Inaugurée en 1978, l’église de Créteil est devenue cathédrale dudiocèse en 1987. L’architecte Charles-Gustave Stoskopf avait des-siné cet édifice au plan en forme de poisson, équipement discretau milieu d’un quartier de barres et de tours. Cet effacement neconvenait plus au diocèse, qui voulait renforcer la place du cultueldans la cité. En 2009, il a décidé la restructuration du bâtiment,devenu par ailleurs trop exigu pour accueillir les fidèles.Architecture Studio a été chargée du projet de rénovation, dont lamise en chantier a débuté en 2013. Une nef évoquant deux mainsjointes dans la prière devrait être inaugurée en 2015. Durant lesdix-huit mois de travaux, les offices se tiendront dans un bâtimentprovisoire construit sur des terrains prêtés par la municipalité: unearchitecture de blob modélisée sur le logiciel Rhino et son algo-rithme graphique Grasshopper, puis calculée grâce à des systèmesde logiciels paramétriques expérimentaux* développés par lelaboratoire Navier, unité de recherche de l’École des ponts asso-ciée pour l’occasion au bureau d’études T/E/S/S.

UN GRIDSHELLLe laboratoire Navier s’est spécialisé dans le calcul non linéaire desstructures en grands déplacements, construisant dans l’École desponts des petits ouvrages qui font appel à des ossatures tubulai-

res et de la toile PVC précontrainte. Utilisant le principe du grid-shell (une grille structurelle fonctionnant comme une coque), lacathédrale provisoire de Créteil est la version plus poussée du pro-jet d’une structure temporaire construite pour l’association Solidaysen 2011. Contrairement à ce pavillon, l’église doit pouvoir être fer-mée et chauffée: l’installation de deux portes, entraînant des inter-ruptions de structure, augmente la complexité du projet.Malgré son allure de bulle, le bâtiment suit des intentions architec-turales précises, en relation avec le programme. « Nous voulionséviter d’avoir un édifice en demi-sphère, forme jugée peu intéres-sante, explique Tom Gray, architecte du projet chez T/E/S/S. L’égliseest la réunion de deux blobs de tailles différentes: le plus petit équi-vaut au narthex et le plus grand au chœur, suivant la liturgie déter-minée lors du concile de Vatican II. » Plutôt que d’être connectéspar deux congés, ces deux volumes sont réunis par deux arcs, l’unconcave du côté de l’entrée afin de former une sorte de place, l’au-tre convexe, dessinant une abside moderne à ce lieu de culte.

DE LA FIBRE DE VERRE ET DU MÉTALMaîtriser la forme du blob était la tâche la plus complexe. Il fallaitretrouver sur le chantier le dessin informatique originel, expliqueLionel du Peloux, jeune ingénieur du laboratoire Navier en

GUIDE > INNOVATION

LE DESIGN PARAMÉTRIQUEAU SERVICE DE LA FOIpar Olivier Namias

Pendant la reconstruction de leur cathédrale, les fidèles du diocèse de Créteil continueront à suivre la

messe sous une toile légère soutenue par des tiges de fibre de verre et de métal, un ouvrage expérimen-

tal développé par le laboratoire Navier (École des ponts) en association avec le bureau d’études T/E/S/S.

^ La cathédrale éphémère pendant un office religieux.

V Mise en place de la couverture.Découpe, soudure et montage de la toileont été effectués par l’entreprise EsmeryCaron à partir d’un fichier 3D donné par le bureau d'études T/E/S/S, également en charge de l’étude architecturale.

^ En haut : schéma de principe de composition du lieu de culte.Narthex et assemblée sont répartischacun dans un cercle.Ci-dessus : vue en plan montrant le gridshell à terre, le sol béton de l’église et le plan de grutage.

< Axonométrie éclatée.

…

124 D’ARCHITECTURES 221 - OCTOBRE 13

© Camille Moissinac

©Yv

esM

erni

er

charge du développement du projet. Afin de répondre auxcontraintes de coût, toute la structure devait être montée par uneéquipe de soixante-dix volontaires, les entreprises spécialiséesn’intervenant que pour le montage de la toile et les travaux defondations, consistant en la mise en place d’une semelle filantesuivant la ligne d’implantation de la toile et d’un radier de béton.La structure est constituée de tubes composites, mélange de fibrede verre et de résine polyester. Résistants et légers, ils sont utilisésdans une multitude de domaines : industrie, transport, isolationélectrique, etc. Livrés sur le chantier par tubes de 12 mètres, ils ontété découpés en 190 dimensions uniques par des ouvriers bénévo-les.Ces segments tubulaires ont été ensuite assemblés pour formerde longues tiges dont le fonctionnement peut être comparé à celuides arceaux des tentes igloos. La connexion entre les multiplestronçons d’un arceau s’effectue par le biais de deux manchons enacier sertis sur les tubes composites. Ils sont ensuite reliés entre euxpar une tige filetée: « ce nouveau type de connecteur assure uneréelle continuité visuelle sur toute la longueur de l’arceau, que l’onpeut lire comme une pièce unique, ce qui n’était pas le cas sur leprojet Solidays », explique Lionel du Peloux.

GRUES ET GRILLEMontée à plat sur le site, la grille prend sa forme ovoïde unefois dressée, son soulèvement étant effectué par deux grues.Les tiges se courbent sous l’effet de leur propre poids : elles

sont fixées à leurs deux extrémités sur des étriers vissés dansla longrine béton. L’insertion d’une noix – connecteur d’écha-faudage pouvant prendre une rotation – sur les 1200 inter-sections de la grille apporte la déformation nécessaire à lamise en place de la structure. Cette opération est suivie del’installation tous les mètres de tiges parallèles au sol, assu-rant le contreventement de la structure. Le montage de celle-ci nécessite trois jours de travail à soixante-dix volontaires, lamise en place de la toile s’effectuant en moins d’une matinée.L’arrimage de la toile a fait l’objet d’un détail soigné (voir des-sin du hauit en page de droite).Toute l’église peut quasiment être démontée avec une clé de22, plaisante Lionel du Peloux, tout en précisant qu’il ne s’agitpas à proprement parler d’un édifice mobile. Le radier de bétonn’est pas transportable, et si l’on peut envisager de récupérerles éléments structurels, leur dimensionnement correspond à unprojet spécifique. L’intérêt de l’église provisoire de Créteil est deconfronter l’expérimentation au réel et de mettre des techni-ques innovantes au service des usagers. n

* Plug-ins de Grasshopper Gridshells et Marsupilami.

126 D’ARCHITECTURES 221 - OCTOBRE 13

GUIDE > INNOVATION

^ Ce n’est qu’une fois soulevé par les gruesque le gridshell a pris sa forme, sous l’effet de son propre poids.

> La grille avait été montée à plat sur le chantier.Des capuchons préviennent le déchirement de la toile par les boulons. Des pièces de bâchetransparente soudées à la toile PVC laissentpasser la lumière du jour.

^ En haut : l’accroche de la structure au sol est pensée dans le détail : la bavette qui assure l’étanchéité au niveau du sol a été placée à l’arrière des câbles élastiquesarrimant la bâche à une rive métallique ancrée dans les fondations. Habituellement,la bavette vient en premier plan, masquant la fixation.Ci-dessus, photographie et vue axonométrique d’une noix, pièce de connexion entre les montants du gridshell.

…[ MAÎTRE D’OUVRAGE : ASSOCIATION DIOCÉSAINE DE

CRÉTEIL – MAÎTRES D’ŒUVRE : T/E/S/S – EXPERTISE

STRUCTURE ET MATÉRIAUX : ÉQUIPE MSA DU LABORATOIRE

NAVIER DE L’ENPC – DIRECTION DE CHANTIER : VIRY –

BET : LOUIS CHOULET – GROS ŒUVRE : BATEM –

MÉTALLERIE : ELOI MÉTAL – TOILE : ESMERY CARON –

MATÉRIAUX COMPOSITES : SOLUTIONS COMPOSITES –

CONNEXIONS : AXMANN – ÉLECTRICITÉ ET ÉCLAIRAGE:

VASSON – CAPACITÉ : 360 PLACES ASSISES – SURFACE AU

SOL : 360 M2 – VOLUME COUVERT : 160 M3 –

SURFACE TOILE : 550 M2 – HAUTEUR MAXIMALE :

7,50 M – POIDS DE LA STRUCTURE : 6 KG/M2 – COÛT :

400 000 € HORS HONORAIRE D’ARCHITECTES – GROS

ŒUVRE : 68000€ (TERRASSEMENT + BÉTON + VRD) –

STRUCTURE : 25 000 € (RÉSILLE) + 15 000 € (ANCRA-

GES + RIVE DE TOILE) + 20 000 € (PORTES) – TOILE :

40 000 € + 5 000 € (RIVE DE TOILE) ]

©Ph

otos

T/E/

S/S

-Lio

neld

uPe

loux

©T/

E/S/

S-L

ione

ldu

Pelo

ux