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Grand Nord: Persistance des poches d'insécurité alimentaire Yaoundé, 29 avril 2013 © LAURENT GAIVENEME | L'Oeil du Sahel Réagir Le rapport spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation tire la sonnette d’alarme. E-Mail Imprimer Réagir Rendu public le 4 mars 2013, le rapport final sur la situation alimentaire au Cameroun montre que la situation dans les régions du Grand Nord reste préoccupante. «En 2011, 81 % des ménages ruraux dans le Grand Nord, où résident 30% des Camerounais, se trouvaient en situation d'insécurité alimentaire», relève le rapport. Olivier De Schutter, rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l'alimentation, mentionne que le niveau élevé de l'insécurité alimentaire dans les régions du Grand Nord (Adamaoua, Nord et Extrême-Nord), couvrant la zone agro- écologique soudano-sahélienne, est lié à des conditions climatiques et aux aléas climatiques récurrents, dont les inondations de 2010 et les sécheresses qui ont sévi entre 2009 et 2011. D'ailleurs, au moment de sa visite dans cette partie du pays, «le Gouvernement avait déclaré une situation alimentaire d'urgence dans la Région de l'Extrême-Nord, et un appel à l'aide internationale avait été lancé», note le rapporteur comme pour donner du poids à ses conclusions. Dans le Septentrion, Olivier De Schutter s'est entretenu avec des membres du «cluster» humanitaire, réunissant des représentants du Gouvernement, une quarantaine d'associations et d'organismes des Nations Unies (PAM, FAO, UNICEF, OMS), pendant que ceux-ci procédaient à la mise en place de l'opération humanitaire pour aider les ménages dans les zones affectées par la sécheresse. La mission qui avait pour objectif d'évaluer les efforts entrepris par l'État pour réaliser progressivement le droit à

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Page 1: Grand nord

Grand Nord: Persistance des poches d'insécurité alimentaire

Yaoundé, 29 avril 2013 © LAURENT GAIVENEME | L'Oeil du Sahel

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Le rapport spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation tire la sonnette d’alarme.

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Rendu public le 4 mars 2013, le rapport final sur la situation alimentaire au Cameroun montre que la situation dans les régions du Grand Nord reste préoccupante. «En 2011, 81 % des ménages ruraux dans le Grand Nord, où résident 30% des Camerounais, se trouvaient en situation d'insécurité alimentaire», relève le rapport. Olivier De Schutter, rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l'alimentation, mentionne que le niveau élevé de l'insécurité alimentaire dans les régions du Grand Nord (Adamaoua, Nord et Extrême-Nord), couvrant la zone agro-écologique soudano-sahélienne, est lié à des conditions climatiques et aux aléas climatiques récurrents, dont les inondations de 2010 et les sécheresses qui ont sévi entre 2009 et 2011.

D'ailleurs, au moment de sa visite dans cette partie du pays, «le Gouvernement avait déclaré une situation alimentaire d'urgence dans la Région de l'Extrême-Nord, et un appel à l'aide internationale avait été lancé», note le rapporteur comme pour donner du poids à ses conclusions.

Dans le Septentrion, Olivier De Schutter s'est entretenu avec des membres du «cluster» humanitaire, réunissant des représentants du Gouvernement, une quarantaine d'associations et d'organismes des Nations Unies (PAM, FAO, UNICEF, OMS), pendant que ceux-ci procédaient à la mise en place de l'opération humanitaire pour aider les ménages dans les zones affectées par la sécheresse.

La mission qui avait pour objectif d'évaluer les efforts entrepris par l'État pour réaliser progressivement le droit à l'alimentation, de communiquer les constats relevés à cette occasion et de proposer, dans un esprit de coopération et d’assistance, des recommandations afin d'améliorer les situations considérées comme préoccupantes, a permis au rapporteur de mieux cerner la fragile situation alimentaire de cette partie du Cameroun. Sur le terrain, il s'est vivement préoccupé des capacités faibles et limitées des structures mises en place pour faire face à la crise humanitaire. «Il s'avère en effet que des interventions en amont, visant à renforcer la capacité de production locale et à préparer la population à faire face aux impacts des chocs, qui sont à la fois plus efficaces et moins coûteuses que des interventions entamées lorsque la crise a déjà commencé», note-t-il. D'où son invite aux partenaires du Cameroun à tirer les conséquences des mécanismes de déclenchement de leur réponse quand l’appel est fait à la communauté internationale.

Populations autochtones

A l'instar des peuples autochtones des forêts ou «Pygmées», vivant de la chasse, de la pêche et de cueillette, notamment les Bagyeli ou Bakola, Baka et Bedzan, les pasteurs nomades Mbororo, les Wodaabe, Jafun, et Galegi et les communautés de montagnes Kirdi sont les plus vulnérables sur le plan de la sécurité alimentaire dans le Grand Nord. Ils n'ont pas souvent suffisamment à manger.

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«Des statistiques nationales fiables manquent en ce qui concerne la situation socioéconomique des peuples autochtones. Cependant, plusieurs études démontrent que les communautés autochtones du Cameroun sont particulièrement menacées dans la jouissance de leur droit à une nourriture suffisante», souligne le rapport.

Dans le chapelet des recommandations, Olivier De Schutter insiste sur le fait de «développer un programme visant à améliorer structurellement la situation du Grand Nord, vulnérable aux effets du changement climatique, notamment en développant une politique ambitieuse de création de greniers villageois; en établissant des programmes à large échelle de plantation d'arbres fertilisants et fourragers, et en soutenant les mesures qui maximisent à la fois la production fourragère et la captation de l'eau de pluie, comme les bandes antiérosives et les micro-barrages».

Le Rapporteur spécial demande également au Gouvernement d'adopter des mesures visant à améliorer la situation alimentaire des groupes marginalisés ou vulnérables, et à assurer que le cadre juridique du Cameroun intègre la définition des peuples autochtones, telle qu'adoptée dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, et surtout investir dans les programmes pratiques et politiques qui permettent de développer les approches agro-écologiques. L'objectif est de «stimuler la production locale en améliorant l'accès aux marchés pour les paysans regroupés en organisations de producteurs; poursuivre les efforts de désenclavement de certaines régions isolées; promouvoir l'extension des magasins-témoins dans les zones rurales, et y inclure des produits locaux, tels que le manioc, le mil ou le maïs, parmi les denrées alimentaires offertes à des prix réglementés, afin de soutenir les producteurs locaux».

Aussi, pour garantir la sécurité alimentaire dans le Septentrion, l'État doit-il prendre des mesures courageuses à court terme pour «un coût abordable des denrées alimentaires de base pour les groupes défavorisés, et faire des préparations à long terme, en allant vers un élargissement de la protection sociale et vers une relance des cultures vivrières permettant au pays de réduire sa dépendance sur l'évolution des prix sur les marchés internationaux». La stratégie consistera à préparer la transition dans le long terme par l'implémentation des stratégies pluriannuelles et plurisectorielles.

En insistant donc sur le cadre législatif et institutionnel qui garantit le droit à l'alimentation, le rapport propose au final trois axes majeurs pour la réalisation du droit à l'alimentation, notamment l'amélioration de la disponibilité de l'alimentation, l'accès à cette alimentation et sa soute-nabilité.

C'est dans ce sens qu'il a rencontré une vingtaine de membres du Gouvernement, des membres de la société civile et des organismes internationaux. Ces démarches visent à inviter les pouvoirs publics à intervenir tant dans le développement agricole et rural que dans les domaines sociaux.