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1 GROUPEMENT DE TEXTES : LA TRAGEDIE AU XVII° CORPUS : Racine, Phèdre, Acte I, sc1(exposition) Racine, Phèdre, Acte I,sc 3 Racine, Bérénice, acte IV, sc5 Corneille, Le Cid, acte TEXTES COMPLEMENTAIRES ET PROLONGEMENTS Anouilh, Antigone, Prologue Mise en scène de Phèdre de Racine par Chéreau LECTURES CURSIVES Sophocle, Antigone Ou une tragédie classique au choix : Andromaque de Racine / EXPOSES Clacissisme HISTOIRE DES ARTS : XVII° : ENTRE BAROQUE ET CLASSICISME Peinture, sculpture, architecture et musique. DEVOIRS DU GROUPEMENT Ecriture d’invention : Aveu de Phèdre à Oenone Travail sur le prologue d’Antigone, Anouilh Commentaire : Racine , Bérénice, IV,5 Extrait tirade Phèdre à apprendre Fiches sur chaque œuvre Fiche sur théâtre classique : la tragédie

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Page 1: Groupement textes Théâtre 2° · Phèdre, acte I, scène 1, vers 1-56 Une scène d’exposition est nécessaire pour que le spectateur comprenne la situation dans la quelle se trouve

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GROUPEMENT  DE  TEXTES  :  LA  TRAGEDIE  AU  XVII°  

CORPUS  :    

Racine, Phèdre, Acte I, sc1(exposition) Racine, Phèdre, Acte I,sc 3 Racine, Bérénice, acte IV, sc5 Corneille, Le Cid, acte

TEXTES  COMPLEMENTAIRES  ET  PROLONGEMENTS  

Anouilh, Antigone, Prologue Mise en scène de Phèdre de Racine par Chéreau

LECTURES  CURSIVES  

Sophocle, Antigone Ou une tragédie classique au choix : Andromaque de Racine /

EXPOSES    

Clacissisme

HISTOIRE  DES  ARTS  :  XVII°  :  ENTRE  BAROQUE  ET  CLASSICISME  

Peinture, sculpture, architecture et musique.

DEVOIRS  DU  GROUPEMENT  

• Ecriture d’invention : Aveu de Phèdre à Oenone • Travail sur le prologue d’Antigone, Anouilh • Commentaire : Racine , Bérénice, IV,5 • Extrait tirade Phèdre à apprendre • Fiches sur chaque œuvre • Fiche sur théâtre classique : la tragédie

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TEXTE  1  RACINE,  PHEDRE,(1677)  ACTE  I,  SC  1  

Phèdre est une tragédie de Racine datant de 1677. Il s'agit d'une pièce parfaitement représentative du théâtre classique du dix-septième siècle. L’héroïne donne son titre à la pièce (roman éponyme) Phèdre, l’épouse du héros Thésée, tombe amoureuse du premier fils de celui-ci : Hippolyte. Cette passion, considérée comme incestueuse, va provoquer le malheur de Phèdre et de son entourage. La première scène de Phèdre, est, bien sûr, une scène d'exposition. Comme toutes les scènes d'exposition, elle est destinée à donner au spectateur les informations dont il a besoin pour comprendre la pièce. Mais elle est aussi une scène d'aveu

Hippolyte Le dessein en est pris, je pars, cher Théramène1, Et quitte le séjour de l'aimable Trézène. Dans le doute mortel dont je suis agité, Je commence à rougir de mon oisiveté. Depuis plus de six mois éloigné de mon père, J'ignore le destin d'une tête si chère; J'ignore jusqu'aux lieux qui le peuvent cacher.

Théramène Et dans quels lieux, Seigneur, l'allez-vous donc chercher ? Déjà pour satisfaire à votre juste crainte, J'ai couru les deux mers que sépare Corinthe. J'ai demandé Thésée2 aux peuples de ces bords Où l'on voit l'Achéron3 se perdre chez les morts. J'ai visité l'Elide4, et laissant le Ténare5, Passé jusqu'à la mer qui vit tomber Icare6. Sur quel espoir nouveau, dans quels heureux climats Croyez-vous découvrir la trace de ses pas ? Qui sait même, qui sait si le roi votre père Veut que de son absence on sache le mystère ? Et si lorsque avec vous nous tremblons pour ses jours, Tranquille, et nous cachant de nouvelles amours, Ce héros n'attend point qu'une amante abusée…

                                                                                                                                       1 Théramène : 2 Thésée : Roi d’Athènes, l’un des plus grand héros de la Mythologie 3 Achéron : Fleuve grec. Dans la mythologie grecque, l'Achéron est une branche de la rivière souterraine du Styx, sur laquelle Charon transportait en barque les âmes des défunts vers les Enfers. 4 Elide : région de la Grèce, située à l’Ouest de la péninsule du Péloponnèse sur la mer Ionienne 5  C’est le point le plus au sud de la Grèce continentale et du continent européen. Le Ténare est aussi un fleuve. 6 Dans la mythologie grecque, Icare est le fils de l'architecte athénien Dédale et d'une esclave crétoise, Naupacté . Il est connu principalement pour être mort après avoir volé trop près du Soleil lorsqu’il s’est échappé du Labyrinthe du Minotaure avec son père.

Figure 1LACROIX Christian,Costume Phèdre pour la Comédie française, 1995 Feutre, crayon, gouache et pastels sur papier

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Hippolyte Cher Théramène, arrête, et respecte Thésée. De ses jeunes erreurs désormais revenu, Par un indigne obstacle il n'est point retenu; Et fixant de ses vœux l'inconstance fatale, Phèdre depuis longtemps ne craint plus de rivale. Enfin en le cherchant je suivrai mon devoir, Et je fuirai ces lieux que je n'ose plus voir.

Théramène

Hé ! depuis quand, Seigneur, craignez-vous la présence De ces paisibles lieux, si chers à votre enfance, Et dont je vous ai vu préférer le séjour Au tumulte pompeux d'Athènes et de la cour ? Quel péril, ou plutôt quel chagrin vous en chasse ?

Hippolyte

Cet heureux temps n'est plus. Tout a changé de face Depuis que sur ces bord les dieux ont envoyé La fille de Minos et de Pasiphaé.

Théramène

J'entends. De vos douleurs la cause m'est connue, Phèdre ici vous chagrine, et blesse votre vue. Dangereuse marâtre, à peine elle vous vit, Que votre exil d'abord signala son crédit. Mais sa haine sur vous autrefois attachée, Ou s'est évanouie, ou s'est bien relâchée. Et d'ailleurs, quels périls vous peut faire courir Une femme mourante et qui cherche à mourir ? Phèdre atteinte d'un mal qu'elle s'obstine à taire, Lasse enfin d'elle-même et du jour qui l'éclaire, Peut-elle contre vous former quelques desseins ?

Hippolyte

Sa vaine inimitié n'est pas ce que je crains. Hippolyte7 en partant fuit une autre ennemie. Je fuis, je l'avouerai, cette jeune Aricie8, Reste d'un sang fatal conjuré contre nous.

                                                                                                                                       7 Hippolyte : fils de Thésée et Antiope, reine des Amazones 8 Aricie = soeur des Pallantides, clan ennemi de celui de Thésée. Elle est l'unique survivante de sa famille par Racine.  

A RETENIR

Phèdre, titre éponyme de la pièce de Racine. « Phaedra », la lumineuse. sa mère, Pasiphaé, s’était unie avec un taureau et donna le jour au Minotaure. Son père, Minos, descend de Jupiter, ce qu’elle rappelle elle-même : « J’ai pour aïeul le père et le maître des dieux [...] » (vers 1275). Mais ce père est devenu juge suprême aux Enfers : « Minos juge aux Enfers tous les pâles humains. » (vers 1280). De lui, elle hérite à la fois la rigueur de sa propre conscience qui la juge, mais aussi les ténèbres qu’elle porte en elle, les sombres pulsions et les désirs coupables qui l’agitent.

LA PERIPHRASE La périphrase est une locution ou une suite de mots qu'on emploie pour désigner quelque chose (ou quelqu'un) qu'on aurait pu désigner à l'aide d'un seul mot. En désignant une réalité de façon différente, la périphrase permet d'éviter les répétitions de mots et de souligner une ou plusieurs des caractéristiques de la réalité qu'elle désigne. Trouvez-en une dans le texte ! Exemples : - Le septième art (le cinéma) - Le pays du soleil levant (le Japon) - L'auteur des Rougon-Macquart (Émile Zola)

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Théramène

Quoi ! vous-même, Seigneur, la persécutez-vous ? Jamais l'aimable sœur des cruels Pallantides Trempa-t-elle aux complots de ses frères perfides ? Et devez-vous haïr ses innocents appas ?

Hippolyte

Si je la haïssais, je ne la fuirais pas.

........................................Phèdre, acte I, scène 1, vers 1-56

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une scène d’exposition est nécessaire pour que le spectateur comprenne la situation dans la quelle se trouve les personnages. La scène d'exposition est un moment essentiel d'une pièce de théâtre. Elle doit : donner tous les éléments nécessaires à la bonne compréhension de l'intrigue, préciser l'identité des personnages et les liens qui les unissent,(Mais on ne présente que les personnages nobles) leurs rapports, alors même que l'action est entamée et‑ se joue sur scène; d'autre part, il faut éveiller l'intérêt des spectateurs. Le théâtre classique recourt à 4 grands types d'exposition : 1 - le dialogue entre un personnage principal et un personnage secondaire (ex : Héros/ confident) 2 - un monologue du personnage principal 3 - le dialogue entre deux personnages principaux (plus rare)

4 - le dialogue entre deux personnages secondaires.

Le personnage tragique : Le conflit tragique oppose l’homme et un principe moral supérieur. C’est toujours l’ordre moral qui gagne… Le héros tragique se réconcilie avec la Justice divine (malgré ou par sa mort). Il comprend sa démesure. Le tragique c’est la marque de la fatalité , une fatalité acceptée par le héros. Son profil :

• Il est seul.(Moralement) • Il est soumis à un destin particulier (par ses

origines ou par ses actions) • Il sait qu’il y a une puissance supérieure • Il a un immense désir de bonheur mais ce

bonheur impliquerait de commettre une infraction vis-à-vis de la loi « divine »

• Il commet une faute qui va entrainer sa perte . Il le sait. Il est donc à la fois responsable de ses actes et jouet de la divinité. C’est un personnage contradictoire.

• Il commet cette faute en le sachant.

A RETENIR

A RETENIR

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Questionnement  

Une scène d’exposition    

1. Qui sont les personnages en présence ?

Hippolyte : fils de Thésée, beau-fils de Phèdre Théramène : gouverneur d'Hippolyte, il porte bcp d'affection et d'attention au jeune prince (vouvoie Hippolyte)

2. Qui ont les personnages absents mais dont le spectateur apprend l’existence ? => Thésée : Héros (sens grec), Roi d’Athènes , célèbre pour ses combats, ses victoires bien qu'absentThésée à une présence obsédante. Son autorité plane sur le personnage d’Hyppolite . => Phèdre : Parenté double de Phèdre : fille de Minos et de Pasiphaé marâtre (Belle-mère) redoutable, mourante mais on ne sait pourquoi. Racine n’oublie pas que, ayant fait de Phèdre le personnage principal de sa pièce, il faut en brosser le portrait : - origines mythologiques : « fille de Minos et de Pasiphaé », Minos : ordre, justice, rigueur, et Pasiphaé : désordre, folie, délire ; Phèdre, descendante du Soleil, donc haïe de Vénus (c’est elle (Vénus) qui est tenue pour responsable de l’amour incestueux qu’elle éprouve pour Hyppolite).

- Lien avec la fatalité : ce sont les dieux, c'est-à-dire le destin, qui ont amené Phèdre. - Théramène évoque son mal mystérieux, et son désir de mourir.

- On apprend la vive hostilité de Phèdre à l’encontre d’Hyppolite. => Aricie : pers romanesque, belle, prisonnière de Thésée  Elle est jeune. Hippolyte l’aime mais elle est l'ennemie de Thésée et donc elle doit aussi être l'ennemi d'Hippolyte. Cet amour est donc impossible.    

3. Que savons nous du lieu ? du temps ? de l’action ? - du lieu (« Trézène » v. 2), avec Phèdre, Théramène, Oenone et Aricie), - du temps (attente depuis six mois), Thésée est absent depuis six mois - de l'action (Hippolyte : « je pars » v. 1 ; « je fuirais ces lieux » v. 28).

4. Quels liens unissent ces personnages ?

Présentation des personnages : Thésée est le mari de Phèdre et le père d’Hippolyte Théramène est le pr »cepteur d’Hippolyte mais aussi sont confident. Aricie est prisonnière de Thésée et elle est aimée d’Hippolyte Oenone est le double féminin d eThéramène : elle est la confidente de Phèdre du contexte Thésée est absent depuis six mois, ce qui inquiète Hippolyte ; celui-ci est à Trézène avec Phèdre, Théramène, Oenone et Aricie), La construction de l’action dramatique :

5. Quels prétextes Hippolyte donne-t-il à son départ ?

• Volonté de partir à la recherche de son père • désir de s'éloigner de Phèdre • s'éloigner d'Aricie même s'il n'avoue pas directement son amour pour elle

6. Cette scène d’exposition annonce-t-elle une tragédie ?

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- climat de danger, de mort (« Dans le doute mortel où je suis agité... » v. 3 ; référence à l'Achéron, le fleuve des Enfers (v. 12) ; « péril » et « chagrin » v. 33 ; « Cet heureux temps [celui de l'enfance] n'est plus » v. 34) ; apparition du thème de la fatalité tragique (« Aricie, / Reste d'un sang fatal conjuré contre nous [la famille et le clan de Thésée] » v. 50-51) ;

- personnages nobles et héroïques (« superbe Hippolyte » v. 58, « un coeur si fier [celui

d'Hippolyte] » v. 67, « orgueilleux et sauvage » v. 129 ; « une mère amazone » v. 69 ; exploits de Thésée, « héros intrépide » v. 74-82) ;

- référence aux dieux mythologiques (« les dieux ont envoyé [Phèdre]... » v. 35, v. 96 ;

« Vénus » v. 61, « ses autels [ceux de Vénus] v. 64 ; « Minotaure » v. 82 ; « Hercule » v. 122 ; « Neptune » v. 131) ;

- tourments de la passion amoureuse (d'Hippolyte pour Aricie ; de Thésée pour

différentes femmes v. 20-26 et v. 83-90) ; poids de la famille et de l'hérédité (v. 105-111)

7. Cette première scène donne-t-elle des indices sur la crise à venir ? - Thésée est introuvable (v. 8-18), ce qui annonce qu'on va le croire mort ; - volonté de fuite d'Hippolyte (v. 28), signe d'une menace encore indéterminée ; - généalogie de Phèdrefille de Minos et Pasiphaé - Haine de Phèdre envers Hippolyte, elle a été envoyée par les dieux et a troublé le calme

séjour d'Hippolyte à Trézène, elle est la cause de ses « douleurs » et de son « chagrin », et est déclarée« dangereuse », « haineuse » (v. 37-42) ; mais sa haine « s'est relâchée » (v. 41-47),

- Phèdre est« atteinte d'un mal qu'elle s'obstine à taire » (v. 45) : indice de l'amour coupable de Phèdre pour Hippolyte ;

- annonce de l'amour impossible d'Hippolyte pour Aricie (v. 50 et suivants, v.105-113) ; - annonce de l'infidélité de Thésée (v. 83-90) ;

8. Synthèse La scène d'exposition de Phèdre de Racine renseigne le lecteur ou le spectateur sur de nombreux éléments, comme le lieu, l'époque, les personnages et leurs relations, le contexte et l'action. Elle joue donc parfaitement son rôle de scène d'exposition ;. Elle est « in media res » car lorsque le rideau se lève au début de la pièce, les personnages sont déjà dans un état de grande tension, pour ne pas dire qu'ils sont à bout (Hippolyte veut fuir ; Phèdre veut mourir) et la tragédie racinienne nous fait assister à l'éclatement d'une crise qui couvait depuis un certain temps déjà et qui est enfin parvenue au moment où les passions longtemps contenues ne se contiennent plus

Que faut-il retenir ?

• La biographie de Racine • Savoir définir un personnage tragique • Pouvoir résumer l'histoire de Phèdre de Racine • Etre capable de définir ce qu'est une scène d'exposition (sa fonction) • Connaître les quatre formes que peuvent prendre les scènes d'exposition dans le

théâtre classique • Savoir reconnaître une périphrase

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TEXTE  COMPLEMENTAIRE  N°1  

Situation  du  passage  :  Acte I : Scène 1 : Début in medias res, la scène d'exposition se prolongera jusqu'à la Scène 3. (Voir texte 1) Scène 2 : Oenone (nourrice et confidente de Phèdre) vient annoncer l'arrivée de Phèdre et demande à ce qu'on les laisse seules. Scène 3 : Phèdre apparaît mourante et ne veut dire l'origine de son mal. Oenone, effrayée de voir sa maîtresse rongée par un mal secret , la conjure de parler. Phèdre qui souffre depuis des années –se laisse ici peu à peu entraîner à l’aveu. Ce premier aveu va permettre à Oenone de jouer par la suite un rôle actif dans les décisions de la reine. Acte I,sc 3

PHEDRE Puisque Vénus le veut, de ce sang déplorable Je péris la dernière, et la plus misérable. OENONE Aimez-vous ? PHEDRE De l'amour j'ai toutes les fureurs. OENONE Pour qui ? ` PHEDRE Tu vas ouïr le comble des horreurs. J'aime... A ce nom fatal, je tremble, je frissonne. J'aime... OENONE Qui ? PHEDRE Tu connais ce fils de l'Amazone, Ce prince si longtemps par moi-même opprimé ? OENONE Hippolyte ! Grands Dieux ! PHEDRE C'est toi qui l'as nommé. OENONE Juste ciel ! tout mon sang dans mes veines se glace. O désespoir ! ô crime ! ô déplorable race ! Voyage infortuné ! Rivage malheureux, Fallait-il approcher de tes bords dangereux ?

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PHEDRE Mon mal vient de plus loin. A peine au fils d'Egée Sous les lois de l'hymen je m'étais engagée, Mon repos, mon bonheur semblait s'être affermi, Athènes me montra mon superbe ennemi. Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ; Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue ; Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ; Je sentis tout mon corps et transir et brûler. Je reconnus Vénus et ses feux redoutables, D'un sang qu'elle poursuit tourments inévitables. Par des voeux assidus je crus les détourner : Je lui bâtis un temple, et pris soin de l'orner ; De victimes moi-même à toute heure entourée, Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée, D'un incurable amour remèdes impuissants ! En vain sur les autels ma main brûlait l'encens : Quand ma bouche implorait le nom de la Déesse, J'adorais Hippolyte ; et le voyant sans cesse, Même au pied des autels que je faisais fumer, J'offrais tout à ce Dieu que je n'osais nommer. Je l'évitais partout. O comble de misère ! Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père. Contre moi-même enfin j'osai me révolter : J'excitai mon courage à le persécuter. Pour bannir l'ennemi dont j'étais idolâtre, J'affectai les chagrins d'une injuste marâtre ; Je pressai son exil, et mes cris éternels L'arrachèrent du sein et des bras paternels. Je respirais OEnone, et depuis son absence, Mes jours moins agités coulaient dans l'innocence. Soumise à mon époux, et cachant mes ennuis, De son fatal hymen je cultivais les fruits.

Vaine précautions ! Cruelle destinée ! Par mon époux lui-même à Trézène amenée, J'ai revu l'ennemi que j'avais éloigné : Ma blessure trop vive a aussitôt saigné, Ce n'est plus une ardeur dans mes veines cachée : C'est Vénus tout entière à sa proie attachée. J'ai conçu pour mon crime une juste terreur ; J'ai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur. Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire;, Et dérober au jour une flamme si noire : Je n'ai pu soutenir tes larmes, tes combats ; Je t'ai tout avoué ; je ne m'en repens pas, Pourvu que de ma mort respectant les approches, Tu ne m'affliges plus par d'injustes reproches,

Mariage  avec  Thésée  

Coup  de  foudre  pour  Hippolyte,  Malédiction  de  Vénus  

Tentatives  inutiles  pour  échapper  à  la  passion  .  5Les  exclamatives  marquent  le  désespoir  de  Phèdre)  

Puissance de la passion, inevitable. Même devant l’autel de Vénus, elle pense à Hippolyte : l’acte qui devait la racheter, le perd + encore : elle, adore Hippolyte au lieu d’adorer Vénus ; glissement du v17 à 21 : déesse → Hippolyte → ce dieu. Elle est consciente de ce blasphème (Cf. v.25 « j’étais idolâtre »).

Autres  tentatives  pour  échapper  à  la  passion  :  exil  d’Hippolyte  (Vocabulaire  de  la  torture)  

Légère  amelioration  apparente  mais  en  réalité  sourdement  la  passion  fait  son  chemin  

La  destinée:  volonté  de  Vénus  plus  puissante  que  Phèdre  Impossible  de  lutter.Le  personage  ne  peut  échapper  à  son  destin.  Elle essaie de plaire à Vénus : « on peut remarquer les efforts fournis, la persévérance, l’engagement personnel (v.11-12-13) « vœux assidus » ; « pris soin » ; « ma main » et hyperbole ou renfort « à toute heure » ; « moi-même ». « tout entière » est une hyperbole qui marque l’acharnement divin.

Décision  de  mourir  sans  dévoiler  son  secret  

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Et que tes vains secours cessent de rappeler Un reste de chaleur tout prêt à s'exhaler.

Devoir maison Transformez cette tirade en texte narratif. Vous ferez ce récit à la 1° personne. C’est Oenone, qui bien longtemps après, fait le récit de ce moment terrible. Vous commencerez votre texte par : « Phèdre était la « fille de Minos et de Pasiphaé » et avait épousé Thésée, roi d’Athènes. Celui-ci avait un fils, Hippolyte, né d’un précédent mariage. J’étais sa suivante lorsque se produisirent de terribles évènements. Depuis des mois, Phèdre dépérissait…

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L’influence du jansénisme sur Racine

Le classicisme condamne tout excès, donc forcément toute passion. Les jansénistes quant à eux, croient à la prédestination et s’imposent une morale austère, espérant être élus par Dieu. Elevé à Port-Royal et nourri d’œuvres grecques, Racine présente la passion comme un excès et une véritable maladie.

Au XVIIème siècle, la France est une monarchie de droit divin. La religion d'état (ou la plus pratiquée et aussi avec laquelle on applique parfois les lois, en clair l'état est religieux ) est le catholicisme. Jansénistes: Leurs noms vient du fait qu'ils étaient les disciples de Jansenius ( 1588-1638 ). Les jansénistes appliquent un règlement sévère, et un état d'esprit quasi perpétuel de pessimisme. Ils considèrent que l'Homme ne peut "mériter par ses actes le salut de son âme". Seuls des "élus" sont prédestinés au paradis. C’est le pari de Pascal (1623-1662), philosophe du XVII, auteur des Pensées. Pour lui, on ne peut pas démontrer l’existence de Dieu et on ne peut avoir la foi que par la grâce : on a donc, selon lui, tout à gagner à croire en l’existence de Dieu. Car nous ne savons pas si nous faisons partie des « élus ».Et nous dit Pascal ; » « Pesons le gain et la perte en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagnez donc qu’il est, sans hésiter ».

Le tragique racinien, une illustration de la doctrine janséniste Le pessimisme janséniste imprègne le théâtre de Racine. I-La divinité cruelle L'univers racinien est en effet sous le regard permanent de la divinité, et ce dieu n'est jamais providentiel :

il accable le héros au lieu de le guider. À la fois poursuivis et abandonnés par les dieux, les héros raciniens sont des êtres à qui la grâce ne peut être donnée.

Les héros raciniens sont condamnés à vivre dans un monde radicalement mauvais. Par ailleurs, le silence de la divinité mauvaise, pourtant maintes fois évoquée (plus de quatre-vingts fois dans Phèdre) interdit aux héros de connaître clairement la volonté divine. Ils ont beau lutter contre ce qu'ils perçoivent comme leur perte (sous la forme de la passion), ils ne sont pas libres de leur destin : Phèdre multiplie les sacrifices à Vénus, fuit Hippolyte, le persécute et pourtant elle succombe, écrasée par la culpabilité.

II-Une conception janséniste de l'amour La dimension janséniste apparaît également dans la nouvelle psychologie de l'amour que Racine dévoile

dans son théâtre. En rupture complète avec la tradition, il introduit en effet dans la tragédie un amour violent et meurtrier qui rabaisse l'homme au niveau de la nature et de l'instinct. Cette passion brutale et possessive, étrangère à toute valeur, ressortit à ce que les Jansénistes appellent la nature, cet antonyme(contraire) de la grâce. En cela, Racine se rattache nettement à la philosophie pessimiste du jansénisme . Conclusion : Si le tragique racinien peut, par bien des côtés, être mis en relation avec la doctrine janséniste, il ne saurait lui être totalement assimilé. En transposant cette doctrine en une vision du monde, Racine en fait un matériau littéraire, au même titre que les mythes antiques. Ces deux composantes du tragique racinien convergent d'ailleurs pour donner à voir la faiblesse humaine : la tragédie devient alors, selon le mot de Barthes « un échec qui se parle».

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TEXTE  COMPLEMENTAIRE  N°2   Anouilh, Antigone (1947) Prologue (extrait) Un décor neutre. Trois portes semblables. Au lever du rideau, tous les personnages sont en scène. Ils bavardent, tricotent, jouent aux cartes. Le prologue se détache et s'avance.

Voilà. Ces personnages vont vous jouer l'histoire d'Antigone. Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. Elle pense qu'elle va être Antigone tout-à-l'heure, qu'elle va surgir soudain de la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux dans la famille et se dresser seule en face du monde, seule en face de Créon, son oncle, qui est le roi. Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aime vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout... Et, depuis que ce rideau s'est levé, elle sent qu'elle s'éloigne à une vitesse vertigineuse de sa sœur Ismène, qui bavarde et rit avec un jeune homme, de nous tous, qui sommes là bien tranquilles à la regarder, de nous qui n'avons pas à mourir ce soir. Le jeune homme avec qui parle la blonde, la belle, l'heureuse Ismène, c'est Hémon, le fils de Créon. Il est le fiancé d'Antigone. Tout le portait vers Ismène : son goût de la danse et des jeux, son goût du bonheur et de la réussite, sa sensualité aussi, car Ismène est bien plus jolie qu'Antigone, et puis un soir, un soir de bal où il n'avait dansé qu'avec Ismène, un soir où Ismène avait été éblouissante dans sa nouvelle robe, il a été trouver Antigone, qui rêvait dans un coin, comme en ce moment, ses bras entourant ses genoux, et lui a demandé d'être sa femme. Personne n'a jamais compris pourquoi. Antigone a levé sans étonnement ses yeux graves sur lui et elle lui a dit 'oui' avec un petit sourire triste... L'orchestre attaquait une nouvelle danse, Ismène riait aux éclats, là-bas, au milieu des autres garçons, et voilà, maintenant, lui, il allait être le mari d'Antigone. Il ne savait pas qu'il ne devrait jamais exister de mari d'Antigone sur cette terre et que ce titre princier lui donnait seulement le droit de mourir. Cet homme robuste, aux cheveux blancs, qui médite là, près de son page, c'est Créon. C'est le roi. Il a des rides, il est fatigué. Il joue au jeu difficile de conduire les hommes. Avant, du temps d'Œdipe, quand il n'était que le premier personnage de la cour, il aimait la musique, les belles reliures, les longues flâneries chez les petits antiquaires de Thèbes. Mais Œdipe et ses fils sont morts. Il a laissé ses livres, ses objets, il a retroussé ses manches et il a pris leur place. Quelquefois, le soir, il est fatigué, et il se demande s'il n'est pas vain de conduire les hommes. Si cela n'est pas un office sordide qu'on doit laisser à d'autres, plus frustes... Et puis, au matin, des problèmes précis se posent, qu'il faut résoudre, et il se lève, tranquille, comme un ouvrier au seuil de sa journée. La vieille dame qui tricote, à coté de la nourrice qui a élevé les deux petites, c'est Eurydice, la femme de Créon. Elle tricotera pendant toute la tragédie jusqu'à ce que son tour vienne de se lever et de mourir. Elle est bonne, digne, aimante. Elle ne lui est d'aucun secours. Créon est seul. Seul avec son petit page qui est trop petit et qui ne peut rien non plus pour lui. Ce garçon pâle, là-bas, qui rêve adossé au mur, c'est le Messager. C'est lui qui viendra annoncer la mort d'Hémon tout à l'heure. C'est pour cela qu'il n'a pas envie de bavarder ni de se mêler aux autres... Il sait déjà... Enfin les trois hommes rougeauds qui jouent aux cartes, leur chapeau sur la nuque, ce sont les gardes. Ce ne sont pas de mauvais bougres, ils ont des femmes, des enfants, et des petits ennuis comme tout le monde, mais ils vous empoigneront les accusés le plus tranquillement du monde tout à l'heure. Ils sentent l'ail, le cuir et le vin rouge et ils sont dépourvus de toute imagination. Ce sont les auxiliaires toujours innocents et satisfaits d'eux-mêmes, de la justice. Pour le moment, jusqu'à ce qu'un nouveau chef de Thèbes dûment mandaté leur ordonne de l'arrêter à son tour, ce sont les auxiliaires de la justice de Créon. Et maintenant que vous les connaissez tous, ils vont pouvoir vous jouer leur histoire. Elle commence au moment où les deux fils d'Œdipe, Etéocle et Polynice, qui devaient régner sur Thèbes un an chacun à tour de rôle, se sont battus et entre-tués sous les murs de la ville, Etéocle, l'aîné, au terme de la première année de pouvoir ayant refusé de céder la place à son frère. Sept grands princes étrangers que Polynice avait gagné à sa cause ont été défaits devant les sept portes de Thèbes.

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Maintenant la ville est sauvée, les deux frères ennemis sont morts, et Créon, le roi a ordonné qu'à Etéocle, le bon frère, il serait fait d'imposantes funérailles, mais que Polynice, le vaurien, le révolté, le voyou, serait laissé sans pleurs et sans sépulture, la proie des corbeaux et des chacals. Quiconque osera lui rendre les devoirs funèbres sera impitoyablement puni de mort.

CORRIGE  ANOUILH  PROLOGUE    

Tragédie classique Anouilh

Attitude des personnages Toujours dignes Familière (Garde jouent aux cartes/ Ismène aime la danse)

Dialogue/ récit Exposition : pers. Tjrs présentés par un dialogue (plus rarement un monologue) mais toujours par les personnages eux-mêmes

Long récit du prologue, presentation d’un bloc. On y annonce que c'est une tragédie et que la mort d'Antigone et d'Hémon est inéluctable

Présentation des personnages

On les découvre à travers les dialogues entre les personnages

Pers. Présentés de manière organisée en fonction de leur proximité avec Antigone

Tous présents mais sans fonction (comme en coulisse)

Ecart pers/acteur Pas d’écart. On ne rappelle pas au spectateur qu’on est au théâtre (vraisemblable)

Ecart entre actrice et son personnage. "Elle pense. Elle pense qu'elle va être Antigone tout à l'heure", "il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout..."

Distance Le spectateur « n’existe pas ». on ne " de nous tous, qui sommes là bien tranquilles à la regarder, de nous qui

Travail Maison :

• Lire le texte • Petite biographie d’ Anouilh • Définir ce qu’est Le Prologue • En une dizaine de lignes, expliquer en quoi ce prologue se différencie d’une

scène d’exposition classique.(niveau de langue, manière dont les informations sont données au spectateur, distance acteurs/spectateurs, types de personnages…)

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spectateurs/acteurs parle aps de lui n'avons pas à mourir ce soir"

Anachronismes les trois gardes qui jouent aux cartes alors que les cartes n'existaient pas de ce temps - là

ils ont un chapeau au lieu d'un casque ;

la reine tricote au lieu de s'occuper d'amour ou de politique,

Langage Texte en vers, registre soutenu Texte en prose, registre familier

On ne dit jamais qu’on est au théâtre. Il faut qu’il y ait une illusion de réalité

Le vocabulaire du théâtre est utilisé ce qui ne nous permet pas d'oublier qu'on est au théâtre.

Place différente des pers secondaires

Les pers ne parlent pas de leur vie privée dans la tragédie classique, ils n'ont pas le droit de s'exprimer

• les gardes nous parlent de leurs enfants et de leurs femmes

• Ismène aime danser, ce qui est joyeux, alors que la tragédie doit être tragique ;

• on nous dit aussi à propos des gardes qu'ils "sentent l'ail, le cuir et le vin rouge",

Synthèse

Représentée pour la 1ère fois en 1944, la pièce d’Anouilh reprend la tragédie de Sophocle mais avec beaucoup de liberté. Emprunté à la tragédie antique, le prologue joue ici un rôle qui consiste à prévenir le public de ce qui va arriver. S’il ne dévoile pas la suite, il commente, apprécie, informe. C’est sa fonction traditionnelle, reprise sous une forme détournée Ce prologue mélange les genres. Le ton est en décalage avec celui de la tragédie classique. Mais il donne une explication de la tragédie accessible à tous. (rôle didactique) Normalement, lors de la scène d'exposition, les personnages principaux et l'intrigue sont exposés par un dialogue (ou plus rarement un monologue) qui ne s'adresse pas directement au public. Le spectateur apprend les informations nécessaires par l’échange de paroles entre les personnages qui sont sur scène. Dans Antigone, cette exposition est beaucoup plus schématique, elle est traitée d'une manière moderne, les personnages sont présentés de manière organisée par ordre de proximité avec Antigone et l'un après l'autre. Tous les personnages sont sur la scène, mais ils sont là comme s’ ils n'étaient pas encore en représentation mais en coulisses. C’est du théâtre dans le théâtre. Tous les personnages en scène sont au courant de la situation initiale. Les personnages ne jouent pas mais sont présentés comme des acteurs se détendant avant l’entrée en scène, alors qu’ils devraient plutôt se concentrer d’où les anachronismes : tricoter, jouer aux cartes etc. Le style très familier (c’est la petite maigre, là-bas…) nous étonne car nous savons que le registre de la tragédie est soutenu … : « Voilà », « c’est la petite maigre qui est assise là-bas ». Il y a plusieurs anachronismes qui apparaissent dans le prologue tel que le registre populaire (tricot, cartes, bal) ou bourgeois du 20e siècle (antiquaires, reliures, flâneries, ouvriers).

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- les trois gardes qui jouent aux cartes alors que les cartes n'existaient pas encore - ils ont un chapeau au lieu d'un casque ; - la reine tricote… - les gardes nous parlent de leurs enfants et de leurs femmes, ce qui ne se faisaient pas dans la tragédie

classique. Pire, on nous dit qu'ils "sentent l'ail, le cuir et le vin rouge". Anouilh traite donc les gardes sous un angle familier et leur donne le droit à la parole dans le texte, ce qui aurait été impensable dans la tragédie classique .

- on nous dit qu'Ismène aime danser et rire, ce qui est joyeux, alors que la tragédie doit être tragique ; Ce prologue marque un fort écart avec l'image classique que l'on a des personnages . Dans la tragédie classique, on ne présente que les personnages nobles. (Hémon, Créon, Eurydice, Antigone et Ismène). Ici, tous sont présentés. Mais en insistant sur leur apparence d’acteurs ce qui, bien sûr, ne prépare pas le spectateur à la crédibilité, ne l’incite pas à la complicité avec les héros, mais au contraire à la distance émotive. Tout au long de la pièce, Anouilh rappelle au public qu’il assiste à une représentation; il en dévoile les coulisses et arrache aux acteurs leur masque. Le vocabulaire du théâtre est utilisé ce qui ne nous permet pas d'oublier qu'on est au théâtre. Le suspense a été "cassé". Mais, en même temps comme on connaît l'histoire, on a une sorte de supériorité par rapport aux personnages. Le narrateur, omniscient, présente tout ce qui se passe dans la tête du personnage ou de l’acteur (Antigone). Nous avons donc une organisation d’interprétation au départ, tandis que la plupart des scènes d’exposition doivent exciter notre curiosité mais ne doivent pas nous imposer de jugement. Le narrateur présente toute l’intrigue, et même la fin de la pièce la mort d’Antigone et de Hémon, ce qui est contraire à toutes les habitudes. Cette façon de présenter l’histoire nous incite à penser que le mythe a peut-être été revu par Anouilh pour lui donner un autre sens. Par ailleurs, il y a cet écart entre le personnage d'Antigone et son actrice : "Elle pense. Elle pense qu'elle va être Antigone tout à l'heure", "il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout..." Le personnage d'Antigone a un "sourire triste", des "yeux graves", elle est "noiraude", "renfermée", "maigre" et "petite", c'est l'image de l'antihéros et tous ces adjectifs qualifiant Antigone connotent la mort, le tragique. Mais Anouilh dévalorise Antigone physiquement et moralement, c’est pourquoi toujours dans le prologue (1947, 35), nous avons recours à des termes, expressions et phrases comme : « petite maigre, qui ne dit rien ». Alors que chez Sophocle, elle parle avec « force, justesse et profondeur »; ; Serait-elle stupide , masochiste et triste : « elle lui a dit oui (à Hemon) avec un petit sourire triste » . On notera aussi la distance entre spectateurs et acteurs : " de nous tous, qui sommes là bien tranquilles à la regarder, de nous qui n'avons pas à mourir ce soir" Anouilh choisit d’écrire sa pièce en prose dans un registre courant à familier alors que traditionnellement, les tragédies sont écrites en vers et dans un registre soutenu. La conception du pouvoir est différente : dans la tragédie classique, on se bat pour le pouvoir et ici, le pouvoir est perçu comme un fardeau qu'il faut accomplir tous les jours. Ainsi, Créon se demande si ce n'est pas vain de conduire les hommes. C'est un homme cultivé, il est assez ouvert et il a accepté par devoir le poste de roi. Anouilh a voulu mettre plus d'humanité dans la tragédie. La pièce est désacralisée : le coté exceptionnel des personnages de tragédie est remplacé par des personnages plus banals , plus proches des spectateurs . L’Antigone de Sophocle était la jeune et pure héroïne qui, au nom de la justice et du sacré, s’oppose, quitte à en mourir, à son oncle Créon, le tyran injuste et cruel. Il n’en est pas du tout ainsi avec la reprise du mythe d’Antigone au 20e siècle, par Anouilh. Il place l’enjeu du dialogue autour de l’idée de bonheur, tandis que Sophocle argumente sur ce qui est juste. Et on assiste à la démolition de l’atmosphère de la tragédie dans l'Antigone d’Anouilh En conclusion, il est important de noter la désacralisation du mythe chez Anouilh. Le tragique moderne est dans la résistance individuelle face à l´autorité, et dans le refus d´un bonheur fait d´acceptation et de compromissions; le tragique antique était l´affrontement de deux idées de la justice, et une réflexion sur le destin humain soumis à la volonté divine.

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TEXTE  2  :  RACINE,  BERENICE,  1677  –  ACTE  IV,  SC.5  Titus, l’empereur de Rome doit se séparer de la reine Bérénice (reine de Palestine qu’il a emmenée à Rome après la conquête de la Judée) car les Romains refusent une reine étrangère. Titus, bien qu’il aime Bérénice et qu’il lui ait promis de l’épouser, lui annonce qu’il la renvoie de Rome car, dit-il, « il ne s'agit plus de vivre, il faut régner ».

Bérénice

Eh bien ! Régnez, cruel ; contentez votre gloire : Je ne discute plus. J'attendais, pour vous croire, Que cette même bouche, après mille serments D’un amour qui devait unir tous nos moments, Cette bouche, à mes yeux s’avouant infidèle, M’ordonnât elle-même une absence éternelle. Moi-même j'ai voulu vous entendre en ce lieu. Je n'écoute plus rien : et pour jamais, adieu. Pour jamais ! Ah ! Seigneur, songez-vous en vous-même Combien ce mot cruel est affreux quand on aime ? Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous, Seigneur, que tant de mers me séparent de vous ? Que le jour recommence et que le jour finisse, Sans que jamais Titus puisse voir Berenice, Sans que de tout le jour je puisse voir Titus ! Mais quelle est mon erreur, et que de soins perdus ! L'ingrat, de mon départ consolé par avance, Daignera-t-il compter les jours de mon absence ? Ces jours si longs pour moi lui sembleront trop courts. Titus Je n'aurai pas, Madame, à compter tant de jours. J'espère que bientôt la triste renommée Vous fera confesser que vous étiez aimée. Vous verrez que Titus n'a pu sans expirer… Bérénice Ah ! Seigneur, s'il est vrai, pourquoi nous séparer ?

Vers le commentaire :

Comment Racine parvient-il à montrer l’émotion de Bérénice ?

a) Observez la ponctuation. L’émotion de la reine se traduit par l’abondance des exclamations, des interrogations et le passage rapide d’un état dans un autre. b) Repérez le mode du verbe dans le premier vers. Que pouvez-vous en déduire ? Qu’essaie de faire Bérénice ? La tirade s’ouvre sur un vigoureux impératif et une apostrophe accusatrice : « Eh bien ! régnez, cruel ».

Dans sa célèbre Préface , Racine se félicite de la simplicité du sujet de la pièce, qu’il traduit ainsi de Sénèque : « Titus, qui aimait passionnément Bérénice, et qui même, à ce qu’on croyait, lui avait promis de l’épouser, la renvoya de Rome, malgré lui et malgré elle, dès les premiers jours de son empire. » L’histoire lui semble convenir au théâtre « par la violence des passions qu’elle y pouvait exciter ». Cette violence de l’émotion est au coeur de ce nouveau tragique que Racine définit dans sa Préface : « Ce n’est point une nécessité qu’il y ait du sang et des morts dans une tragédie : il suffit que l’action en soit grande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions y soient excitées et que tout s’y ressente de cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie. »  

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Bérénice réagit d’abord en croyant prendre Titus au mot et en prenant en compte son souci de la gloire. c)Repérez les adverbes employés par Bérénice et le vocabulaire du temps Résolution ferme (« adieu », « Pour jamais », v. 8-9), refus d’aller plus loin dans les arguments, puisque Titus lui-même a parlé. »jamais » employé 3 fois. Décision ferme et définitive. d) Observez le rythme des vers. Y-a-t-il un changement ? Selon vous pourquoi ? Quel sentiment cela peut-il indiquer ? L’émotion submerge Bérénice lorsqu’elle prononce cet adieu raisonné, définitif : le ton, de ferme qu’il était, se fait douloureux, élégiaque, plaintif. Bérénice alors, dans des vers au rythme très lent, très cadencé, à l’image de leur tendresse partagée, e) Sous quelle forme grammaticale Bérénice rappelle-t-elle à Titus les moments heureux? Cette évocation est tout entière exclamative et interrogative (« songez-vous combien… », « comment souffrirons-nous… », « Que le jour recommence… », v. 9, 11 et 13). Elle traduit la révolte devant la situation présente, la nostalgie d’un amour parfait la peur d’un avenir qui va les séparer. f) Comment Bérénice revient-elle à la trahison de Titus ? Comment marque-t-elle une feinte indifférence ?

Elle se reproche au fond tous ces « soins », . Bérénice tente alors la cruauté, cherche à dénier à Titus le moindre amour pour elle, à l’enfermer dans l’indifférence. Elle l’appelle l’ingrat. Toujours à travers les exclamations et interrogations (v. 16-18).

g) Comment Bérénice exprime-t-elle sa douleur ? Au début, résignation douloureuse aux vers 9 à 15 au vers 4, lorsqu’elle évoquait l’union de « tous leurs moments », au vers 6, « l’absence éternelle » qui lui était ordonnée Dans les vers 9 à 16, Rappel de l’amour fusionnel qu’elle partageait avec Titus Ce n’est pas par les mots (lexique) que se marque la douleur mais par e rythme, les sonorités, les symétries.) (sauf au vers 10, avec les mots « cruel » et « affreux », qui appartiennent au vocabulaire de la douleur), La vision de cette séparation passe par la conscience de l’espace et du temps : « tant de mers » (v. 12) vont séparer les deux amants L’éloignement sera absolu, les frontières infranchissables. Et le temps s’étirera sans fin (« dans un mois, dans un an » dit cette perception redoutée d’un temps où les durées ne seront plus perçues, où le temps vécu ne coïncidera plus avec le temps réel). L’étirement des jours (repris au vers 19, avec « ces jours si longs ») est tragiquement suggéré avec la répétition inexorable des jours (le mot est prononcé trois fois) : le temps continuera à faire alterner les jours et les nuits, les nuits et les jours se succéderont, infailliblement unis, mais les amants seront séparés. En se nommant, elle-même et Titus, à la troisième personne, au magnifique vers 14, Bérénice met déjà leurs personnages à distance. Elle façonne leur légende, celle de ces amants dont on parlera dans les temps à venir, des amants mythiques, qui ont sacrifié leur amour à un devoir de gloire. Tu seras Titus et je serai Bérénice, jusqu’à la fin des temps. Nous ne sommes déjà plus nous-mêmes, semble-t-elle dire. En outre, les allitérations en « s » des vers 13 à 15 accompagnent l’émotion sans doute la plus douloureuse de tout le passage. h) Pourquoi La dernière réplique de Bérénice dit le tragique absolu de la situation des deux amants :

un amour passionné les unit, un amour totalement réciproque, que tout en eux approuve et désire, et un devoir impérieux qui leur impose de se séparer. Cet amour est condamné par un devoir patriotique, qu’un héros de tragédie se doit de respecter, au nom de sa gloire. Bérénice pose une fausse question : elle ne demande pas « pourquoi nous séparer ? », mais exprime la cruauté de cette séparation que le sens de l’honneur et de la gloire de Titus lui imposent.

i) En quoi l’attitude de Bérénice correspond-elle bien à celle d’une héroine tragique selon la définition

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qu’en donne Racine ?

l’acceptation (forcée certes) du destin de Titus est tout imprégnée de cette tristesse d’une femme qui refuse la colère, la violence. Tristesse majestueuse aussi dans cette évocation de leur vie après la séparation, quand ils vivront dans l’attente de la fin du jour, de la venue de l’aurore, comme coupés de la vie réelle, déjà entrés dans un autre monde. Tristesse infinie, mais majestueuse dans ce « pourquoi nous séparer ? » du dernier vers. Bérénice ne cherche pas à retenir Titus par ces mots. Elle dit tout le tragique de leur passion. Or ce conflit qui met en balance l’honneur et la passion, pour faire triompher toujours le sens de l’honneur, ce conflit qui

les sépare ne peut concerner que les âmes d’exception, hors de l’ordre commun.

   

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CORNEILLE,  LE  CID,  1637-­‐1660  

Les  origines  de  la  pièce  

Le Cid Campeador (1043 - 1099) : De la réalité à la légende (Adapté du site Herodote.net)

On est au XI° siècle. A cette époque, une partie de l'Espagne est sous la domination arabo-musulmane Les Maures ont débarqué trois siècles plus tôt dans la péninsule ibérique et, depuis lors, semblent se plaire sur les terres d'Al-Andalus, où ils ont développé une culture originale, construisant mosquées aux mille colonnes et palais aux jardins légendaires. (Alhambra de Grenade par exemple)

Pour écrire sa pièce, Corneille s'est inspiré d'un personnage réel : Rodrigo Diaz de Vivar , Espagnol mieux connu sous son surnom : le Cid Campeador ! Rodrigo Diaz de Vivar est né dans le village de Vivar, à côté de Burgos, vers 1043, dans une famille de petite noblesse castillane. Un de ses compagnons de jeux est Sanche, fils aîné du comte de Castille Ferdinand Ier qui tente de libérer son pays des «Maures». Les seigneurs chrétiens repliés dans les montagnes du nord ne cessent d'éprouver l'amertume de la défaite et aspirent à reconquérir leurs terres. C'est la «Reconquista» (Reconquête en langue castillane ou espagnole). À la suite de son père, Rodrigo Diaz (Rodrigue en français) s'engage sur les champs de bataille, tant contre les rivaux chrétiens de son roi que ses ennemis musulmans . À peine âgé d'une vingtaine d'années, le voilà maniant l'épée lors du siège de Graus (Aragon) où il participe à la victoire de Ferdinand Le Grand sur Ramire 1er d'Aragon, un autre roi chrétien. Devenu roi de Castille, Sanche II offre le poste de chef des armées à son ami, dont les faits d'armes sont déjà légendaires. Un combat singulier contre Martin Garcés, champion du roi de Navarre lui vaut son premier surnom : Campeador ( maître d'armes ou maître du champ de bataille). Mais notre guerrier a d'autres talents : il sait lire et écrire mais aussi s'exprime en arabe, la langue des envahisseurs. Le vent tourne avec la mort de Sanche, assassiné devant Zamora (Castille-et-León) en 1072, certainement sur ordre de son frère, Alphonse. Devenu à son tour roi de Castille sous le nom d'Alphonse VI, celui-ci ne se montre pas ingrat envers Rodrigo et lui donne la main d'une de ses parentes, Jimena (Chimène en français). Mais il ne tarde pas à prendre ombrage de son ambition, de sa brutalité et de son absence de scrupules. Contraint à l'exil en 1081, Rodrigo propose ses services aux roitelets tant chrétiens que musulmans qui se disputent la péninsule en cette période troublée. Si aujourd'hui vous voulez lui rendre visite, il faut vous rendre à la cathédrale de Burgos. Vous l'y verrez aux côtés de Chimène et, bien sûr, d'une reproduction de son épée Tizona, jamais très loin.

Si la suite vous intéresse… http://www.herodote.net/Le_Cid_Campeador_1043_1099_-synthese-623.php

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 Résumé  de  la  pièce Acte I : L'amour est un tyran qui n'épargne personne.

Pauvre Chimène ! Son père, le comte de Gormas, s'apprête à lui choisir un époux. Don Sanche ou don Rodrigue ? Elle préfèrerait sans aucun doute le second, un jeune homme tout simplement parfait. Mais les affaires de cœur et les affaires d'État ne font pas toujours bon ménage au XIe siècle, à Séville. Voici ce qu'auraient dû se dire le père de Chimène et celui de Rodrigue avant d'en venir aux mains. Comme deux chenapans, ils n'ont rien trouvé de mieux que de s'envoyer des soufflets pour régler leur crise de jalousie. Peut-être un peu plus sage ou un peu plus vieux, don Diègue a préféré se retirer, vaincu par l'âge : «O rage ! O désespoir ! O vieillesse ennemie !». Il préfère s'en remettre à la fougue de son fils : «Rodrigue, as-tu du cœur ? [...] Va, cours, vole et nous venge».

Acte II : À moi, Comte, deux mots ! Rodrigue se retrouve donc face au fameux dilemme cornélien : faut-il mieux perdre Chimène ou son honneur ? Ce sera Chimène : il part provoquer en duel le comte et le tue. Son amoureuse, folle de douleur, se précipite pour demander justice au roi, lui-même furibond de voir ses meilleurs guerriers s'entre-tuer : « Son sang sur la poussière écrivait mon devoir ». Acte III : Mon juge est mon amour, mon juge est ma Chimène Pendant ce temps Rodrigue, conscient qu'il a commis un acte que n'appréciera guère sa promise, se rend chez elle pour mourir de ses mains. Mais la jeune fille refuse de se faire elle-même justice et le repousse : «Va, je ne te hais point».(Litote) Acte IV : Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort / Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port. Les Maures approchent de la ville : il est temps de partir au combat. Rodrigue décide de prendre la tête des chevaliers pour revenir couvert de gloire et ainsi reconquérir à la fois le royaume et le cœur de Chimène. La bataille fait rage toute la nuit, sous «cette obscure clarté qui tombe des étoiles». Finalement, «le combat cessa faute de combattants» : devant le courage des Espagnols, les Maures ont fui. Chimène, elle aussi, est repartie au combat : puisque Rodrigue s'obstine à ne pas être tué par les Mores, elle demande au roi de lui imposer un duel contre le jeune don Sanche. Elle épousera bien sûr le vainqueur. Acte V : Laisse faire le temps, ta vaillance et ton roi Dans un dernier entretien, Chimène réussit à convaincre Rodrigue de ne pas se laisser sottement tuer par don Sanche. Mais du coup, c'est à son tour de subir le dilemme cher à Corneille : vaut-il mieux qu'elle épouse l'assassin de son père ou celui de son aimé ? Voyant peu après revenir don Sanche, elle s'écroule, ignorant que Rodrigue a envoyé le jeune homme se déclarer vaincu. Finalement elle accepte, devant le roi, la main de Rodrigue, à une condition : qu'il s'éloigne pendant toute une année, le temps de chasser les Maures... et de devenir le Cid.

La   querelle  du  Cid  

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Le Cid au centre d'une bataille de plumes

En 1637, Pierre Corneille n'est déjà plus un inconnu lorsque tout Paris applaudit la fougue de Rodrigue. Un personnage, cependant, fait grise mine : le cardinal de Richelieu, ministre de Louis XIII, en veut en effet à mort au jeune dramaturge. Deux ans plus tôt, le Cardinal, passionné de théâtre avait rassemblé la fine fleur des auteurs pour mettre en vers les intrigues que lui-même inventait. Et voilà que ce Corneille a osé quitter le groupe, sous prétexte qu'il ne supportait pas d'être dirigé! Et comment peut-il avoir l'audace de faire l'éloge d'un héros espagnol, alors même que la France est en guerre contre ce royaume ? Pour qui se prend-il ? On va donc se venger sur son Cid. Première attaque : le dramaturge, rebaptisé pour l'occasion «la corneille déplumée», se serait contenté de traduire un texte espagnol. Seconde attaque, plus subtile: cette pièce qui met en scène une «fille dénaturée» présente le défaut impardonnable de «choquer les principales règles du poème dramatique». La querelle du Cid est lancée... Pendant des mois, on va se défier et s'invectiver au nom de contraintes d'écriture strictes héritées de l'Antiquité.

L'unité de lieu ? On passe son temps à naviguer de la maison de Chimène au palais du roi ! L'unité d'action ? que vient faire l'Infante dans cette histoire ? L'unité de temps ? Invraisemblable avec l'enchaînement de disputes et de batailles. Mais c'est surtout la règle de bienséance qui apporte des cartouches aux adversaires de Corneille :

Comment Rodrigue peut-il se précipiter chez Chimène alors même qu'il vient de tuer son père ? Ne peut-elle le repousser plus sèchement ?

Dans l’examen de la conformité du Cid au principe de convenance, un personnage est plus controversé qu’un autre : Chimène. Comment Chimène peut-elle continuer d’aimer celui qui est devenu le meurtrier de son père, à moins d’être une fille dénaturée – un monstre ? Pour les critiques, c’était signifier sans ambiguïté que la pièce ne pouvait avoir pour le public aucune valeur exemplaire : on n’y trouvera seulement l’image de mauvaises moeurs que l’intrigue, par surcroît, récompense à la fin au lieu d’en présenter le châtiment !

Ce blâme de la pièce au nom de l’immoralité de la conduite de Chimène se cristallise sur quelques scènes qui semblent aux critiques particulièrement scandaleuses; et ce sont bien sûr les plus touchantes, les plus captivantes, celles qui ont emporté sans réserve l’adhésion du public : les deux entrevues entre Rodrigue et Chimène à l’acte III et à l’acte V. Que l’amour puisse conduire ces deux amants, que tout devrait séparer à jamais, à se revoir à se parler malgré tout, voilà qui scandalise les censeurs de Corneille, d’autant plus que les protestations de soumission au devoir des deux héros ne peuvent dissimuler des  mouvements de tendresse passionnée.

Finalement, Richelieu fait appel à sa toute nouvelle Académie française qui s'empresse de relever de nombreuses irrégularités dans la pièce. Puis, après un an de controverse, il choisit l'apaisement. Peut-il faire autrement, alors que la pièce ne cesse de triompher ? «Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue»...

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Les  deux  versions  du  Cid  :  Etude  comparée  Acte  V,  scene  7  

Définition de la tragi-comédie : « action souvent complexe, volontiers spectaculaire, parfois détendue par des intermèdes plaisants, où des personnages de rang princier voient leur amour ou leur raison de vivre mis en péril par des obstacles qui disparaîtront heureusement au dénouement1 » Guichemerre

La forme libre et débridée de la tragi-comédie répond aux critères de l'esthétique baroque.

Définition de la tragédie : Œuvre dramatique en vers, dont la composition est soumise à des règles strictes (les trois unités), qui met en scène des personnages illustres, tirés de l'Antiquité grecque ou romaine, qui fait reposer l'action sur des conflits passionnels dans lesquels les personnages sont déchirés et implacablement entraînés vers une catastrophe ou un destin désastreux.

Le coin Culture G. Le 29 janvier 1635, le cardinal de Richelieu fonde l'Académie française. Son nom vient du jardin Akademos, à Athènes, où Platon enseignait la philosophie. La nouvelle Académie se voue à la langue française. L'article 24 de ses statuts énonce : «La principale fonction de l'Académie sera de travailler avec tout le soin et toute la diligence possibles à donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et la science...» En 1638, Richelieu, soucieux de faire taire les railleries autour de la jeune Académie, l'engage à donner son sentiment sur la tragédie du «Cid», qu'a donnée Corneille un an plus tôt. C'est l'unique fois où l'Académie s'érige en arbitre littéraire. L’académie compte aujourd’hui 40 membres…Les membres qu’on appelle « les immortels » et qui portent un joli costume vert…

Pour les académiciens l’essentiel de l’intrigue est parfaitement invraisemblable . Pour eux, il faut faire primer l’exigence de vraisemblance sur celle de vérité et donc réformer le sujet du Cid . Les solutions plus « vraisemblables », selon eux, ont de quoi faire rire : une « fausse mort » du Comte, qui eût permis de faire réapparaître Don Gormas au dénouement, pour autoriser le mariage de sa fille avec Rodrigue ; ou bien une reconnaissance romanesque dévoilant à la fin que Chimène n’est pas la fille du Comte – et dès lors quel obstacle au mariage ? Finalement, ce qui dans le sujet, aux yeux de l’Académie, choque la vraisemblance autant que la morale, c’est que le mariage de Chimène et Rodrigue est, au fond, un mariage d’amour.  

 

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Acte  V  Scène  7  

DON  FERNAND,  DON  DIÈGUE,  DON  ARIAS,  DON  RODRIGUE,  DON  ALONSE,  DON  SANCHE,  L’INFANTE,  CHIMÈNE,  LÉONOR,  ELVIRE.  

L’INFANTE Sèche tes pleurs, Chimène, et reçois sans tristesse Ce généreux60 vainqueur des mains de ta princesse. DON RODRIGUE Ne vous offensez point, Sire, si devant vous Un respect amoureux me jette à ses genoux. Je ne viens point ici demander ma conquête : Je viens tout de nouveau vous apporter ma tête, Madame ; mon amour n’emploiera point pour moi Ni la loi du combat, ni le vouloir du Roi. Si tout ce qui s’est fait est trop peu pour un père61, Dites par quels moyens il vous faut satisfaire. Faut-il combattre encor mille et mille rivaux, Aux deux bouts de la terre étendre mes travaux62, Forcer63 moi seul un camp, mettre en fuite une armée, Des héros fabuleux64 passer65 la renommée ? Si mon crime par là se peut enfin laver, J’ose tout entreprendre, et puis tout achever ; Mais si ce fier honneur, toujours inexorable, Ne se peut apaiser sans la mort du coupable, N’armez plus contre moi le pouvoir des humains : Ma tête est à vos pieds, vengez-vous par vos mains ; Vos mains seules ont droit de vaincre un invincible ; Prenez une vengeance à tout autre impossible. Mais du moins que ma mort suffise à me punir : Ne me bannissez point de votre souvenir ; Et puisque mon trépas conserve votre gloire, Pour vous en revancher66 conservez ma mémoire, Et dites quelquefois, en déplorant mon sort : « S’il ne m’avait aimée, il ne serait pas mort. » CHIMÈNE Relève-toi, Rodrigue. Il faut l’avouer Sire,   Je vous en ai trop dit pour m’en pouvoir dédire. Rodrigue a des vertus que je ne puis haïr. Et quand un roi commande, on lui doit obéir. Mais à quoi que déjà vous m’ayez condamnée, Pourrez-vous à vos yeux souffrir cet hyménée ? Et quand de mon devoir vous voulez cet effort, Toute votre justice en est-elle d’accord ? Si Rodrigue à l’État devient si nécessaire, De ce qu’il fait pour vous dois-je être le salaire, Et me livrer moi-même au reproche éternel D’avoir trempé mes mains dans le sang paternel ? DON FERNAND Le temps assez souvent a rendu légitime

Chimène  (1637)  

Mais à quoi que déjà vous m’ayez condamnée, Sire, quelle apparence à ce triste hyménée, Qu’un même jour commence et finisse mon deuil, Mette en mon lit Rodrigue, et mon père au cercueil ? C’est trop d’intelligence avec son homicide, Vers ses Mânes sacrés c’est me rendre perfide, Et souiller mon honneur d’un reproche éternel,

D’avoir  trempé  mes  mains  dans  le  sang  paternel.  »  (v.  1831-­‐1838)  

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Ce qui semblait d’abord ne se pouvoir sans crime : Rodrigue t’a gagnée, et tu dois être à lui. Mais quoique sa valeur t’ait conquise aujourd’hui, Il faudrait que je fusse ennemi de ta gloire, Pour lui donner sitôt le prix de sa victoire. Cet hymen différé ne rompt point une loi Qui sans marquer de temps lui destine ta foi67. Prends un an, si tu veux, pour essuyer tes larmes. Rodrigue, cependant68 il faut prendre les armes. Après avoir vaincu les Mores sur nos bords, Renversé leurs desseins, repoussé leurs efforts, Va jusqu’en leur pays leur reporter la guerre, Commander mon armée, et ravager leur terre : À ce nom seul de Cid ils trembleront d’effroi ; Ils t’ont nommé seigneur, et te voudront pour roi. Mais parmi tes hauts faits sois-lui toujours fidèle : Reviens-en, s’il se peut, encor plus digne d’elle ; Et par tes grands exploits fais-toi si bien priser69 Qu’il lui soit glorieux alors de t’épouser. DON RODRIGUE Pour posséder Chimène, et pour votre service, Que peut-on m’ordonner que mon bras n’accomplisse ? Quoi qu’absent de ses yeux il me faille endurer, Sire, ce m’est trop d’heur de pouvoir espérer. DON FERNAND Espère en ton courage, espère en ma promesse ; Et possédant déjà le cœur de ta maîtresse, Pour vaincre un point d’honneur qui combat contre toi, Laisse faire le temps, ta vaillance et ton roi.

Fin de la pièce

61. Pour un père : pour racheter la mort d’un père. 62. Travaux : action héroïque. 63. Forcer : gagner par la force. 64. Fabuleux : de la mythologie. 65. Passer : surpasser, dépasser. 66. Pour vous en revancher : en contrepartie. 67. Lui destine ta foi : te donne à lui en mariage. 68. Cependant : pendant ce temps. 69. Priser : estimer.

1. Quelle(s) différences observez-vous entre la réplique de Chimène de 1637 et celle de 1660 “ Qu’un même jour commence et finisse mon deuil/ Mettre en mon lit Rodrigue et mon père au cercueil ?” Chimène est plus intransigeante : respect accru des bienséances Mais la décision du roi est identique : le mariage se fera : “ Cet hymen différé ne rompt point une loi Qui sans marquer de temps lui destine sa foi Prends un an si tu veux pour essuyer tes larmes” 2. Pourquoi le dénouement change-t-il entre 1637 et 1660 ? Corneille cède apparemment aux critiques (voir querelle du Cid), qui lui reprochaient un

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dénouement contraire à la bienséance et à la vraisemblance (une fille n'épouse pas le meurtrier de son père. Il y a également la suppression de l’allusion au « lit » dans la version de 1637 – v. 1834 – jugée trop crue). Cependant, on soulignera que, sous des apparences pudiques, le dénouement de 1660 n'est pas Très différent de celui de 1637. Dans la version initiale, le mariage de Chimène et de Rodrigue était différé mais conclu ; en 1660, Chimène émet un doute sur la possibilité même d'épouser Rodrigue (« Pourrez-vous à vos yeux souffrir cet Hyménée ? ») mais la réponse du roi ne change pas (« Rodrigue t'a gagnée, et tu dois être à lui », v. 1841) : Chimène épousera donc Rodrigue. Les apparences sont sauves mais la bienséance reste fondamentalement bafouée. Une autre motivation a dû guider Corneille. En 1637, la pièce est une tragi-comédie : conformément aux codes du genre et aux goûts de l'époque, le dénouement doit être heureux. En 1660, la pièce est désormais une « tragédie » et se doit donc de proposer un dénouement plus grave, potentiellement malheureux. 2 En quoi ce dénouement est-il original ? Le dénouement pose la question traditionnelle du mariage. Mais le dénouement du Cid est Il est original car ouvert, c'est-à-dire tourné vers l'avenir (les règles dramaturgiques voulaient au contraire que le dénouement soit complet, donc achevé). Version de 1637 : le mariage est programmé, mais n'est pas réalisé pour des raisons qui tiennent plus à la vraisemblance qu'à la bienséance (v. 1833). Version de 1660 : Chimène refuse d'entériner la décision royale et le roi diffère le mariage, sûr que Chimène cédera finalement. Dans les deux cas, on assiste à une ouverture vers un temps non scénique (connecteurs et marqueurs temporels : « hymen différé » v. 1845 ; « un an », v. 1847 ; « laisse faire le temps », v. 1866 ; emploi du futur, v. 1853-1854). Video un vrai dilemme cornélien

Le coin de la Culture G. Le Cid…Et Gérard Philippe Parmi les interprètes qui ont prêté leur visage au Cid au théâtre, un nom domine tous les autres, celui de Gérard Philipe (ou Philippe). Malgré une blessure à la jambe qui limite ses déplacements sur scène, le jeune comédien obtient un triomphe à Avignon en 1951 dans la mise en scène de Jean Vilar, qui n'hésite pas à déclarer : «Personne n'osera plus monter Le Cid avant trente ans»... Victime, à trente-sept ans, d'un cancer du foie, Gérard Philipe reste toujours fidèle à ce rôle qui a marqué sa carrière et l'histoire du théâtre français : à sa demande, il est enterré dans son costume de scène avec une simple orchidée posée sur son habit de velours de Grand d'Espagne.

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Vidéo G. Philippe

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A  retenir  :  

Biographie  de  Corneille  (voir  petite  histoitre  du  theater)  ÊTRE  capable  de  résumer  Le  Cid    Expliquer  ce  qu’est  le  dilemma  cornelian  Définir  la  tragédie  et  la  tragi-­‐comédie  Pouvoir  dire  pourquoi  le  dénouement  du  Cid  est  particulier  

Le dilemme cornelien Vidéo

Les comédies de Corneille parlaient de l'amour et des conflits que celui-ci pouvait engendrer, notamment lorsqu’il était aussi question d'argent. Dans les tragédies, l'amour est remplacé par une valeur qui lui est supérieure — c'est du moins ce que dit Corneille dans ses pièces — : l’honneur (et l’ambition) qui entre en conflit dans Le Cid avec ce même amour 698 .Ce conflit entre l'ambition, ou l'honneur, le devoir, et l'amour créé chez les personnages des tragédies une véritable crise intérieure qui correspond au dilemme cornélien où, comme le dit André Stegmann, « quel que soit le choix, le résultat est douloureux ». Le Cid fournit beaucoup d'exemples de ces choix qui deviennent impossibles à force d'être douloureux, et qui appartiennent en plein au phénomène de la déraison, le personnage n'étant plus capable d'agir avec sa raison pour sortir du dilemme dans lequel il se trouve plongé : Rodrigue : « Il faut venger un père, et perdre une maîtresse, / [...] Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme, / Ou de vivre en infâme, / Des deux côtés mon mal est infini. / Ô Dieu ! l'étrange peine ! » L'Infante : « Ma gloire et mon amour ont tous deux tant d'appas / Que je meurs s'il s'achève, et ne s'achève pas. » (v. 117-18).’