greenwashing

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Dayvid KAYAL Techniques D'expressions Vendredi 6 Mai LE GREENWASHING Face aux règlementations de plus en plus nombreuses en matière d’environnement, les entreprises sont elles aussi contraintes de s’adapter afin de réduire leur consommation énergétique ainsi que leur impact sur le milieu qui les entoure. Ces impératifs environnementaux engendrent une véritable dynamique économique dont l’expansion grandissante ouvre de larges opportunités de développement pour les entreprises. On voit ainsi émerger de nouveaux secteurs d’éco-activités liées au développement durable, tels que l’éco-construction, le traitement des déchets, ou encore le recyclage. C’est ce que l’on appelle le green business. Au-delà d’une démarche éthique, les entreprises ont tout intérêt à modifier leur stratégie de gouvernance d’un point de vue économique. En effet, en réduisant leur consommation énergétique, les entreprises limitent leur empreinte sur l’environnement en réduisant l’émission de gaz à effet de serre, mais allègent également leur facture énergétique. Les changements climatiques ont donc un impact direct sur le management des entreprises. Selon un sondage IFOP (Institut Français d’Opinion Publique) paru dans Le Monde Economie en juin 2008, « 80% des consommateurs se disent préoccupés par l’environnement, 54% le considèrent comme un critère de choix très important et 87% réclament plus de véracité, de sincérité et de contrôle dans les messages publicitaires. ». Des enquêtes de l’INSEE montrent, par exemple, que 84% des Français font attention à leur consommation d'électricité et 70% trient leurs déchets. Certains sondages placent le réchauffement au premier rang de nos préoccupations, devant le chômage ou l’insécurité : «l’enjeu du siècle». La prise de conscience générale, parfois conjuguée à des menaces de boycottage, a un effet croissant sur les attitudes des entreprises, qui se veulent «plus citoyennes». elles essayent de s’offrir une conscience écologique. Conscientes de l’importance accordée par les consommateurs à l’image écologiste, ces entreprises mettent en œuvre des moyens publicitaires

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Dayvid KAYALTechniques D'expressionsVendredi 6 Mai

L E G R E E N WA S H I N G

Face aux règlementations de plus en plus nombreuses en matière d’envi-ronnement, les entreprises sont elles aussi contraintes de s’adapter afin de ré-duire leur consommation énergétique ainsi que leur impact sur le milieu qui les entoure. Ces impératifs environnementaux engendrent une véritable dyna-mique économique dont l’expansion grandissante ouvre de larges opportunités de développement pour les entreprises. On voit ainsi émerger de nouveaux secteurs d’éco-activités liées au développement durable, tels que l’éco-construction, le traitement des déchets, ou encore le recyclage. C’est ce que l’on appelle le green business.

Au-delà d’une démarche éthique, les entreprises ont tout intérêt à modifier leur stratégie de gouvernance d’un point de vue économique. En effet, en réduisant leur consommation énergétique, les entreprises limitent leur empreinte sur l’environnement en réduisant l’émission de gaz à effet de serre, mais allègent également leur facture énergétique. Les changements climatiques ont donc un impact direct sur le management des entreprises.

Selon un sondage IFOP (Institut Français d’Opinion Publique) paru dans Le Monde Economie en juin 2008, « 80% des consommateurs se disent préoccu-pés par l’environnement, 54% le considèrent comme un critère de choix très important et 87% réclament plus de véracité, de sincérité et de contrôle dans les messages publicitaires. ». Des enquêtes de l’INSEE montrent, par exemple, que 84% des Français font attention à leur consommation d'électricité et 70% trient leurs dé-chets. Certains sondages placent le réchauffement au premier rang de nos préoccupa-tions, devant le chômage ou l’insécurité : «l’enjeu du siècle».

La prise de conscience générale, parfois conjuguée à des menaces de boycottage, a un effet croissant sur les attitudes des entreprises, qui se veulent «plus citoyennes». elles essayent de s’offrir une conscience écologique.

Conscientes de l’importance accordée par les consommateurs à l’image écologiste, ces entreprises mettent en œuvre des moyens publicitaires trompeurs visant à duper le consommateur quant à leur réelle action pour préserver l’environnement. C’est ce que l’on appelle le greenwashing.

Greenwashing = Brainwashing + Greenbusiness

D’après l’Oxford English Dictionnary la définition de Greenwashing est : « la dés-information disséminée par une organisation pour présenter publiquement une image de responsabilité environnementale ». En d’autres termes, c’est l’utilisation de l’argu-ment du développement durable, de l’écologie pour attirer une nouvelle clientèle. Ce procédé est employé dans le domaine de la communication cherchant à montrer un engagement environnemental de l’entreprises qui est en réalité peu effectif voir in-existant. Ces pseudo-actions écologiques empêchent, ou du moins parasitent la sensi-bilisation initiale dont l’objectif est la protection de l’environnement.

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Le greenwashing est l’utilisation de certaines techniques pour faire penser au consom-mateur que l’objet vendu est écologique. Après l’analyse de plusieurs publicités trois points sont récurrents.

L’emploi du terme « durable » et de ses déclinaisons laisse penser qu’il s’agit du terme lié à l’expression « développement durable ». Evidemment, le mot n’est, le plus souvent, pas employé dans un sens écologique mais simplement pour sa connotation « verte ».

L’emploi de la couleur verte, que ce soit dans les logos utilisés, ou dans l’environne-ment, induit en erreur. En effet la couleur est très importante dans une publicité, elle modifie la perception de la cible. L’utilisation de la couleur verte rappelle à une sym-bolique mondiale d’écologie, de respect de l’environnement. En effet, ancré dans notre culture la couleur verte est associé au naturel, à la propreté, au respect de l’environ-nement, par exemple, on appelle consommation verte le fait d’avoir une alimentation bio, de recycler ses déchets… En revanche certaines expressions sont absolument pa-radoxale, typiquement : la voiture « verte ». Une voiture émet obligatoirement du CO2

que ce soit dans sa création ou son utilisation, aussi bien pour les voitures hybrides ou électriques que pour les voitures à motorisation thermique classique (moteur à explo-sion).

L’emploi de label autoproclamé est plus que trompeuse dans une publicité. Le sys-tème est simple, une entreprise va inventer un label de qualité qui n’est aucunement certifié. Etant donné l’afflux considérable du nombre de labels (plus de quarante a l’échelle mondiale), les consommateurs ne cherche plus à vérifier la véracité, ni même le sens des labels. Ils se contentent bien souvent du seul nom du label. De plus en plus de personnes n’arrivent plus à faire la différence entre label mondialement reconnu et label autoproclamé… Il existe pourtant des moyens très simples de vérifier. Tout d’abord, il faut penser à vérifier sur le site internet de l’entreprise. S’il y a peu ou pas d’informations concernant le label c’est qu’il est peut-être trompeur. De plus, il faut garder à l’esprit qu’un véhicule est polluant, que la production d’énergie est polluante et que tout transport de marchandises d’un bout à l’autre du monde est polluant.

En conséquence, il faut savoir prendre du recul sur le message véhiculé par les publici-taires. Pour preuve voici quelques extraits d’affiches publicitaires trompeur :

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Figure 1   : Publicité pour une voiture de sport de la marque Allemande Porsche

Cette publicité (Figure 1) expose une Porsche dans un milieu naturel préservé : la mon-tagne. Les voitures Porsche comptent parmi les voitures les plus polluantes au monde. Celle-ci en particulier émet 340 g de CO2 contre 140 g en moyenne pour une voiture normale. Le slogan est « Tous nos modèles développent un plaisir durable ». Accoler les mots « développent » et « durable » et « plaisir » laisse inconsciemment penser à la cible (le consommateur) que l’utilisation d’une Porsche permet d’allier plaisir et éco-logie, ce qui est absolument infondé. De plus, la phrase d’accroche qui suit confirme cette idée d’attirer le consommateur vers un produit plus respectueux de l’environne-ment : « Comment concilier sportivité, plaisir et développement durable ? […] [avec] les technologies Porsche ».

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Figure 2   : Affiche publicitaire de la compagnie aérienne Air France.

Cette publicité pour la compagnie aérienne française Air France (Figure 2) expose un passager allongé dans un champ. Ici encore, on est dans un milieu naturel verdoyant. L’espace vert représenté dans cette publicité laisse penser aux consommateurs que l’entreprise Air France emploi des méthodes écologiques. Or l’avion est le moyen de transport le plus polluant qui existe. D’après l’étude de l’institut de l’environnement en 2004 « un passager faisant un aller-retour Paris/New-York dans de bonnes conditions (charter fortement rempli) émet près d’une tonne de CO2». Une fois de plus, on peut constater la manipulation publicitaire dont nous sommes victimes.

Pour conclure sur le phénomène greenwashing, on peut simplement se rendre compte qu’il est en pleine extension. Il n’y a qu’à ouvrir un journal, observer les publicités et les slogans des entreprises…Pour contrer le greenwashing et tous ses dérivés certains organismes ont vus le jour avec pour but de réguler la publicité.

Le Bureau de Vérification de la Publicité (BVP) a pour objectif de vérifier le contenu de la publicité et d’empêcher le consommateur d’être induit en erreur. Son rôle est de lier la liberté d’expression dans la publicité et le respect du consommateur. C’est une association interprofessionnelle privée. En 2008, le BVP a été renommé ARPP, Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité. L’ARPP est associé à deux instances :

Le jury de déontologie publicitaire qui prend les décisions en rapport avec les plaintes allant à l’encontre des publicités et est chargé de choisir les sanctions des professionnels suite a une infraction.

Le Conseil de l’Ethique publicitaire a pour but d’aider l’ARPP dans les problèmes d’ordre éthique que pose le contenu d’une publicité.

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En avril 2008, l’ARPP, les professionnels de la publicité ainsi que le ministre chargé de la consommation ont signé une charte d’engagements et d’objectifs pour une publicité éco-responsable. Cette charte a pour but d’éviter la publicité menson-gère dans le domaine de l’environnement et de l’écologie.

Cependant, pour les associations écologiques, un seul organisme de contrôle ne suffit pas. C’est pourquoi l’Alliance pour la planète a mis en ligne sa propre cellule de contrôle et de sensibilisation : l’observatoire indépendant de la publicité (OIP). Cet or-ganisme a pour but d’informer le public des enjeux de la publicité et des moyens de repérer toute publicité trompeuse ou mensongère. De plus, l’OIP peut être saisi par n’importe quelle personne qui pense qu’une publicité est trompeuse. Elle sera alors examinée par des experts de la communication.

D’autre part, à titre préventif, il existe de nombreux sites internet ou blog qui mettent en garde contre les formes de greenwashing dans la publicité. (Exemple : www.ecoblanchiment.com).

L’association Greenpeace met en ligne chaque année un classement des plus grandes entreprises mondiale qu’elle range et note sur une échelle de 1 à 10.

Figure 3   : Echelle Greenpeace des entreprises Hi-Tech.

Dans cette partie il a été montré qu’il existe des organismes de protections qui permettent de se prémunir du greenwashing et des abus des publicités à but commer-cial. Cependant, on constate que ces organismes sont jeunes et peinent à se mettre place. Pour le moment ; la meilleur protection reste donc la vigilance du consomma-teur averti, et son bon sens.

Pour conclure, nous avons montré à quel point le marché du green business est porteur et offre d’importantes perspectives de développement pour l’avenir.

Nous avons également vu qu’il est la cible d’entreprises opportunistes qui, n’étant pas encore résolues à suivre cette dynamique de conversion écologique, tentent d’abuser le consommateur. En employant des techniques publicitaires associées au greenwa-shing (principalement l’utilisation de la couleur verte, l’emploi du terme durable, et l’auto-proclamation de labels), elles prétendent agir pour la planète mais concentrent en réalité plus de moyens dans des actions de promotion ou de publicité que dans de véritables gestes écologiques.

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Il existe cependant des organismes de régulation, comme l’ARPP (Autorité de Régula-tion Professionnelle de la Publicité), qui en accord avec le ministère de la consomma-tion et les professionnels de la publicité, ont mis en place une charte d’engagement en faveur d’une publicité éco-responsable, et contrôlent de manière générale toutes les formes de publicité illégales : trompeuse, mensongère… De plus, des ONG (Organisa-tions Non-Gouvernementales) comme Greenpeace désignent les bons et les mau-vaises élèves comptant parmi les entreprises sur la scène internationale, évaluées se-lon des critères précis afin d’en informer les consommateurs.

Malgré l’existence de certaines pratiques déloyale vis-a-vis du consommateur il est im-portant de souligner la prise de conscience globale pour la plupart des entreprises ain-si que les consommateurs deviennent de moins en moins dupes concernant ces pra-tiques. On soulignera aussi que certaines entreprises ont déjà fait le nécessaire pour réduire leur impact sur l’environnement.

SOURCES

-Internet   :

Greenpeace. Greener Electronics. Site officiel de l’association écologique Greenpeace sur lequel a été récuperé

l’échelle des entreprises Hi-tech.Site disponible sur <http://www.greenpeace.org/international/campaigns/toxics/electronics>

ARPP (Autorité de Régulation professionnelle de la Publicité).Site officiel de l’ARPP, permet de porter plainte envers une publicité ou encore

de savoir si une publicité peut être jugée légitime ou non.Site disponible sur <http://www.arpp-pub.org/Bilan-2009-Publicite-et.html>

Wikipédia. Ecoblanchiment. Page encyclopédique traitant du terme «Ecoblanchiment» traduction française

du terme «greenwashing».Site disponible <http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89coblanchiment>

Observatoire Indépendant de la Publicité (OIP).Site de l’OIP regroupant plusieurs exemples de publicités proposées par des in-

ternautes exploitant le greenwashing. Ces publicités sont soumis aux votes de l’OIP et des internautes.Site disponible sur <http://observatoiredelapublicite.fr/ressources-infos> (Page consul-tée le 15 Décembre 2009).

Site Géo.fr. Actualité du développement durable. Site regroupant toutes les informations relatives à la régulation du greenwa-

shing et aux associations écologique. Site disponible <http://www.geo.fr/environnement/actualite-durable>

-Livres   :

BAUDIN Mathieu. Le développement durable, nouvelle idéologie du XXIè

siècle ? :L’Harmattan, 2009. 94 p. ISBN : 978-2-296-08622-7.

Page 7: Greenwashing

JURGENSEN Phillipe. L’économie verte Comment sauver notre planète :Odile jacob, 2009. 334 p. ISBN : 978-2-7381-2249-0.

Annexes : Exemples supplémentaire de Greenwashing

Jeep   :

Techniques trompeuses employées :

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Présence d’un ours qui représente la nature

Slogan : « L’homme a toujours rêvé d’apprivoiser la nature. »

Le 4X4 est, avec le monospace, la voiture la plus polluante.

Volvo   :

Techniques trompeuses employées :

Présence d’un insecte sur de la terre

Slogan : « La nature est si belle »

Le XC90, 4X4 de Volvo est un des plus polluants du marché de l’automobile.

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Total   : Techniques trompeuses employées :

Présence d’un milieu naturel sous marin

Le poisson présent est un tétrodon qui ne vit qu’en zone tropical et non en zone profonde

La recherche sous-marine n’est pas, et de loin, l’acte le plus destructif des fonds marins

Leroy Merlin   :

Techniques trompeuses employées :

Présence d’un milieu naturel verdoyant et neigeux

Slogan : « Vous voulez une maison où l’air est plus nous aussi »

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En réalité, Leroy merlin propose très peu de produits écologiques.

Audi   :

Techniques employées   :

Détournement du logo qui permet de classer la consommation d’énergie d’un objet. Logo qui n’a rien à voir avec l’automobile.

Slogan : « N’ayons pas peur de dire qu’une voiture de 650ch peut être un progrès pour l’environnement ».

Audi a d’ailleurs été poursuivi en justice pour « publicité fausse ou de na-ture à induire en erreur ».