guerres_xxème siècle

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1 Séquence 4 – HG11 Séquence 4 La guerre au XX e siècle Sommaire 1. La Première guerre mondiale : la « Grande Guerre » (1914-1918) A Les causes profondes de la Première guerre mondiale B La Première guerre mondiale : une « guerre totale » C Les deux dernières années de la guerre 2. La Seconde guerre mondiale : une barbarie sans précédent A Les origines de la guerre et les victoires de l’Axe (1936-1942) B La 2 e phase du conflit : la victoire des Alliés (fin 1942-septembre 1945) C La France dans la guerre 3. Les nouvelles formes de conflictualités (1947 à nos jours) A La Guerre froide (1947–1989) B De nouveaux espaces de conflictualités C Le nouveau « désordre mondial » (de 1989 à nos jours) © Cned – Académie en ligne

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Page 1: Guerres_XXème siècle

1Séquence 4 – HG11

Séquence 4

La guerre au XXe siècle

Sommaire

1. La Première guerre mondiale : la « Grande Guerre » (1914-1918) A LescausesprofondesdelaPremièreguerremondiale

B LaPremièreguerremondiale:une«guerretotale»

C Lesdeuxdernièresannéesdelaguerre

2. La Seconde guerre mondiale : une barbarie sans précédent A Lesoriginesdelaguerreetlesvictoiresdel’Axe(1936-1942)

B La2ephaseduconflit:lavictoiredesAlliés(fin1942-septembre1945)

C LaFrancedanslaguerre

3. Les nouvelles formes de conflictualités (1947 à nos jours) A LaGuerrefroide(1947–1989)

B Denouveauxespacesdeconflictualités

C Lenouveau«désordremondial»(de1989ànosjours)

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Page 2: Guerres_XXème siècle

2 Séquence 4 – HG11

La guerre au XXe siècle

La guerre fut de tout temps une réalité des sociétés humaines. Dans la Grèce antique, il n’existait pas de mot pour désigner la paix au

sens où nous l’entendons, mais seulement le terme de « trèves » (spon-daï). Ceci pour dire que la guerre était donc conçue comme fasant partie de l’état naturel des choses.

Notre conception de la guerre a notablement changé avec le temps et en particulier avec le XXe siècle. Ce siècle a en effet été, le siècle des extrêmes, c’est-à-dire celui des deux guerres mondiales et celui des totalitarismes.

La première guerre mondiale (1914-1918) et laSeconde Guerre mondiale (1939-1945) sont lespires conflits de toute l’histoire de l’humanité. Par l’ampleur des destructions humaines et matérielles

– 10 millions de morts pour le premier conflit, 50 millions de vic-times pour le second, l’Europe et l’Asie totalement ou partiellement détruites – par la nature de la violence qu’elles engendrèrent – en particulier les génocides arméniens, juif et tzigane – ces deux guerres n’ont aucun équivalent.

Lesdeuxguerresmondialesontégalementdonnénaissanceàl’espoird’unnouvelordremondialfondésurlapaix et la résolution à l’amiable des conflits ventre nations. C’est cet espoir qui est à la base de la créa-tion de la S.D.N. (Société des Nations) puis de l’O.N.U. (Organisation des Nations Unies). Mais cet espoir fut rapidement déçu, par la montée des totalitarismes de l’entre-deux-guerres puis par la Guerre froide (1947-1989) qui opposa les États-Unis et l’URSS. La chute du communisme et de l’URSS en Europe centrale et orientale, loin d’annoncer le triomphe généralisé de la démocratie et de la paix, a contribué à engendrer un monde plus instable, aux menaces plus diffuses dont le terrorisme inter-national est la manifestation la plus claire.

Quelle est la nature spécifique des deuxconflits mondiaux? En quoi le Mondecontemporain dans lequel nous vivonsest-ilparticulièrementinstable?C’estceàquoinousallonsessayerderépoondre.

Problématique

1. Les définitions des mots de vocabulaires, également figu-rés en bleu, sont regroupées dans le glossaire en fin de cours.

N.B.

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Page 3: Guerres_XXème siècle

3Séquence 4 – HG11

Plan:traitementdelaproblématique

Notionsclés Repères

1. �La�Première�Guerre�mondiale�:�la�«�Grande�Guerre�»�(1914-1918)

A.��Les�causes�profondes�de�la�Première�Guerre�mondiale

B.��La�Première�Guerre�mondiale�:�une�«�guerre�totale�»

C.��Les�deux�dernières�années�de�la�guerre

Guerre totaleNationalismeGénocideDroit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Carte des opérations militaires en Europe (1914)Méthodologie : mettre en rela-tion deux textesLecture d’un document icono-graphique : l’attentat de Sara-jevo, gravure du Petit Journal

2.��La�Seconde�Guerre�mondiale�:�une�barbarie�sans�précédent

A.��Les�origines�de�la�guerre�et�les�victoires�de�l’Axe�(1936-1942)

B.��La�2e�phase�du�conflit�:�la�victoire�des�Alliés�(fin�1942-septembre�1945)

C.��La�France�dans�la�guerre�(1939-1945)

PacifismeAxeAlliésCrimes de guerreCrimes contre l’HumanitéGénocideShoahOccupationCollaborationRésistance

Étude croisée de textes : sur la conférence de MunichAnalyse de texte : journal d’un soldat allemand à StalingradAnalyse d’un discours radio-diffusé : discours du maréchal Pétain, 20 juin 1940

3.��Les�nouvelles�formes�de�conflictualités�(1947�à�nos�jours)

A.��La�Guerre�froide�(1947-1989)

B.��De�nouveaux�espaces�de�conflictualités

C.��Le�nouveau�«�désordre�mondial�»�(de�1989�à�nos�jours)

Guerre froideTotalitarismeDémocratie populaireCourse aux armementsTerrorismeIslamismeIntégrisme

Étude de cartes : Berlin et les deux AllemagneÉtude de texte : discours inaugural du président Reagan : « America is back »

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Page 4: Guerres_XXème siècle

4 Séquence 4 – HG11

1 La Première Guerre mon-diale : la « Grande Guerre »

Les causes profondes de la Première Guerre mondiale

1. L’Europe et le Monde en 1914

En 1914, l’Europe domine encore le monde. Les États-Unis sont déjà devenus la première puissance économique mondiale depuis le début du XXe siècle, l’emprise européenne sur le monde est cependant encore très large : puissance économique, capacité d’innovation (avion, électri-cité, cinématographe, etc.) et empires coloniaux (voir la séquence sur La colonisation et la décolonisation). La puissance allemande, quant à elle en plein progrès en ce début de XXe s., ne laisse d’inquiéter les autres puissances européennes et en particulier le Royaume-Uni.

La guerre qui s’annonce va être la plus terrible qu’a connue l’Europe jusqu’alors. Jamais autant d’hommes n’avaient combattu, jamais les destructions humaines et matérielles furent si importantes. La guerre de 1914, est la première guerre mondiale (Europe, Amérique, Asie, Afrique…) même si c’est en Europe que se déroulèrent les principaux combats. C’est aussi la première guerre totale. Pour la première fois, l’ensemble des belligérants entreprennent de mobiliser toutes leurs res-sources en vue d’un but unique, gagner…

Cetteguerreconstituadoncuntraumatismemajeurpour lespaysquiyparticipèrentetadurablementmarquétoutel’histoireduXXesiècle.

2. Deux systèmes d’alliance opposés

En 1914, l’Europe est divisée entre deux systèmes d’alliance violemment antagonistes : la Tripleallianceoutriplice et la Tripleentente.

La Triple alliance a été constituée dès 1882 à l’instigation de Bismarck, elle implique une alliance purement défensive. Y participent, l’Alle-magne, l’Autriche-Hongrie, l’Italie.

La France, durablement isolée après la défaite de 1870 (cf. séquence 5 sur la France et la République), sort enfin de son isolement lorsque le système bismarckien (renvoi de Bismarck en 1890) s’écroule progres-sivement en raison de la politique aventureuse de Guillaume II, devenu empereur en 1888 (Weltpolitik). Dès 1892, laFranceparvientàconclure

A

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Page 5: Guerres_XXème siècle

5Séquence 4 – HG11

une alliance défensive avec la Russie, alliance pour le moins contre nature pour la République puisque l’empire des tsars apparaît comme le régime le plus tyrannique d’Europe. Puis en 1903-1904, sous l’égide de Théophile Delcassé, elle se rapproche de l’Angleterre et signe l’Entente cordiale (1904). Enfin, lorsque la Grande-Bretagne accepte de s’allier à la Russie, c’est la constitution de la TripleEntenteégalementappeléeEntente(1908).

À cela s’ajoute les alliés propres de chacun de ces pays. Ainsi, la Russie a pour alliée la Serbie, l’Allemagne est proche de la Bulgarie et de la Tur-quie (ou plutôt l’Empire ottoman) ; Mais ces pays ne font pas partie de la Triplice ou de l’Entente.

3. L’opposition des nationalismes : pourquoi ?

Devenu la première puissance militaire (après sa victoire contre la France en 1870-1871) et économique en Europe (vers 1900), l’Allemagne inquiète. C’est en particulier la montée de la puissance allemande et les prétentions de GuillaumeII*, qui poussent l’Angleterre à se rapprocher de la France.

Par ailleurs, il existe divers motifs d’opposition entre la France et l’Alle-magne dont la question d’Alsace-Lorraine, et celle duMaroc (1905 et 1911).

Il existe cependant d’autres zones de tensions, en particulier les Bal-kans, c’est d’ailleurs de là que viendra la guerre. La Russie s’y oppose à l’Empire ottoman, dans le but de conquérir les détroits (Bosphore et Dar-danelles) et surtout à l’Autriche-Hongrie. Elle soutientdoncleroyaumedeSerbiequi veut réaliser l’union de tous les Slaves du Sud (Yougos-laves), contre l’Autriche.

EE

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Page 6: Guerres_XXème siècle

6 Séquence 4 – HG11

Les opérations militaires en 1914

4. Le sentiment patriotique en France et en Allemagne

1 Quelles sont les raisons pour lesquelles les Français sont hostiles aux Allemands en 1914 ? En quoi se distinguent la mémoire nationale des Français et celle des Allemands ?

2 Quels sont les moyens utilisés pour transmettre cette mémoire aux populations ?

Document 1

AUTRICHE-HONGRIEFRANCE

ITALIESERBIE

BELG.

ROYAUME-UNIRUSSIE

ALLEMAGNE

GRÈCE

ALBANIE

MONTENEGROBULGARIE

ÉGYPTEbritannique

AFRIQUE DU NORDfrançaise

ROUMANIE

PORTUGAL

ESPAGNE

SUÈDE

DANEMARK

NORVÈGE

EMPIRE OTTOMAN

Paris

Londres

Belgrade

Sarajevo

Vienne

Berlin

Moscou

LaMarne

Tannenberg

O C É A NA T L A N T I Q U E

M E RN O I R E

M E RD U

N O R D

M E R M É D I T E R R A N É E

0 300 km

Empires centraux Triple Entente des Alliés

Empires centraux

Triple Entente des Alliés

des Empires centraux

des Alliés

Avance allemande extrême (sept. 1914)

Fronts à la fin de 1914

Grandes batailles

Territoires occupés Offensives Fronts

Nord

Questions

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Page 7: Guerres_XXème siècle

7Séquence 4 – HG11

3 Quels sont les éléments mis en avant par les Allemands pour expli-quer le caractère inéluctable de la guerre ?

4 Les arguments mis en avant par les Allemands sont-ils totalement dénués de fondements ? Justifiez votre réponse.

1 En se rappelant les principaux faits de leur histoire, de 1214 et la bataille de Bouvines (sept siècles auparavant !) qui a vu le roi Philippe Auguste remporter une grande victoire contre l’empereur d’Allemagne à la guerre de 1870-1871 où les Prussiens ont bombardé Paris, les Français sont censés comprendre que l’Allemand a toujours été un ennemi. Cette mémoire est d’autant plus surprenante que, comme le rappelle l’historien Marc Ferro, dans l’imaginaire français, l’ennemi héréditaire était l’Anglais. Les Allemands savent aussi que les Fran-çais les ont régulièrement envahis au cours de leur histoire. Mais, le regard qu’ils portent sur le passé récent est différent de celui des Français car la guerre de 1870-1871, c’est le souvenir d’une victoire, victoire qui est supposée annoncer de nouvelles victoires.

2 Toute une littérature, dont celle de Maurice Barrès, le grand écrivain catholique nationaliste, et de nombreux leaders politiques dont Paul Déroulède, appellent les Français à se souvenir de l’Alsace-Lorraine, à s’accoutumer à l’idée de la « Revanche » contre l’Allemagne. Néan-moins, le vecteur essentiel de transmission de cette mémoire fut l’école républicaine, celle de Jules Ferry.

3 Les manuels d’histoire allemands, tout comme les manuels français, apprennent aux enfants que la guerre est inéluctable. Du côté alle-mand, on explique que la France souhaite sa Revanche et poursuivra toujours l’Allemagne de sa haine mais, c’est surtout la jalousie de la Grande-Bretagne, effrayée de la réussite allemande, qui rend la guerre inévitable.

4 L’Allemagne et la politique aventureuse de Guillaume II portent la res-ponsabilité majeure du déclenchement de la guerre comme l’ont mon-tré les historiens allemands des années 1960. Il n’en demeure pas moins qu’il est exact que l’Entente cordiale s’explique par la volonté britannique de briser l’essor de la puissance allemande.

Danslesannéesquiontprécédélaguerre,lespopulationsetlesgouver-nementssesontpeuàpeuhabituésàl’idéequelaguerreétaitinévitable. Chaque pays, persuadé de son bon droit, est convaincu que son adver-saire prépare la guerre et qu’il va devoir entamer une lutte pour sa survie.

Réponses

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Page 8: Guerres_XXème siècle

8 Séquence 4 – HG11

5. Le déclic : l’attentat de Sarajevo (28 juin 1914)

Le28juin1914, l’étudiant serbe bosniaque Gabriel Princip assassine, à Sarajevo, l’archiduc François-Ferdinand, et sa femme, héritier du trône d’Autriche-Hongrie. Princip appartient à une organisation terroriste serbe, la main noire. Celle-ci a pour but de frapper par la terreur et des attentats les intérêts autrichiens.

Après quelques semaines d’hési-tation, l’Autriche saisit l’occasion pour déclarer la guerre à la Ser-bie, sachant fort bien les consé-quences que cela pourra entraîner.

C’est alors l’engrenage, l’Alle-magnedéclarelaguerre le 2 août à la Russie, le3aoûtàlaFrance, le 4 août enfin la Grande-Bretagne déclare la guerre à l’Allemagne et à ses alliés. L’Italie se déclare neutre.

Document 2

L’attentat de Sarajevo, Gravure du PetitJournal

Le Petit Journal est, à la veille de la 1re guerre mondiale, un des quatre grands quotidiens français, il tire à 1 million d’exemplaire. C’est un journal populaire.

© Mary Evans/Rue des Archives.

1 Quelle est la scène représentée ?

2 Comment l’artiste s’y est-il pris pour renforcer le caractère dramatique de l’événement ?

3 Quels sont les détails qui nous montrent que nous nous trouvons aux marges de l’Empire austro-hongrois ?

Questions

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Page 9: Guerres_XXème siècle

9Séquence 4 – HG11

1 La scène représente l’attentat perpétré contre l’archiduc François-Fer-dinand et sa femme à Sarajevo, le 28 juin 1914. On voit distinctement l’assassin, Gavrilo Princip, fendre le cordon de soldats et vider son revolver sur la voiture.

2 Afin de renforcer le caractère dramatique de la scène, l’artiste met en scène la mort de l’archiduchesse. Touchée en pleine poitrine, elle s’écroule sur son mari qui est visiblement déjà mort.

3 La gravure nous rappelle que la Bosnie avait été annexée récemment par l’Empire austro-hongrois (1908). La visite du prince héritier avait pour but de rappeler à la population que la Bosnie-Herzégovine faisait désormais partie intégrante de l’Empire. Les minarets que l’auteur de la gravure a pris soin de placer à l’arrière-plan nous rappellent cepen-dant que ce nouveau territoire reste encore à intégrer à l’empire aus-tro-hongrois chrétien.

La Première guerre mondiale : une guerre totale

1. mobilisation humaine et économique

Contrairement aux craintes d’une partie de la classe politique, en France aussi bien qu’en Allemagne et ailleurs, au moment de l’ordre de mobi-lisation générale, toute la population s’unit pour défendre la patrie en danger. Après un moment d’abattement, c’est la résolution qui l’em-porteetlaconvictionqueladéfensedelapatrieestundevoirsacré. Les socialistes dont le gouvernement avait craint qu’ils ne s’opposent à la guerre se rallient d’autant mieux à l’Unionsacréeque le seul grand lea-der pacifiste, JeanJaurès, est assassiné le 31 juillet 1914. La CGT (Confé-dération générale du Travail), premier syndicat français, fait de même par le biais de son secrétaire général, Léon Jouhaud.

Le ministre de l’intérieur, Louis Malvy, décide ne pas utiliser le fameux carnet B, visiblement inutile. Constitué par le ministère de l’Intérieur en toute illéga-lité, le Carnet B contenait une liste de personnalités syndicales ou politiques de gauche à arrêter en cas de troubles au moment de la mobilisation.

La mobilisation. Le départ pour Narbonne, 2 août 1914, extrait des Carnetsdeguerrede Louis Barthas

« L’annonce de la mobilisation générale, à ma grande stupeur, souleva plus d’enthousiasme que de désolation ; des gens inconscients sem-blaient fiers de vivre un temps où quelque chose de grand, de formidable allait se passer ; les moins emballés ne doutaient pas un instant d’une prompte et décisive victoire.

Réponses

B

Document 3

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Page 10: Guerres_XXème siècle

10 Séquence 4 – HG11

L’Autriche n’allait-elle pas de disloquer au premier choc qu’allaient lui porter les Russes ?

Et l’Allemagne n’allait-elle pas être broyée entre la France et la Russie comme une noisette entre les pinces d’un gigantesque étau ?

Et chacun de faire avec fièvre ses préparatifs de départ comme si vrai-ment on eût craint d’arriver après que la victoire fut chose faite ; pour un peu, certains seraient partis avant le jour fixé pour leur départ.

On vit des choses extraordinaires : des frères irréconciliables se réconci-lièrent, des belles-mères qui, avec leurs gendres ou belles-filles, la veille encore, se seraient giflées et arracher les cheveux, échangèrent le baiser de paix, des voisins qui ne voisinaient plus reprirent les plus amicales relations.

Il n’y eut plus d’adversaires politiques, insultes, injures, haines, tout fut oublié. Le premier effet de la guerre était d’accomplir un miracle, celui de paix, de la concorde, de la réconciliation entre des gens qui s’exécraient.

Cette fraternité devait-elle être durable ? L’avenir le dira.

Le 4 août, troisième jour de la mobilisation, la moitié environ des hommes mobilisés du village s’embarqua à la gare, accompagnée par la presque totalité de la population.

Tout le monde montra un vrai ou un faux courage et il n’y eut que deux femmes, aux nerfs trop sensibles, qui s’évanouirent en voyant partir leur fils ou leur époux.

En ce moment, j’étais à peine hors de danger d’une grave maladie […] qui m’avait enlevé toutes mes forces ; le 4 août, jour fixé de mon départ, c’était tout juste si je pouvais faire le tour de ma chambre. Je n’étais guère en état de marcher sur Berlin !

Les gendarmes, prévenus de l’impossibilité de mon départ ne voulurent rien entendre, je devais partir comme les autres, je ne m’appartenais plus, j’appar-tenais à la Patrie comme une âme damnée à Satan. »

Carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier.© Éditions La Découverte.

www.editionsladecouverte.fr

Commentaire

Louis Barthas nous offre un témoignage extrêmement précieux sur l’at-mosphère qui règne dans un village du Narbonnais au moment de la mobilisation. Celle-ci se passe, comme partout ailleurs, sans heurts. La population accepte la nécessité du sacrifice et les vieilles haines de village s’effacent devant le caractère solennel du moment. La tonalité ironique du texte nous montre que Barthas, fidèle à l’idéal pacifiste des socialistes, ne partage pas l’enthousiasme de ses concitoyens. Faute de pouvoir faire autrement, il accepte cette épreuve.

Louis Barthas (1879-1952)

ouvrier tonnelier dans le village de Peyriac-Minervois, près de Narbonne, militant socialiste et syndicaliste, a traversé les quatre années de guerre avec le grade de caporal. Son témoi-gnage, qu’il rédigea soigneuse-ment sur dix-neuf cahiers d’éco-liers d’après les notes qu’il avait prises pendant la guerre, est en tous points exceptionnel.

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Page 11: Guerres_XXème siècle

11Séquence 4 – HG11

Partout, les hommes acceptent de partir dans un relatif enthousiasme. Tous pensent que la guerre sera courte et qu’au plus tard, à Noël, ils pourront revenir chez eux.

Dès le début des combats, la propagande et le « bourrage de crâne » sont omniprésents, en particulier en France. Afin de maintenir le moral de la population, la presse ment, elle relaie la propagande du gouverne-ment ou elle est soumise àla censure.

La propagande dans la presse française

« Les balles allemandes ne tuent pas. Nos soldats ont pris l’habitude des balles allemandes… Et l’inefficacité des projectiles est l’objet de toutes les conversations. »

L’intransigeant, 17 août 1914.

« À part cinq minutes par mois, le danger est très minime, même dans les situations critiques. Je ne sais comment je me passerai de cette vie quand la guerre sera finie ».

Le petit Parisien, 22 mai 1915.

« Le fait est que certaines (les caves de Verdun) étaient relativement confortables : chauffage central et électricité, s’il vous plaît, et qu’on ne s’y ennuyait pas trop. »

Le Petit Journal, 1er mars 1916.

Cette propagande, qui peut prendre la forme de fausses lettres de sol-dats comme dans le texte du Petit Parisien, avait pour but essentiel de cacher aux civils la réalité de la guerre et de surtout empêcher les civils de prendre conscience de l’ampleur du massacre.

2. La mobilisation économique

L’État fait appel à toutes les ressources nationales pour gagner la guerre. Ainsi, l’industrie se reconvertit dans les productions de guerre, le tex-tile pour les uniformes, l’industrie chimique dans la poudre, l’industrie métallurgique dans la production de canons, l’automobile dans la pro-duction de camions pour l’armée et de moteurs d’avion et même dans les obus… L’exemple des entreprises Renault est particulièrement connu.

Document 4

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Page 12: Guerres_XXème siècle

12 Séquence 4 – HG11

ProductiondeRenault 1913 1918

Voitures 1484 553

Camions 174 1793

Charsd’assaut 0 750

Moteursd’avion 0 5 000

Obusde75etde155 0 2 millions

Tailledesusines 11,5 ha (hectares) 34 ha

On remarquera au passage que la guerre a été particulièrement profitable aux usines Renault.

Afin de réussir à nourrir les millions de soldats qui se battent, on a recours au rationnement, d’autant que laproductionagricoles’écroulepartout en raison du départ de millions de paysans pour le front.

La situation, difficile dans les pays de l’Entente devient au fur et à mesure de la guerre de plus en plus dramatique dans les pays de la Triplice, notamment du fait du blocus maritime, essentiellement britannique. En particulier en Allemagne, on assiste à de véritablesémeutesdelafaimàBerlinen1916.

Onarecourségalementàlamaind’œuvreféminine. En France notam-ment, les femmes, déjà présentes dans le textile, pénètrent massive-

ment dans de nouveaux secteurs industriels comme la chimie, l’armement, ou des professions comme celle d’institutrices…

On mobilise l’épargne des civils afin de payer les dépenses de guerre, les prêteurs seront d’ailleurs en grande partie ruinés du fait de l’inflation.

Document 5

Affiche pour l’emprunt de 1918

Remarquez la symbolique particulièrement vio-lente. Le soldat français étrangle l’aigle noir, symbole de l’Allemagne. Le casque allemand au sol, les arbres décapités par le obus, au loin le village qui brûle sont là pour rappeler la mort et la violence de cette guerre interminable. Grâce à l’argent que le « bon » citoyen versera à l’Etat, l’Al-lemand sera tué et le pays enfin délivré.

© Vasma/Rue des Archives.

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Page 13: Guerres_XXème siècle

13Séquence 4 – HG11

3. Les premiers combats

Dès le 4 août 1914, les Allemands appliquent le plan Schlieffen et enva-hissent la Belgique. Le grand port d’Anvers (en Belgique) en particulier subit un véritable calvaire, écrasé sous les obus et les bombes durant plusieurs semaines. Cette violence choque profondément les opinions américaine et britannique, créant ainsi aux États-Unis un fort courant de sympathie pour l’Entente.

Pendant ce temps, l’offensive lancée par le général Joffre en Alsace et en Lorraine échoue. Les armées françaises doivent retraiter avec le corps expéditionnaire britannique et les forces belges rescapées. A la fin du mois d’août, après à peine un mois de guerre, les Allemands sentent la victoire à portée de main, ils arrivent sur la Marne, Paris n’est plus guère qu’à une quarantaine de kilomètres…

4. La bataille de la Marne (6-9 septembre 1914)

Contrairement aux attentes allemandes et autrichiennes, l’armée russe prend l’offensive dès la mi-août, alors que sa mobilisation n’est pas terminée. Elle parvient à battre les Allemands à Gumbinnen le 20 août 1914 forçant ainsi von Moltke (chef d’état-major de l’armée allemande) à soustraire deux corps d’armée du front ouest.

Dans le même temps, l’armée autrichienne, ayant pénétré dès le 12 août à Belgrade (la capitale de la Serbie), est repoussée par le roi Pierre Ie quinze jours plus tard.

Sur le front ouest, le général Joffre parvient à convaincre les Britan-niques de lancer une vaste contre-offensive. C’est labatailledelaMarne(6-9septembre1914).

La bataille de la Marne

Ordre du jour du général Joffre

« Au moment où s’engage une bataille dont dépend le salut du pays, il emporte de rappeler à tous que le moment n’est plus de regarder en arrière. Tous les efforts doivent être employés à attaquer et à refouler l’ennemi. Une troupe qui ne peut plus avancer devra coûte que coûte gar-der le terrain conquis et se faire tuer sur place plutôt que de reculer. Dans les circonstances actuelles, aucune défaillance ne peut être tolérée. »

Général Joseph Joffre, 6 septembre 1914.

Vision allemande de la bataille

« Que des hommes se fassent tuer sur place, c’est une chose bien connue et escomptée dans chaque plan de bataille mais que des hommes ayant

Document 6

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Page 14: Guerres_XXème siècle

14 Séquence 4 – HG11

reculé pendant dix jours (c’est-à-dire les Français), à demi morts de fati-gue, puissent reprendre le fusil et attaquer au son du clairon, c’est là une possibilité dont il n’avait jamais été question dans nos écoles de guerre. »

Général Alexander von Klück, La marche vers Paris, 1922.

Cette victoire française de la Marne sauve la France. Les Allemands se replient alors sur des positions sûres. Les deux armées entreprennent alors unecourseà lamer, tentant de rejoindre le littoral de la Mer du Nord le plus vite possible, afin de déborder l’ennemi. En même temps, elles s’enterrent dans un réseau de tranchées. En décembre 1914, le front s’immobilise les deux armées se faisant face. Alors commencelaguerredeposition.

5. La guerre de tranchée à partir de fin 1914

À partir de la fin de l’année 1914, le front ne bouge plus guère ; c’est la guerre de position. Les deux armées se font face, enterrées dans leurs tranchées.

Les conditions de vie des soldats dépassent les bornes de l’horreur. Les hommes vivent dans la boue, le froid, le voisinage constant de la mort, la mauvaise nourriture, d’ignobles conditions d’hygiène. En 1918, la moitié des morts français de l’année meurt de la dysenterie et non des combats.

Le bruit est assourdissant, les combattants se terrent sous de véritables déluges de feu.

Au début de la guerre, les uniformesbleusetrouges des Français sont à l’origine de pertes supplémentaires.

Et pour rythmer la vie du soldat,l’attaqueoùlaproportiondespertesestd’ordinairede30à40%. C’est ce que craignent le plus les soldats, de véritables boucheries sans aucun résultat tangible.

Journaux français du front et extrait d’Àl’Ouest,riendenouveau, d’Erich Maria Remarque

Vie et mort dans les tranchées

« En suivant le boyau d’Haumont, nous sommes pris d’enfilade par les obus allemands. Ce boyau est rempli de cadavres à différents endroits. Des mourants sont là, dans la boue, râlant, nous demandant à boire ou nous suppliant de les achever.

La neige continue à tomber, l’artillerie nous cause à chaque instant des pertes.

Document 7

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Page 15: Guerres_XXème siècle

15Séquence 4 – HG11

Quand nous arrivons à l’ouvrage B, il ne reste plus que dix-sept hommes sur les trente-neuf que j’avais au départ. »

« Une odeur infecte nous prend à la gorge dans notre nouvelle tranchée, à droite des Eparges. Il pleut à torrents et nous trouvons des toiles de tentes fichées dans les parois de la tranchée. Le lendemain à l’aube, on constate avec stupeur que nos tranchées sont faites dans un charnier ; les toiles de tentes mises par nos prédécesseurs l’ont été pour cacher la vue des corps et débris humains qui sont là. »

adjudant-chef Daguenet, 321e régiment d’infanterie.

« Sur tout le front de Souain, depuis septembre 1915, les fantassins fauchés par les mitrailleuses gisent étendus faces contre terre, alignés comme à la manœuvre. La pluie tombe sur eux, inexorable, et les balles cassent leurs os blanchis.

Un soir, Jacques en patrouille a vu, sous leurs capotes déteintes, des rats s’enfuir, des rats énormes, gras de viande humaine. Le cœur battant, il rampait vers un mort. L’homme montrait sa tête grimaçante, vide de chair ; le crâne à nu, les yeux mangés. Un dentier avait glissé sur la che-mise pourrie et de la bouche béante, une bête immonde avait sauté. »

témoignage de Raymond Naegelen.

L’horreur de Verdun (1916)

Nous arrivons au tunnel. Serons-nous condamnés à vivre là ? Je préfère la lutte à l’air libre, l’étreinte de la mort en terrain découvert. Dehors, on risque une balle ; ici, on risque la folie. Une pile de sacs à terre monte jusqu’à la voûte et ferme notre refuge. Dehors, c’est l’orage dans la nuit et le martèlement d’obus de tous calibres. Au-dessus de nous, sous la voûte qui sonne, quelques lampes électriques sales jettent une clarté douteuse, et des essaims de mouches dansent une sarabande tout autour. Bourdonnantes et irritantes, elles assaillent notre épiderme. Les visages sont moites, l’air tiède est écœurant. Couchés sur le sable boueux, sur le rail, les hommes hébétés qui attendent, qui dorment, qui ronflent, qui rêvent, qui ne bougent même pas lorsqu’un camarade leur écrase un pied. Par places, un ruissellement s’étend ! De l’eau ou de l’urine ? Une odeur forte, animale, où percent des relents de salpêtre et d’éther ; de soufre et de chlore, une odeur de déjections et de cadavres, de sueur et d’humanité sale, prend à la gorge et soulève le cœur. Tout ali-ment devient impossible ; seule l’eau de café du bidon tiède, mousseuse, calme un peu la fièvre qui nous anime.

Un tout jeune caporal m’arrive, tout seul, avec les deux mains arrachées au ras des poignets. Il regarde les deux moignons rouges et horribles avec des yeux exorbités. »

Lieutenant Benech, blessé à Verdun.

© Cned – Académie en ligne

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16 Séquence 4 – HG11

Témoignages allemands : À�l’Ouest�rien�de�nouveau, Erich Maria Remarque

« Nous voyons des gens, à qui le crâne a été enlevé, continuer de vivre ; nous voyons courir des soldats dont les pieds ont été fauchés ; sur leurs moignons éclatés, ils se traînent en trébuchant jusqu’au prochain trou d’obus ; un soldat de première classe rampe sur ses mains pendant deux kilomètres en traînant derrière lui ses genoux brisés ; un autre se rend au poste de secours, tandis que ses entrailles coulent par-dessus ses mains qui les retiennent ; nous voyons des gens sans bouche, sans mâchoire inférieure, sans figure ; nous rencontrons quelqu’un qui, pendant deux heures, tient serrée avec les dents l’artère de son bras, pour ne point perdre tout son sang. »

« Lorsque les gens d’en face (les Français) attrapent quelqu’un qui est armé d’une baïonnette de ce genre, il est massacré impitoyablement. Dans le secteur voisin on a retrouvé de nos camarades, dont le nez avait été coupé et dont les yeux avaient été crevés avec une baïonnette. Puis on leur avait rempli la bouche et le nez de sciure et on les avait ainsi étouffés. »

Éditions Stock - © La Nouvelle Agence.

De nombreux soldats coloniaux participent aussi ces combats du côté français et britanniques. On peut estimer les troupes coloniales (tirailleurs sénégalais du général Mangin, spahis d’Afrique du Nord, tirailleurs annamites ; etc.) à 500 000 hommes sur les 8,5 millions d’hommes qui participèrent au conflit du côté français.

6. Les grandes offensives

Chacun leur tour, les commandants en chef des armées françaises, bri-tanniques et allemandes vont tenter de gagner la bataille décisive.

Dès 1915, influencé par Foch, Joffre prépare les grandes offensives de l’Artois et de Champagne qui se terminent par un échec. Les Français ont pour l’année 1915, 135 000 morts et 290 000 blessés ; les Allemands 140 000 tués ou blessés pour la Champagne et 25 000 prisonniers. Il n’est pas important de connaître par cœur ces chiffres, mais ils disent l’ampleur de l’hécatombe. Toujours en 1915, les Allemands font usage pour la première fois des gaz de combat. Particulièrement redoutés par les soldats, ils sont en fait souvent peu efficaces car, pour peu que le vent tourne, le nuage mortel revient vers les lignes de l’envoyeur.

En1916,cesontlesAllemandsquitententdepercerlefrontàVerdun.Le chef d’état-major de l’armée allemande, le général Falkenhaym, ambitionne de « saigner à blanc » l’armée française ». De février àdécembre1916, l’armée françaisecommandéedanscesecteurpar legénéralPétain soutient un déluge de feu et sort vainqueurde l’épreuve. LabatailledeVerdunprendvaleurdemythedansl’histoiremilitairedelaFrance.Lespertessontterriblesdesdeuxcôtés (163 000 tués côté français, 143 000 côté allemand).

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Page 17: Guerres_XXème siècle

17Séquence 4 – HG11

Toujours en 1916, à côté des Britanniques qui lancent également une offensive dans le même secteur, Joffre lance la grande offensive de laSomme. Celle-ci se termine par un bain de sang pour un gain dérisoire (200 000 tués ou blessés français, 420 000 Britanniques, 500 000 Alle-mands). Cette bataille est la plus meurtrière de la guerre.

7. Les autres fronts

Dès 1914, le Japon était entré en guerre du côté de l’Entente. Cependant, après s’être emparé des îles allemandes du Pacifique et du Shandong (province du nord-est de la Chine), il cesse toute activité.

En 1915,l’Italieentreenguerreducôtédel’Entente, non sans hésita-tion mais les promesses anglaise et française de gains territoriaux ont pesé.

En 1915, les Franco-Britanniques tentent également une opération dans le détroit des Dardanelles.Ayant pour but d’affaiblir l’Empire Ottoman, l’expédition provoque l’entrée en guerre de la Bulgarie et se termine par un échec.

En 1916, c’est au tour de la Roumanie et de la Grèce d’entrer en guerre, mais aux côtés de l’Entente.

Les deux dernières années de guerre (1917-1918)

1. L’année 1917 : le tournant de la guerreL’année 1917 est l’année charnière de la guerre. Un certain nombre d’éléments nouveaux entrent en ligne de compte au cours de cette année là. Pour répondre à la guerresous-marineàoutrance, décidée par l’état-major allemand en janvier 1917, le Président des États-Unis, Woo-drowWilson, déclare la guerre aux puissances centrales en avril1917. Sur lemoment, lesconséquencesconcrètesde l’entréeenguerredesÉtats-Unissontfortlimitées car le pays n’a pas de véritable armée à ce moment. Cependant, l’impact psychologique de l’événement, en parti-culier sur les populations civiles, est considérable.

Mais, si l’Ententegagneunalliédepoids,elleenperdunégalement.Aprèsdesannéesd’épreuve,l’arméeetlapopulationcivilesrussessontàbout.

C

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18 Séquence 4 – HG11

2. Les révolutions russes de février et novembre 1917

Les journées des 23 au 27 février 1917 où les femmes de Petrograd(c’est-àdire Saint-Petersbourg, alors capitale de l’Empire russe) descen-dent dans les rues pour réclamer du pain, la démocratie et l’arrêt immé-diat de la guerre aboutissent à la chute du régime tsariste. Le15mars1917, le tsar Nicolas II abdique. Un gouvernement provisoire, bientôt dirigé par le menchevik Kérenski, prend le pouvoir. C’est la premièrerévolutionrusse également appelée révolution de février.

Les mencheviks établissent un gouvernement démocratique mais pré-tendent poursuivre la guerre aux côtés de l’Entente. Mais le gouverne-ment légal est concurrencé, dans son exercice du pouvoir par leSovietdePetrograddont un des leaders est le jeune Staline.

À la nouvelle de la révolution, les services secrets allemands contactent le chef du parti bolchevik, Lénine,qui est favorable à une paix immé-diate. Il est alors réfugié en Suisse, et les Allemands vont lui permettre de regagner la Russie. Dès son retour, Lénine expose alors son programme danslesthèsesd’avril.

Largement minoritaires dans le pays, les bolchéviks n’en organisent pas moins un coup d’Etat dirigé par LéonTrotsky<, dans la nuit du 24au25octobre1917. C’est larévolutiond’octobreou deuxième révolution russe.

Maître du pays, Lénines’emploie à appliquer son programme et conclutavecl’Allemagneetl’Autriche-Hongrieunarmisticedèsdécembre1917. Et le 3 mars 1918, letraitédeBrest-Litovskest signé avec l’Allemagne. Au prix de la perte de nombreux territoires, la Russie sort de la guerre.

3. L’échec de l’offensive Nivelle et les mutineries de 1917

En décembre 1916, Nivelle remplace Joffre à la tête de l’armée française. Il prend la décision de lancer une offensive de grande envergure, dans le secteur de l’Aisne. C’est l’offensive du ChemindesDames, débutée en avril 1917. Dans les 48 premières heures de l’offensive, les Fran-çais perdent 30 000 tués. Après environ trois semaines de combats, l’offensive est définitivement stoppée. Cette boucherie inutile donne le départ à un vaste mouvementdemutineries (un total de 250 mutineries, répertoriées dans 68 divisions sur les 110 de l’armée française, pour un total de 40 000 mutins selon Jean-Jacques Becker) qui culmine en maietjuin1917. Il y avait déjà des mouvements partiels de fraternisation, sur certaines parties du front, notamment celles du Noël 1914 sont bien connues, mais jamais la discipline militaire n’avait été à ce point mena-cée…

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19Séquence 4 – HG11

Français et Allemands dans la guerre : fraternisations et fraternité d’armes

Les�trêves�de�Noël�1914

Lettre d’un soldat français nommé Gustave, datée du 28 décembre 1914

« C’était le jour de Noël, jour de fête, et ils demandaient qu’on ne tire aucun coup de fusil pendant le jour et la nuit, eux-mêmes affirmant qu’ils ne tireraient pas un seul coup. Ils étaient fatigués de faire la guerre (…). Ils me passèrent un paquet de cigares, une boîte de cigarettes bouts dorés, je leur glissai le Petit Parisien en échange d’un journal allemand et je rentrais dans la tranchée française où je fus vite dévalisé de mon tabac boche. »

Journal des Marches et Opérations du 99e régiment d’infanterie, Noël 1914

« Les tirailleries ont cessé brusquement chez les Allemands. Un grand nombre de Bavarois sont sortis de leurs tranchées en faisant signe de ne pas tirer sur eux, puis ils se sont avancés à mi-distance de nos tranchées et ont engagé la conversation devant le secteur du Bois-Commun. Trêve complète.

Des�rapports�avec�«�l’ennemi�»,�le�témoignage�de�Louis�Barthas

« Notre 6e escouade alla occuper le petit poste n° 10. C’était tout simple-ment un barrage dans un ancien boyau. À six mètres de notre barrage, les Allemands, les Allemands avaient établi leur barrage, et quelques fils de fer épineux jetés entre, qu’on aurait pu franchir en quatre enjambées, séparaient seuls deux peuples, deux races qui s’exterminaient. Il y avait même une sape recouverte qui aboutissait à un mètre des sacs de terre allemands, on aurait pu en allongeant les bras, se serrer la main.

Apprenant qu’il était condamné à passer vingt-quatre heures dans un tel petit poste, un embusqué ou un bon bourgeois, si patriote qu’il fût, eût senti ses cheveux se hérisser sur sa tête et n’eût pas manqué de faire son testament avant d’entrer dans ce coupe-gorge. Quel n’aurait pas été leur étonnement, même leur stupéfaction de voir le calme et la tranquillité qui régnaient dans ce coin. L’un fumait, l’autre lisait, celui-ci écrivait, cer-tains se chamaillaient…

La stupéfaction de l’embusqué ou du bon bourgeois se fût changée en ahurissement s’ils eussent vu les sentinelles françaises et allemandes assises tranquillement sur le parapet en train de fumer la pipe, et échan-geant de temps en temps un bout de conversation comme de bons voi-sins prenant le frais sur le pas de leur porte.

De relève en relève, on se transmettait les usages et coutumes de ces petits postes, les Allemands de même, et toute la Champagne pouvait s’embraser, il ne tombait jamais une grenade en ce point privilégié. »

Louis Barthas, Carnets de guerre, © Éditions La Découverte, www.editionsadecouverte.fr

Document 8

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20 Séquence 4 – HG11

Nivelle est remplacé à la tête de l’armée française, en mai, par legéné-ral Pétain qui mène une action énergique mais mesurée. Il s’emploie d’abord à réprimer le mouvement de mutinerie. Les tribunaux militaires prononcent 554 condamnations à la peine de mort (pour un total de 3 427 condamnations) dont au moins 49 furent exécutées. Des unités recomposées purent, par la suite, être sacrifiées au feu, comme autant de conséquences indirectes des mutineries. A côté de cela, Pétain s’em-ploie également à améliorer la vie des soldats :

permissions plus régulières, meilleure nourriture et surtout, moinsd’at-taquesinutiles.

4. La fin de l’Union sacrée

L’année 1917 marque lafindel’Unionsacréeavecledépartdessocia-listesdugouvernement, seul Albert Thomas y demeure et est donc exclu de la S.F.I.O. L’agitation sociale renaît également avec denombreusesgrèves.

GeorgesClemenceau devient Président du Conseil en remplacement de Paul Painlevé. Celui qu’on surnommera le « père la Victoire » après la fin de la guerre se fait le partisan d’une guerre menée jusqu’à son terme, c’est-à-dire la victoire finale. Il fait ainsi taire les rares voix qui s’élevaient pour trouver une paix de compromis, une « paix blanche », notamment celle du radical Joseph Caillaux, qu’il fera arrêter puis juger pour haute trahison.

En Allemagne, la crise de 1917 est également surmontée. Désormais, le pouvoir civil s’efface totalement devant la «dictaturedel’étatmajor» après la chute du gouvernement de Bethmann-Hollweg. Hindenburg, ayant remplacé Falkenhayn,et Ludendorff sont alors les deux seuls véri-tables dirigeants du pays.

5. Dernière offensive allemande : mars-juillet 1918

Après la signature du traité de Brest-Litovsk (3 mars 1918), les Alle-mands rapatrient sur le front ouest les 83 divisions (qui viennent s’ajou-ter aux 152 du front ouest) qui combattaient contre les Russes et Luden-dorff lance ce qu’il sait être l’offensive de la dernière chance. Surpris, les Franco-Britanniques sont débordés et le front est enfoncé. Débutée en mars, l’avancée allemande semble irrésistible. Devant l’acuité du dan-ger, les alliés se décident enfin à unifier le commandement, les Anglais acceptent d’être placés sous le commandement unique du généralfran-çais Foch(promu maréchal de France à la fin du conflit). Celui-ci parvient à arrêter les Allemands en juillet 1918, à nouveau sur la Marne, c’est la deuxième bataille de la Marne.

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Page 21: Guerres_XXème siècle

21Séquence 4 – HG11

6. La contre-attaque alliée : juillet – novembre 1918

Dès juillet 1918, c’est le début de la contre-offensive qui devait mener les alliés à la victoire. Grâce à l’arrivée massive des renforts américains, à l’intervention des chars (en particulier les remarquables petits charsRenault), Foch a enfin les moyens de sa stratégie offensive. A cela s’ajoute l’épuisement allemand. L’armée allemande ne cesse alors de reculer.

Colonne de chars Renault montant au front pour la 2e bataille de la Marne

Le 9 novembre, sous la pression des alliés et du présidentWilson, et surtout de la révolution qui se déclare en Allemagne, le Kaiser abdique. Hindenburg et Luden-dorff qui savent la partie perdue sont tout heureux de confier lepouvoir aux civils du nouveau gouvernement de Friedrich Ebert. Ainsi, ils nieront toute responsabi-lité dans le désastre militaire accu-seront les démocrates et les socia-listes d’avoir trahi l’Allemagne, causant ainsi sa défaite (thèmecoupdepoignarddansledos).

« Coup de poignard dans le dos », affiche électorale du parti nazi (1924)

Le thème du coup de poignard dans le dos fut lancé pour la première fois par Hindenburg lors de la commis-sion d’enquête parlementaire qui, en 1919, chercha à déterminer les responsabilités de la défaite. Accusant les socialistes du SPD d’avoir trahi l’armée allemande, Hindenburg développe un argumentaire qui sera repris tout au long des années 1920 par les mouvements d’extrême droite, et notamment les nazis. Sur cette affiche électorale du NSDAP, on voit le bandit masqué, c’est-à-dire le communiste et le socialiste qui surgis-sant de l’ombre, vient frapper traîtreusement le soldat allemand occuper à combattre pour la patrie.

Après que tous ses alliés eurent arrêté le combat (Bul-garie dès le 26 septembre, la Turquie dès le 30 octobre 1918, l’Autriche-Hongriele3novembre), l’Allemagne signe l’armistice le11novembre1918àRethondes, près de Compiègne. Au terme d’une convention d’ar-mistice très dure, l’armée allemande doit livrer tout son matériel lourd.

Document 9

© Suddeutsche Zeitung/ Rue des Archives.

Document 10

© René Dazy/Rue des Archives.

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Page 22: Guerres_XXème siècle

22 Séquence 4 – HG11

6. Le traité de Versailles 28 juin 1919Les deux principaux traités de paix furent letraitédeVersailles, le plus important, signé le28juin1919, et letraitédeSaint-Germain, qui régla le sort de l’Autriche-Hongrie.

La convention de la paix se réunit à Versailles avec Clemenceau, Lloyd George, Wilson et Orlando. Les vaincus, ainsi que les Russes, ne furent pas invités à la table des négociations.

Les clauses de la paix sont dures pour l’Allemagne : elle perd un certain nombre de territoires, en particulier au profit de la Pologne et notam-ment le corridordeDantzigqui le coupe en deux. L’Alsace-MosellesontrenduesàlaFrance. Elle se voit dans l’obligation de limiter son armée à 100 000 hommes, elle doit aussi livrer sa flotte et un certainnombred’usinesetdeproductionsminièresen contrepartie des destructions et des mines noyées en France au moment de la retraite. Elle perd toutes ses colonies. Elle doit aussi accepter la démilitarisation de la Rhénanie et l’occupation française en Sarre. L’Anschlussavec l’Autriche est inter-dit, l’Allemagne devra aussi s’acquitter de réparations dont les bénéfi-ciaires devront être la France, la Belgique et la Grande-Bretagne.

Enfin, elle et son allié autrichien, sont désignés, par l’article 231 du traité, commelesseulsresponsablesdelaguerre.

Le peuple allemand, qui croyait son armée invaincue dans la mesure où elle avait apparemment préservé l’intégrité territoriale du Reich, reçoit le traité de Versailles comme un Diktat, une décision imposée et injuste. Il accuse ainsi ce traité de reconnaître le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes uniquement au bénéfice des vainqueurs, donnant par exemple satisfaction aux Slaves, et en particulier aux Tchèques et aux Yougoslaves, et interdisant dans le même temps aux peuples germa-niques de s’unir.

7. Le traité de Saint-Germain 10 septembre 1919

En vertu duprincipedudroitdespeuplesàdisposerd’eux-mêmes, clai-rement formulé par les 14pointsdeWilson (janvier 1918), la carte de l’Europe centrale est profondément remodelée et l’Empire austro-hon-grois millénaire disparaît. De nouveaux pays voient le jour sur ces ruines : la Serbie est récompensée par la création de la Yougoslavie et la Rou-manie reçoit la Transylvanie, région pourtant exclusivement peuplée de Hongrois, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne s’appliquant visiblement pas de la même manière à tous. La Pologne renaît de ses cendres, la Tchécoslovaquie voit le jour conformément aux promesses faites par l’Entente aux nationalistes tchèques Masaryk et Bénès, l’Au-triche et la Hongrie deviennent deux petits Etats aux capitales dispropor-tionnées. L’Italie, quant à elle, obtint bien moins que ce que l’Entente lui avait promis dans le cadre du Pacte de Londres (1915)…

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Page 23: Guerres_XXème siècle

23Séquence 4 – HG11

Cettepaixnesatisfaitpersonne et crée en Europe centrale des zones de tension et des Etats particulièrement instables en raison de l’importantproblèmedesminorités.

Quant à la S.D.N. (Société des nations), siégeant à Genève, elle fut immédiatement fragilisée par le refus américain de ratifier le traité de Versailles.

La nouvelle carte de l’Europe après les traités de Versailles et de Saint-Germain

8. Un bilan désastreuxEn dépit des apparences, il n’y a pas de véritable vainqueur dans cette guerre. Comme on a pu l’écrire parfois, la première guerre mondiale est bien «lesuicidecollectifdel’Europe».

Bilan humain d’abord. La saignée démographique est d’environ9mil-lionsdemorts auxquels s’ajoutent les dizaines de milliers de«gueules

Document 11

O c é a n

A t l a n t i q u e

M e rd u

N o r d

M e r N o i r e

M e rM é d i t e r r a n n é e

Paris

VienneBudapest

BucarestBelgrade

Rome

Athènes

Ankara

Prague

Varsovie

Vilnius

Riga

Helsinki

Talin

Moscou

Berlin

ALLEMAGNE

Sarre

Eupen et Malmédy

Berlin

Dublin

Londres

ROUMANIE

EMPIRE OTTOMAN

TRANSJORDANIE

ÉGYPTE

TUNISIEALGERIA

MAROCSYRIE

LYBIE

GRÈCE

ITALIE

FRANCE

ROYAUMEUNI

ISLANDE

IRELANDE

ESPAGNE

PORTUGAL

LIBAN

HONGRIE

roy. des SERBESdes CROATES etdes SLOVÈNES

DANEMARK

PAYSBAS

BELGIQUE

AUTRICHESUISSE

BULGARIE

ALBANIE

ESTONIE

LETTONIE

RUSSIE SOVIÉTIQUE

LITUANIE

SUÈDE

NORVÈGE

POLOGNE

TCHÉCOSLOVAQUIE

FINLANDE

IRAK

PALESTINE

MemelDantzig

Fiume

Smyrneguerre grèco-turque(1920-1922)

guerre russo-polonaise(1920-1921)

Thrace

Bessarabie

Allenstein

Silésie

Dalmatie

Istrie

Schleswig

Klagenfurt

Sarre

Eupen et Malmédy

Nord

250 kmÉtats vaincusTerritoire en 1920 Perte

Nouveaux états etzones de tension

Zones sous contrôle de la SDNÉtats vainqueurs

Principauxétats vainqueurs

Allemagne Nouveau étatsFrontière de 1914Frontière de 1920Litiges frontaliersplébiscites à venir

Villes libresMandats françaisMandats britanniques

Autricheet Hongrie

Empire OttomanAncien

Empire Russe

ESTONIE

Fiume

LIBAN

IRAK

MerBaltique

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Page 24: Guerres_XXème siècle

24 Séquence 4 – HG11

cassées» qui réclament pour eux-mêmes une position émérite dans la société d’après-guerre.

Extrait d’Arsène Lupin, Letriangled’or(1917) de Maurice Leblanc

« Oui, il faut que l’on sache bien que les mutilés ne se considèrent pas comme des parias, des malchanceux ou des disgraciés… Nous tous, manchots, borgnes, difformes, nous prétendons valoir physiquement et moralement autant et même plus que le premier venu… Comment ! Ceux qui se sont servis de leurs deux jambes pour courir plus vite à l’attaque, une fois amputés, seraient distancés dans la vie par ceux qui se sont chauffés les deux pattes sur les chenets d’un bureau… Place à nous, et sachez que cette place, nous saurons la prendre…

La France a perdu 1,4 millions d’hommes jeunes et des millions de bles-sés. A cela s’ajoute le déficit des naissances durant la guerre qui est à l’origine du phénomènedesclassescreuses particulièrement drama-tiques pour un pays comme la France, à la démographie déprimée. L’Al-lemagne, quant à elle, eut 2 millions de morts et 4 millions de blessés.

Le désastre est également économique. La France en particulier, mais aussi la Belgique, ont une grande partie de leur territoire totalement dévastée : terre à blé totalement inutilisables pour des années, usines détruites, mines noyées par l’armée allemande en retraite. L’Etat français est également largement endetté auprès de sa population mais aussi auprès des banques britanniques et surtout américaines. La France ne réglera d’ailleurs pas ses dettes ce qui sera une cause de tensions récur-rentes avec les États-Unis tout au long de l’entre-deux-guerres.

Enfin, et ce n’est pas le moindre, le bilan de la guerre est aussi moral. La guerre a mis fin à une certaine conceptionpositiviste de l’homme. Loin d’apporter un progrès uniforme, la science (gaz,avions,mitrailleuses)a permis la plus grande boucherie de tous les temps. Loin d’être un homme nouveau, le rescapé qui a eu la chance d’échapper à la mort n’est plus qu’un être amoindri (voir,danslefasciculeiconographique,letableaud’OttoDix,Invalides jouant aux cartes).Et, entre 1915 et 1917 s’est per-pétré le premier génocide de l’histoire, celui des Arméniens massacrés par les Turcs qui fit entre 800 000 et 1,2 million de victimes.

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25Séquence 4 – HG11

2 La Seconde Guerre mondiale : une barbarie sans précédent

Les origines de la guerre et les victoires de l’Axe (1936-1942)

1. L’originalité d’un conflit sans précédent

La seconde guerre mondiale reste dans la mémoire collective des peuples qui y ont participé comme uneépreuveuniquedansl’Histoire. À cela plusieurs raisons :

▶ �jamais autant de pays n’avaient participé en même temps à un même conflit.

▶ �jamais une guerre ne fut aussi meurtrière, plus de 50 millions de morts.

▶ �jamais les civils n’avaient à ce point été touchés par les horreurs de la guerre. 25 des 50 millions de morts du conflit sont des civils. La plupart furent victimes des bombardements, en particulier aériens, des massacres perpétrés sur les populations civiles par les armées allemandes et japonaises (en Chine en particulier) ou du système concentrationnaire nazi. Les juifs furent déportés en masse vers les camps de concentration nazis où 6 millions d’entre eux moururent. Jamais une telle barbarie n’avait été mise en œuvre aussi systématiquement pour détruire tout un peuple.

▶ �de nouvelles armes terrifiantes se développèrent ou apparurent lors de ce conflit : les bombardements aériens sur les villes et l’usage de la bombe atomique.

2. La montée des périls : la guerre d’Espagne (juillet 1936-mars 1939)

Dès 1935, Mussolini attaque l’Ethiopie, provoquant des sanctions de la S.D.N. contre l’Italie. Pourtant, face au réarmement allemand et à l’agressivité d’Hitler, les démocraties (France, Royaume-Uni) restent paralysées, à la fois par les hésitations de leurs dirigeants, comme le Premier Ministre britannique Neville Chamberlain, et par l’importance des courants pacifistes voulant sauvegarder la paix à n’importe quel prix.

Après la victoire du Front populaire espagnol qui unissait les prin-cipaux courants de la gauche espagnole (communistes, socialistes,

A

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Page 26: Guerres_XXème siècle

26 Séquence 4 – HG11

anarchistes…) aux élections législatives de février 1936, l’armée refuse la victoire de la gauche et lance un coup d’Etat. Très rapidement, les généraux révoltés reçoivent l’appui du généralFranco, le commandant des troupes espagnoles du Maroc. Franco passe en Espagne avec ses hommes en août 1936 et s’impose rapidement comme le seul chefducampnationaliste.

Les nationalistes sont rapidement aidés par les dictatures. L’Allemagne envoie essentiellement des forces aériennes qui prennent le nom de légion Condor. Cette légion Condor se rendra tristement célèbre en procé-dant au premier bombardement aérien marquant de l’histoire, celui de la petitevillebasquedeGuernica, le 26 avril 1937. Cette atrocité inspirera à Pablo Picasso un tableau mondialement célèbre et intitulé Guernica.

Guernica, dePabloPicasso1937

Les forces politiques qui tentent de défendre la République espagnole contre les nationalistes sont appelées les Républicains. On trouve dans les rangs républicains pour l’essentiel des forces de gauche : des anar-chistes, des socialistes, des trotskistes et des communistes.

Peu après le début de cette guerre, les démocraties tentent d’imposer un principe de non-interventionaux principales puissances européennes. Celui-ci est accepté par la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et l’Italie mais les dictatures le violent immédiatement et aident massi-vement les nationalistes. C’est en particulier Mussolini qui envoie des hommes (50 000) et du matériel pour aider Franco.

Les Républicains ne reçoivent un appui réel que de l’URSS (armes) et des Brigades internationales (volontaires venus combattre aux côtés des Républicains). Pour ces raisons, mais aussi du fait de leurs divisions les Républicains finissent par perdre. Madrid tombe en mars 1939. Franco établit alors sa dictature sur l’Espagne jusqu’à sa mort, en 1975.

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27Séquence 4 – HG11

3. Hitler et la destruction du Traité de Versailles

Les coups de force de l’Allemagne nazie

Merdu

Nord

Mer

Balt ique

MerMéditerrannée

FRANCE

SUISSE

ITALIE

AUTRICHE

ALLEMAGNE

DANEMARK

U.R.S.S.

POLOGNE

LETTONIE

LITUANIE

SUÈDE

ALBANIE

HONGRIE

YOUGOSLAVIE

BELGIQUE

PAYS-BAS

TCHÉCO SLOVAQUIE

Nord

Allemagne en 1937

région remilitariséeen mars 1936

allemandes

hongroise

polonaise

italienne

État nouveau

frontières allemandesle 1er septembre 1939anciennes frontières de la Tchécoslovaquieet de l’Autrichepartage de la Pologneentre l’Allemagne etl’U.R.S.S. en août 1939

annexions

200 km

Berlin

VienneMunich

Rome

Prague Teschen

oct. 1938

oct. 1938

nov. 1938

avril 1939

mars 1939

mars 1938

mars 1939

Memel

Dantzig

La fin des années 1930 est marquée par les agressions successives d’Hitler qui vont finir par mener à la guerre :

▶ �1936, remilitarisation de la Rhénanie

▶ �mars 1938, Anschluss, c’est l’union entre l’Autriche et l’Allemagne

▶ �septembre 1938 ; Hitler s’en prend aux Sudètes. La France aban-donnée par son allié britannique accepte de participer avec l’Alle-magne, l’Italie et la Grande-Bretagne à la conférencedeMunich(sep-tembre1938)où elle trahit son allié tchécoslovaque.

Après cet accord illusoire avec la dictature hitlérienne, c’est un senti-ment de soulagement qui s’empare des populations française et britan-nique, Neville Chamberlain, le Premier ministre britannique et Edouard Daladier, le Président du Conseil français sont alors au sommet de leur popularité.

La conférence de Munich vue par Jean-Paul Sartre, Léon Blum et Winston Churchill

Dans cet extrait du 2e tome des Chemins de la liberté intitulé Le sursis, Jean-Paul Sartre imagine la réaction d’Edouard Daladier, à son retour de

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Document 15

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28 Séquence 4 – HG11

Munich, lorsqu’il aperçoit la foule immense des Parisiens qui est venu l’accueillir.

« L’avion décrivait de larges cercles au-dessus du Bourget (C’est alors l’aéroport de Paris) Léger se pencha vers Daladier et cria en la montrant : « Quelle foule ! ».

Daladier regarda à son tour :

– Ils sont venus me venus me casser la gueule. Je les comprends.

– Tout dépend du service d’ordre, dit Léger en soupirant.

L’avion s’était posé. Daladier sortit péniblement de la carlingue et mit le pied sur l’échelle. Il était blême. Il y eut une clameur énorme et les gens se mirent à courir, crevant le cordon de police, emportant les barrières.

Ils criaient « Vive la France ! Vive l’Angleterre ! Vive la paix » Ils portaient des drapeaux et des bouquets. Daladier s’était arrêté sur le premier éche-lon ; il les regardait avec stupeur. Il se tourna vers Léger et dit entre ses dents :

– les cons ! »Jean-Paul Sartre, Les chemins de la liberté, © Éditions Gallimard.

« Tous les droits d’auteur de ce texte sont réservés. Sauf autorisation, toute uti-lisation de celui-ci autre que la consultation individuelle et privée est interdite. »

www.gallimard.fr

« La guerre est probablement écartée. Mais dans des conditions telles que moi qui n’ai jamais cessé de lutter pour la paix, je ne puis en éprou-ver de joie et que je me sens partagé entre un lâche soulagement et la honte.

Léon Blum, Le Populaire (c’est le journal de la S.F.I.O.), 20 septembre 1938.

« Tout est consommé. Silencieuse, lugubre, abandonnée, brisée, la Tché-coslovaquie s’enfonce dans l’ombre. Nous avons subi une défaite sans avoir fait la guerre. Ce n’est que le commencement, l’avant-goût d’une coupe amère qui nous sera tendue d’année en année, à moins que par un suprême effort, nous nous dressions pour défendre la liberté comme aux temps d’autrefois ».

[…]

Français et Anglais avaient le choix entre le déshonneur et la guerre. Ils ont choisi le déshonneur et ils auront la guerre ».

Winston Churchill, Discours à la Chambre des Communes, 5 octobre 1938.

1 Rappelez en quelques phrases le contenu des accords de Munich.

2 Quels sont les sentiments qui dominent chez chacun des auteurs après les accords de Munich ?

3 La vision littéraire donnée par Jean-Paul Sartre est-elle crédible ?

4 La position de Winston Churchill est-elle partagée en 1938 ? Que veut-il dire quand il parle d’un suprême effort ?

Questions

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Page 29: Guerres_XXème siècle

29Séquence 4 – HG11

1 À la suite des exigences formulées par Hitler sur la région des Sudètes, peuplée de germanophones, à l’instigation du Premier ministre britan-nique Neville Chamberlain, les Britanniques et les Français acceptent de signer avec Hitler et Mussolini un accord où ils cèdent les Sudètes au dictateur nazi, sans même consulter leur allié tchécoslovaque.

2 C’est un sentiment de malaise qui domine dans chacun des trois textes. Léon Blum, le leader de la S.F.I.O., se félicite, par pacifisme, que la paix soit sauvée, au moins provisoirement. Mais, il ne peut s’empêcher d’éprouver un sentiment de honte devant cette capitu-lation des démocraties devant les dictatures et la trahison dont la Tchécoslovaquie a été victime. Churchill, futur Premier ministre bri-tannique, navigue entre la colère et la honte, accusant son Premier ministre, pourtant du parti conservateur comme lui, de s’être vu infli-ger une défaite par Hitler, sans même avoir combattu. La vision de Sartre est celle de l’écrivain qui, mettant en scène de vrais person-nages historiques – en l’occurrence Edouard Daladier – et de vrais événements – la foule attendant au Bourget le retour de Munich du Président du Conseil pour l’acclamer – essaie d’imaginer ce qu’ils ont pu penser. Et, si l’on suit l’écrivain, Daladier, rentrant de Munich, ne devait pas être très fier des accords qu’il avait signé.

3 La vision littéraire de Sartre est largement crédible dans la mesure où, au mois d’août 1938, au moment où Hitler menaçait la Tchécoslo-vaquie, Daladier avait décidé d’un ordre de mobilisation partiel dans l’éventualité d’une déclaration de guerre contre l’Allemagne. Mais devant le refus britannique d’entrer en guerre pour aider la Tchécoslo-vaquie, et la situation politique intérieure française, Daladier se rend à Munich pour signer des accords auxquels il ne croit manifestement pas. Il est pourtant dans la nécessité de dire le contraire à la foule qui l’acclame au Bourget, ce qui tend à donner un caractère de vraisem-blance à la vision sartrienne de l’événement.

4 Entre les foules enthousiastes à l’idée que la paix est sauvée grâce à cet accord, les admirateurs d’Hitler ou de Mussolini et ceux qui considèrent qu’il faut sauver la paix à tous prix, la position de Winston Churchill est marginale en 1938. Il est un des premiers à dire et à répé-ter que la guerre est inévitable et que les démocraties n’auront d’autre choix que d’affronter Hitler.

Cette trahison de la Tchécoslovaquie n’empêche pas cependant la guerre. En mars 1939, en violation des accords de Munich, la Wehrmacht entre en Tchécoslovaquie et occupe Prague. Le 1er septembre 1939, c’est au tour de la Pologne d’être envahie. La France et la Grande-Bretagne réagis-sent enfin et déclarent la guerreà l’Allemagnele3septembre1939. La Pologne est alors envahie par l’ouest (l’Allemagne) et par l’est (l’URSS) en vertu dupactegermano-soviétique. Celui-ci, signéenaoût1939pré-voie un engagement de non-agression et un partage de la Pologne entre

Réponses

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30 Séquence 4 – HG11

les deux pays. En deux semaines, l’armée polonaise est écrasée par la double invasion.

4. La première phase du conflit : l’écroulement de la France (septembre 1939 – juin 1940)

Dès la déclaration de guerre, l’armée française s’enferme pour une bonne part dans la ligne Maginot. A l’abri de ces fortifications que les officiers français imaginent imprenables, l’armée française se contente d’attendre l’attaque des Allemands. Jusqu’aumoisdemai1940,lefrontnebougepaset il n’y a guère de combats. C’estla«drôledeguerre» selon l’expression inventée par le journaliste et écrivain Roland Dorge-lès.

Après l’échec de la tentative franco-britannique à Narvik (Norvège), les Allemands envahissent les Pays-Bas et la Belgique. Le 10mai1940,lescharsallemands,appuyésparlaLuftwaffe,réalisentunepercéesurlefrontfrançaisàSedan. C’est la tactique de la Blitzkrieg (la guerre-éclair).

L’armée française est alors débordée en trois semaines en dépit de quelques succès dont la victoire sans lendemains que le colonel de Gaulle obtient à Montcornet avec ses chars. Le corps expéditionnaire bri-tannique rembarque, sous le feu des canons allemands, à Dunkerque, en abandonnant chars et artillerie sur les rivages du Nord de la France.

Le nouveau Président du Conseil français, Philippe Pétain demande alors l’armistice à l’Allemagne. L’armisticeestsignéle22juin1940, à Rethondes, Hitler choisissant ce lieu symbolique afin d’humilier davan-tage la France.

5. La Grande-Bretagne seule face à l’Allemagne nazie

La Grande-Bretagne se retrouve alors seule face à Hitler. Alors que tout le monde s’attend en Europe à la voir signer une paix de compromis, le Premier Ministre britannique, WinstonChurchillet le peuple britannique refusent de se soumettre et décident de se battre jusqu’au bout.

Discours de Winston Churchill à la Chambre des Communes, 13 mai 1940

« La formation d’un gouvernement aussi vaste et complexe est en elle-même une considérable entreprise, mais il faut garder en mémoire que nous nous trouvons à l’aube de l’une des plus grandes batailles de l’his-toire, que nous sommes engagés sur de nombreux fronts en Norvège et aux Pays-Bas, que nous devons préparer un combat en Méditerranée, que la bataille aérienne se poursuit sans relâche, et que nous devons procéder à maints préparatifs ici même sur notre sol. Dans la crise que

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31Séquence 4 – HG11

nous traversons, j’espère qu’on ne me pardonnera de ne pas m’adres-ser aujourd’hui plus longuement à la Chambre (des Communes). J’es-père qu’aucun des mes amis et collègues, ou anciens collègues, qui sont concernés par ces bouleversements politiques, ne s’offusquera du manque de cérémonie avec lequel il a fallu agir. Je veux dire à la Chambre, comme je l’ai déjà dit à chacun de ceux qui ont rejoint ce gouvernement : Je n’ai rien à vous offrir que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur. (…)

Nous avons devant nous de très longs mois de lutte et de souffrance. Vous vous demandez quelle sera notre politique ? Mener la guerre sur mer, sur terre et dans les airs, avec toute la volonté et toute la force que Dieu voudra bien nous donner, mener la guerre contre une monstrueuse tyrannie, jamais dépassée dans le catalogue sombre et lamentable des crimes humains. Voilà quelle est notre politique. Vous vous demandez quel est notre but ? Je vous répondrai d’un seul mot : la victoire – la vic-toire à n’importe quel prix, la victoire en dépit de la terreur (…) parce que sans la victoire, il n’y aura pas de survie.

Pour briser la résistance anglaise, Hitler demande au maréchal Goe-ring d’envoyer sa Luftwaffe bom-barder l’Angleterre. C’est la « bataille d’Angleterre » de juin 1940 à mai 1941.

On peut distinguer deux phases dans cette bataille. De juin à sep-tembre 1940, la Luftwaffe s’attaque essentiellement aux aérodromes de la R.A.F. Puis, de septembre 1940 à mai 1941, l’aviation allemande choi-sit de prendre Londres pour cible. C’est ce que les Anglais ont appelé le Blitz. Le bombardement de Londres fera environ 30 000 morts parmi les civils londoniens.

Dans le même temps, Hitler décide du déclenchement de «labatailledel’Atlantique». De juin 1940 à 1943, les sous-marins de l’amiral Dönitz se lancent en meutes dans l’Atlantique, traquant les navires de com-merce britannique dans l’espoir d’asphyxier l’économie de guerre de la G-B, y parvenant presque.

6. De nouveaux théâtres d’opération

En avril 1941, les troupes nazies se jettent sur la Yougoslavie. En quelques semaines l’armée yougoslave est vaincue, mais elle est presque immé-diatement relayée par un puissant mouvement de résistance. Au sein de la résistance yougoslave, le parti communiste joua un rôle particulière-ment important. Les résistants communistes de Yougoslavie, mais aussi

Sur votre moteur de recherches en mode images vous pouvez chercher des repré-sentations du Spitfire, l’un des avions anglais de la bataille d’Angleterre

Pour aller plus loin…

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Page 32: Guerres_XXème siècle

32 Séquence 4 – HG11

ceux de tous les pays d’Europe de l’est, furent appelés les partisans. Le chef des partisans yougoslave est Tito.

Aidé par le mouvement croate fasciste des Oustachis, lesnazismassa-crèrentaumoins500000Serbespendantl’occupationdupays.

Dans le même temps, l’armée allemande envahit la Grèce afin d’aider son allié italien qui vient d’être battu par l’armée grecque. Là aussi, l’in-vasion allemande s’accompagne de nombreux massacres sur les popu-lations civiles ; là aussi on assiste à la naissance rapide de divers mou-vements de résistance puissants.

Les Allemands ouvrent également un front en Afrique du Nord lorsque le maréchal Rommel débarque avec l’Afrika Korps afin d’attaquer les Anglais en Egypte.

Mais, l’obsession d’Hitler est ailleurs : il s’agit de l’attaque de l’URSS.

Il lance le 22juin1941l’opérationBarbarossa,c’est-à-direl’invasiondel’URSS. Les armées allemandes remportent rapidement d’importantes victoires. L’Armée rouge est balayée, des centaines de milliers de prison-niers soviétiques sont faits. Un grand nombre d’entre eux est immédia-tement envoyé dans des camps d’extermination et gazé ; les autres sont envoyés en camps de concentration et tués à la tâche. Au début de l’hi-ver 1941, la Wehrmacht est devant Moscou. Grâce à ses troupes d’hiver bien équipées, l’Armée rouge lance cependant une contre-offensive lors de l’hiver 1941 et parvient à débloquer Moscou. L’URSS est cruellement meurtrie, des millions de Soviétiques ont déjà été tués, la Wehrmacht occupe une grande partie du territoire soviétique. Pourtant, en dépit des espoirs d’Hitler, l’URSS n’est pas encore vaincue.

La 2e phase du conflit : fin 1942 - septembre 1945 : la victoire des Alliés

1. L’entrée en guerre des États-Unis

Dès 1937, le Japon avait attaqué la Chine, s’emparant de toutes les régions littorales, l’arméejaponaisese signalant à cette occasion par de nombreux massacres dont les plus célèbres, les massacresdeNankinendécembre1937(de 100 000 à 300 000 victimes). En bombardant la flotte américaine à PearlHarbor,le7décembre1941, sans déclaration de guerre préalable, les Japonais provoquent l’entrée en guerre officielle de la première puissance économique du monde. Réagissant au bom-bardement de la flotte américaine du Pacifique par l’aviation japonaise, le PrésidentRoosevelt déclare la guerre au Japon, mais aussi à l’Alle-magne. Avec l’agression japonaise, c’est l’énorme puissance industrielle

B

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33Séquence 4 – HG11

des E.U. qui se met en marche. L’industrie américaine va désormais pro-duire en masse toutes sortes d’armes, pour l’armée américaine bien sûr, mais aussi pour la Grande-Bretagne et également pour l’URSS.

Suite à Pearl Harbor, les Japonais s’emparent de la Birmanie, de la Malai-sie, de Singapour, de l’Indonésie, des Philippines.

Cartedel’expansionjaponaisependantlaSecondeGuerremondiale

Cependant, dès le mois de mai 1942, à la bataille de la Mer de Corail, ils ne parviennent pas à détruire la flotte américaine. A l’inverse, ce sont les porte-avions américains qui infligent une terrible défaite à la marine japonaise dèsjuin1942àlabatailledeMidway. En six mois, les Améri-cains ont mis fin à l’expansion japonaise et désormais, les Japonais se limiteront à défendre leurs précédentes conquêtes, et cela jusqu’à la fin de la guerre.

Document 17

OCÉAN

PACIFIQUE

Îles Attu et Kiska

Îles Gilbert

Îles Salomon

Aléoutiennes

Hawaï

Pearl Harbour

Wake

Guam

JAPONC H I N E

THAÏLANDE

BIRMANIE

MONGOLIE Mandchoukouo

U R S S

Bornéo Célèbes

Philippines

Hong Kong

Indochine

Singapour

GuadalcanalNelle Guinée

I

nd

o n é s i e

Territoire national japonais

Territoires conquis en Chine avant 1939

Territoires conquis entre 1939 et 1942

Limite de la zone contrôléepar le Japon en juillet 1942

Opérations de décembre 1941

Opérations de janvier 1942

Opérations de janvier à juillet 1942

1 000km

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34 Séquence 4 – HG11

2. Fin 1942 : le tournant de la guerre

L’automne 1942 marque le tournant de la guerre. En Egypte, la VIIIe armée britannique, commandée par le général Montgomery écrase Rom-mel et l’Afrika Korps à El Alamein en octobre 1942. Le 8 novembre 1942, les Américains débarquent au Maroc et chassent les troupes de Vichy du pays.

Maisc’estsurtoutàl’estquelesortdumondevasejouer.C’esteneffetfaceàl’ArméerougequelaWehrmachtvaperdreprèsdes2/3desonpotentielmilitaire.

Au printemps 1942, la Wehrmacht a repris l’offensive au sud-est, en direction de la Volga. Au mois d’août 1942, les Allemands atteignent Stalingrad.C’estlàquesedéroule,d’août1942àfévrier1943cequiestpeut-êtrelabataillelaplusimportantedelasecondeguerremondiale.

La bataille de Stalingrad (août 1942-février 1943) :extraits du journal d’un soldat allemand

27 juillet 1942 – Nous avons marché au milieu de la steppe du Don (le fleuve du sud-ouest de la Russie), et nous avons enfin atteint la Volga avec notre objectif : Stalingrad). Cette fois, on espère rentrer à la maison pour Noël.

12 août 1942 – Les Soviétiques ont mis dans la bataille leurs dernières forces.

23 août – Il ne leur reste (aux Soviétiques) plus que deux issues : soit fuir au-delà de la Volga soit se rendre à la Wehrmacht.

18 septembre – Notre unité combat maintenant depuis trois jours à l’inté-rieur d’un silo à blé. Si chaque maison de Stalingrad est défendue ainsi, aucun de nous ne rentrera vivant au pays.

22 octobre – notre régiment n’est toujours pas parvenu à entrer à l’intérieur de l’usine que nous attaquons depuis main-tenant trois semaines. Nous perdons beaucoup trop d’hommes.

10 novembre – Au pays, ils sont persuadés que toute la ville de Sta-lingrad est complètement entre nos mains. C’est une terrible erreur !

29 novembre – Nous sommes maintenant encerclés par l’Armée rouge.

28 décembre – On a mangé tous les chevaux. Nos soldats deviennent comme des cadavres ou comme des fous. On n’a plus la force ni de marcher, ni de se coucher. Que cette guerre soit maudite.

1 Comment évolue le moral de ce soldat allemand ?

2 Quels sont les éléments qui permettent de se rendre de l’acharne-ment des combats ?

Document 18

Questions

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35Séquence 4 – HG11

1 En août 1942, après plusieurs semaines de marche dans la steppe où l’armée allemande a avancé, le soldat allemand qui a écrit ce journal semble avoir bon moral lorsqu’il arrive devant Stalingrad. La victoire lui semble proche. On ne peut cependant s’empêche de penser qu’il s’agit plus d’un espoir que d’une absolue certitude car la guerre lui pèse et il espère pouvoir rentrer chez lui pour Noël. En septembre, premier changement dans son état d’esprit, la résistance acharnée des Soviétiques qui causent de lourdes pertes aux Allemands l’amè-nent à commencer à douter. Et en novembre, la certitude de la défaite s’est désormais imposée, laissant le soldat en proie au plus profond désespoir.

2 Stalingrad fut en quelque sorte la « mère des batailles ». Les Sovié-tiques ont opposé aux Allemands une résistance acharnée. Ils se sont battus pour chaque bâtiment, pour chaque maison… Les remarques de ce soldat allemand en témoignent lorsqu’il évoque un combat de trois jours à l’intérieur d’un silo à grain.

Écrasés sous les bombes, épuisés par les souffrances et la faim, les défenseurs de Stalingrad ne cèdent pas et au cours de l’hiver 1942, le général Joukov peut lancer une grande contre-offensive. En février 1943, l’Armée rouge parvient à encercler l’armée allemande de Stalingrad qui capitule. 500 000 Allemands sont faits prisonniers, très peu revinrent des camps de Sibérie après la guerre. C’est le premier désastre pour l’ar-mée allemande.

Soldats soviétiques progressant dans les rues dévastées de Stalingrad

Dans la foulée de Stalingrad, Joukov poursuivit sa contre-offen-sive. En juillet 1943, il écrase une nouvelle fois les Allemands à la bataille de Koursk, plus grande bataille de chars de l’histoire.

Réponses

Document 19

© Rue des Archives/PVDE

Pour les passionnés de matériel militaire, vous pouvez aller sur le site http://www.museedesblindes.fr/ et aller faire une

visite virtuelle des blindés des deux conflits mon-diaux. Vous y verrez en particulier le T 34 soviétique, considéré comme le meilleur char de la Seconde Guerre mondiale.

Pour aller plus loin…

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Page 36: Guerres_XXème siècle

36 Séquence 4 – HG11

Aveclesdéfaitesdestroupesallemandes,lesexactionscommisesparcelles-cisurlespopulationscivilesdeRussieetd’Ukrainenefontques’accélérer. Depuis le début de la guerre, des unités d’extermination avaient été lancées par Hitler sur les villes et villages d’Europe orien-tale (les Einsatzgruppen, groupes mobiles d’extermination). Ces unités, suivant l’avancée de la Wehrmacht, massacrent toute la population des villages dans lesquels elles pénètrent.

La « Solution finale » exécution de populations juives par des Einsatzgruppenen Ukraine (URSS, 1942)

Observez ce document d’une très grande violence. Dans le charnier, des dizaines de corps sont déjà entassés. Le soldat prend la pose pour le photo-graphe et les autres soldats sont réu-nis comme au spectacle. La victime est agenouillée, son corps va tomber direc-tement dans la fosse.

Avec les revers militaires, l’armée régu-lière allemande, c’est-à-dire la Wehr-macht, participe de plus en plus à ces massacres.

3. La « Solution finale »

Dès mars 1933, quelques semaines après l’arrivée au pouvoir d’Hitler, le premier camp de concentration nazi est ouvert à Dachau, près de Munich. Le régime nazi y interne d’abord les opposants politiques, mili-tants communistes et socialistes, syndicalistes, des religieux, notam-ment catholiques, et les « indésirables » : prisonniers de droit commun (c’est-à-dire criminels), homosexuels, prostituées. Les juifs d’Allemagne sont à leur tour internés en grand nombre dans ces camps de concentra-tion, dès avant la déclaration de guerre.

Document 20

© IAM/akg-images/Word History Archive.

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Page 37: Guerres_XXème siècle

37Séquence 4 – HG11

Les conquêtes nazies en Europe de l’Est ouvrent une nouvelle phase dans l’horreur. Les nazis trouvent là l’occasion d’appliquer leurs théories immondes de l’inégalité des races faisant des Slaves et surtout des juifs la lie de l’humanité. Dès 1941, les Einsatsgruppen et parfois des troupes de l’armée régulière multiplient les crimes de guerre contre les popu-lations civiles, en particulier juives. Ce sont notamment les massacres des communautés juives de Kiev, en Ukraine (septembre 1941) ou des Riga, en Lettonie (novembre-décembre 1941) qui se traduisent par des centaines de milliers d’exécutions. On parle de « Shoah par balles » pour désigner ces massacres.

Mais, en janvier 1942 à laconférencedeWannsee(20janvier1942), les principaux nazis, dont le chef des SS et du système concentrationnaire Heinrich Himmler, décident de l’application de «lasolutionfinale ». Ils’agissait de déporter les 11 millions de juifs de l’Europe occupée etégalementlesTziganesverslescampsdeconcentrationetd’extermina-tiond’AllemagneetdePologneafindefairedisparaîtretouslesjuifsdel’ensembledel’Europe.

L’Europe des camps nazis et des ghettosDocument 21

Merdu

Nord

Mer Baltique

100 km

Le "Grand Reich" en 1942

Principaux ghettos 1 million et plus

200 00095 000moins de 95 000

Victimesestimées

Camps de concentration

Camps d'extermination

Ravensbrück

Stutthof

Berlin

Prague

Vienne

Varsovie

Treblinka

Chelmno Sobibor

Maïdanek

Vilna

Lvov

Bialystok

Kaunas

Belzec

Auschwitz

Bergen-Belsen

Sachsenhausen

Neuengamme

Buchenwald

Mittelbau-Dora

Struthof Dachau

Flossenburg

GrossRosen

Mauthausen HONGRIE

U R S S

SLOVAQUIEUKRAINE

AUTRICHE

POLOGNE

BOHÊME-MORAVIE

SUISSE

FRANCE© IAM/akg-images/Word History Archive.

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Page 38: Guerres_XXème siècle

38 Séquence 4 – HG11

De toute l’Europe occupée, les populations juives sont alors déportées vers les camps de la mort. En Europe occidentale, des rafles sont orga-nisées, dont notamment larafleduVeld’Hiv,enFrance(16au17juillet1942)où13000juifssontarrêtés. En Europe orientale, les nazis rassem-blent les populations juives dans les ghettos afin de faciliter les dépor-tations. Le ghetto de Varsovie, créé par les nazis en 1940, se soulève en mai 1943. Il est totalement rasé et la population exterminée. Compte tenu du déséquilibre des forces, les insurgés n’avaient aucun espoir de vic-toire. Leur seule volonté était celle qu’exprime Arie Wilner, un des combat-tants de l’insurrection : « Nous ne voulons pas sauver notre vie. Personne ne sortira vivant d’ici. Nous voulons sauver la dignité humaine ».

Ghetto de Varsovie : déportation des enfants juifs après l’insurrection de Varsovie

Les enfants survivants du ghetto de Varsovie sont envoyés par le rail dans des wagons à bestiaux vers les camps d’extermination de Treblinka, Auschwitz ou Sobibor.

Leplusgranddescampsdeconcentrationetd’exterminationfutAus-chwitz-Birkenau, véritable usine de mort. A leur arrivée, après un voyage en train réalisé dans des wagons à bestiaux, les déportés sont sélection-nés sur « la rampe ». Les adultes et les plus valides sont alors destinés aux travaux forcés, les enfants et les invalides sont immédiatement gazés dans les chambres à gaz. La plupart des grandes entreprises allemandes utilisent, avec l’accord intéressé des SS, la main d’œuvre concentration-naire, nouveaux esclaves modernes.

Les résistants de l’Europe occupées, les prisonniers soviétiques dont des centaines milliers furent gazés notamment Treblinka, sont égale-ment déportés vers les camps. Ce sont dix millions de personnes qui furent ainsi exterminées dont sixmillionsdejuifset500000Tziganes.

Document 22

© Suddeutsche Zeitung/Rue des

Archives.

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Page 39: Guerres_XXème siècle

39Séquence 4 – HG11

4. La victoire des Alliés et l’écrasement de l’Axe

Surlefrontrusse, les Soviétiques, poursuivant leur contre-offensive, ont presque libéré la totalité de leur territoire au printemps 1944 en attei-gnant les frontières de la Pologne. En août 1944, c’est l’insurrection lan-cée par la résistance polonaise à Varsovie. Staline donne alors l’ordre à l’Armée rouge d’arrêter sa marche afin de laisser aux Allemands le temps d’écraser ce mouvement de résistance non communiste.

Surlefrontoccidental,après leur victoire en Afrique du Nord où ils ont débarqué le 8 novembre 1942, les Anglo-Américains débarquent en Ita-lie en juillet-août 1943. Le roi d’Italie fait arrêter Mussoloni et nomme le maréchal Badoglio Président du Conseil le 26 juillet 1943. Le nou-veau gouvernement cherche rapidement un compromis avec les Alliés. L’armistice signé par le gouvernement italien avec les États-Unis et la Grande-Bretagne en septembre 1943 provoque l’invasion immédiate du nord de l’Italie par l’armée allemande et la déportation des juifs d’Italie. L’affrontement avec les troupes allemandes est extrêmement difficile et à la bataille du Mont Cassin, ce sont les Français de la 1re D.B. (division blindée) du maréchal de Lattre de Tassigny qui réussissent à percer le front allemand.

Afin d’affaiblir la capacité de résistance de l’industrie allemande, les Bri-tanniques et les Américains multiplient, dès 1942, lesbombardementsaériens massifs sur les villes allemandes. Plusieurs villes allemandes sont ainsi partiellement ou totalement rasées : Cologne, Essen, Ham-bourg. C’est surtout le bombardement de Dresde qui est resté présent dans toutes les mémoires. En une nuit, enfévrier1945,135000habi-tantsdeDresdefurenttuésparunbombardementquidétruisitlavilleàplusde60%.

La destruction de Dresde 12 au 13 février 1945

« Jamais je n’avais imaginé que des gens puissent être ensevelis dans cet état : brûlés, réduits en cendres, déchirés, écrasés ; quelquefois les victimes avaient l’air de gens normaux, tranquillement endormis ; le visage de certains était tordu de douleur, les corps entièrement désha-billés par l’ouragan (c’est-à-dire le vent créé par le gigantesque incendie allumé par les bombes incendiaires britanniques et américaines) ; il y avait de pauvres réfugiés de l’Est, en haillons, et des gens qui sortaient de l’Opéra en grande toilette. Ici, la victime formait une masse informe, là une couche de cendre recueillie dans un tube de zinc. A travers la ville, le long des rues, flottait la puanteur de la chair humaine calcinée ou en train de pourrir. »

cité dans D. Irving, La destruction de Dresde, 1964.

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40 Séquence 4 – HG11

Le centre-ville de Dresde détruit au lendemain du bombardement

5. La libération de l’Europe occupée

Enfin, le6juin1944, conformément aux vœux de Staline qui réclamait depuis longtemps l’ouverture d’un second front afin d’alléger la pression allemande sur l’Armée rouge, les Anglo-Américains déclenchent l’opé-ration Overlord. Sous le commandement du général américain Eisen-hower, les Américains et les Britanniques lancent une formidable flotte verslescôtesdeNormandie: 5 000 navires, 10 000 avions participent à l’opération. Le 6 juin 1944, et dans les jours qui suivent, 1,2 million Amé-ricains et 850 000 Britanniques débarquent sur les côtes de Normandie.

6 juin 1944, commandos britanniques débarquant à Sword Beach (nom de code d’une des cinq plages du débarquement de Normandie)

Dans les semaines qui suivent, la progression des Alliés est difficile. Le15 août 1944,un2edébarque-mentestorganisésurlescôtesdeProvence. Les soldats français y sont majoritaires.

Le 25 août 1944, ce sont lestroupes françaises de la 2e D.B.du futur maréchal Leclerc quientrentdansParisinsurgéetlibè-rent la ville avec d’autres unitésintégrées à l’armée américaine. Le 26 août, le général de Gaulle,

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symbole de la France combattante, de cette France qui avait refusé la voie du déshonneur et la collaboration avec l’occupant nazi, descend les Champs Elysées entouré d’une foule immense.A la fin de l’année 1944, la quasi totalité du territoire français était libérée.

En mars-avril 1945, les alliés atteignent le Rhin et la 2e D.B. de Leclerc libère Strasbourg.

Hitler lance alors une série de bombes volantes, les V1 puis les V2 afin de bombarder Londres. Les Londoniens connaissent à nouveau l’angoisse des bombardements ; ceci n’empêche pas cependant la défaite finale de l’Allemagne et du nazisme.

Dès le 15 avril, les Soviétiques lancent leur dernière offensive, celle de Berlin.

Soldats soviétiques sur le toit du Reichstag à Berlin (avril 1945)

Le 28 avril, l’armée américaine, venant de l’ouest, et l’Armée rouge, venant de l’est font leur jonction sur l’Elbe.

Hitler se suicide le 30 avril 1945dans son bunker de Berlin. L’amiral Dönitz, désigné par Hitler comme son dauphin, accepte la capitula-tion allemande, signée le 8 mai1945, à Berlin. Celle-ci marque la fin de la guerre en Europe.

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6. L’écrasement du JaponLa résistance acharnée des troupes japonaises, le fanatisme des kami-kazes qui se jettent avec leurs avions bourrés d’explosifs sur les bateaux américains, laissent imaginer au nouveau Président des États-Unis,HarryTruman, que la conquête du Japon se fera au prix de trop lourdes pertes humaines. Soucieux d’éviter au maximum la mort des soldats américains, il prend la décision d’utiliser la nouvelle arme mise au point par les E.U., la bombe atomique, dans le but de faire plier le Japon. Le6août1945,lapremièrebombeatomiquedel’histoireestlancéesurHiroshima, et le 9 août 1945 ; une seconde sur Nagasaki.

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42 Séquence 4 – HG11

Le 2septembre1945, le Japonsignesacapitulation mettant ainsi un point final au conflit le plus terrible de l’Histoire.

7. Organiser la paix

Après avoir gagné la guerre, il restait pour les alliés à organiser la paix.

Dès juillet1944, les Alliés, à l’instigation du présidentRoosevelt se réu-nissent à la ConférencedeBrettonWoods, aux États-Unis afin de réorga-niser le système financier international de l’après-guerre. Roosevelt était en effet convaincu que le désordre monétaire des années 1920 et 1930 avait été un puissant facteur de la montée des totalitarismes en Europe. Les Accords de Bretton Woods font du dollar lamonnaiede référenceinternationale, la seule convertible en or, et aboutissent à la créationduF.M.I (Fonds monétaire international) et de laBanqueMondiale.

Le système de parité fixe des monnaies sur l’or et le dollar américain établi selon les accords de Bretton Woods

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OR* $convertibilité

Fond MonétaireInternational

états membres du fmi

Parités fixées avec

monnaies nationales

financement

accordedes crédits

contrôle

Gold exchange standard

FMI

qui contribuent pour les prêts aux États, l’aide technique et les crédits d’équipement (1/4 or , 3/4 monnaie nationale) en proportion de leur poids dans le commerce mondial.

En 1944

Dollar : 31 %Livre : 15 %Franc : 5 %

autres monnaies : 49 %

* États-Unis = 60 % du stock d’or mondial

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43Séquence 4 – HG11

Enfévrier1945,laconférencedeYalta (en Crimée) réunit Roosevelt, Chur-chill et Staline. Ce n’est pas la 1re fois que les trois hommes se rencon-trent mais à Yalta, alors que l’issue de la guerre ne fait plus aucun doute, « les trois grands » se mettent d’accord sur l’organisation du monde après la guerre. L’Allemagne devra être divisée en quatre zones d’oc-cupation et administrée conjointement par les quatre puissances occu-pantes (Etats-Unis, URSS, Royaume-Uni et France). Roosevelt arrache à Staline l’engagement soviétique d’organiser des élections libres dans les pays d’Europe de l’est libérés par l’Armée rouge (promesse non tenue) et d’intégrer la future organisation de la paix mondiale, l’ONU. (Orga-nisationdesNationsUnies).Alors même que la guerre n’est pas termi-née, laconférencedeSanFranciscoréunit,entreavriletjuin1945,lesdéléguésdes51Etatsenguerrecontrel’Axequiproclament,le26juin1945,lacréationofficielledel’OrganisationdesNationsUnies.

ÀlaconférencedePotsdam(juillet-août1945),lesdirigeantsalliés, Tru-man, le Président des Etats-Unis, Clement Attlee qui remplace Winston Churchill au poste de Premier Ministre au cours de la conférence et Sta-line semettentd’accordpourl’organisationdesprocèsdeNuremberg, chargés de juger les criminels de guerre nazis.

Ces procès ont lieu du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946 dans la ville de Nuremberg, haut-lieu du nazisme dans les années 1920-1930. Les alliés se mettent d’accord pour juger les criminels nazis, en fonction du concept de crime de guerre. Mais en raison de l’ampleur des crimes commis par les nazis, la justice internationale définit à cette occasion de nouvelles charges, celle de crime contre l’humanité et de génocide. Plusieurs dignitaires nazis, le plus connu étant Goering, sont ainsi jugés et plusieurs sont condamnés à mort.

Cependant, l’entente qui avait permis aux Alliés de vaincre le nazisme ne résiste pas à la paix. Truman, qui succède à Roosevelt le 12 avril 1945 après la mort de celui-ci, ne peut trouver une voie de compromis avec la dictature stalinienne et dès la conférence de Potsdam ( juillet-août 1945) l’entente cède la place à une méfiance qui annonce déjà la « Guerrefroide».

La France dans la guerre

1. La Drôle de guerre et la France occupée

La France déclare la guerre à l’Allemagne, avec la Grande-Bretagne, le 3 septembre 1939. Hormis l’opération de Narvik, marquée par une tenta-tive de débarquement de troupes françaises et britanniques en Norvège pour couper à l’Allemagne « la route du fer » et qui se solde par un échec même si les troupes alliées résistent à la contre-offensive allemande jusqu’au 7 juin, le front ne bouge pas pendant plusieurs mois. L’armée française, est en partie enfermée dans la ligne Maginot et massée le long

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44 Séquence 4 – HG11

de la frontière belge avec le corps expéditionnaire britannique ne bouge pas. C’est la « Drôle de guerre ».

En mars 1940 ; Edouard Daladier est remplacé par Paul Reynaud au poste de Président du Conseil. En avril l’invasion des Pays-Bas et de la Belgique par les troupes allemandes provoque l’avancée des troupes franco-britanniques au delà de la frontière. C’est alors que les chars du Général Guderian percentlefrontfrançaisàSedan,le10mai1940. L’avance allemande est irrésistible malgré plusieurs engagements de chars remportés par les Français. Dès le 14 juin, elles pénètrent dans Paris, déclarée ville ouverte et défilent sur les Champs Elysées et sous l’Arc de Triomphe alors que le gouvernement français s’est replié sur Bordeaux. Dès le 10 juin, c’est l’Exode. Près de huit millions de Fran-çais fuient devant la Wehrmacht sur les routes du nord de la France, sou-vent mitraillés par les avions de la Luftwaffe. Ils sont le plus souvent mal accueillis dans les régions où ils cherchent refuge.

La France divisée en 1940

Paris

Seine

Loire

Garonne

Bordeaux

100 km

Strasbourg

LyonVichy

Lille

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Occupation allemandede la zone libre en novembre 1942

Zone annexée

Occupation italiennede la zone libre

Zone rattachée militairementà la Belgique

Occupation allemande

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45Séquence 4 – HG11

Scènes de L’Exode : civils français fuyant l’avancée des troupes allemandes, juin 1940

Paul Reynaud doit s’effacer devant le maréchal Pétain qui devient pré-sident du Conseil le 16 juin 1940. Dès le 17 juin, il annonce son inten-tion de signer un armistice avec l’Allemagne. Celui-ci est signé le 22 juin 1940, à Rethondes. Au terme de cet accord, la France est coupée en deux, le nouveau pouvoir français ne contrôlant que la zone libre, c’est-à-dire la moitié sud du pays à l’exception du littoral Atlantique et du sud-est, désormais occupé par l’Italie fasciste. Le Nord du pays est occupé par l’Allemagne, l’Alsace et la Moselle sont intégrées au Reich. La France se voit privée de son armée et doit encore payer l’entretien des troupes allemandes d’occupation. Le gouvernement de Vichy conserve cepen-dant la flotte de guerre, presque intacte, et le contrôle de la police et de la gendarmerie sur l’ensemble du territoire français.

Discours radiodiffusé du maréchal Pétain, 20 juin 1940

« J’ai demandé à nos adversaires de mettre fin aux hostilités. J’ai pris cette décision, dure au cœur d’un soldat, parce que la situation l’impo-sait. Cet échec vous a surpris, vous en cherchez les raisons, je vais vous les dire.

Le 1er mai 1917, nous avions encore 3 280 000 hommes aux armées. A la veille de la bataille actuelle, nous en avions 500 000 de moins. L’infério-rité de notre matériel a été encore plus grande que celle de nos effectifs. L’aviation française a livré ses combats à un contre six. Moins forts qu’il y a vingt-deux ans, nous avions aussi moins d’amis, trop peu d’enfants, trop peu d’armes, trop peu d’alliés.

Depuis la victoire de 1918, l’esprit de jouissance l’a emporté sur l’esprit de sacrifice. On a revendiqué plus qu’on a servi. On a valu épargner l’ef-fort, on rencontre aujourd’hui le malheur. J’ai été avec vous dans les jours

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46 Séquence 4 – HG11

glorieux. Chef du gouvernement, je suis et je resterai avec vous dans les jours sombres. »

1 Quelles sont les raisons matérielles qui expliquent, selon Pétain, la défaite de la France en mai-juin 1940 ?

2 Quelles sont les raisons morales ?

3 Qu’annonce-t-il aux Français sur son propre avenir politique ?

4 Quel ton Pétain prend-il pour justifier l’armistice ?

1 Pétain cherche à expliquer la défaite de la France, en premier lieu, par son infériorité matérielle par rapport à l’Allemagne. Elle disposait de moins d’hommes (500 000 de moins qu’en 1918), de moins de maté-riels, il prend l’exemple de la supériorité aérienne écrasante des Alle-mands, et de trop peu d’alliés, sous entendant pour l’occasion que les Britanniques constituaient des alliés peu sûrs. Même si ces éléments ne sont pas totalement dénués de vérité, force est de constater que Pétain oublie la nette supériorité numérique des Franco-Britanniques en matière de chars et le fait que la défaite française, c’est d’abord la défaite de l’état-major français qui, inspiré par les idées de ce même Pétain, misa tout sur une stratégie défensive alors que les Allemands cherchèrent à exploiter au maximum la mobilité de leurs blindés.

2 Plus encore que son infériorité matérielle, la France doit sa défaite à son indignité morale. D’après Pétain, les Français ont désappris depuis 1918 le sens du sacrifice et du devoir, ils se sont abandonnés à l’esprit de jouissance. Même s’il demeure dans l’implicite, Pétain attaque ici le Front populaire et les deux semaines de congés payés instaurées par celui-ci… Pour que la France se relève, il faudra donc mener une « œuvre de restauration nationale » qui mettront fin aux errements de la période précédente.

3 Tout en restant évasif, Pétain annonce aux Français qu’il restera à leurs côtés de cette épreuve. C’est dire, dès le 20 juin 1940, qu’il a bien l’intention de demeurer au pouvoir même s’il ne dit encore rien des formes que celui-ci prendra.

4 Le discours du maréchal Pétain évolue entre divers registres émotion-nels. Celui de l’accusation à l’égard de ceux qui se sont abandonnés à l’esprit de jouissance, mais aussi celui de la compassion à l’égard du peuple français. Arguant de la douleur et de la souffrance de ce dernier, il prétend déjà « faire don » de sa personne pour sauver la France.

Questions

Réponses

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47Séquence 4 – HG11

2. « L’État Français » et la « Révolution nationale

L’effondrement militaire de la France se double d’un effondrement politique. La petite ville de cure thermales Vichyestchoisiepardéfautcommecapitaledelazonelibre. Elle est proche de la ligne de démar-cation et dispose d’une hôtellerie capable d’héberger le gouvernement les principaux services centraux de l’Etat français, Le10juillet1940, les sénateurs et les députés votentlespleinspouvoirsaumaréchalPétain, seuls 80 d’entre eux, dont Léon Blum, sur 649 votent contre. Pétain reçoit tous les pouvoirs pour une durée indéterminée. Il s’agit d’une véri-table dictature qui repose sur la popularité du vainqueur de Verdun.

Pétain et les hommes qui l’entourent entendent profiter de « la divine surprise » (voir Charles Maurras) pour reconstruire la France selon leurs principes qui s’incarnent dans la devise Travail, Famille, Patrie en pre-nant, à cette occasion, leur revanche sur la république, la démocratie et la gauche en particulier.

Cetterévolutionnationaledoits’incarnerdansleculteduchef, protec-teur et sauveur de la France, le maréchal Pétain, restaurerlaFrancetra-ditionnelle faite d’agriculture, de ruralité, contre la ville jugée corruptrice (voir le slogan de l’époque, « La terre, elle, ne ment pas ! ») et d’arti-sanat, d’attachement à la famille (le divorce est interdit par le nouveau régime), de retour à la religion catholique… Ce choix peut paraître tout à fait paradoxal de la part d’un libre penseur comme Pétain ! Les hommes de gauche, syndicalistes (les syndicats sont interdits) militants poli-tiques, instituteurs sont poursuivis comme corrupteurs de la jeunesse. La légion des volontaires français, créée en août 1940 par Xavier Vallat et qui regroupera jusqu’à 650 000 anciens combattants, est chargée de propager ces valeurs.

Le régime de Vichy est essentiellement composé d’hommes de droite et d’extrême droite mais quelques personnalités de gauche le rejoignent comme René Belin, ministre du Travail, ancienne personnalité notable de la CGT.

Vous trouverez dans votre fascicule couleurs une affiche de propagande du régime de Vichy de René Vachet. Cette affiche résume clairement la thématique de Vichy on voit s’opposer à la paresse, la démagogie et l’internationalisme, symboles du Front populaire et de la III° République vaincue les trois valeurs de l’Etat français : travail, famille patrie.

À gauche, l’effondrement de la maison France supportée par ceux qui sont jugés responsables de la défaite de 1940. Cette France de couleur rouge est surmontée du drapeau rouge des communistes et de l’étoile de David censée représenter les juifs, à l’intérieur de l’étoile on distingue les trois points symboles du pouvoir supposé de la franc-maçonnerie.

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48 Séquence 4 – HG11

3. Vichy et les juifs

Le régime de Vichy est profondément antisémite et xénophobe, reprenant pour l’occasion une bonne partie des ligues de l’entre-deux-guerres. Dèsle 3 octobre 1940, l’État français publie son statut des juifs, plus ou moins copié de ceux de Nuremberg (1935). C’estàsoninitiativeseulequelenouveaurégimeprendcettedécision, sans aucune pression alle-mande. Ce statut interdit à tous les juifs la haute administration, l’armée, l’enseignement, la magistrature, la presse, l’édition. Ces lois préten-dent également exclure les juifs d’une bonne partie de l’espace public : théâtre, cinéma, squares… Les juifs étrangers sont, quant à eux internés. Ils seront livrés aux Allemands dès 1942.

La politique de Vichy est également marquée par la xénophobie qui se traduit notamment par des mesures rétroactives en matière de naturali-sation. C’est environ 15 000 personnes, dont environ 6 000 juifs, natura-lisées après 1927 qui perdent ainsi la nationalité française.

4. La Collaboration

Le 24octobre1940,PétainserendàMontoirepouryrencontrerHitler. Dans l’espoir d’obtenir des accommodements du dictateur nazi, il accepte leprinciped’unecollaborationd’Etatavecl’Allemagne. Celle-ci se traduit notamment par l’utilisation de la police et de l’administration française comme auxiliaire de l’occupant pour poursuivre juifs et résistants.

D’autres, essentiellement à Paris, considèrent que la Révolution natio-nale et ses thèmes archaïques est totalement dépassée et préconisent un alignement total sur l’Allemagne nazie. Ce sont notamment des écri-vains et des journalistes de « Je Suis Partout » comme Robert Brasillach, ou encore des hommes politiques comme Jacques Doriot, transfuge du parti communiste, et Marcel Déat, transfuge de la S.F.I.O. qui créent la LVF (Légion des volontaires français) pour aller combattre aux côtés des troupes allemandes en URSS.

5. Un régime de plus en plus répressif

À partir de 1942, alors que sa popularité décroît chaque jour en raison des difficultés de la vie quotidienne, le régime s’engage sur la voie d’une dictature toujours plus violente. Le Président du Conseil Pierre Laval organise le principe de la « relève » afin de fournir de la main d’œuvre française aux usines d’armement allemandes. Pour trois travailleurs fran-çais partant pour l’Allemagne, l’occupant s’engage à libérer 1 prisonnier français. Puis, les autorités nazies imposent le principe du STO(servicedu travail obligatoire). Avec le concours de l’administration française, 700 000 jeunes Français de 21 à 23 ans sont ainsi envoyés de force en Allemagne. De nombreux autres se cachent, ce sont les «réfractaires», ou vont rejoindre les maquis de la résistance.

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À l’heure de la « solution finale », lapolicefrançaiseestégalementutili-séeparLavalpourorganiserlesarrestationsdejuifs.Les16et17juillet1942,c’estlarafleduVeld’Hivoù 13 000 juifs parisiens sont arrêtés et livrés aux Allemands. Alors que l’occupant nazi ne réclame pas encore les enfants, Laval insiste pour que ceux-ci soient également déportés, considérant que l’Etat français n’a pas à supporter le coût financier de leur éducation. C’est ainsi 76 000 juifs qui sont déportés pendant l’Oc-cupation ; à peine 6 000 reviendront.

Cette collaboration active n’empêche nullement Hitler de donner l’ordre à l’armée allemande d’envahir la zone libre le 12 novembre 1942, en représailles du débarquement américain au Maroc, le 8 novembre 1942.

En 1943, Joseph Darnand créé la Milice, mélange de police politique et d’organisation militaire qui poursuit sans aucune pitié les juifs et les résistants français.

6. La vie quotidienne des Français sous l’Occupation

En vertu de la convention d’armistice signée à Rethondes le 22 juin 1940, la France doit pourvoir à l’entretien des troupes d’occupation. Cette situation aboutit à un véritable pillage des ressources agricoles ou industrielles du pays et la principale préoccupation des Français, qui s’affirme tout au long de la période, est de trouver à manger. Le rationne-ment se fait de plus en plus dur, et le marché noir, souvent organisé avec le concours de l’occupant, devient parfois la seule ressource pour ceux qui en ont les moyens de se procurer certaines denrées.

Compte tenu de cette situation de pénurie alimentaire, la mortalité de la population augmente, et des maladies comme la tuberculose progressent.

7. Le rôle de la Résistance

OndoitdistinguerauseindelaRésistance,laRésistanceintérieureetlaRésistanceextérieurequ’onappellelaFranceLibre. L’acte de naissance de la France libre, c’est l’appeldu18 juindu généraldeGaulle. L’ap-pel à la résistance de ce général encore peu connu sur les ondes de la BBC ne fut sans doute entendu que par bien peu de Français. De fait, les débuts de la France Libre furent extrêmement modestes. En juin 1940, de Gaulle n’avait encore autour de lui que quelques milliers d’hommes et de femmes et Félix Eboué, le gouverneur du Tchad, seul gouverneur colonial à s’être rallié à lui dès 1940.

Le premier acte de la résistance intérieure fut le dépôt d’une gerbe de fleurs sur la tombe du Soldat inconnu, sous l’Arc de triomphe, le 11 novembre 1940 par un groupe d’étudiants.

Dès la fin de l’année 1940, on voit apparaître les premiers journaux, les premiers tracts appelant à la résistance contre l’occupant nazi. L’inva-

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sion de l’URSS, le 22 juin 1941, change cependant la situation. Dès lors, tout l’appareil du parti communiste et ses militants entrent en action. De fait, même s’ils ne furent pas seuls, les communistes jouèrent un rôle essentiel dans la Résistance. Ils organisent ainsi la première structure militaire de la résistance, les FTP(Francstireursetpartisans). Le 21 août 1941, Pierre Georges, dit le Colonel Fabien, tue un soldat allemand sur le quai du métro de la station Barbès-Rochechouart, à Paris. Les Allemands répondent à ce genre d’action en fusillant des otages.

FTP pénétrant dans un village de Normandie (juin-juillet 1944)

L’instauration du STO en 1943 pousse de nombreux jeunes gens à rejoindre les premiers maquis qu’on trouve dans les zones mon-tagneuses, comme le Vercors, ou encore en Bretagne. En 1943, on peut estimer le nombre des maqui-sards à quelques centaines de mil-liers d’hommes qui mènent des actions de guérilla contre l’occu-pant et les collaborateurs : embus-cades, déraillement de trains, etc.

En 1943, grâce à JeanMoulin, se met en place leCNR(Conseilnatio-naldelaRésistance) qui permet à la fois de coordonner l’action des différents réseaux de résistance et d’assurer le lien entre le géné-ral de Gaulle et la résistance inté-rieure. Ce n’est qu’avec difficulté, et grâce au soutien de la Résis-tance intérieure, que de Gaulle parvient à s’imposer aux Alliés,

et notamment à Roosevelt qui ne l’aimait pas, comme le seul représe ntant officiel de la France. Le 2 juin 1944, c’est la naissance du GPRF(GouvernementprovisoiredelaRépubliquefrançaise) dont de Gaulle a la présidence.

8. La Libération de la France

Le 6 juin 1944, c’est le débarquement sur les côtes de Normandie. La résistance intérieure intensifie son action pour freiner les mouvements de troupes allemands. Par représailles, celles-ci peuvent commettre de terribles massacres comme à Oradour-sur-Glane, petit village de la Haute-Vienne, où la division Waffen SS Das Reich brûle vif dans l’église toute la population soient 642 personnes dont 240 femmes et enfants.

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Les FFL (Forces françaises libres) jouent également un rôle important dans la Libération. Ce sont plus de 250 000 Français qui débarquent en Provence le 15 août (pour un total de 500 000 hommes) et, après l’insur-rection de Paris lancée par le communiste Rol-Tanguy le 19 août, c’est la 2e DB du maréchal Leclerc qui libère Paris le 25 août 1944. Le 26 août, le général de Gaulle descend les Champs Elysées au milieu d’une foule immense et d’un enthousiasme indescriptible alors que quelques mili-ciens embusqués sur les toits des immeubles tirent encore sur le cortège.

La France est pour l’essentiel libérée à la fin de l’année 1944 hormis l’Alsace et quelques poches sur l’Atlantique, encore tenues par les Alle-mands.

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52 Séquence 4 – HG11

3 Les nouvelles formes de conflic-tualités (1947 à nos jours)

La guerre froide 1947-1989

1. Vers la Guerre froide

La belle entente qui avait permis aux alliés de vaincre les forces de l’Axe ne survécut pas à la guerre. Dès l’immédiat après guerre, les anciens Alliés se divisèrent en deuxblocs rivaux, leblococcidental, mené par les États-Unis etlebloccommuniste dirigé par l’URSS. Plusieurs fois, ces deux blocs furent au bord de l’affrontement mais la guerre fut à chaque fois évitée. Pour désigner cette rivalité aiguë qui perdura jusqu’à la chute des régimes communistes en Europe de l’Est, en 1989, on parle de Guerrefroide.

2. La mise en place des blocs

Dès 1946, des tensions diplomatiques apparaissent entre les États-Unis et l’URSS. Un peu partout en Europe centrale, les communistes s’em-parent progressivement du pouvoir. Le mode opératoire est en général comparable : formation d’un gouvernement de coalition avec les autres forces de gauche, élimination des oppositions de droite, dites « bour-geoises », élections contrôlées par les communistes grâce à la présence des troupes de l’Armée rouge, et enfin, dernière étape, exclusion des autres forces de gauche du gouvernement. Fin 1947, seule la Tchécoslo-vaquie n’est pas entièrement dirigée par les communistes. Cette situa-tion pousse Winston Churchill, dans un discours qu’il prononce à l’uni-versité de Fulton (Etats-Unis) en 1946, à utiliser l’expression de Rideaudefer.

Dès mars 1947, le président Truman formule la doctrine qui porte son nom. Pour lui, le monde est divisé en deux, d’un côté le monde libre mené par les Etats-Unis, fondé sur la démocratie. De l’autre la dictature communiste fondée sur l’oppression des peuples, la terreur et la cen-sure. Il considère qu’il est du devoir des États-Unis d’empêcher la dif-fusion de cette dictature, c’est ce qu’il appelle le « containment », ou l’endiguement en français. Selon lui, puisque le communisme prospère sur le malheur et la souffrance des peuples, les États-Unis doivent donc aider l’Europe à se relever des destructions de la guerre grâce à une aide économique. Cette aide économique, qui sera proposée à tous les pays d’Europe sans exception, y compris l’URSS, est formalisée en juin1947

A

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parleplanMarshall, annoncé par le secrétaire d’Etat américain (c’est-à-dire le ministre des Affaires étrangères) George Marshall.

La doctrine Truman, mars 1947

Les États-Unis doivent soutenir les peuples libres qui résistent à des ten-tatives d’asservissement par des minorités armées, ou des pressions venues de l’extérieur. Notre aide doit consister essentiellement en un soutien économique et financier.

Chaque nation se trouve désormais en face d’un choix à faire entre deux modes de vie opposés. L’un d’eux repose sur la volonté de la majorité et il est caractérisé par des institutions libres, un gouvernement représen-tatif, des élections libres, des garanties assurant la liberté individuelle, la liberté de parole et de religion et l’absence de toute oppression politique. Quant à l’autre, il repose sur la volonté d’une minorité imposée par la force à la majorité. Il s’appuie sur la terreur et l’oppression, une presse et une radio contrôlées, des élections truquées et la suppression des liber-tés personnelles.

Les semences des régimes totalitaires sont nourries par la misère et le dénuement. Elles croissent et se multiplient dans le sol aride de la pau-vreté et du désordre. Elles atteignent à leur développement maximum lorsque l’espoir d’un peuple en une vie meilleure est mort. Cet espoir, il faut que nous le maintenions en vie. Les peuples libres du monde atten-dent de nous que nous les aidions à sauvegarder leurs libertés.

Harry Truman, Mémoires, 1955, © Éditions Plon Perrin.

L’URSS refuse cette aide américaine et contraint toutes les démocraties populaires, y compris la Tchécoslovaquie qui avait été tentée de l’accep-ter, à faire de même. En Europe occidentale, là où ils sont puissants, en l’occurrence en France et en Italie, les partis communistes mènent de violentes campagnes par voie de presse ou par des manifestations contre le Plan Marshall, décrit contre un instrument de l’« impérialisme américain ».

Et, en septembre 1947, au congrès de formation du Kominform, le ministre de la Propagande soviétique, Andreï Jdanov, formule la doctrine qui porte son nom. Et, en 1949, en réponse au plan Marshall, l’Union soviétique crééleC.A.E.M.(Conseild’assistanceéconomiquemutuel). Egalement appelé Comecon, le C.A.E.M réunit dans des liens écono-miques étroits l’URSS et les démocraties populaires d’Europe centrale et orientale.

Le Rapport Jdanov, septembre 1947

« Plus nous nous éloignons de la fin de la guerre et plus nettement appa-raissent les deux principales directions de la politique internationale de l’après-guerre, correspondant à la disposition en deux camps principaux des forces politiques qui opèrent sur l’arène mondiale : le camp impéria-liste et antidémocratique, le camp anti-impérialiste et démocratique. »

Document 32

Document 33

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« Les États-Unis sont la principale force dirigeante du camp impérialiste. L’Angleterre et la France sont unies aux États-Unis et marchent comme des satellites en ce qui concerne les questions principales, dans l’ornière de la politique impérialiste des États-Unis. Le camp impérialiste est sou-tenu aussi par des États possesseurs de colonies, tels que la Belgique et la Hollande, et par des pays au régime réactionnaire antidémocratique, tels que la Turquie et la Grèce, ainsi que par des pays dépendant politi-quement et économiquement des États- Unis, tels que le Proche-Orient, l’Amérique du Sud, la Chine. »

« Les forces anti-impérialistes et antifascistes forment l’autre camp. L’URSS et les pays de la démocratie nouvelle en sont le fondement. Les pays qui ont rompu avec l’impérialisme et qui se sont engagés résolu-ment dans la voie du progrès démocratique, tels que la Roumanie, la Hongrie, la Finlande, en font partie (…).

Le but que se donnent les États-Unis est l’établissement de la domina-tion mondiale de l’impérialisme américain. C’est aux partis communistes qu’incombe le rôle historique de se mettre à la tête de la résistance au plan américain d’asservissement de l’Europe. S’ils restent fermes sur leurs positions, s’ils ne se laissent pas influencer par l’intimidation et le chantage, s’ils se comportent résolument en sentinelles de la paix durable et de la démocratie populaire, de la souveraineté nationale, de la liberté et de l’indépendance de leur pays, s’ils savent, dans leur lutte contre les tentatives d’asservissement économique et politique de leur pays, se mettre à la tête de toutes les forces disposées à défendre la cause de l’honneur et de l’indépendance nationale, aucun des plans d’asservissement de l’Europe ne pourra être réalisé.

Commentaire

Le rapport Jdanov est le pendant de la doctrine Truman. Il part également du constat que le monde est également divisé en deux camps antago-nistes. Les États-Unis et ses alliés, la Grande-Bretagne et la France, sont désignés comme impérialistes et fascistes. A l’inverse, l’URSS et se alliés constituent le camp anti-impérialiste, le camp de la liberté…

3. Les relations soviéto-américaines à l’heure des confrontations directes

En février 1948, cefutleCoupdePrague. Les communistes prennent le pouvoir par la force en Tchécoslovaquie.

La première tension majeure est cependant le Blocus de Berlin(mars 1948 à mai 1949). Tentant de forcer les Occidentaux à évacuer Berlin, Staline décide de bloquer toutes les voies de communication vers le côté ouest de la ville. Les Américains répondirent en organisant un pont aérien qui permit à Berlin ouest de ne pas tomber aux mains des Soviétiques.

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L’Allemagne de 1945 à 1990 : de la division à la Réunification

1 Qu’est-ce qui explique, selon vous, la volonté de Staline de forcer les Occidentaux à quitter Berlin ?

2 Pourquoi Staline n’a-t-il pas utilisé la force pour entrer en possession de la totalité de Berlin ?

1 Le statut de Berlin, administré conjointement par les quatre puis-sances occupantes (L’URSS, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France avait été décidé par le statut de Berlin, édicté le 5 juin 1945. Dans l’espoir de gains subtantiels à l’ouest de l’Allemagne, Staline avait accepté la présente de troupes occidentales au milieu de la zone soviétique. En effet, Berlin avait été prise en avril-mai 1945 par les seuls Soviétiques. Mais, en 1947, les choses ont changé et l’entente de la guerre a cédé la place à la guerre froide. Staline veut donc mettre fin à l’anomalie d’une présence militaire occidentale au milieu de la zone d’occupation soviétique (voir la carte de gauche).

2 Les troupes soviétiques occupant l’Allemagne de l’Est au printemps 1948 sont infiniment plus nombreuses que les quelques milliers de soldats américains, britanniques et français présents à Berlin. Néan-moins, si Staline avait utilisé la force, la seule issue était la guerre.

Document 34

soviétique

Zones d'occupation

américaine

britannique

française

Rideau de fer

Couloirs aériens

Mur de Berlin après 1961

Aéroports

Secteursoviétique

Secteurbritannique

Secteuraméricain

Secteur français

Porte de Brandebourg

Points de passagecontrôlés

100 km10 km

Mer du NordMer Baltique

DANEMARK

PAYS-BAS

FRANCE

SUISSE

AUTRICHE

TCHÉCO-SLOVAQUIE

POLOGNE

BELG.

LUX.

Hambourg

Hanovre

Berlin

Francfort

100 km

Mer du NordMer Baltique

DANEMARK

PAYS-BAS

FRANCE

SUISSEAUTRICHE

POLO

GN

E

TCHÉCOSLOVAQUIE

BELG.

LUX.

Hambourg

HanovreBerlin

Francfort

BERLIN-OUEST BERLIN-EST

L'Allemagne en 1945 -1949 et le blocus de Berlin L'Allemagne réunifiée en 1990

Questions

Réponses

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Enmai1949, les États-Unis créent dans la zone d’occupation occiden-tale, laRFA (République fédéraleallemande). En réponse, l’URSS crée dans sa zone d’occupation la RDA(Républiquedémocratiqueallemande) en octobre. Il existe donc désormais deux Allemagne. Toujours en 1949, c’est la création de l’O.T.A.N., alliance militaire qui réunit, à l’instigation des Etats-Unis, les pays d’Europe de l’Ouest ainsi que la Turquie. L’URSS répond à cette initiative quelques années plus tard en créant le Pacte de Varsovie en 1955, alliance militaire qui réunit l’Union soviétique et les démocraties populaires.

Autre crise majeure, la guerre de Corée (1950-1953). Grâce à l’appui de la Chine, devenue communistedepuis1949aveclavictoiredeMaoZedong, la Corée du Nord envahit la Corée du Sud. Les États-Unis déci-dent alors d’intervenir sous mandat de l’ONU. L’intervention américaine provoque l’entrée directe de la Chine dans le conflit avec l’envoi de « volontaires » chinois. En 1953, un armistice est signé entre les deux Corées.

En 1949, l’URSS se dote de la bombe atomique, grâce notamment aux savants allemands qu’elle avait fait prisonniers à la fin de la guerre. La « course aux armements » nucléaires dans laquelle les États-Unis et l’URSS se lancent alors aboutit à la mise en place, au cours des années 1960, d’un « équilibre de la terreur » où les deux adversaires de la Guerre froide sont retenus dans leurs velléités agressives par la crainte de l’holocauste nucléaire.

4. La coexistence pacifique (1955-1962)

LamortdeStaline(1953)marqueunapaisementdanslaguerrefroide. Son successeur, NikitaKhroutchtchev décide de changer de politique. Au XXe congrès du PCUS (parti communiste d’Union soviétique), Khroucht-chev dénonce les crimes de Staline et le culte de la personnalité. Il pro-pose aussi d’autres rapports avec les Etats-Unis, ce qu’il va appeler la coexistencepacifique.

Khrouchtchev annonce la coexistence pacifique

Déclaration de Nikita Khrouchtchev au XXe congrès du P.C.U.S. (février 1956)

« L’établissement de relations d’amitié durables entre les deux plus grandes puissances du monde, L’Union soviétique et les États-Unis d’Amérique, aurait une importance majeure pour le renforcement de la paix dans le monde entier. Si l’on faisait reposer les relations entre l’URSS et les États-Unis d’Amérique sur les cinq principes majeurs de la coexis-tence pacifique : respect mutuel, non-ingérence dans les affaires inté-rieures, égalité et avantage réciproque, coexistence pacifique et coopé-ration économique, cela aurait une portée vraiment exceptionnelle pour toute l’humanité. » (…)

Document 35

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Discours de Nikita Khrouchtchev, le 6 juillet 1959

« Votre voisin peut vous plaire ou ne pas vous plaire. Vous n’êtes pas obligé de vous lier d’amitié avec lui ni d’aller en visite chez lui. Mais vous vivez côte à côte, et que faire si ni vous, ni lui ne voulez quitter le lieu auquel vous vous êtes habitués pour vous rendre dans une autre ville ? A plus forte raison, il en est ainsi pour les relations entre les Etats…

Il n’y a que deux issues : ou bien la guerre – et il faut bien dire que la guerre – au siècle des missiles et de la bombe à hydrogène, est grosse des conséquences les plus graves pour tous les peuples – ou bien la coexistence pacifique. Que ton voisin te plaise ou non, il n’y a rien d’autre à faire que trouver un terrain d’entente avec lui car nous n’avons qu’une seule planète. »

Commentaire

Telle que la définit Khrouchtchev au XXe congrès du P.C.U.S., la coexis-tence pacifique recouvre des ambitions qui vont bien au delà du simple statu quo géo-stratégique. Bien sûr, les États-Unis doivent reconnaître la puissance de l’URSS et accepter de ne pas chercher à la déstabiliser. De son côté, Khrouchtchev parle de la nécessité d’une non-ingérence dans les affaires intérieures de son rival. On notera à ce propos que la suppression du Kominform en 1956 a pu apparaître comme un geste de bonne volonté de la part du leader communiste. Mais force est de constater que Khrouchtchev fut déçu dans ses espoirs de coopération économique. Ni le Président Eisenhower, ni son successeur Kennedy ne s’engagèrent dans cette voie.

Du reste, la coexistence pacifique ne faisait pas l’unanimité au sein même du P.C.U.S. C’est pourquoi Khrouchtchev précise à plusieurs reprises, et notamment en 1959, que cette politique n’est pas une affaire de choix. L’URSS et les États-Unis ne peuvent pas faire autrement que se tolérer dans la mesure où l’arme nucléaire rend le recours à la guerre à peu près impossible.

Khrouchtchev considère qu’il était plus profitable pour l’URSS de cher-cher une entente minimum avec les États-Unis. Khrouchtchev se rend aux États-Unis en 1959 à l’invitation du président Eisenhower. En 1961, il rencontre le présidentKennedy en 1961.

Il cherche à placer la compétition sur un plan plus pacifique, en particu-lier la conquête de l’espace. Ainsi, en 1957, les Soviétiques parviennent à mettre en orbite autour de la Terre, lepremiersatelliteartificiel, Spout-nik. En 1961,ilssontlespremiersàenvoyerunhommedansl’espace, ce fut YouriGagarine. Ces succès soviétiques poussent Kennedy à aug-menter les crédits de la N.A.S.A. (National Aronautics and Space Admi-nistration) et à lancer le programme Apollo qui permit aux Américains d’atteindre la Lune en 1969.

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5. Des tensions qui demeurent

Cette volonté de rapprochement n’exclut pas de nouvelles tensions. En octobre 1956, c’est la révolution hongroise. Le dirigeant communiste réformateur, ImreNagy, est plus ou moins à l’origine d’une révolution qui d’abord anti-stalinienne, prend rapidement un tour anti-soviétique. Imre Nagy rétablit pour quelques semaines la liberté de la presse, le multipartisme et s’engage sur la voie de réformes démocratiques. Ne pouvant tolérer l’évolution de cette démocratie populaire et le risque de voir la Hongrie basculer dans le camp occidental, Khrouchtchev ordonne aux chars soviétiques d’écraser la révolution hongroise. L’invasion de la Hongrie par l’Armée rouge engendre de véritables combats qui se sol-dent par la mort de 20 000 Hongrois. Néanmoins, tout en condamnant, les puissances occidentales ne bougent pas. Arrêté par les Soviétiques, Imre Nagy est exécuté par pendaison le 16 juin 1958.

Les derniers appels de Radio Kossuth, radio libre de Budapest

Kossuth, véritable héros national hongrois, fut le leader de la révolution hongroise de 1848-1849, déjà écrasée par les troupes russes.

Tout au long de la journée du 4 novembre, les appels au secours lancés vers l’Occident par gouvernement hongrois se succèdent.

« 4 h 20.

Ici, Imre Nagy, président du Conseil. Aujourd’hui, à l’aube, les troupes soviétiques ont déclenché une attaque contre la capitale (Budapest) avec l’intention évidente de renverser le gouvernement légal de la démocratie hongroise. Nos troupes combattent. Le gouvernement est à son poste. J’en avertis le peuple hongrois et le monde entier ».

Le texte est alors rediffusé sur les ondes en anglais, en russe et en fran-çais.

« Ici l’Union des écrivains hongrois ! A tous les écrivains du monde, à toutes les fédérations savantes, à toutes les académies et associations scientifiques, à l’intelligentsia du monde entier !

Nous demandons à chacun de vous votre aide et votre soutien. Il n’y a pas d’instant à perdre. Vous savez ce qui se passe. Il est inutile d’en dire plus long. Aidez la Hongrie. Sauvez les écrivains, les savants, les paysans de Hongrie et notre intelligentsia ! Au secours ! Au secours ! Au secours ! »

À 7 h 28, Radio Kossuth cesse d’émettre.

En novembre 1956, c’est l’intervention franco-israélo- britannique àSuez. Après la nationalisation du canal de Suez, qui appartenait à une compagnie franco-britannique, par le président Gamal Abdel Nasser, les Français et les Britanniques décident de reprendre possession du canal par la force. Les parachutistes français sautent sur Port-Saïd le 6 novembre 1956. En quelques heures, l’armée égyptienne est bous-culée mais la crise militaire devient une crise diplomatique interna-tionale. L’URSS menace la France, la Grande-Bretagne et Israël d’une

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59Séquence 4 – HG11

frappe nucléaire tandis que les États-Unis du président Eisenhower, qui désapprouvent depuis le début cette expédition néo-coloniale, font éga-lement pression sur les Britanniques et les Français pour qu’ils interrom-pent immédiatement leur offensive. Au bout de même pas quatre jours, les Franco-Britanniques, ainsi que les Israéliens, cédant à la pression des E.U., de l’URSS et de l’ONU, mettent fin à leur attaque. Nasser a su transformer une défaite militaire en victoire politique. Il apparaît dès lors comme un des leaders incontesté du Tiersmonde, celui qui a fait plier les anciennes puissances coloniales.

Quant à la Grande-Bretagne et à la France, elles sont ravalées, aux yeux du monde, au rang de puissances de second ordre.

6. Un regain de tension : le début des années 1960

Le début des années 1960 est marqué par un regain de tensions. En1961, pour séparer de manière étanche les deux parties de Berlin et empêcher les Allemands de l’Est de fuir vers l’Ouest, les autorités com-munistes de R.D.A, en accord avec Khrouchtchev, ordonnent la construc-tiondumurdeBerlin.

Mais, c’est en 1962que se déroule lacriselaplusgravedelaGuerrefroide,lacrisedesfuséesdeCuba. Après la révolution cubaine de 1959, Fidel Castro était arrivé au pouvoir et s’était rapidement rapproché du camp soviétique. En 1962, l’URSS tente d’installer des missiles dans l’île. Les Américains s’en rendent compte et, prenant l’opinion amé-ricaine à témoin par une intervention télévisée, John Fitzgerald Ken-nedy exige le retrait immédiat des missiles soviétiques de l’île. Devant la détermination du Président Kennedy et les risques bien réels de 3e guerre mondiale, Khrouchtchev recule et accepte de retirer ses fusées contre l’engagement américain de ne pas attaquer Cuba et de retirer leurs propres fusées de Turquie. Cet échec entraîne indirectement la chute de Khrouchtchev en 1964.

7. La Détente (1969-1975)

Les nouveaux dirigeants de l’URSS, en particulier Leonid Brejnev, ne souhaitent pas revenir à la politique de force de la période stalinienne. Les relations Est-Ouest sont alors marquées par une période de gel où chacun des deux protagonistes se satisfait des positions acquises. En 1963, le«téléphonerouge», qui relie directement la Maison blanche (siège de la présidence américaine) et le Kremlin (siège du gouverne-ment soviétique), est créé.

Le président Richard Nixon, élu président des États-Unis en 1968, adopte la stratégie des « représailles graduées » et accepte, au début des années 1970 le principe d’un condominium.

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Richard Nixon décide, en février 1972, de profiter de la brouille entre l’URSS et la Chine communiste en nouant des relations diplomatiques avec celle-ci. C’est une manière pour lui de faire pression sur l’Union Soviétique pour qu’elle accepte sa politique d’ouverture. En juin de la même année (1972), il se rend donc à Moscou pour un sommet soviéto-américain qui permet aux deux superpuissances de nouer des relations d’un nouveau type.

Cette nouvelle ambiance aboutit à des accords commerciaux et poli-tiques;c’estcequ’onappelle laDétente. Les États-Unis acceptent de vendre du blé à l’URSS et Richard Nixon et le dirigeant soviétique LeonidBrejnev signent les accordsSALT 1 (le 26 mai 1972).

La politique de Richard Nixon* coïncide en Europe avec celle du chan-celier de la RFA, WillyBrandt. Devenu chancelier en 1969, il mène une politiqued’ouvertureversl’Estappeléel’Ostpolititik. Celle-ci se traduit par la reconnaissance officielle de la RDA et la reconnaissance du statut de Berlin. Willy Brandt se rend également en voyage officiel en URSS et dans les démocraties populaires, notamment en RDA et en Pologne où il s’agenouille, à Varsovie devant le monument aux victimes juives du ghetto de Varsovie dans un geste qui eut un retentissement mondial.

Willy Brandt agenouillé devant le monument aux victimes du ghetto de Varsovie

Brandtquiétaitpourtantanti-nazietquiavaitfuil’Allemagneaprèsl’ar-rivéed’Hiltleraupouvoir,demandepardonaunomdel’Allemagneetdupeupleallemandàtouteslesvictimesdelabarbarienazie.

Document 37

© Suddeutsche Zeitung/Rue des

Archives.

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61Séquence 4 – HG11

8. La conférence d’Helsinki (1975) couronnement de la Détente

Malgré les nouvelles relations que les Américains et les Soviétiques tentent de nouer à la fin des années 1960, plusieurs crises jalonnent la période. En août 1968,leprintempsdePrague (tentative de libéralisa-tion menée par le dirigeant communiste Dubcek en Tchécoslovaquie) est écrasé par les troupes du Pacte de Varsovie sans provoquer de réactions majeures du côté occidental.

De leur côté, les États-Unis s’investissent massivement danslaguerreduVietnam (1965-1975) à partir de 1965. Soutenant le régime du Sud-Viet-nam contre lerégimecommunisteduNord-Vietnam,dirigéparHôChiMinh, ils finissent par perdre le conflit. Nixon cherche à se désengager de cette guerre en signant les Accords de Paris en janvier 1973. Ceux-ci n’empêchent pas les forces communistes du Vietcong et de l’armée nord-vitenamienne de vaincre le Sud-Vietnam et de réunifier le pays en 1975. Les derniers soldats américains quittent le Vietnam au moment de la chute de Saïgon qui est alors rebaptisée Ho Chi Min Ville

Ces difficultés n’empêchent pas la conférence sur la sécurité et la coo-pération en Europe d’aboutir à la réunion de la conférence d’Helsinki(30juillet-1eraoût1975). Dans l’Acte final, signé par tous les partici-pants y compris l’URSS, les Etats présents s’engagent à reconnaître la validité des frontières de l’Europe et à faire respecter les droits de l’Homme. Cet engagement restera lettre morte.

9. La fin des années 1970 et les derniers soubresauts de la guerre froide

En Extrême-Orient, la chute de Saïgon en 1975 ne signifie pas le retour à la stabilité dans la région. En 1975, les Khmers rouges, dirigés par Pol Pot s’emparent du pouvoir au Cambodge et commettent sur leur propre peuple un des pires génocides de l’histoire. Après avoir vidé les villes de leurs habitants (car la ville était jugée corruptrice), ils massacrent par travail forcé, mauvais traitements et exécutions massives entre 2 et 3 millions de Cambodgiens, soit le 1/3 de la population du pays. L’inter-vention militaire du Viet-Nam communiste en 1979 met fin à cette folie criminelle. La fin des années 1970 est encore marquée par le phéno-mène des boat people qui fuient le Vietnam communiste.

EnAsiecentrale,l’URSSenvahitl’Afghanistanendécembre1979. Les raisons de cette intervention sont sans doute multiples mais ce qu’il faut retenir, c’est que l’Armée rouge va se retrouver rapidement embourbée dans un conflit dont elle sortira vaincue. Le président des E.U. Jimmy Car-ter condamne cette intervention et impose une diminution des quantités de blé livrées à l’URSS par les Etats-Unis. Par ailleurs, un vastemouve-mentderésistanceislamiste, notamment soutenu par l’Iran et surtout

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62 Séquence 4 – HG11

arméparlesÉtats-Unis, se développe et combat les Soviétiques au nom du djihad (Guerre sainte). En 1988-1989,MikhaëlGorbatchev décide de retirer ses troupes et l’Afghanistan s’enfonce dans une guerre civile qui se poursuit jusqu’à nos jours.

10. « America is back »

La défaite américaine au Viêt-Nam, la prise d’otages de l’ambassade américaine de Téhéran, la victoire des sandinistes au Nicaragua sem-blaient marquer le recul de la puissance américaine. C’est avec le slogan « America is back » (« L’Amérique est de retour ») que RonaldReagan est élu en novembre 1980 président des Etats-Unis. Très anti-communiste, il va s’employer à faire reculer la puissance soviétique qu’il décrit comme «l’EmpireduMal».

Discours inaugural du président Reagan, 20 janvier 1980 (extraits)« America is back »

« Avec les voisins et alliés qui partagent notre idéal de liberté, nous renforcerons nos liens historiques et nous les assurerons de notre sou-tien et de notre ferme engagement. Nous répondrons à la loyauté par la loyauté. Aux ennemis de la liberté, à ceux qui sont nos adversaires poten-tiels, nous rappellerons que la paix est la plus haute aspiration du peuple américain. Nous négocierons pour elle, nous nous sacrifierons pour elle mais nous n’abdiqueront jamais pour elle, maintenant ni jamais. Notre patience ne devra jamais être mal comprise. Notre répugnance pour les conflits ne devra pas être interprétée comme un manque de volonté. Lorsqu’une action sera nécessaire pour préserver notre sécurité natio-nale, nous agirons. Nous maintiendrons une force suffisante pour l’em-porter si nécessaire »

1 À quels États Reagan fait-il référence lorsqu’il parle des « voisins et alliés qui partagent notre idéal » ? Quel est l’événement qui, en Europe, au début des années 1980, semble confirmer l’engagement militaire américain ?

2 Que veut dire Ronald Reagan lorsqu’il déclare que les Américains, même s’ils aiment la paix, « n’abdiqueront jamais pour elle » ?

3 Pourquoi, d’après vous, est-ce important que Ronald Reagan tienne un discours de fermeté à l’égard de l’URSS ?

4 Que signifie la phrase : « Nous maintiendrons une force suffisante pour l’emporter si nécessaire » ?

5 Cette apparente fermeture à tout dialogue constitue-t-elle la seule ligne politique de Ronald Reagan au cours de ses deux mandats pré-sidentiels ?

Document 38

Questions

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63Séquence 4 – HG11

1 C’est très vraisemblablement à ses alliés de l’OTAN, en l’occurrence les pays d’Europe occidentale, ainsi que le Canada que Ronald Rea-gan fait référence. Il prend l’engagement de soutenir l’Europe contre l’URSS et on peut considérer que l’installation des fusées Pershing, faisant face aux SS 20 soviétiques en est une des manifestations.

2 Ronald Reagan rappelle que dans son esprit, et celui de nombre de ses concitoyens, les États-Unis ont toujours été du côté de la liberté, de la démocratie et de la paix. Mais, si une puissance – en l’occurrence l’URSS – mettait celles-ci en danger, les États-Unis seraient prêts à se battre pour elles.

3 Aux yeux de l’opinion américaine et en particulier de son électorat, le communisme et le Tiers monde – comme le montre l’affaire des otages de l’ambassade américaine de Téhéran – ont bafoué et humilié la puissance américaine. Après la défaite du Viêt-Nam, Reagan tient à ses concitoyens le discours selon lequel que les États-Unis ne sont pas en déclin et vont réussir à faire de nouveau reculer le commu-nisme.

4 La phrase « Nous maintiendrons une force suffisante pour l’emporter si nécessaire » signifie que Ronald Reagan a l’intention de rattraper l’URSS en matière d’armement nucléaire. Il annonce implicitement le redémarrage de la «courseauxarmements», qui s’était quelque peu ralenti au cours des années 1970, pendant la détente. L’exemple le plus significatif de cette politique sera l’Initiative de défense straté-gique (IDS).

5 Reagan reste aux yeux de l’histoire comme un président qui combattit avec la plus extrême ardeur le communisme et l’URSS, allant jusqu’à baptiser celle-ci d’empire du mal. C’est pourtant ce même Ronald Rea-gan qui revient sur les décisions de Jimmy Carter et qui augmente les quantités de blé vendu aux Soviétiques. C’est toujours Ronald Regan qui accepta de négocier les grands accords de désarmement nucléaire de la fin de la guerre froide avec Mikhaïl Gorbatchev (accords de Washington, 1987). Reagan fut toujours profondément anti-commu-niste mais ceci ne l’empêcha pas de faire preuve à plusieurs reprises d’un pragmatique en matière de politique étrangère.

Au Nicaragua, Ronald Reagan soutient une guérilla anti-sandiniste, les contras et renouvelle son appui aux dictatures anti-communistes comme au Salvador. En 1983, il envoie les troupes américaine dans la petite île de la Grenade, dans les Caraïbes, renverser le régime pro-soviétique et pro-cubain. Le but étant d’éviter la propagation des régimes pro-sovié-tiques aux portes de l’Amérique.

En 1984-1985, les E.U. décident de proposer à leurs alliés européens de l’OTAN l’installation de fusées nucléaires de courte portée Pershing II afin de répondre à la menace des fusées soviétiques SS 20 pointées

Réponses

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vers l’Europe de l’Ouest, cela malgré l’opposition des milieux pacifistes européens. Cette situation inspira la réflexion suivante à François Mit-terrand : « Les fusées sont à l’Est, les pacifistes à l’Ouest ».

Reagan lance également le programme « Initiative de défense straté-gique » IDS, bientôt surnommé « guerre des étoiles ». Il s’agissait de protéger le territoire américain par un réseau de satellites capables de détruire les missiles soviétiques. Ce projet relevait davantage de la science-fiction que des vraies capacités scientifiques américaines, mais il contribua à renforcer encore l’épuisement financier de l’URSS, inca-pable de suivre cettecourseauxarmements.

11. La fin de la guerre froide

L’arrivéedeMikhaïlGorbatchevaupouvoirenURSSen1985, contribue à changer les relations entre les deux super-grands. Proposant un désar-mement nucléaire partiel aux Etats-Unis, Gorbatchev rencontre Reagan dès 1986 à Reykjavik En 1987, les deux hommes signent le traité deWashington (décembre 1987) qui impose la destruction de toutes les armes nucléaires à courte et à moyenne portée. Les armes à longue por-tée feront également l’objet d’un accord de limitation en 1991, signé entre George Bush (père) et Gorbatchev.

Dans la foulée des réformes engagées par Mikhaïl Gorbatchev sous le nom de Glasnost et de Perestroïka, les sociétés des démocraties popu-laires se mettent à bouger. L’année 1989 est celle de la libération des peuples d’Europe centrale et orientale. C’est en Hongrie, d’abord que le régime communiste s’écroule après l’ouverture du rideau de fer à la frontière hungaro-autrichienne. La contestation de l’ordre communiste est également précoce en Pologne et en RDA. A l’automne 1989, les Allemands de l’Est prennent l’habitude de se réunir pacifiquement dans les grandes villes du pays et notamment à Dresde et à Leipzig, en Saxe. En dépit des demandes des dirigeants communistes est-allemands, et notamment d’Erich Honecker, Gorbatchev refuse d’utiliser les troupes soviétiques présentes en RDA pour rétablir l’ordre. Et danslanuitdu9au10novembre1989,leMurdeBerlins’écroule sous les coups de pioche et de masse des Berlinois. Les deux Allemagne se retrouvent ; lafindeladivisiondeBerlin,villesymboledelaGuerrefroide,annoncelafindececonflit.

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65Séquence 4 – HG11

La chute du Mur de Berlin 9-10 novembre 1989

Les dictatures communistes d’Europe de l’Est s’écroulent une à une, la dernière étant celle de Nicolae Ceaucescu, le 22 décembre 1989.

Bien loin de l’Europe, les étudiants chinois de la place Tienanmen de Pékin manifestent en avril – juin 1989 pour la fin de la dictature com-muniste en Chine. En cette année du bicentenaire de la Révolution fran-çaise, un vent de liberté semble souffler sur le monde. L’intervention de l’armée chinoise, décidée par Deng Xiao Ping et la répression qui s’en suit écrase le mouvement et rappelle au monde que, dans « l’Empire du Milieu » (autre nom de la Chine) le temps de la liberté n’est pas encore venu.

12. La fin de l’URSS et du communisme en Europe

Face aux difficultés économiques intérieures, la Glasnost et la Peres-troïka sont de moins en moins soutenues par la population soviétique, et au niveau international, l’URSS abandonne bientôt toute aide écono-mique à Cuba.

En 1991, l’URSS disparaît à son tour cédant la place à une poussière d’Etats et à la Russie, son héritière, et à la CEI.

La Russie, dirigée par Boris Eltsine de 1991 à 1999 puis par Vladimir Poutine (1999-2008), hérite de l’arsenal nucléaire de l’ex-URSS. Parmi les Etats issus de l’ex-URSS, plusieurs se révèlent particulièrement ins-tables (coups d’Etat, proclamation de républiques séparatistes comme en Moldavie ou en Géorgie avec l’Ossétie du sud. La proclamation de l’indépendance de la Tchétchénie (dont le statut officiel est celui de répu-

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Archives.

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blique autonome de la Fédération de Russie, provoque l’intervention de l’armée russe et deux guerres dont les victimes furent essentiellement les populations civiles.

Tout en prolongeant les orientations de la politique étrangère soviétique dans plusieurs zones régionales – le Proche-Orient, l’Asie centrale… - la Russie, au cours des années 1990, se rapproche des E.U. et de l’Europe de l’Ouest, ce qui se traduit notamment par la signature de l’accord de Paris (mai 1997) qui prévoit que l’OTAN et la Russie noueront des liens de coopération. Néanmoins, dans les années 2000, la volonté de l’ad-ministration Bush (George Bush fils) de faire entrer dans l’OTAN des Etats issus de l’ex-URSS comme la Géorgie ou l’installation du bouclier anti-missile américain dans d’anciens communistes d’Europe centrale, comme la République tchèque, sont ressenties comme autant de provo-cations par le gouvernement russe. L’élection de Barack Obama en 2008 permet cependant aux E.U. et à la Russie de rétablir de meilleures rela-tions diplomatiques.

De nouveaux espaces de conflictualité

1. La fin d’un monde bipolaireLes années 70 sont marquées par une recrudescence de conflits dans des zones jusqu’alors moins touchées par la Guerre froide, comme le continent africain. C’est par exemple la guerre civile éthiopienne qui éclate à la suite du coup d’Etat militaire de 1974. Ce putsch avait pro-voqué la chute de la monarchie du Negus (= roi) Haïlé Sélassié (1892-1975) et la mise en place d’une junte d’orientation communiste dans un pays qui était jusqu’alors un fidèle allié des E.U.

Mais, les années 1970 marquent surtout la fin d’un monde bipolaire, c’est-à-dire, qu’avant même la disparition de l’URSS en 1991, les rela-tions internationales ne s’organisent plus seulement autour de la rivalité Est-Ouest mais de nouvelles zones de tension apparaissent (ou se déve-loppent), en particulier au Moyen Orient selon une logique qui échappe à celle de la confrontation entre les États-Unis et l’URSS.

2. Les origines du conflit israélo-arabeLa création d’Israël trouve son origine dans la naissance dumouvementsionistecréé par l’autrichien de religion juive, Theodor Herzl à la fin du XIXe siècle. Dès 1917, avec la déclaration Balfour (Lord Balfour était alors le ministre des Affaires étrangères britannique), les Britanniques s’engagent à créer un foyer national juif en Palestine. Ceci est en totale contradiction avec l’engagement pris par ce même gouvernement britan-

B

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nique à l’égard des populations arabes de la région de reconnaître leur indépendance après la victoire contre les Ottomans. Il s’agissait pour les Britanniques d’obtenir le soutien des populations arabes et juives de la région dans le combat qui les opposait à l’empire ottoman, allié de l’Allemagne, et qui contrôlait alors tout le Proche et le Moyen-Orient.

La défaite turque amène la disparition de l’Empire ottoman mais les peuples arabes ne reçoivent par l’indépendance promise pas plus que les populations juives.

Alors que les Français s’installent au Liban et en Syrie, les Britanniques reçoivent de la S.D.N., sous forme de mandats(voir la séquence sur La colonisation et la décolonisation), la Palestine, l’Irak, la Transjordanie (futur royaume de Jordanie).

Carte de l’évolution territoriale d’Israël en 1947, 1948, 1967 et 2002

Remarquez le caractère problématique du plan de partage de l’ONU de 1947. Celui-ci aboutissait à créer des territoires morcelés peu viables politiquement et économiquement.

Sur la carte d’Israël, à l’issue de sa victoire sur les Etats arabes lors de la guerre des Six jours apparaissent ce qu’on appelle, à partir de 1967, les Territoiresoccupés :

▶ la Cisjordanie

Document 40

Suez

Beyrouth

Haïfa

Nazareth

JérusalemJérusalem

Tel-Aviv Tel-Aviv

Naplouse

JérichoBethléem

Hébron

Ramallah

Gaza Gaza

Bandede Gazaannexéepar l'Égypte

PALESTINE ISRAËL ISRAËLSINAÏ

JORDANIE JORDANIE JORDANIE

JORDANIE

ÉGYPTE

ÉGYPTE ÉGYPTE ÉGYPTE

ARABIESAOUDITE

SYRIESYRIE SYRIE

LIBAN LIBAN LIBANMer

Méditerranée MerMéditerranée

MerMéditerranée

MerMéditerranée

Mer Rouge

Mer Morte

Lac deTibériade

1947 1948 1967 2002

CISJORDANIE CISJORDANIE

CISJORDANIE

GOLAN

GOLAN

Jérusalem

Jérusalem

annexée par la Jordanie occupée depuis 1967

annexéen 1981

SYRI

E

LIBAN

Bandede Gaza

Port-Saïd

50 km 50 km 50 km100 km

Palestine britannique

État juif

État arabe

Zone internationale

Pays arabes

Le plan de partage de l'ONU

État d'Israël

Pays arabes

Jérusalem partagéentre Israël et Jordanie

Après la guerred'indépendance

Israël (frontières de 1948)

Jérusalem réunifiée Jérusalem réunifiée

Territoires occupéspar Israël en 1967

Territoires occupésou annexés par Israël

Territoires autonomesde Palestine

Offensives israéliennesen juin 1967

Les conquêtes de la guerredes Six jours

Israël (frontières de 1948)

Israël et la Palestine

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68 Séquence 4 – HG11

▶ la Bande de Gaza

▶ Jérusalem-est

▶ le plateau du Golan

et qui, à l’exception de la bande Gaza, sont encore entre les mains des Israéliens depuis près d’un demi-siècle.

Dans la Palestine de l’Entre-deux-guerres, contrôlée par les Britanniques, la cohabitation entre juifs et Arabes est de plus en plus difficile alors que les installations juives se développent, notamment sous la forme de fermes coopératives, les kibboutz. La fin de la Seconde Guerre mondiale provoque l’arrivée en masse des rescapés de l’Holocauste. Les Britanniques cher-chent alors à empêcher cette arrivée en interceptant les bateaux de réfu-giés, l’exemple le plus connu étant celui de l’Exodus en 1947. De son côté, la Ligue arabe s’oppose également dès 1944 à cet afflux de colons juifs.

Dépassés par les violences communautaires entre Arabes et juifs et dési-reux d’évacuer la région, les Britanniques confient à l’ONU le soin de trouver une solution au problème israélo-arabe. Celle-ci vote en 1947 un plan de partage de la Palestine entre juifs et Arabes mais celui-ci est refusé par les Arabes. Le 14 mai 1948, le dirigeant David ben Gourion proclame alors unilatéralement l’indépendance d’Israël. Cette indépen-dance est immédiatement reconnue par les deux grandes puissances les États-Unis et l’URSS, La France également la reconnaît. Mais elle engendre l’entrée en guerre immédiate des Etats arabes voisins (Égypte, Syrie, Jordanie, Liban et Irak) qui sont vaincus par Israël.

3. Les guerres israélo-arabesLe Proche-Orient a connu quatre guerres israélo-arabes entre 1948 et 1973 :

▶ en 1948-1949

▶ en 1956

▶ en 1967, la guerre des Six Jours

▶ la guerre du Kippour en 1973.

Israël sort vainqueur de la guerre de 1948-1949 et obtient une extension des territoires alloués par le plan de partage onusien. La victoire israé-lienne engendre l’exode de 600 000 Palestiniens vers la Jordanie et le Liban.

Dans les années qui suivent, la « Loi du retour », votée en 1950, auto-rise tout juif qui en fait la demande à émigrer vers Israël. Dans le même temps, David ben Gourion et le parti travailliste, dont il fut un des fon-dateurs, mettent en place en Israël une démocratie sur le modèle occi-dental.

Israël participe à l’expédition franco-britannique contre l’Egypte en 1956, lors de la crise de Suez. Malgré la victoire militaire, la pression interna-tionale contraint l’armée israélienne à évacuer le Sinaï (voir la carte du

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document 42). En 1967, c’est la 3e guerre israélo-arabe, la GuerredesSixjours. Face à la politique agressive de Nasser et à la montée du natio-nalisme arabe avec la victoire de partis Baasen Syrie et en Irak, l’Etat israélien prend l’initiative du conflit et vainc les armées égyptiennes et syriennes en six jours, s’emparant du Sinaï,delaCisjordanieetdupla-teauduGolan, créant ainsi le problème des «Territoiresoccupés», dont la population palestinienne refuse ce statut et l’occupation progressive de leurs terres par l’implantation des colonies juives, colonies de peu-plement et de développement économique.

Le prestige de Nasser diminuant dans le monde arabe à la suite de cette défaite, l’Arabie Saoudite tend à devenir la référence idéologique du monde sunnite, tout en s’employant à répandre dans le monde arabe une conception particulièrement rigoriste de l’islam, le wahhabisme.

LaGuerredesSixjoursmarqueaussil’affirmationdu«problèmepales-tinien».En 1964, plusieurs organisations palestiniennes se regroupent et donnent naissanceàl’O.L.P.(OrganisationdelibérationdelaPales-tine) dirigée à partir de 1969 par YasserArafat, le fondateur du Fatah.Après 1967, l’OLP qui refuse le partage de 1947 et ne reconnaît pas Israël, se lance dans la lutte armée. Celle-ci sera ponctuée de détourne-ments d’avions, d’attentats (comme l’exécution des athlètes israéliens aux Jeux Olympiques de Munich en 1972 par un commando palestinien dénommé Septembre noir), de prises d’otages et par l’expulsion des combattants palestiniens des pays arabes voisins (de Jordanie en 1970, du Liban en 1982).

4. La guerre du Kippour (1973) et ses conséquences

Après la mort de Nasser (1970), c’est Anouarel-Sadate qui lui succède comme président de l’Egypte. Souhaitant reprendre leSinaïaux Israé-liens, il lance, avec le soutien de la Syrie du président Hafez el Assad qui prend l’offensive sur le plateauduGolan,une attaque surprise contre Israël le 6 octobre 1973, le jour de la fête religieuse du Grand Pardon (Yom Kippour). L’offensive des Egyptiens et des Syriens, qui reçoit éga-lement le renfort de l’aviation irakienne et de nombreux combattants palestiniens du Fatah et jordaniens est d’abord victorieuse.

Surpris et attaqués sur deux fronts, alors que les troupes égyptiennes ont franchi le canal de Suez, Tsahal est d’abord débordé. Ce n’est qu’au bout de dix jours de très durs combats que le général et ministre de la Défense Moshe Dayan, et ses généraux, dont Ariel Sharon vainqueur face aux Egyptiens dans le Sinaï, repoussent les assaillants, passent le canal de Suez en Egypte et atteignent les faubourgs de Damas en Syrie. Finale-ment, les Etats-Unis, l’URSS et le Conseil de sécurité de l’ONU imposent un cessez-le-feu, accepté par les belligérants le 25 octobre 1973.

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70 Séquence 4 – HG11

LescharsisraélienssurlaroutedeDamas

Cette quatrième guerre israélo-arabeestlaplusimportante,nonseulement parce que ce fut laplus meurtrière mais aussi parcequ’elle a directement impliquél’URSS (qui soutenait les Etatsarabes) et les E.U. (soutien d’Is-raël). Le conflit jusqu’ici régionalprend ainsi une dimension mon-diale. Les États arabes membres de l’OPEP décident, à l’initiative

du roi Fayçal d’Arabie Saoudite, le 17 octobre 1973, de réduire leur pro-duction mensuelle de pétrole brut de 5 % afin de contraindre les Israé-liens à évacuer les « Territoires occupés » (Cisjordanie, Sinaï, plateau du Golan). Dans la foulée, ces mêmes Etats décident d’un embargo sur le pétrole exporté vers les Etats-Unis, les Pays-Bas, l’Afrique du Sud, le Portugal… Cette décision provoque une brusqueenvoléedesprixdubrut (multipliés par quatre). C’est ce qu’on appelle le premierchocpétrolier, choc pétrolier qui contribue à déstabiliser les économies des pays indus-trialisés et qui met fin auxTrenteGlorieuses.

5. Le rapprochement israélo-égyptienLe conflit entre l’Egypte et Israël prend cependant fin avec les accordsdeCampDavidsigné en 1978(17 septembre), aux Etats-Unis, grâce à l’en-tremise du président américain Jimmy Carter, par Anouar el-Sadate (qui sera assassiné par des islamisteségyptiens proches des Frères musul-mansle 6 octobre 1981) et le Premier ministre israélien Menahem Begin.

Anouar el Sadate et Menahem Begin à Camp David le 17 septembre 1978

Anouar el Sadate est de dos, Mena-hem Begin est de face, et le président Carter et à droite de la photo.

Document 41

© akg-images/Ullstein Bild.

Document 42

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Les pourparlers entre les deux pays avaient en fait été entamés dès la fin de la guerre du Kippour et aboutirent d’abord à la visite officielle du pré-sident Sadate à Jérusalem en novembre 1977, voyage qui fut notamment ponctué par un discours devant la Knesset (nom du Parlement israélien). Avec les accords de Camp David, Israël s’engage à évacuer le Sinaï (tout en gardant labandedeGaza peuplée de Palestiniens) et à le rendre à l’Egypte. En contrepartie, l’Egypte fut le premier Etat arabe à reconnaître officiellement l’existence de l’Etat d’Israël, décision qui contribua à l’iso-ler pour un long moment au sein du monde arabe.

6. La révolution islamique en Iran

Depuis 1953 et le coup d’Etat contre le Premier ministre Mossadegh, l’Iran était un fidèle allié des Etats-Unis. Mais, en décembre 1978, la dictature du shah Mohammad Reza Pahlavi, doit faire face à une révo-lution qui aboutit au renversement de la monarchie en janvier 1979. Se met alors en place une république islamique, en réalité une dictature religieuse dirigée par l’ayatollah Khomeiny et le clergé chiite. Celle-ci développe une politique anti-occidentale, dirigée en particulier contre le « grand Satan » (les Etats-Unis) et le « Petit Satan » (Israël) qui se traduit notamment par la prise d’otages de l’ambassade américaine et le sou-tien à différents mouvements terroristes, notamment chiites comme le Hezbollah, créé au Liban au moment de l’invasion israélienne en 1982. Le régime est tout aussi hostile à l’égard de l’URSS, le communisme athée étant perçu comme une insulte à la religion musulmane.

La dictature de Khomeiny prétend islamiser totalement la société ira-nienne avec des mesures comme l’obligation du port du voile pour les femmes. La situation chaotique de l’Iran provoque l’écroulement de la production locale de pétrole (l’Iran est un des grands producteurs de pétrole) ce qui engendre le 2echocpétrolier(1979).

L’Iran des mollahs doit en plus, faire face à l’agression de l’Irak de Sad-dam Hussein* qui, en 1980, croyant pouvoir profiter du désordre chez son voisin, l’attaque. Le pari irakien étant d’occuper des territoires pétro-lifères frontaliers, peuplés d’une minorité arabe en échange de la des-truction de l’Iran, ennemi de l’Occident. Dans la guerre Iran-Irak (1980-1988) l’Irak fut largement soutenu par le monde occidental, mais la tentative irakienne échoua face à l’opiniâtreté de la résistance iranienne, minorités arabes et kurdes comprises. Ce conflit fait entre 500 000 et 1,2 million de morts, les deux camps, n’ayant pas voulu fournir de comp-tabilité précise des pertes humaines.

7. Israël et ses voisins arabes

Le Liban est déchiré entre 1975 et 1990, par une guerre civile entre les différentes communautés religieuses qui forment le pays, notamment entre les communautés chrétiennes, chiites et sunnites, druzes… La pré-

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sence des Palestiniens et de l’OLP de Yasser Arafat, expulsée de Jordanie en 1971, après sa tentative de coup d’Etat contre le roi Hussein mais protégés par la Syrie contribue à renforcer les effets de la guerre civile. En 1982, le Premier Ministre israélien Begin décide d’une intervention mili-taire afin de déloger l’OLP de ses camps du sud Liban qui lui servent de bases arrières pour attaquer le nord d’Israël. Tsahal (l’armée israélienne) parvient à encercler l’OLP dans Beyrouth mais, les États-Unis obtiennent du gouvernement israélien un cessez-le-feu et Begin accepte de laisser Arafat partir se réfugier à Tunis. L’armée israélienne demeure cependant dans le sud du Liban jusqu’en 1999.

En 1987, dans les Territoires occupés, éclate la première Intifada(sou-lèvement)qui contribue à attirer l’attention de l’opinion mondiale sur le problème des colonies juives dans les territoires occupés.

Le nouveau « désordre mondial » de 1989 à nos jours

1. La « fin de l’histoire » ?

La fin du communisme en Europe de l’Est et la disparition de l’URSS furent perçues par tous les libéraux occidentaux comme la victoire de l’économie de marché et de la démocratie libérale. C’est à ce moment que le professeur américain d’économie politique Francis Fukuyama for-mule la thèse de la « fin de l’histoire ». Selon lui, la fin de la guerre froide annonce l’émergence d’un nouvel ordre mondial fondé sur l’extension progressive à la planète entière du modèle économique et politique américain.

Cette vision géopolitique optimiste devait être cruellement invalidée par les attentats islamistes du 11 septembre 2001 contre les deux toursduWorldTradeCenter,organisésparAlQaïda.La fin de l’URSS et de la bipartition du monde, loin de contribuer à l’extension d’un ordre mondial, devait aboutir à l’émergence d’un monde plus instable et aux menaces plus diffuses, notammentlamenaceterroriste.

2. L’espoir d’une coopération internationaleLes années 1990 sont pourtant marquées par un renouveau de la coo-pération internationale, visible dèslapremièreguerreduGolfe(1991). En août 1990, les forces irakiennes de Saddam Hussein poursuivant tou-jours leur volonté d’extension au dépend des voisins dotés de champs pétroliers envahissent et occupent le minuscule Koweït. Sous l’égide de l’ONU, George Bush (père) parvient, avec l’assentiment de la Russie, à mettre sur pied une coalition internationale où se retrouvent des soldats

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américains (de très loin les plus nombreux), britanniques, français, mais aussi les troupes de plusieurs Etats arabes dont l’Arabie Saoudite. Les Saoudiens craignent en effet d’être les prochaines victimes des Irakiens. La guerre du Golfe se déclenche en février 1991, elle dure six semaines et aboutit à la libération complète du Koweït. Mais l’Irak n’est pas envahi, Saddam Hussein reste en place (ce qui lui laisse la possibilité d’écraser dans le sang le soulèvement des populations chiites du sud et celles des Kurdes dans le nord du pays) mais l’ONU vote, à l’instigation des E.U. un embargo contre ce pays.

3. Les accords d’Oslo entre Israël et l’O.L.P. (1993)

Afin de résoudre le problème palestinien, le président Bush, également soutenu par la Russie, pousse les Israéliens et les représentants de l’OLP mais aussi de la Syrie et du Liban à se retrouver dans une conférence,àMadrid, en octobre 1991. Cette première tentative de rapprochement ne fait cependant pas l’unanimité et dès 1991, le Hamas fait savoir qu’il refuse toute idée de négociation avec Israël. Ces premières discussions aboutissent cependant aux accords d’Oslo, signés à Washington en1993, sous l’égide de Bill Clinton, entre le Premier ministre israélien Itzhak Rabin et Yasser Arafat.

Signature des accords d’Oslo, Washington, 13 septembre 1993

© Rue des Archives/AGIP. Au centre on trouve Bill Clinton, à gauche Itzhak Rabin et à droite Yasser Arafat qui lui tend la main.

Document 43

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Par ces accords, Israël accepte la création d’une Autoritépalestinienne – Yasser Arafat en devient le premier président après les élections orga-nisées dans les Territoires occupés. Il le demeure jusqu’à sa mort en 2004 et est alors remplacé par Mahmoud Abbas, élu en janvier 2005. Un calendrier de négociations est fixé afin d’aboutir à une véritable indé-pendance de la Palestine. En contrepartie, l’OLP accepte de reconnaître l’existence d’Israël. Ces efforts de paix ne résistent pas cependant aux attentats commis par le Hamas, à l’assassinat d’Itzhak Rabin par un extré-miste juif en 1995, à la seconde intifada débutée fin 2000, aux repré-sailles israéliennes. En 2000, les négociations organisées par Bill Clin-ton à Camp David, pas plus que les rencontres suivantes ne réussissent à trouver une solution à ce qui continue de séparer les autorités pales-tinienne et israélienne : les implantations juives qui se poursuivent, le problème du droit au retour des réfugiés palestiniens, et surtout la ques-tion de Jérusalem-est. Les Palestiniens exigent le retour de Jérusalem-est (occupée par Israël depuis la guerre des Six Jours, considérée par les Israéliens comme réunifiée et devenue la nouvelle capitale israélienne) comme capitale du futur état palestinien. Or, c’est dans cette partie de la ville que se trouve le Mur des lamentations, le lieu le plus saint du judaïsme. La question se complique encore lorsque le Hamas remporte les législatives palestiniennes de 2006. Cette victoire du Hamas aboutit à une véritable guerre civile entre celui-ci et l’OLP en 2007, entraînant de fait la partition du territoire palestinien en deux entités, la Bande de Gaza entièrement contrôlée par le Hamas, et la Cisjordanie qui demeure soumise à l’Autorité palestinienne.

4. L’échec du droit d’ingérenceDans les années 1990, l’ONU tente de théoriser un nouveau type de droit international fondé sur le principe du droit d’ingérence. C’est au nom de ce droit d’ingérence que l’Assemblée générale de l’ONU vote le principe d’une intervention en Somalie en 1992-1993, sous l’égide des E.U. Cette opération, baptisée Restore Hope qui vise à rétablir la paix dans un pays déchiré par la guerre civile et menacé par la famine se solde par un fiasco total. Les troupes de la coalition de l’ONU sont prises pour cibles par les différentes milices somaliennes et se mettent rapidement à dos les populations somaliennes par de multiples bavures. Au bout de quelques mois, les troupes de l’ONU rembarquent, laissant le pays à un conflit qui se poursuit aujourd’hui.

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75Séquence 4 – HG11

5. L’éclatement de l’ex-Yougoslavie (1991-1999)

L’éclatement de l’ex-Yougoslavie et la naissance de nouveaux États dans les Balkans

L’éclatement de la fédération yougoslave est à l’origine de multiples guerres. Dès 1991, la Slovénie et la Croatie proclament leur indépendance. Celle-ci engendre immédiatement de la part de la Serbie, dirigée par Slo-bodan Milosevic, une action militaire. Si les combats s’arrêtent très vite en

Document 44

MerAdriatique

ITALIE

AUTRICHE

SLOVÉNIE

CROATIE

SERBIE

MONTÉNÉGRO

Kosovo

Voïvodine

MACÉDOINE

BOSNIE -HERZÉGOVINE

HONGRIE

ROUMANIE

GRÈCEALBANIE

BULG

ARIE

Belgrade

NoviSad

Pristina

Skopje

PodgoricaDubrovnik

Sarajevo

Sarajevo

Bihac

ZagrebLjubljana

Gorazde

Intervention des troupes de la Communauté internationale

Principales nationalitésen 1989

GorazdeMostar

BihacTuzlaBanja Luka

Srebrenica

Srebrenica

ZepaSplit

Fédération croato-musulmane

Les entités bosniaquesdepuis 1995 (accords de Dayton)

République serbe de Bosnie 100 km

Frontière de l'ex-Yougoslavie en 1989

Frontière des États devenus indépendants depuis 1991La Serbie et le Monténégro forment depuis 1992la «République fédérale de Yougoslavie»

Villes musulmanes déclarées «zones de sécurité»par l'ONU en 1993

Principales zones de conflits

Frontière des régions autonomes sous souveraineté de la Serbie

Slovènes

Croates

Bosniaques musulmans

Macédoniens

Serbes et Monténégrins

Albanais

Hongrois

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Slovénie, tel n’est pas le cas en Croatie. Mal armés, les Croates reculent d’abord mais le combat s’équilibre rapidement en raison des instructeurs et des armes fournis par les États-Unis à l’armée croate. Le conflit prend un tour plus dramatique encore avec la proclamation d’indépendance de la Bosnie, en 1992. Les milices serbes mettent le siège devant la ville de Sarajevo qu’ils bombardent quotidiennement pendant trois ans sous les yeux impuissants des Européens. La guerre de Bosnie est également mar-quée par des opérations de « purification ethnique » où les milices serbes chassent les populations musulmanes de régions entières. A Srebrenica, 6 000 à 8 000 Bosniaques sont éliminés par les troupes serbes dirigées par Ratko Mladic. Ce n’est qu’avec l’intervention militaire de l’OTAN contre la Serbie, décidée par le président Clinton, que la guerre de Bosnie prend fin. Au terme des accordssignésàDayton(1995), la Bosnie devient un Etat indépendant divisé en trois entités serbe, croate et bosniaque. En 1999, enfin, pour mettre fin à l’expulsion des Albanais du Kosovo, l’OTAN intervient à nouveau contre la Serbie.

6. La montée du danger terroristeLes années 1990 sont également marquées par l’affirmation du danger terroriste. Dès les années 1970, des terroristes comme Carlos mènent des actions particulièrement sanguinaires mais les années 1990 voient un ren-forcement du phénomène. Déjà en 1983, le double attentat de Beyrouth, sans doute organisé par le Hezbollah (mouvement islamiste chiite financé par l’Iran et la Syrie), coûte la vie à une soixantaine de soldats français et à 240 soldats américains, envoyés dans ce pays comme casques bleus.

À partir de 1992, c’est l’Algérie qui est victime d’une terrible guerre civile. Lancée par le F.I.S. (Front islamique du salut) et sa branche armée, le G.I.A. (groupe islamique armé) financés par les milieux wahhabites saoudiens, elle fait fera plusieurs centaines de milliers de victimes. Les wahhabites saoudiens financent également d’autres mouvements terroristes dans l’ensemble du monde sunnite : en Indonésie (attentat de Bali, en 2002 qui fait plus de 200 morts), aux Philippines, en Palestine avec le Hamas.

Document 45

Attentats terroriste du World Trade Center, 11 septembre 2001

C’est de ces milieux islamistes qu’est issu Oussama ben Laden. D’abord combattant du djihad contre les Soviétiques en Afgha-nistan, il crée Al-Qaïda en 1993 et dirige dès lors son action, toujours

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menée au nom de la guerre sainte, contre les États-Unis, coupables, à ses yeux, d’occuper les lieux saints de l’islam (des troupes américaines sont en effet stationnées en Arabie Saoudite depuis la première guerre du Golfe). Revenant en Afghanistan en 1996, il s’appuie sur les Talibansqui sont parvenus à instaurer une dictature religieuse de terreur parfaite-ment rétrograde et qui contrôlent le pays de 1996 à 2001. De son sanc-tuaire afghan, il coordonne plusieurs attentats en 1998, au Yémen, en Tanzanie… Et c’est son organisation qui conçoit et exécute les attentatsdu11septembre2001contrelesdeuxtoursduWorldTradeCenter(àNewYork)et lePentagone(àWashington)qui font plus de 3 000 vic-times.

Cette attaque terroriste, sans précédent par son ampleur, sert de justifi-cation à la politique interventionniste de George W. (Walker) Bush. Avec l’aval de l’ONU, une vaste coalition dirigée par les États-Unis intervient en Afghanistan en octobre-novembre 2001 et renverse le régime des Tali-bans. Mais l’administration Bush, soutenue par une efficace campagne médiatique menée par les organes de presse appartenant au milliardaire Rupert Murdoch (en particulier la chaîne de TV Fox News), se lance éga-lement dans laguerred’Irak(ou2eguerreduGolfe)en2003. Celle-ci, menée sans l’aval de l’ONU, conduit au renversement de la dictature de Saddam Hussein et à la mise en place d’un gouvernement proche des E.U. Mais, dans un Irak divisé par les conflits religieux et secoué réguliè-rement par les attentats sunnites ou chiites, cette intervention se révèle désastreuse. Le bilan de la politique de l’administration Bush au Moyen-Orient est maintenant considéré comme un échec pour les Etats-Unis. Son successeur Barak Obama s’efforce de désengager son pays de cette intervention militaire sans provoquer de nouvelles catastrophes.

7. Un monde toujours plus instableNombre d’analystes avaient espéré, à la chute de l’URSS, l’aube d’un monde plus harmonieux. Force est de constater qu’il n’en est rien. Le monde peut paraître aujourd’hui plus instable que jamais. En Afghanis-tan, les Talibans, soutenus par les services secrets pakistanais, et tou-jours maîtres du sud du pays, semblent aujourd’hui en passe de recon-quérir d’importantes régions. L’Irak n’est en rien stabilisé et le départ des troupes américaines pourrait bien aboutir à la guerre civile et à la partition du pays.

Malgré la « guerre contre le terrorisme » que l’administration Bush pré-tendait mener, le risque terroriste est sans doute toujours aussi grand comme en témoignent les multiples attentats à la bombe ou prises d’otages des années 2000 :

ainsi, en Indonésie, en Espagne, avec les attentats de Madrid (11 mars 2004), imputés à Al-Qaïda (200 morts, 1 400 blessés), au Royaume-Uni avec ceux de Londres (7 juillet 2005, 56 morts et 700 blessés), en Inde avec ceux de Delhi (29 octobre 2005, 61 morts, 92 blessés, menés par

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séparatistes musulmans venus du Cachemire) ou les attaques menées à Bombay contre plusieurs hôtels et lieux publics par un commando formé au Pakistan (26 au 26 novembre 2008, 173 morts, 312 blessés) ou encore la Russie régulièrement confrontée à un terrorisme islamiste issu du Caucase.

Une nouvelle donne, imprévisible, surgit à la fin de l’année 2010 avec le « printemps arabe » qui se traduit par une flambée révolutionnaire à travers l’ensemble du monde arabe. Des régimes autoritaires et corrom-pus alliés de l’Occident sont chassés du pouvoir en Tunisie et en Egypte. Une véritable guerre civile embrase la Libye. Et des révoltes populaires soulèvent le Proche-Orient, affectant aussi les monarchies absolues de la péninsule arabe. n

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