cameroun 1859-1912 ; dossiers 1à 7, 13, 19, 22.

IV – 1 à 20 : Expansion territoriale et politique indigène. Occupation des posteset territoires, traités avec les princes indigènes, droits de souveraineté et protectoratde la France, 1863-1910. Rapports des commandants de cercle 1902-1903 ;dossiers 6 à 20.

VI – 1 à 22 : Affaires diplomatiques. Relations avec les puissances étrangères :litiges, délimitation des territoires et incidents de frontières, douanes, commercedes armes 1842-1913 ; Espagne, dossier 6 -10.

VII – 1 à 15 : Administration générale. Evolution de l’organisationadministrative : décrets de 1859, protectorat à Porto-Novo, territoire de Cotonou,Côte d’Or, Gabon, Gabon-Congo, Oubangui, Chari, 1859-1901. Procès-verbaux duConseil privé puis du Conseil d’administration, 1883-1904. Elections au conseilsupérieur des colonies 1892-1904. Fonctionnement des services ; 1859-1905 ;dossier 4a, 8a

VIII – 1 à 8 : Justice, décrets portant réglementation de l’organisation judiciaire1869-1907. Etat-civil 1859-1910.

IX – 1 à 31 : Finances. Budget local 1859-1904. Impôts : patentes et licences.Douanes : législations et réglementation 1868-1892 ; perception ; rapportsgénéraux 1884-1893. Circulation monétaire 1859-1898. Projet de création d’unebanque du Congo et des colonies africaines 1899 ; dossier 9, 14b, 18a, 21.

XI – 1 à 22 : Police, hygiène et assistance. Police : organisation, expulsions,déportations. Rapatriements, passages. Services sanitaires : fonctionnement,personnel, rapports. Décoration 1859-1919 ; dossier 12.

XII – 1 à 29 : Travaux et Communications. Service des travaux publics :personnel, fonctionnement, rapports 1859-1898. Bâtiments publiques. Balisage duGabon, port de Libreville, port de Cap Lopez, chenal du Bas-Congo. Flotille duHaut-Oubangui 1894-1898 ; flotille du Congo 1899-1905. Chemin de fer du Niari-Kouilou, du Congo, de Mindouli-Brazzaville 1888-1900. Postes et télégraphes ;dossiers 19, 24.

Page 470: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

XIII – 1 à 24 : Agriculture, Commerce, Industrie. Agriculture : dossiersparticuliers. Commerce : rapports et mémoires, correspondance, relation avec lesmaisons de commerce étrangères. Mines : réglementation, mines de charbon etmines de cuivre. Armes et poudres. Navires naufragés ; dossiers 9, 12, 12C, 13b.

XIV – 1 à 3 : Travail et main d’œuvre. Généralité. Recrutement des Kroumen.Immigration étrangère 1860-1910 ; dossier 1.

XIX – 1 à 4 : Contrôle et inspections 1862-1901. Commission d’enquête duCongo : rapports, procès-verbaux, rapport du Président 1905-1907 ; dossier 4b,Commission d’enquête sur les exagérations de Gentil.

Papiers Brazza

16 PA

IV, dossier 4 1886 - 1898.

VI, dossier 1.

B. Fonds du Gouvernement général puis du haut-commissariat en A.E.F.

Sous-série 2B 1 à 147 : Correspondance ancienne (1848-1912) :

1 à 20 : Correspondance du Commandant du Gabon au Ministère et à divers1848-1890

1 : Arrivée 1848 1854

2 à 20 : Départ 1854-1890

Correspondance au départ dossiers 2 à 5 (1854-1875) ;

Correspondance du Commandant du Gabon et le Ministère, dossiers 6, 7(1880), 8, 11, 12 (XII 1882-VII 1884), 13 ; 20 : Cdt Gabon à Capitaine du Basilic

21 à 32 : Correspondance au départ du Commandant supérieur de la Côte d’Oret du Gabon 1859-1886

21 à 31 : au ministre 1859-1886 ;

Page 471: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

21 à 26 : dossiers administratifs 1859-1870 ;

27, 28 : Correspondance du commandant particulier par intérim, (1870-1876) ;

32 : Au Gouverneur du Sénégal et à divers 1862-1869 ;

33 à 146 : Correspondance du Commissaire Général dans le Congo Français1884-1912.

33 à 57 : au ministre 1886-1909, dossiers 33, 39, 40, 43, 45-47, 54, 55 ;

58 et 59 : au Commandant de la Marine au Gabon 1886 – 1910

60 à 64 : au Gouverneur du Gabon 1886-1910 ; dossiers 60, 63 ;

65 à 71 : au Gouverneur du Moyen Congo 1896 – 1910

71 à 77 : au Gouverneur de l’Oubangui-Chari 1896-1910

78 à 80 : au gouverneur du Tchad 1905 – 1908 ; dossier 78 ;

81 à 98 : Correspondance du Commissaire Génréal aux administrateurs, chefsde poste et de station, 1884 – 1906 ; 82-85, 92, 97, 98 ;

- 99 et 100 : au Commandant du détachement du Gabon-Moyen Congo 1905 –1908

- 101 à 115 : à des particuliers, des administrations étrangères au CongoFrançais 1887 – 1908 ; dossiers 103 à 107

- 116 à 118 : Correspondance confidentielle du Commissaire Général 1891 –1912

- 119 à 125 : Divers 1899 – 1904.

Sous-série 2D : Missions d’exploration, négociations internationales etdélimitations des frontières 1883-1943

1 à 38 : Missions d’exploration 1883-1930, missions de délimitation etd’exploration, 34 ;

Sous-série 3D 1 à 43 : Missions d’inspection des colonies 1905-1938

Page 472: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

1 : Brazza 1905 ;

Sous-série 4D : Rapports politiques des circonscriptions (par territoires) 1889-1940

1 à 4 Gabon.

Sous-série 5D 1 à 195 : Dossiers divers de la direction des Affaires politiques.Notamment sur la pénétration et la pacification des territoires, les frontières, lesrelations avec les colonies étrangères, l’organisation territoriale et administrative,les chefferies indigènes, la police et la sureté, la politique indigène, leravitaillement, les impôts, l’enseignement, la presse, les voyages officiels ou privés,les missions religieuses, etc. 1891 - 1940

13, 53, 61, 123, 222.

Sous-série 8Q : Compagnies et sociétés concessionnaires 1899 - 1920.

Sous-série 4Y 1 à 29 : Papiers Alfred Fourneau (1884-1914)

1 à 4 : Journaux-itinéraires de la mission Ouesso-Gabon décembre 1898-juin1899

5 à 7 : Mission Ouesso-Gabon : minutes autographes de la correspondance,rapports ethnologique et géologique 1898 – 1899

10 à 29 : Rapports et correspondances concernant les divers activités deFourneau an Afrique Equatoriale 1886 – 1912.

2 Documents imprimés

Page 473: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Journaux et périodiques

Bulletin du Comité de l’Afrique Française.

Bulletin Officiel Gabon Congo.

Bulletin officiel adminitratif du Gabon-Congo 1849-1892

Journal officiel du Gabon Congo 1887-1888

Journal Officiel du Congo Français.1888 à 1904

Journal Officiel du Congo Gabon 1904-1908

Journal Officiel du Congo Français 1909-1910

Journal Officiel de l’Afrique Equatorial Française 1910-1959.

La Quinzaine Coloniale.

Sources antérieures au XIXe siècle

Dapper O., Description de l’Afrique, Amsterdam, Wolgang, Waesberge, Boomet van Someren, 1686, p. 338, repris dans Objets interdits, Paris, Musée Dapper,1989.

Pigafetta F. - Lopez D., Description du Royaume du Congo et des contréesavoisinantes, Paris, Louvain, Dal, 1965 (1ère édition 1591).

Relations de voyage

Anonyme, “Visit of Messrs. Preston and Adams to the Pangwes”, MissionaryHerald, Boston, LII, 2, 1856.

Anonyme, ’Etablissement français de la Côte d’Or et du Gabon’, RevueMaritime et coloniale, t. IX, vol. 31, sept. 1863, pp. 44-65.

Page 474: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Anonyme, ’Mission de délimitation du Congo-Cameroun’, Bulletin de laSociété de Géographie de Lille, t. 34, 1900, p. 398.

Anonyme, ’Voyage de M. de Lamothe dans l’Ogooué et le Como’, Laquinzaine coloniale, 1898, p. 215-216.

Anonyme, “Informations sur le Voyage de M. de Brazza entre le Gabon et leCongo”, Journal officiel de la République Française, 3e année, n°106, 17 avril1881, p. 105, signé par la Société de Géographie.

Alis H., “ Au pays des M’fans. Voyage d’exploration de M. Paul Crampel dansle Nord du Congo Français, rédigé par M. Harry Alis, sur les notes originales de M.Paul Crampel. ”,Le Tour du Monde, 2e semestre 1890, Paris, Hachette, pp. 321 -336.

Avelot R. , ’Dans la boucle de l’Ogooué’, Bulletin de la Société de Géographiede Lille, t. 35-36, 1901, pp. 225-256.

Avelot R. , “ La rive nord de l’estuaire du Gabon ”, Bulletin du Comité del’Afrique française, Renseignements coloniaux, 1908, pp. 205-208.

Aymès, “ Résumé du voyage d’exploration de l’Ogooué entrepris parle Pionnier, en 1867 et 1868 ”, Bulletin de la Société de Géographie, juin 1869, pp.417-433.

Aymès, “Exploration de l’Ogoway”, Revue Maritime et Coloniale, 1870, t.XXVIII, pp. 525-561, t. XXIX, pp. 54-73.

Barbedor M. , “ Note sur la faune et la flore du Gabon ”, Bulletin de la sociétéde géographie, 1869, pp. 5-13.

Bert M. , “Note sur les tribus qui habitent le Gabon”, Bulletin de la Société deGéographie, t. V, mars 1863, pp. 185-188.

Bestion, Médecin de première classe de la Marine : “ Etude sur les eauxpotables du Gabon ”, Archives de Médecine Navale, octobre-novembre-décembre1881, repris dans Revue Maritime et Coloniale, 1883, t77, pp. 746-759.

Bouët E. , Carte des côtes occidentales d’Afrique dressée d’après lesdocuments les plus récens, Capitaine de Vaisseau, 1848, Archives Nationales deFrance, Département des cartes et plans, Paris.

Bouët E. , Description nautique des côtes de l’Afrique occidentale comprisesentre le Sénégal et l’Equateur, Paris 1849.

Page 475: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Bouet-Willaumez E., Commerce et traite des Noirs aux côtes occidentalesd’Afrique, Paris, Imprimerie Nationale, 1848, réédition Genève, Saltkine Reprints,1978.

Bowdich, T.-E. , Voyage dans le pays d’Aschantie ou Relation de l’ambassadeenvoyée dans ce royaume par les Anglais, Paris, Gide, 1819, 527 p., traduction del’édition originale, Londres, John Murray, 1819 ; Carte de 1821, publiéedans Mittheilungen aus Justus Perthes’ Geographischer Anstalt über WichtigeNeue Erforschungen auf Dem Gesammtgebiete der Geographie von Dr A.Petermann 1862, GOTHA JUSTUS PERTHES, Tafel 8, Die Gabün Länder.

Braouezec M. , “ Notes sur les peuplades riveraines du Gabon, de ses affluentset du fleuve Ogo-Uwai ”, Bulletin de la Société de Géographie, janvier-juin 1861,5° série, t. I, pp. 345-359.

Burton R. , “ A day amongst the Fans ”, Anthropological Review, n° 1,Londres, 1863, pp. 43-54.

Compiègne V. (Marquis de), L’Afrique Equatoriale, Paris, Plon 1876.

Compiègne V. (Marquis de), Marche A. : “ Voyage dans le Haut- Ogooué de laPointe Fétiche à la Rivière Ivindo ”, Bulletin de la Société de Géographie , sixièmesérie, tome VII, 1874, pp. 225-239.

Cottes A. , “ Les confins du Sud-Cameroun et du Congo français - conférencedu 18 octobre 1908”, Bulletin de la Société de Géographie de Lille, 1908, t. L, pp.275-276, t. LI, A297pp. 275-284.

Cottes A. , La Mission Cottes au Sud-Cameroun, (1905-1908), Paris, Leroux,1911.

Darricau B. , “Le Gabon”, Revue Coloniale, Novembre 1844, pp. 267-276.

Du Chaillu P. , L’Afrique sauvage, nouvelles excursions au pays des Ashangos,Paris, Michel Levy, 1868.

Du Chaillu P. , Voyages et aventures en Afrique équatoriale, Paris, MichelLevy, 1863

Du Chaillu P. “ Ethnologie de l’Afrique équatoriale occidentale ”, Annales desvoyages, 1868, tome 1, pp. 313-326.

Du Quilio, ’Rapport sur son expédition dans l’Ogooué en 1873’, RevueMaritime et Coloniale, vol. XLI, 2e trim. 1874, p. 5-26.

Page 476: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Dubroc M., “ Mission de délimitation franco-espagnole du Golfe deGuinée ”, Revue Coloniale, nouvelle série, n°11, mars-avril, 1903, pp. 576-599,n°13, juillet-août 1903, pp. 15-49.

Escande A., “ Notre établissement du Gabon en 1874 ”, Revue Maritime etColoniale, 1875, t. XLIV, pp. 802-808

Faidherbe L., “ Etablissements français sur les côtes d’Afrique. LeGabon. ”, L’illustration, 26 novembre 1853, Paris, pp. 347-348.

Fleuriot de Langle, “Croisière à la Côte d’Afrique, 1863”, Le Tour du Monde,Paris, Hachette, 1876, t. XXIII, p. 305-352 ; t. XXVI, p. 353-400 ; t. XXXI, pp.241-305.

Fourneau “ Rapport sur la mission Fourneau “, Revue coloniale, 1900.

Fourneau A., ’De l’Ogooué au Campo’, Bulletin de la Société de Géographie,1891, 7e série, t. XII, pp. 190-215.

Fourneau A., Au vieux Congo : notes de route, 1884-1891, Paris, Editions duComité de l’Afrique Française, 1932.

Fourneau L., “ De Libreville au Fleuve Congo par la Likouala-Mossaka”, Renseignements coloniaux et documents, n°1, janvier 1907, supplémentau Bulletin du Comité de l’Afrique française, Comité de l’Afrique Française etComité du Maroc, pp 3-11.

Froment E., ’Un voyage dans l’Oubangui’, Bulletin de la Société deGéographie de Lille, p. 180-216.

Griffon du Bellay M.-T., “Le Gabon, 1861-1864 ”, Le Tour du Monde, t. XII,2e semestre 1865, Paris, Hachette, pp. 273-320.

Griffon du Bellay M.-T., Serval P., ’Exploration du fleuve Ogo-Waï, côteoccidentale d’Afrique’, Revue Maritime et Coloniale, t. IX, 1863, pp. 66-89 ; pp.296-309.

Haug E., ’Le bas-Ogooué, notice géographique et ethnographique’, Annales deGéographie, Paris, Armand Colin, t. XII, 1903, p. 159-171.

Hedde M., “ Notes sur les populations du Gabon et de l’Ogoway, 1868-1869 ”, Bulletin de la Société de Géographie, Février 1874, pp. 193-198.

Kertanguy, ’Note sur les éléments qui ont servi à dresser la carte duGabon’, Bulletin de la Société de Géographie, 5e série, t. 17, 1869, pp. 434-444.

Page 477: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Kingsley M. , Travels in West Africa, Congo français, Corisco and Cameroons,Londres, Virago Press, 1897 ; réédité sous le titre : Une odyssée africaine, Paris,édition Phébus, traduit de l’anglais par Anne Hugon, 1992.

Lancrenon P., ’De la Sanga au Logone”, Bulletin du Comité de l’Afriquefrançaise, Renseignements coloniaux, 1908, pp. 18-28.

Lenz O., “Expédition dans l’Ogoway”, Revue Maritime et Coloniale, 1877, t.LIV, pp. 529-534.

Lestrille, ’Notes sur le comptoir du Gabon’, Revue Maritime et Coloniale, t.XVI, 1856.

Maistre C., A travers l’Afrique Centrale-Du Congo au Niger, Paris, Hachette,1895.

Marche - “ Voyage au Gabon et sur le fleuve Ogooué - 1875-1877 ”, Le Tourdu Monde, 1878, Paris, Hachette, pp. 369-416.

Marche A., “Notes sur le voyage à l’Ogooué - Communication adressée à laSociété de Géographie dans sa séance du 17 octobre 1877, Extraits du rapportenvoyé à M. le Ministre de l’Instruction publique”, Bulletin de la Société deGéographie, Octobre 1877, vol. XIV, pp. 393-404.

Méquet, ’Nouvelle excursion dans le haut de la rivière Gabon : novembre -décembre 1846’, Revue Coloniale, t. 13, 1847, pp. 55-70.

Mizon L., “Rapport de la tournée du “Marabout” du 9 décembre 1881 au 2janvier 1882”, Revue Maritime et Coloniale, 1883, p.382.

Mizon L., “Voyage de Paul Crampel au Nord du Congo Français”, Bulletin dela Société de Géographie, 7° série, t. X, Paris, 4e trimestre 1890, pp. 534-552.

Morgen (von) Curt : A travers le Cameroun du Sud au Nord, Voyages etexplorations dans l’arrière-pays de 1889 à 1891, traduction de P. Laburthe-Tolra,Paris, Publication de la Sorbonne, 1982, édition originale Durch Kamerunvon südnach nord, Leipzig, Brockhaus, 1893.

Ney N., Trois explorations dans l’ouest africain, conférences et lettres de P.Savorgnan de Brazza, P. Kivouvou Verlag - Editions bantoues, Brazzaville,Heidelberg, 1984, édition originale Paris, Dreyfous, 1887.

Périquet, Renseignements Coloniaux et Documents, 1913, supplémentau Bulletin du Comité de l’Afrique Française, juin1908, publiés par le Comité del’Afrique Française et le Comité du Maroc ; pp. 145-174.

Page 478: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Pigeard C., “Exploration du Gabon, effectuée en août et septembre1846”, Revue Coloniale, t. XI, Janvier-Avril 1847, pp. 263-395.

Pigeard C., “Notes sur le Gabon”, Revue Coloniale, 1855, pp. 245-265.

Poupard, “ Le cercle de la côte nord au Gabon “, Renseignements Coloniaux etDocuments, juin 1908, supplément au Bulletin du Comité de l’Afrique Française,juin1908, publiés par le Comité de l’Afrique Française et le Comité du Maroc.

Poupard, “ Le Fétichisme et la Barbarie Au Congo “, RenseignementsColoniaux et Documents, mars 1908 supplément au Bulletin du Comité de l’AfriqueFrançaise, mars 1908, publiés par le Comité de l’Afrique Française et le Comité duMaroc.

Roche J.-B., Au Pays des Pahouins, du Rio Mouny au Cameroun, Paris,Lavauzelle, 1904.

Roullet G., “ La rivière Como au Gabon et les populations riveraines ”, Annalesdes Voyages, t. IV, décembre 1866 ; pp. 273-282.

Roullet G., “ Les Pahouins, leur origine, leurs mœurs, leurscoutumes ”, Annales des Voyages, t. III, août 1867 ; pp. 145-155.

Savorgnan de Brazza P., “Nouvelles de l’expédition française surl’Ogooué”, Bulletin de la Société de Géographie, janvier 1877, t. XIII, vol. 6, pp.75-81, Lettre de M. Savorgnan de Brazza, Lopé, le 23 novembre 1876, extrait durapport Ballay.

Savorgnan de Brazza P. Au cœur de l’Afrique, vers la source des grandsfleuves, 1875-1877, Paris, Phébus, 1992, réédition des articles de Brazza parusdans Le Tour du Monde, 1887-1888, Paris, Hachette.

Savorgnan de Brazza P., ’Expédition sur les cours supérieurs de l’Ogooué, del’Alima et de la Licona’, Revue Maritime et Coloniale, mai 1879, pp. 245-270.

Savorgnan de Brazza P., ’Voyages d’exploration de M. Savorgnan de Brazza.Ogooué et Congo’, Revue Maritime et Coloniale, 1883, t. 76, p. 509-564 ; t. 77, p.175-207, pp. 670-691 ; t. 78, p. 379-415, pp. 591-602.

Savorgnan de Brazza P., “ Correspondances, nouvelles et faits géographiques.Expédition française de l’Ogöué. - Lettre de M. Savorgnan de Brazza, chef del’expédition à M. le Commandant Boitard, Commandant du Gabon (Communiqué àla Société dans sa séance du 17 Octobre 1877). Lettre daté du 10 mai 1877, Bulletinde la Société de Géographie, Octobre 1877, pp. 376-393.

Page 479: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Savorgnan de Brazza P., “ Expédition française de l’Ogooué ”, “ Lettre de M.Savorgnan de Brazza, chef de l’expédition à M. le Commandant Boitard,Commandant le Gabon - Doumé, le 10 mai 1877”, Bulletin de la Société deGéographie, octobre 1877, t. XIV, vol. 25, pp. 376-393.

Savorgnan de Brazza P., “ Nouvelles de l’expédition française sur l’Ogôoué,Afrique équatoriale - Lettre de M. Savorgnan de Brazza, Enseigne de Vaisseau,chef de l’expédition ”,Bulletin de la Société de Géographie, vol. XIII, t. 6, janvier1977, pp. 75-81.

Savorgnan de Brazza P., “ Nouvelles de M. de Brazza d’après une lettreadressée par l’Amiral Commandant la station française du Gabon, Au Ministre dela marine et communiquée à la société ”, Bulletin de la Société de Géographie, vol.XIII, t. 6, janvier 1977, pp. 81-83.

Schweinfurth G. , “ Au cœur de l’Afrique ”, Le Tour du Monde, Paris,Hachette, 1875, t. XXVIII, pp. 209 - 224.

Serval P. - A. , “ Description de la rivière Rhamboué, de ses affluents et de sescriques Assango, Rogolay ”, Bulletin de la Société de Géographie, 1865, pp. 218-225.

Serval P. - A. , “ Le Gabon ”, Revue maritime et coloniale, vol. III, 4e trim.1861, p. 401-404.

Tenaille d’Estais, “ Relation d’un voyage à pied du Remboë au lac Azhingo et àl’Ogooué (septembre 1882), Revue Maritime et Coloniale, août 1883, pp. 241-272.

Touchard F., “ Notice sur le Gabon ”, Revue maritime et coloniale, octobre1861, pp. 1 - 17.

Veistroffer A., Vingt ans dans la brousse africaine : souvenir d’un ancienmembre de la mission Savorgnan de Brazza dans l’ouest africain, 1883-1903, Lille,Mercure de Flandre, 1931.

Vignon, ’Le comptoir français du Gabon’, Nouvelles annales des voyages,décembre 1856, t. IV, vol. 152, pp. 281-302.

Walker R. , “ Mr Walker’s visit to the upper waters of the Gaboon ”, TheMissionary Herald, Boston, vol. XLV, avril 1849, n°4, pp. 120-123.

Walker R. B. N., “ Relation d’une tentative d’exploration en 1866 de la rivièrede l’Ogové et de la recherche d’un grand lac devant se trouver dans l’AfriqueCentrale ”, Annales des Voyages, 1870, t. I, p. 59-80 ; 120-144.

Page 480: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Wilson J. , “Mr. Wilson’s description of the country near the mouth of theGaboon”, The Missionary Herald, vol. XXXIX, juin 1843, n°6, pp. 229-240.

Bibliographie

A - Ouvrages généraux

Buffon (de) G., De l’homme, Paris, 1749, réédition Paris, M. Duchet, Maspero,1971.

Deniker, Races et peuples de la terre, Paris, Scheilcher, 1900.

Gobineau (de) A., Essai sur l’inégalité des races humaines, Paris, 1853-1855,réédition Paris, Belfond, 1967.

Homburger L., Le langage et les langues, Paris, Payot, 1951.

Leroi-Gourhan A., L’homme et la matière, Paris, Albin Michel, 1945.

Leroi-Gourhan A., Milieu et techniques, Paris, Albin Michel, 1951.

Leroi-Gourhan A., Poirier J., Ethnologie de l’Union Française, tome 1er,Afrique, P.U.F., 1953.

Roth R., Histoire de l’Archerie, Arc et Arbalète, Montpellier, Max Chaleil,1992.

Vallois H., Les Races Humaines Paris, 1944.

B - Etudes sur les Fang

Alexandre P., “ Proto-histoire du groupe beti-bulu-fang : essai de synthèseprovisoire ”, Cahiers d’études africaines, vol V., n°20, 1965, pp. 503-560.

Page 481: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Alexandre P. et Binet J., Le Groupe dit Pahouin, Paris, Presse Universitaire deFrance, 1958, VIII Monographies ethno-africaines.

Allégret E., “ Les idées religieuses des Fañ ”, Revue de l’histoire des religions,n° 50 Paris, 1904, pp. 214-233.

Alvarez H. R. , Leyendas y Mitos de Guinea, Madrid, Instituto de EstudiosAfricanos, 1951.

Ango J.-B., ’Le cannibalisme chez les Fang d’autrefois’, Liaison, Organe descercles culturels en A.E.F., Brazzaville, N°22, 1952, p. 29.

Aranzadi I., La adivinanza en la zona de los Ntumu, Madrid, Instituto deestudios africanos, 1962.

Aubame J.-M., Les Beti du Gabon et d’ailleurs, 2 tomes, Paris, L’Harmattan,2002.

Avelot R., “ Recherches sur l’histoire des migrations dans le bassin del’Ogooué et la région littorale adjacente ”, Bulletin de Géographie historique etdescriptive, vol. XX, n°3, 1905, pp. 357-412.

Avelot R., “ La musique chez les Pahouins, les Ba-Kalai, les Eshira, les Iveïa etles Ba-Vili ”, L’Anthropologie, t. XVI, 1905, pp. 287 - 291.

Avelot R., “ Le pays d’origine des Pahouins et des Ba-Kalai ”, Bulletin de laSociété d’Anthropologie de Paris, 5e série, 1909, pp. 5-7; 61-65.

Balandier G., “ Les Fan, conquérants en disponibilité ”, Tropiques, n°3/6,décembre 1949, pp. 23-26.

Balandier G., “ Problèmes économiques et problèmes politiques au niveau duvillage fang ”, Bulletin de l’institut d’études centrafricaines, 1950, n°1, nouvellesérie, pp. 49-64.

Balandier G., Pauvert J.-C., Les Villages Gabonais, Mémoire de l’Institutd’Etudes Centrafricaines, N°5, Brazzaville, 1952.

Balandier G., Sociologie actuelle de l’Afrique Noire, Paris, P.U.F. 1955, 4eédition, 1982.

Bekale P., “ Du mal ou de la sorcellerie noire, Méditations métaphysiques sur lapopulation gabonaise ”, Cahier d’Etudes Africaines, N°6, Vol. II, 2e cahier, Paris,1961, pp. 243-270.

Page 482: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Bennett A. - L., “ Ethnological notes on the Fang ”, The journal of theanthropological Institute of Great Britain and Ireland, t. XXIX, 1899, Londres, pp.66-98.

Binet J., Sociétés de danse chez les Fang du Gabon, Paris, ORSTOM, 1972.

Bôt Ba Njock H. - M., “ Prééminences sociales et système politico-religieuxdans la société traditionnelle Bulu et Fang ”, Journal de la Société des Africanistes,XXX, fasc. II, 1960, pp. 151-171.

Boyer P., Barricades mystérieuses et pièges à pensée, introduction à l’analysedes épopées fang, Paris, Société d’ethnologie, 1988.

Cadet X., “Les interdits”, en collaboration avec les étudiants de licenced’anthropologie, Document de base au séminaire sur les formes traditionnelles degestion des écosystèmes, document dactylographié, LUTO, UOB, 18-24 mai 1998,pp. 45-50.

Chamberlin C. , “ The Migration of the Fang into Central Gabon during theNineteenth Century : A new interpretation ”, International Journal of AfricanHistorical Studies, vol. 11, 3, 1978, pp. 429 - 456.

Cottes A., “ La sylve équatoriale et les anthropophages : Pahouins etPygmées ”, La Géographie, t. XVIII, juillet 1908, pp. 64-73.

Cureau A., Les sociétés primitives de l’Afrique équatoriale, Paris, Colin, 1912.

Dictionnaire des Sciences Anthropologiques, Paris, 1889, Article “ Fang “, p.472.

Dongo F. - X., ’Obane et Sono, ou les deux principales causes de la dispersiondes peuplades Ntumu-Okak’, Liaisons, Organe des cercles culturels en A.E.F.,Brazzaville, n°34, 1953, pp. 34-34.

Duvelle C. , Xylophones fang, Editions Prophet, Kora Sons, Philips, 2000.

Fernandez J. - W., “ Christian acculturation and fang witchcraft ”, Cahiersd’études africaines, 6, 1961, pp. 244-254.

Fernandez J. - W., “ Fang reliquary art : its quantities dans qualities ”, Cahierd’études africaines, 60, 1960, XV, n°4, pp. 723-746.A116

Franc L. , De l’origine des Pahouins, Paris, Maloine, 1905.

Galley S. , Dictionnaire Fang-Français, Français-Fang, Neuchâtel, Editions H.Messeiller, 1964.

Page 483: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Galley Y. G., ’L’organisation de l’espace agricole au Woleu-Ntem’, Muntu,n°3, 2e semestre 1985, pp. 41-68.

Grébert F., “ Art en voie de disparition au Gabon ”, Africa, Londres, 1934, pp.82-88.

Grébert F., Au Gabon, Paris, Société des missions évangéliques, 1922.

Grébert F., ’La famille pahouine en 1931’, Africa, II, Londres, 1932.

Jardin E., ’Ethnographie des Pahouins autrement appelés Oscheba, Fans ouFaous’, Bulletin de la société de géographie de Rochefort, 1883-1884, pp. 178-187.

Laburthe-Tolra P., Falgayrettes C., Fang, Paris, Editions Dapper, 1991.

Largeau V., Encyclopédie Pahouine, Paris, Leroux, 1901.

Lavignotte H., L’évur Croyance des Fan du Gabon, Paris, Société des Missionsévangéliques, 3e édition 1952, 1ère édition en 1936.

Leroux L. – C., “Etude sur le Ngil”, Bulletin de la Société de RecherchesCongolaises, t. 8, 1925, pp. 3-10.

Liotard M., “ Les Races de l’Ogooué, notes anthropologiques”, L’Anthropologie, vol. VI, B2171895, pp. 53-64.

Maignan, ’Etudes sur le pays pahouin’, Bulletin de la Société de RechercheCongolaise, 1931, n°14, p. 87-89.

Martrou L., “ Les Eki des Fang “, Anthropos, Münster, t. I, 1906, pp. 745-761.

Martrou L., “Le nomadisme des Fangs”, Revue de Géographie, nouvelle sérieIII, 1909, pp. 497-524.

Martrou L., ’La langue fang et ses dialectes’, Journal de la Société desAfricanistes, t. VI, fasc. II, Paris, 1936, p. 205-211.

Martrou L., ’L’âme fang après la mort’, Anthropos, Münster, t. VI, 1911.

Mba L., “ Essai de droit coutumier pahouin ”, Bulletin de la Société deRecherches Congolaises, n°25, 1938, pp. 5-47 ; “ Origine des coutumespahouines ”, ibid. , pp. 48-51.

Mba L., “ Origine des coutumes pahouines ”, Bulletin de la Société deRecherches Congolaises, juin 1938, n°25, réédité dans : L. Mba, Ecritsethnographiques, Libreville, Editions Raponda-Walker, 2002.

Page 484: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Mba L., Notes Ethnographiques, recueil de notes manuscrites, Libreville,Edition Raponda Walker, 2002.

Mbeng S., ’Elar Ayong chez les Fang du Gabon’, Liaisons, Organe des cerclesculturels en A.E.F., Brazzaville, n°15, 1951, pp. 15-16.

Mbot J.-E., “Quand l’esprit de la forêt s’appelait jachère”, L’esprit de la forêt,Terres du Gabon, Musée d’Aquitaine, Bordeaux, Paris, Somogy Editions d’art,1997 ; pp. 33-51.

Mbot J.-E., Ebughi Bifia, Démonter les expressions”, Mémoire de l’Institutd’Ethnologie - XIII, Paris, Musée de l’Homme, 1975.

Mc Kesson J., “ Réflexions sur l’évolution de la sculpture des reliquairesfang ”, Arts d’Afrique noire, Arnouville, n°63, Automne 1987, pp. 7-20.

Mve Ondo B., Sagesse et initiation à travers les contes, mythes et légendesfang, Libreville, Centre Culturel Français Saint Exupéry, Paris, Sépia, 1991.

Mvone-Obiang T., ’Obane et Sono’, Liaisons, Organe des cercles culturels enA.E.F., Brazzaville, n°38, 1953, pp. 12-13, 59-60.

Neu H., ’Origine des Pahouins’, Bulletin de la Société de Géographie, 5e série,1868, t. XV, pp. 87-98, 521-522.

Nguéma-Obam P., “De la justice et de la guerre chez les Fan, République duGabon,” Notes Africaines, Juillet 1967, pp. 95-97.

Nguéma-Obam P., Aspects de la religion fang, Paris, Karthala, 1983.

Panyella A., Esquema de Etnologia de los Fang ntumu, Madrid, Archivos delInstuto de Estudios Africanos, 1959.

Pedrals D.-P., “L’origine des Fang”, Tropiques, vol. 50, n°348, 1952, pp. 45-49.

Perrois L., Problèmes d’analyse de la sculpture traditionnelle du Gabon,O.R.S.T.O.M., 1980.

Perrois L., “ Aspects de la sculpture traditionnelle du Gabon “, Anthropos, vol.63-64, 1968-1969.

Perrois L., “ Notes sur une méthode d’analyse ethno-morphologique des artsafricains “, Cahiers d’Etudes Africaines, vol.6, VI e section, APHE, 1966, pp. 69-85.

Page 485: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Perrois L., Byeri Fang, Sculpture d’ancêtres en Afrique, éd. des MuséesNationaux, 1992.

Perrois L., Sierra Delage M., L’art Fang, Guinée Equatoriale, Paris, AuroreEditions d’Art, 1991.

Rodrigues G., “ La sculpture fang, Une perfection de l’art africain”, L’ Oeil,mars 1992.

Ropivia M., “L’âge des métaux chez les Fang anciens : relations avec l’Histoiregénérale et la chronologie absolue”, Le Mois en Afrique, vol. 20, N° 223-224, avril-septembre1984, pp. 152-163.

Ropivia M., “ Mvett et Bantuistique : La métallurgie du cuivre comme critèrede bantuité et son incidence sur les hypothèses migratoires connues ”, CICIBA,Libreville, 1-6 avril 1985,Colloque international sur les migrations, l’expansion etl’identité culturelle des peuples bantu.

Ropivia M., “ Les Fang dans les grands lacs et la vallée du Nil, Esquisse d’unegéographie historique à partir du Mvett “, Présence Africaine, n° 120, 4e trimestre1981, pp. 46-58.

Ropivia, M., “Migrations Bantu et tradition orale des Fang (Le Mvett) :interprétation critique”, Le Mois en Afrique, N° 211-212, août septembre 1983, pp.121-132.

Tessmann G., Die Pangwe, Berlin, Ernst Wasmuth, 1913, réédition Londres,Johnson Reprint Company 1972.

Trézenem E., “ Notes ethnographiques sur les tribus Fan du Moyen-Ogooué(Gabon)” , Journal de la Société des Africanistes , 1936, tome VI, pp. 66-93.

Trilles H., “Proverbes, légendes et contes fang”, Bulletin de la sociéténeuchâteloise de Géographie, t. XVI, Neuchâtel, 1905, pp. 49-295.

Trilles H., “ Un peuple du Congo Français : les Fang ”, Compte-renduanalytique de la conférence tenue le jeudi 25 octobre 1906 à Lille, Bulletin de laSociété de Géographie de Lille, Décembre 1906, pp. 360-370.

Trilles H., Chez les Fang ou quinze années de séjour au Congo français, Lille-Paris-Bruxelles, Desclée de Brouwer, 1912.

Trilles H., Le totémisme chez les Fang, Anthropos-Bibliothek, vol. I, n°4,Munster, 1912.

Page 486: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Tsira Ndong P., “Le rôle de la musique dans le Mvet”, Actes du séminaire deformation en ethnomusicologie, 14-30 avril 1988, Revue Gabonaise des Sciencesde l’Homme, N°1, décembre 1988, Publication de l’Université Omar Bongo,Libreville

Voltz M., “ Fan Ntumu ”, Revue Gabonaise des sciences de l’Homme, n°2,décembre 1990, Actes du séminaire des experts, Alphabet scientifique des Languesdu Gabon (20-24 Février 1989), LUTO, Université Omar Bongo.

C - Tradition orale fang

Abega S., Contes du sud du Cameroun, Paris, Karthala-UNESCO, 2002.

Assoumou Ndoutoume D., Du Mvett, Essai sur la dynastie Ekang Nna, Paris,L’Harmattan, 1986.

Assoumou Ndoutoume D., Du Mvett, L’Orage, Paris, L’Harmattan, 1993.

Awona S., “ La guerre d’Akoma Mba contre Abo Mama ”, Abbia, n° 9-10, pp.180-214, n° 12-13, pp. 109-210, Yaoundé, et “ La mythologie camerounaise duMvet. L’épopée Ntumu d’Akoma Mba ”, Bulletin du centre fédéral linguistique etculturel de Yaoundé, N° 1, septembre décembre 1965, p. 1-29.

Binam Bikoï C., Contes du pays des rivières, Paris, Conseil international de lalangue française, 1977.

Eno Belinga S. , Découverte des chante fables Beti Bulu Fang du Cameroun,Paris, Klincksieck, 1970.

Mallart L., ’L’arbre Oven’, dans Calame Griaule, Le thème de l’arbre dans lescontes négro-africains, Paris, Klinksieck, 1969.

Mfomo G., Au pays des initiés-Contes ewondo du Cameroun, Paris, Karthala,1982.

Mfomo G., Soirées au Village-Contes du Cameroun, Paris, Karthala, 1980.

Ndong Ndoutoume T., Le Mvett, épopée fang, Paris, Présence Africaine, 1970,réédité avec le concours de l’Agence de Coopération Culturelle et Technique, 1983

Page 487: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

; Le Mvett, Livre II, Paris, Présence Africaine, 1975 ; Le Mvett, L’homme, la mortet l’immortalité, Paris, L’Harmattan, 1993.

Ondua Engute, Dulu Bon Be Afiri Kara, Elat, Presse des missions protestantesd’Ebolowa, 1954.

Raponda Walker A., Contes Gabonais, Paris, Présence Africaine, 1967, rééditéen 1996.

Zue Nguéma, Un Mvet, Paris, Armand Colin, ORSTOM, Classiques africains,n°9, 1972.

D - Histoire coloniale

Anonyme, Les sociétés concessionnaires du Congo français depuis 1905, Paris,Grasset, 1909.

Anonyme, ’Création de la région du Woleu Ntem’, La quinzaine coloniale,1907, p. 330.

Anonyme, ’Recensement de la population du Gabon en 1906’, La quinzainecoloniale, 1907, p. 236-237.

Anonyme, “L’ouverture de l’Ogooué et du Congo au commerce, Conférence deM. de Brazza, le dimanche 22 octobre 1882”, Bulletin de la Société de Géographiede Lille, t. 1, 1882, p. 352.

Anonyme, “Monsieur de Rogosinski et l’influence allemande auKamerun”, Bulletin de la Société de Géographie de Lille, t11, 1889, p. 232.

Anonyme, “Opinion de M. Mizon sur le lac Liba”, Bulletin de la Société deGéographie de Lille, t. 6, 1886, p. 252.

Bouchaud J., La Côte du Cameroun dans l’histoire et la cartographie, desorigines à l’annexion allemande (1884), Yaoundé, 1952.

Boussenot G., ’Le système des concessions’, Bulletin de la Société deGéographie de Lille, 1910, pp. 126-128, reproduit d’après un article paru dans LeJournal Le Siècle, références inconnues.

Page 488: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Bréard C., ’La Guinée, le Congo et le commerce Français au XVIII esiècle’, Revue Maritime et Coloniale, 1883, pp 511 - 530.

Brisset, ’Le Cameroun’, Bulletin de la Société de Géographie de Lille, 1ersemestre 1920, vol. 20, pp. 30-60.

Broc N., Dictionnaire illustré des explorateurs français du XIX° siècle, Afrique,édition du Comité des travaux historiques et scientifiques, 1988.

Bruel G., La France Equatoriale Africaine, Paris, Larose, 1935.

Brunschwig H., ’Expéditions punitives au Gabon (1875-1877)’, Cahiersd’Etudes Africaines, 1962; vol. II; n°7, pp. 347-361.

Brunschwig H., ’La troque et la traite’, Cahiers d’Etudes Africaines, 1962; vol.II; n°7, pp. 339-346.

Brunschwig H., Brazza, l’explorateur, Paris, Mouton, 1966.

Brunschwig H., Les traités Makoko, Paris, Mouton, 1972.

Bucher H. Jr., “ Canonization by repetition : Paul Du Chaillu inhistoriography ”, Cahiers d’histoire d’outre-mer, t. LXVI, 1979, n° 242-243, pp.15-32.

Clercq (de), Recueil des traités de la France, IV-X, Paris, 1831-1872.

Coquery Vidrovitch C., Brazza et la prise de possession du Congo, 1883 -1885, Paris, Mouton, 1969.

Coquery Vidrovitch C., Le Congo au temps des grandes compagniesconcessionnaires, 1898 - 1900, Paris, La Haye, Mouton, Paris, 1972, réédité en2001, Editions de l’E.H.E.S.S.

Cuny C., “ De Libreville au Cameroun”, Bulletin de la Société de Géographie,2° sem. 1896, t. XVII, pp. 337-363.

Curault, ’Monographie du secteur de N’Djolé au Gabon’, Revue des TroupesColoniales, 1908, pp. 186-209.

Debrand, “ Etude sur le pays Koudou-Djouah ”, La Géographie, t. XXIV, 2esem. 1911, pp. 287 - 296.

Decorse J., “ Du Congo au Tchad par le Chari ”, Bulletin de la Société deGéographie Commerciale de Paris, vol. XXVI, 1904, pp. 349-362.

Page 489: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Denis M., Histoire militaire de l’Afrique équatoriale française, Paris,Imprimerie Nationale, 1931, p. 21.

Denisard, “ Le Congo français ”, Bulletin de la Société de Géographie deRochefort, XXVI, 1904, pp. 198-216 et 241-265.

Deschamps H., Quinze ans au Gabon, Paris, extrait de la Société Françaised’Histoire d’Outre-Mer, 1963 et 1965.

Gentil E., La chute de l’empire de Rabah, Paris, Hachette, 1902, p. 43.

Guérivière (de la) J., Exploration de l’Afrique Noire, Paris, Editions du Chêne-Hachette Livre, 2002.

Hanotaux G., Martineau A., Histoire des colonies françaises : AfriqueEquatoriale, t. IV, Paris, Plon, 1931.

Kalck P., Histoire de la République Centrafricaine, Paris, Berger-Levrault,collection Mondes d’Outre-Mer, 1974.

Kalck P., Histoire générale de la Centrafrique des origines à nos jours, Thèsede 3e cycle, Lettres et Sciences Humaines, Paris, 1970, service de reproductionLille III.

Kalck P., Un explorateur du centre de l’Afrique, Paul Crampel (1864-1891),Paris, L’Harmattan, 1993.

Ki Zerbo J., Histoire de l’Afrique Noire, Paris, Hatier, 1978.

Koren H., Les Spiritains, trois siècles d’histoire religieuse et missionnaires,traduction de l’édition originale par J. Bouchaud et A. Grach, Paris, Beauchesne,1982.

Labrunie G., Histoire de la colonie française du Gabon, manuscritdactylographié, date inconnue, conservé au C.A.O.M.

Lasserre G., Libreville et sa région, Cahiers de la fondation nationale dessciences politiques, n° 98, Paris, Armand Colin, 1958.

Mbokolo E., Noirs et Blancs en Afrique : les sociétés côtières et la pénétrationfrançaise (vers 1810-1874), Paris-La Haye, Mouton, 1981.

Merlet A., “ Et l’Ogooué appartint à tous ”, Mbolo, Revue international d’AirGabon, Paris, Berger-Levrault, n°27, décembre 1990.

Page 490: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Merlet A., Le pays des trois estuaires (1471-1900), Quatre siècles de relationsextérieures dans les estuaires du Muni, de la Mondah et du Gabon, Libreville,Centre Culturel Français Saint-Exupéry - Sépia, 1990.

Metegue N’Nah N., Economies et sociétés au Gabon dans la première moitiédu XIXe siècle, Paris, L’Harmattan, 1979.

Metegue N’Nah N., L’implantation coloniale au Gabon, résistance d’unpeuple, tome 1, Paris, l’Harmattan, 1981.

Meyer J., Tarrade J., Rey-Goldzeiguer A., Thobie J., Histoire de la FranceColoniale, Paris, Armand Colin, 1991

Meynier O., L’Afrique Noire, Paris, Flammarion, 1911.

Michel M., ’Les plantations allemandes du Mont Cameroun’, Revue Françaised’Histoire d’Outre-Mer, t. LVII, 1969, n°207, pp. 183-212.

Mveng E., Histoire du Cameroun, Paris, Présence Africaine, 1963.

Owona A., La naissance du Cameroun, Paris, L’Harmattan, 1996.

Patterson K. , The Northern Gabon Coast to 1875, Oxford, Clarendon Press,1975.

Rabut E., Brazza Commissaire Général, Paris, éditions de l’Ecole des HautesEtudes en Sciences Sociales, 1989.

Ratanga Atoz A., Histoire du Gabon des migrations historiques à laRépublique XV°-XX°s, Les Nouvelles Editions Africaines 1985.

Reynard R., “ Note sur l’activité économique des côtes du Gabon au début duXVIIe siècle ”, Bulletin de l’Institut d’Etudes Centrafricaines, n° 13-14, 1957, pp.49-54.

Reynard R., “Nouvelles recherches sur l’influence portugaise au Gabon”, Bulletin de l’Institut d’Etudes Centrafricaines, 1956, pp. 21 - 25.

Reynard R., “Recherches sur la présence des Portugais au Gabon XVe - XIXesiècles”, Bulletin de l’Institut d’Etudes Centrafricaines, nouvelle série, n°9, 1955,pp. 15 - 66.

Reynard R., Raponda-Walker A., ’Anglais, Espagnoles et Nord-Américaines auGabon’, Bulletin de l’Institut d’Etudes Centrafricaines, nouvelle série, n°12, 1956,pp. 253-279.

Page 491: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Rondet-Saint M., L’Afrique équatoriale française, Paris, Plon, 1911.

Rouget F., L’expansion coloniale au Congo Français, Paris, Larose, 1906.

Schnapper B., La politique et le commerce français dans le Golfe de Guinée de1838 à 1871, Paris, Mouton, 1961.

Tornezy O., “ Les travaux et les jours de la mission Sainte Marie du Gabon(1845-1880), agriculture et modernisation ”, Revue française d’Histoire d’Outre-Mer, t. LXXI, 1984, n°264-265, pp. 147-190.

Vaulx (de) B., Histoire des missions catholiques françaises, Les GrandesEtudes Historiques, Paris, Arthème Fayard, 1951.

E - Etudes sur le Gabon

Alihanga M., ’Discours inaugural du Séminaire de formation enethnomusicologie, Libreville, 14-30 avril 1988’, Revue Gabonaise des Sciences del’Homme, N°1, décembre 1988, Publication de l’Université Omar Bongo,Libreville, pp. 25-34.

Ambassade de la République Gabonaise en France, Le Gabon à l’horizon 1984,Paris, Editions Mpi, 1983.

Andersson E., Contribution à l’ethnographia des Kuta, Studio EthnographicaUpsaliensia, Upsala, 1953.

Angenot L., ’De l’existence en Afrique centrale d’un poison de flèchecurarisant, issu du Annaliestrychnos usambarensis Gild.’, extrait des Annalespharmaceutiques françaises, Paris, 1971, 29, n°5-6, pp. 353-364.

Avelot R., “ Notice historique sur les Ba-Kalè ”, L’Anthropologie, t. XXIV,1913, pp. 197-240.

Avelot R., “Ethnogénie des peuplades habitant le bassin de l’Ogooué”, Bulletinde la Société d’Anthropologie de Paris, V° série, VII, 1906, pp. 132-137.

Balandier G., Afrique Ambiguë, Paris, Plon, 1957, réédition Paris, PressesPocket, 1988.

Berton, “ Les races du Gabon. De Lastourville à Samba ”, Bulletin de la Sociétéd’Anthropologie de Paris, t. XVI, 1895, pp. 211-218.

Page 492: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Bosia M., “ Rapport sur les peuplades riveraines du fleuve Gabon et du fleuveOgo-Uwai ”, Bulletin de la Société d’Anthropologie de Paris, 1863, pp. 478-481.

Bouet C., “ Pour une géographie de l’habitat rural du Gabon ”, Cahiersd’Outre-Mer, n°130, 33e année, avril-juin 1980, pp. 123-144.

Clist B., Gabon : 100 000 ans d’histoire, Libreville, Centre Culturel FrançaisSaint-Exupéry, Sépia, 1995.

Collomb G., “ Quelques aspects techniques de la forge dans le bassin del’Ogooué (Gabon), Anthropos, vol. 76, 1981, pp. 50-66.

Collomb G., “ Métallurgie du cuivre et circulation des biens dans le Gabonprécolonial ”, Objets et monde, tome 18 fasc. 1-2, printemps-été 1978, pp. 59 - 68.

Delisle F., ’La fabrication du fer dans le Haut-Ogooué’, Revue d’Ethnographie,1885, vol. 3, pp. 465-475.

Deschamps H., Traditions orales et archives du Gabon, Paris, Berger-Levrault,1962.

Duval, “ Les nègres du Gabon “, Bulletin de la Société d’Anthropologie deParis, 1863, pp. 154-170.

Eckendorff J., “ Note sur les tribus des subdivisions de Makokou et deMékambo ”, Bulletin de l’Institut d’Etudes Centrafricaines, 1945, vol. 1, fasc. 1,pp. 87-95.

Gaulme F., Le Gabon et son ombre, Paris, Karthala, 1988.

Kwenzi Mikala J., “ Le Gabon ”, L’esprit de la forêt, Terres du Gabon, Muséed’Aquitaine, Bordeaux, Paris, Somogy Editions d’art, 1997.

Lisimba M., Les noms de villages dans la tradition gabonaise, Libreville,Editions Sépia, 1997.

Mampuya, Samba, Survivance et répression de la traite négrière du Gabon auCongo de 1840 à 1880, Paris, éditions La Bruyère, 1990.

Mangongo Nzambi A., “ La délimitation des frontières du Gabon (1885-1911), Cahier d’Etudes Africaines, 1969, vol. IX, 1er cahier, pp. 6-53.

Maunoir C., ’La première exploration de l’Ogooué’, Bulletin de la Société deGéographie de Paris, t. X, 1889, pp. 279-328.

Page 493: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Maupoil B., Origine du Gabon, manuscrit dactylographié, 1940-1941, conservéau Centre Culturel Français de Libreville.

Mayer R., “Inventaire et recension de 130 récits migratoires originaux duGabon”, Pholia, Université Louis Lumière, Lyon 2, N°4, 1989, pp. 171-216 ; et“Inventaire et recension de 145 récits migratoires originaux du Gabon”, RevueGabonaise des Sciences de l’Homme, N°3: La Parole et le sol, décembre 1993,Laboratoire Universitaire de la Tradition Orale, Université Omar Bongo, Libreville,Gabon.

Perrois L., Note sur quelques aspects de la circoncision Bakota (Gabon),ORSTOM, Centre de Libreville, Janvier 1967.

Perrois L., Art ancestral du Gabon dans les collections du Musée Barbier -Mueller, Genève, Musée Barbier - Mueller; Paris, Nathan, 1985.

Perrois L., Gabon, culture et technique, catalogue du musée des Arts etTraditions de Libreville, en collaboration avec B. Blankoff, F. Ekoga et P. Sallée,Paris, O.R.S.T.O.M. 1969.

Perrot E., ’Poisons de flèches et poisons d’épreuve’, Revue d’ethnographie etde sociologie, 1914, p. 131.

Pourtier R., Le Gabon, Paris, Karthala, 1985.

Raponda Walker A., R. Sillans R., Rites et croyances des peuples du Gabon,Paris, Présence Africaine, 1962, réédition Présence Africaine et Agence deCoopération Culturelle et Technique, 1983 ;

Raponda-Walker A., Dictionnaire Mpongwe-Français, Metz, 1934.

Raponda-Walker A., Notes d’Histoire du Gabon, Mémoire de l’Institutd’Etudes Centrafricaines, n°9, Brazzaville, 1960 ;

Raponda-Walker A., ’Dénominations astrales au Gabon’, Bulletin de la Sociétéde Recherches Congolaises, n°24, novembre 1937, pp. 191-209.

Raponda-Walker A., Souvenirs d’un nonagénaire, Versailles, Les classiquesafricains, 1993.

Saint-Aubin G. (de), La forêt du Gabon, Centre technique forestier tropical,Nogent-sur-Marne, 1963.

Sautter G., “ Les paysans noirs du Gabon septentrional. Essai sur le peuplementet l’habitat du Woleu-Ntem ”, Cahiers d’Outre-Mer, Bordeaux, vol. 4, n°14, 1951,p. 119-159.

Page 494: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Sautter G., De l’Atlantique au fleuve Congo : une géographie du sous-peuplement, République du Congo, République Gabonaise, Paris, Mouton, 1966.

Sautter G., ’Le cacao dans l’économie rurale du Woleu-Ntem’, Bulletin del’Institut d’Etudes Centrafricaines, Brazzaville, nouvelle série, n°1, pp. 7-24.

Schweitzer A., A l’orée de la forêt vierge, Paris, Albin Michel, 1952

Sillans R., Gollnhofer O. ’La vie religieuse’, L’esprit de la forêt, Terres duGabon, Musée d’Aquitaine, Bordeaux, Paris, Somogy Editions d’art, 1997 ; pp.191-202.

Weinstein B., Gabon, Nation building on the Ogooué, Cambridge, Mass., 1966.

F - Etudes sur l’AfriqueBalandier G., “ Les conditions sociologiques de l’art nègre ”, Présence

Africaine, 1960.

Balandier G., La vie quotidienne au Royaume du Congo du XVIe au XVIIIesiècle, Hachette, Paris, 1965.

Balfour H. , “ The origin of west african crossbows ”, Journal of the AfricanSociety, vol. VIII, n° XXXII, Juillet 1909 ; pp. 337-356.

Baumann H. et Westermann D., Les peuples et les civilisations del’Afrique, traduction, Paris, Payot, 1948.

Bertaut M., Le droit coutumier des Boulou, Domat-Moncchrestien, Paris, 1935.

Bruel G., “ Les populations de la Moyenne Sanga - Les Babinga ”, Revued’ethnographie et de sociologie, 19XX, pp. 111-125.

Bruel G., “ Les populations de la Moyenne Sanga, les Pomo et lesBoumali ”, Revue d’ethnographie et de sociologie, 1910, pp. 3-32.

Bruel G., L’Afrique Equatoriale Française, Paris, Larose, 1918.

Bruel G., “ Les basses vallées de l’Oubangui et de la Sangha ”, LaGéographie, mai 1909, p. 363.

Page 495: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Chapiseau F., Au pays de l’esclavage, Paris, Maisonneuve, 1900.

Chazelas V. Territoires africains sous Mandat de la France, Cameroun etTogo, Paris, Société d’éditions Géographiques, Maritimes et Coloniales, 1931.

Cheick Anta Diop, L’Afrique Noire Précoloniale, Paris, Présence Africaine,1960.

Cholet E., “ La Haute Sangha ”, Bulletin de la société de géographie, 2e sem.1896, t. XVII, pp. 188-211.

Cholet E., “ Les indigènes de la Sangha ”, Bulletin de la société de Géographiede Paris, 1890, pp. 460-463.

Dampierre E., Un ancien royaume bandia du Haut-Oubangui, Paris, Plon,1967.

Dapper O., Description de l’Afrique, Amsterdam, Wolgang, Waesberge, Boomet van Someren, 1686, p. 338, repris dans Objets interdits, Paris, Musée Dapper,1989.

Delafosse M., Les civilisations négro-africaines, Paris, Stock, 1925.

Delange J., Arts et peuples de l’Afrique Noire, Introduction à une analyse descréations plastiques, Paris, Gallimard, 1967.

Delhaize, Les Warega, Bruxelles, Institut international de bibliographie, Editionde Wit, 1909.

Dugast I. , Inventaire Ethnique du Sud Cameroun, Mémoires de l’I.F.A.N.,série “ Populations ”, N°1.

Dugast I. : Monographie de la tribu des Ndiki (Banen du Cameroun), Paris,Institut d’ethnologie, 1955.

Dybowski, ’Les couteaux de jet de l’Oubangui’, Bulletin de la Sociétéd’Anthropologie, Paris, t. 4, 4e série, n°8, 1893, pp. 97-100.

Einstein, C., La sculpture africaine, traduction de T. et R. Burgard, Documentsd’Art, Paris, éditions G. Crès et Cie, 1922, édition originale Negerplastik, Leipzig,Verlag der Weissen Bücher, 1915.

Eno Belinga S., Watanabe K., ’Folklore en Afrique d’aujourd’hui’, Actes duColloque, Budapest, 1-4 novembre 1982, Budapest, African Research Project(Department of Folklore - ELTE), 1984, pp. 445-487.

Page 496: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Essomba J.-M., Civilisation du fer et sociétés en Afrique Centrale : le cas duCameroun Méridional, Paris, L’Harmattan, 1992.

Faure, “ Contribution à l’étude des races de la région de Carnot ”, Bulletin de lasociété de recherches congolaises, 1928.

Gaud F., Van Overbergh C., Les Mandja, Collection de Monographiesethnographiques, Bruxelles, De Wit, Institut International de Bibliographie, 1911.

Gorog V., ’L’origine de l’inégalité des races, Etude de trente-sept contesafricains’, Cahiers d’Etudes Africaines, vol. VIII, 2e cahier, 1968, pp. 290-309.

Guthrie M. , The classification of Bantu languages, Londres, Oxford UniversityPress, 1948.

Hartmann R., Les peuples de l’Afrique, Bibliothèque scientifique, Paris,Librairie Germer, 1880.

Homburger L., Les langues négro-africaines et les peuples qui les parlent,Paris, Payot, 1941.

Koch H., Magie et chasse dans la forêt camerounaise, Paris, Berger-Lervrault,1968.

Laburthe-Tolra P., Initiations et sociétés secrètes chez les Beti du Cameroun,Paris, Karthala, 1985.

Laburthe-Tolra P., Le tombeau du soleil, Paris, Odile Jacob, Seuil, 1986.

Laburthe-Tolra P., Les seigneurs de la forêt, Paris, Publication de la Sorbonne,1981.

Laude J., Les arts de l’Afrique noire, Livre de Poche, 1966.

Liniger Goumaz M., Brève histoire de la Guinée Equatoriale, Paris,L’Harmattan, 1988.

Mallart-Guimera L., Médecine et pharmacopée evuzok, Nanterre, Laboratoired’ethnologie et de sociologie comparative, 1977.

Mallart-Guimera L., Ni dos, ni ventre, Nanterre, Laboratoire d’ethnologie et desociologie comparative, 1981.

Malte Brun, Précis de la Géographie Universelle, cinquième édition, Paris,Bureau des Publications Illustrées, 1845, tome 5, Asie Orientale et Afrique.

Page 497: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Meyer L., Objets Africains, Paris, Terrail, 1994.

Obenga T., ’Notes sur les connaissances astronomiques bantu’, Muntu, n°6, 1ersemestre 1987, pp. 64-78.

Olbrechts F., Les arts plastiques du Congo belge, Bruxelles, Erasme, 1959.

Pittard E., “ Les couteaux de jet de l’Afrique noire ”, Les musées de Genève,novembre 1944.

Poutrin, ’Contribution à l’étude des Pygmées d’Afrique’, L’Anthropologie, vol.XXI, 1910, pp. 434-504.

Powell-Cotton P. H. G. , “ Notes on Crossbows and Arrows from FrenchEquatorial Africa “, Man, janvier 1929, pp. 1 - 3.

Raponda Walker A., “ A propos des écorces à pagnes ”, Revue de botaniqueappliquée et d’agriculture tropicale, n°365-366, mars-avril 1953, pp. 174-180

ReclusE. , Nouvelle géographie universelle, t. X, l’Afrique septentrionale, Paris,Hachette, 1885.

Robineau C, “ Culture matérielle des Djem de Souanké “, Objets et Monde,t.VIII, fasc. 4, pp. 37-50.

Siroto L. , “ Njom : The Magical Bridge of the Beti and Bulu of SouthernCameroon ”, African Arts, vol. X, n°2, 1977, p. 38-51, 90-91.

Thomas E. , “The African Throwing Knive”, The Journal of the RoyalAnthropological Institute of Great Britain and Ireland‚vol. LV, janvier-juin 1925,pp. 129 - 143.

Toqué G., Essai sur le peuple et la langue Banda, Paris, Librairie africaine etcoloniale André, 1905.

Torday E., Joyce T.-A., Notes ethnographiques sur les peuples communémentappelés Bakuba, ainsi que sur les peuplades apparentées. Les Bushongo,Ethnographie, Anthropologie, Série III, Documents ethnographiques concernant lespopulations du Congo Belge, Tome II, Fascicule I, Bruxelles, 1910.

Trézenem E., Lembezat, L’Afrique Equatoriale Française Le Cameroun, Paris,Société d’Editions Géographiques, Maritimes et Coloniales, 1947.

Trilles H., “Les légendes des Bena Banioka et le folklore Bantou”, Anthropos,1909, vol IV, cahier 5/6, pp. 945-971 et 1910, vol. V, cahier 1, 1910, pp. 163-180.

Page 498: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Tronje von Hagen G., Lehrbuch der Bulu Sprache, Berlin, 1914.

Vergiat A.-M., Mœurs et coutumes des Mandjias, Paris, Payot, 1937.

Vincent J.-F., “ Dot et monnaie de fer chez les Bakwele et les Djem ”, Objets etMondes, III, 4, pp. 273-292, Paris, 1963.

Vincent J.-F., ’Morts, revenants et sorciers d’après les proverbes des Bëti duSud-Cameroun’, Cahiers d’Etudes Africaines, n°34, 1969, pp. 271-289.

Vogt E., Les poisons de flèches et les poisons d’épreuve des indigènes del’Afrique, Lons le Saunier, 1912.

Westerdijk P. , The African Throwing Knive, Utrecht, OMI, 1988.

Wistrand G. , African Axes, Studia Ethnographica Upsaliensa, XV, 1958.

Zirngibl M. A. , Rare African Short Weapons, Grafenan, Verlag Morsak,1983.

G - Divers

Cadet X., ’Lille, aventures et mésaventures de la collectionethnographique’, Revue Française d’Histoire d’Outre-Mer, t. 88, n°332-333, pp.55-76.

Cadet X., ’Un aspect méconnu du patrimoine muséographique lillois : le muséed’ethnographie Alphonse Moillet’, Revue du Nord, Université Lille 3, Villeneuved’Ascq, t. LXXXI, avril-juin 1999, n°330, pp. 305-327.

Guillaume P., Les écrits de Paul Guillaume, Neuchâtel, Ides et Calendes, LaBibliothèque des Arts, 1993.

Le Gallo C., “ Le P. T. Klaine ”, Le naturaliste canadien, vol. 77 ; 1950, pp.330-337.

Page 499: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Documents non imprimés

Inédits

Maupoil B., Origine du Gabon, manuscrit dactylographié, 1940-1941, conservéau Centre Culturel Français de Libreville.

Travaux universitaires

Amat et Cortadellas, Ngovayang II : Un village du sud Cameroun, Contributionà une étude de la santé en Afrique, E. P. H. E., VIe section, ronéo, Paris, 1972.

Augouard P., vingt-huit années au Congo, Correspondances, Poitiers, chezl’abbé Augouard, sans date.

Azombo S., Séquence et signification des cérémonies d’initiation So, Thèse deDoctorat d’Etat, Lettres et Sciences humaines, sous la direction de G. Balandier,Paris, Sorbonne, 1971.

Berre R., L’extension du pouvoir colonial français à l’intérieur du Gabon,1883-1914, Thèse de 3e cycle, Paris I, 1979.

Biffot L., Contribution à la connaissance et à la compréhension de populationsrurales du Nord-Est du Gabon, thèse de doctorat lettres et sciences humaines,Rennes, 1965, et Cenarest, Collection Sciences Humaines Gabonaises, 1977.

Bilongo B., Les pahouins du Sud-Cameroun : inventaires bibliographiques,Yaoundé, 1974.

Bizien G.-G., Notes sur les Pahouins du Haut-Gabon, thèse de doctorat demédecine, Bordeaux, 1920.

Bureau R., La religion d’Eboga, essai sur le bwiti fang, Thèse de doctorat,Paris V, 1972.

Cadet X., Aspects de l’art fang, les masques du rite Ngi, mémoire de maîtrise,Lille 3, 1995.

Page 500: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Cadet X., Les armes fang du musée d’histoire naturelle de Lille, mémoire deDEA, Histoire, Sociétés Cultures, Université de Lille 3, 1997.

Laburthe-Tolra P., Minlàaba. Histoire et société traditionnelle chez les Beti duSud-Cameroun, Thèse de Doctorat Lettres et Sciences Humaines, Paris V, 1977;Atelier de reproduction, Lille.

Mangongo Nzambi A., La pénétration française et l’organisationadministrative du Nord-Gabon, thèse de doctorat, E.P.H.E., VI section, Paris,Sorbonne, 1968.

Mba Ekome J., Le village Mindoumou, Mémoire de Licence d’histoire,Université Omar Bongo, Libreville, 1983.

Mbot J. - E., Esquisse d’une lecture anthropologique des écrits français sur lespeuples du Gabon de 1839 à 1952, Thèse de doctorat d’état, Anthropologie, ParisV, René Descartes, 1999.

Mbot J. - E., Nos pères mangeaient la lance, Mémoire de maîtrise, Paris,Sorbonne, 1972.

Meteghe N’Nah N., Le Gabon de 1854 à 1886, présence française et peuplesautochtones, thèse de doctorat 3e cycle, Sorbonne, Paris, 1974.

Meye M’Owono B., Ethno-histoire d’un groupe lignager : L’Ayong Nkodjeigndu Woleu Ntem, Rapport de licence d’histoire, Université Omar Bongo, Libreville,1985.

Mezui m’Ella C., La vie rurale au Woleu Ntem, thèse de doctorat 3e cycle,Bordeaux 3, 1980.

Minko M’Obame J.-F., La philosophie fang à travers la tradition orale, Thèsede doctorat, Lettres, Bordeaux 2, 1976.

Mouity Nzamba B., L’ Art Africain et la sémantique de la statuaire, thèse dedoctorat de philosophie, Lille, 1978.

Ndong B. , La marche des enfants d’Afiri Kara, Le mythe et ses différentsaspects dans la culture traditionnelle fang, Thèse de doctorat 3e cycle, Paris V°(Sorbonne), Anthropologie, sous la direction de M. le Professeur Zahan, Décembre1974

Ndong-Nkogo J. Melane et stratification sociale dans la société traditionnelleFang, Mémoire de Licence, UOB, Libreville, 1978.

Page 501: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Ndoume Assebe M., Emane Tole et la résistance à la conquête française dansle moyen Ogooué, Mémoire de maîtrise d’histoire, Directeur Yves Person,Université Paris I Panthéon Sorbonne, novembre 1973.

Nguéma - Mba M.-R., Droit traditionnel de la terre et développement ruralchez les Fang du Gabon, thèse de doctorat de 3e cycle, droit, Université Paris I,Panthéon-Sorbonne, 1972.

Nkolo F. , La naissance du monde selon le Mvet. Contribution à l’étude descosmogonies africaines, Thèse de doctorat de recherche, Université de Yaoundé,ronéo, 1985.

Ombolo J.-P. , Eléments de base pour une approche ethnologique et historiquedes Fang-Beti-Bulu, Université de Yaoundé, ronéo, 308 p., 1984.

Omvane Nkouele F. , Oyem, de ses origines à 1960, mémoire de maîtrised’histoire, Université Omar Bongo, Libreville, septembre 1986.

Perrois L. , La statuaire fan du Gabon, Thèse pour le doctorat d’ethnologie,Paris, Sorbonne, 1968, repris dans La statuaire fang. Gabon, Mémoire del’O.R.S.T.O.M., n°59, Paris, 1972.

Ratanga Atoz A. , Immigration des Pahouins au Gabon au XIX e siècle,Histoire de leurs relations avec l’administration et les tribus voisines , Mémoire del’Ecole Pratique des Hautes Etudes, dirigé par H. Brunschwig, Paris 1971

Ratanga Atoz A., Les Résistances gabonaises à l’impérialisme 1870-1914,Thèse de doctorat de 3e cycle, B113Paris I, Sorbonne, 1973.

Remondo M. , L’organisation administrative du Gabon de 1843 à nos jours,thèse de doctorat en Droit, Faculté de Droit et Sciences Economiques, Paris, 1970.

Sallée P. , L’arc et la harpe, contribution à l’histoire de la musique du Gabon,thèse de troisième cycle, université de Paris X-Nanterre, 1985.

IndexAbanga, 20, 92, 127, 148, 233, 255, 256, 292, 293, 295, 297, 298, 300, 301,

302, 310, 358, 417, 418, 428, 430, 497, 591

Page 502: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Achouka, 42, 132, 154, 155, 156, 159, 160, 161, 181, 182, 228, 247, 256, 296

Acuengo Voir Voir

Adamaoua, 234, 240, 252, 372, 379, 432, 445, 446, 448, 452

Adamawa Voir Adamaoua

Adanlinanlango, 110, 111, 112

Adanlinanlongo, 91, 95, 108, 114, 146, 151

Adjumba, 29, 40

Adolinanlongo, 128

Adoni, 39

Aduma Voir Duma

Afrique, 12, 16, 18, 23, 25, 26, 27, 29, 32, 33, 35, 36, 38, 41, 43, 45, 46, 47, 49,53, 54, 55, 56, 57, 58, 60, 62, 69, 72, 74, 77, 84, 89, 93, 96, 98, 101, 102, 104, 105,107, 108, 110, 113, 114, 115, 117, 118, 119, 124, 125, 133, 142, 148, 152, 153,157, 162, 163, 164, 170, 171, 176, 177, 200, 201, 226, 243, 246, 291, 292, 311,313, 314, 319, 320, 322, 323, 324, 325, 329, 330, 331, 336, 338, 339, 340, 341,344, 345, 347, 354, 355, 356, 357, 358, 366, 367, 369, 372, 374, 376, 380, 392,393, 397, 401, 402, 403, 407, 408, 409, 412, 421, 425, 430, 443, 444, 448, 451,467, 468, 469, 473, 475, 479, 480, 486, 489, 490, 491, 492, 495, 500, 504, 507,509, 511, 517, 573, 574, 577, 580, 583, 584, 593

Agounenzork, 295

Aguékaza, 25

Agulamba, 25

Aïna, 20, 223, 296, 310, 311, 362, 367, 466

Akembe, 233

Akin Moin, 169, 175

Akoafen, 223

Akondjo, 171, 187

Page 503: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Akra, 217

Alégouma, 90, 95, 151

Alexandre, 101, 330, 344, 359, 378, 384, 385, 387, 388, 389, 393, 399, 400,401, 402, 406, 413, 418, 437, 441, 445, 446, 454, 458, 462, 464, 482, 488, 491,492, 494, 496, 507

Alima, 139, 142, 152, 162, 163, 180, 183, 184, 195, 209, 266

Allemagne, 123, 166, 175, 184, 200, 201, 202, 221, 226, 235, 239, 244, 252,273, 282, 293, 312, 313, 314, 315

Allemands, 16

Allonia, 89

Amoral, 118

Anglais, 16, 24, 26, 32, 42, 52, 64, 70, 99, 104, 107, 162, 199, 260, 315, 325

Angleterre, 32, 35, 152, 163, 173, 184, 199, 315, 396

Angola, 26, 330

Angoum, 299, 305, 308, 432

Angra, 103

Animbba, 192

Annundjoko, 223

Antchoue Kowe Rapontchombo, 31, 38

apingi, 193, 227

Apingi, 128, 129, 159, 180, 205, 210, 287

Assengo, 20, 148, 358

Assiga, 25, 38

Assinie, 35, 69, 102

Association Internationale Africaine, 152, 181, 194, 201

Page 504: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Assynie, 33

Atakama, 190, 191, 192

Atlantique, 26, 64, 102, 105, 107, 108, 109, 110, 117, 118, 119, 122, 140, 152,155, 159, 196, 201, 348, 354, 377

Aubry-Lecomte, 40, 55, 56

Augouard, 149, 151, 162, 163

Avelot, 271, 362, 363, 364, 368, 369, 445, 498, 499, 500

Awouni, 200

Aymès, 93, 95, 104, 110, 150, 333, 334, 335, 336, 346, 349, 350, 392, 485, 567,573

Azingo, 19, 114, 127, 141, 148, 171, 172, 173, 197, 307, 418

Badjoué, 345, 385, 509

Baduka, 48

Bahr-el-Gazal, 364

baie de Nazaré, 19

Bakalais Voir Kele

Bakotas Voir Kota Voir Kota

Balandier, 380, 381, 382, 383, 384, 386, 393, 394, 396, 397, 398, 413, 417,419, 423, 425, 427, 431, 432, 450, 462, 484, 485, 486, 488

Balaniguy, 201

Ballay, 121, 125, 126, 134, 135, 137, 138, 153, 154, 155, 156, 157, 163, 164,166, 167, 171, 203, 204, 206, 207, 210, 211, 212, 213, 214, 215, 216, 217, 218,219, 220, 221, 222, 226

Bamenda, 315

Banda, 449, 450

Bangania, 113, 128

Page 505: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Banocko, 99

Banoko, 42, 145, 177

Bapouko, 200

Baraka, 35, 36, 46, 48, 67, 246, 287

Basilic, 167, 174, 175, 176, 187, 190, 191, 192, 193, 204, 205, 236, 241, 243,244, 578, 579

Bassa, 221, 225

Bata, 199, 200, 206, 220, 221, 225, 227, 233, 235, 240, 241, 244, 248, 249, 253

Batanga, 42, 177, 201, 235, 240, 241, 271, 272, 588

Baudin, 41, 42, 54, 56, 57, 62, 168

Baudon, 280

Baumann, 376, 377, 382, 447, 448, 496, 497, 508

Baya, 373, 447, 448, 449, 450, 451, 452, 509

Bayaga, 223

Beauguillaume, 180, 183, 194

Bedzi, 349, 364

Bekale, 228

Belatchakina, 229

Belgique, 140, 152, 315

Bemvou, 362, 364, 368

Benga, 20, 35, 40, 41, 70, 145, 151, 253, 392

Benito, 199, 200, 201, 202, 220, 221, 227, 236, 240, 241, 253, 272, 364, 365,371

Bénito, 177, 227, 235, 236, 241, 244, 249

Benoué, 234

Page 506: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Béraud, 184

Berlin, 110, 202, 223, 266, 315, 369

Berre, 150, 236, 309, 311

Bertoua, 282, 373

Bessieux, 43, 107

Beti, 17, 330, 377, 384, 385, 387, 388, 393, 394, 398, 399, 441, 444, 445, 446,447, 454, 465, 469, 477, 479, 486, 488, 494, 507, 509, 510, 512

Betsi, 16, 18, 349, 360, 386, 389, 391, 392, 423, 429, 430, 437, 438, 442, 445,490, 499, 518, 591

Biban, 217

Bichet, 151, 171, 172, 184, 205

biki, 425, 426, 480, 484

Bimbia, 199

Binvolo, 224

Bisbâk, 48

Bismarck, 174, 200

Bitam, 299, 305, 308, 310, 312, 389, 416, 419, 431, 438, 446, 480, 481

Bitoga, 217

Blanchard, 30, 33, 84, 326

Boca, 123, 124, 141

Boffard-Coquat, 219

Boisot, 294, 298, 300

Boitard, 124, 136, 137, 140, 141, 142, 149, 171, 409, 411

Bokoué, 20, 25, 28, 44, 46, 47, 48, 49, 62, 67, 69, 73, 81, 83, 85, 92, 95, 108,127, 145, 148, 173, 175, 190, 197, 204, 233, 268, 298, 326, 329, 341, 569, 571

Page 507: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Bonnel de Mézières, 277, 466

Booué, 19, 113, 117, 132, 134, 147, 157, 158, 164, 165, 167, 182, 185, 194,195, 196, 198, 201, 208, 209, 216, 217, 218, 219, 227, 229, 230, 232, 238, 239,240, 243, 247, 260, 284, 286, 287, 296, 300, 302, 305, 306, 307, 310, 349, 386,575, 576, 586, 588, 590, 591

Bordeaux, 23, 30, 33, 298

Bot Makak, 221

Bouët, 32, 33, 34, 36, 37, 38, 41, 42, 44, 46, 53, 56, 57, 62, 84, 272

Boulaben, 42, 70

Boulou, 38, 40, 55, 345, 359, 366, 377, 382, 384, 385, 387, 431, 444, 568

Boulous, 47, 55, 71, 81, 82, 83, 237, 333

Boumali, 373, 374, 466

Boumba, 175, 176, 220

Bounda, 105, 106

Bouniandjé, 223

Bourgois, 104, 573

Boutika, 202, 276, 284, 285, 396

Bowdich, 16, 27, 28, 38, 325, 326, 327, 331, 332, 338, 368, 421

Boyabé, 214

Braouezec, 57, 67, 68, 69, 70, 95, 150, 331, 332, 333, 355

Brazza, 91, 115, 118, 121, 124, 125, 126, 127, 128, 129, 130, 131, 132, 133,134, 135, 136, 137, 138, 139, 140, 142, 143, 146, 147, 149, 150, 151, 152, 153,154, 155, 156, 157, 158, 159, 160, 161, 162, 163, 164, 165, 166, 167, 170, 171,177, 178, 179, 180, 181, 182, 183, 184, 185, 186, 188, 189, 190, 193, 194, 195,196, 198, 200, 203, 204, 206, 207, 208, 209, 210, 211, 212, 213, 216, 217, 222,227, 229, 230, 231, 232, 233, 234, 235, 236, 237, 238, 239, 240, 241, 242, 243,246, 247, 249, 251, 252, 254, 255, 256, 257, 258, 259, 263, 264, 284, 289, 298,343, 408, 409, 410, 412, 417, 418, 419, 421, 430, 490, 493

Page 508: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Brazzaville, 156, 162, 171, 177, 217, 228, 229, 238, 276, 283, 286, 291, 294,296, 297, 303, 306, 315, 381, 382, 397

Brésil, 55, 147

Broquant, 30, 33

Bruel, 373, 374, 383, 397, 465, 466, 507

Buléon, 205

Bulu, 17, 330, 377, 384, 385, 387, 388, 393, 399, 403, 432, 437, 438, 441, 444,446, 447, 469, 477, 479, 481, 486, 488, 491, 507, 509

Burton, 58, 73, 332, 333, 355, 356, 357

cacaoyers, 200, 316

Calvé, 32

Cama, 60, 102, 118, 119, 164, 199, 227, 264, 267, 275, 276, 313

Cameroun, 16, 18, 20, 23, 26, 63, 144, 173, 199, 200, 201, 210, 221, 226, 235,239, 240, 241, 249, 250, 252, 267, 272, 281, 282, 283, 284, 286, 287, 290, 292,293, 294, 296, 298, 299, 310, 312, 315, 330, 345, 351, 359, 364, 365, 366, 367,369, 371, 375, 376, 377, 378, 379, 380, 381, 382, 383, 384, 393, 406, 431, 432,434, 437, 438, 441, 444, 448, 450, 460, 475, 479, 480, 490, 494, 495, 501, 504, 517

Campo, 199, 200, 202, 206, 210, 220, 221, 227, 228, 233, 235, 240, 241, 244,249, 272, 290, 350, 364, 365, 371, 495, 567, 580

Camuset, 194, 207

canne à sucre, 24

Câo, 23

caoutchouc, 56, 63, 71, 72, 77, 83, 85, 89, 93, 96, 101, 106, 110, 115, 119, 127,128, 136, 137, 140, 143, 144, 145, 146, 147, 148, 153, 154, 158, 167, 169, 171,172, 173, 180, 183, 191, 192, 198, 199, 201, 207, 219, 226, 233, 236, 242, 244,247, 256, 261, 264, 265, 266, 267, 275, 277, 279, 281, 282, 296, 298, 302, 308,311, 313, 314

Cap des Palmes, 35, 43

Page 509: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Cap Lopez, 24, 26, 35, 40, 43, 64, 72, 77, 97, 102, 103, 124, 180, 186, 189,199, 211, 227, 233, 248, 264, 268, 269, 275

Cap Sainte Catherine, 23

Casimir, 231

Cham, 321

Chari, 73, 252, 284, 312, 369

Charreau, 283, 284

Chavannes, 178, 196, 203, 210, 226, 227, 228, 230, 231, 235, 239, 240, 243,244, 245, 247, 248, 250

Chevallier, 236

Chevin, 194

Chimbas, 73

Chinchoua, 38, 69, 73, 85, 86, 87, 89, 96, 100, 106, 118, 151, 171

Cholet, 231, 252, 352, 450, 451

Cigogne, 249, 251, 259

Clément, 120, 121, 122, 123, 124, 140

Cobangoï, 40, 42, 44, 45, 46, 47, 48, 67, 87, 326, 327

Cocobeach, 18

Cohit Voir Ikoy

Combo-Combo, 131, 224

Como, 23, 42, 65, 67, 71, 81, 83, 84, 87, 101, 103, 105, 169, 170, 173, 174,175, 176, 185, 203, 220, 223, 233, 237, 238, 250, 251, 254, 264, 267, 268, 285,287, 288, 298, 299, 320, 332, 410, 420, 429, 492 Voir Komo

Compiègne, 58, 62, 72, 88, 102, 104, 105, 106, 107, 108, 110, 111, 112, 113,114, 115, 116, 117, 118, 119, 122, 123, 124, 127, 136, 144, 145, 148, 149, 150,196, 225, 332, 339, 340, 387, 408, 417, 419, 490, 492, 515

Conférence de Berlin, 194, 200

Page 510: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Congo, 12, 16, 18, 19, 24, 42, 58, 72, 73, 89, 93, 98, 99, 100, 101, 103, 104,105, 106, 108, 111, 117, 118, 120, 122, 123, 125, 135, 137, 139, 140, 142, 143,144, 149, 151, 152, 153, 155, 156, 157, 159, 160, 161, 162, 163, 164, 165, 166,167, 168, 170, 171, 173, 174, 175, 177, 178, 179, 180, 182, 183, 184, 188, 190,191, 192, 193, 194, 195, 196, 198, 199, 200, 201, 202, 203, 204, 205, 206, 207,208, 209, 210, 211, 212, 213, 214, 215, 216, 217, 218, 219, 220, 221, 222, 223,225, 226, 227, 229, 230, 231, 232, 233, 234, 235, 236, 237, 238, 239, 240, 241,242, 243, 244, 245, 246, 247, 248, 249, 250, 251, 252, 253, 254, 256, 257, 258,259, 260, 261, 262, 263, 264, 266, 268, 269, 270, 271, 272, 273, 274, 279, 280,281, 282, 287, 289, 290, 298, 306, 307, 310, 311, 313, 315, 319, 323, 326, 330,336, 338, 339, 345, 351, 352, 359, 362, 363, 364, 366, 369, 372, 377, 383, 388,389, 402, 409, 413, 417, 419, 421, 427, 449, 450, 451, 471, 472, 480, 502, 505,509, 510, 511, 577, 581, 582, 583, 584, 588

Coniquet, 106

Conniquet, 23, 24, 25, 26, 39, 42, 43, 55, 70, 151, 228

Cooper-Scott, 123

copal, 428

Cordelière, 103, 123

Corisco, 24, 26, 29, 32, 35, 40, 60, 62, 99, 125, 143, 144, 177, 198, 199, 202,227, 248, 272, 334

Cornut Gentille, 176, 185, 186, 188, 194, 200, 211

Côte de l’Or, 23, 26

Cottes, 290, 292, 293, 294, 296, 298, 299, 300, 364, 365, 366, 367, 430, 431,432

Crampel, 199, 203, 207, 208, 209, 210, 221, 222, 223, 224, 225, 233, 234, 235,240, 243, 251, 259, 272, 345, 364, 417, 418, 421, 422, 447, 449, 583, 584

Cureau, 273, 282, 283, 284, 290, 322, 381, 488

Dabou, 33, 69, 102

Dacka, 84

Dambo, 177, 199

Darricau, 42, 45, 46, 47, 48, 49

Page 511: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Datyngha, 42

Daumas, 184, 229, 230, 247, 256

Dauriac, 98, 100, 101, 144

Davezac, 161, 171, 184

De Morinne, 25

de Tersannes, 303

Debieuvre, 312

Decaux, 206

Decazes, 178, 183, 194

Delaroche, 216, 217, 218, 219, 238, 241, 249, 254

Delta, 118

Denis, 31, 33, 34, 36, 38, 39, 41, 42, 45, 54, 64, 70, 72, 74, 81, 82, 83, 87, 89,101, 103, 106, 107, 112, 114, 149, 151, 220, 296, 300, 312, 315, 316, 399, 578

Des Voisins, 38

Desseaux, 194

Diakaoulé, 171

Diakoulé, 100, 123, 124, 141, 160

Diam’Gani, 47

Didelot, 69, 71, 74, 75, 76, 77

Dinka, 336

Dja, 223, 234, 282, 345, 358, 362, 376

Djambala, 205, 233, 243, 257

djem, 282

Djem, 17, 421, 447, 484, 486, 509

Page 512: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Dolisie, 165, 228, 229, 238, 249, 250, 251, 252, 253, 254, 259, 260, 262

Donguay, 48

Donguila, 150, 151, 161, 171, 172, 175, 176, 185, 190, 191, 192, 220, 246, 250,271, 287, 358, 396, 411

Douala, 199, 226, 315, 345

Doukin, 43

Doumé, 127, 129, 133, 134, 135, 136, 137, 138, 139

Du Chaillu, 16, 41, 58, 60, 62, 63, 67, 99, 114, 117, 145, 320, 329, 330, 331,357, 417, 425, 428, 429, 430, 446, 452, 482, 492, 495, 496, 497, 499, 500, 512,514, 515

Du Quilio, 105, 107, 111, 118

Dubarry, 121, 123, 141, 144, 161, 172

Dufourcq, 180, 184, 189, 194

Duma, 92, 111, 112, 113, 126, 127, 129, 130, 133, 135, 136, 137, 139, 154,155, 157, 158, 166, 180, 193, 207, 209, 231, 239, 254, 274

Dumesnil, 62, 68, 72

Dumijai, 48

Duperré, 96, 101, 102, 103, 111

Duval, 231

Dzem, 345, 349, 352, 364, 365, 366, 367, 371, 385, 453

Dzimou, 233, 345, 364, 365, 366, 367, 385

ébène, 26, 32, 63, 71, 72, 77, 83, 93, 106, 109, 114, 143, 144, 145, 169, 172,173, 191, 198, 233, 260

Ebiameyong, 228

Eckmann, 178, 207

Eclaireur, 243, 255, 261, 262

Page 513: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Edibé, 20, 92, 116

Efak, 16, 432, 440

Egypte, 331, 402, 417, 471, 479

Ehrmann, 191

Eiffel, 205

Ekodoro, 299, 305, 308, 312, 419

Elizia, 55

Elobey, 24, 25, 29, 35, 43, 62, 98, 99, 103, 112, 125, 144, 145, 177, 198, 199,200, 202, 206, 219, 227, 241, 244, 248, 252, 253, 268, 272

Emane Tole, 205, 214, 254, 256, 257, 263, 277, 278, 386, 400, 419

Emmanuel, 214

enenga, 91, 110, 114, 151, 154, 211

Enenga, 73, 89, 91, 95, 110, 112, 126, 127, 128, 130, 136, 141, 154, 155, 158,168, 172, 173

Espagne, 35, 62, 98, 99, 199, 200, 202, 210, 235, 248, 272, 298, 354, 356

Espagnols, 16, 62, 199, 219, 252, 272

Essénekam, 223

Estérias, 41, 43

Estuaire, 16, 20, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 32, 34, 38, 40, 41, 43, 45, 49, 52, 53,56, 60, 63, 69, 70, 72, 73, 74, 77, 80, 81, 82, 84, 85, 89, 98, 99, 101, 103, 104, 106,108, 109, 111, 114, 117, 124, 131, 140, 141, 142, 143, 145, 148, 149, 151, 160,161, 171, 190, 192, 193, 194, 196, 204, 211, 220, 233, 237, 238, 244, 245, 246,259, 264, 267, 268, 272, 273, 278, 288, 289, 295, 310, 319, 325, 328, 331, 334,358, 360, 392, 397, 399, 407, 410, 411, 412, 413, 418, 421, 422, 423, 428, 429,430, 431, 432, 434, 438, 446, 481, 491, 493, 497, 515, 519

Etats-Unis, 62, 122, 152

Eton, 345, 437, 446, 481

Page 514: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Etouké, 231

Ewole-Mekok, 192

Ewondo, 345, 385, 387, 437, 444

Eyegueh, 224

Faidherbe, 56, 57, 64, 407, 408

Fang, 25, 28, 29, 36, 41, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 54, 56, 57, 58, 60, 62,63, 64, 65, 67, 69, 70, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88,92, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 104, 105, 108, 111, 114, 115, 118, 119, 120,122, 123, 125, 126, 127, 129, 131, 132, 136, 137, 139, 140, 141, 142, 145, 146,147, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 160, 161, 165, 166, 167, 168, 170, 172, 173,174, 175, 180, 182, 183, 184, 185, 186, 187, 189, 190, 191, 192, 193, 194, 196,197, 199, 203, 204, 205, 206, 207, 208, 209, 210, 211, 215, 217, 219, 220, 221,223, 224, 226, 227, 228, 231, 232, 233, 234, 235, 236, 237, 238, 239, 241, 242,243, 244, 247, 248, 249, 250, 251, 253, 254, 256, 257, 260, 268, 269, 270, 271,272, 273, 274, 275, 277, 278, 279, 281, 282, 283, 284, 285, 287, 289, 292, 297,301, 303, 310, 311, 312, 316, 317, 318, 319, 323, 324, 325, 326, 327, 328, 329,330, 331, 332, 333, 334, 336, 338, 339, 340, 342, 343, 344, 345, 346, 347, 348,349, 351, 352, 354, 358, 359, 360, 361, 362, 364, 365, 366, 368, 369, 370, 371,372, 373, 374, 375, 376, 377, 378, 380, 381, 382, 383, 384, 385, 386, 387, 388,389, 391, 392, 393, 394, 396, 397, 398, 399, 401, 402, 404

Félix, 174, 177, 185, 188, 190, 191, 192, 193, 217, 282

Fernan Vaz, 98, 102, 103, 105, 109, 110, 111, 112, 143, 145, 196, 205, 238,239, 251, 263, 264, 267, 268, 269, 271, 287, 313, 396

Fernando Poo, 26, 32, 62, 73, 200, 203, 252, 254, 277, 298

Fleuriot, 492, 504

Fleuriot, 27, 34, 38, 44, 84, 86, 87, 88, 89, 93, 95, 96, 97, 98, 99, 103, 110, 120,145, 334, 341, 342, 362, 364, 430, 567

Fontan, 64

Fonteneau, 206

Fort d’Aumale, 36, 37, 43, 54

Foulbé, 347, 351, 352, 372, 373, 445, 446, 447, 450

Page 515: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Fourneau, 143, 171, 179, 180, 183, 185, 190, 192, 194, 202, 205, 209, 228, 229,230, 232, 233, 234, 235, 237, 240, 251, 252, 272, 278, 291, 293, 345

France, 31, 32, 33, 35, 41, 42, 43, 46, 52, 55, 62, 65, 67, 74, 84, 87, 93, 98, 101,107, 117, 118, 141, 142, 152, 153, 156, 161, 162, 163, 164, 168, 171, 173, 177,178, 180, 185, 194, 195, 198, 199, 201, 202, 217, 219, 220, 225, 227, 230, 235,236, 238, 242, 248, 251, 252, 260, 269, 272, 282, 298, 312, 314, 315, 339, 356,358, 378, 383, 384, 397, 398, 578

Franceville, 20, 153, 154, 156, 157, 158, 160, 162, 163, 164, 166, 170, 178,180, 182, 184, 193, 239, 247, 263, 287, 481

François, 23, 39, 42, 70, 84, 101

Franquet, 58

Freetown, 55

Froment, 202, 207, 214, 215, 217

G.S.K., 282

Gabon, 12, 16, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39,40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 61, 62, 63, 64, 65, 67,69, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 93, 94,95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104, 105, 106, 107, 110, 111, 114, 117, 118,119, 120, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 130, 131, 134, 135, 136, 137, 139,140, 141, 142, 143, 144, 145, 146, 147, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 154, 156,157, 158, 159, 161, 162, 163, 164, 165, 166, 167, 168, 169, 170, 171, 172, 173,174, 175, 176, 177, 178, 179, 181, 183, 184, 185, 186, 187, 188, 189, 190, 191,192, 193, 194, 195, 196, 199, 200, 201, 202, 203, 204, 205, 206, 207, 208, 209,210, 211, 212, 213, 214, 215, 216, 217, 218, 219, 220, 221, 223, 225, 226, 227,228, 229, 230, 231, 232, 233, 234, 235, 236, 237, 238, 239, 240, 241, 242, 243,244, 245, 246, 247, 248, 249, 250, 251, 252, 253, 254, 256, 257, 258, 259, 260,261, 262, 263, 264, 266, 267, 268, 269, 270, 271, 272, 273, 274, 276, 277, 278,279, 280, 281, 284, 285, 287, 288, 289, 290, 291, 292, 293, 295, 298, 299, 300,302, 305, 306, 310, 311, 312, 314, 315, 316, 318, 319, 320, 325, 326, 327, 329,330, 331, 332, 333, 334, 335, 338, 339, 341, 343, 345, 346, 347, 348, 349, 351,352, 355, 358, 359, 362, 363, 364, 366, 371, 372, 375, 376, 377, 378, 379, 380,382, 383, 386, 387, 388, 389, 393, 396, 397, 398, 399, 400, 401, 404, 407, 415,420, 485, 493, 501, 577

Gaillard, 245, 246, 247, 248, 252

Galibert, 183

Page 516: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Galley, 375, 415, 470, 482, 494, 497, 499, 507, 515

galwa, 110, 111, 114, 172, 211, 260, 263

Galwa, 29, 40, 73, 89, 91, 110, 112, 126, 127, 128, 130, 136, 141, 154, 158,168, 172, 173, 238

Gambie, 32

Gango, 47

Garouste, 280

Garraud, 105, 106, 118

Garroway, 35

Gazenguel, 217, 256, 264, 279

Gentil, 179, 186, 188, 259, 284, 285, 286, 287, 288, 289, 290, 291, 293, 295,296, 297, 299, 306, 310, 450

Georges, 29, 32, 34, 38, 42, 43, 64, 70, 110, 380, 398, 432, 569

Gilliès, 119

Gillis, 121

Glass, 32, 35, 36, 38, 42, 46, 54, 57, 64, 65, 70, 77, 78, 81, 87, 89, 95, 98, 100,101, 103, 118, 119, 122, 123, 143, 145, 148, 149, 168, 177, 220, 228, 408, 569

Godel, 261, 262, 263

Golfe de Guinée, 18, 23, 24, 32, 35, 189, 192, 199, 243, 277, 315, 319, 325

Gongoué, 20, 281

Gorée, 32, 36, 52, 54, 65, 104

Goths, 87, 413

Govern, 38

Grand Bassam, 33, 35, 43, 278

Grand Batanga, 200

Page 517: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Grand-Bassam, 35, 69, 102

Grande Bretagne, 41, 252

Grébert, 375, 413, 490, 494, 499, 504

Griffon, 26, 72, 73, 77, 79, 82, 87, 88, 110, 150, 320, 333, 340, 341

Griswold, 35

Guibert, 176, 185

Guinée Equatoriale, 16, 18, 20, 32, 272, 383, 432, 434, 440, 444, 474, 481, 519

Guiral, 156, 163, 170, 201, 202, 272

Guisolfe, 105, 112, 118

Hambourg, 95, 174, 249, 267, 314, 315

Hamon, 125, 127, 139, 153

Haoussa, 347, 383, 448

Hartmann, 324, 338, 343, 344, 358

Hatton et Cookson, 73, 89, 95, 98, 144, 148, 151, 156, 165, 167, 168, 172, 173,188, 189, 217, 244, 245, 246, 256, 259, 260, 266, 267, 270, 286

Havre, 33, 54, 88, 110

Heintz, 172

Hollandais, 24, 25, 26

Holt, 95, 110, 118, 121, 122, 165, 173, 189, 192, 199, 204, 214, 247, 250, 254,256, 259, 266, 267, 268, 270, 286

Homburger, 330, 376, 377, 378

Honduré, 228

Hörold, 226

Igombiné, 20, 38, 70

Ikoï, 24, 69, 237

Page 518: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Ikoy, 144, 148, 197, 228, 229, 237

Ilemba Réni, 91, 95, 126, 128

Ilemba-Réni, 126, 151

Iradier, 199

Isyaga, 91

Ivindo, 20, 40, 92, 113, 114, 116, 117, 128, 129, 134, 136, 137, 139, 201, 209,210, 216, 223, 225, 233, 234, 248, 250, 260, 282, 286, 291, 292, 293, 295, 296,305, 306, 307, 310, 311, 313, 316, 338, 339, 343, 349, 350, 351, 362, 366, 379,383, 408, 410, 421, 430, 497, 514, 576, 583, 584, 585, 591

ivoire, 24, 26, 31, 32, 40, 47, 48, 49, 63, 65, 73, 77, 81, 83, 85, 89, 92, 93, 96,105, 106, 109, 110, 112, 115, 116, 121, 127, 129, 130, 131, 136, 137, 140, 143,144, 146, 147, 148, 153, 169, 182, 183, 193, 198, 199, 201, 209, 217, 223, 233,241, 247, 252, 260, 266, 279, 282, 296, 325, 326, 336, 365, 372, 385, 412, 413,418, 421, 422, 425, 426, 428, 429, 465, 471, 484, 570, 588

Jamanéné, 122

Jantzen-Thormälen, 201

Jeune Frédérick, 30

Jumba, 114, 116, 117, 127, 172

Justin, 205

Kadeï, 364

Kadéï, 352, 364, 450, 465

Kalétoune, 229

Kamerun Land und Plantagen Gesellschaft, 201

Kande, 20, 92, 110, 111, 112, 113, 116, 117, 118, 125, 128, 129, 130, 131, 135,136, 137, 139, 147, 154, 155, 157, 158, 166, 180, 193, 209, 210, 231, 247, 274,342, 408, 421

Kango, 20, 57, 123, 169, 175, 268, 299, 325, 326

Page 519: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Kele, 20, 28, 29, 40, 45, 47, 48, 49, 50, 54, 56, 62, 68, 69, 70, 73, 74, 77, 80,81, 82, 85, 87, 89, 92, 96, 106, 108, 110, 111, 115, 118, 126, 127, 148, 153, 164,165, 172, 173, 325, 326, 332, 400, 407, 420, 429

Kerraoul, 180, 182, 183, 184, 185, 186, 194, 207, 208, 214, 215, 216, 217, 219,227, 229, 230, 231, 232, 239, 240, 245

Kingsley, 423, 424, 514

Kogennyemm, 223

Kom, 224, 228, 311, 348, 444

Komo, 20, 23, 24, 28, 34, 40, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 54, 56, 57, 62, 64, 67, 68,69, 70, 72, 73, 74, 77, 81, 83, 84, 88, 96, 99, 105, 106, 108, 109, 110, 114, 117,118, 119, 120, 122, 123, 124, 125, 126, 140, 141, 144, 145, 148, 149, 174, 175,185, 187, 190, 191, 192, 193, 199, 211, 220, 223, 226, 237, 246, 250, 268, 271,272, 288, 289, 295, 297, 299, 312, 315, 316, 326, 329, 331, 348, 349, 350, 407,409, 412, 417, 422, 428, 429, 492, 571

Kondo Kondo, 205

Kongo, 319, 333

kota, 92, 205, 211, 214, 216, 223, 247, 257

Kota, 20, 91, 92, 111, 116, 128, 180, 205, 207, 210, 215, 217, 223, 247, 257,258, 376, 400, 419, 421, 480, 497, 513, 515

Kouilou, 181, 203, 227, 233, 286

Kousseri, 315

Kribi, 200, 210, 221, 226, 345

Kringer, 30, 32, 33, 38, 39, 41, 42, 70

Kroumen, 54, 56, 178

Kuba, 425, 471, 489, 504, 505

Kund, 210, 221, 225, 226

l’Ikoï Komo, 20

Labastic, 205

Page 520: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Laburthe-Tolra, 369, 370, 393, 394, 396, 404, 415, 441, 442, 444, 445, 446,449, 451, 453, 460, 465, 469, 475, 480, 485, 486, 491, 499, 502, 507, 509, 512

Laffon de Ladébat, 77, 81, 82, 84

Lafforest, 227

Lahoude, 279

Lambaréné, 19, 20, 91, 95, 98, 110, 128, 136, 146, 151, 153, 154, 155, 156,157, 158, 159, 161, 164, 165, 166, 167, 169, 171, 172, 173, 178, 180, 182, 183,184, 186, 187, 188, 189, 194, 196, 198, 205, 210, 211, 212, 217, 227, 233, 234,238, 239, 243, 250, 251, 264, 268, 271, 278, 287, 305, 310, 344, 349, 358, 375,387, 396, 419, 438, 579, 581

Lamoisse, 54

Lamothe, 259, 263, 264, 267, 268, 269, 271

Lance, 100, 101, 103, 104

Landana, 163, 164

Largeau, 254, 256, 257, 258, 348, 349, 350, 351, 358, 359, 362, 364, 383, 384,386, 402, 413, 415, 428, 442, 444, 445, 454, 460, 498, 507

Lastours, 178, 180, 182, 184, 193, 194

Lastourville, 217, 222, 227, 228, 229, 230, 239, 247, 254, 287

Laurent, 273

Le Meillour, 300, 306

Le Testu, 316, 382

Lebombi, 135

Lecour, 39, 54

Lékiti, 209

Lékoni, 20

Lemaire, 271, 273, 274, 275

Lenz, 124, 125, 126, 127, 129, 130, 133, 134, 135, 136, 342

Page 521: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Liba, 201, 222, 223

Liberia, 35

Libreville, 24, 25, 36, 38, 40, 55, 56, 58, 60, 63, 65, 67, 70, 71, 74, 78, 83, 84,85, 87, 98, 100, 101, 102, 103, 104, 106, 108, 111, 114, 118, 119, 120, 121, 122,123, 124, 125, 143, 144, 145, 148, 149, 150, 151, 153, 156, 158, 160, 161, 162,164, 166, 167, 168, 169, 170, 171, 173, 174, 175, 176, 177, 179, 180, 181, 183,184, 185, 186, 187, 188, 189, 190, 191, 192, 194, 195, 198, 199, 201, 202, 204,205, 206, 208, 209, 210, 211, 214, 216, 217, 219, 221, 223, 226, 228, 231, 232,233, 234, 235, 236, 237, 238, 239, 241, 242, 243, 244, 245, 246, 248, 249, 250,251, 252, 253, 255, 258, 259, 260, 262, 263, 267, 268, 269, 271, 272, 273, 274,275, 276, 277, 278, 280, 281, 283, 284, 285, 287, 288, 291, 292, 293, 294, 295,296, 297, 298, 299, 300, 302, 303, 305, 306, 310, 311, 312, 316, 332, 334, 351,358, 372, 387, 396, 398, 403, 404, 419, 578

Liotard, 259, 344, 345

Loango, 26, 55, 181, 209, 210, 215, 227, 233, 243, 251, 258, 280, 305, 306,311, 366

Logone, 373, 448, 465

Lolo, 19, 73, 133, 232

Lona, 60

Lopé, 19, 110, 112, 114, 127, 128, 129, 130, 132, 133, 134, 135, 136, 137, 147,154, 155, 159, 208, 228, 233, 238, 239, 247, 575

Loubet, 282

Louis, 35, 36, 38, 41, 42, 70, 87, 97, 144, 148, 149, 372, 387, 389, 401, 404

Lualaba, 140

Luciani, 295, 297, 298, 299

Lynx, 34, 40, 569

M’Joulia, 230

Madaboga, 230, 232

Madiville, 182, 184, 193, 194, 205

Page 522: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

maïs, 24

Maka, 345, 376, 385, 394, 447

Makéï, 332, 334, 349, 430, 431

Makoko, 152, 156, 160, 164, 170

Malabo, 32, 200

Malamine, 156, 162, 163, 170, 194

Mambéré, 352, 465

Mamiaca, 132, 133, 137, 409

Mandja, 447, 448, 449, 450, 451, 452, 509

Mandjy, 228

Mangbetu, 336, 340, 344, 501

Mangisa, 345

Manuel, 33, 38, 39

Marabout, 105, 106, 118, 120, 122, 123, 124, 126, 130, 159, 160, 161, 164,165, 167, 168, 169, 176

Marche, 105, 107, 108, 111, 112, 113, 114, 117, 118, 124, 125, 126, 127, 133,134, 135, 136, 137, 141, 142, 146, 148, 196, 225, 305, 332, 339, 387

Marseille, 33, 392

Martrou, 371, 372, 397, 414, 415, 416, 428

Massif Du Chaillu, 18

Massif du Mayombe, 18

Masson, 166, 167, 168, 170, 171, 173, 174, 175, 178, 183

Masuku, 139, 171, 577

Mayombe, 209, 239, 245

Mayyan, 73

Page 523: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Mba, 280, 372, 397, 398, 407, 422, 426, 432, 434, 435, 436, 438, 473, 478, 486,491

Mbama, 20

Mbé, 20, 156

Mbèl, 57

Mbène, 60

Mbilagone, 38, 64, 85, 148, 268, 281

Mbini, 23, 69, 243

Mboleuzork, 308

Mboma, 192

Mbondémo, 60

Mchiguidina, 223

Mécho-Mécho, 232

Méditérannée, 225

Médouneu, 20, 60, 330, 492, 515

Meke, 16, 18, 430, 438

Mekoma, 229

Mekouma, 229

Mekuk, 228

Méquet, 40, 45, 48, 54, 55, 329

Méroé, 402, 479

Metegue N’Nah, 102, 103, 106, 203, 254, 257, 278, 312, 400, 406, 411, 422,424, 429, 431, 482

Meurville, 178

Mfula Befun, 237

Page 524: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Michaud, 153, 155, 156, 157, 158, 160, 178, 180, 183, 184

Mikoua Ndjolé, 234

Minvoul, 293, 297, 298, 299, 305, 308, 310, 312, 315, 419, 438

Mission de l’Ouest Africain, 177, 178, 179, 186, 194, 196, 201, 211

Missoum Missoum, 290, 294

Mitemboni, 16, 20, 41, 60, 62, 99, 199, 244, 272, 285, 330, 425, 430

Mizon, 153, 154, 155, 156, 157, 159, 163, 164, 165, 166, 167, 170, 171, 178,198, 199, 201, 222, 223, 342, 372, 373

Moabi, 300, 444

Mocabe, 296, 300, 401

Molengui, 235

Mondah, 20, 24, 26, 28, 33, 40, 61, 69, 70, 82, 84, 99, 103, 106, 110, 118, 144,145, 198, 226, 228, 237, 245, 260, 268, 271, 272, 344, 364, 420, 571, 586

Monrovia, 55

Mont Cameroun, 199, 200

Montagnes de la Lune, 46, 74, 319, 328, 330

Montagniès, 32, 33, 54, 55

Montes de Oca, 199

Monts de Cristal, 18, 20, 28, 49, 57, 58, 60, 61, 62, 69, 70, 233, 248, 268, 292,295, 299, 320, 326, 330, 331, 412, 418, 429, 430

Moohnda Voir Mondah

Morgen, 174, 226, 240, 510

Mossaka, 139, 194

Mottez, 150, 164, 165, 209, 210

Mouané, 20

Page 525: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Mouila, 300, 313

Mouni, 20, 24, 26, 56, 60, 62, 69, 98, 99, 100, 103, 106, 144, 145, 198, 202,206, 236, 244, 249, 252, 260, 272, 276, 287, 316, 364, 365, 376, 408, 499

Moutendié, 223

Mouzin, 206

Mpongwe, 408

Mpongwe, 24, 26, 27, 28, 29, 33, 37, 38, 39, 40, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 52, 53,54, 55, 56, 57, 58, 60, 63, 64, 65, 67, 69, 70, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 85, 86, 87, 88,89, 96, 97, 98, 100, 101, 104, 106, 108, 115, 120, 126, 141, 144, 145, 148, 149,182, 220, 273, 287, 316, 325, 326, 327, 332, 333, 396, 399, 400, 407, 408, 418,420, 488, 490, 492, 493, 519, 584

Mpoumba, 223

Muséum de Paris, 58

Mvai, 16

Mvaï, 345, 444

Mvele, 385, 436, 440, 444, 446, 454, 475

mvet, 387, 443, 455, 464, 469, 471, 472, 473, 474, 475, 476, 477, 478, 479,480, 486, 487, 498, 502, 505

Mvoung, 20, 298, 497

Myene, 18, 20, 40, 519

N’Condjou, 93

N’Djimous Voir Dzimou

N’tambounay Voir Mitemboni

N’Tem Voir Ntem

Nachtigal, 200, 221, 377

Nantes, 30, 33, 54

Nazaré, 103

Page 526: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Ncombé, 91

Ncomi, 89, 267, 268, 269, 271

N’Dérés, 352

Ndiayai, 60

Ndiaye, 147, 154, 155, 159

Ndiki, 509

Ndiwa, 24, 25, 40

Ndjeko, 191

Ndjolé, 19, 20, 156, 165, 178, 179, 180, 182, 183, 184, 185, 186, 193, 194, 196,203, 205, 208, 211, 212, 214, 216, 217, 218, 219, 221, 223, 227, 231, 232, 233,239, 243, 245, 246, 247, 248, 251, 254, 256, 257, 258, 259, 261, 262, 263, 264,267, 269, 270, 271, 273, 274, 275, 277, 278, 280, 281, 287, 296, 297, 300, 301,302, 303, 305, 306, 307, 310, 312, 313, 314, 348, 349, 371, 386, 400, 419, 438,515, 590

Ndoméko, 228

Ndong Ndoutoume, 387, 402, 416, 469, 470, 471, 472, 473, 474, 475, 476, 477,478, 506, 515

Ndzimou, 17, 373

Nengué-Bouénié, 34

Nengué-Nengué, 48, 67, 74

Neu, 347, 350, 351, 359, 397

Neugara, 29

Ngango, 38, 39

Ngaoundéré, 282, 372, 373

Nghémé, 135, 142, 154, 155

Ngi, 386, 519, 520

Ngoa, 232, 303

Page 527: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Ngoko, 223, 233, 234, 247, 252, 258, 273, 282, 283, 284, 286, 290, 291, 292,293, 294, 296, 297, 305, 308, 310, 311, 314, 349

Ngotchou, 181

Ngounié, 20, 72, 89, 91, 92, 93, 109, 110, 115, 127, 130, 167, 172, 196, 205,254, 256, 258, 264, 270, 271, 279, 286, 287, 293, 300, 305, 310, 313, 314, 316, 376

Ngumba, 17, 216, 345, 376, 392, 447, 517

Ngurangurane, 443, 461, 462, 463, 464, 467, 468, 469, 471

Niams-Niams, 336, 337, 338, 340, 347

Niari, 162, 164, 181, 233, 286

Nicolas, 205, 272

Niger, 35, 46, 180, 226, 282, 362

Nigritiens, 343

Nil, 13, 73, 105, 140, 234, 319, 331, 336, 339, 342, 343, 352, 357, 362, 366,401, 402, 446, 465, 466, 468, 469, 471, 475

Ningué Ningué, 169, 174, 175, 190, 192

Ningué-Ningué, 57, 106, 123, 169, 185, 187, 194, 204, 220

Njela, 201

Nkodjeign, 16, 403, 416, 431, 432, 433, 434, 436, 437, 438, 439, 440, 441, 442,443, 444, 519

Nkok, 144, 229, 272

Nkomi, 19, 40, 73, 238, 310, 489

Noguez, 153, 155, 156, 160, 162

Nooday Voir Lona

Noton, 280

Noufflard, 288, 289, 290, 291, 292, 293, 294, 295, 296, 297, 299, 300, 302

Nseghe, 205, 254, 257

Page 528: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Ntamo, 156, 162, 163

Ntem, 20, 198, 202, 210, 224, 225, 228, 235, 240, 272, 290, 293, 294, 296, 297,298, 299, 305, 308, 309, 310, 311, 312, 313, 315, 316, 331, 342, 345, 349, 351,364, 365, 375, 383, 394, 403, 412, 416, 417, 418, 421, 429, 430, 431, 432, 433,434, 437, 438, 441, 444, 446, 472, 481, 486, 517, 519, 580

Ntsini, 20

Ntumu, 16, 18, 345, 369, 371, 389, 392, 393, 430, 437, 438, 440, 441, 442, 444,469, 477, 480, 481, 483, 486, 502, 510, 517, 592

Nubie, 331, 449, 507

Nyong, 200, 282, 326, 364, 444, 491

Nzaman, 16, 388, 391, 438, 442

Nzebi, 20

Nzork, 299, 309, 312

Nzoum, 184, 185, 186, 187, 188, 189, 245, 246, 578

Obamba, 93

Odimba, 205

Offoué, 19, 113, 116, 125, 128, 132, 136, 295

Ogooué, 19, 24, 28, 29, 38, 40, 69, 72, 73, 77, 81, 85, 89, 93, 95, 98, 102, 103,105, 108, 109, 110, 111, 112, 113, 114, 115, 116, 117, 118, 121, 124, 125, 127,129, 130, 132, 135, 136, 137, 139, 140, 141, 142, 143, 144, 145, 147, 148, 151,152, 153, 155, 156, 157, 158, 159, 160, 162, 163, 164, 165, 166, 167, 168, 171,172, 173, 174, 179, 180, 181, 182, 183, 184, 188, 189, 190, 193, 194, 195, 196,198, 199, 201, 205, 207, 208, 209, 210, 211, 212, 214, 215, 216, 217, 218, 220,222, 223, 225, 226, 227, 229, 230, 231, 232, 233, 238, 239, 240, 242, 243, 244,245, 246, 247, 248, 249, 251, 252, 254, 255, 257, 258, 259, 262, 263, 264, 267,268, 269, 270, 271, 273, 274, 275, 277, 279, 281, 286, 292, 293, 295, 300, 302,306, 307, 310, 312, 313, 314, 316, 332, 334, 339, 342, 343, 345, 350, 359, 364,373, 375, 383, 384, 386, 392, 400, 406, 407, 408, 409, 410, 411, 412, 417, 418,419, 421, 422, 423, 424, 428, 430, 431, 434, 437, 455, 480, 481, 489, 490, 497,509, 517, 576, 577, 582, 586, 588, 590

Ogouaouay Voir Ogooué

Page 529: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Ogoway Voir Ogooué Voir Ogooué

Oise, 67, 69, 71, 74, 75, 82, 88, 140

Okak, 16, 371, 385, 386, 430, 432, 437, 438, 442

Okanda, 72, 89, 90, 91, 93, 105, 107, 108, 110, 111, 113, 116, 125, 128, 129,131, 132, 136, 137, 139, 146, 147, 153, 154, 155, 164, 170, 180, 195, 332, 410,454, 575, 576, 586

Okano, 20, 92, 115, 127, 148, 233, 271, 278, 302, 303, 305, 306, 310, 312, 313,315, 316, 418, 419, 497

Okotas Voir Kota

okoumé, 228, 313

Okoumé, 73, 260, 311

Ombala, 214, 216

Ombétés, 73

Ombure, 359, 372, 461, 462, 463, 464, 465, 468

Onangué, 19, 72, 172

Ondua Engute, 388, 437, 442, 592

Onzil, 91, 344, 471, 490, 504

Orongo, 73

Oroungou, 73, 118

Orungu, 29, 40, 89

Osheba, 18, 73, 430 Voir Shiwa Voir Shiwa Voir Shiwa Voir Shiwa Voir ShiwaVoir Shiwa

Ossorio, 199, 272

Ossouma, 229

Ossyeba, 18, 126, 128, 129, 131, 136, 137, 155, 201, 359

Ouassango, 86, 87

Page 530: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Ouassengo, 73, 89

Oubangui, 193, 195, 196, 207, 210, 211, 217, 234, 238, 243, 264, 312, 314,352, 366, 368, 369, 447, 448, 449, 450, 451, 452, 475, 489, 501

Ouellé, 338

Ouesso, 252, 282, 283, 284, 286, 293, 367, 475

Ouham, 352, 450

Ousman dan Fodio, 351, 376, 452

Owendo, 24, 43, 61, 221, 237, 287

Oyem, 299, 308, 309, 312, 315, 316, 375, 419, 431, 432, 433, 436, 438, 440,467, 471, 519

Paamouays, 325

Pahdis, 73

Palmbooken, 25

Panon du Hazier, 119

Parent, 56

Paris, 16, 23, 24, 26, 27, 34, 35, 36, 38, 39, 40, 41, 46, 53, 56, 74, 88, 98, 103,110, 119, 125, 127, 137, 142, 143, 151, 152, 160, 170, 176, 178, 185, 193, 200,202, 206, 210, 212, 213, 219, 230, 233, 239, 243, 259, 262, 272, 277, 284, 290,296, 298, 302, 310, 311, 313, 314, 319, 320, 322, 323, 324, 325, 330, 333, 338,341, 344, 346, 347, 348, 354, 362, 364, 365, 366, 367, 368, 369, 370, 372, 374,375, 376, 377, 378, 380, 382, 384, 386, 387, 389, 393, 397, 398, 399, 400, 402, 403

Passa, 20, 139, 152, 154, 159, 162, 170, 209

Passoll, 34, 40, 42, 46

Pecile, 178, 180, 182, 345

Pène, 122

Péni, 228

Periquet, 313, 316

Page 531: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Péronne, 31, 32

Perrois, 17, 20, 386, 389, 391, 392, 393, 413, 432, 489, 514, 515, 517, 518, 519,520, 521

Perroquet, 23, 25, 39, 43

Petit Batanga, 200

Petit Denis, 38, 42, 70

Peul, 376

Piaggia, 336, 338

Pierron, 178

Pigeard, 39, 44, 47, 48, 54

Pilastre, 84, 110, 119

Pinet-Laprade, 52

Pinzi, 92, 211

Pionnier, 74, 81, 93, 100, 101, 104, 105

Pointe Fétiche, 91, 109, 110, 112, 116, 153, 332, 455

Pongara, 38, 43, 220

Port-Gentil, 20, 372

Portugais, 23, 24, 26, 40

Poubara, 92, 135, 137, 138, 139, 154

Poudra, 98

Pradier, 194, 195, 196, 198, 203

Protée, 83, 84, 97, 98

Ptolémée, 319

Punu, 20, 296

Page 532: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Pygmée, 104, 105, 188, 220, 235, 578, 579

Pygmées, 20, 201, 223, 320, 326, 334, 386, 413, 444, 454, 459, 460, 466, 486,487, 496, 502

Quaben, 29, 30, 32, 33, 35, 38, 39, 41, 42, 70, 74, 87, 140, 149, 220

Quavine, 42

Raponda-Walker, 386, 396

Recherche, 23, 24, 83, 88, 386

Reclus, 319, 322, 323, 324, 338, 344

Remboë Voir Remboué Voir Remboué Voir Remboué Voir Remboué VoirRemboué Voir Remboué Voir Remboué

Remboué, 20, 25, 29, 38, 40, 43, 44, 45, 47, 64, 69, 73, 81, 84, 85, 87, 89, 93,95, 96, 97, 100, 108, 120, 121, 122, 123, 124, 127, 141, 143, 145, 148, 149, 150,160, 161, 171, 172, 174, 175, 185, 187, 192, 196, 197, 220, 236, 238, 267, 268,280, 410, 418

Rempolé, 90, 91, 93, 401

Renoqué, 93

Rénoqué, 91, 93, 110, 126, 127, 136

Retjégo, 227

Reynard, 23

Rhamboé Voir Remboué Voir Remboué Voir Remboué Voir Remboué

Rhamboë Voir Remboué Voir Remboué Voir Remboué Voir Remboué VoirRemboué

Rhins, 194

Ribourt, 122, 123, 125

Ribout, 119

Rio Benito, 20, 35

Roche, 178, 183, 355

Page 533: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Rogolié, 20, 40, 148, 419

roi Denis, 31

Rosée, 81, 104

Rouen, 33, 84

Roullet, 72, 87, 96, 320, 333, 428, 429

Rouyer, 269, 276, 277, 279

Rungu, 497

S.H.O., 245, 247, 258, 262, 264, 270, 274, 291, 400, 419

Saint Jean, 104, 163, 202, 253

Sainte Anne, 205, 287

Saint-Esprit, 347, 371, 397

Sajoux, 191, 202, 213

Sakouma, 191

Sam Kita, 110, 114, 115, 255, 261, 267, 271, 279

Samba Coumba, 216

Samékasse, 228

Samkita, 111, 127, 153, 164, 271, 375

San Benito, 177, 201, 202

Sanaga, 200, 221, 345, 362, 376, 377, 379, 383, 386, 392, 394, 432, 437, 444,445, 446, 447, 453, 454, 461, 465, 480, 485, 486, 494, 509

Sandjika, 83

Sangalodi, 214

Sangatanga, 26, 31, 64

Page 534: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Sangha, 194, 210, 223, 233, 234, 251, 252, 273, 282, 284, 286, 290, 291, 292,293, 294, 296, 297, 305, 308, 310, 311, 312, 314, 315, 345, 349, 352, 359, 363,364, 365, 366, 367, 369, 373, 374, 376, 388, 394

Santa Clara, 35, 43, 44, 202

Santa-Clara, 30

Sao Tome, 23, 24, 26, 130, 299

Sao Tomé, 29, 30, 74, 147, 220

Saury, 214

Schültz, 110, 136

Schultze, 153, 175, 188

Schulze, 158, 166, 168, 187

Schweinfurth, 336, 337, 338, 339, 342, 347, 360, 372, 399, 448, 449, 451, 514,515

Schweitzer, 375

Scio, 48

Sébé, 20, 92, 134

Seke, 28, 33, 34, 38, 40, 41, 45, 47, 48, 49, 50, 54, 55, 56, 60, 63, 64, 69, 70,77, 80, 81, 83, 84, 87, 96, 99, 108, 118, 145, 148, 235, 244, 326, 327, 332, 376, 407

Seki, 20

Sénégal, 32, 33, 35, 36, 39, 40, 45, 46, 47, 48, 49, 54, 55, 56, 57, 69, 125, 159,166, 171, 178, 259, 263, 306, 310, 315, 329, 351, 372

Sénégalais, 55, 121, 149, 153, 155, 159, 165, 167, 170, 185, 199, 207

Serval, 69, 70, 72, 73, 74, 81, 89, 110, 150, 272

Shaké, 207, 229, 232

Shakis, 73

Shamba, 505

Page 535: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Sheba, 18

Shiibi, 18, 332

Shiwa, 18, 73, 92, 111, 112, 113, 116, 117, 131, 132, 134, 136, 137, 139, 142,154, 155, 158, 164, 182, 223, 254, 296, 305, 332, 342, 431

Shiwè, 18

Shulze, 172

Siebang, 229

Skekiani Voir Seke

So, 386, 398, 441, 444, 462, 463

Soligo, 23

Soudan, 200, 509

Stanley, 105, 117, 139, 152, 153, 154, 156, 157, 162, 259, 577

tabac, 27, 46, 47, 57, 67, 79, 120, 130, 153, 167, 183, 200, 276, 297, 328

Taburet, 194

Talaouga, 214

Tanganyika, 93, 315, 468

Tappenbeck, 210, 221, 226

Tchad, 226, 234, 252, 312, 315, 336, 342, 362

Tchibanga, 300

teke, 111, 137, 139, 152, 156, 207, 209

Tenaille d’Estais, 171, 172, 418

Tessmann, 369, 370, 371, 380, 384, 413, 414, 415, 441, 468, 480, 481, 482,483, 484, 494, 495, 497, 498, 499, 500, 502, 504, 507, 510, 512, 517, 521

Thollon, 171, 178

Tirailleuse, 123, 124

Page 536: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Toko, 46, 70, 327, 567

Tom-Case, 38

Tompson, 121

Touchard, 62, 63, 67, 69, 71, 80, 88

traitants, 84, 86, 100, 101, 106, 107, 119, 120, 122, 124, 136, 149, 154, 157,159, 160, 161, 164, 165, 166, 167, 168, 173, 174, 175, 176, 180, 186, 187, 189,192, 194, 195, 196, 198, 202, 204, 205, 206, 208, 220, 227, 238, 243, 250, 254,259, 268, 270, 293, 297, 308, 312, 313

Traité de Pardo, 202

Trarzas, 33, 35

Trezenem, 376, 442

Trilles, 273, 292, 313, 348, 358, 359, 360, 362, 363, 364, 371, 380, 383, 384,385, 386, 397, 398, 399, 402, 407, 442, 444, 445, 454, 460, 461, 462, 463, 465,466, 468, 469, 485, 486, 487, 493, 498

Tsilo, 223

Tsogo, 293

Vandales, 87

Veistroffer, 178, 179, 181, 193, 195, 198, 214, 215, 216, 217, 237, 244, 245,252, 253, 254, 255, 256, 257, 258, 259, 263, 268, 269, 275, 277, 278

Vénus, 118, 125

Veya, 91

Victoria, 34

Viegas, 169, 192

Vili, 20, 91, 115, 514

Visoué, 86

Vivien, 56, 344, 356

Page 537: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Walker, 20, 48, 49, 50, 60, 73, 87, 89, 90, 91, 92, 93, 98, 100, 110, 112, 114,115, 118, 144, 329, 332, 333, 372, 386, 396, 397, 398, 401, 407, 412, 415, 418,422, 471, 481

Wanji, 205

Watman, 65

Weber, 299, 305, 306, 308, 309, 311

Wéber, 297, 298, 299

Weissenborn, 210, 221, 226

Will-Glass, 38

Wilson, 34, 35, 39, 40, 46, 326, 327, 328, 329, 330

Woermann, 95, 110, 122, 124, 144, 147, 151, 165, 168, 171, 172, 174, 175,183, 188, 192, 199, 200, 211, 229, 236, 243, 249, 256, 259, 260, 263, 266, 267,276, 286, 315

Wolber, 123, 144

Woleu, 20, 35, 199, 200, 201, 223, 227, 264, 272, 290, 293, 297, 298, 299, 300,305, 308, 309, 310, 312, 313, 315, 316, 326, 331, 345, 362, 365, 369, 375, 383,403, 412, 416, 417, 429, 430, 431, 432, 433, 434, 437, 441, 472, 480, 481, 497,517, 519

Wolof, 55, 56

Wouri, 200

Yanghere, 352, 450

Yanghérés, 352

Yaoundé, 23, 226, 234, 315, 345, 366, 383, 393

Yassa, 214

Yendzo, 333, 349, 392

Yendzok, 16, 486

Yevo, 16, 432

Page 538: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Yokaduma, 282

Youkabikoungé, 229

Zaboure, 154

Zabouré, 133, 135, 217, 586, 589

Zaïre, 23, 320

Zande, 336, 337, 338, 339, 340, 344, 489, 502

Zintgraff, 234, 240

Zora Cotcho, 93, 151, 153, 165

Zouameyong, 228, 229, 233

TABLE DES ILLUSTRATIONS

Numéro Page

Figure 1 : Répartition géographique des groupes Fang, Bulu et Beti (Perrois,1972, p. 102). 16

Figure 2 : “ Carte du Gabon ” (G. de Saint-Aubin, 1963, p.5). 16

Figure 3 : “ Carte des tribus du Gabon ” (A. Raponda-Walker, 1960, p. 7). 16

Figure 4 : Carte du Gabon (d’après Bowdich, 1821). 16

Page 539: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 5 : “ L’Estuaire du Gabon d’après les Occidentaux en 1839 ” (Deschamps,1963, p. 297). 16

Figure 6 : “ Kringer et sa famille ” (d’après Griffon, 1865, p. 292). 16

Figure 7 : Bouët 16

Figure 8 : “ Denis et sa femme ” (d’après Griffon, 1865, p. 276). 16

Figure 9 : Rive droite de l’Estuaire (Deschamps, 1963, p. 319). 16

Figure 10 : “ Village gabonais ” (Griffon, 1865, p. 295). 16

Figure 11 : Le Gabon, villages connus en 1847 (Deschamps, 1963, p. 339). 16

Figure 12 : Guerriers kele (Griffon, 1865, p. 297). 16

Figure 13 : Glass 16

Figure 14 : Carte du Gabon (d’après Wilson, 1843, p. 230). 16

Figure 15 : Le comptoir du Gabon en 1856 (d’après Faidherbe, 1853, p. 347). 16

Figure 16 : Quérellé, jardin du commandant du Gabon (Griffon, 1865, p. 289). 16

Page 540: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 17 : Paul Belloni Du Chaillu (Bucher, 1979, p. 25). 16

Figure 18 : Carte des explorations de Du Chaillu (d’après l’auteur, 1863). 16

Figure 19 : Du Chaillu reçu chez Ndiayai (d’après l’auteur, 1863). 16

Figure 20 : ’Ndiayai, roi des Fans’ (Du Chaillu, 1863). 16

Figure 21 : Gabon, Peuples et lieux de traite vers 1850 (Deschamps, 1963, p. 107).16

Figure 22 : Le Gabon en 1861 (Serval, 1861). 16

Figure 23 : Le Haut-Komo (d’après Braouezec, 1861). 16

Figure 24 : Enfants de la mission catholique (Fleuriot, 1876, p. 265). 16

Figure 25 : Chasseurs fang (Griffon, 1865, p. 311). 16

Figure 26 : Factorerie anglaise de Glass (Griffon, 1865, p. 280). 16

Figure 27 : Guerriers fang (Griffon, 1865, p. 308). 16

Page 541: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 28 : Le village de Chinchoua (Griffon, 1865, p. 293). 16

Figure 29 : Le traitant Ouassengo (Griffon, 1865, p. 296). 16

Figure 30 : Itinéraire de Walker, de Chinchoua à l’Ogooué (1870). 16

Figure 31 : Rempolé (Fleuriot de Langle, p.274). 16

Figure 32 : Rénoqué (Fleuriot de Langle, p. 274). 16

Figure 33 : N’Combé (Fleuriot de Langle, p. 274). 16

Figure 34 : Carte des possessions françaises de l’Afrique Equatoriale (Fleuriot,1969). 16

Figure 35 : Adanlinanlongo (Marche, 1878, p. 369). 16

Figure 36 : Chasseurs Fang (Compiègne, 1874). 16

Figure 37 : R. P. Bessieux. 16

Figure 38 : Cours approximatif de l’Ogooué (Compiègne, 1874). 16

Figure 39 : Victor Compiègne (Marche, 1878, p. 408) 16

Page 542: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 40 : Grandes pirogues de Marche et Compiègne sur l’Ogooué (Compiègne,1874). 16

Figure 41 : Factorerie sur l’Ogooué (Compiègne, 1874). 16

Figure 42 : Shiwa (Compiègne, 1874, t.2, p. 153). 16

Figure 43 : Mission catholique de Libreville (Griffon, 1865, p. 284). 16

Figure 44 : Alfred Marche (Marche, 1878, 409). 16

Figure 45 : Brazza chez Rénoqué (Brazza, 1887). 16

Figure 46 : Lopé (Marche, 1878, p. 386). 16

Figure 47 : Femmes kande (Compiègne, 1874, t.2, p. 131). 16

Figure 48 : Marche dans un village shiwa (Marche, 1878, p. 388). 16

Figure 49 : Marche à la chute de Booué (Marche, 1878, p. 387). 16

Figure 50 : ’Armes et ustensiles’ rapportés par Marche (Marche, 1878, p. 414). 16

Page 543: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 51 : Chutes de Poubara 16

Figure 52 : Vue du Comptoir du Gabon (Griffon, p. 273). 16

Figure 53 : Village fang (Marche, 1878, p. 413). 16

Figure 54 : Factorerie (Marche, 1878, p. 411). 16

Figure 55 : Débarcadère de la Station Navale de Libreville (Compiègne, 1874). 16

Figure 56 : Le poste de Lambaréné (Veistroffer). 16

Figure 57 : Paul Crampel (Alis, 1888, p. 336). 16

Figure 58 : Albert Veistroffer (1931, p. 48) 16

Figure 59 : Village pahouin près de Booué (Veistroffer). 16

Figure 60 : Le poste de Ndjolé en 1888 (Veistroffer). 16

Figure 61 : L’expédition de Crampel (Alis, 1888, p. 321). 16

Figure 62 : Itinéraire de Crampel (Alis, 1888, p. 334). 16

Page 544: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 63 : Le village Eyegeh (Alis, 1888, p. 331). 16

Figure 64 : Le Cameroun d’après la Convention du 4 février 1894. 16

Figure 65 : Le poste de Benito (Veistroffer). 16

Figure 66 : Village en flammes (Veistroffer). 16

Figure 67 : Paillotes dans l’île de Ndjolé (Veistroffer). 16

Figure 68 : Le poste de Ndjolé (Veistroffer). 16

Figure 69 : Les concessions au Gabon-Congo (d’après Coquery-Vidrovitch, 1972,p. 56-57) 16

Figure 70 : Plantation d’arbres à caoutchouc (Veistroffer). 16

Figure 71 : Village fang du Bas-Campo (Cureau, 1912). 16

Figure 72 : Missoum-Missoum (Cottes, 1908, p. 276). 16

Figure 73 : Mission Cottes (Cottes, 1908, p. 67). 16

Figure 74 : Côte Nord, Komo et Abanga (Denis, 1931, c14). 16

Page 545: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 75 : ’Opérations dans l’Okano’ (Denis, 1931). 16

Figure 76 : ’Opérations dans le Woleu-Ntem’ (Denis, 1931, c12). 16

Figure 77 : Le Cameroun depuis la Convention du 4 novembre 1911 (Brisset, 1920,p. 31). 16

Figure 78 : Comparaison de crânes d’hominiens (Du Chaillu, 1863) 16

Figure 79 : ’Jeune femme de la tribu des Pahouins’ (Griffon, 1865, p. 309). 16

Figure 80 : Guerriers Niams-Niams(Schweinfurth, 1875, p. 213). 16

Figure 81 : Guerriers fang (Fleuriot, 1876, p. 272). 16

Figure 82 : L’Afrique Equatoriale (Cureau, 1912). 16

Figure 83 : Migrations Fang d’après Avelot (Avelot, 1905, planche II). 16

Figure 84 : Le territoire pahouin d’après Tessmann (Laburthe-Torla, 1991, p. 175)16

Figure 85 : Les styles longiformes, équiformes et bréviformes (Perrois, 1966, p. 70-72). 16

Page 546: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 86 : ’Les styles Fan’ (Perrois, 1972, p. 107). 16

Figure 87 : Migrations fang d’après Perrois (1972, p.105). 16

Figure 88 : Origine des Beti : hypothèses historiques (Laburthe-Tolra, 1981, pp.108-109). 16

Figure 89 : ’Femmes fang revenant de la plantation’ (Cureau, 1912, pl. VIII, p.152). 16

Figure 90 : Joueur de Mvet (Avelot, 1905, p. 291). 16

Figure 91 : Forgerons fang en 1856 (Du Chaillu, 1863, p. 168). 16

Figure 92 : Forgerons ntumu en 1907, (Tessmann, 1991, p. 212). 16

Figure 93 : Village fang (Griffon, 1865, p. 313). 16

Figure 94 : Maison ntumu (Tessmann, 1991, p. 192). 16

Figure 95 : Poteries fang (Du Chaillu, 1863, p. 169). 16

Figure 96 : Poteries fang (Tessmann, 1991, p. 233). 16

Page 547: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 97 : ’Cuiller des Fans’ (Du Chaillu, 1863, p. 175). 16

Figure 98 : Musiciens fang (Du Chaillu, 1863, p. 157). 16

Figure 99 : Tambours fang (Avelot, 1905, p. 288) 16

Figure 100 : Tambour (Avelot, 1905, p. 291). 16

Figure 101 : Arc musical (Avelot, 1905, p. 292). 16

Figure 102 : Harpe (Avelot, 1905, p. 289). 16

Figure 103 : Musiciens Niams-Niams (Schweinfurth, 1875, p. 217). 16

Figure 104 : Décorations sur épées et haches fang (Tessmann, 1991, p. 234). 16

Figure 105 : ’Ornementation des anneaux de chevilles’ (Tessmann, 1991, p. 233).16

Figure 106 : Guerrier fang (d’après Du Chaillu, 1863, p. 141). 16

Figure 107 : Bouclier Warega (Delhaize, 1910). 16

Figure 108 : Type archaïque de bouclier fang (d’après Baumann et Westermann,1948, p. 200). 16

Page 548: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Figure 109 : Arbalétrier fang (Du Chaillu, 1863, p. 153). 16

Figure 110 : Lances fang et bouclier (d’après Du Chaillu, 1863). 16

Figure 111 : Onzil (1), Epée (2), hache (3)(Du Chaillu, 1863, p. 155). 16

Figure 112 : Différents types d’Onzil (Westerdijk, 1988, p. 327). 16

Figure 113 : ’Tableau des styles fang’ (Perrois, 1992, p. 44). 16

Figure 114 : Masque Ngi MH 65 104 1 (Photothèque Musée de l’Homme). 16

Annexes

Traité du 9 Février 1839 signé entre Bouët et Denis

Article Ier : Le roi Denis s’engage à céder à perpétuité à la France deux lieuesde terrain, en partant de la pointe Sandy, se dirigeant vers le village du roi, et danstoute la largeur de la rive gauche, moyennant les marchandises de traite ci-dessousdénommées...

Article II : La France élèvera toutes les bâtisses, fortifications et maisonsqu’elle jugera convenables.

Article III : Le susdit roi s’engage à une alliance offensive et défensive avec laFrance, qui, d’un autre côté, lui garantit sa protection.

Page 549: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Article IV : La présente convention une fois ratifiée en France, la prise depossession pourra avoir lieu immédiatement.

Fait en triple au village et dans la case du roi Denis, le 9 février 1939.

Traité signé pour “ vingt pièces d’étoffes assorties, dix barils de poudre de 25livres, vingt fusils à un coup, deux sacs de tabac, un baril d’eau de vie et dixchapeaux blancs ”.

Sources : E. Mbokolo, Noirs et Blancs… ; p. 37.

Traités passés avec les indigènes

1842 30 mars - Banoko signé : De Kerhallet

avril - Rivière Danger

1852 18 septembre - Cap Esterias, signé : Vignon

1862 1er juin - Cap Lopez et Rivière Nazaré

1867 10 mai - M’Goumbi et M’Doumbai, signé : Aymès

17 octobre - Sékianis (rivière Danger) , signé : Fleuriot de Langle

1868 14 janvier - Camma et Rembo, signé : Aymès

14 février - Bilogué, signé : Bourgarel

1869 20 août - Bongael-Otonga, Bapouko-Masouka, Apouko, signé : Bachaud

1873 14 mars - Bénito (Bobendjé, roi de) , signé : Garaud

23 août - Boungé (Gnougou, chef de) , signé : Guisolphe

1883 12 mars - Loango (Manimacosso-Chicusso, roi de)

24 avril - Banoko (Toko, roi de) , signé : Godin > Confirmation du traité du30 mars 1842

25 avril - Banoko (Madolo, roi de), signé : Godin > Idem

21 juin - Punta-Negra (Mafucas) , signé : Cordier

Page 550: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

9 août - Dembo, signé : Largent

24 août - Eboko, signé : Masson

9 novembre - Bénito (annexe au traité du 3 novembre 1883) , signé : Félix

9 novembre - Bénito (protestation contre la cession de M’Bini) , signé : Félix

10 novembre - Bénito (M’Bini, déclaration de Rokou, chef de) , signé : Félix

19 novembre - Campo, signé : Masson

15 décembre - Batas, signé : Masson

15 décembre - N’Gové, signé : Masson

23 décembre - Otoudé et Bapoukous, signé : Masson

1884 25 janvier - Massango - Renouvellement du traité du 14 février 1868(Bilogové, etc.) , signé : Cornut-Gentille

1er février - Oloba, Aydié, Ygombé, Gombé, etc. , signé : Espinassy

1er février - M’Bini (adhésion aux traités du 3 et 9 novembre 1883) , signé :Cornut-Gentille

5 février - Outowé, signé : Espinassy

19 mars - Batas, signé : Largent

31 mai - Aandger (pays des Bénitos, adhésion au traité du 5 novembre 1883,signé : Rozier

6 juin - Enguié ou Andgé, signé : Rozier

6 juin - Pointe Bota et rivière Bondgé, signé : Rozier

28 juillet - N’Gowé - annexe au traité du 15 décembre 1883, signé : Pollachi

22 août - Noyo (déclaration des chefs Seckianis) , signé : Félix

“ ...Nous soussignés, principaux du village Seckiani de Deuggé-Deuggé,reconnaissons, à l’exemple de nos pères, la suzeraineté de la France sur notre payset tout particulièrement sur cette partie de la rivière où viennent se jeter la rivièreTembouy et la rivière Noyo, et sur cette dernière elle-même à l’embouchure delaquelle est situé notre village de Deuggé-Deuggé.

Page 551: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ Nous commandons la rivière jusqu’au village pahouin de Mabeuggi, où noushabitions jadis et d’où les Pahouins nous ont chassés.

“ Nous désirons vivement la protection française et ce n’est pas d’aujourd’huique nous sommes Français.

“ Il y a bien longtemps, quand le Pionnier est venu ici, il a traité avec Madoukodans la rivière Tembouy au village de Tanganié ; Madouko, qui était un Boulou, estmort il y a bien longtemps et son fils aussi.

“ Les pahouins commandent maintenant dans son village où il n’y a plus quequelques Seckianis.

“ Le Pionnier a aussi fait un traité avec Ikombbo qui demeurait à l’entrée de larivière Noyo au village de Moutangga, tout près de chez nous. Les Pahouins y sontmaintenant ; Ikombbo est mort et son papier a disparu dans l’incendie du villageallumé par un parent d’Ikombbo à l’occasion de sa mort ”.

22 août - Massaï (rive droite de la rivière Noyo)

22 août - Massaï 2, signé : Félix

25 août - Apoutous, signé : Pollachi

Rapport Méquet 1847

C.A.O.M. Sénégal et Dépendances III dossier 7

Où l’on apprend que le fond de l’estuaire est souvent fréquenté par les françaisqui viennent y chercher de l’eau douce par leur navire citerne.

Au village de Georges en 1847 est une école tenu par un Krewman pour lecompte de Wilson

Hommage est rendu aux Seke qui par leur travail d’exploitation du bois desantal sans scie ni coin de fer, laisse l’espoir de bras pour l’agriculture

Page 552: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Selon Méquet, dans l’affaire du Lynx, Denis serait intervenu sur l’insistance ducommandant anglais Broadhead et d’Amouroux et sauva quatre hommes.

Cobangoï est mort avant 1847

p.17 : “ [Les monts de cristal] s’appellent Sala, Micon, Midinguay etMidouny ”.

Méquet s’est aventuré dans le Bokoué jusque le 5 décembre puis rebroussechemin

pp. 20-23

“ En passant devant Donguay [village kele sur la rive droite du Bokoué avant ladeuxième rivière], nous entendons un grand bruit de tamtam. Ce sont les M’Pawinsqui arrivent. Je mouille aussitôt et je pars avec Monsieur Foussal pour voir cesmangeurs d’hommes, la terreur des M’Pongué.

Les M’Pawins couverts de leurs armes, sont groupés à l’entrée du village. Leuraspect est imposant. D’une taille athlétique, dont aucun vêtement ne dissimule lesbelles formes, ils n’ont qu’un langoutti en pitte tenant à peu près lieu de la feuillede vigne de nos statues ; au cou des colliers de fer et aux poignets des bracelets defer.

Me voilà au milieu d’eux, leur distribuant des poignées de mains et des Bolanys(bonjour) pendant que leurs physionomies expriment à la fois l’étonnement et labienveillance. Joseph [Rompouroué, pilote mpongwedu Village de Glass] meprésente à leur chef Matouka comme le commandant M’Pôlo (le grandcommandant) et Matouka de m’offrir un morceau de cire qu’il tire d’une espèce degibecière, pleine de gris-gris. Matouka coiffé d’un bonnet rouge en pitte, à plus tôtl’air d’un pêcheur napolitain que d’un nègre ; son regard est intelligent son nezpresque aquilin ses lèvres peu épaisses, sa tournure distinguée. A ma prière la danseinterrompue par mon arrivée, recommence au bruit du tam-tam du tambourin et dela clochette. Elle est molle et monotone comme leur musique ; leurs formespuissantes se balancent en cadence avec ce mouvement de cancan, propre à toutesles peuplades méridionales et que les grisettes du quartier latin ont si fortperfectionné.

Après le défilé les hommes placés vis à vis des femmes se rapprochent,s’éloignent pour se rapprocher encore, feignant de se provoquer à des combatsamoureux ; tous marquent la mesure en frappant dans leurs mains. Mais au milieude tous ces mouvements du corps, la physionomie reste impassible ; et rien dansleur pantomime ne répond à ce que semble promettre une population guerrière.

Page 553: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

J’ai pu pendant ce temps là les examiner à loisir. Leurs corps sont légèrementpeints avec du rocou ; les pieds et les mains sont aristocratiques. Le front ombragépar les cheveux réunis en mille tresses ne dépardrait par une belle tête européenne ;leurs yeux sont doux et fiers, un peu inclinés à la chinoise, les lèvres peu épaisses.Il n’y a pas entre le nez et la bouche ce grand intervalle qui donne en général auxraces noires quelque chose de bestial : leurs dents taillées en pointes, imitent cellesdes requins.

Après la danse, ils nous entourent. Un essaim de jeunes filles, gracieuses etélancées comme des gazelles, sont au premier rang. Ils nous touchent, nousdévorent des yeux, avec une curiosité bien naturelle chez des hommes qui n’ontjamais vu de Blancs. Mes épaulettes excitent par dessus tout leur admiration ; ils enmanient les torsades, ils en sont en extase ; ce sont des ïh may continuelsd’admiration. Nous échangeons nos bagatelles contres des zagayes, des haches etdes poignards de forme bizarre. Ils sont surtout avides de verroterie blanche aveclaquelle ils se font des toques qui leur vont à ravir. Cependant je voulais à tout prixles attirer à bord, pour leur donner une idée de l’industrie et de la puissance desblancs ; mais j’eus besoin pour y réussir de beaucoup de diplomatie. J’avais à lutternon seulement contre la défiance que doit leur inspirer une race dont on leur a ditsans doute plus de mal que de bien, mais encore contre les mauvais vouloir desBakalais, déjà froissés de nos intentions exclusives pour les M’Pawens.

Matouka ne voulait pas venir sans son hôte Djumbia chef de Donguay ; et celuici ne consentit à l’accompagner qu’à condition qu’il règlerait lui même le cadeau àfaire à Matouka. Après bien des pourparlers, me voilà dans mon canot avecDjumbia, mais Matouka hésite toujours, il avance vers nous puis retourne vers lessiens. Déjà il avait un pied dans la pirogue quand la grande femme de Djumbias’agite en énergumène, pour empêcher son mari d’accompagner Matouka, qui deson côté paraissait en proie à un lutte vive entre la curiosité et la crainte. En cemoment quelques jeunes hommes parurent lui faire un reproche de sa timidité.Cette allocution fut décisive. Le chef M ’Pawen s’embarque mais son anxiété estextrême et son regard semble mesurer la distance toujours croissante qui le séparede sa tribu.

Nous accostons la Fulminense, mais Matouka, léger comme l’antilope dans sesforêts, ne sait comment monter et nous le hissons comme un ballot.

Une fois sur le pont de la goélette il reste stupéfait à la vue de tant de figuresblanches, de tant d’objets nouveaux. Dans ma chambre où je lui ai fait servir àmanger, il s’est remis. Il a dit qu’il était venu sans peur, parce que les M’Pawensont même père et même mère ; paroles qui prouvent à la fois qu’ils ont del’élévation dans l’esprit et une haute opinion d’eux mêmes.

Matouka a voulu ensuite me donner sa fille pour apprendre le français, afin quenous puissions nous comprendre par son intermédiaire. Je l’ai remercié disant que

Page 554: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

le Roi de France ne me permettrait pas d’avoir une femme à bord, mais que jeprendrais volontiers son fils. Malheureusement il était au village, à trois journées deDonguay. La pantomime de Matouka était noble et fière pleine d’expression. Je luiai donné un verre de poudre, deux brasses d’étoffes et une tête de tabac. Ce mincecadeau avait été fixé par Djumbia. Que deviendrait en effet le commerce desBakalais si les M’Pawens connaissaient la valeur de leur ivoire?

Matouka est parti heureux comme un vrai roi et Djumbia qui ne se doute guèrede la portée d’une telle entrevue est allé le griser avec quelques bouteilles de rhumque je lui ai données pour prix de sa complaisance. Le fait est qu’il faudra dans lescommencements surtout user de beaucoup de prudence et ménager soigneusementl’amour propre et les intérêts des riverains quelle que soit d’ailleurs notreimpatience d’entamer des relations directes avec les M’Pawens.

Si Matouka réalise son projet de venir s’établir au bord de l’eau, nul doute queson exemple ne soit bientôt imité par d’autres chefs. Alors ils auront bien viteconstruit des pirogues et ils pourront se passer des Bakalais du jour où ils viendronthardiment troquer les produits de leur chasse contre ses marchandises européennes.Alors s’écroulera d’elle même cette triple barrière de brocanteurs qui n’ont que lapeine de se passer l’ivoire les uns aux autres. Quoiqu’il arrive il y a de la part destribus M’Pawens une tendance bien marquée à se rapprocher des bords de la rivièreet par suite un mouvement rétrograde des Bakalais vers l’embouchure du fleuveafin d’éviter ce fâcheux voisinage ”.

p. 24,

au confluent Komo, Bokoué, il reçoit une délégation fang à son bord, emmenéepar le chef Malamay

p. 25 :

“ Malamay ne comprenait pas que nous puissions transporter l’obusier dans lesmontagnes. Je lui ai dit qu’autant nous étions redoutables à nos ennemis, autantnous étions bons pour nos amis. Pas tant que les M’Pawens, a-t-il répondu sanss’émouvoir. Il est certain que cette race d’hommes jouit parmi les populationsvoisines, d’une haute réputation de bravoure. Ils marchent au combat, guidés parleurs chefs en plein soleil. Ceux qui succombent sont aussitôt remplacés pard’autres et rien ne peut les arrêter, tant que la terre ne leur manque pas. Ils sont auxBakalais ce que le lion est au chacal. Si les M’Pawens les supportent c’est que cesmarchands sont à leurs yeux la personnification de la poudre, des fusils, dont ils nepeuvent se passer...

Page 555: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Le lendemain Andonbo devait partir avec les M’Pawens qui retournent à leurvillage Scio, situé à douze heures de marche de Dombay [en face de NenguéNengué, sur la rive gauche, en aval du confluent avec le Bokoué].

Malamay m’a expliqué avec beaucoup d’intelligence comment ils font le fer,comment ils le trempent. Je lui ai demandé enfin s’il était vrai qu’ils fussentanthropophages et il m’a répondu que non, en souriant d’un air sincère. Il estpossible qu’ils l’aient été autrefois, mais aujourd’hui je les considère commebeaucoup trop élevés sur l’échelle de la civilisation, pour manger leurs semblables,ce qui est le degré le plus infime de l’humanité ”.

p. 26

“ Ils ont de nombreux troupeaux et des champs de manioc, de maïs et desplantations de bananiers. Disséminés par tribus peu nombreuses, ils couvrent desespaces considérables depuis le Cap Lopez jusqu’à la rivière Mondah. On ne peutavoir il est vrai qu’une bien faible idée d’un peuple qu’on ne voit qu’en passant ethors de chez lui. Il faudrait les suivre dans leurs montagnes...

“ Quoiqu’il en soit, il y aura beaucoup à faire avec un peuple primitif, qui paraîtdoué d’un esprit élevé et intelligent. Mais pour que nos relations avec lesM’Pawens ne leur fassent pas plus de mal que de bien, il faut que la civilisationmorale marche de front avec la civilisation matérielle si elle ne peut la précéder. Laplace de la mission apostolique est donc aujourd’hui bien marquée au Gabon. C’està regret que je quittais ces sauvages civilisés... M’Pawens ! je ne vous reverraiprobablement jamais, mais tant que je vivrai votre souvenir ne sortira pas de mamémoire ! ”

Rapport Didelot

C.A.O.M., Gabon I, Dossier 2b, Rapport Didelot du 24 mars 1863 au Ministre,à propos du pillage de l’Oise par les Pahouins :

“ Avis me fut donné que des bandes de pahouins accourues en armes, avaientmis le feu à l’Oise (qui s’était échouée et était perdue, remplacée dans ses fonctionspar le Pionnier) pour prendre le fer dont ils sont fort avides, et qu’une grandeémotion régnait parmi eux quelques débris enflammés du navire ayant fait chavirerune de leurs pirogues et noyé 6 hommes, parmi lesquels, deux chefs influents. Surcette nouvelle je hâtai mon départ en me disant accompagner d’une section de laCompagnie de débarquement de la frégate, afin d’être en mesure de châtier lescoupables, si je ne pouvais les amener à demander grâce et à souscrire auxconditions qu’il me plairait de leur imposer. Le 19 mars, au matin, le Pionnier étaitmouillé à 150 mètres du village pahouin près duquel l’Oise s’était perdue, après

Page 556: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

avoir inutilement tenté à plusieurs reprises, de faire venir à bord le chef et lesprincipaux du village, je me décidai, bien à regret, à faire canonner ce village et encouvrir les abords de mitrailles. ”

A la déception de Didelot, les obus traversent les cases en matériau végétal sanséclater, quant aux fusées qu’il lance pour incendier le village, elles sont mouilléeset ne prennent pas feu. De plus, la marée baisse [il faut rappeler l’état vaseux desrivières à marée basse], la nuit tombe et un orage s’annonce, décourageant toutdébarquement. La frégate quitte donc l’endroit et revient le lendemain dansl’intention de raser le village :

“ Mais, sur ces entrefaites, quelques chefs mais me rallièrent et s’offrir à faireune nouvelle démarche pour amener les pahouins à composition, m’affirmant quela peur surtout les tenait éloignés et les jetait dans une défense impossible. Jeconsentis d’attendre une heure, les chargeant de déclarer aux pahouins que ce termepassé, ils n’avaient plus à espérer de merci. Le chef vint enfin à bord, avant l’heureexpirée, tremblant comme le feuille, et bien convaincu malgré toutes les assurancescontraires qu’il ne sortirait pas vivant du pionnier il souscrivit à toutes mesconditions après s’être excusé de son mieux sur la violence que lui avaient faite lespahouins de l’intérieur qui étaient venus s’abattre sur son village attirés par lanouvelle que l’Oise était abandonnée.

Ce qu’écrit ensuite Didelot laisse croire qu’il s’agit de la première répressionfaite contre les Fang :

“... Quand on a vu de près ces misérables noirs les plus sauvages et les plusprimitifs de toutes les populations, on ne peut s’empêcher de ressentir pour eux unprofond sentiment de pitié et de se féliciter de pouvoir les réduire à l’obéissancesans avoir à les massacrer ”.

Didelot se satisfait de cette victoire facile, heureux de n’avoir pas fait couler lesang, confiant dans la leçon infligée aux Fang. Il conclut :

“ Je ne regrette donc pas Monsieur le Ministre de n’avoir pas poussé les chosesaussi loin que je l’aurais pu et d’avoir retenu l’ardeur de mes hommes, pour qui unengagement avec ces pahouins si redoutés dans toutes la rivières semblait unedistraction dont je les ai privés. ”

Rapport Aymès

C.A.O.M. - Gabon III Dossier 1, avril 1872, Aymès, Lieutenant de Vaisseau,Rapport sur la “ Situation des populations autour de l’estuaire ” au Contre AmiralBourgois, Commandant la Division Navale de l’Atlantique sud :

Page 557: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ Une foule de races divers, venant d’une origine inconnue, s’avance des pointsles plus reculés du centre de l’Afrique, et forme comme un vaste fleuve humain quivient s’épanouir dans nos domaines - depuis la baie de Corisco jusqu’à l’Ogoôué,rive droite - sa direction générale paraît être N. E.

“ ... Le torrent est là violent, impétueux ; il a déjà brisé nos portes et peut faireirruption aujourd’hui ou demain.

“ Le Gabonnais appelle indistinctement ces noirs des Pahouins. C’est unecorruption du nom dont s’appelle le peuple qui est tête de colonne dans cetimmense mouvement. Le nom est Fam, et nom Fan - faute du reste dont tout lepremier j’ai été coupable. Au pluriel on dit Ba-Fam.

“ Le Gabonnais a également tort de croire à un seul peuple envahisseur : Ainsique je viens de le dire, il en est une foule d’autres ou mélés aux Fam, ou venant surleurs derrières.

“ Tous ces peuples sont anthropophages. Mais l’on aurait tort d’y voir cetteférocité qui faisait les scandinaves, par exemple, boire le sang avec délices dans lecrâne de leurs ennemis : Exposés dans cette migration gigantesque aux besoins dela faim, ces peuples ont mangé leurs ennemis ; ils l’on fait ensuite dans une idéed’ordre moral ; enfin ceux qui sont devenus nos voisins y ont bientôt renoncé enrougissant de honte.

“ Ces peuples ne parlent pas la même langue ; ils se distinguent aussi par desaptitudes et des types divers : les uns comme les BAKU sont petits et consententvolontiers pour un salaire à servir un autre noir (1 : Le fait est exceptionnel : le noirconsidère comme un déshonneur de servir un autre noir) ; d’autres sontparticulièrement sauvages commes les BATCHIS ; d’autres, essentiellementguerriers comme les YOKOS et surtout les YENDZZÔ.

“ Mes renseignements ne vont pas au-delà des YENZZÔ, qui paraissent être enqueue, et ne pas peu contribuer par leur tempérament et leurs qualités militaires àaccélérer le mouvement en avant.

“ Parler des YENZZÔ, c’est déjà toucher à la légende : le troubadour Famchante leurs exploits, et tous font du chef des YENZZZÔ (N’GOUMANZZÔ) unesorte de demi-dieu dont ils prétendent tenur leurs lois et leurs fétiches...

“ On doit remarquer avec intérêt que tous les peuples en contact avec les Fams’empressent d’apprendre le Fam pour ne plus parler que ce langage - honteux de seservir plus longtemps d’une langue “ barbare ” (1 : parmi eux, on le voit, il y a des

Page 558: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

gens “ barbares ” et des gens “ civilisé ” : ceux-ci parlent “ doux ”, ceux-là parlent“ gros ”.)

“ Du reste cette race, par ses qualités et le nombre, ne laisse aucun doute qu’ellene s’assimile toutes les autres, comme elle l’a déjà fait pour quelques-unes unes...

“ La migration des Fam s’est produite lentement ; plusieurs génération ontpassé avant que les premiers aient connu nos rivières et s’y soient établis. Aussi est-il très difficile, sinon impossible, d’avoir sur leur point de départ des donnéesprécises. Ils n’ont gardé du vieux temps que la tradition qui va s’effaçant chaquejour...

“ Après bien des vicissitudes, ils ont appris un jour que là-bas... bien loin àl’occident, habitaient les hommes des morts, les mains pleines pour eux de toutesles oeuvres de N’ZZAMA capables de leur plaire, un pays aussi merveilleux étaitpour le Fam la terre promise, un véritable Eden, aussi a-t-il pressé le pas entraînantà sa suite, comme un torrent, tous les peuples qui apprenaient la nouvelle.

“ Ils arrivent chez nous pêle-mêle. Cependant, malgré cette confusion, la nationFam a gardé intacte l’union des premiers jours : les villages d’une même nationsont séparés souvent par d’énormes distances et des villages d’une foule de nationsdifférentes, néanmoins la liaison est si réelle que le village engage de droit dans sacause la nation toute entière, aussi bien que le particulier engage le village.

“ Il est inouï que deux villages de la même nation se soient jamais fait la guerre.

“ La traite des esclaves est de temps immémorial sur la côte d’Afrique. Le jouroù elle s’est produite, il en est résulté pour tous les peuples du littoral un régimenouveau, une vie nouvelle : les armes qui servaient à préserver sont devenuesoffensives, de défensives qu’elles étaient ; des peuples se sont rués les uns sur lesautres dans l’unique but de faire des captifs. Naturellement la victime dut être leplus faible, c’est-à-dire le noir de l’intérieur que son isolement absolu des peuplescivilisés faisait le moins armé. Tant qu’a duré cette traite, tout mouvementvolontaire de ce noir vers la côte était donc un non sens. Ce qu’on a vu ? ce sontdes peuples du littoral suivre les courants de traite, qui tantôt avaient lieu plusintenses à tel point qu’à tel autre des rives africaines, ou qui même cessaientabsolument ici pour se manifester ailleurs ”.

Attaque de Compiègne et Marche par les Shiwa

Le départ de Lopé est fixé le 28 février 1874 à la suite d’une députation dechefs osyébo et adouma

Page 559: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Le 3 mars arrivé à l’Ofooué, limite entre terre okanda et osyéba

Compiègne, L’Afrique Equatoriale, Paris, Plon, 1876 ; t.2, p. 176 :

7 mars “ Bien qu’il ne soit pas tard, nous passons au pied de ces chutes le restede la journée : tandis que Marche en prend les photographies, nos hommesharponnent et surtout attrapent dans des nasses gigantesques, tendues là par lesOsyéba, de très-gros poissons dont plusieurs ne pèsent pas moins de quinze livres ;nous en avons immédiatement empaillé plusieurs spécimens nouveaux pourl’histoire naturelle ”.

8 mars “ Toutes les collines déboisées qui environnent la chute sont couvertesde guerriers osyéba en armes,/ mais ils n’ont par leurs ornements de guerre et leursallures sont pacifiques quoique méfiantes. A neuf heures, on commence le transportpar terre des pirogues et des bagages, et à deux heures nous nous remettons enroute, laissant derrière nous les chute de Booué. Au bout d’un mille et demi, lesrapides recommencent et nous forcent à longer la rive sur laquelle les Osyéba sontconcentrés en grand nombre : nous voulons palabrer avec eux, mais il nous fontsigne de ne pas accoster. Nous faisons neuf milles toujours sur le qui-vive ; maisheureusement, les craintes d’attaque ne sont pas justifiées.

P177 9 mars : “ Nous partons au jour, il faut constamment tirer le bateau à lacorde. Les rives sont maintenant couvertes de forêts dans lesquelles les Osyéba ontdéfriché de nombreuses plantations. Près d’un de leurs villages, ils nous appellentau passage ; nous faisons halte hors de portée de leurs fusils et ils nous crient quenous trouverons une embuscade dans une passe très-difficile [question detraduction et du nganga]. Nouvelle cérémonie. Les guerriers osyéba sont bien àl’endroit indiqué, mais au lieu de nous attaquer ils nous offrent de nous vendre despoules. Marche et moi nous descendons au milieu d’eux, leur tendons la main, leurachetons fort cher tout ce qu’ils offrent et leur faisons des cadeaux. En somme, touts’est passé paisiblement…

p. 178 : “ Le soir nous couchons sur une grande île de sable : les Okanda sontfous de joie ; maintenant, disent-ils, les rapides sont finis pour toujours, les Osyébane nous attaqueront plus ; dans trois ou quatre jours nous serons arrivés. Lesmaudits rapides ont duré cent dix milles ; maintenant la rivière s’offre à nousdégagée de rochers, de brisants et d’îles, large et paisible ”.

p178 “ 10 mars

“ A six heures du matin, nos hommes sont partis en chantant. La petite flottilleMadouma et Osyébo avait pris l’avance et pêchait tranquillement à deux ou troiscents mètres devant nous. Nos six pirogues se suivaient longeant la rive gauche ; lecourant était très fort, et les hommes s’aidaient des branches qui pendaient au-dessus de l’eau pour tirer à eux les pirogues. Un chef que nous avions surnommé

Page 560: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ l’homme au petit chapeau ” ouvrait la marche, je suivais avec Owanga, Marche setrouvait le dernier. Tout à coup, partent de la forêt deux décharges que nos piroguesreçoivent presque à bout portant. Il est plus facile de se figurer que de décrire laconfusion qui s’ensuit : la moitié des hommes se jetant à l’eau, les bateaux seheurtant les uns les autres et les guerriers tirant à tort et à travers du côté du bois.Pour comble de malheur, notre pirogue échoue. Owanga, fou de terreur, gesticule,crie et rend toute manœuvre impossible ; je suis obligé de lui mettre mon revolversous le nez et de le faire coucher à plat ventre dans la pirogue, où je lui mets monpied sur le dos afin d’être bien sûr qu’il ne bougera plus. Heureusement, les Osyébas’étaient sauvés après avoir fait ce beau coup, ce qui permet de regagner pêle-mêlel’île sur laquelle nous avions couché. Le premier moment de stupeur passé, on secompte ; nous trouvons six hommes horriblement blessés par les morceaux de feravec lesquels les Osyéba chargent leurs fusils. Tandis que l’on extrait les projectilesen fouillant à pleines mains dans les blessures, les chefs tiennent un conseil deguerre. Le grand féticheur, qui a toute influence, ne manque pas d’une certainebravoure ; d’ailleurs, il y va de sa réputation, /puisqu’il a prédit l’heureux succès del’entreprise ; il encourage les guerriers. De notre côté, nous faisons défoncer deuxbarils de poudre et nous distribuons de l’eau de vie et des morceaux de plomb. Envain les blessés poussent des gémissements affreux, en vain l’homme au petitchapeau, qui a perdu cinq hommes sur dix-huit, proteste avec quelques timides, ilest décidé que nous forcerons le passage. Chacun célèbre d’avance les prouessesqu’il va faire. Le féticheur frotte le front de chaque guerrier avec une certainepoudre noire, fait une distribution générale de gris-gris, puis tous les hommestenant une petite branche d’arbre à la main, vont en procession toucher le fameuxfétiche à sonnette et à os de singe, après quoi nous repartons. Les blessés sontcouchés ou plutôt jetés au fond des pirogues sous un soleil ardent. Nous faisonsquatre milles, direction sud, en tenant le milieu du fleuve, et nous arrivons à lagrande rivière Ivindo, aussi importante que l’Ogooué, qui semble en cet endroitbifurquer en deux branches d’égale largeur. Dans cette rivière Ivindo, disent lesOkanda, il y a de violents rapides et des chutes aussi importantes que celles deBooué ; puis on arrive, après quatre ou cinq jours, à de très grands lacs.Malheureusement, les deux rives sont habitées par les Osyéba. A l’embouchure del’Ivindo se trouve une île couverte de rochers, sur laquelle /nous nous arrêtons pourfaire cuire notre déjeuner. Tout à coup, sur les deux rives de l’Ivindo et sur la rivegauche de l’Ogooué, retentit le cri de guerre des Osyéba qui se montrent en masse,hurlant et tirant sur nous de tous côtés. Marche est touché au bras par une petitebarre de cuivre qui, heureusement, ne produit qu’une légère contusion. La lutte aduré une heure ; on s’apostrophait et on s’invectivait d’une rive à l’autre à lamanière des héros d’Homère ; mais tandis que Marche et moi nous montrions à cessauvages l’effet tout nouveau pour eux des balles explosives, tandis que nosguerriers tiraillaient de leur mieux, les chefs, à l’abri derrière les rochers, tenaientconseil, et, à l’unanimité, décidèrent de fuir au plus vite. C’est N’Doundou qui estvenu tout tremblant nous faire part de leur résolution. Prières, insultes, promesses,menaces, rien ne peut y faire ; nous pleurions de rage de voir ainsi perdus, en uninstant, le fruit de deux ans de fatigues et de sacrifices. Mais il a fallu céder, et

Page 561: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

céder au plus vite, on nous aurait laissés là : déjà les Okanda commençaient à jeterleurs bananes, leurs moustiquaires, etc. Nous avons dû intervenir, le revolver à lamain, pour les empêcher de jeter nos caisses par-dessus le bord. Quand une fois lapanique s’est emparée de ces gens-là, ils deviennent de véritables brutes. Nousavons commencé alors, dans les rapide de l’Ogooué et sous le feu de l’en/nemi, uneretraite ou plutôt une déroute insensée.

“ Quand les Osyéba nous virent prendre la fuite, ils poussèrent un longhurlement de triomphe et nous saluèrent d’une décharge générale qui,heureusement, n’atteignit personne. Sans doute ils avaient longtemps hésité,longtemps tergiversé avant d’attaquer les Okanda à cause de ces deux blancs qui lesaccompagnaient et qui, pour ces sauvages, étaient des être quasi divins. Mais unpremier succès exalta ces mêmes hommes qui, lorsque nous remontions le fleuve,nous parlaient des rives et affectaient des sentiments de bienveillance. Les plusobséquieux se montrèrent les plus acharnés. Quand nous passions devant leursplantations, les coups de fusil partaient du milieu des grandes herbes, de derrière lesrochers et du sommet des arbres ”.

Rapport Brazza (1879)

Extrait de la note au Ministère de la Marine (1879), Brazza dans N. Ney, Troisexpéditions…, pp. 413-415.

“ Monsieur le Ministre,

“ Les dernières découvertes en Afrique nous ont appris que le Congo, barrédans son cours inférieur par des rapides et par des chutes, est navigable dans soncours supérieur pendant près de deux mille kilomètres sans compter la partienavigable que peuvent présenter neuf affluents qu’il reçoit dans cette région.

“ L’embouchure du Congo n’appartient à aucune puissance européenne. Un peuau-dessus se trouve la colonie portugaise d’Angola ; un peu au Nord la coloniefrançaise du Gabon. Le fleuve, venant du Nord, sa portion navigable se trouve versle Gabon. Des explorateurs français venant du Gabon ont déjà planté le pavillonnational sur deux grands affluents du fleuve qui coule à l’Est du Gabon.

“ Frappé des avantages commerciaux que présente cette grande artère, diversesnations cherchent à en prendre possession. Le gouvernement belge, en particulier,vient d’y envoyer Stanley avec un matériel considérable et des ressourcesillimitées. Seule la France, qui a plus de droits que toute autre puissance et par lasituation de sa colonie du Gabon et par l’exploration officielle faite par un officierfrançais, ne peut s’abstenir dans cette lutte pacifique. Il suffirait pour réserver nosdroits, et sans engager l’avenir, d’aller planter le drapeau français à Stanley Poolavant que l’expédition belge n’ait pu le faire. Ce serait possible si, pendant queStanley, obligé de se frayer une route dans un pays difficile, a sa marche ralentie

Page 562: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

par un matériel considérable et des impedimenta nombreux, M. de Brazzaconnaissant le pays partait de la colonie française sans bagages et arrivait par unemarche rapide au-dessus des chutes du fleuve.

“ 1° M. de Brazza partirait immédiatement avec un petit nombre d’hommes quilui seraient fournies par le gouverneur du Gabon : une dizaine environ. Ilremonterait l’Ogooué en pirogue jusqu’à Moshogo [Masuku] et de là irait par terrele plus rapidement possible jusqu’à Stanley-Pool, tête de la région navigable, où ilplanterait le pavillon français.

“ 2° M. Ballay préparerait pendant ce temps tout le matériel nécessaire pour uneexpédition complète et l’établissement de deux stations : l’une sur l’Ogooué, l’autresur le Congo, et ferait construire deux canots à vapeur démontables. Ces préparatifsdemanderaient environ quatre mois. M. Ballay partirait alors et transporterait toutce matériel sur le Haut-Ogooué.

“ 3° M. de Brazza viendrait rejoindre M. Ballay. On lui indiquerait un point surle Congo où M. Ballay devrait le rejoindre après avoir fondé la station surl’Ogooué.

“ 4° Les canots à vapeur seraient lancés sur le Congo. On ferait l’hydrographiedu fleuve et de ses affluents.

“ Pour arriver à ce résultat il faudrait :

“ 1° Que M. le ministre de la marine consentit à donner à M. de Brazza lamission d’aller planter le drapeau français à Stanley-Pool. Cette mission resteraitsecrète, et ne serait mise à exécution que dans le cas où il arriverait avant Stanley.“ Dans le cas contraire, il paraîtrait faire une simple exploration géographique.

“ 2° Que M. le ministre de la marine donnât l’ordre au gouverneur du Gabon defournir à M. de Brazza, sur le personnel noir de la colonie, dix hommes disposés àle suivre.

“ 3° Que M. le ministre de la marine donnât l’ordre de construire les deuxcanots à vapeur démontables.

“ 4° Que M. le ministre de la marine fournit à M. Ballay les moyens de préparerson expédition dans les arsenaux et fit porter le matériel par les transports de l’Etat.

“ 5° Qu’on fournit au Gabon les trois Européens et les vingt-quatre noirsnécessaires pour conduire les canots à vapeur. ”

Instructions à Félix

C.A.O.M., A.E.F., 2B20 - 61MI5, folio 29 et suiv.,

Page 563: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Libreville, le 11 juin 1884, M. Le Capitaine du Basilic, “ Monsieur leCapitaine.

“ Vous appareillerez demain soir pour vous rendre à Denis. Vous aurezpréalablement embarqué les tirailleurs sénégalais et les laptots, sous lecommandement de Mr. Polachi lieutenant d’infanterie de marine.

Vous prendrez également à bord le médecin de 2e classe Amiard du Catinat etun infirmier indigène. Mr Fatou enseigne de vaisseau du Catinat comptera à votrebord pendant toute la durée de l’expédition ; cet officier est destiné à vous seconderet à vous remplacer le cas échéant. Sa présence vous permettra de descendre à terresi vous le jugez convenable aux bons succès de l’expédition de guerre (rajouté de lamain du commandant) que vous avez à faire. Dans ce cas vous lui laisseriez vosinstructions en conséquence.

Le village de Nzoum présentant deux agglomérations il est plus que probablequ’il y aura à opérer simultanément sur deux points en cas de bombardement et dedébarquement. Vous pourrez assigner à Mr. Fatou tel poste que vous jugerezconvenable à cette condition que vous ou lui pendant les opérations militairesresterez à bord du Basilic. La chaloupe “ le Pygmée ” placée sous vos ordresnaviguera de concert avec vous pour se rendre dans l’Ogowé. Je vous laisse jugedes dispositions les plus convenables pour assurer la sécurité en même temps que larapidité de la traversée.

Arrivé dans l’Ogowé, vous pourrez vous adjoindre les anciens laptots que vousrencontrerez qui voudraient s’engager pour la durée de l’expédition. Ils auront droiten cas de blessure aux pensions ou récompenses que le gouvernement de lamétropole jugerait à propos de leur accorder.

Il en serait de même de tout auxiliaire, pilote, pagayeur, éclaireur... etc. quevous croirez devoir employer.

Vous auriez à justifier des dépenses que leur emploi occasionnerait. Je vouslaisse toute latitude à réquisitionner les pirogues les embarcations à vapeur ouautres que vous croirez seulement un peu utiles, au succès de la mission dont vousêtes chargé laissant le choix au gouvernement de la colonie de débattre le prix desindemnités dans le cas où les indemnités demandées vous paraîtraient exorbitantes.

Il est vraisemblable de supposer que vous n’aurez à déplorer aucune perte, maisnous devons prendre toutes les précautions possibles pour qu’un fait analogue àcelui qui s’est produit en 1882 dans l’expédition du Remboë ne se renouvelle pas.Vous ne devrez donc négliger aucune précaution de nature à sauvegarder la vie de

Page 564: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

nos braves soldats et marins et pour cela ne pas hésiter à faire les dépenses voussemblant pouvoir être utiles.

Vous avez à punir les pahouins des villages de N’Zoum de l’attentatinqualifiable commis et dont ils ses sont rendus coupables en février 1884.

Les meurtres et le fait d’anthropophagie qui leur sont si justement reprochésconstituent une véritable déclaration de guerre faite par la barbarie à la civilisationque la France s’efforce d’introduire au milieu de ces populations. Une répressionsévère est devenue nécessaire : prévenir ces populations que nous allons les châtierce serait leur fournir les moyens de se mettre complètement à l’abri de nos armes,rendre illusoire pour le présent comme pour l’avenir toute tentative de répression denotre part.

En conséquence vous aurez à ouvrir le feu au moment que vous le jugerez leplus convenable pour que le châtiment infligé soit assez grand pour laisser uneimpression durable à ces sauvages auxquels d’ailleurs vous le savez mieux que moide nouveaux avertissements ne seraient qu’un moyen qui leur serait offert pour sejouer de nous.

Il est plus que possible, Monsieur le Capitaine qu’en arrivant à N’Zoum, voustrouviez le village abandonné en apparence, vous auriez alors à agir conformémentaux habitudes c’est-à-dire balayer la brousse pour en chasser les indigènes etpouvoir plus sûrement ensuite envoyer à terre brûler les cases et infliger ainsi àcette population rebelle le dommage qui serait alors le seul que vous pourriez leurfaire éprouver.

Tout en vous laissant toute liberté, je vous recommande la plus grande prudence; il s’agit de punir mais il s’agit surtout de ne pas éprouver des pertes quipermettent aux indigènes de croire que nous avons essuyé un échec. Avec leshommes du poste de Lambaréné, le détachement dont vous pourrez disposer sanscompter les auxiliaires et le cadre blanc comprend au minimum quarante sénégalaisdont une partie pourra être mise à bord du Pygmée. Vous devez trouver àLambaréné, douze mille rations de vivres qui avec les 45 jours de vivres que vousavez à bord pour votre équipage constituent un approvisionnement d’environ dix-huit jours pour le personnel placé sous vos ordres. Votre approvisionnement encharbon est suffisant pour cette période pour le Basilic et pour le Pygmée à lacondition toutefois que vous puissiez brûler un peu de bois !

Si rien ne vient contrarier vos provisions vous laisserez à Lambaréné le plus devivres possibles pour le poste et le charbon qui vous paraîtrait ne pas devoir êtrenécessaire à la fin de votre mission.

Il peut arriver aussi, Mr le Capitaine, que les eaux aient suffisammentcommencé à baisser pour que vous puissiez craindre ne pouvoir atteindre N’Zoum

Page 565: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

ou même Lambaréné. Dès que vous douterez qu’il peut vous arriver d’être retenudans l’Ogowé par le manque d’eau, vous devez renoncer à l’expédition projetée.

Dans ce cas vous n’auriez à accomplir que la fin de votre mission qui consisteraavec le Pygmée (faudrait-il faire deux voyages) dans le Fernan-Vaz vous renseignersur les agissements et la situation... ”

Protocole signé entre l’Allemagne et la France

le 24 décembre 1885 fixant au Ntem, la frontière de leurs possessionsrespectives :

“Baron Alphonse de Courcel, Ambassadeur de la République Française à Berlinet le comte Herbert de Bismarck signent : “Le Gouvernement de la RépubliqueFrançaise et le Gouvernement de Sa Majesté l’Empereur d’Allemagne ayant résoluà régler, dans un esprit de bonne entente mutuelle, les rapports qui peuvent résulterentre eux de l’extension de leurs droits respectifs de souveraineté ou de protectoratsur la côte occidentale d’Afrique et en Océanie, les soussignés,

“Le baron de Courcel, Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de laRépublique Française auprès de Sa Majesté l’Empereur d’Allemagne, et le Comtede Bismarck-Schoenhausen, Sous-Secrétaire d’Etat au Département des AffairesEtrangères, dûment autorisés à cet effet, sont convenus des stipulations suivantes :

“Golfe de Biafra.

“Le Gouvernement de Sa Majesté l’Empereur d’Allemagne renonce en faveurde la France, à tous droits de souveraineté et de protectorat sur les territoires qui ontété acquis au Sud de la rivière Campo par des sujets de l’Empereur allemand et quiont été placés sous le protectorat de sa majesté l’Empereur d’Allemagne. Ils’engage à s’abstenir de toute action politique au Sud d’une ligne suivant laditerivière, depuis son embouchure jusqu’au point où elle rencontre le méridien situé àdouze degrés quarante minutes de longitude Est de Paris (quinze degrés delongitude Est de Greenwich).

“Le Gouvernement de la République Française renonce à tous droits et à toutesprétentions qu’il pourrait faire valoir sur des territoires situés au Nord de la mêmeligne, et il s’engage à s’abstenir de toute action politique au Nord de cette ligne.

Page 566: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“Aucun des deux Gouvernements ne devra prendre de mesures qui puissentporter atteinte à la liberté de la navigation et du commerce des ressortissants del’autre Gouvernement sur les eaux de la rivière Campo, dans la portion qui resteramitoyenne et dont l’usage sera commun aux ressortissants des deux pays”. InRépublique Française, Ministère des Affaires étrangères, Direction des Archives etde la Documentation, Paris. Cité par Adalbert Owona. ”

service obligatoire

C.AO.M., Gabon Congo I, dossier 35a, 31 mars 1887

“ Arrêté

Nous, Commissaire général du Gouvernement

Vu les droits que possède le Gouvernement sur les indigènes qui peuplent leterritoire du Congo français,

Attendu que ces droits comportent le droit naturel pour l’Etat de requérir desindigènes, un service régulier militaire ou tout autre forme de service obligatoire,

Attendu que ce droit pour n’être pas immédiatement exercé, n’en subsiste pasmoins perpétuellement et que nul ne saurait être admis à se prévaloir du défautd’exercice de ce droit pour conclure à son abandon.

Considérant en outre que les droits des particuliers ne sauraient entrer enparallèle avec ceux de l’Etat et qu’il est nécessaire que le respect des lois etrèglements soit assuré et garanti par une sanction.

En vertu des pleins pouvoirs qui nous ont été conférés, et qui comprennentl’organisation des forces militaires et des milices locales,

Arrêtons :

art I : Dans les territoires du Congo français, excepté ceux dépendant du Gabon,lorsque le service à fournir par les indigènes à l’Etat n’aura pas été nettementdéterminé au point de vue de la durée et de la nature du service, soit à cause dudéfaut de recensement des populations, soit pour tout autre causes, les nationaux ouétrangers dont l’établissement aurait été autorisé et qui voudront utiliser les servicesdes indigènes devront obtenir au préalable l’autorisation expresse.

Page 567: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

art II : Cette autorisation qui, dans tous les cas, ne pourra être que temporaire,sera délivrée par les résidents ou agents officiels sous leurs ordres et désignés pareux ou par le Commissaire Général.

Art III : Au fur et à mesure de la réglementation des services à fournir à l’Etatpour les indigènes, MM. les résidents ou les agents spécialement autorisés ferontconnaître par des arrêtés locaux, les mesures adoptées à cet égard et éclaireront tousintéressés sur les obligations qui pourraient en résulter pour eux.

Art IV : Le séjour des particuliers sur les territoires précités est subordonné à lacondition de se soumettre aux lois et règlements, et notamment à la condition de sesoumettre aux exigences stipulées dans le présent arrêté.

Art V : Seront chargés de l’exécution du présent arrêté, les résidents ou agentsofficiels sous leurs ordres et désignés par eux ou par le Commissaire général.

Art VI : Le présent arrêté sera enregistré partout où besoin sera et, pour que nuln’en ignore, affiché dans les localités où il devra être mis à exécution.

Le Commissaire général du Gouvernement

Lambaréné 31 mars 1887

Signé : P. S. de Brazza

Rapport Brazza (1887)

C.A.O.M., Gabon Congo I, dossier 33 b, 10 novembre 1887,

Rapport politique année 1887, Brazza à Marine :

“ De 1875 à 1882 notre organisation de convois réguliers amène le passage desindigènes de chaque tribu à travers les tribus voisines ; nous commençons à faireparvenir sur le Congo par l’Ogooué certains ravitaillement. Il n’y a encore nulcommerce, si ce n’est le commerce d’esclaves, à 100 kilomètres du point où cessela navigation par vapeurs, les marchandises d’Europe atteignent des prixconsidérables. Nous parvenons à éteindre les guerres parmi les populationssauvages et cannibales qui persistent à rendre les communications difficiles. Ce

Page 568: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

résultat est favorisé par l’intérêt qu’ont désormais ces populations à fournir desvivres à nos convois en échange des produits d’Europe...

“ Nos transports s’effectuent directement grâce à des traités qui, brisant lesmonopoles des peuplades riveraines, établissent pour les indigènes bénéficiant denotre nouvelle organisation l’obligation d’une sorte de service dû à l’Etat. Lapopulation de l’intérieur commence à venir sur les rives, les peuplades alimentantle commerce d’esclaves gagnent par nous beaucoup plus que ne leur rapportait leurtrafic, elles l’abandonnent peu à peu et le vrai commerce apparaît.

“ Mais la situation se tend. Les indigènes s’accumulent sur les bords du fleuveen trop grand nombre pour que l’avantage de vendre des vivres aux convoisconstitue encore un intérêt assez puissant. Il faut que nous leur trouvions desavantages nouveaux et plus immédiats en les intéressant eux-mêmes au commercequi se fait par notre voie de communication ; ils commencent à être mis enapprentissage du métier de pagayeur.

“ Au début de 1885 je suis arrivé à donner la première exécution à notre essaid’organisation depuis longtemps cherchée. D’une part en effet toutes les tribusanciennement établies sur le fleuve contribuent à nos transports parce que outre unsalaire immédiat elles comprennent qu’elles ont par nous le moyen de descendreavec sécurité leurs produits à la côte, c’est à dire de s’enrichir. D’autre part lestribus nouvellement établies nous ont donné des hommes que j’ai immédiatementenvoyés au service annuel dans le Congo. Ces hommes, vrais otages sans s’endouter, me garantissent la tranquillité de leur groupe de population et leurs villagesaprès avoir vu les avantages matériels donnés en paiement à ceux revenant duservice nous fournirons bientôt tous les auxiliaires nécessaires.

“ La situation commerciale s’améliore également chaque jour car toutes lespopulations sont également intéressées aux communications par la rivière au lieu derester divisées comme autrefois. Leurs intérêts mêmes les mettent dans unsentiment de dépendance vis à vis de nous, puisque c’est par nous qu’elles ontprofit et sécurité. Nous avons du reste écarté la plus grande cause des luttesintestines et de l’anarchie, c’est à dire les traitants. Au lieu de prendre le traitant etle système d’avance comme moyen de développement commercial nous avonspréféré donner directement à l’auxiliaire indigène les mêmes avantages qued’ordinaire les traitants s’appropriaient..

“ Développement des transports, et par suite développement du commerce duGabon. Les populations riveraines transportent déjà les marchandises européennesde la côte à l’intérieur, et les produits indigènes de l’intérieur à la côte : lespopulations plus éloignées du fleuve fournissent les producteurs. Comme effets dece développement chacun travaille et gagne. Le commerce de l’Ogooué autrefoisnul est déjà actuellement de un million, il a augmenté du triple dans ces quatredernières années. Mais un trop grand nombre de bras veulent abandonner

Page 569: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

complètement la culture, la famine menace. Nécessité d’augmenter la production devivres et de les assurer aux convois et aux stations ”.

Traités avec les Fang

REPUBLIQUE FRANCAISE

COLONIE DU GABON ET DU CONGO FRANCAIS

Traité avec les chefs des villages de N’Koud, Okouangonn, Pfoulah.

30 octobre 1888

Au nom de la République Française

Agissant pour le Commissaire général du Gouvernement dans le Congofrançais, en vertu des pouvoirs qui nous sont délégués à cet effet,

Nous, Crampel (Paul), secrétaire particulier du Commissaire général, chargépar le Ministre de l’Instruction publique d’une mission scientifique dans l’Afriqueoccidentale,

Après avoir réuni en conférence les chefs des villages de N’Koud,Okouangabonn, Pfoulah, chefs du pays, rive droite de l’Ivindo, à trente kilomètresenviron dans l’intérieur, en remontant la rivière Nounah, affluent de l’Ivindo,

Avons conclu aujourd’hui, trente octobre mil huit cent quatre-vingt-huit, letraité suivant avec lesdits chefs, dont sont ci-dessous noms et signes :

Article premier

Les chefs mfangs du pays qui s’étend sur la rive droite de l’Ivindo, à trentekilomètres dans l’intérieur, en remontant la rivière Nounah, libres de toutengagement, déclarent placer leur territoire sous la souveraineté et le protectorat de

Page 570: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

la France. Ils s’engagent, pour eux et les hommes de leur pays, dont ils sont leschefs reconnus, à arborer le pavillon français à l’exclusion du pavillon de toutenation autre que la France.

Art. 2

Lesdits chefs sont unanimes à désirer, pour la région, la création d’unétablissement français qui assure la possibilité d’un commerce d’échange par lavoie de l’Ivindo. Ils s’engagent à favoriser de tout leur pouvoir la venue etl’installation du ou des agents du Gouvernement français, envoyés par l’autoritécompétente. Dans ce but, ils promettent d’user de toute leur autorité pour fournirdes travailleurs et, en général, des auxiliaires aux demandes ou réquisitions de cesagents ayant droit. Ils se déclarent prêts à développer les cultures et l’élevage.

Art. 3

Aucun Français ou étranger ne pourra s’établir ni acheter de terrain dans larégion s’il n’est agent du Gouvernement et envoyé par le Commissaire général oul’autorité compétente, ou s’il n’a reçu de ladite autorité une permission spéciale àcet effet.

Art. 4

Le Gouvernement français aura seul le droit d’exploiter les mines qui seraientsur ce territoire, et de couper, sans rétribution , les arbres dont il pourrait avoirbesoin.

Art. 5

Le Gouvernement français s’engage à respecter et à faire observer les lois etcoutumes du pays, en tant qu’elles ne seront pas contraires à l’humanité.

Art. 6

Ces conditions observées lesdits chefs et les gens sous leurs ordres auront droità être traités, en toute circonstance et par tous, comme sujets français... ”

Page 571: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Le traité a été conclu alors que Crampel doit faire appel à deux traducteurs :Makosso, traducteur Français-Mpongwe et N’Guéma, traducteur Mpongwe-Fang.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COLONIE DU GABON ET DU CONGO FRANCAIS

Traité avec les chefs des villages Engoungoum et Ollann.

18 novembre 1888

Au nom de la République Française

Agissant pour le Commissaire général du Gouvernement dans le Congofrançais, en vertu des pouvoirs qui nous sont délégués à cet effet,

Nous, Crampel (Paul), secrétaire particulier du Commissaire général, chargépar le Ministre de l’Instruction publique d’une mission scientifique dans l’Afriqueoccidentale,

Après avoir réuni en conférence les chefs des villages Engoungoum et Ollann,chefs du pays, rive droite de l’Ivindo, à 30 kilomètres environ dans l’intérieur, ausud de la chute de Beh ;

Avons conclu aujourd’hui, dix-huit novembre mil huit cent quatre-vingt-huit,le traité suivant avec lesdits chefs, dont sont ci-dessous noms et signes :

Article premier

Les chefs mfangs du pays qui s’étend sur la rive droite de l’Ivindo, au sud de lachute de Beh, libres de tout engagement, déclarent placer leur territoire sous lasouveraineté et le protectorat de la France. Ils s’engagent, pour eux et les hommesde leur pays, dont ils sont les chefs reconnus, à arborer le pavillon français àl’exclusion du pavillon de toute nation autre que la France.

Page 572: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Art. 2

Lesdits chefs sont unanimes à désirer, pour la région, la création d’unétablissement français qui assure la possibilité d’un commerce d’échange par lavoie de l’Ivindo. Ils s’engagent à favoriser de tout leur pouvoir la venue etl’installation du ou des agents du Gouvernement français, envoyés par l’autoritécompétente. Dans ce but, ils promettent d’user de toute leur autorité pour fournirdes travailleurs et, en général, des auxiliaires aux demandes ou réquisitions de cesagents ayant droit. Ils se déclarent prêts à développer les cultures et l’élevage.

Art. 3

Aucun Français ou étranger ne pourra s’établir ni acheter de terrain dans larégion s’il n’est agent du Gouvernement et envoyé par le Commissaire général oul’autorité compétente, ou s’il n’a reçu de ladite autorité une permission spéciale àcet effet.

Art. 4

Le Gouvernement français aura seul le droit d’exploiter les mines qui seraientsur ce territoire, et de couper, sans rétribution , les arbres dont il pourrait avoirbesoin.

Art. 5

Le Gouvernement français s’engage à respecter et à faire observer les lois etcoutumes du pays, en tant qu’elles ne seront pas contraires à l’humanité.

Art. 6

Ces conditions observées lesdits chefs et les gens sous leurs ordres auront droità être traités, en toute circonstance et par tous, comme sujets français... ”

Mêmes conditions, mêmes interprètes.

Page 573: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Mêmes traités - le 5 décembre 1888, avec le chef Etombomm, du village ditAloum (rive gauche de l’Ivindo, E.-N.-E du mont Kogafenne) ;

- le 7 décembre 1888, avec les chefs des villages qui forment le groupe dit deToll, chefs du pays, rive gauche de l’Ivindo, à environ 30 kilomètres sud-est dumont Kogafenn ;

- le 11 décembre 1888, avec le chef mfang Billy, chef de tous les villagesd’Egoullennam, d’Angoun et de Mellen qui s’étendent rive droite et rive gauche del’Ivindo, sur un parcours d’environ vingt kilomètres en aval du confluent de lapetite rivière Bouo.

- le 25 décembre 1888, avec les chefs des villages Andounah, Assoh,Edounendjoko, chefs du pays qui s’étend sur la rive droite de la rivière Djah, àquelque distance dans l’intérieur en remontant la petite rivière Abodah, à environquinze kilomètres ;

- le 28 décembre 1888, avec les chefs des villages M’Koul, Angoulakomm,Endonga, Mindong, Assoh, Mayous, chefs du pays qui s’étend sur la rive droite dela rivière Djah, à quelque distance en amont et en aval du confluent de la petiterivière Magninah et assez loin dans l’intérieur ;

- le 6 janvier 1889, avec le chef Eyegueh, chef des villages de Binvolo, rivedroite de la rivière Djah, à quelque distance dans l’intérieur en remontant la petiterivière Momm ;

- le 12 janvier 1889, avec le chef Annundjoko (dont la nationalité fang n’estpas mentionnée), chef des villages de Kamangah, Kogennyem, Dzambah, quis’étendent rive droite et rive gauche de l’Ivindo, près de la chute de Beh.

Rapport confidentiel Alfred Fourneau

C.A.O.M. 4Y - Legs Fourneau

Ces papiers appartenant à Alfred Fourneau, explorateur, administrateur de lacirconscription de Loango, collaborateur de Brazza, ont été donnés aux Archives duGouvernement Général de l’A. E. F. par le Gouverneur Jacques Fourneau,Inspecteur Général des Affaires Administratives

Carton N°1 : Mission A. Fourneau - A. Dolisie - Ikoï - Mondah - Ht Ogooué1890.

Archives J’ai l’honneur de vous adresser un rapport sur la mission que m’avaitconfiée le Commissaire général du gouvernement, dans la région pahouinecomprise entre la station de Boôué et les tribus schakés. Autant que possible, je n’aipas dans des détails qui répugneraient à mon caractère et qui ne sont pas dans mon

Page 574: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

rôle. Venu pour tenter de régler une situation qui depuis des années est toujoursrestée anormale je m’y suis appliqué absolument ne ménageant ni mon temps ni mapeine. J’ai tout écouté, tout entendu, tout enregistré, mensonges, vérités, faitspalpables. Je résumerai dont, dans tout l’acception du mot mes impressions etexprimerai ma façon de voir. Vous me comprendrez d’autant mieux, M.l’Administrateur, que vous avez sans aucun doute tout autant que moi, l’expériencede ces tribus au caractère ombrageux noble et sauvage. Surtout, je tiens à ce quel’on ne cherche par à lire entre les lignes, à voir des personnalités là où elles ne sontpas ; il pourrait m’arriver d’être parfois brutal mais j’estime qu’en cette occurrence,la franchise est un devoir et j’avais un devoir à moi-même de dire la vérité sur unerégion qui m’a jadis fort intéressé, que je ne reverrai probablement jamais. Je n’iraipar chercher toujours l’enchaînement des fats qui depuis l’incendie du village deMondah en 1885 ont toujours empêché la situation d’être nette. Vous étiez alorsdans l’Ogoôué et les connaissez aussi bien que moi, j’en viens immédiatement àl’actualité : l’hostilité effective des Pahouins, leur insolence vis à vis de nous, labaisse notable de notre influence. Notre influence sur les tribus pahouins aaujourd’hui presque vécu, tout est là. Leurs griefs, leurs réclamations, leursdemandes sont nombreux.

Attirés sur les rives de l’Ogoôué directement par nous, les autres par lesmarchandises que nous y importions et par l’espoir d’écouler facilement leursproduits sans passer par une foule d’intermédiaires ruineux et sans avoir à traverserles grandes régions la plupart hostiles qui les séparaient de la côte où des lieux oùils peuvent entrer en contact avec les traitants.

Les villages s’élevaient bientôt nombreux.

Les convois de pirogues étaient alors fréquents et importants, des vivres detoute nature s’achetaient, des échanges avaient lieu entre les convoyeurs et lesPahouins. De son côté la station de Booué vivait sur les villages voisins achetant àdes prix minimes qui malheureusement furent gâtés depuis. Puis une factorerie vints’établir à Boôué et de nombreux traitants dans l’Okanda, un poste était créé chezZabouré où s’achetait le caoutchouc destiné à payer en piroguiers Okandas etApingis. Le commerce subitement arrêté, l’importance des convois devenantchaque jour moindre, l’affectation que l’on ... à ne plus s’arrêter dans leur villages,de les éviter même, l’insolence, les brutalités, les exigences de certains individusattachés à notre service tendaient la situation qui toujours allât s’aggravant. Puisl’imprudence, la maladresse et l’inexpérience de quelques européens firent naître laguerre là où il n’y avait que malentendu.

Je dis l’imprudence car cela en est une de quitter la ligne de conduiteprécédemment tracée en achetant par exemple avec deux ce que l’on avait pour un,en donnant là où l’un devait recevoir, en tranchant du grand .. en disposant à tort età travers (je veux croire dans de bonnes intentions, de marchandises appartenant augouvernement). Qu. a-t-il, c’est que deux fut un dût pour le Pahouin un était un vol

Page 575: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

; c’est que s’il commettait une faute vis à vis de nous il fallait lui faire un cadeaupour qu’il consentît à la réponse moralement ; c’est que il ne comprend paspourquoi les Européens chargés souvent auprès d’eux de missions plus importantsne leur donnaient pas comme certains des marchandises à profusion.

Je dis la maladresse car cela en est une et une grande d’accoster par exemple unvillage avec la volonté de faire la guerre à ses habitants qui les premiers demandentla paix, s’offraient à réparer leurs torts et à subir les exigences imposées. Cela enest une de ne pas avoir voulu prendre en considération certaines remarques qui pourêtre faites par un fonctionnaire mission n’en était pas moins justes, il est descirconstances où savoir écouter et étouffer certaines rancœurs nés des déboiresantérieurs est une grande supériorité qui évite bien des fautes.

Je dis la maladresse car celle là fut plus grande qui après avoir brûlé quelquesdouzaines de cartouches avec la recommandation de ne tirer sur aucun individu,commander la retraite quand un de ses hommes fut tué. Pourquoi ayant en devoiragir ne l’a-t-on pas fait? Pourquoi ne s’est-on pas montré alonger [?]. La chose étaitdevenu un devoir ? (affaire de Bélatchkina).

Une fois encore je n’écris pas un réquisitoire, je n’ai ni à accuser ni à juger.Envoyé pour interroger et régler il m’a fallut écouter ni cité ni traités m’yengageant.

Je dis l’inexpérience : n’a-t-on par confié des convois par exemple à desEuropéens ignorant tout des zones qu’ils allaient traverser, du tact, de la politiquequ’il fallait avoir en certains lieux, de l’énergie dans d’autres, des intérêts et dessusceptibilités à ménager ici, des devoirs à exiger là ?

Et puis la grande plaie de l’Ogoôué a été que nous appelions les laptots ; que demal n’ont-ils pas fait sauf quelques rares exceptions . Les uns par exemple chargésde convois, ne s’arrêtaient pas dans tel village où l’on avait coutume de le faire soitpar politique soit pour y acheter des vivres qui s’y trouvaient en abondance oùenfin avions crée des intérêts. L’étape de moitié on la doublait suivant que leursfemmes se trouvaient ici ou là.

On se rappelle encore ce courrier Adouma conduit par un Sénégalais qui arrivédans un village schaké en amont de N’Doro, sans laisser de gardiens à la pirogue,sans s’assurer des amarres de celles-ci part comme une bête en rut à la recherche defemmes. La nuit la pirogue se détache et après avoir culbuté vînt s’échouer auvillage de Bélatchakina, etc., etc.

Je n’ai plus à rapporter les conséquences qu’eurent cet incident.

Je dois aller jusqu’au bout et je n’hésiterai pas à avouer que la mission qui futconfiée aux nommée Etouqué et Casimir n’a pas été pour nous relever aux yeux des

Page 576: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Pahouins. Il m’a été dit à moi-même que c’est parce que les Blancs avaient eu peurque ces noirs aient été envoyés pour rétablir la circulation : des Sénégalais tués, lescommunications interrompues, et deux noirs, deux boys envoyés pour demander sidésormais on voudrait bien nous laisser passer ! J’ignore la situation de l’Ogoôué àl’époque, mais je veux croire qu’il y avait disette absolue d’Européen dans la zone,c’est ce que j’ai dit et essayé de faire comprendre aux Pahouins sur les lèvresdesquels il me semblait toujours voir un sourire railleur.

D’autre part, M. Etouqué (dans certains villages Okandas) le CommandantEtouqué (dans quelques villages Pahouins) ayant perdu à Boôué un stock demarchandises qu’on n’hésiterait pas à refuser à un Européen aurait prié des chefsPahouins entre autres Dambédjocon (Boôué) et M’Bien (Mondabayo) de les ? afinde l’aider dans ses tâches auprès des tribus hostiles, puis le résultat obtenu auraitoublié toutes les promesses faites au début et ces chefs n’auraient reçu aucunerécompense. J’ignore si le fait est vrai. Au rapport (ou apparemment) les plaintesqui me furent faites par les intéressés ; je pense d’ailleurs car autant que possible, jedoit ignorer le rôle joué par M. M. Casimir et Etouqué que j’ai fait en route dereplacer à leur niveaux aux yeux des Pahouins.

Voilà la situation, il nous faut au plus vite rétablir notre influence. Ainsi que le? les traités faits à Mondabongo, à N’Dzemgaboni et à Belatchakina, j’ai vouluavant tout faire comprendre aux Pahouins que seuls nous étions les maîtres, lesseuls qu’ils devaient ? notre volonté à retourner dans leur brousse.

Désormais, nous étions absolument résolus de punir de la comédie ou drame,justice leur serait toujours rendue mais il fallait qu’ils aient ? à cette même justicesoit en s’adressant au chef de la station de Booué, soit à l’administrateur. D’autrepart s’ils voulaient avoir les avantages que nous faisions aux Okandas et auxAdoumas par exemple, ils devaient subir les mêmes charges. Ils se sont déclarésprêts à le faire mais ils demandent à ce que le recrutement des porteurs, travailleursou miliciens soit fait régulièrement et que comme jadis on ne revienne plus chezeux à brûler pour point exiger dans une région, vingt, trente, cinquante hommes dujour au lendemain, hommes qui d’ailleurs furent toujours donnés alors qu’ils nesavent pas la plupart du temps où ils allaient et à quelles conditions. Ils partaient.

Ils demandant avant tout et par-dessus tout l’ouverture de l’Ogoôué aucommerce européen qu’alors on pourrait exiger tous les impôts d’hommes que nousvoudrions, qu’ils seraient trop heureux de s’y soumettre pour pouvoir conserver lesfactoreries européennes chez eux. Je leur ai dit que M. de Brazza (?) leur rendraitlui-même réponse à ce sujet et j’ai tout lieu de croire que l’Ogoôué qui en ... estlivré au commerce du haut en bas le sera bientôt dans l’O. H.

La question est réglée, doit l’être ou considérée comme telle. J’entends par-làqu’au premier faux pas il faut sévir avec immédiatement et avec la dernière rigueur.

Page 577: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Il nous faut oublier les incidents passés ; y revenir serait impolitique ?

Permettez-moi maintenant, M. l’Administrateur d’émettre quelques vusd’ailleurs toutes personnelles que la mission de je viens de remplir n’a fait qu’…

Ainsi que vous le savez, les tribus Pahouins établies sur les rives de l’Ogoouéentre Booué et la rivière Lassio sont intéressants au premier degré, prolifiques,n’ayant eu pas ou peu de contact avec les traitants du bas, il nous est toujourspenser d’espérer de faire ce que nous voulons qu’elle soient, tout en nous lesattachant définitivement en leur créant des besoins qui tôt s’imposeront et desintérêts qui les fixeront à la région. Je veux même croire que les derniers incidentsdécideront le Gouvernement à s’occuper sérieusement de ces populations, quicomprises entre les Okandas et les Adoumas ont été parfaitement négligéesjusqu’alors sauf les jours où nous en avions un besoin immédiat d’hommes pour...du Congo. Les confluents de l’Ivindo, du Dilo, du Leurio (ou Lassio), en déversoirsde tous les produits de l’énormes massif dont les limites géodésiques sont encore àtrouver ont jusqu’à ce jour été dédaignés par nous alors que de grands villages s’yélèveraient demandant à livrer au commerce contre nos produits, tout l’ivoire, lecaoutchouc, qu’ils n’ont jamais pu écouler et qui ont tendance aujourd’hui àreprendre la route du Nord et atterrir à la côte par le Mouny et vers les comptoirs deBatanga.

D’autre part, nous semblons oublier que les rives des vastes fleuves se couvrenttous les jours de riches plantations et que la de la végétation vierge disparaît sousles abatis continuels.

Jusqu’à ce jour, la grande préoccupation de la station de Booué est de recevoiret de renvoyer des convois Adoumas, Okandas, etc.

Puis d’autre part et avant tout il leur faut satisfaire à une comptabilitéméticuleuse. Que des villages soient brûlés, des hommes tués, notre influenceabaissée, détails ; mais qu’il soit commise une erreur d’addition , qu’une piècecomptable ne soit pas fournie à la date fixée, pensez-donc.

On en voit des belles à la direction de l’intérieur à qui la politique intérieure...importe peu. Certes, la rectitude absolue dans l’administration des postes est due,s’impose, mais qui empêche d’avoir à Booué, car je n’ai ni à citer que Booué un oudes comptables et un fonctionnaire s’occupant absolument de cette zone qui vientfinir aux Shakés et qui dans le nord n’a pas de limite. Cette région devrait êtreindépendante ne relevant pas du chef-lieu de la Colonie. Le fonctionnaire à qui elleserait confiée ne devrait pas avoir à prendre avis, lors d’un incident quelconque àN’Djolé par exemple. Il faut plus d’un mois pour correspondre et recevoir un ordrequi le plus souvent répond fort mal à la situation qui celui qui... est sur les lieux apu comprendre. Il y a des questions devraient être réglée (le moins possible à parune personne énervée et j’ai prié par la montée des rapides et qui souvent une fois

Page 578: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

arrivé ne doit plus savoir ce qu’il est venu faire. Une station solidement etconfortablement établie à Booué, des forces militaires sérieuses et une volontéexpérimentée et indépendante et j’estime que d’ici peu les résultats obtenusdépasseront de beaucoup ce à quoi on pouvait s’attendre. Il serait alors permisd’entrer en contact continuel avec les Pahouins et de s’initier à leurs mœurs, deménager leurs susceptibilités leurs intérêts, d’établir un recrutement régulier etpermanent de travailleurs et de miliciens, d’envoyer les enfants aux missionsfrançaises de prévenir bien des conflits et de savoir châtier sans merci tout enrestant juste.

Frapper immédiatement après la faute est une justice.

Pardonner est une faiblesse.

Sévir à propos et à moitié est une faute et un...

en certains cas l’abstention est politique (je pense pour les Pahouinsexclusivement)

Il est bon aussi de ne pas négliger les bonnes volontés qui s’offrent.Malheureusement, Zabouré est mort et je veux aujourd’hui parler de son cousingermain le nommée Gouamadoum’bé qui est resté dans la région occupée jadis parla tribu de Zabouré alors que les fils et les femmes de ce dernier désertaient lalocalité et firent cause commune lors des dernières affaires avec les Pahouins deMondébongo et de Bélatchakina (c’est avec eux que j’ai pris le traité deN’Dzengabouré).

Gouamandoubé que ce soit ambition, intérêt ou amitié réelle ce dont je doutecar je crois que ce sentiment n’a jamais existé chez les Pahouins pour nous, adepuis quelque temps, pris une grande influence sur les populations Shakésvoisines, influence qui s’est accrue à la mort de N’Doro.

Il m’a donné la plus large hospitalité, m’a prié de remettre à M. de Brazza sesoffres de services disant qu’il serait toujours et mal qui tout pour lui qu’avait étéson cousin Zabouré.

Il s’offrit même à dénoncer, à livrer et à faire la guerre aux coupables si... serenouvelaient dans l’avenir.

Lui aussi demande l’établissement de factorerie chez lui. Je reparlerai d’ailleursau Commissaire Général de cet homme lors de mon retour au Gabon.

[...]

Ce rapport ou plutôt cette lettre est toute confidentielle. Je n’ai pas à vous lerappeler. ”

Page 579: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Rapport Curault (1907)

C.A.O.M., A.E.F., Gabon 4D(1)2,

Rapport du capitaine Curault administrateur de la région de l’Ogooué sur lasoumission des Essobame, Instructions donnée le 2 août 1907 pour marcher surBooué et soumettre les Essobame et créer un poste à la Lara :

“ Depuis l’affaire du 11 avril, les bruits les plus contradictoires circulaient surles Essobame, que les uns prétendaient en fuite et que les autres montraient aucontraire comme très affairés aux travaux de défenses

“ Vers la fin du mois de juillet, le capitaine envoya l’interprète du cercle deNdjolé, vers la factorerie de la Madouma avec mission de savoir ce que faisaientexactement les rebelles. Cet interprète, nommé Ndongo s’acquitta très bien de satâche.

“ Au village pahouin visité au pied de la factorerie il découvrit un homme mariéà la sœur du chef de village d’Ebelé (Ekam Na) qui lui affirma que depuis lecombat du 11 avril, les Essobam ayant perdu beaucoup de monde et connaissantl’intention arrêtée du capitaine de revenir à la tête de troupes plus nombreuses, nedemandaient qu’à faire leur soumission mais qu’ils n’avaient pu trouver aucunintermédiaire.

“ L’interprète demanda à s’entretenir avec Ekam Na au village neutred’Afénéga.

“ LE chef d’Ebelé se présenta au rendez-vous et confirma les dires de son beaufrère. Il déclara que les gens de Nyon, en se réfugiant momentanément chez luiavaient été la cause initiale du conflit, qu’il les avait chassés et que tous lesEssobames préféraient une soumission immédiates aux risques d’une nouvellerencontre.

“ Devant ces affirmations catégoriques, l’interprète promit de ramener unenvoyé du capitaine au village Makono voisin d’Aféniga ou dans ce village même.

“ Il rentra à Ndjolé et rendit compte de sa mission. Le capitaine décida qu’ilirait en personne au rendez-vous fixé. L’interprète était tellement affirmatif qu’ilaurait pu s’y rendre seul mais il pensa que pour donner plus de poids aux conditionsqu’il allait imposer aux rebelles, il valait mieux se présenter à la tête d’une petite

Page 580: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

troupe et avoir à peu de distance le reste de la colonne destinée à opérer dans lepays.

“ Il quittait donc Ndjolé le 6 août avec 25 tirailleurs et un sous officiereuropéen, le sergent Leonetti, atteignait Alembé le même jour, la Madouma le 7 etMakono le 8.

“ LE reste de la colonne, 87 hommes, devait être le 10 à la Madouma.

“ L’interprète qui avait précédé le capitaine le priait le 9 de se transporter àAféniga où les Essobames arrivaient conduits par quatre chefs de villages.

“ Ils affirmaient à nouveau leur vif désir de faire leur soumission et consentirentà payer mille francs d’amende dont la moitié immédiatement et le reste dans ledélai de deux mois...

“ La question de l’impôt fut abordée mais les Essobames ayant demandé enretour le règlement de tous leurs palabres, le capitaine ne crut pas devoir engagerson successeur et l’administration toute entière dans une voie pleine d’imprévu.

“ Les Essobames, en effet, sont renommés comme très dures à leurs voisins, ilssont en conflit avec toutes les tribus qui les entourent et c’était aller bien loin quede promettre de régler les différents en nombre respectable sans doute, qu’ilspouvaient avoir, même avec des peuplades éloignées, farouches et encoreindépendantes. En outre, le départ de la 2 e compagnie pour Booué rendait plusprécaires les moyens dont l’administrateur de Ndjolé disposerait pour tenir lapromesse faite. Cette question de l’impôt fut donc réservée.

“ Le 10 août, le capitaine et son escorte, quittant Aféniga et dirigeant sur Ebeléqui fut atteint à 11h1/2. Aux abords du village, le sentier largement débroussé le 11avril était obstrué par des abatis, des trous remplis de petits piquets étaient disposésen assez grand nombre et, à droite et à gauche de l’obstacle, la brousse était seméede bambous pointus et de fossés armés de pieux...

L’amende est versée, reste à partir pour Ngoumgoum

“ Le chef d’Ebélé et ses hommes interrogés par le capitaine puis dans desconversations particulières par l’interprète affirmaient que les gens de Nyoncomposés d’Essobames et d’Essinvara, s’étaient réfugiés, les premiers sur la rivegauche de la Lara, les autres vers l’Abanga.

Mais aucune trace des habitants de Nyoun, disparus dans la brousse.

“ Il devenait évident qu’on ne pourrait immédiatement retrouver la trace desdisparus ou soit disant tels.

Page 581: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

“ Le programme fixé prévoit une répression en pays Essensia la marche surBooué et l’Ivindo.

“ Les habitants de Nyou, réduits à leur propre force ne justifiaient pas lemaintien sur place de 112 fusils. Le capitaine décida que le garde principal Coppierdemeurerait avec trente hommes de milice et, après savoir fondé le poste de la Lara,parcourrait la Région pour obtenir la soumission des gens de Nyou ou capturer levieux chef Emame Ndongo, âme de la révolte.

“ Comme enseignement, nous devons retenir ceci :

“ Les conflits entre la force armée et les pahouins qui arrivent à peine à notrecontact et ne nous connaissent que par ouï dire, proviennent d’une part de ce queles commerçants livres à eux-mêmes règlent tous leurs différents et trop souvent àleur avantage, que d’autre part ils menacent constamment du capitaine ou del’administrateur, qui doivent, disent-ils venir avec les miliciens pour tuer tout lemonde et détruire les villages.

“ Dès qu’un détachement paraît, les pahouins pris de peur ne veulent rienentendre et convaincus qu’ils vont être attaqués, tirent les premiers.

“ C’est l’histoire de Nyou.

“ Il faut éviter le retour de pareilles méprises.

“ Quant à la valeur guerrière des pahouins Betsi, elle n’est pas négligeable.

“ S’ils ne vont pas jusqu’à attaquer les postes, ils se portent énergiquement àl’attaque d’un détachement qu’ils jugent trop faible et par leur acharnement, leurmépris du danger, blessent ou tuent beaucoup de monde, et rendent lesmouvements pénibles si non momentanément impossibles. ”.

Dulu bon be Afri Cara (Extraits)

La marche des enfants d’Afri Cara

Ane Ondoua Engute A Nga Tili

Comme, telle que, Ondua Engute l’a écrit

Traduction d’Abel Nguéma

Page 582: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Chapitre 1 Jan Hamata

Nous tous d’aujourd’hui nous savons bien que, c’est Dieu que nous appelonsNkom Btoto (Créateur des hommes), c’est lui qui a créé l’homme à son image... ...C’est aussi lui qui a fait entrer Noé avec ses fils et les bêtes qui ont été choisies lorsdu déluge (Ndon, grosse crue). C’est de sa descendance que nous sommes issus. Tupeux lire toute cette histoire dans la Bible (Kalata Zambe : la lettre de Dieu),commencement (Genèse), chapitre 4.

Donc avant que les Blancs arrivent nous remontions (contions) dans notregénéalogie jusqu’à l’homme qu’on appelle Hamata (note : la généalogie se déclamedes vivants jusqu’aux ancêtres). Cet homme habitait un village qu’il avait nomméde son propre nom (ou qu’il avait baptisé de son propre nom), village Hamata. Cevillage était bâti yôp : en haut) au-dessus d’une grande rivière qui ressemblait/ aussigrande que la mer. Cette rivière entrait dans la terre à cet endroit et ressortait enaval. La rivière d’un côté la rivière de l’autre la forêt au milieu. Les Ntumuappellent ce genre d’endroit Nyisii (traduction inconnue, formé de deux mots : Nyi: entrer pénétrer, Sii, le sol).

Alors une guerre (ou pluriel) se déclencha subitement dans ce village, les gensse sont enfuis dans les forêts. Cette guerre venait d’ailleurs, des autres clans, c’estcette guerre qui sont venues casser brutalement le village d’Hamata. Alors, Zan(nom propre) Hamata avec sa femme et son vieux père eux aussi se sont enfuis encourant dans la forêt où la rivière entrait dans la terre, sans savoir qu’ils étaient entrain de franchir cette grande rivière.

Alors ils sont arrivés en aval à l’endroit où cette rivière sortait de terre, il s’estinstallé de l’autre côté de la rivière. Quand ils ont senti le sel à la bouche à cetendroit ils ont nommé cette rivière mer de sel.

Alors Zan Hamata avec sa maisonnée sont restés longtemps à cet endroit aubord de la mer de sel.

Chapitre 2 La fuite de Jan Hamata

Petit serpent était le petit qui soignait le vieux père jusqu’à ce que celui-ci estmort dans ses bras, il lui avait déjà prodigué des conseils sur la façon dont il allaitpoursuivre son chemin et les choses qu’il allait réaliser.

Page 583: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Quand Jan Hamata vivait avec sa femme, c’est la femme qui savait plus dechoses que son mari. C’est pourquoi il n’écoutait que ses conseils, parce qu’ilsavait que, ils (les conseils) venaient d’une bonne pensée d’une bonne conceptionet d’une bonne connaissance.

Quand sa femme a appris que beaucoup de gens étaient morts dans le villaged’où ils venaient en grand nombre, ils se sont enfuis. Alors les enfants de Hamatase sont éparpillés dans différentes contrées ! Mais la femme (Jan Hamata) a dit àson mari il vaut mieux qu’on reste ici, peut-être Nkom Bot (Dieu) nous donnera-t-ilune descendance ici. (sur la mer de sel, de l’autre côté de Nyisii). Alors ils sontretournés chercher les semences de nourriture sans que personne ne les voient.Cette femme s’appelait Ana.

Chapitre 3 Accouchement de Ana

Ana tomba en grossesse et donna naissance à un enfant qu’elle a appelé Ngo’oJan (peut-être signifie-t-il le soir) (un garçon). Et Ana est repartie dans son villageet ramena une jeune fille qu’elle donna à son fils comme épouse. Cette filles’appelait Abata. Cette fille aussi attrapa une grossesse et donna naissance à ungarçon qu’elle appelé Mango’o, un autre enfant est également né de ce ménage, etAna l’a dénommé Nanengo’o.

Le mariage des enfants de Ngo’ojan.

Et Ana a dit à son mari, si tu veux que Nkome Bot nous donne unedescendance, tu ne doit pas adorer les défenses (bian). Les gens de mon villagen’adore que Nkome Bot. Le mari a écouté cette voix. Mango’o et Nanengo’o, lasœur et le frère, se sont mariés (entre-eux) comme leur grand-père le leur avaitdemandé ; parce qu’il ne voulait pas qu’ils se marient avec des gens d’autres clans.Mango’o et Nanengo’o ont donné naissance à Tamango’o, aîné de bien d’autresenfants. Quand Mango’o a été proche de mourir, il a parlé à ses enfants en leurconseillant de ne pas oublier Nkome Bot s’ils veulent procréer. Et votredescendance pensera à moi à travers votre parole. Ne donnez à votre enfant un nomautre que le mien. Si quelqu’un vous parle en public en vous réclamant ce que vouslui devez chacun de vous doit lui demander, est-ce moi ? Cela signifie que vousm’avez cité à cette occasion. De cette manière vos enfants et vos femmes toussauront que vous êtes issus du lignage de Mango’o.

Les adieux de Nanengo’o (dans le sens de testament moral)

Page 584: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

Quand Nanengo’o a été sur le point de mourir, il a dit à ses enfants, vous devezvous marier entre vous, de façon à procréer davantage c’est aussi la parole deNkome Bot qui a dit que vous devez vous marier entre vous.

Quand vous allez continuer à vivre n’oubliez ni moi ni mon nom. Si vous devezaffronter une souffrance quelconque, durant toute votre vie, dites, a Nanengo’oooo!! Les filles doivent appeler leurs mères, Nane ; même celle qui n’a pas eu d’enfant,sa belle fille doit l’appeler Nane. Ainsi sur cette terre et tous les hommes personnen’oubliera mon nom ni moi même. Quand elle a fini de faire ainsi ses adieux elleest morte ; mais sa descendance pense toujours à elle jusqu’à ce jour.

Tamango’o (fille ou garçon?) est resté vivant

Les autres sont en train d’occuper l’amont de la rivière. Alors je dis à toiKarakoba que, tu vas devenir le grand riche de ce village plus que tous ceux qui onthabité dedans. Tu seras réputé plus que tous les gens qui sont dedans. Toute la merde sel te connaîtra. Mais toi tu ne dois ni m’oublier ni mon nom. Ce qui est plusimportant que tout, tu retiendras le nom de Nkome Bot et l’adorer parce que c’estlui qui nous a donné la descendance que nous avons. Si quelqu’un te demandequelque chose, à propos des nuits passées, dis lui que cette affaire est du temps oùKoba mon père est mort. Alors les gens vont dire que, haaaa !! Alors cette histoires’est produite il y a longtemps. Est-ce que quelque chose date du temps de Koba(toutes les choses qui datent du temps de Koba sont éloignées dans le temps)!Karakoba est resté assis (Karakoba vécut). Quand le moment de sa mort est arrivé,il a appelé ses enfants et leur a dit au revoir que (en ces termes) : j’ai donné àAfrikara, mon fils aîné toute cette terre pour qu’il la gouverne, de même qu’il doitgouverner le travail de cette terre. (le nom d’Afrikara signifie en somme Africa ouAfrique). Faites en sorte de ne pas oublier Nkome Boto même un jour parce quec’est lui qui a créé le ciel et la terre et toutes les choses qui sont dedans ; c’est luique Père Tamango’o a appelé Nté Mam. Il n’y a pas une chose qu’il n’a pas puréaliser, c’est lui qui fera en sorte que tu procrées beaucoup jusqu’à remplir cetteterre complètement. Conserve le soleil et la terre, c’est ça le cadeau que NkomeBoto a offert à notre père et tout ce qu’il y a dedans. Regarde bien où vont ceschoses, c’est là-bas que tes enfants iront en définitive. Si un homme ou une femmeparmi eux trouve son bagage lourd, il te dira je n’en peux plus ! Quand il a dit ça ilest temps que nous nous reposions parce qu’il a cité mon nom. Donc toute personnequi dira je n’en peux plus, aura le repos. Autre chose, si deux personnes ont uneaffaire à dire, cela veut dire que, celui qui règle les histoires va chercher qui a citémon nom sérieusement.

Il a ensuite dit à Afrikara de venir chercher la force qui lui permettra decontinuer à bénir les hommes. Et Afrikara a demandé à son père que, Ce que c’estmeté (les bénédictions) ? Il lui a appris la parole qu’il devait prononcer et il lui a ditce que c’est les bénédictions. On va voir ce que c’est que les bénédictions devant(par la suite, refus de réponse). Afrikara a encore posé une autre question à son

Page 585: Histoire des Fang, Peuple Gabonaisconservatoirenumeriquedupatrimoineekang.e-monsite.com/...Because of the blindness of the White, the Fang’s adaptability and, above all their number,

père, sans voir que son père lui a déjà répondu avant que : Qu’est ce que le signe dentyi’ibane metye ?

Eké ! mon fils là, est-ce que c’est comme ça que tu as l’habitude de poser desquestions à quelqu’un ? Assieds toi donc que je te réponde à cela. Il dit que, votregrand-mère Ana a ramené ce signe de chez elle. Comme elle était plus savante queson mari, elle a appris cette chose à son mari ; et il a fait cela et nous a laissé cesigne jusqu’à aujourd’hui. Ces bénédictions sont des bénédictions que Nkom Botoreçoit, si que nous sommes ses hommes. C’est à ce moment là que les hommesreçoivent la bénédiction de lui. Peut-être que tu n’as pas bien compris ce que c’estque la bénédiction. Appelle tous les hommes pour qu’ils viennent écouter commentje fais la bénédiction pour que eux aussi sache. Alors les hommes sont arrivésnombreux, il y en avait sur le toit, sans que tu puisses trouver un endroit où mettrele pied encore moins un morceau de terre. Alors ils ont porté Karakoba et l’ontplacé au milieu, il s’est dressé au milieu de la cour, il a levé les bras au ciel ; a dit,voici la Parole de Nkomo Boto : c’est tout le mal que vous avez fait que je suis entrain d’enlever en ce moment (durée, cf a vaa doublement de la voyelle pourexprimer la longueur). Ntontoo, la grâce vous accompagne partout où vous irez. Mekia ane ba kia évian, me mimi ane b’animi, o nga’ ako ; nka kua melen, melen mengom’ éba jan, mvu é nga wu, meyo nka’ale, a kap, a nimi, osoé nkéhé, wooooo ! ;nyole ne ndanedan nyole ne ves ves. Nyole ne fuuummm! Voici donc la Parole deNkomo Boto. C’est ça qu’on appelle on enlève la bénédiction ou cracher labénédiction.

[Précédent] [Suivant]