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H E N R I H U D E

LA FORMATIONDES DÉCIDEURS

MÉDITATIONS SUR UN HUMANISME QUI VIENT

H U M A N I S M E C H R É T I E N

M A M E

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H E N R I H U D E

LA FORMATIONDES DÉCIDEURS

MÉDITATIONS SUR UN HUMANISME QUI VIENT

H U M A N I S M E C H R É T I E N

M A M E

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M A M E

Direction : Guillaume ArnaudDirection éditoriale : David GabilletDirection artistique : Armelle Riva

Édition : Vincent MorchCompositeur : Text’Oh

Direction de fabrication : Thierry DubusFabrication : Gwendoline da Rocha

© Mame, Paris, 2018.www.mameeditions.com

ISBN : 978-2-7289-2446-2MDS : 531698

Tous droits réservés pour tous pays.

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À nos fils.

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Avertissement

Ce texte est au service des hommes et des femmes d’action. Il s’agit de fournir un aliment à leur méditation pragmatique. Son contenu a été conçu en fonction de leurs besoins. Sa forme tient compte de leurs contraintes. Il a donc été découpé en unités d’une à sept pages au maximum et en sous-unités encore plus courtes, afin que les lecteurs puissent en profiter, même s’ils ne disposent que de quelques minutes pour méditer.

Chacune de ces unités forme autant que possible un tout, offrant un point précis à la méditation, découpé au besoin en idées distinctes. Mais conformément à une logique de décideur, tout reste lié, pratique. L’ensemble forme une chaîne de raisons, mais où chaque maillon garde une certaine autonomie. Ainsi le lecteur peut-il choisir son sujet sans se sentir perdu et garder la vision d’ensemble. Un index détaillé facilite ce choix.

Le texte est dépourvu d’annotations de bas de page, pour bien montrer qu’il s’agit d’une méditation pragmatique, où il faut aller soi-même et par soi-même à l’essentiel. Mais comme, naturellement, beaucoup auront envie d’avoir des références, des compléments ou des développements plus techniques, ils les trouveront dans les notes en fin de volume, avec la plupart des citations un peu longues.

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Prologue

Pourquoi ce livre est dédicacé à mes fils devenus adultes

De l’autoformation méditative peut émerger une remarquable élite, dotée de légitimité et d’autorité puissante. Comment cette élite saura-t-elle prendre un ascendant suffisant, tout en restant humaine, simple, au contact des gens, juste et amie des humbles ? Comment un nouveau développement des qualités de l’Homme peut-il éviter l’écueil de la démesure, sur lequel s’est échoué l’humanisme des Lumières ? Sans doute en demeurant proche de la nature et de la vie, fidèle à ce que l’amitié a de plus naturel et simple. Et cela s’appelle la famille.

De là le sens de la dédicace de ce livre. De là aussi certaines carac-téristiques de son écriture.

Afin de rester fidèle au projet que j’avais conçu, le mieux était d’écrire ces méditations pour mes fils. Tous sont déjà des décideurs, ou de futurs décideurs. J’ai voulu les écrire, aussi, pour leurs amis, pour leurs camarades et pour leur génération. Celle-ci ne profite plus des facilités du système libertaire. Elle porte le poids de la crise qu’il a engendrée1. Cette génération changera de culture et rétablira la démocratie.

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En tout ceci, j’ai suivi le grand exemple d’Aristote, intitulant Éthique à Nicomaque, « Éthique pour son fils », son principal ouvrage. En lui partageant son art du bonheur, Aristote livre à Nicomaque la moelle de sa sagesse. Et cette sagesse est humaine, parce que c’est celle d’un père pour son enfant.

Mille ans après Aristote, une femme très remarquable, Dhuoda, résume sa sagesse dans Manuel pour mon fils2. Elle a souci d’initier ses deux fils à tous les secrets du bonheur. Leur cité va entrer dans des temps d’invasions, de guerre et de révolution. Tout ira mal, peut-être. Tout, peut-être, finira bien ? Ils auront beaucoup à lutter. Mais quelle que soit l’issue de leurs combats, ils auront à vivre, et à trouver le bonheur personnel, profond et véritable, sans s’attrister de ce qui échappe à leur pouvoir, y compris au milieu des calamités publiques : « Que le Tout-Puissant […] vous rende profondément heureux et pleins de gaieté dans le siècle présent, vous rende actifs et agissants pour réussir en tout, et qu’une fois accompli le cours de cette vie, il vous introduise joyeux dans la Vie3. »

Ce livre que je finis avec vous n’est que le premier pétale d’une marguerite (§ 30). J’ai écrit plusieurs autres livres de méditations, pour vous, celui-ci n’est que le premier. Même si chacun d’eux n’est que d’un modique volume, ils finiront par faire un tout bien volumineux. La taille de ce tout restera pourtant modeste, comparée à l’ampleur de son contenu. J’ai eu l’ambition de rassembler pour vous en un tout, de manière à faciliter votre autoformation méditative, tout ce qu’une bonne fois j’avais à vous dire : l’absolument essentiel de tout ce que je crois utile pour vous et dont vous pouvez chercher à vous assurer avec certitude. C’est la somme ou le résumé de ce qu’un décideur doit savoir avec certitude.

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P r o l o g u e

Ce livre que vous allez traverser, pas plus que les suivants, n’est fait pour être lu d’une traite, mais pour être médité, par moments, au  cours d’une vie. Faites-moi la faveur d’y voir des compagnons de voyage.

Ce sont des livres dans lesquels je voudrais tout donner, tout ce que j’ai pu acquérir au cours d’une vie de luttes et de réflexions. Il eût fallu un temps indéfini à de plus forts que moi pour porter à leur perfec-tion la plupart des idées ici ébauchées, souvent reprises de traditions riches et variées. Mais le temps n’attend pas, et la synthèse est néces-saire pour la décision, bien qu’en un sens impossible. Et si elle est possible, c’est en pivotant autour de l’Homme et du Bien.

Le style de ce livre n’est pas obscur, mais sa lecture demeure exigeante. Sans travail, pas de science. Ne craignez pas de vous rendre certains de ce dont il faut que vous soyez certains. La raison vous y autorise. La conscience vous y oblige. N’ayez pas peur de la vérité, car elle existe. En avoir peur, c’est le défaut commun du temps dans lequel vous vivez [2018]. Vivez donc en contemporains de l’avenir. Ecce homo.

Coëtquidan, 1er mai 2017.

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méditations introductives

Éduquer les dÉcideurs

Le terme « Décideurs » s’applique premièrement à tout être humain ; l’Homme est un animal décideur, c’est sa définition, et tout Homme est donc Décideur ; les décisions les plus importantes (trans-mettre la vie, éduquer, transmettre la culture, innover, fonder) se prennent le plus souvent hors des sphères de la puissance ; deuxième-ment, le terme s’applique à toute personne qui dirige à partir d’un certain niveau de responsabilité et doit donc être dotée d’une capacité à prendre des décisions difficiles et d’exécution ardue. Il lui faut une formation appropriée. Ce problème pratique fait l’objet de notre présente méditation4.

§ 1éduquer les décideurs en vue du Bien ?

Voici douze ans, je fus chargé de la formation éthique des futurs officiers, ainsi que de recherches en éthique et en droit de la guerre. Cette proposition me surprit, mais je l’acceptai.

Mon intuition me fit relire la République de Platon. Toute nouvelle Renaissance relit Platon. La République est un livre où presque tout est vrai, quand on le comprend comme il faut. Bien sûr, beaucoup

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de points font difficulté, notamment le communisme ou la commu-nauté des femmes. Et à prendre ce texte au pied de la lettre, on voit mal comment ne pas s’accorder avec des critiques, inspirées par le bon sens, l’expérience, la prudence ou l’équité naturelle5. La République peut sembler tout le contraire d’un livre pratique, sage, prudent  : plutôt une utopie, un système, propre à fausser et à déformer le juge-ment des Décideurs. Pourtant, lue avec le recul nécessaire, elle a une vérité pérenne et une irremplaçable utilité.

La République renferme une première vérité universellement indis-pensable – moyennant bien des adaptations, car notre monde n’est plus celui de Platon : philosopher, c’est éduquer ; éduquer, c’est vrai-ment philosopher. Car vraiment,

– philosopher consiste à éduquer les Décideurs en vue du Bien et dans un esprit de « Gardiens » ; mais,

– nul ne peut les éduquer ainsi sans continuellement s’éduquer lui-même ; et

– nul ne peut vraiment s’éduquer ainsi soi-même sans en éduquer d’autres, ou se préparer à en éduquer.

Éduquer sans philosopher, c’est oublier le Bien et condamner l’élève à décider au hasard.

Philosopher sans éduquer, c’est d’abord isoler la raison indivi-duelle, l’extraire du flux de l’être et de sa générosité, lui interdire la sagesse. C’est ensuite la couper de la pratique effective, donc du bien encore une fois – car toute action profondément se rattache au don de la vie et de la culture. C’est enfin méconnaître la liberté, faute de raisonner par rapport au bien et faute de voir d’abord la liberté comme le pouvoir de décision. La pratique de l’éducation fait partie de la substance de la sagesse.

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Platon écrit que la justice n’est possible que si les philosophes deviennent rois, ou les rois philosophes6. Et il a raison, car pour décider bien, les chefs ne doivent pas laisser l’exercice du pouvoir corrompre leur jugement de raison – et ce qu’on appelle philosopher, « avec sincérité et de manière adéquate », est justement le moyen de prévenir une telle corruption chez les dirigeants.

Ce que dit Platon se traduit ainsi en langage moderne  : les Décideurs doivent devenir philosophes, ou les philosophes devenir Décideurs. C’est évident, si l’on ne peut être Décideur sans l’être devenu, donc sans s’y être éduqué et sans y avoir été éduqué – ce en quoi consiste précisément la philosophie, véritable éducation de véri-tables Décideurs.

Le cœur de la responsabilité philosophique, c’est donc bien l’édu-cation des Décideurs et des « Gardiens » (car les décideurs, nous le  verrons, doivent avoir l’esprit de « Gardiens »). Telle était donc ma vocation, tel était aussi mon métier. Il n’en était pas de plus philo-sophique. Maintenant, comment allais-je m’y prendre ?

§ 2les décideurs ont-ils Besoin

d’être des Hommes de pensée ? et d’aBord que signifie le mot « PhilosoPher » ?

les questions PhilosoPhiques

Tout d’abord, je devais à la fois surmonter de justes réticences et commencer par les choses les plus élémentaires, c’est-à-dire la défi-nition simple (et pourtant vraie) de ce mot : « philosophe ». Était-ce possible ?

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La philosophie a une terrible réputation d’obscurité, alors qu’elle est « l’esprit de simplicité7 ». Il est vrai que c’est cette simplicité qui fait précisément sa difficulté. Elle doit avoir cette simplicité pour devenir ce qu’elle est, la meilleure auxiliaire de l’action, car on ne gouverne jamais bien, si à la meilleure technique ne vient se joindre une aptitude à sympathiser avec l’humain et à le comprendre. Or chaque Homme est, à l’image du Bien, un indivisible, simple, incluant pourtant en lui-même une infinité.

Mais laissons cela. Supposons que nous sachions formuler des questions philosophiques et puissions en comprendre le sens. Nous accepterions alors la définition suivante : la « philosophie » est l’en-semble de toutes les questions « philosophiques » que nous posons et de tous les efforts que nous accomplissons en vue de les préciser et d’y répondre.

Formulons donc des questions philosophiques. Nous commen-çons par poser des questions ordinaires, sur des sujets tout à fait ordi-naires ; puis nous continuons à questionner, une ou plusieurs fois de plus que d’ordinaire. C’est déjà ce que fait l’enfant. Après chaque réponse de ses parents à l’une de ses questions, il demande encore et toujours : « Et pourquoi ? » Quand l’adulte ne sait plus lui répondre et parfois le rudoie (« Il n’y a pas de pourquoi ! »), c’est qu’ils se trouvent tous deux face à une question philosophique, que l’enfant pose avec candeur, et que l’adulte essaye d’écarter. Mais pourquoi ne lui fait-il pas face ?

Prenons un exemple. On demande : « Qu’est-ce que Flèche d’Or ? » Admettons que ce soit le nom d’un cheval. Qu’est-ce qu’un cheval ? Un grand mammifère quadrupède. Qu’est-ce qu’un mammifère ? Un être vivant dont la femelle nourrit ses petits avec le lait de ses mamelles.

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Jusqu’ici, rien que d’ordinaire. Maintenant, supposons que les questions ne s’arrêtent pas. On demande alors : « Qu’est-ce qu’un vivant ? » et : « Comment un corps vivant se distingue-t-il d’un corps non vivant ? » Et : « Le vivant n’est-il que matière, ou la matière est-elle déjà vie, ou y a-t-il encore une autre hypothèse ? » Et encore : « Qu’est-ce que l’être ? » Ce sont là des questions philosophiques. Et, puisque chacun pense aussi comprendre le sens de la question « Qu’est-ce ? », on peut demander : « Qu’est-ce que “ce que” ? » Et : « Qu’est-ce que “est” ? » « Quel est le rapport entre ce “est” et ce “ce que” ? » Ou encore : « Qu’est-ce qu’une question ? » Et d’ailleurs : « Qu’est-ce qu’une réponse ? »

Telles sont quelques-unes des questions que nous posons, quand nous continuons à questionner plus que d’ordinaire. Toutes ces ques-tions sont appelées philosophiques.

Les élèves-officiers ont alors pensé, et ils me l’ont dit : « La philo-sophie consiste donc à poser des questions qui semblent ne comporter aucune réponse sûre, et dont on ne sait même pas si elles ont réelle-ment un sens ? » Ils ont ajouté : « S’il en est ainsi, n’est-il pas vraisem-blable que la philosophie ne serve à rien, fasse perdre du temps et complique la vie ? »

C’est vrai, nous avons envie de mettre de côté toutes ces questions.Malheureusement, ce n’est pas possible, car parmi les questions

philosophiques, il en existe une, la question du bien, qui est de toute façon et quoi qu’on fasse incontournable pour les esprits pratiques. « Qu’est-ce que le bien ? » ou : « Que signifie ce mot : “bien” ? » Sans réponse à cette question, zéro critère et zéro décision, sauf au hasard. Décider, c’est dire en effet : « Cette option-ci est meilleure (= “plus bien”). » Si nous répondons à cette question du bien au hasard, toutes nos décisions seront arbitraires.

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Poser consciemment cette question du bien et y répondre avec soin, analyser, préciser, concrétiser sa notion du bien, cela s’appelle « former sa conscience ». Car on appelle « conscience » un pouvoir de juger et de décider sous le Bien nos actions. Ne jamais se poser la question du bien, c’est laisser sa conscience en friche. C’est s’exposer à décider au hasard, le jour venu des décisions difficiles. Refuser de se la poser, c’est encore y répondre, en affirmant une tradition sans raison, ou une vie sans raison, ou un vouloir sans raison, ou un pouvoir sans raison. Répondre « sans raison » signifie affirmer ou nier « sans rendre raison » à personne, ni à soi-même. Est-ce là décider sans idée du bien ? Nulle-ment. C’est affirmer « en acte vécu » que le bien est le pouvoir, le vouloir arbitraire, la vie sans raison, et la tradition de tout cela parce qu’il en est ainsi. Mais comment éviter que se pose alors la question : « Cette idée-là du bien est-elle vraie ? » Autrement dit, assez adéquate et non pas trop partielle ? Car la raison est un bien, comme la vie, la justice et la force. Une idée du bien adéquate ne peut-elle pas trouver moyen de tout intégrer ?

En tout cas, puisque tout Décideur forcément répond à la question du bien, autant chercher à y répondre le mieux possible, y compris en  cherchant à savoir comment on pourra gérer sans oppression un monde libre où le bien serait plus adéquatement connu (§ 34). Et  en cela consiste l’éducation des Décideurs, dans les nouvelles nations humanistes.

L’éducation des Décideurs est la philosophie, car on peut montrer que la question du bien ouvre la porte à toutes les autres questions, et peut-être même gouverne-t-elle toutes les réponses à cet ensemble de  questions. Elle est ce centre autour duquel tous les problèmes pratiques apparaissent comme « concentriques ». Éduquer le Décideur

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se fait par définition « en vue du Bien8 ». Et s’éduquer en vue du Bien, ce n’est pas seulement spéculer, c’est vivre dans la question du bien, dans la quête du Bien, devenir soi-même cette question, devenir Décideur, et donc, accessoirement, mais inévitablement, philosophe. Le terme «  philosophe  » est d’ailleurs trop gros, trop solennel. Il vaudrait mieux dire « Décideur et Homme de pensée ».

§ 3réPondre en décideur à des questions PhilosoPhiques ?

Répondre à des questions philosophiques force à traverser des angoisses, tout au moins des moments de pénible perplexité, de déso-rientation et de solitude. Quand nous acceptons de poser ces ques-tions, et surtout quand tout d’un coup elles semblent nous tomber toutes à la fois sur la tête, nous nous sentons ahuris ou perdus. C’est comme « un doute universel au sujet du vrai9 ». Nous nous transfor-mons nous-mêmes en questions vivantes, en vie questionnante dans un environnement de mystère.

Mais l’aventure ne s’achève pas avec cette conscience négative. Il nous est utile d’avoir senti la pauvreté face à la profondeur, la nudité dans l’inaccessible. En effet, quand nous méditons, nous découvrons que la réponse se trouve dans la question, de sorte que ceux qui véri-tablement cherchent trouvent.

Les réponses trouvées dans les questions (dans notre être devenu question) sont à la fois certaines, objectives, personnelles pourtant et non imposées. Nous échappons à la fois à l’arbitraire du vide et à celui de l’autorité sans raison. Nous respectons les traditions sans nous y dissoudre, nous y entrons avec liberté, nous les développons, car elles

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prennent sens et vie dans cette liberté. Et nous évitons la prétention ou la présomption, car nous gardons le souvenir que ce fut dans notre faiblesse que nous sentîmes la force de la raison.

La vérité et le bien se laissent découvrir comme les conditions de possibilité de toute recherche. Car si nous radicalisons le questionne-ment, mettant en cause même la vérité et le bien, cette radicalisation n’est elle-même possible que par la pensée du « vrai vraiment vrai », du bien vraiment bien. Mettons-nous encore ceci en cause ? C’est à partir d’un « vrai vraiment vraiment vrai ». Plus nous questionnons, plus nous nous fondons sur du « toujours plus vraiment vrai », jusqu’à ce que, par récurrence, nous comprenions enfin la limite et la condi-tion première de tout ce questionnement : l’absolument vrai (le Vrai et le Bien avec majuscules).

Ce Vrai et ce Bien ne sont pas rien, puisqu’ils nous pressent ainsi et nous aspirent. Et aussi ils nous dépassent, ils ne sont pas simplement quelque chose de nous-mêmes, puisque nous existons comme suspendus à eux, qui nous inspirent et nous configurent. Cette majus-cule du Bien est un fait. Ce fait nous dépasse et nous déconcerte. Ce n’est pas une raison pour le nier ou l’écarter (§ 34). Il faut savoir vivre avec la question ouverte. Cela ne veut pas dire : avec une question sans réponse, mais : avec une réponse encore obscure.

Le Bien fournit aux Décideurs le principe d’une première synthèse humaniste, mais ils ne vont pas boucler trop vite cette synthèse – d’abord parce que ce Bien est un infini qu’ils n’auront jamais fini de découvrir, ensuite parce que le monde est une variété indéfinie de faits et de lois. Donc, cette synthèse, aussi enrichie et puissante soit-elle, ils la garderont toujours à l’état de synthèse première, ouverte et accueil-lante. C’est ainsi qu’elle ne se raidira pas en système clos, tout en

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remplissant ce rôle organisateur, fondateur et directeur, sans lequel il n’y a pas de sage pensée pratique.

Le bien n’est pas que le Bien avec majuscule. C’est aussi les biens humains : la santé, le plaisir, la prospérité, l’honneur… la justice et l’amitié… la beauté, l’amour, la science et la vérité, la vertu, la sagesse… Et le Bien avec majuscule est aussi un bien pour l’Homme, sans doute le premier de tous.

Qu’est-ce donc que l’Homme ? Cette Question. Qu’est-ce que Dieu ? Cette Réponse. Où est la Réponse ? Dans la Question. Mais comment y est-elle ? Question ouverte. Et alors, sans doute, Réponse transcendante.

Un être qui questionne et qui devient question se découvre comme poussé par la Vérité absolue vers la Vérité absolue, comme marchant en équilibre sur une corde tendue entre le Bien souverain et le Bien souverain. Or n’est-ce pas cela qu’on appelle un esprit ? Et n’est-ce pas ainsi que l’Homme se découvre esprit ? Et il n’y a rien de plus concret ni de plus pratique qu’un esprit humain, puisqu’il se découvre au sein du questionnement en vue de la décision. Et puisque le pouvoir de décider n’est autre chose que la liberté, qui se découvre esprit dans le bien se découvre aussi liberté. Et on vit cela dans le monde, avec son corps, dans sa langue et dans son pays.

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tAble des mAtières

Avertissement 9Prologue. Pourquoi ce livre est dédicacé à mes fils devenus adultes. 11

méditations introdUctives : éduquer les décideurs

§ 1 Éduquer les Décideurs en vue du Bien ? 15 § 2 Les Décideurs ont-ils besoin d’être des Hommes de pensée ? Et

d’abord que signifie le mot « philosopher » ? Les questions philosophiques. 17

§ 3 Répondre en Décideur à des questions philosophiques ? 21§ 4 Un dilemme  : être amateur de questions sans réponses ou

amateur de réponses sans questions ? 24§ 5 Comment définir simplement l’adjectif « pratique » ? Qu’est-

ce qu’une pensée pratique ? 25§ 6 Un Décideur doit-il être aussi un « Gardien » ? 29

premières méditations : se doter d’un nouveau critère

de décision humaniste

§ 7 Est-il vrai que le circuit de pensée pratique va de la cité au Bien, du Bien à la cité – et ainsi de suite ? 33

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§ 8 Est-il vrai que rien ne peut remplacer le critère du bien ? 35§ 9 Comment le critère du bien enveloppe-t-il le bien de la liberté ? 37§ 10 Le bien humaniste comme critère. 39§ 11 Comment poser la question de l’humanisme et y répondre ? 40§ 12 Les deux pôles du critère humaniste de décision : la liberté et

le bien. Comment les équilibrer ? 43§ 13 Se réapproprier le critère humaniste de l’humanisme moderne. 45§ 14 Comment le critère humaniste moderne est source de malaise

dans la civilisation. Comment il pousse l’Homme vers l’huma-nisme postmoderne. En quoi celui-ci consiste. 51

§ 15 Méditer sur la raison pour laquelle l’humanisme postmoderne devient inhumain. 55

§ 16 Le critère humaniste peut-il devenir un critère inhumain ? 58§ 17 Quelle est alors la politique de l’inhumain ? 61§ 18 Le critère inhumain peut-il receler le principe d’un despotisme

postmoderne ? 62§ 19 Peut-on aller jusqu’à parler de totalitarisme postmoderne ? 65§ 20 Quel est le principal stratagème du totalitarisme inhumain ? 69§ 21 Comprendre les raisons du nihilisme postmoderne. 72§ 22 Contre quoi les Gardiens auront-ils à lutter ? 74§ 23 Quels sont la dynamique et le drame de l’humanisme inhu-

main ? 76§ 24 L’avenir de l’humanisme peut-il devenir infernal ? 77§ 25 Peut-il y avoir une démocratie inhumaine ? 79

deUxièmes méditations : se former Une compréHension

adéqUate de la sitUation. vers une Première synthèse humaniste

§ 26 De quoi s’agit-il dans ce second point de méditation ? Devenir des pragmatiques méditatifs. 81

§ 27 Première notion de synthèse humaniste. 85§ 28 Vertu de courage. Acquérir une « synthèse en liberté » autour

du Bien. 86

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§ 29 Les Décideurs sont les mieux placés pour redécouvrir l’Homme. 87§ 30 Une logique de Décideur adopte une structure de pensée « en

marguerite ». 92§ 31 Vertu de rigueur. Penser en Décideur, ce n’est pas renoncer à la

rigueur scientifique. 94§ 32 Vertu de réflexion. Méditer et réfléchir. Qu’est-ce que réfléchir

en Décideur ? 95§ 33 Vertu de contemplation. En quel sens les Décideurs peuvent

être aussi des contemplatifs. Ce que c’est qu’une contempla-tion humaniste. 97

§ 34 Vertu de tolérance. 98§ 35 Que signifie la majuscule du Bien ? Un nouvel humanisme

peut-il concilier vérité morale, vérité métaphysique et liberté ? Comment ? 101

§ 36 Vertu de liberté. 104§ 37 De quels renouvellements la sagesse a-t-elle besoin ? 105

troisièmes méditations : former le jUgement et acqUérir la prUdence.

sUr la gUerre. sUr la religion HUmaniste

§ 38 Ce dont il s’agit dans ces troisièmes méditations. 109

Conseils pour bien juger§ 39 Quelques conseils et notions pour tirer profit des exercices qui

suivent. 110

Exercices de jugement : sur le pacifisme rationnel§ 40 Les Décideurs ont une mission de paix. Exercices de jugement.

Définir avec précision un pacifisme authentique, c’est-à-dire non utopique. 114

§ 41 Généralités, questions et obligations relatives à la guerre et à la paix. 116

§ 42 Les Décideurs méditeront sur les évolutions dans les affaires militaires. 120

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§ 43 Les Gardiens méditeront sur une des « contrariétés de la guerre ». 121

§ 44 L’Homme peut-il vivre sans faire la guerre ? 125§ 45 Quelle culture, dans ces conditions, peut remplir la fonction

de pacification universelle ? 125§ 46 Dans quelle mesure la culture postmoderne est-elle pourtant

un facteur de paix ? 127§ 47 De la transformation de la guerre à celle du politique. Médita-

tion sur le politique dans l’âge hypertechnique et globalisé. 129§ 48 Ce pouvoir  postmoderne humilié connaît paradoxalement

une évolution despotique. 132§ 49 Quelles conclusions pratiques les Décideurs pourraient-ils tirer

des méditations précédentes ? En quoi consiste une politique de paix ? 133

§ 50 Le régime mixte est celui qui préserve le mieux la paix. Aussi est-ce l’idéal des Gardiens. 134

§ 51 Les Décideurs-Gardiens  sont au service de la démocratie mixte. 135

§ 52 Notion d’idéalisme pragmatique. Les Gardiens laisseront se former en eux, dans la méditation, un idéal politique pragma-tique. 138

§ 53 Première notion du régime mixte international. Nationalisme et globalisme. Particulier/universel. 139

§ 54 Les conditions culturelles de la paix. Politique et mystique. 141§ 55 Entre le culte de l’Un et le respect de la pluralité. 143§ 56 Respecter les libertés publiques, la famille et la propriété. 144§ 57 La « contrariété » de la paix culturelle, ou l’Absolu dans la Cité. 147§ 58 « Société ouverte inhumaine » et « société ouverte humaine ». 149§ 59 Pourquoi, fondamentalement, surgit la contrariété de la paix

culturelle. Comment nous ne nous en sortirons pas sans la philia. 153

§ 60 La postmodernité : entre humanisme et polythéisme. 156§ 61 Conclusion ? Ne jamais trop simplifier un problème pour

accélérer sa résolution. 160

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Ouverture : humanisme et religion humaniste§ 62 Vers une solution de « la contrariété de l’Absolu dans la Cité ». 163§ 63 La religion humaniste et la solution de la « contrariété » de

l’Absolu dans la cité. 165§ 64 Quel rapport entre la religion humaniste et la liberté poli-

tique ? 167§ 65 Inspiration trinitaire et société ouverte humaine. 169§ 66 Peut-il y avoir une société ouverte humaine sans la religion

humaniste ? 172§ 67 La religion humaniste pourrait-elle ne pas se corrompre par

son succès ? 175§ 68 La philosophie des Décideurs, les mathématiques et la singula-

rité du Christ. 177§ 69 L’intérêt pour le Christ et la révolution non euclidienne en

philosophie. 181

Notes 187Index analytique des noms et des matières 211

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Achevé d’imprimer en France, en janvier 2018,

par la SEPECDépôt légal : février 2018

N° d’édition : 18016

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