hernie discale thoracique

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Revue du rhumatisme monographies 81 (2014) 36–45 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Hernie discale thoracique Herniated thoracic disc Marie-Line Pissonnier a , Marc Soubeyrand a , Fabrice Parker b , Charles Court a,a Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, hôpitaux universitaires Paris Sud, 78, rue du Général-Leclerc, 94270 Le Kremlin-Bicêtre, France b Service de neurochirurgie, hôpitaux universitaires Paris Sud, 78, rue du Général-Leclerc, 94270 Le Kremlin-Bicêtre, France i n f o a r t i c l e Historique de l’article : Accepté le 17 janvier 2014 Disponible sur Internet le 18 evrier 2014 Mots clés : Disque intervertébral épidémiologie Disque intervertébral pathologie Disque intervertébral traitement Imagerie par résonance magnétique Compression médullaire Hernie thoracique Radiculopathie Pathologie de la moelle épinière Chirurgie rachidienne Colonne vertébrale thoracique r é s u m é L’incidence des hernies discales thoraciques est intimement liée à l’amélioration des procédés de détec- tion en imagerie. Cependant, elles restent une pathologie exceptionnellement symptomatique. Ainsi, moins de 2 % de tous les actes chirurgicaux pour pathologie discale concernent le rachis thoracique. Les présentations cliniques peuvent être trompeuses et l’examen neurologique souvent pauvre doit être minutieux, notamment en recherchant une atteinte des voies longues. Cette variété de tableaux cliniques peut s’expliquer par le rôle de la compression directe mais aussi de l’insuffisance vasculaire asso- ciée. L’absence d’atteinte neurologique centrale permet d’envisager un traitement médical. Dans le cas contraire, la chirurgie doit être discutée après la réalisation d’un bilan d’imagerie complet et d’opérabilité afin de planifier précisément l’acte chirurgical. Plusieurs techniques sont disponibles ; néanmoins, la laminectomie isolée est à proscrire. La costotransversectomie, la thoracoscopie et les thoracotomies mini-invasives vidéo-assistées sont actuellement les plus utilisées. Les voies antérieures permettraient d’obtenir de meilleurs résultats sur les hernies discales calcifiées médianes en limitant la mobilisation du cordon médullaire. © 2014 Société franc ¸ aise de rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Keywords: Intervertebral disc epidemiology Intervertebral disc pathology Intervertebral disc treatment Magnetic resonance imaging Spinal cord compression Disc herniation Radiculopathy Spinal cord disease Spine surgery Thoracic vertebrae a b s t r a c t The reported incidence of thoracic disk herniation is closely dependent on the imaging methods used for the diagnosis. Nevertheless, thoracic disk herniation is very rarely symptomatic. Fewer than 2 % of all surgical procedures for disk disease involve the thoracic spine. The clinical presentations may be mis- leading. A thorough neurological evaluation is necessary to identify the frequently subtle abnormalities, particularly those indicating involvement of the long tracts. This variability in the clinical manifestations may be ascribable not only to direct compression, but also to concomitant blood supply impairment. Nonsurgical treatment may be an option in patients without central neurological manifestations. Other- wise, surgery should be considered after extensive imaging studies and an assessment of feasibility, in order to allow detailed planning of the surgical procedure. Several techniques are available. Isolated lami- nectomy should not be performed. Costotransversectomy, thoracoscopy, and video-assisted minimally invasive thoracotomy are currently the most widely used methods. Anterior approaches may provide better outcomes in patients with midline calcified disk herniations, by limiting the need for spinal cord mobilization. © 2014 Société franc ¸ aise de rhumatologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. 1. Introduction La première description de hernie discale thoracique sympto- matique est attribuée à Key [1] en 1838. Cependant, les premiers résultats thérapeutiques, rapportés par technique de laminectomie Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Court). et discectomie, n’ont été publiés qu’une centaine d’années plus tard, rendant compte notamment d’une morbidité très importante [2,3]. Pathologie singulière, de diagnostic et de traitement diffi- ciles, la hernie discale thoracique a longtemps été déconsidérée. Actuellement, cette affection présente un regain d’intérêt notable grâce aux avancées récentes dans le domaine de l’imagerie et de l’amélioration des techniques chirurgicales. Bien que la prévalence des hernies discales thoraciques soit en augmentation du fait de l’accessibilité à l’IRM, elles ne 1878-6227/$ see front matter © 2014 Société franc ¸ aise de rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.monrhu.2014.01.006

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Revue du rhumatisme monographies 81 (2014) 36–45

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

ernie discale thoracique

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arie-Line Pissonniera, Marc Soubeyranda, Fabrice Parkerb, Charles Courta,∗

Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, hôpitaux universitaires Paris Sud, 78, rue du Général-Leclerc, 94270 Le Kremlin-Bicêtre, FranceService de neurochirurgie, hôpitaux universitaires Paris Sud, 78, rue du Général-Leclerc, 94270 Le Kremlin-Bicêtre, France

i n f o a r t i c l e

istorique de l’article :ccepté le 17 janvier 2014isponible sur Internet le 18 fevrier 2014

ots clés :isque intervertébral épidémiologieisque intervertébral pathologieisque intervertébral traitement

magerie par résonance magnétiqueompression médullaireernie thoraciqueadiculopathieathologie de la moelle épinièrehirurgie rachidienneolonne vertébrale thoracique

r é s u m é

L’incidence des hernies discales thoraciques est intimement liée à l’amélioration des procédés de détec-tion en imagerie. Cependant, elles restent une pathologie exceptionnellement symptomatique. Ainsi,moins de 2 % de tous les actes chirurgicaux pour pathologie discale concernent le rachis thoracique.Les présentations cliniques peuvent être trompeuses et l’examen neurologique souvent pauvre doitêtre minutieux, notamment en recherchant une atteinte des voies longues. Cette variété de tableauxcliniques peut s’expliquer par le rôle de la compression directe mais aussi de l’insuffisance vasculaire asso-ciée. L’absence d’atteinte neurologique centrale permet d’envisager un traitement médical. Dans le cascontraire, la chirurgie doit être discutée après la réalisation d’un bilan d’imagerie complet et d’opérabilitéafin de planifier précisément l’acte chirurgical. Plusieurs techniques sont disponibles ; néanmoins, lalaminectomie isolée est à proscrire. La costotransversectomie, la thoracoscopie et les thoracotomiesmini-invasives vidéo-assistées sont actuellement les plus utilisées. Les voies antérieures permettraientd’obtenir de meilleurs résultats sur les hernies discales calcifiées médianes en limitant la mobilisationdu cordon médullaire.

© 2014 Société franc aise de rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

eywords:ntervertebral disc epidemiologyntervertebral disc pathologyntervertebral disc treatment

agnetic resonance imagingpinal cord compressionisc herniationadiculopathy

a b s t r a c t

The reported incidence of thoracic disk herniation is closely dependent on the imaging methods usedfor the diagnosis. Nevertheless, thoracic disk herniation is very rarely symptomatic. Fewer than 2 % of allsurgical procedures for disk disease involve the thoracic spine. The clinical presentations may be mis-leading. A thorough neurological evaluation is necessary to identify the frequently subtle abnormalities,particularly those indicating involvement of the long tracts. This variability in the clinical manifestationsmay be ascribable not only to direct compression, but also to concomitant blood supply impairment.Nonsurgical treatment may be an option in patients without central neurological manifestations. Other-

pinal cord diseasepine surgeryhoracic vertebrae

wise, surgery should be considered after extensive imaging studies and an assessment of feasibility, inorder to allow detailed planning of the surgical procedure. Several techniques are available. Isolated lami-nectomy should not be performed. Costotransversectomy, thoracoscopy, and video-assisted minimallyinvasive thoracotomy are currently the most widely used methods. Anterior approaches may providebetter outcomes in patients with midline calcified disk herniations, by limiting the need for spinal cordmobilization.

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© 2014 Société fra

. Introduction

La première description de hernie discale thoracique sympto-atique est attribuée à Key [1] en 1838. Cependant, les premiers

ésultats thérapeutiques, rapportés par technique de laminectomie

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (C. Court).

878-6227/$ – see front matter © 2014 Société franc aise de rhumatologie. Publié par Elsettp://dx.doi.org/10.1016/j.monrhu.2014.01.006

e de rhumatologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

et discectomie, n’ont été publiés qu’une centaine d’années plus tard,rendant compte notamment d’une morbidité très importante [2,3].

Pathologie singulière, de diagnostic et de traitement diffi-ciles, la hernie discale thoracique a longtemps été déconsidérée.Actuellement, cette affection présente un regain d’intérêt notable

grâce aux avancées récentes dans le domaine de l’imagerie et del’amélioration des techniques chirurgicales.

Bien que la prévalence des hernies discales thoraciques soiten augmentation du fait de l’accessibilité à l’IRM, elles ne

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ont qu’exceptionnellement symptomatiques et l’indication chi-urgicale reste rare. Le traitement médical occupe une placerépondérante et la chirurgie est proposée en cas d’échec ou deompression médullaire avérée ou évolutive.

Plusieurs approches chirurgicales sont décrites dans la lit-érature. Les voies postérieures semblent indiquées pour lesocalisations postérolatérales et latérales ; les voies antérieures,n pleine expansion avec le développement de la thoracoscopie,ermettent une prise en charge optimale des hernies médianesalcifiées. Le seul consensus actuel chirurgical est l’abandon de laaminectomie isolée.

. Épidémiologie

L’incidence exacte des hernies discales thoraciques symptoma-iques est difficile à évaluer, du fait de la possibilité de retardiagnostique devant des manifestations atypiques ou un tableaulinique fruste. Elle est estimée à 1 pour 1 million d’habitants parn [4].

Moins de 5 protrusions discales symptomatiques sur 100oncernent le rachis thoracique (0,15 % à 4 % selon les études [5–9]),ettement loin derrière les localisations lombaire et cervicale. Enonséquence, sur 100 actes chirurgicaux réalisés pour hernie dis-ale, moins de 2 intéressent les niveaux thoraciques (0,2 % à 1,8 %3,7,8]).

L’âge de découverte se situe habituellement entre 40 et 60 ans,omme la Fig. 1, issu du travail d’Arce et Dohrmann, le démontre.es patients ont entre 11 et 81 ans en fonction des publications4–8,10]. Arce et Dohrmann [7] retrouvent une légère prépondé-ance masculine (1,5/1) lors d’une revue de la littérature de 1985 ;es études plus récentes [9–14] présentent une tendance inverse,

usqu’à 1,88 femmes pour 1 homme [14], suggérant, selon Gille [15],ne participation hormonale aux processus physiopathologiquesFig. 2).

Les hernies discales thoraciques symptomatiques restent excep-ionnelles au vu de la prévalence des sujets porteur d’unerotrusion discale à cet étage. La présence d’une hernie discalest mise en évidence chez 11 % [16] (étude myélographique réa-isée par Awwad et al. sur 360 sujets asymptomatiques) à 37 % [17]étude remnographique sur 90 sujets asymptomatiques reportéear Wood et al.) des sujets sains étudiés.

L’imagerie moderne avec notamment la diffusion de l’IRM aévolutionné le diagnostic des hernies discales thoraciques, aug-entant leur détection et leur prévalence. Néanmoins, les résultats

btenus doivent être interprétés en fonction de la clinique, auisque de surestimer cette pathologie exceptionnellement symp-omatique et d’engendrer une prise en charge inadaptée.

Fig. 1. Répartition selon l’âge des hernies discales thoraciques.

elon Arce et Dohrmann [7].

Fig. 2. Répartition selon le sexe des hernies discales thoraciques.

3. Étiologie et anatomopathologie

3.1. Étiologie

Deux mécanismes sont discutés au regard de la littératureconcernant l’origine des hernies discales thoraciques.

Le plus fréquent et le plus consensuel serait, comme à l’étagelombaire, une dégénérescence discale [5,7,18]. Cette théorie estcorroborée par l’atteinte prédominante de la charnière thoracolom-baire dans certaines séries [7,19].

Le deuxième mécanisme, beaucoup plus rare, correspond auxhernies discales post-traumatiques. Elle toucherait plus volontiersl’adulte jeune et la symptomatologie serait d’installation brutale.Cependant, la notion de traumatisme est retrouvée dans 11 % à 63 %de l’ensemble des cas de hernie thoracique [10,20,21]. Il s’agiraitplus probablement d’un mécanisme surajouté sur un disque dégé-nératif et la hernie discale thoracique post-traumatique pure seraitexceptionnelle [6].

Une association entre hernie discale thoracique et maladie deScheuermann est rapportée dans la littérature [17,22–24]. La préva-lence de cette affection, appartenant aux dystrophies rachidiennesde croissance, est environ de 1 à 10 % dans la population géné-rale. Elle associe une dysmorphie vertébrale et une détériorationde l’espace discal sur 3 vertèbres au minimum. Cependant, le dia-gnostic positif de Scheuermann reste controversé chez l’adulte.L’étude observationnelle récente de Makurthou et al. [25] rendcompte d’une forte prévalence des anomalies vertébrales dans lapopulation des Pays-Bas (presque 25 %) mais le diagnostic positifradiographique de maladie de Scheuermann est porté chez seule-ment 4 % de la population en associant ces anomalies à une cyphosethoracique majorée.

Il est intéressant de noter que 56 % des patients opérés de herniethoracique dure par l’équipe de Gille présentaient des anoma-lies radiologiques en faveur d’un Scheuermann [24]. Ces patientssont en moyenne plus jeunes et la localisation herniaire plusfréquente au rachis thoracique moyen, zone d’hypercyphose etd’hyperpression discale (Fig. 3).

3.2. Anatomopathologie

Historiquement, 75 % des hernies discales thoraciques concer-naient les niveaux T8–L1 [7], et en particulier l’étage T11–T12(26 %), ce dernier subissant des contraintes biomécaniquesmajeures en lien avec une mobilité plus importante. Plus récem-ment, il semblerait que les hernies discales opérées touchent

majoritairement le rachis thoracique moyen comme le montre leTableau 1, et principalement le niveau T7–T8, sommet de la cyphose[10,14].
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Fig. 3. Hernie discale et dystrophie vertébrale (irrégularités des plateaux vertébrauxétagée aux niveaux dorsolombaires, sans cyphose).

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Fig. 4. Hernie calcifiée et molle.

La consistance des hernies discales est variable selon les études.ingt-neuf à 58 % sont molles ; elles sont plutôt dures, calcifiées

u ossifiées, dans 42 à 71 % des cas [10,13]. Les hernies molles ontendance à être localisées en postérolatéral, les hernies dures sontlutôt centrales (Fig. 4).

ableau 1iveaux atteints selon les séries.

Arce et Dohrmann[8] (1985) : 1 revue

Wait et al. [14] et Quintet al. [10] (2012) : 2 séries

T1–T2 3 %T2–T3 1 % 1,6 % (5)T3–T4 1 % 3,3 % (10)T4–T5 2 % 1 % (3)T5–T6 3 % 4,6 % (14)T6–T7 7 % 19 %

(58)29 %(89)15,3 %(47)12 %(36)

75,3 %

T7–T8 8 %T8–T9 9 %

14 %17 %26 %9 %

75 %

T9–T10T10–T11 7,2 % (22)T11–T12 5,5 % (17)T12–L1 1,6 % (5)Total 280 306

Fig. 5. Nuclear trail sign.

Awwad et al. [16] ont introduit le nuclear trail sign sur descoupes axiales scannographiques : cela correspond à une calcifi-cation s’étendant du centre du disque jusqu’au débord postérieur.Cet aspect serait présent dans 45 % des cas de hernies calcifiées.Selon Gille [15], l’histoire naturelle de la hernie discale thora-cique calcifiée pourrait débuter par une calcification discale surun rachis dégénératif, plus fréquente chez les patients présentantdes séquelles de dystrophie rachidienne de croissance. Ce maté-riel pourrait ensuite migrer en postérieur et être ainsi responsabled’une image de traînée dense (Fig. 5).

En plus de la localisation et de la consistance, les rapports avecla dure-mère sont essentiels à analyser, en particulier dans le cadrede la prise en charge chirurgicale : la hernie peut être non adhé-rente, adhérente voire intradurale (6–7 %) [13], aspect à prendre enconsidération pour les contraintes techniques.

Enfin, les atteintes discales pluri-étagées ne sont pas excep-tionnelles. En 1960, Arseni en relevait 4 pour 106 cas. Depuis ledéveloppement de l’IRM, les localisations multiples peuvent tou-cher jusqu’à 23 % des patients [13,26] (Fig. 6).

4. Physiopathologie de l’atteinte neurologique

Les particularités anatomiques de la région thoraciqueexpliquent la vulnérabilité neurologique marquée à ce niveau :le diamètre réduit du canal rachidien, l’absence de marge

Fig. 6. Atteintes pluri-étagées (patient opéré d’une hernie discale thoracique enT12–L1, nouvelle hernie symptomatique à l’étage sus jacent : imagerie par réson-nance magnétique et scanner flèche bleue, mais découverte d’une autre protrusiondiscale asymptomatique en T7–T8 : scanner, flèche rouge).

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Tableau 2Atteinte clinique des hernies discales thoraciques.

Arce et Dohrmann [7] Stillerman et al. [13] Wait et al. [14] Quint et al. [10]

Dorsalgie 75 % 2 % (isolée)47,9 %

10,4 % (isolée)

Névralgie intercostale 9 % (isolée) 15–50 % 43 % (isolée)66,9 %

52,3 %

Atteinte sensitive 33 % (isolée) 60 %Atteinte motrice 6 % (isolée) 55 % 28,9 % (isolée)

56,2 %37 %

Atteinte motrice et 61 % 27,2 % 37,3 %

%

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sensitiveAtteinte

sphinctérienne30 % 30

ntérieure secondaire à la cyphose globale, ainsi que la vascula-isation médullaire précaire (les artères radiculo-médullaires sont

rêles en zone thoracique) rendent compte de la très grande sen-ibilité de la moelle épinière dorsale à la pathologie herniaire [27]Fig. 7).

Fig. 7. Schéma de la vascularisation de la moelle épinière [27].

22,3 %

La physiopathologie de l’atteinte neurologique relèverait d’unecompression neurologique directe plus ou moins associée à uneinsuffisance vasculaire.

La compression directe est évoquée par Logue [3] sur un cas deparaplégie progressive en l’absence d’anomalie veineuse et arté-rielle retrouvée à l’autopsie.

D’autre part, l’insuffisance vasculaire pourrait rendre compteselon Currier et al. [28] des cas de discordance radio-clinique :par exemple, une parésie transitoire, ou une atteinte neurologiquede niveau plus rostral que ne le supposerait la localisation de lahernie, ou encore l’aggravation brutale des symptômes sur unehernie thoracique calcifiée, ou enfin une compression médullairesur hernie discale de petite taille [5,6]. Ainsi, cet aspect physio-pathologique pourrait expliquer les cas de non-amélioration aprèsdécompression totale. Une thrombose, une sténose de l’artère spi-nale antérieure pourraient en être la cause.

5. Manifestations cliniques

Tout d’abord, il convient de distinguer deux groupes de patients,en fonction de l’étiologie [6]. Le premier groupe correspond à descas rares de compression médullaire ou radiculaire aiguë sur herniediscale post-traumatique. Les patients sont jeunes, la symptoma-tologie est d’installation brutale après une notion de traumatisme.La hernie discale est typiquement molle.

La deuxième catégorie de patients regroupe les cas les plus fré-quents de compression chronique de la moelle ou des racines. D’âgemûr, les patients décrivent plusieurs mois d’évolution des symp-tômes, sans association à un traumatisme significatif. La herniediscale est plutôt calcifiée.

Les hernies discales thoraciques peuvent rendre compte d’unetrès grande variété de manifestations cliniques. Le niveau atteint,la situation et la taille de la hernie [10], la durée de compression,l’atteinte vasculaire, la taille du canal rachidien et l’intégrité du cor-don médullaire expliquent l’éventail de signes cliniques possibles.

Les publications concernant l’histoire classique d’une hernie dis-cale symptomatique [29] font état d’une aggravation neurologiqueprogressive sur quelques heures à plus de 15 ans. La douleur dor-sale est le premier symptôme, suivie par les troubles sensitifs, puiss’installent la douleur et la faiblesse des membres inférieurs et endernier lieu surviennent les troubles sphinctériens.

Le Tableau 2 reprend les résultats de la revue de la littératurepar Arce et Dohrmann [7] en 1985 sur 280 cas puis Stillerman et al.[13] en 1998 sur 318 patients, estimant la fréquence des différentssymptômes et signes cliniques. Deux études plus récentes d’effectifsignificatif sont également résumées [10,14].

Il ressort de cette revue que les études publiées ne sont pas

homogènes sur la définition des catégories de symptômes retrou-vés. Une classification clinique a été proposée par Anand et Regan[30] pour standardiser les aspects cliniques de cette patholo-gie (Tableau 3). Il est à noter que les troubles sphinctériens
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Tableau 3Classification symptomatique des hernies discales thoraciques.

Stade 1 Rachialgies isoléesStade 2 Radiculalgies isoléesStade 3A Rachialgies et radiculalgiesStade 3B Rachialgies et douleurs des Membres inférieursStade 4 Myélopathie

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Tableau 4Diagnostic différentiel en fonction des signes cliniques.

Douleur (syndrome rachidien et/ou lésionnel) Atteinte médullaire

Infection (spondylite, spondylodiscite) SEPTumeur vertébrale (primitive ou secondaire) SLAHernie discale cervicale ou lombaire Tumeur intraduraleArthrose zygapophysaire Tumeur cérébraleFracture AVCZona Myélite

Rapide, non invasive et non irradiante, l’IRM est l’examen deréférence pour le diagnostic de hernie discale thoracique. Cepen-dant, elle peut sous-estimer une hernie calcifiée.

Stade 5 Paraplégie

elon Anand et Regan [30].

’apparaissent pas isolément mais entreraient dans le cadre de layélopathie.Cependant, il est impossible d’établir une liste exhaustive des

ignes cliniques évocateurs de cette pathologie.Des rachialgies intenses peuvent motiver la consultation, mais

es migraines ou un syndrome méningé isolé ne peuvent être quees seuls symptômes retrouvés. D’autre part, une fatigabilité à la

arche, la faiblesse d’un ou des membres inférieurs, l’aggravatione signes neurologiques frustes anciens peuvent correspondre àes présentations atypiques de compression médullaire par hernieiscale thoracique.

L’examen neurologique est souvent pauvre, les formes frustestant fréquentes. Il doit être minutieux et il est nécessaire de recher-her une atteinte des voies longues.

En premier lieu, la douleur est à caractériser. Celle-ci peut’inscrire dans le cadre d’un syndrome rachidien. Elle peut êtreggravée par la toux et les éternuements comme au niveau cer-ical ou lombaire. La douleur peut également être le témoin d’unyndrome lésionnel, réalisant une névralgie intercostale, assez fré-uente sur les hernies latéralisées.

En second lieu, les troubles sensitifs sont à rechercher. Il peut’agir de paresthésies et dysesthésies touchant le nerf intercostal.ependant, elles peuvent simuler une pathologie cardiaque, diges-ive ou urologique, en fonction de la localisation. Il est intéressant deoter que la localisation la plus crâniale (T1–T2) est rare [31] maisst associée à un tableau clinique très particulier. Il faut l’évoquerotamment devant une atteinte du membre supérieur. Elle peutssocier une radiculalgie du bord médial du bras, un syndrome delaude Bernard Horner, et un déficit des muscles intrinsèques de laain.Enfin, des signes d’atteinte médullaire sont à éliminer. Une

aiblesse des membres inférieurs, avec ou sans claudication, unearaparésie, un syndrome pyramidal, des troubles sphinctérienseuvent être retrouvés. Il est à noter également que la localisa-ion la plus caudale (T11–T12 ou T12–L1) peut être responsable’un syndrome du cône terminal associant à différents degrés, desroubles sphinctériens avec une hypoesthésie en selle et des signesyramidaux des membres inférieurs.

. Diagnostic différentiel

Une attention particulière doit être accordée à l’examen cliniqueors de la découverte d’une image de hernie discale thoracique. Est-lle possiblement responsable de la symptomatologie ? De même,l faut penser au diagnostic de hernie discale dorsale devant uneouleur thoracique ou abdomino-pelvienne atypique. Des troublese la marche doivent être recherchés, un examen neurologique doittre réalisé.

Les diagnostics différentiels peuvent être classés selon leur ori-ine (Tableau 4) :

les étiologies rachidiennes ou neurologiques de type :

◦ infectieuse (spondylite, spondylodiscite, Zona),◦ néoplasique (primitive ou secondaire) vertébrale, intradurale

ou cérébrale,

Spondyloarthrite (SPA)

SEP : sclérose en plaques ; SLA : sclérose latérale amyotrophique ; AVC : accidentvasculaire cérébrale.

◦ dégénérative : hernie discale cervicale ou lombaire, arthrosezygapophysaire,

◦ traumatique : fracture, notamment sur spondylarthropathie(hyperostose engainante, spondylarthrite ankylosante),

◦ vasculaire : accident vasculaire cérébral,◦ inflammatoire : sclérose en plaque, spondylarthrite ankylo-

sante,◦ autres : sclérose latérale amyotrophique ;

• les étiologies extra-rachidiennes, pour lesquelles on peut distin-guer les causes :◦ cardiopulmonaires : dissection aortique, syndrome de Pancoast

Tobias,◦ gastro-intestinales,◦ liées à l’appareil musculo-squelettique : dérangement interver-

tébral mineur.

Les diagnostics différentiels peuvent aussi être classés selon lessignes cliniques présents.

7. Bilan complémentaire

7.1. Radiographies standard

Les radiographies du rachis thoracique entier de face et de profilpermettent de visualiser une fracture. De plus, elles peuvent mettreen évidence des séquelles de maladie de Scheuermann et évaluerla cyphose thoracique. Elles peuvent également être utiles pourle repérage pré opératoire du niveau à opérer si une particularitéanatomique visible à cet étage pouvait être retrouvée par contrôlescopique peropératoire. Enfin, le diagnostic peut être évoqué surune volumineuse hernie calcifiée ou ossifiée (Fig. 8).

7.2. Imagerie par résonnance magnétique

Fig. 8. Radiographies standard du rachis thoracique, hernie discale calcifiée enT8–T9.

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M.-L. Pissonnier et al. / Revue du rhumatisme monographies 81 (2014) 36–45 41

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ig. 9. Imagerie par résonnance magnétique du rachis thoracique, hernie discaleentrale en T8–T9 (noter l’angle de raccordement obtus, signant le caractère extra-ural de la hernie).

Elle permet d’éliminer certains diagnostics différentiels tels quees tumeurs ou processus infectieux disco-vertébraux et des patho-

ogies intradurales.De plus, l’IRM précise le caractère de la hernie, surtout sur les

équences T1 (volume, situation, exclusion, fragments).Elle apprécie également le retentissement sur la moelle épi-

ière, notamment par la présence d’un hyper signal en séquence2. L’interface avec les enveloppes médullaires est aussi analyséen T2. Si un liseré hypointense est visible en arrière de la hernie, leigament longitudinal postérieur et la dure-mère sont considérésomme intègres. Des adhérences peuvent être suspectées dans leas contraire mais aussi en T1 avec injection de gadolinium si unehaussement est constaté. Il correspondrait à une inflammationu ligament longitudinal [32]. Un autre signe peut présager de laituation intradurale d’une hernie [33]. Lorsque l’angle de raccor-ement entre le ligament longitudinal postérieur et la hernie estbtus, cela signe une localisation extradurale, un angle aigu faisantuspecter un siège intradural (Fig. 9).

Il est également possible d’utiliser des séquences myélo-IRMour affiner l’analyse des rapports avec la dure-mère, en étantoins invasif et irradiant que le myéloscanner.L’IRM détermine enfin la situation de l’aorte pour la planification

réopératoire.

.3. Tomodensitométrie

Systématique en cas de chirurgie, le scanner permet d’appréciera situation et le volume de la hernie, et surtout son caractère cal-ifié.

Des adhérences avec la dure-mère sont à suspecter dans les case hernie aux contours irréguliers et occupant plus de la moitié du

anal. Le couplage avec la myélographie (myéloscanner) augmentea sensibilité et la précision diagnostique.

La tomodensitométrie apprécie également la qualité du tissusseux et la présence d’ostéophytes (Fig. 10 et 11).

ig. 10. Tomodensitométrie du rachis thoracique. A. Hernie discale centrale posté-olatérale gauche, molle, responsable d’un syndrome du cône terminal aigu. B.ernie discale mixte en T11–T12.

Fig. 11. Myéloscanner postopératoire (étude de la décompression médullaire,visualisation d’une éventuelle brèche).

7.4. Neurophysiologie

La souffrance médullaire peut être appréciée par l’utilisation depotentiels évoqués moteurs et somesthésiques (PEM, PES), en parti-culier pour diagnostiquer une atteinte neurologique infra-clinique.Ils sont indiqués en pré opératoire et lors du suivi médical, tousles 6 mois environ pour juger de l’évolution. La neurophysiologieest également utile en peropératoire pour accompagner le gestechirurgical.

7.5. Myélographie

Peu utilisée seule, elle est d’avantage associée au scanner pouraugmenter la sensibilité diagnostique. La myélographie permetnéanmoins d’aider à la localisation de lésion symptomatique,notamment dans les cas de hernies étagées. Cependant, des étudesfont part d’un taux de 8 % de faux négatif [5].

8. Évolution – pronostic

Les protrusions discales asymptomatiques, de découverte for-tuite, sont plutôt stables dans le temps. Aucun traitement n’estpréconisé, ni aucun suivi particulier.

L’histoire naturelle des hernies discales symptomatiques estsimilaire aux autres localisations, cervicales et lombaires. Une amé-lioration clinique et fonctionnelle est constatée avec le traitementconservateur. Brown et al. [12] publièrent une étude sur 55 patients.Quinze (27 %) ont eu recours à la chirurgie (principalement despatients présentant une atteinte des membres inférieurs). Sur les40 non opérés, 31 soit 78 %, ont retrouvé le niveau d’activité anté-rieur à l’apparition de la pathologie. Il est à noter que peu deces patients traités de fac on conservative ne souffraient d’atteintemédullaire (2 sur 31).

D’autre part, la résorption spontanée est bien décrite, mêmepour des hernies discales calcifiées [34–36] avec des casd’amélioration de symptômes cliniques de myélopathie.

9. Prise en charge thérapeutique

9.1. Traitement médical

En l’absence de compression médullaire avérée, un traitementconservateur peut être instauré. Il associe comme pour les autreslocalisations rachidiennes, repos, antalgiques de palier adapté,anti-inflammatoires stéroïdiens ou non stéroïdiens, et rééducationfonctionnelle progressive.

Les infiltrations en revanche ne sont pas préconisées.Ce traitement est habituellement poursuivi durant 6 à 12

semaines.

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.2. Traitement chirurgical

.2.1. IndicationL’indication chirurgicale est posée dans les cas de compression

édullaire avérée ou évolutive (clinique ou électrique) ou échecu traitement médical, notamment en cas de persistance des dou-

eurs. Les bénéfices attendus et les risques prévisibles doivent êtrelairement expliqués au patient.

Les volumineuses hernies discales sans retentissement cliniqueoivent être attentivement suivies et les patients prévenus designes d’alerte devant les faire consulter en urgence : apparitione troubles sphinctériens, ataxie, diminution de la force ou de laensibilité des membres inférieurs.

.2.2. Bilan préopératoireL’indication étant retenue, plusieurs examens préopératoires

ont nécessaires pour la planification chirurgicale et le bilan’opérabilité.

Tout d’abord, le bilan d’imagerie minimal comprend des radio-raphies standard, un scanner et une IRM de tout le rachis.

Le repérage du niveau atteint en peropératoire n’est pas for-ément très aisé au niveau thoracique. Certaines équipes deadiologie interventionnelle peuvent utiliser la tomodensitométrieour mettre en place un harpon sur la transverse dans le but deermettre l’identification du niveau à l’amplificateur de brillanceu bloc opératoire.

Le bilan doit également comporter une artériographie pourréciser la localisation de l’artère d’Adamkiewicz. Celle-ci est à

dentifier notamment lors de la prise en charge chirurgicale de her-ie discale entre T8 et L1. La présence de cette artère au niveauymptomatique peut entraîner une modification du planning chi-urgical. En effet, sa lésion pourrait entraîner une paraplégie parschémie médullaire et ainsi, le côté de l’abord pour la discectomieourrait être plus déterminé par sa présence que par la localisationerniaire (Fig. 12).

D’autre part, le geste chirurgical est conditionné par les rap-

orts de la hernie avec les enveloppes durales. Le passage dans

’espace sous-arachnoïdien du matériel discal implique la néces-ité de suture ou de plastie durale si une exérèse complète de la

Fig. 12. Artériographie avec artère radiculo-médullaire en L1.

me monographies 81 (2014) 36–45

coque herniaire est envisagée. Ainsi, il peut être indispensable decompléter le bilan d’imagerie par un myéloscanner ou une myélo-IRM.

De plus, les potentiels évoqués moteurs (PEM) doivent êtreréalisés avant l’intervention pour pouvoir servir de référence aucontrôle électrophysiologique peropératoire et permettre la détec-tion précoce de complication neurologique pendant l’interventionchirurgicale.

Enfin, un bilan d’opérabilité standard est pratiqué. Si unevoie d’abord antérieure est envisagée, des explorations cardio-respiratoires supplémentaires peuvent être demandées (épreuvesfonctionnelles respiratoires, échocardiographie).

9.2.3. Différentes voies d’abordDifférents types d’intervention ont été décrits (Fig. 13). On peut

distinguer les abords postérieurs – regroupant laminectomie, cos-totransversectomie, approche postérolatérale trans-pédiculaire deCarson, – des voies antérieures transthoraciques par thoracotomieou thoracoscopie.

Historiquement, la laminectomie a été la première interventionréalisée pour hernie discale thoracique. La première publication estattribuée à Adson en 1922 [37]. Cependant, les premiers résultatsde séries ont fait part d’une morbidité importante. Par exemple, en1934, Mixter et Barr [2] décrivirent 2 cas de paraplégie complètepostopératoire sur 3 patients opérés par laminectomie. Logue [3] en1952, confirma cette tendance avec 5 aggravations neurologiquessur 11 patients opérés. Il semble en effet peu probable qu’unelibération suffisante soit obtenue par laminectomie seule dans lecadre d’une compression antérieure et en présence d’une cyphosethoracique. Ainsi, devant le taux non négligeable de complicationneurologique, cette technique utilisée isolément n’a plus beaucoupd’indication, hormis les cas de hernie molle latéralisée peu symp-tomatique [5,29,38].

Une deuxième voie d’abord postérieure a donc été diffuséedevant les échecs de la laminectomie seule, afin de pouvoir abor-der la hernie sans mobiliser le sac dural et ainsi de diminuer lesrisques d’aggravation neurologique. Le concept de costotransver-sectomie a été introduit par Menard [39] en 1900 (Fig. 13). Il s’agitd’accéder au canal médullaire latéralement en excisant la trans-

verse, la tête et le col de la côte ainsi qu’une partie du pédicule. Lahernie peut être ainsi retirée sans mobiliser le cordon médullaire.Les premiers résultats ont été publiés en 1960 par Hulme [40] rele-vant moins de complications neurologiques que par la technique

Fig. 13. Différentes voies d’abord. A. Hernie discale ossifiée centrale, légèrementlatéralisée à droite. B. Laminectomie seule. C. Costotransversectomie. D. Voie pos-térieure de Carson. E. Voie antérieure.

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Fig. 14. Abord postérieur de type Carson avec arthrodèse.

e laminectomie seule. La revue de la littérature par Arce et Dohr-ann [7] en 1985 sur 49 costotransversectomies, a mis en évidence

ne amélioration des symptômes pour 82 % des patients, 14 % sontestés inchangés, et 4 % des sujets ont été aggravés. Les indicationsetenues sont les hernies discales latérales, exclues ou séquestrées.’association à une sténose canalaire fait préférer cette voie d’abordostérieure.

D’autres approches postérieures ont également été décrites23,41]. Par exemple, en 1971, Carson et al. [4] développèrent’abord postérolatéral trans-pédiculaire : cette voie associe uneaminectomie avec résection de la transverse, d’une partie de’articulaire postérieure et du pédicule, sans exérèse costale. Cetbord déstabilisant le rachis nécessite de réaliser une arthrodèsessociée (Fig. 14).

Les voies d’abord antérieures ont été introduites plus récem-ent. Elles permettraient de visualiser de fac on optimale la lésion

t de pouvoir retirer plus facilement les hernies centrales etntradurales. En 1958, Crafoord [42] réalisa la première approcheransthoracique pour hernie discale dorsale, en pratiquant uneenestration sans décompression. La décompression a été obtenuen 1969 [43,44]. Dans les années 1980, les voies antérieures rétro-leurales ont été développées par Otani et al. [8] puis Maiman et al.45], permettant de s’affranchir du drainage pleural postopératoire.es résultats seraient similaires par voie transthoracique standardt rétro-pleurale (Fig. 15).

Une comparaison des voies postérieures et antérieures a été réa-isée par Bohlmann et Zdeblick [20] en 1988. Dix-neuf patients ontté traités pour hernie discale thoracique symptomatique, 8 paroie transthoracique et 11 par costotransversectomie. La récupé-ation neurologique semblait meilleure avec la voie antérieure.

L’avènement de la thoracoscopie en 1994 [46] a suscité unntérêt majeur dans la prise en charge chirurgicale des herniesiscales thoraciques. Les principaux avantages versus chirurgie à

iel ouvert concernent l’optimisation du champ visuel par le chi-urgien et l’équipe, la diminution des douleurs postopératoires,a réduction des pertes sanguines, l’accourcissement de la durée

Fig. 15. Abord antérieur par thoracotomie avec arthrodèse.

d’hospitalisation et de récupération, un coût économique plusfaible et une diminution de la morbidité [14].

En effet, les principales complications des thoracotomies com-prennent les lésions du nerf intercostal, les infections pulmonaires,les atélectasies et les épanchements pleuraux. Ainsi, Faciszewskiet al. [47] colligèrent les complications sur 665 thoracotomies etthoracophrénolombotomies. Un syndrome douloureux touchait9,17 % des cas, 3 % des patients présentaient un épanchementpleural, et un pneumothorax était retrouvé dans 1,8 % des cas,complications habituellement résolutives dans le temps.

Cette diminution de la morbidité des voies antérieurespar la technique de chirurgie vidéo-assistée est reportée dansplusieurs articles récents [10,14] : une comparaison thoracosco-pie/thoracotomie par l’équipe de Wait met en évidence un tauxmoyen de complications postopératoires de 15 % versus 34,7 %. Parexemple, les épanchements pleuraux touchent 5 % des patientsopérés par thoracoscopie contre 15 % des cas opérés à ciel ouvert.Il est dénombré également 5 fois plus de complications cardio-vasculaires lors de la réalisation de thoracotomies. Les névralgiesintercostales étaient présentes dans 6 % des cas opérés par thoraco-scopie contre 23 % des patients ayant bénéficié d’une thoracotomie.Il est également intéressant de noter que le taux de complicationsdiminuait avec l’expérience (taux moyen de complications de 5 % à6 ans).

Cependant, la thoracoscopie ne peut être proposée à tous lespatients. Elle est contre indiquée pour les patients non ventilablespar exclusion pulmonaire ou présentant une insuffisance respira-toire sévère ou une fibrose pleurale. Il peut être ainsi déconseilléde réaliser une thoracoscopie en présence d’antécédents de thora-cotomie homolatérale. Une obésité morbide peut être une contreindication selon les équipes chirurgicales.

Des études récentes évaluent favorablement les résultats dela discectomie par thoracoscopie. Selon Wait, 73 % des patientssouffrant de compression médullaire ont été amélioré, 97,6 % des

patients ont constaté une diminution des radiculalgies avec 83 %relevant une EVA à 0. Les rachialgies ont été améliorées dans 86 %des cas.
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Il est à noter le développement récent des mini-thoracotomiesidéo-assistées, permettant de diminuer également la morbiditées voies antérieures à ciel ouvert, et de réaliser un geste précis par

’utilisation du microscope opératoire.Quelle que soit la voie d’abord choisie, une arthrodèse sera asso-

iée à la décompression si celle-ci menace la stabilité rachidienneFig. 14 et 15) ou si le niveau opéré concerne la charnière tho-acolombaire, plus mobile. D’un point de vue biomécanique, elleermettrait également de prévenir les récidives.

.2.4. ComplicationsLes complications propres aux voies antérieures ont été décrites

réalablement. D’une facon plus générale, le patient doit êtrerévenu du risque d’aggravation neurologique, d’hématome et’infection du site opératoire, du risque de faillite du matériel avecseudarthrodèse et d’une possible brèche durale.

Une éventuelle reprise chirurgicale doit être mentionnée.Concernant les brèches durales, l’utilisation des abords anté-

ieurs peut être responsable de fuite de liquide céphalo-rachidienans l’espace pleural et ainsi créer une véritable fistule. Ces compli-ations peuvent être traitées par ventilation à pression positivessociée à un drainage pleural. Notre expérience sur le sujet a été’utiliser un agent embolique (Onyx®) pour fermer ce type de fis-ule par voie percutanée [48] avec un très bon résultat clinique.

0. Conclusion

Les hernies discales thoraciques symptomatiques restent uneathologie exceptionnelle pour laquelle la prise en charge diag-ostique et thérapeutique est en pleine évolution.

Affection méconnue, la variété des présentations cliniques occa-ionne fréquemment des retards diagnostiques. L’examen cliniquest souvent peu contributif. L’imagerie par résonance magnétiqueermet une analyse optimale de la hernie. Cependant, elle peutétecter des protrusions asymptomatiques et engendrer une prisen charge inadaptée.

Le traitement médical occupe une place importante dans larise en charge des douleurs rachidiennes et radiculaires. Cepen-ant, une atteinte médullaire avérée ou progressive, la résistanceu traitement médical bien conduit, font discuter une décompres-ion chirurgicale. Actuellement mieux codifié, ce geste est associé

un pronostic favorable.La laminectomie seule est exceptionnellement indiquée. Il

onvient de réaliser une discectomie, par voie postérieure ou anté-ieure, selon la localisation herniaire, les comorbidités du patientst l’expérience de l’équipe chirurgicale. Il semblerait que les tech-iques de thoracoscopie et de mini-thoracotomie vidéo-assistée,n plein essor, soient peu morbides, avec des résultats fonctionnelsavorables.

éclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-ion avec cet article.

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