groupe de recherche et d’action sur le foncier (graf ... · groupe de recherche et d’action sur...

27
GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT DES PERIMETRES HYDRO AGRICOLES: CONSTATS MAJEURS ET PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS EN 2007 - 2008 Extrait de photographies du GAHA de la vallée de Kou/Bama, juillet 2005,B Zonou Mars 2008 1

Upload: others

Post on 01-Aug-2020

2 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

GROUPE DE RECHERCHE ETD’ACTION SUR LE FONCIER

(GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL

REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT DES PERIMETRES HYDRO AGRICOLES: CONSTATS MAJEURS ET

PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS EN 2007 - 2008

Extrait de photographies du GAHA de la vallée de Kou/Bama, juillet 2005,B Zonou

Mars 2008

1

Page 2: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE…………………………………………………………….5

Pourquoi un Réseau sur le foncier rural ?................................................................................5

Démarche et méthode suivie pour chacune des études……………………………………6

1 CONSTATS ET ENSEIGNEMENTS SUR LES GRANDS PERIMETRES AMENAGES (GAHA)………………………………………………………………………..7

Introduction générale sur les GAHA……………………………………………………..…7

1.1 Constats majeurs, analyses et principaux enseignements………………………..……7

1.1.1 Une proportion limitée des superficies aménagées est exploitée, essentiellement pour des raisons d’ordres techniques……………………………………………………….7

1.1.2 Les revenus sont bas et en dégradation constante…………………………………..10

1.1.3 Les femmes ont un accès inégal à la terre…………………………………………..10

1.1.4 Il y a une insécurité foncière importante…………………………………….……...12

1.1.5 Il y a des exploitations familiales qui réussissent malgré tout……………………...12

1.1.6 La plupart des agro business n’ont pas réussi………………………………………14

2 CONSTATS ET ENSEIGNEMENTS SUR LES PETITS PERIMETRES AMENAGES (PAHA)……………………………………………………………………………………….17

Introduction générale sur les PAHA…………………………………………….…………17

2.1 Constats majeurs, analyses et principaux enseignements…………………………….17

2.1.1 Des rendements très faibles ………………………………………………………...…17

2.1.2 Des superficies de très petite taille…………………………………………………….17

2.1.3 Des revenus très faibles ……………………………………………………………….18

2.1.4 Des exploitants familiaux qui réussissent malgré tout……………………………….21

2.1.5 Le cas spécifique des femmes………………………………………………………..24

3 SYNTHESE DES ENSEIGNEMENTS MAJEURS ET QUESTIONS PRIORITAIRES…….24

o Les Principaux Enseignements……………………………………………………..24

2

Page 3: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

o Les Questions Centrales A Approfondir……………………………………...……26

3

Page 4: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

LISTE TABLEAUX

Tableau 1 : Evolution des superficies mises en valeur sur les GAHA…………………………………………………………………………………..……...8

Tableau 2 : Illustration des performances des exploitants familiaux en matière de rendements sur les GAHA………………………………………………………………………………...13Tableau 3 : Illustration des performances des exploitants familiaux en matière de rendements sur les PAHA…………………………………………………………………………..……..21

Tableau 4 : Illustration des performances des exploitants familiaux en matière de commercialisation et d’approche du marché sur les PAHA………………………………….21

LISTE DES ENCADRES

Encadré 1 : Illustration du degré de vétusté/dégradation des ouvrages et aménagements sur les GAHA……………………………………………………………………………….…...…9

Encadré 2 : Illustration de la mauvaise qualité des aménagements et de l’inadaptation des options techniques sur les GAHA …………………………………………………………..…9

Encadré 3 : Commentaires sur les ouvrages/équipements techniques et le système de maintenance sur les GAHA ………………………………………………………................…9

Encadré 4 : Témoignage sur les conditions de commercialisation pénalisantes pour les producteurs sur les GAHA ………………………………………………………………...…10

Encadré 5 : Illustration et commentaire par rapport à la taille des superficies attribuées sur les GAHA ……………………………………………………………………………………..…11

Encadré 6 : Illustration et commentaire par rapport à l’attribution des parcelles selon le genre et la taille des superficies attribuées sur les GAHA …………………………………..……...11

Encadré 7 : Illustration des cas d’occupations « abusives » des parcelles abandonnées par des opérateurs agro business sur les GAHA …………………………………………………..…15

Encadré 8 : Illustration et commentaire par rapport au non respect des règles et engagements par des opérateurs agro business sur les GAHA …………………………………………….15

Encadré 9 : Illustration des cas d’échec des opérateurs agro business sur les GAHA …..…16

Encadré 10 : Illustration et commentaire par rapport aux coûts de l’énergie sur les GAHA……………………………………………………………………………………...…16

Encadré 11: Illustration du degré de vétusté/dégradation des ouvrages et aménagements sur les PAHA ………………………………………………………………………………….…17

4

Page 5: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

Encadré 12 : Illustration et commentaire par rapport aux modalités d’attribution des parcelles sur les PAHA …………………………………………………………………………..…….18

Encadré 13: Illustration et commentaire sur le niveau de satisfaction des exploitants par rapport à la qualité des aménagements sur les PAHA ……………………………………….19

Encadré 14 : Illustration des cas d’insécurité et/ou de précarité foncière des exploitants sur les PAHA……………………………………………………………………………….…….20

LISTE DES GRAHIQUES

Graphique 1 : Niveau global de satisfaction des exploitants par rapport à la qualité des aménagements……………………………………………………………………………….…8

Graphique 2 : Pourcentage global des parcelles attribuées selon le genre…………………………………………………………………………………….…….10

Graphique 3 : Distribution globale des superficies attribuées selon le genre……………………………………………………………………………………..……11

Graphique 4 : Répartition du revenu moyen général selon le genre……………………………………………………………………………………..……19

5

Page 6: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

INTRODUCTION GENERALE

Pourquoi un Réseau sur le foncier rural ?

Face à la problématique globale de l’équité dans l’accès à la terre, la sécurisation des droits des différents acteurs, la prévention et résolution des conflits fonciers, les propositions d’alternatives sont plus ou moins nombreuses sur le terrain certes, mais avec des succès trop souvent mitigés ou même nuls.Conscients de la nécessité de conjuguer les efforts et initiatives afin de pouvoir mener des réflexions et des actions ambitieuses et efficaces, et d’avoir des bases suffisamment solides et une légitimité large pour suivre et influencer la mise en œuvre des actions publiques sur le foncier, un certain nombre d’organisations se sont constituées en juillet 2005 et avec l’appui de la Coopération Suisse en un Réseau national de suivi des indicateurs sur le foncier rural : OP (CPF, Wouol, UNPCB, etc.), services techniques de l’Etat (MAHRH, DGAT, etc.), OSC (GRAF, etc.), ONG (AGED, etc.), Associations de femmes (AFJ, CBDF, Munyu, Association Femmes 2000, etc.), Chefferie coutumière).Il s’agit à travers la création de ce Réseau de permettre à la société civile d’avoir un regard critique et bien argumenté sur les actions de l’Etat dans le domaine du foncier et de la gestion des ressources naturelles, avec comme principes de base devant guider son action: l’équité dans l’accès à la terre, la sécurisation des droits de tous les acteurs du foncier rural, la gestion préventive et la résolution des conflits fonciers.

De façon plus spécifique, le Réseau foncier rural vise à :― permettre aux acteurs de la société civile impliqués dans le foncier rural et la gestion

des ressources naturelles de défendre efficacement leurs points de vue à tous les niveaux ;

― fournir à partir d’une série d’indicateurs pertinents et cohérents des informations permettant de mieux comprendre la dynamique ainsi que les enjeux du sous secteur.

― faire des propositions constructives à l’Etat et aux institutions d’appui, afin d’améliorer l’accès au foncier rural, l’équité, la gestion des conflits liés au foncier et aux ressources naturelles.

Un comité de pilotage dirigé par un Président et une Vice Présidente donne les orientations du Réseau, tandis que le GRAF en assure l’animation ainsi que la gestion administrative, avec l’appui de personnes ressources confirmées (statisticiens, économistes, informaticiens, spécialistes Base de données, sociologues, etc.)

Les travaux menés jusque là

De façon globale, le réseau mène une série d’activités les unes aussi importantes que les autres: collecte et analyse d’informations, élaboration d’une grille d’indicateurs pour un suivi indépendant de l’action de l’Etat dans le domaine du foncier, études thématiques, communication, lobbying et plaidoyer, formation, renforcement des capacités de ses membres.Cependant, depuis 2005, le réseau met principalement en œuvre un programme de suivi des indicateurs du foncier qui a conduit à la création et l’animation d’une base de données dont la pertinence des indicateurs et la fiabilité des résultats lui permettent de documenter avec rigueur ses prises de position tout en leur donnant la légitimité requise.

6

Page 7: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

Démarche et méthode suivie pour chacune des études

– l’utilisation des rapports existants– la conduite d’enquêtes quantitatives sur l’agriculture pluviale et irriguée– la conduite d’entretiens individuels approfondis– la conduite de focus group– la conduite d’étude de cas approfondis sur des expériences (exploitations familiales, agro

business.)– l’organisation d’ateliers de restitution pour discuter et enrichir les résultats, analyses et

recommandations

o Pour la réalisation des enquêtes d’opinion sur les périmètres aménagés

La méthodologie suivante a été mise en place : Choix par tirage aléatoire des sites ayant plus de 10 hectares, sur la base d’une liste de

sites irrigués fournie par les services techniques compétents ; Vérification des superficies des zones irriguées ainsi que des effectifs par site (selon le

genre des exploitants), pour assurer le tirage au deuxième niveau (exploitants) ; Allocation de l’échantillon selon le genre (en sur représentant les femmes), avec un accent

particulier sur les grandes zones aménagées (vallée du Sourou, vallée du Kou, Bagré).Les données sur les périmètres étaient incomplètes, non actualisées la plupart du temps au niveau des services compétents. Il a été organisé une première tournée au niveau de l’ensemble des périmètres sélectionnés dans l’échantillon pour les préciser en collaboration avec les services compétents sur le terrain et les organisations d’exploitants : superficie effectivement aménagée, superficie exploitée, effectif (selon le genre), liste actualisée des exploitants présents etc.…Une fois que ces données ont été réunies, le nombre de personnes à enquêter par périmètre a été défini, ainsi que l’approche pour le faire. Une seconde tournée a été effectuée alors pour procéder avec les exploitants à la confirmation de la liste effective des exploitants présents, puis au tirage aléatoire des personnes devant faire l’objet d’interviews.

Formation des enquêteurs et contrôle sur le terrain Codification, test de cohérence et calcul des indicateurs (SPSS et Excel).

o Pour l’analyse globale des PAHA et des GAHA

L’analyse globale de la situation des petits aménagements hydro agricoles (PAHA) et des grands aménagements hydro agricoles (GAHA) a consisté à une étude de cas, qui s’est appuyée sur les données brutes et les résultats préliminaires des enquêtes d’opinion sur les périmètres aménagés (relatifs notamment aux contraintes et aux pistes de recommandations), mais aussi sur les diagnostics et recommandations y relatifs et récents (en particulier contenus dans la PNSFMR).Un atelier de restitution et d’enrichissement du rapport provisoire a permis de consolider les résultats obtenus, avec accent sur les mesures et recommandations.

o Pour l’analyse de la vitalité des exploitations paysannes sur les périmètres aménagés et l’évaluation du bilan de l’agro business

A ce niveau, la méthodologie suivante a été suivie:- Pour les exploitations paysannes :

études de cas de réussite (sucess stories) d’un échantillon de producteurs sur les grands et petits périmètres aménagés (Sourou, Fara, Talembika), par l’identification et la documentation de plusieurs expériences, à travers une série d’entretiens prolongés et croisés avec des visites sur les exploitations ainsi que des témoignages

- Pour l’agro business: identification d’un échantillon d’opérateurs ayant intervenu en tant que agro businessmen

parmi les catégories d’acteurs ci-après : sociétés ou entreprises privées, cadres de la hiérarchie militaire, fonctionnaires, personnalités politiques ou administratives, cadres du secteur privé ou acteurs indépendants, en prenant en compte

7

Page 8: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

cas d’échec (opérateurs agro business n’ayant pas réussi et qui ont quitté définitivement le site) et des cas d’exploitation en cours (opérateurs agro business toujours actifs sur le site)

reconstitution et évaluation rigoureuse et objective de l’itinéraire de ces opérateurs depuis leur installation jusqu’à aujourd’hui,

description détaillée de l’expérience des uns et des autres à travers notamment les éléments comme la superficie possédée et évolution, les dépenses et investissements consentis, les contraintes rencontrées et initiatives prises pour les surmonter, les coûts de production, les marges annuelles ou par campagne, etc.

identification et analyse des facteurs de réussite et des contraintes qui pèsent toujours, en vue de dégager les leçons et les principales recommandations venant de l’expérience afin qu’elles puissent se consolider

séance interne (membres Réseau) de travail autour des résultats préliminaires atelier de restitution et d’approfondissement du rapport provisoire, avec accent sur les

recommandations en termes de mesures et actions concrètes et opérationnelles pour la revitalisation des exploitations paysannes sur les grands et les petits périmètres, mais aussi pour la promotion d’un agro business véritablement efficace et compétitif

1 CONSTATS ET ENSEIGNEMENTS SUR LES GRANDS PERIMETRES AMENAGES (GAHA)

Introduction générale sur les GAHA

Selon la nomenclature officielle, les grands périmètres irrigués couvrent des centaines, voire des milliers d’hectares d’un seul tenant. L’alimentation en eau se fait à partir de retenues d’eau à régularisation pluvi-annuelle ou de pompage sur des cours d’eau pérennes. Au Burkina, et à l’heure actuelle, ils sont au nombre de sept (7) : vallée du Kou, Karfiguèla, Niofila, Banzon, Douna, Sourou et Bagré.Ces aménagements ont coûté à la communauté nationale des efforts financiers importants. En effet les coûts actualisés en 2 000 indiquent qu’un hectare aménagé coûte entre 7.000.000 et 9.000.000 de Frs. CFA. Aux termes des textes en vigueur ou même en élaboration, ces aménagements restent la propriété pleine et entière de l’Etat. (RAF, PNSFMR, Avant Projet de loi sur le foncier rural).

1.1 Constats majeurs, analyses et principaux enseignements

1.1.1 Une proportion limitée des superficies aménagées est exploitée, essentiellement pour des raisons d’ordres techniques

Le taux d’exploitation effective des grands périmètres est en constante régression et en dessous du potentiel, comme l’atteste l’exemple ci-dessous qui décrit l’évolution des superficies exploitées au niveau de la plaine de Karfiguela en saison sèche, entre 2003 et 2006.

8

Page 9: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

Tableau 1 : Evolution des superficies mises en valeur : Exemple de la plaine de Karfiguéla

Années Superficies totales Superficies emblavées (ha)

Superficies non emblavées (ha) Taux d’exploitation

2003 349 193 156 55 %2004 349 162 187 46 %2005 210 123 87 59 %2006 349 164 185 47 %

Source : rapport de l’analyse globale des GAHA, Réseau Foncier Rural/GRAF, mars 2007

De manière générale, près de trois quarts des exploitants familiaux (74 %) estiment que les superficies qui leur sont attribuées sont insuffisantes par rapport à leur capacité de mise en œuvre. Dans tous les cas, le constat établi dans les indicateurs de base du GRAF fait état d’une situation globale de faible exploitation des superficies aménagées, essentiellement liée à l’insuffisance (voire manque) d’eau en saison sèche. En définitive, il ressort que l’offre dans l’accès à la terre et à l’eau sur les périmètres est insuffisante, du fait principalement (pour ce qui concerne l’eau surtout) de la compétition entre plusieurs utilisateurs et entre les genres, parfois en amont de la ressource (exemple de la SOSUCO et de l’ONEA dans les Cascades).1

Le faible taux de mise en valeur des parcelles est donc en réalité la conséquence d’un certain nombre de facteurs et contraintes, dont principalement la vétusté/dégradation des installations et la mauvaise qualité des aménagements (planage et/ou options techniques défaillantes).2 Par rapport à cette question précise de la qualité des aménagements, les enquêtes d’opinion sur les périmètres aménagés réalisées par le Réseau Foncier Rural/GRAF indiquent que globalement, près de 60% des exploitants n’apprécient pas franchement la qualité et donc l’efficacité des travaux d’aménagement tels que réalisés, et cela au vu du processus avancé de dégradation continue des ouvrages, caractérisé notamment par :

- L’ensablement des cours d’eau et des canaux principaux d’amener. - La défectuosité des prises d’eau, - Le dysfonctionnement des stations de pompage - Le mauvais état des différents canaux d’amener (principaux, secondaires, tertiaires,

quaternaires).- Le mauvais planage des parcelles de culture.3

Graphique 1 : Niveau global de satisfaction des exploitants par rapport à la qualité des aménagements

Source : Données terrain Enquêtes d’opinion sur l’agriculture irriguée (Réseau Foncier Rural/GRAF, 2007)

1 Voir Rapport analytique global des GAHA, Réseau Foncier Rural/GRAF, mars 20072 Réseau Foncier Rural/GRAF, Rapport de l’analyse globale des GAHA, mars 20073 Réseau Foncier Rural/GRAF : Rapport consolidé des enquêtes d’opinion sur les périmètres aménagés, mars 2007

010203040506070

satis

fait

parti

elle

men

tsa

tisfa

it ou

insa

tisfa

it

qualite amenagement

9

Page 10: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

Sur les grands périmètres particulièrement, les producteurs se plaignent d’avoir hérité de machines obsolètes qu’ils sont obligés de réparer régulièrement.

Encadré 1 : Illustration du degré de vétusté/dégradation des ouvrages : Exemple de la vallée du Sourou4

Propos de M.KA.: « Quand les machines étaient encore bien, on nous faisait payer des frais d’amortissement et des taxes d’aménagement. Quand on a pris notre autonomie et qu’on a trouvé que les machines étaient déjà à un stade d’amortissement très avancé, on les a dit que nous ne pouvons pas continuer à payer des taxes d’amortissement pour des choses qui sont déjà amorties ; mais on a continué à payer jusqu'à maintenant ces taxes. Au moment où on prenait notre autonomie, les machines étaient déjà presque tous gâtées ; au niveau de la machine centrale, on avait même enlevé le cylindre et on a été obligé d’aller payer un autre cylindre à nos frais pour venir mettre ; c’est ce dernier aussi qui s’est brisé la fois dernière et on est toujours dans des problèmes et jusqu'à l’heure où je vous parle, on ne sait pas où le cylindre est renté. »

(Extrait entretiens du 10/01/2008 au Sourou)

Les contraintes liées à la disponibilité et/ou à la gestion de l’eau se manifestent principalement en termes de :

- mauvais nivellement/planage des parcelles- mauvaise qualité de la construction des canaux secondaires et tertiaires- ponction importante de la ressource en amont par d’autres utilisateurs- faibles débits d’irrigation- pannes techniques/défectuosité du système de pompage

La conséquence immédiate est que même là où les producteurs sont motivés pour travailler, ils ne peuvent pas toujours le faire – ou pas tous et au bon moment– du fait de la mauvaise desserte de certaines parcelles en eau. Toutes choses qui limitent considérablement ou compromettent même parfois la production sur les périmètres.

Encadré 2 : Illustration de la mauvaise qualité des aménagements et de l’inadaptation des options techniques : Cas de la plaine de Niofila

A Niofila, le nombre de canaux secondaires prévus pour être construits n’a pas été atteint ; il y a donc une déficience dans l’acheminement de l’eau vers les parcelles.Par ailleurs, ce sont des canaux tertiaires et quaternaires qui jouent le rôle des canaux secondaires à certains niveaux. Construits en terre cuite et non en béton comme les secondaires, ils se sont vite dégradés, causant d’énormes pertes en eau pour les exploitations.En outre, pendant l’hivernage, l’eau du fleuve se déverse souvent directement dans les aménagements, inondant ainsi les parcelles de culture. Toutes ces insuffisances dans la conception ou la réalisation des installations contribuent à réduire la productivité du périmètre et partant le revenu des producteurs.

Source : Rapport de l’analyse globale des GAHA, Réseau Foncier Rural/GRAF, mars 2007

Encadré 3 : Commentaires sur les ouvrages/équipements techniques et le système de maintenance : Propos de M.Z.I. exploitant au Sourou

Si les autorités de la vallée pouvaient trouver un système qui va réduire la consommation des machines et l’achat des pièces ; s’ils peuvent concevoir des sortes de vannes ou bien s’ils pouvaient trouver une possibilité d’installer des machines qui fonctionnent de façon indépendante. Mais s’ils installent un système comme celui-ci, les nouveaux arrivants quelque soit ce qu’ils vont faire, ils ne peuvent pas ne pas avoir des difficultés. Je dis ça parce que, une machine ne peut pas fonctionner sans tomber en panne et si cette panne coïncide avec un moment où la production a le plus besoin d’eau, c’est la campagne qui est foutue (texte tiré des entretiens du 10/01/2008 au Sourou).

Source : Rapport de l’Etude sur la vitalité des exploitations paysannes sur les périmètres aménagés et Evaluation du bilan de l’agro business au Burkina, Réseau Foncier Rural/GRAF, mars 2007

4 Réseau Foncier Rural/GRAF : Rapport de l’Etude sur la vitalité des exploitations paysannes sur les périmètres aménagés et Evaluation du bilan de l’agro business au Burkina, mars 2008

10

Page 11: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

1.1.2 Les revenus sont bas et en dégradation constante

o Des conditions de commercialisation inefficaces et pénalisantes, y compris la transformation et la conservation

Les conditions de commercialisation ne favorisent pas la rentabilisation des périmètres aménagés. Les prix sont bas, en considération des charges d’exploitation. Les insuffisances dans la conception ou la réalisation des installations, les contraintes d’accès au marché contribuent à réduire la productivité du périmètre et partant le revenu des producteurs. Sur les grands périmètres, cette situation est assez préoccupante, notamment en ce que de plus en plus, l’approche basée sur les contrats d’enlèvement à la récolte entre producteurs et commerçants (écrits ou oraux) est en train de prendre du terrain, avec pour conséquence la fin pour les producteurs concernés de toute possibilité ou force de négociation des prix à l’achat. « Les uns sont ainsi à la merci des autres. »5 Ce contexte a favorisé l’émergence du crédit d’usure entre les producteurs et certains commerçants, intermédiaires commerciaux et producteurs « privilégiés », pratique qui s’est aujourd’hui développée à tel point que certains producteurs éprouvent encore de la peine à sortir de ce cercle vicieux, la plupart d’entre eux étant de toutes façon réduits à de simples métayages au profit de leurs créanciers.6

Encadré 4 : Témoignage sur les conditions de commercialisation pénalisantes pour les producteurs : Propos de M.H.A. par rapport à la pratique des prêts d’usure sur la Plaine du Sourou

Le « ka-vando », c’est quand un producteur manque de moyens pour faire sa campagne. Par exemple, il lui manque d’engrais ou bien il ne dispose pas d’argent pour payer les taxes d’exploitation ; il part voir un commerçant qui lui fournit les intrants et autres moyens en nature. Mais là, l’engrais n’est pas payé au prix du marché ; par exemple actuellement l’engrais se vend au marché de Gouran à 13500f mais si c’est le « ka-vando », on te vend le même à 20 000f payable après campagne. Et ce n’est pas fini, le bénéfice que tu as pu réaliser après la campagne, est divisé en deux parts égales et le commerçant prend la moitié et c’est l’autre moitié qui t’appartient.

1.1.3 Les femmes ont un accès inégal à la terre

En général, les modalités d’attribution favorisent nettement les hommes comme chef d’exploitation par rapport aux femmes, de sorte que sur le terrain, la quasi totalité des parcelles sur les périmètres de l’échantillon sont affectées aux hommes (92%).7 Et malgré l’introduction par certains programmes ou projets de la formule d’accès collectif des femmes aux parcelles irriguées (à travers leurs groupements), elles en ressortent encore avec des superficies très limitées et des droits précaires.

Graphique 2 : Pourcentage global des parcelles attribuées selon le genre

D’autre part, la superficie moyenne attribuée varie fortement selon le genre :5 Réseau Foncier Rural/GRAF : Rapport de l’Etude sur la vitalité des exploitations paysannes sur les périmètres aménagés et Evaluation du bilan de l’agro business au Burkina, mars 20086 Idem7 Réseau Foncier Rural/GRAF : Rapport consolidé des enquêtes d’opinion sur les périmètres aménagés, mars 2007

superficie

HF

11

Page 12: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

- 3 ha en moyenne pour les hommes- 1 ha en moyenne pour les femmes8

Graphique 3 : Distribution des superficies attribuées en général selon le genre

En vérité, ces moyennes cachent la situation réelle de la taille des parcelles effectivement attribuées, qui sont généralement en dessous d’un Ha (01) et pour la quasi-totalité des exploitants sur la plupart des GAHA.Comment alors espérer sérieusement parvenir à une rentabilité économique et financière des investissements consentis, avec des superficies aussi étroites ?

Encadré 5: Illustration et commentaire par rapport à la taille des superficies attribuées : Cas de la plaine de Niofila

Sur 1 350 ha prévus, seuls 410 ha ont été effectivement emblavés pour 2 000 attributaires, ce qui donne moins de 0,2 ha d’exploitation. Pire, 50 ha s’avèrent inexploitables parce qu’étant situés sur une portion du périmètre mal planée. Comment rentabiliser économiquement un lopin de terre de moins de ¼ ha ?

Source : Rapport de l’analyse globale des GAHA, Réseau Foncier Rural/GRAF, mars 2007

Encadré 6 : Illustration et commentaire par rapport à l’attribution des parcelles selon le genre et la taille des superficies attribuées : Exemple de la plaine de Karfiguela

On relève 130 femmes sur 540 hommes exploitant le périmètre. L’affectation des superficies a été faite aux chefs de ménages, c'est-à-dire aux hommes. C’est seulement en cas de décès du mari que la femme peut hériter du droit d’exploitation.La structure de l’exploitation en termes de superficie est la suivante :

0,25 ha : 45 % des exploitants0,50 ha : 33% des exploitants0,75 ha : 13,75 %1 ha : 6 %1ha, 25 : 2,25 %

L’exiguïté des parcelles freine les possibilités d’intensification et de génération de revenus de manière significative.

Source : Rapport de l’analyse globale des GAHA, Réseau Foncier Rural/GRAF, mars 2007

Cependant Il faut relever que les femmes ne sont pas forcément demandeuses de parcelles d’exploitation à titre individuel, et cela pour plusieurs et diverses raisons (par exemple, elles ne disposent généralement pas des ressources nécessaires pour une mise en valeur individuelle). Du reste, cette question de la sécurisation des femmes sur les périmètres

8 Réseau Foncier Rural/GRAF : Rapport consolidé des enquêtes d’opinion sur les périmètres aménagés, mars 2007

taille moyen

00,5

11,5

22,5

33,5

H F

taille moyen

12

Page 13: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

aménagés se révèle très complexe, car conditionnée dans son effectivité par sa place dans l’exploitation familiale (division du travail, statut). Dans nombre d’exploitations familiales qui ont réussi sur les périmètres aménagés, la femme est intégrée dans le système d’exploitation d’ensemble du ménage sans avoir une parcelle propre à elle, mais en partageant les itinéraires techniques avec son époux. Dans un tel contexte, le problème se pose davantage en termes d’accès au pouvoir de décision sur les fruits de la production et les revenus générés, et cet accroissement du pouvoir de la femme pourrait ou devrait se poser plutôt en termes de légalisation des liens de mariage, d’informations et d’assistance sur leurs droits, mais aussi et surtout de formules de droits pour le couple dans son entité dans l’attribution de parcelles (attribuer au ménage et non au chef de ménage). 9

1.1.4 Il y a une insécurité foncière importante

Du point de vue de la sécurisation, et en particulier sur la question de l’autonomie, la situation des exploitants n’est pas la plus confortable possible. En effet, les constats suivants peuvent être faits10 :- seul un simple registre d’immatriculation atteste de l’installation des exploitants sur

les parcelles au niveau des GAHA, rendant du coup le statut des producteurs et des coopératives relativement précaire, notamment en termes de droits d’exploitation et d’autonomie.

- même si cela semble moins accentué au niveau des GAHA, on note des situations où les populations autochtones (anciens superficiaires) revendiquent leurs droits dits ancestraux sur les terres aménagées par l’Etat, freinant ainsi les élans d’investissements sur le long terme.

- les transactions foncières sur les périmètres, qui sont fortement pratiquées d’un périmètre à l’autre, constituent un facteur important d’insécurité pour des investissements de longue durée, ou en tout cas pourraient être perçues comme telles, du fait principalement qu’elles ne sont pas formalisées ;

Il est évident que la nécessité de la sécurisation des exploitants sur leurs parcelles est importante, mais il faut reconnaître que cela est loin d’être la contrainte principale dans l’ordre de priorité sur ces périmètres Les producteurs membres des coopératives, tout comme les responsables des coopératives, posent le problème de la sécurisation foncière non en termes de droits individualisés pour chacun, mais en termes de droit collectif de la coopérative vis-à-vis de l’Etat, puis de clarification et respect des droits des membres vis-à-vis de la coopérative.

1.1.5 Il y a des exploitations familiales qui réussissent malgré tout

Contrairement à des idées reçues, et quoique les contraintes soient multiples et diverses, il y a un nombre important de cas de réussite au niveau des exploitants familiaux, qui sont illustrés principalement à partir des critères suivants: rendements, formes d’accumulation ; fonctionnement de l’exploitation (y compris la place des femmes). De manière générale, la plupart des exploitants familiaux sur les périmètres aménagés ont constitué leur capital de production (terre, matériel, technicité etc.) au prix d’énormes sacrifices consentis au fil des années. Les performances enregistrées au niveau de ces exploitants, et en l’occurrence sur les GAHA est induite par des connaissances empiriques et

9 Réseau Foncier Rural/GRAF, Rapport de l’analyse globale des PAHA, mars 200710 Réseau Foncier Rural/GRAF : Rapport de l’Etude sur la vitalité des exploitations paysannes sur les périmètres aménagés et Evaluation du bilan de l’agro business au Burkina, mars 2008

13

Page 14: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

un savoir faire valorisé grâce à leurs propres expériences du terrain ; car qu’ils soient installés en agro business ou non, il s’agit toujours de « gens du sérail », qui ont fait la preuve d’une plus grande maîtrise de leurs exploitations notamment sur le plan de :

- l’augmentation des superficies Par une stratégie d’accumulation successive, certains exploitants familiaux ont pu augmenter sensiblement leurs superficies au fil des années, principalement sur la base des opportunités de choix offertes par l’encadrement pendant la phase sous tutelle, et/ou sur la base de leurs moyens et de leurs capacités pendant la phase d’autonomie.

Au Sourou par exemple, K. A. a évolué d’une superficie initiale de 0,5 ha à 9 ha de terres exploitées de nos jours. De même, Z. I. qui a démarré avec 0,5 ha exploite aujourd’hui 5,5 ha.11

Cette augmentation des superficies a en même temps entraîné d’autres performances, notamment en termes de renforcement du niveau d’équipement en matériels agricoles et d’accroissement des effectifs de la main d’œuvre pour contenir le volume de travail.

- l’accroissement des rendements Les rendements de certains exploitants familiaux ont connu une augmentation sensible. C’est le cas notamment de:12

- H. K., exploitant agricole au Sourou : d’une production totale estimée à 30 sacs de 100kg/ha de maïs en 2003, il a atteint aujourd’hui des rendements minimaux de 100 sacs/ha- M. B., exploitant agricole au Sourou (cf. tableau ci-dessous)

Tableau 2 : Illustration des performances en matière de rendements : Exemple de M. B. du Sourou

Années Superficie exploitée (ha) (Spéculation : Oignon)

Rendement

2001 3 ha 30 tonnes / ha 2002 5 ha 30 tonnes / ha 2003 8 ha 30 tonnes / ha 2004 11 ha 30 tonnes / ha 2005 15 ha 30 tonnes / ha 2006 15 ha 30 tonnes / ha 2007 15 ha 30 tonnes / ha Années Superficie exploitée (ha)

(Spéculation : maïs)Rendement

2005 11 ha 5 tonnes / ha 2006 19 ha 5 tonnes / ha 2007 18 ha 5 tonnes / ha

- l’accroissement du revenu Même si c’est vrai que la situation varie d’un périmètre à l’autre, les revenus tirés des périmètres aménagés par les exploitants familiaux ont globalement augmenté par rapport à la situation initiale. En effet, les productions vendues ont permis à certains d’entre eux de dégager des revenus nets relativement substantiels, qui de manière générale, sont réinvestis en priorité dans la chaîne de production, l’amélioration de la qualité de vie familiale et la 11 Réseau Foncier Rural/GRAF : Rapport de l’Etude sur la vitalité des exploitations paysannes sur les périmètres aménagés et Evaluation du bilan de l’agro business au Burkina, mars 2008

12 Idem

14

Page 15: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

diversification des activités génératrices de revenus. L’exemple de Z.I. exploitant au Sourou illustre cela, d’autant que sur la base des revenus de son exploitation, celui-ci a assuré le paiement régulier des frais de scolarité de 4 de ses enfants, l’achat de matériels roulants (une moto Yamaha pour lui lui-même, des vélos pour ses enfants, une charrette pour les activités diverses de sa femme, etc.)L’analyse des facteurs déterminants pour l’accroissement des revenus fait ressortir une certaine maîtrise du marché ; ainsi, pour assurer la commercialisation de leurs produits, ces exploitants familiaux ont mis en place et/ou animent des circuits commerciaux propres au niveau national et même parfois régional.

Cependant, en plus et en dehors des contraintes mentionnées ci-dessus, un autre facteur qui limite plus ou moins sensiblement les performances des exploitants sur les GAHA concerne l’absence de conseils techniques et commerciaux, de gestion pour les exploitants individuels et pour les coopératives. L’exemple de la plaine du Sourou indique que la dynamique de l’appui conseil rapproché de la part des services techniques ne semble pas avoir été soutenue dans la durée, étant donné que la plupart des producteurs qui y sont actuellement installés n’ont pas reçu de formations ciblées. C’es dire que la majorité des paysans ont été formés sur le tas et travaillent selon « des connaissances diffuses ou par tâtonnement, du moins pour certaines spéculations », comme en témoignent les propos suivants : « Par rapport à l’AMVS, ce qu’il fait, c’est l’aménagement des superficies pour que les gens viennent exploiter mais si tu arrives et on t’installe, c’est fini; c’est comme une poule qu’on jette dans un poulailler, il appartient à ce dernier de s’arranger pour produire. Une fois que vous êtes installé, le travail de l’AMVS c’est de vous conseiller de bien entretenir vos machines pour qu’elles ne se gâtent pas et pour payer les taxes d’exploitation c’est à ce niveau ils mettent l’accent.» (Extrait entretien avec K. A., périmètre Sourou, 10/01/2008).13

1.1.6 La plupart des agro business n’ont pas réussi

o Ils ne sont pas du « sérail », et donc ne maîtrisent pas « le métier »Ici aussi, contrairement aux idées reçues, la plupart des opérateurs agro business (ne provenant pas du secteur de l’agriculture ou ne jouissant pas forcement d’une expérience professionnelle liée aux activités de production agricole) n’ont pas réussi. Ils y sont du fait des opportunités d’affaires et de gains financiers que cette activité est censée offrir, et même parfois par simple désir de s’initier à l’agriculture sur la base de la facilité d’accès aux terrains aménagés14. Par exemple, au moins cinq (5) exploitants répondant aux critères d’agrobusiness installés sur la plaine du Sourou ne présentaient aucune expérience du secteur agricole au moment de leur installation15. Depuis l’aménagement de la vallée du Sourou et l’appel fait aux agro business, ils sont plusieurs dizaines à avoir tenté l’aventure. Il s’agit en général de « gens venus de la ville » avec des ressources financières importantes et qui n’ont pas réussi à pratiquer une agriculture rentable et qui de fait ont dû abandonner terrains et équipements, après quelques campagnes agricoles marquées surtout par le tâtonnement dans la mise en œuvre de leur projet, des

13 Réseau Foncier Rural/GRAF : Rapport de l’Etude sur la vitalité des exploitations paysannes sur les périmètres aménagés et Evaluation du bilan de l’agro business au Burkina, mars 200814 Dans la vallée du Sourou par exemple, le seul critère d’identification de l’agrobusiness est la capacité d’occupation d’une exploitation d’au moins 10 Ha de superficie, sans distinction et sans souci d’option dans le mode de production et dans le système de production appliqué. En outre, une simple demande écrite adressée à l’AMVS et formalisant le besoin d’exploiter une superficie d’au moins 10 Ha suffisait pour en être attributaire (cf. rapport cité)15 Réseau Foncier Rural/GRAF : Rapport de l’Etude sur la vitalité des exploitations paysannes sur les périmètres aménagés et Evaluation du bilan de l’agro business au Burkina, mars 2008

15

Page 16: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

échecs et des abandons définitifs en moyenne dans les trois années qui ont suivi leur installation. Les opérateurs privés qui y sont actuellement (fonctionnaires, militaires ou société) ne le sont que depuis très peu de temps (moins de 3 ans).Présentement, sur un total de trois sociétés (03) qui y ont tenté l’aventure, seule une (01) reste encore de nos jours sur le site (grâce il faut le dire à de fortes subventions extérieures). Les autres sont toutes reparties…en attendant que d’autres viennent s’y aventurer, avec les mêmes probabilités d’échec (en tous cas dans les conditions actuelles de production et de commercialisation).Il est regrettable que même l’AMVS ne tienne pas un suivi à ce niveau (suivi des mouvements). Pire, il est remarquable que sur le terrain, bon nombre de producteurs agro business qui ont abandonné, par suite d’échec, continuent d’occuper leurs parcelles, apparemment sans aucune forme de crainte de représailles quelconques de la part de l’autorité d’aménagement. Ce qui, ni plus ni moins apparaît comme un encouragement à l’occupation abusive de terres, qui peut être considéré à termes comme des formes de spéculation foncière. Toutes choses qui devraient constituer des enseignements pour l’élaboration de la loi sur le foncier rural en cours.

Encadré 7 : Illustration des cas d’occupations « abusives » des parcelles abandonnées : exemple du Sourou 16

Cas de M.B et S.S. : Abandon depuis 2004. Droit d’utilisation 120 Ha maintenu. Sous-traitance avec un groupement pré coopératif. Difficulté d’honorer les droits et taxes.Cas de A.L : abandon depuis 2006. Droit d’utilisation maintenu. Droits et taxes 2007-2008 non libérés.Cas I.A : abandon depuis 2005. Droit d’utilisation maintenu ; droits et taxes 2005- 2008 non libérés.

Encadré 8 : Commentaire par rapport au non respect des règles et engagements par des opérateurs agro business : exemple du Sourou

Propos de M. L. « Sur le périmètre, des opérateurs installés ne respectent pas le paiement des redevances d’eau, exploitent leurs parcelles grâce à nous qui faisons fonctionner les pompes par le paiement de nos redevances. [….] Malgré nos innombrables protestations auprès de la Direction de la Mise en Valeur, la situation n’a pas changé et ces opérateurs ne sont pas chassés. ». (Extrait entretien avec M. L, périmètre Sourou,).17

Dans tous les cas, le consensus général est que les agro business provenant hors du secteur de l’agriculture n’ont pas enregistré de résultats positifs dans la vallée du Sourou, ce qui explique ce fort taux de rotation (les uns s’en vont et les autres s’installent…).

Encadré 9 : Illustration des cas d’échec d’agro business : exemple du Sourou18

Cas de M.B. et de S.S. : Installé en 2002, ce binôme d’exploitants a mis en valeur 20 ha la même année et enregistré une perte de 18 000 000 FCFA, puis 30 ha l’année suivante (2003) sans résultats probants, et enfin une perte de 36 000 000 FCFA l’année d’après (2004). Il est contraint alors d’abandonner définitivement, après une perte cumulée de 54 millions sur les 2 ans d’activités.

Cas de M.S.A : Installé en 1999 sur 10 ha, il enregistra dès la première campagne une perte de 4 800 000 FCFA. Il

16 Réseau Foncier Rural/GRAF : Rapport de l’Etude sur la vitalité des exploitations paysannes sur les périmètres aménagés et Evaluation du bilan de l’agro business au Burkina, mars 2008

17 Réseau Foncier Rural/GRAF : Rapport de l’Etude sur la vitalité des exploitations paysannes sur les périmètres aménagés et Evaluation du bilan de l’agro business au Burkina, mars 2008

18 Idem

16

Page 17: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

est contraint d’abandonner après le constat de l’échec.

Cas de M.B exploitant en 2007 de 50 Ha. : L’exploitant dispose de matériels techniques modernes. Il dispose de la main d’œuvre ordinaire permanente (environ 15), mais a été obligé de faire venir de la main d’œuvre qualifiée de l’extérieur pour une courte durée (une campagne). Pour la seconde campagne, il a fait former un technicien local qui maîtrise avec difficulté le matériel d’exploitations mis à sa disposition. Pour la campagne la présente campagne en cours (2008), cet opérateur a déjà enregistré une perte sur 10 ha d’exploitation.

o Pas de plan ni de stratégie opérationnelle et efficace en matière d’appui-conseil technique

Sur ce plan, la situation des agro business n’est pas véritablement différente de celle des petits producteurs. Par exemple de nos jours, l’AMVS dispose de six (06) agents au total pour l’encadrement des producteurs de toute la vallée du Sourou estimé à 4000 producteurs. Du reste, M. L., exploitant familial installé sur les sites d’agrobusiness témoigne : « Vis-à-vis du protocole que nous avons signé avec l’AMVS dans le cadre de l’agrobusiness, l’AMVS avait dit qu’il suivrait le non respect du cahier de charges, retirerait les parcelles en cas de non respect du protocole, et apporterait un appui conseil aux opérateurs. Sur ce plan l’AMVS ne fait pas son travail. C’est vrai nous avons reçu les parcelles. Un agent technique d’agriculture a été affecté pour notre appui. Pour le moment, nous ne percevons pas cet appui. Je pratique donc ma production avec la technicité que j’ai acquise auprès de mon père quand je travaillais avec lui à Diébougou. Je me souviens qu’avec un consultant du nom de Dia j’ai eu avec d’autres une formation d’une journée sur la production et la conservation de l’oignon. Aujourd’hui, nous avons besoin de formation sur l’esprit coopératif, les techniques de production, la gestion du périmètre (gestion des infrastructures, conduite de l’irrigation, établissement de bilan).»19

o l’énergie coûte très chèreLes coûts de production sont très élevés, notamment en raison de la cherté de l’énergie qui grève considérablement les charges.Encadré 10 : Commentaire par rapport aux coûts de l’énergie : Propos de M.KA sur la situation du Sourou20

Ce que nous voulons qu’ils fassent aussi, vous savez que présentement, le gaz oïl coûte très cher et si on pouvait donc faire venir le courant ici là même, si on pouvait continuer à faire fonctionner certaines de nos machines avec le gasoil et le courant servirait uniquement pour l’alimentation de la machine centrale, cela allait beaucoup nous aider. On ne peut pas payer 40 000 à 50 000 litres de gasoil et faire une campagne et faire un bénéfice. Mais, s’il y a le courant, ça va amoindrir nos charges. C’est pour ça que nous voulons qu’elle le fasse (texte tiré des entretiens du 10/01/2008 au Sourou)

o le système d’irrigation est défaillant

On pourrait résumer les facteurs de réussite spécifique pour les exploitants familiaux essentiellement aux éléments suivants : concentration de la terre, insertion dans un réseau de commercialisation, savoirs techniques de base acquis par eux-mêmes, etc.A contrario et principalement, les facteurs pénalisants pour les agro business pourraient se résumer aux éléments suivants : difficulté d’accès à une main d’œuvre (qualifiée ou non qualifiée), difficulté du contrôle du travail de l’ouvrier agricole ; taux d’intérêt élevés, contraintes techniques.

19 Réseau Foncier Rural/GRAF : Rapport de l’Etude sur la vitalité des exploitations paysannes sur les périmètres aménagés et Evaluation du bilan de l’agro business au Burkina, mars 200820 Idem

17

Page 18: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

2 CONSTATS ET ENSEIGNEMENTS SUR LES PETITS PERIMETRES AMENAGES (PAHA)

Introduction générale sur les PAHA

Dans l’ensemble, les petits aménagements hydro agricoles (PAHA) correspondent à la traduction de la volonté de l’Etat de trouver des voies et moyens pour soutenir la production rurale confrontée aux contraintes climatiques qui semblent s’accentuer. A priori, cette option offre des possibilités d’une double campagne (sèche et hivernale), avec tout ce que cela comporte de en terme de diversification des sources de revenus.

2.1 Constats majeurs, analyses et principaux enseignements

2.1.1 Des rendements très faibles

Les indicateurs de base du GRAF ont établi le constat d’une situation globale de faible exploitation des superficies aménagées, du fait essentiellement de l’insuffisance (voire manque) d’eau en saison sèche ; ce qui, selon les producteurs, est surtout lié à des problèmes techniques des aménagements (défaillances, vétusté/dégradation), qui amènent à s’interroger ici également sur l’effectivité et l’efficacité du contrôle des travaux de réalisation de ces aménagements. Illustration21

Encadré 11: Dakiri : un cas de vétusté des ouvrages hydrauliques

Le barrage de Dakiri dans la commune rurale de Manni a une capacité de 15,6 millions de m3 à sa construction en 1959 sur financement FED. Les 120 ha que permet d’irriguer la retenue d’eau ont été aménagés en différentes phases (1969, 1974). L’ensemble du périmètre irrigué a été réhabilité en 1983 et 742 parcelles d’une taille moyenne de 0,16 ha ont été dégagées puis attribuées. En saison pluvieuse, la totalité du périmètre est ensemencée de riz, tandis qu’en saison sèche 85 ha sont consacré à la culture riz et 35 ha aux cultures maraîchères. Cela fait du barrage Dakiri, en plus de celui de Kompienga, les principales zones de production rizicole et maraîchère de la région de l’est.

L’état actuel des ouvrages hydrauliques (digue de retenue, digue de protection, déversoir, canaux primaires et secondaires, colatures etc.) est très défectueux en raison de la vétusté des réalisations. Ainsi, outre l’envasement de la retenue d’eau qui a réduit de près de 2/3 sa capacité de stockage (son volume actuel est estimé à 5,7 millions de m3), les fuites d’eau enregistrées au niveau de la digue de retenue et des canaux défectueux sont importantes. Ces pertes causent souvent, notamment en année de mauvaise pluviométrie, une insuffisance de la réserve d’eau pour couvrir les besoins d’irrigation de la campagne sèche. Ainsi, les producteurs sont parfois obligés d’arracher le riz vert (au stade de pré maturation) pour donner aux animaux ou en faire du compost.

La coopérative de producteurs a investi plusieurs fois des fonds propres (tirés des recettes de la redevance hydraulique) pour assurer la réparation de la digue de retenue (colmatage des partie endommagées de la péri maçonnerie), mais le problème de fuite d’eau qui a commencé entre 1979 et 1980, persiste. Il faudrait de grosses œuvres pour réhabiliter les ouvrages hydrauliques, mais les démarches entamées auprès de l’ONABAH (Office national de barrages et de l’hydraulique) sont restées vaines jusqu’à la liquidation de cette structure publique. Par ailleurs les nouvelles autorités communales n’en font pas une priorité pour l’instant. Les producteurs de Dakiri se sentent ainsi abandonnés.

Source : Entretien avec B. P., Paysan-encadreur de la plaine de Dakiri, atelier de Koudougou le 16 mars 2007

2.1.2 Des superficies de très petite taille

21 Réseau Foncier Rural/GRAF, Rapport analytique global de PAHA, mars 2007

18

Page 19: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

S’il est vrai que le cahier général des charges pour la gestion des PAHA, adopté en février 2000 « fixe les conditions générales d’attribution, d’occupation et d’exploitation des petits périmètres aménagés par l’Etat ou les collectivités locales », il reste que l’option qui prévaut à l’attribution des parcelles est de satisfaire le plus grand nombre de personnes ayant participé aux travaux de réalisation des aménagements, de sorte qu’en définitive, cela conduit à l’émiettement des superficies ; avec notamment des parcelles de 0,16 à 0,25 ha essentiellement.22

Encadré 12 : Les modalités d’attribution des parcelles : exemple des attributions par tirage au sort sur le périmètre de Diaradougou.

Selon les producteurs, tous ceux qui ont travaillé sur le périmètre ont été impliqués à travers l’attribution de parcelles aux représentants de concessions familiales dont ils relèvent. Cela a concerné aussi bien les autochtones que les migrants vraiment installés (intégrés) et a été étendu aux exploitants de villages voisins (Sandimisso, Sougalodaga).

L’attribution d’une parcelle ne donne pas droit à la délivrance d’un titre quelconque ; elle est matérialisée par l’attribution d’un papier comportant le numéro de la parcelle. Si pour les attributaires autochtones cela n’a pas valeur d’un acte important, pour les attributaires allochtones en revanche, l’obtention d’une parcelle irriguée, avec numéro de la parcelle attribuée est un gage d’assurance à leur résidence. Ce sont les migrants qui sont intégrés qui peuvent être attributaires de parcelles.

L’attribution des parcelles a été faite sur une base consensuelle locale, à raison de six parcelles de 0,25ha par concession dont cinq hommes et une femme attributaires. Ainsi, suivant le sexe, une vingtaine de femmes ont été attributaires, pour plus de 100 hommes attributaires.

« Chaque concession désigne cinq hommes et une femme pour le tirage au sort de numéro de parcelle ». La concession regroupe plusieurs ménages et tend vers l’exploitation familiale ; « notre concession, concerne mon père avec ses trois frères et nous leurs enfants ». Entretien avec S. I., 7 mars 2007.Cette modalité d’attribution a l’avantage d’être équitable dans l’attribution des parcelles entre les concessions familiales. Toutefois, au sein d’une concession, c’est seulement une femme contre cinq hommes qui est attributaire de parcelle.

Au niveau de certains périmètres, pour favoriser l’accès des femmes aux terres aménagées, un critère discriminant avait été instauré en faveur de la femme. A Pontiéba par exemple, les frais d’attribution étaient de 7 500 FCFA pour les femmes et 11 000 FCFA pour les hommes. Mais même ces efforts ont souvent été récupérés, la femme étant en réalité utilisée juste comme un prête nom.

2.1.3 Des revenus très faibles

En termes d’impacts, il ressort que 43 % des producteurs enquêtés estiment que l’exploitation des périmètres aménagés ne s’est pas traduite par une augmentation de leurs revenus monétaires contre seulement 22 % de la population totale concernée par l’enquête qui estiment que les aménagements ont entraîné pour eux un accroissement significatif ou très significatif de leurs revenus.

De manière spécifique, le revenu moyen varie selon le genre, avec par exemple un revenu moyen de l’ordre de 157 000 F CFA pour les hommes et 38 000 F CFA pour les femmes pour la campagne de contre saison 2005-2006.23

22 Réseau Foncier Rural/GRAF, Rapport analytique global de PAHA, mars 200723 Réseau Foncier Rural/GRAF : Rapport consolidé des enquêtes d’opinion sur les périmètres aménagés, mars 2007

19

Page 20: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

Graphique 4 : Répartition du revenu moyen général selon le genre

Globalement, les facteurs contraignants pour les PAHA sont relatifs aux aspects suivants:o un faible niveau de mise en valeur effective des superficies aménagées, du fait

essentiellement de l’insuffisance (voire manque) d’eau en saison sèche ;o une mauvaise qualité technique des aménagements, dont la nature et l’envergure sont

différentes d’un périmètre à l’autre mais qui, de façon générale, explique en grande partie la faible exploitation des superficies aménagées ;

o un niveau de vétusté/dégradation des ouvrages, matériels et équipements

Encadré 13: Appréciation de la satisfaction des exploitants par rapport à la qualité des aménagements : Insatisfaction de la technique de l’aménagement du bas-fond de Dira24

Les populations produisaient du riz dans le bas-fond de Dira. En saison sèche, elles ont tenté d’y faire de la production maraîchère, en creusant manuellement des puits, mais cela ne permettait pas d’avoir suffisamment d’eau. Les services d’encadrement agricole ont alors approché le projet riz pluvial qui a offert d’aménager le bas-fond pour la production d’hivernage. Contre mauvaise fortune, la population a accepté l’aménagement qui pourtant ne leur permettrait pas de faire de la production en saison sèche.

« En fait, nous on voulait avoir une retenue pour permettre de faire aussi de la production de saison sèche, mais le Projet Riz Pluvial nous a dit qu’il ne construit pas de retenue. On a donc accepté leur aménagement pour au moins faire du riz en saison sèche. Il y a eu le lever topographique, et ils sont venus avec un tracteur qui a tout labouré. Trois blocs ont été aménagés avec 123 parcelles individuelles. Mais ils n’ont pas vraiment bien fait le nivellement et la construction des canaux. Cela fait qu’il n’y a jamais suffisamment d’eau sur tous les trois blocs. Quand la rivière déborde et qu’une partie des parcelles des blocs A et C est noyée c’est à ce moment que les parcelles du bloc B reçoivent de l’eau. Et donc les années où ces blocs ne sont pas noyés, ce sont les parcelles du bloc B qui ont des problèmes d’eau » (Entretien avec D. S., atelier de Koudougou, 16 mars 2007).

Par ailleurs, la question de l’accès sécurisé à la terre sur les PAHA, surtout pour les « non autochtones » est plus ou moins cruciale selon les périmètres et les régions. Dans bien de situations, on assiste à des tentatives ou constats de « retraditionnalisation » des terres aménagées, avec tout ce que comporte en termes d’exclusion de fait pour les migrants et les non propriétaires terriens, mais aussi en termes de précarité et d’angoisse pour certains exploitants qui craignent à juste titre d’être « chassés » d’un moment à l’autre de leurs parcelles régulièrement attribuées.

24 Réseau Foncier Rural/GRAF, Rapport de l’analyse globale des PAHA, mars 2007

020000400006000080000

100000120000140000160000180000

homme femme

revenu moyen

20

Page 21: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

Encadré 14 : Insécurité et/ou précarité foncière : cas de tentative de retour de droits ancestraux sur le périmètre de Gaskaye25

Aménagé en 1989 sur financement FENU (Fond des nations unies pour l’environnement ?), le périmètre irrigué de Gaskaye compte 20 ha en aval d’une retenue dont le plan d’eau avoisine 60 ha à la côte de remplissage et 20 ha à la côte d’étiage. L’implantation de ce complexe hydro agricole a entraîné l’occupation de terres autrefois appropriées et exploitées par des familles autochtones. Mais avant sa réalisation, des négociations ont été conduites auprès d’elles pour purger ces droits coutumiers. Ainsi, cinq grandes familles propriétaires de Gaskaye ont accepté, au nom de l’intérêt général, renoncer à leurs droits coutumiers sur les terres qu’occupent le périmètre aménagés et une partie de la retenue d’eau. Il en est de même pour d’autres familles propriétaires de Vatinga, un village voisin de Gaskaye, pour une partie des terres prises par le plan d’eau.

Au terme de l’aménagement, 100 parcelles de 20 ares chacune ont été dégagées. Deux critères ont prévalu à l’attribution des parcelles aménagées. Il y a d’abord la priorité donnée aux doyens des familles ayant cédé des terres pour l’aménagement (reconnaissance ou récompense au droit de hache ou droit de premier occupant : la préséance crée des droits); ils ont reçu chacun une parcelle. Ensuite, pour le reste des prétendants, c’est la participation bénévole effective aux travaux d’aménagement (reconnaissance ou récompense au droit d’effort : le travail crée des droits) qui a été prise en compte. Cette mesure a permis à des habitants de villages environnants, notamment Goupanna et Dapelogo respectivement à 2 et 7 km de Gaskaye, d’obtenir des parcelles aménagées. Sur la base de ces deux critères, 90 parcelles ont été affectées à 90 attributaires par tirage au sort. Les 10 parcelles restantes ont été attribuées à 4 groupements féminins (GF) formant la fédération Namalgueb-zanga. Deux GF disposent de 2 parcelles chacun ; tandis que deux autres GF (une d’elles réunit les femmes des quartiers de Yikienghin, Kosomasoum et Natinga26) bénéficient de trois parcelles.

Pour l’exploitation, la totalité de l’aménagement est emblavée de riz pendant l’hivernage En saison sèche (2005), du fait de l’insuffisance des réserves d’eau, seulement la moitié du périmètre est exploitée selon la réorganisation suivante : soit 5 ha pour le groupement des hommes et 5 ha aussi les GF), des superficies toutes emblavées de maïs. Toutefois, le GF/YKN a rencontré l’opposition d’un certain P.O. dans la mise en valeur de la superficie qui leur revient. Cinquantenaire, P. O est descendant d’une des familles propriétaires coutumiers des terres du bas-fond avant aménagement ; et ses terres ancestrales correspondent aujourd’hui aux parcelles aménagées attribuées à ce GF. La négociation menée par les responsables de la coopérative conduisit P.O à retirer ses menaces (« malédiction des terres concernées dont la transgression provoquerait la mort ») et autoriser le GF à cultiver. Il est revu cependant à la charge la saison pluvieuse 2006 qui suivit. Cette fois-ci, les femmes excédées renoncèrent à exploiter leurs parcelles, tout en demandant à la coopérative de leur trouver d’autres parcelles « plus sûres ». Parmi les trois parcelles abandonnées par les femmes, deux dont une labourée, sont restées vacantes, tandis que la troisième a été exploitée par les propres femmes de P.O sur autorisation de leur mari.

P.O n’a pas changé d’avis nonobstant la nouvelle intercession des responsables de la coopérative. Impuissants, ces derniers expliquent le problème à leur encadreur agricole qui en informe son supérieur le directeur provincial de l’agriculture. Celui-ci a promis à son tour de contacter le préfet pour une éventuelle décision administrative, mais aucune nouvelle jusqu’à présent. La coopérative souhaite qu’une solution soit trouvée avant la prochaine saison pluvieuse, afin d’éviter qu’une telle revendication n’inspire les autres anciens propriétaires coutumiers. Cela pourrait arrivé si rien n’est fait, car un autre homme attributaire d’une parcelle mal irriguée a déjà signifié son mécontentement.

Sources : Entretiens avec O. M. N. et O. J-P. W. de la coopérative de Gaskaye ; atelier de Koudougou, le 16 mars 2007

25 Réseau Foncier Rural/GRAF, Rapport de l’analyse globale des PAHA, mars 200726 Nous l’appellerons GF/YKN dans suite du récit

21

Page 22: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

2.1.4 Des exploitants familiaux qui réussissent malgré tout

Sur les petits périmètres aménagés, et malgré les multiples contraintes liées à la production et l’écoulement des produits, on note des cas de réussite assez remarquables. A ce niveau également, les indicateurs concrets du succès des exploitants sont repérés à travers l’appréciation de l’évolution d’un certain nombre de variables : superficies mises en valeur, rendements obtenus, productions vendues, revenu net, amélioration de la qualité de la vie privée et familiale, diversification des activités génératrices de revenus.

Exemple 1 : E.H.K.O. de Talembika27

- Capacité d’accumulation des superficies : superficie totale exploitée = 3Ha- Capacité de mobilisation de la main d’œuvre agricole non familiale : emploi régulier

de cinq ouvriers agricoles (05) contractuels, dont trois payées à 75 000F CFA+ couvert + gîte par campagne et les deux autres à 65 000F CFA+ couvert + gîte par campagne (la campagne va d’octobre à mars)

- Capacité d’acquisition d’équipement agricoles : 04 bœufs de labour, 01 charrue, 01 charrette, 01 tracteur (offert par le ministre de l’agriculture mais non adapté à la culture sur plaine aménagée, en raison principalement de la faible puissance du moteur)

- Performances dans les rendements

Tableau 3 : Illustration des performances en matière de rendements : Exemple de E. H K.O. de TalembikaSpéculations 2005 2006 2007 CoûtsOignon 1ha 250 sacs 1ha 200 sacs 1ha prévision 250 sacs A compléterPiment 0,25ha 40 sacs 0,25ha 50 sacs 0,30ha prévision 70 sacs A compléter

- Performances dans l’écoulement des produits et l’approche de marché: exemple de quantités vendues en 2006

Tableau 4 : Illustration des performances en matière de commercialisation et d’approche du marché: Exemple E. H K.O. de TalembikaSpéculation Marchés Quantités vendues Oignon Mogtédo 100 sacs

Togo 100 sacsAutre marchés habituels

Ghana

- Capacité d’investissement ou de réinvestissement des revenus générés dans d’autres secteurs ou domaines socio professionnels

L’habitat : construction d’un bâtiment en matériau définitif en 2006-2007, d’un coût de 2 500 000F CFA, au domicile même à Talembika

La scolarisation : paiement régulier de la scolarité de 10 enfants dont 02 lycéens

27 Réseau Foncier Rural/GRAF : Notes générales de l’Etude sur la vitalité des exploitations paysannes sur les périmètres aménagés et Evaluation du bilan de l’agro business au Burkina, mars 2008

22

Page 23: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

Acquisition d’une parcelle lotie mise en valeur à Mogtédo Acquisition d’un terrain non loti mis en valeur à Ouaga Acquisition d’un moulin fonctionnel Construction et gestion d’une boutique Rachat d’un magasin de stockage de produits et marchandises à

Mogtédo à concurrence de 3 000 000F CFA

- Capacité d’accès au crédit bancaire : accès régulier au crédit bancaire sur la base de ses deux comptes courants privés (BACB et Caisse Populaire)

Exemple 2 : S. P. De Fara28

- Capacité d’accumulation des superficies : dune parcelle de 0,75 ha initialement acquise pour la culture de la banane, il a réussi, par la force de son souci d’agrandissement et de consolidation de ses activités a obtenir une superficie de 12 ha auprès des autochtones (avec procès verbal de palabre en bonne et due forme)

- Performances dans les rendements : à partir de ce moment, il s’est engagé dans une dynamique progressive d’investissements, notamment en termes de préparation du terrain et d’implantation des souches, d’achat d’intrants (engrais), et tout cela sur fonds propres. Pour la campagne 2007 – 2008, il prévoit une production de 70 tonnes de banane.

- Capacité d’accès au crédit bancaire : accès régulier au crédit bancaire sur la base d’un compte courant privé (Caisse Populaire)

- Capacité d’acquisition d’équipements agricoles : une moto pompe, achat de tuyaux (70) de 125

- Performances dans l’accroissement du revenu net: les résultats accumulés pour les deux ha supplémentaires lui ont rapporté en net 4 millions avant déduction des charges en intrants

- Capacité d’investissement ou de réinvestissement des revenus générés dans d’autres secteurs ou domaines socio professionnels :

-assistance aux parents restés dans la zone de départ- construction d’un logement dans la zone de départ pour la famille- construction d’une maison d’habitation à Fara- achat d’une mobylette (Yamaha)- sécurité alimentaire familiale- achat d’un poste téléviseur

Pour l’un ou l’autre de ces deux exemples, l’analyse des performances montre que les producteurs qui ont réussi sur les PAHA se sont engagées dans une dynamique d’accumulation du capital terre et des facteurs de production, mais aussi d’investissent de leurs ressources propres dans la chaîne de production.

28 Réseau Foncier Rural/GRAF : Notes générales de l’Etude sur la vitalité des exploitations paysannes sur les périmètres aménagés et Evaluation du bilan de l’agro business au Burkina, mars 2008

23

Page 24: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

Pour le cas de Talembika du reste, cette dynamique semble être valable pour la quasi-totalité des exploitants, ou en tous cas pour la coopérative, d’autant plus que c'est justement au vu du dynamisme des exploitants que le PPIV entamera l'opération d'aménagement et d'extension à partir de 2004 (63 ha), avec une superficie totale de 40ha exploitée de nos jours.Le dynamisme du Groupement des exploitants, son sens du respect des engagements sont reconnus par notamment par les techniciens de l’encadrement agricole. La capacité de contracter des prêts relativement élevés (3 à 4 000 000 F FCA), mais aussi et surtout la capacité à rembourser les crédits et dans les délais (parfois même avant terme), en sont la parfaite illustration. C’est dire que c’est un Groupement qui jouit d’une grande confiance – du reste méritée – de la part des institutions de crédit locales (BACB, Caisse Populaire).

Pour ce qui est du cas de Fara, on remarquera que s’il a pu faire ce cheminement, c’est notamment grâce et sur la base:

- des compétences de bases acquises (formations de base et recyclages)- de la disponibilité d’une superficie de culture permettant l’agrandissement de la

superficie en culture irriguée- des ressources financières ayant permis l’aménagement du terrain, l’acquisition

d’équipements de base- de la possibilité de sécuriser la parcelle obtenue en zone de terroir

Ces cas de réussite ne doivent cependant pas faire oublier ou croire que les contraintes vécues par les exploitants ou les coopératives sur les PAHA sont négligeables. Bien au contraire, il est nécessaire de noter avec insistance que des obstacles plus ou moins sévères s’opposent à l’émergence d’une situation d’ensemble sensiblement à très sensiblement intéressante pour la majorité de ces exploitants et coopératives. Pour les exploitants, il s’agit principalement de :

- la difficulté d’accès (ou même carrément non accès pour certains) aux ressources financières pour faire face aux dépenses d’équipement et de frais de campagne

- l’augmentation des coûts d’achat des intrants (50 % d’augmentation sur l’engrais entre 2002 et 2007)

- la stagnation du prix d’achat au producteur pour certaines spéculations (par exemple 125 F/kg depuis 2002 pour la banane)

- le coût élevé et les fluctuations à la hausse du carburant (50 % d’augmentation entre 2002 et 2007)

Pour les coopératives, les difficultés essentielles concernent:- le désengagement brutal de l’Etat- la non maîtrise des principes et règles de gestion basée sur les coûts d’amortissement,

et les comptes d’exploitation- les difficultés de maintenance et de réparation du système de pompage - l’application dès le départ de modalités d’organisation (travail en groupes) inadapté- l’insuffisance/absence d’un suivi-conseil technique assorti de propositions

opérationnelles- les difficultés d’accès aux ressources financières (pour les actions d’entretien et de

réparation des aménagements et des ouvrages- les difficultés d’accès aux d’intrants (coûts élevés et mauvaise qualité sur les

marchés).

24

Page 25: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

2.1.5 Le cas spécifique des femmes

Tout comme sur les GAHA, (et peut être même plus), la question du genre en termes de prise en compte et de sécurisation des femmes sur les PAHA mérite une réflexion approfondie, concertée et inclusive.A l’étape actuelle, les entretiens sur le terrain indiquent que les producteurs considèrent très peu cette question en terme d’isolement de la femme sur une parcelle individuelle et personnelle, simplement parce qu’ils estiment travailler avec leurs épouses, dans le cadre d’une division du travail bien partagée sur des entités de parcelles familiales sur lesquelles certaines tâches sont exécutées par les hommes et d’autres par les femmes, et en complémentarité. Ainsi, il est clair qu’un accès direct des femmes à des parcelles individuelles pourrait comporter des incompréhensions évidentes et d’énormes difficultés, notamment en termes:

- de capacité pour la femme de mener certaines tâches sur « sa » parcelle, précisément en lien avec la question de la main d’œuvre et de l’appui conseil technique et donc de maîtrise du protocole et de l’itinéraire techniques

- d’éparpillement de la main d’œuvre de l’exploitation familialeVue sous cet angle, l’idée d’une attribution à l’exploitation familiale (co attribution) peut sembler être la meilleure formule, (si elle est accompagnée de la légalisation des liens de mariage ainsi que de l’information en direction de l’épouse sur ses droits), en spécifiant les ayants droits directs de l’attribution (homme et épouse).Cependant, il reste que cette alternative ne saurait par elle seule et de façon isolée sécuriser les femmes, notamment du point de vue de leur accès aux produits et aux revenus tirés des produits de ces parcelles "communes". Aussi faudrait-il considérer sérieusement le principe de l'attribution directe et individuelle aux femmes, tout en maintenant et en systématisant (peut être) le principe d'attribution collective (groupements organisés de femmes) en reconsidérant pour ce cas précis les superficies généralement attribuées à la hausse.

3 SYNTHESE DES ENSEIGNEMENTS MAJEURS ET QUESTIONS PRIORITAIRES

Sans aborder de façon approfondie le volet « recommandations», les constats établis ainsi que l’analyse qui en a été faite permettent toutefois de tirer un certain nombre de conclusions pertinentes, en termes précisément d’enseignements et de questions qui méritent d’être considérés avec la plus grande attention.Ces enseignements et questions s’inscrivent du reste comme des éléments qui pourraient alimenter la réflexion dans le sens justement de la formulation de recommandations opérationnelles en termes notamment de mesures et d’actions prioritaires.

o Les Principaux Enseignements

1) Dans les conditions actuelles, l’exploitation paysanne sur les périmètres aménagés montre qu’elle peut réussir, pour autant que les conditions indispensables suivantes soient réunies et soutenues dans la durée

a. accès à une superficie minimum de viabilité pour l’exploitationb. garantie de la qualité des aménagements et des ouvrages (options techniques,

opérationnalité, fiabilité, durabilité), et en particulier du système de pompage et d’irrigation

c. consolidation de la discipline et de la rigueur dans l’organisation de l’irrigation

25

Page 26: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

d. maîtrise du marché et intégration de la dimension prospective (y compris conseils, transformation, etc.)

e. garantie d’une sécurité foncière bien comprise et partagéef. amélioration du réseau routier sur la base d’un schéma stratégique qui place la

question de la production hydro agricole au centre des priorités.

2) Dans les conditions actuelles, les marges de manœuvre pour la réussite de l’agro bussiness en agriculture irriguée sont étroites, plus difficiles en tout cas que l’exploitation paysanne ; du fait principalement que le mode d’exploitation en faire valoir direct (exploitation paysanne) s’impose comme plus efficient et moins risqué au vu des contraintes spécifiques et complémentaires de l’agro bussiness. En tout état de cause, l’agro bussiness jusque là n’a pu faire la preuve d’une exploitation optimale (occupation totale des superficies, performances en termes de techniques de production dans la durée, marges bénéficiaires, créations d’emplois supplémentaires)

3) En dehors et au-delà de la sécurisation foncière, il y a des facteurs autrement plus cruciaux qui hypothèquent l’engagement des agro bussiness, leurs investissements, ou leur réussite sur les GAHA : disponibilité de la main d’œuvre (qualifiée ou non), coût de l’énergie, efficience du système d’irrigation, conseils techniques appropriés, commercialisation. Les difficultés qu’ils ont rencontrées et qui expliquent les échecs patents pour la plupart tiennent davantage à ces facteurs qu’à la sécurité foncière ; du moins dans la vallée du Sourou

4) Dans les conditions actuelles d’insuffisance de suivi et de non application des clauses des cahiers de charges sur les GAHA, la probabilité est forte que le principe du bail emphytéotique, qui est certes pertinent au plan théorique, entraîne la spéculation et la faible valorisation productive des parcelles aménagées, avec des inégalités importantes en faveur des personnes détenant de gros moyens financiers. Aussi, il est à craindre que les dispositions relatives au bail emphytéotique contenues dans l’avant projet de loi sur le foncier rural ne constituent un risque majeur par rapport à cela

5) La promotion de titres ou de bail à des producteurs agricoles individuels sur des terres exploitées par une coopérative conduirait à une dislocation de la dynamique coopérative déjà fragile, mais aussi certainement à une désorganisation des systèmes d’irrigation et de gestion du système. Autrement, la sécurité foncière des exploitants passe par celle des droits de la coopérative, puis de la clarté de la charte des coopérateurs ainsi que son respect. Cela constitue déjà une forme juridique qui permet aux coopératives et partant à leurs membres d’accéder au financement bancaire. Toutefois, il reste bien entendu que le bail emphytéotique pourrait constituer une garantie bancaire les coopératives, sous réserve qu’il soit accepté par les institutions financières

6) Dans les conditions actuelles, la question de la sécurisation foncière des femmes sur les périmètres aménagés devrait se poser sous le double angle du principe de la co attribution au ménage et non au chef du ménage et du principe de l'attribution directe et individuelle, tout en maintenant et en améliorant le principe d'attribution collective (groupements organisés).

26

Page 27: GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF ... · GROUPE DE RECHERCHE ET D’ACTION SUR LE FONCIER (GRAF)/RESEAU FONCIER RURAL REGARD SUR LA POLITIQUE NATIONALE D’AMENAGEMENT

o Les Questions Centrales A Approfondir

- Quelles stratégie et démarche opérationnelles et pertinentes pour une clarification effective des responsabilités, de la place et du rôle des différents acteurs, en prenant en compte la politique de décentralisation en cours, comme envisagé dans le document de la PNSFMR ?

- Quels mécanismes et conditions mettre en place garantir une participation/implication efficace des représentants des CVD et des comités d’irrigants sur les périmètres dans processus de contrôle de la conception, de l’exécution et de réception des travaux d’aménagement ?

- Quelles stratégies, mécanismes et conditions pour rendre opérationnel le concept de la co attribution sur les périmètres aménagés, qui sauvegarde la cohésion familiale dans l’exploitation des périmètres irrigués tout en sauvegardant les droits de la femme

- Dans le contexte de la non application des textes en vigueur (pénalités prévues en cas de non respect du cahier de charges), dans quelles mesures le bail emphytéotique ne va-t-elle pas entraîner effectivement une spéculation foncière ?

27