habiter le temps alain bancquart - … · ii de brian ferneyhough et ritorno degli snovidenia de...

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CONSERVATOIRE NA TIONAL SUPÉRIEUR DE MUSIQUE ET DE DANSE DE PARIS PROGRAMME 2014-15 ORCHESTRE DU CONSERVATOIRE PIERRE STRAUCH, DIRECTION ET VIOLONCELLE DELPHINE ARMAND, PIANO YUN-HO CHEN, PIANO JEUDI 6 NOVEMBRE 2014 19 H ESPACE MAURICE FLEURET HA B I T E R LE T E M P S A L A I N BA N C Q U ART

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CONSERVATOIRE NATIONAL SUPÉRIEURDE MUSIQUE ETDE DANSE DE PARISPROgrammE 2014-15

OrcheStre du cOnServatOIrePIERRE STRAUch, direcTioN eT violoNcelle

DELPhINE ARmAND, PiaNoYUN-hO chEN, PiaNo

jeUdi 6 novembre 2014 19 h ESPAcE mAURIcE FLEURET

hAbitEr le TempS AlaIN bAncqUart

hAbiTer LE TEmPS AlAiN bANcQUART

jeUdi 6 NOvEmbRE 2014COnservaTOIRE DE PArISEspace mAURIcE-FLEURET

Alain bancquart fête en 2014 ses 80 ans. c’est l’occasion de se pencher sur l’œuvre d’un compositeur exigeant, nourri par la découverte des univers micro-tempérés tout autant que par une connivence particulière avec la poésie. ce concert clôture une journée de colloque accueilli par le centre de documentation de la musique contemporaine, qu’il a contribué à fonder en tant qu’inspecteur de la musique.

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Notes de programme réalisées par Silvia alvarez baamonde,élève de la classe des métiers de la culture musicale

Département des disciplines instrumentales classiques et contemporaines

DisTrIbUTION pierre Strauchdirection et violoncelle

OrcheStre du cOnServatOIre

delphine armand piano

Yun-ho chen piano

vIOlOnS

Joseph métralKaren Lescopclémentine bousquetAnne bellahector burganAlexandre PascalYi-Ju chenGrégoire GirardAya KonoAlan bourremagdalena SypniewskiThomas Lefortboris blancocamille Fonteneauvashka DelnavaziKana EgashiraKitbi LeeAnastasia Karizna

altOS

Tanguy ParisotGabrielle LafaitElsa SegerRaphaël Pagnonchloé Thominetclémence Dupuy-Kovacshazymarie WaletJulie Le Gaccorentin ApparaillyRaphaël Jardin

vIOlOncelleS

Simon DechambreSamy RachidJohanna FurrerDana De vriesJordan costardhsing-han TsaiThibaut ReznicekJérémy GarbargGauthier broutin

cOntrebaSSeS

chloé PatéRenaud baryAnne-Elisabeth DecologneFrançois GavelleAntonio TorresThomas StantinatJeanne bonnetTom Laffolay

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ProgrammE alaIn bancquart Le livre de Pierre, pour violoncelle seul30'

alaIn bancquart Polyphonie étrange, pour 2 pianos 20'

alaIn bancquart 7ème symphonie, lecture des ténèbres 25'

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PolyPhONIE DE SoliTudES

Explorateur des espaces sonores, Alain bancquart a consacré son travail compositionnel à l’étude des micro-intervalles, une quête inspirée par la philoso-phie du continuum sonore d’Ivan Wyschnegradsky : « Le tempéra-ment musical éclate en une mul-tiplicité de continuums nouveaux. La conscience devient cosmique 1 ». Face à cet univers de possibilités infinies, Alain bancquart aban-donne le demi-ton pour découvrir des nouvelles segmentations du continuum : le quart, le huitième et le seizième de ton deviennent des intervalles privilégiés et incarnent l’émancipation vis-à-vis de la tradi-tion tonale : « Les micro-intervalles restaurent la possibilité d’une ligne mélodique libre de redondance et de connotation 2 ».

ce monde infra-chromatique impose une nouvelle cohérence à l’espace-temps qui se traduit dans l’abolition de la pulsation régulière et de la notion même de tempo. Instabilité, perte… la musique d’Alain bancquart pro-pose l’immersion dans un temps du devenir, proche de la récitation

poétique. La manipulation de cet infini espace-temps exige une organisation rigoureuse. La pensée sérielle est réactualisée pour inté-grer l’univers micro- intervallique. Le compositeur crée des séries de 11 ou 13 sons qui constituent le matériau initial, sujet à de multiples transformations. Le concept de champ de durées définit l’application de la notion de série à l’univers temporel.

L’aventure du matériau déter-mine, à travers ses métamor-phoses multiples, l’évolution formelle de l’œuvre. Toute idée de structure a priori est rejetée. mais, en dehors du devenir formel, le compositeur s’interroge sur la polysémie : « La musique est le seul art qui peut véritablement exprimer plusieurs idées à la fois ». Les potentialités polysémiques de la musique donnent lieu à une nou-velle polyphonie qui abandonne la superposition de lignes mélo-diques pour aboutir à la superpo-sition de formes indépendantes, créant « une réunion, à l’intérieur de la perception de l’auditeur, d’un nombre x de solitudes 3 ».

1 Franck Jedrzejewski, « Postface » in Ivan Wyschnegradsky, La loi de la pansonorité, Genève. Éditions contrechamps, 1996, p.288

2 alain bancquart, Interview avec Alain Bancquart, par Silvia Alvarez, octobre 2014

3 alain bancquart, Musique : habiter le temps, Lyon, Éditions Symétrie, 2002, p. 91

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LIvre de PIerre

créé en 2013 par le violoncelliste Pierre Strauch, dédicataire de l’œuvre, Livre de Pierre est un hommage à cet instrument, si proche de la voix humaine. L’idée de livre parcourt la mu-sique d’Alain bancquart (Livre du Labyrinthe, 1997-1999 ; Livre du Soir, 2014) et révèle sa relation intime avec la littérature.

L’œuvre, composée en quarts de ton, comporte quatre mou-vements. Prélude est « une lente respiration », une mélodie infinie, immuable, prisonnière de l’ins-tant. L’ambitus est extrêmement restreint ; le silence, absent. Dans l’extrême dilatation du temps, le va-et-vient de l’archet dessine des nuances infimes. « Un soir, au bord de la Seine, j’ai aperçu un oiseau et une lune ensemble ». Dans danse de l’oiseau-lune, le poème d’Alain bancquart annonce l’extinction du chant, fragmenté par la multiplicité de modes de jeu, transfiguré par la variété de timbres et de registre, réduit à une seule note aux couleurs multiples, répétée à l’infini. La forme trace un parfait arc de cercle : envol, extase de la danse, éclipse et mort. Pièce en trio, hommage implicite au deuxième mouvement du Livre d’orgue d’Olivier messiaen, explore la véritable polyphonie à travers la superposition de trois formes musi-cales distinctes : un chant lointain dans le grave ; une ligne d’harmo-niques en ff, caractérisée par des impulsions fébriles dans le suraigu ; des ponctuations furtives dans le registre medium sul ponticello.

cette confrontation d’univers hos-tiles provoque une confusion de registres, qui conduit inévitable-ment à l’étouffement du chant.

L’œuvre conclut avec la renais-sance du chant. Grande mélodie voit resurgir cette voix sombre, épuisée lors du mouvement pré-cédent. Nous distinguons encore des vestiges de lutte, mais ne rencontrons aucune opposition : la mélodie se réfracte en prismes mul-tiples, elle conquiert des nouveaux registres, subit une accélération imperceptible et implacable. Un instant de stupeur intervient à la moitié de l’œuvre : la transmutation soudaine du timbre sul tasto et sul ponticello, l’apparition du grain. mais rien ne perturbera l’ascension inexorable du chant.

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PoLyPhonIeétrAnGe

« La cacophonie instaurée deviendra une polyphonie étrange et la polyphonie un silence noir. » antonin artaud

Accident ou hasard ? L’œuvre Polyphonie étrange, commencée en 2005, est née d’une erreur de manipulation. Initialement conçue pour électronique, cette œuvre est le fruit d’une période de questionnement face aux limites de la virtuosité instrumentale. L’électronique permettait des formes de polyphonie complexes et l’exploration du seizième de ton. Puis, un simple accident de mani-pulation déclencha l’exécution par l’ordinateur de l’œuvre en demi-tons. « J’entendais ma musique en demi-tons pour la première fois depuis quarante ans » raconte le compositeur. curieusement, malgré ce changement fortuit d’échelle, le langage conservait sa pertinence et permettait de renouer avec l’uni-vers instrumental.

Ainsi naquit Polyphonie étrange, recueil de cinq pièces pour deux pianos. D’une grande virtuosité, il explore les divers timbres et registres du piano, du suraigu à l’extrême grave. La superposi-tion de temporalités distinctes confronte des gestes rapides d’une grande violence, à des tenues harmoniques d’une extrême len-teur. Les pièces se succèdent dans une alternance de caractères qui oppose énergie et hésitation, fébri-lité et mysticisme.

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Lecture de ténèBreS

« ce soir j’ai fortement pensé à la mort. »

Inspirée par le vers de marie-claire bancquart, Lecture de ténèbres, sorte de de Profundis athée, est le premier volet de Livre du Soir. ce cycle musical, profondément pessi-miste, réunit quatre pièces aux ef-fectifs instrumentaux hétérogènes : Lecture de ténèbres, symphonie pour orchestre à cordes ; un adieu, pour flûte et orchestre de flûtes, La mort viendra et elle aura tes yeux, concerto pour violon et orchestre de flûtes ; et violente vie, concerto pour violoncelle et orchestre de flûtes. Lecture de ténèbres est une référence aux Leçons de ténèbres, genre musical liturgique qui accompagnait l’office des Ténèbres à l’époque baroque, cultivé entre autres par marc-Antoine charpentier et François couperin.

L’œuvre met en jeu une explora-tion de l’espace acoustique, avec l’utilisation d’un double orchestre disposé en miroir, les pupitres de contrebasse au fond de la scène et le quintette soliste se situant au fond de la salle. L’écriture de masse souligne l’opposition des différentes forces orchestrales. Alain bancquart exploite ici les couleurs multiples inhérentes à l’orchestre à cordes. L’homogénéité sonore de cet ensemble convient au langage en quarts de ton : « L’harmonie en mi-cro-intervalles fabrique ses propres timbres, (…) un mélange hétéroclite de sons instrumentaux tendrait à neutraliser ces timbres harmoniques premiers ». Le quintette est un écho de l’au-delà, simple commentateur du devenir musical de l’orchestre. Il introduit des nouveaux timbres, avec l’utilisation de la sourdine en plomb

et l’emploi du grain, incarné par le trille et le tremolo. Ainsi, la division soliste-orchestre enrichit la palette sonore et échappe à l’opposition concertante fondée sur la virtuosité.

cette septième symphonie comporte un seul mouvement. L’alternance des masses sonores segmente l’œuvre en dix sections contrastantes suivies d’une coda. La profondeur du timbre des contre-basses dans le grave révèle les ténèbres. Un temps en constriction permanente accompagne l’ascen-sion dans le registre, avec l’incorpo-ration des violoncelles et des altos. L’intervention du quintette soliste provoque une fragmentation du discours vers une écoute événe-mentielle. Des instants de verticalité et d’horizontalité se succèdent, mais la pensée polyphonique persiste. Le tutti, lui, n’arrivera qu’au deuxième tiers de l’œuvre, soulignant le climax émotionnel de l’œuvre.

Un long dialogue entre les deux pupitres de violoncelle annonce le retour furtif du grave, l’empri-sonnement dans les ténèbres. Une nouvelle ascension de registre mène vers une section contrastante en pizzicati, d’un grand intérêt rythmique. Le discours musical se décompose à nouveau en unités in-fimes. L’alto soliste se révolte dans une dernière tentative de retrouver sa puissance, mais il est englouti par le silence. Une longue coda à la nuance triple fortissimo réintègre l’écriture chorale du début, dans un registre aigu éloigné du timbre caverneux des contrebasses. Un rayon de lumière semble se dessi-ner à l’horizon. Y-aurait-t-il encore de l’espoir ? mais la voix du com-positeur se lève : « On n’échappe jamais aux ténèbres ».

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Pierre STRAUch DirectION

Né en 1958, Pierre Strauch étudie le violoncelle auprès de Jean Deplace, remporte le concours Rostropovitch de La Rochelle en 1977 et entre à l'Ensemble inter-contemporain l’année suivante. Il crée, interprète et enregistre de nombreuses œuvres du XXe siècle de compositeurs tels que Iannis Xenakis, Luciano berio, bernd Alois Zimmermann ou Olivier messiaen. Il crée à Paris Time and motion Study II de brian Ferneyhough et Ritorno degli Snovidenia de Luciano berio. Présenter, analyser, transmettre sont les moteurs de son activité de pédagogue et de chef d’orchestre. Son intense activité de compositeur l’amène à écrire des pièces solistes, pour ensembles de chambre (la Folie de Jocelin, Preludio imagina-rio, Faute d’un royaume pour violon solo et sept instruments, Deux Portraits pour cinq altos, Trois Odes Funèbres pour cinq instruments, Quatre miniatures pour violon-celle et piano 2003), ainsi que des œuvres vocales (Impromptu acros-tiche pour mezzo et trois instru-ments, la beauté (Excès) pour trois vois féminines et huit instruments). L’Ensemble intercontemporain lui commande une pièce pour quinze instruments, La Escalera del dragón (In memoriam Julio cortázar) dont la création a été assurée en 2004 par Jonathan Nott. Avec les com-positeurs Diogène Rivas et Antonio Pileggi, il est le cofondateur du Festival A Tempo de caracas.

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AlAiN bANcQUARTComPoSITEUR

Né en 1934 à Dieppe, il effectue ses études au conservatoire national supérieur de musique de Paris (violon, alto, musique de chambre, contrepoint, fugue et composition), puis occupe le poste de troisième alto solo à l'Orchestre National de France, de 1961 à 1973. Il devient Directeur musical des Orchestres de Régions de l'ORTF (1973-1974), puis Directeur musical de l'Orchestre National de France (1975-1976). En 1977, il est nommé Inspecteur de la musique au ministère de la culture. Il occupe cette fonction de 1977 à 1984, et est parallèlement produc-teur à Radio France des «pers-pectives du XXe siècle». En 1984, marc bleuse l'appelle pour refondre le cursus de composition du conservatoire National Supérieur de musique de Paris et pour ouvrir une classe de composition.

En 1995, il décide de prendre sa liberté vis-à-vis des institutions.. Pendant toute sa carrière, Alain bancquart n'a cessé de composer. Depuis 1967, il consacre l'ensemble de son travail à l'étude des micro-intervalles, utilisant essentiellement les quarts de ton et, récemment, les seizièmes de ton. Son oeuvre comprend notamment six quatuors à cordes, de nombreuses oeuvres vocales, deux concertos pour violon et une partition concertante pour violoncelle et ensemble, sept symphonies pour grand orchestre, un grand nombre de pièces pour flûte, seule ou avec ensemble, deux opéras de chambre, etc...

Alain bancquart s'est vu décer-ner le Grand Prix de la SAcEm et le Grand Prix National de musique.

CONSERVATOIRE NATIONAL SUPÉRIEURDE MUSIQUE ETDE DANSE DE PARISbruno mantovani, directeur Rémy Pflimlin, président

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à L'AgeNda DU COnservaTOIRE

COnceRT DIplômE D'ArTISTE INterpRèTE #mUSIQUE_DE_chAmbRE vendredi 14 novembre à 19 h espace maurice-Fleuretconservatoire de ParisEntrée libre sur ré[email protected]

CArtE blANchE AUX jeunES SOliStES #mUSIQUE_DE_chAmbRE

samedi 22 novembre à 15 h et 20 h dimanche 23 novembre à 15 h et 18 h lundi 24 novembre à 20 h amphithéâtre, cité de la musique Entrée libre sur réservation01 44 84 44 84

COncert AvEc jImmy cObb #JAZZ

vendredi 7 novembre à 19 h espace maurice-Fleuretconservatoire de Paris