gouverneurs, oligarques et siloviki : pétrole et pouvoir en russie

7/29/2019 Gouverneurs, oligarques et siloviki : ptrole et pouvoir en Russie

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Gouverneurs, oligarques etsiloviki: ptrole et pouvoir

en Russie

Ahmed Mehdi,Shamil Yenikeyeff

Fvrier 2013

Centre Russie/NEI


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L'Ifri est, en France, le principal centre indpendant de recherche,

d'information et de dbat sur les grandes questions internationales. Cren 1979 par Thierry de Montbrial, l'Ifri est une association reconnued'utilit publique (loi de 1901). Il n'est soumis aucune tutelleadministrative, dfinit librement ses activits et publie rgulirement sestravaux.

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A. Mehdi, S.Yenikeyeff / Russian Elites & Oil

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Auteurs

Diplm des universits de Londres et dOxford, Ahmed Mehdi est analystedans une socit dintelligence conomique base Londres. Auparavant,il a t chercheur dans une organisation internationale base Bruxelles,ainsi qu lInternational Institute for Strategic Studies(IISS).

Dr. Shamil Yenikeyeff est chercheur associ lOxford Institute for EnergyStudieset membre associ senior au Russian and Eurasian Studies Centredu St Antony's College lUniversit dOxford. Il est lauteur du livre TheBattle for Russian Oil : Corporations, Regions, and the State, paratrechez Oxford University Press en 2013.
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Sommaire

RSUM ...................................................................................................... 4INTRODUCTION ............................................................................................. 5LE PTROLE RUSSE SOUS ELTSINE................................................................ 6

Les rgions contre Moscou .............................................................................. 61992-1996 : la querelle des libraux et des conservateurs ........................... 7Linfluence des compagnies prives ............................................................. 10

LE PTROLE RUSSE SOUS POUTINE (2000-2008) ......................................... 13Lchec de la fusion de Rosneft et Gazprom ................................................ 142006 : lintroduction en bourse de Rosneft ................................................... 15Les milliardaires de lre Poutine ................................................................... 16

ERE MEDVEDEV ET POUTINE III : LE PTROLE RUSSE DEPUIS 2008 ............... 17Le deuxime dbat sur la privatisation du ptrole ....................................... 17Lacquisition de TNK-BP par Rosneft ............................................................ 19

DE NOUVELLES BATAILLES VENIR ? .......................................................... 22


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Rsum

Les rcents dbats sur le niveau de limplication de ltat dans lindustrieptrolire russe taient essentiellement consacrs la polmiqueidologique entre tatistes et tenants du secteur priv au sein dugouvernement, qui dfendaient des visions diffrentes sur la privatisationde Rosneft. Dans un systme hyper-prsidentiel , o les activits dusecteur ptrolier sont troitement lies aux intrts des lites politiques,labsorption future de TNK-BP par Rosneft reflte clairement linfluence

croissante des conservateurs en Russie. La monte en puissance duchampion national sous la direction dIgor Setchine ouvre un nouveauchapitre dans lhistoire du ptrole russe. Elle laisse aux libraux peu deprises sur la gestion du secteur national dhydrocarbures lavenir. Si laprivatisation avait rempli plusieurs missions conomiques, commelamlioration de lefficacit de lindustrie ptrolire, elle avait aussi eu desconsquences politiques : elle avait affaibli les lites conservatrices russesen les privant de contrle des principaux actifs conomiques.

La lutte pour le contrle du secteur ptrolier russe reste unecaractristique intrinsque de la politique du pays depuis la chute delURSS. Par consquent, un examen des dynamiques luvre au sein de

llite politique et de la lutte pour le contrle du secteur ptrolier nationalpermet dexpliquer pourquoi le mode de gestion de cette industrie a connuautant de changements rapides, y compris la monte en puissance puis lachute des compagnies ptrolires prives, et lmergence de Rosneftcomme compagnie ptrolire nationale (NOC).

Au cours des annes 1990 et 2000, ce secteur a connu des modesde gestion diffrents, mais la lutte sest toujours droule pour le contrledes gisements dj exploits lpoque sovitique. Aujourdhui, alors quelindustrie ptrolire russe soriente vers lexploration de champs plusloigns et plus difficiles en Sibrie orientale et en Arctique, la monte enpuissance de Rosneft, devenue une super NOC (National OilCompany), sexplique autant par les volutions au sein des lites politiquesdu pays que par les dfis que doit relever lindustrie ptrolire russe.


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Introduction

Au cours des vingt dernires annes, les autorits politiques russes ontcherch la meilleure faon de grer le secteur ptrolier, cette industriecomplexe et cruciale pour assurer la stabilit et la croissance conomique lintrieur et offrir au pays un accs aux marchs nergtiques et latechnologie de lOccident. Cependant, dans plusieurs cas, les dcisionsstratgiques du Kremlin sur le dveloppement du secteur ptrolier nationalont souvent t influences par une lutte des diffrents clans au sein des

lites pour le contrle des actifs conomiques. En parallle, les leadersrusses, dEltsine Poutine, ont toujours tent dinstrumentaliser cette lutteau sein des lites pour la consolidation politique et le renforcement delemprise du Kremlin. Par consquent, lintrt des lites politiques pour lesactifs ptroliers a abouti la mise en uvre dune logique institutionnellespcifique depuis la chute de lURSS : lindustrie ptrolire et gazire estemploye comme loutil ultime de la consolidation politique et de la surviede llite.

Si les annes 1990 resteront dans lhistoire ptrolire de la Russiecomme celles de lmergence des majors ptrolires verticalementintgres, lanne 2013 sera marque par laboutissement de lun des

accords les plus importants : lacquisition de TNK-BP par Rosneft pour60 milliards de dollars. Rosneft, compagnie publique ne contrlant la findes annes 1990 que 4 % de la production ptrolire de la Russie et qui afailli tre rachete par Gazprom au dbut des annes 2000, concentredsormais 40 % de la production ptrolire du pays. Elle est aujourdhuiclasse au premier rang des producteurs de ptrole dans le monde.

Un examen attentif de lindustrie ptrolire en tant quoutil depremier ordre pour la survie des lites dans un contexte o lesinteractions au sein des lites importent normment au regard de lafaiblesse des institutions dmocratiques permet de mieux comprendre la fois les volutions des deux champions nationaux que sont Gazprom etRosneft, la monte en puissance de certains groupes sur la scnepolitique, ainsi que les risques potentiels pour Vladimir Poutine, dtermin jouer larbitre entre les intrts divergents au sein de llite dirigeante.

Traduit de langlais par Boris Samkov.Cet article est extrait dune recherche plus large : A. Mehdi, Sh. Yenikeyeff, When MarketsMeet Politics: Continuity and Change in the Russian Oil Industry, qui sera publie parlOxford Institute for Energy Studiesen fvrier-mars 2013.


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Le ptrole russe sous Eltsine

Les rgions contre Moscou

La bataille initiale pour le contrle des ressources naturelles a oppos lepremier prsident de la Russie indpendante, Boris Eltsine, aux puissantsgouverneurs rgionaux. Les options dont Eltsine disposait pour btir lesfondations de son pouvoir taient alors limites : la classe moyenne tait

pratiquement inexistante et la socit civile trs faible. Cela signifiait queles dirigeants des provinces russes reprsentaient la seule force du pays,sur laquelle les leaders moscovites pouvaient sappuyer, sur les planspolitique comme conomique1

Afin de sassurer le soutien politique des lites rgionales, Moscoua accept de leur octroyer des prrogatives considrables en matire detaxation et de contrle des marchs ptroliers, ainsi que de leur transfrerdes parts de compagnies ptrolires et ptrochimiques rgionalesappartenant au centre fdral. Les autorits rgionales sont devenuesexportatrices de ptrole, et un systme de double licence de lexploitationptrolire a vu le jour

. Cette bataille entre Moscou et les litesrgionales sest trouve au cur du grand marchandage centre-priphriede la fin des annes 1980 et du dbut des annes 1990, qui a mis endanger lintgrit mme de ltat russe. cette poque, le centre fdral etles rgions voyaient dans le ptrole un moyen de gnrer des rentesconsidrables dans un contexte conomique volatil, garantissant ainsi uncertain degr de stabilit sociale et la survie politique des lites au pouvoir.

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1 Voir S. Yenikeyeff, The Battle for Russian Oil : Corporations, Regions, and the State,Oxford, Oxford University Press, paratre en 2013.

. Dans le cadre de ce systme, une compagniedsireuse dexplorer les ressources ptrolires dans une rgion donnedevait obtenir une licence tant auprs des agences fdrales concernesque de ladministration de la rgion en question. Rsultat : les rgions sesont imposes comme les seules forces du pays auxquelles le Kremlinpouvait demander du soutien. Par ailleurs, aprs la dislocation de lURSS,les mouvements communistes et nationalistes sont monts en puissance,

surfant sur le mcontentement social suscit par les rformes conomiqueslibrales du gouvernement de Gadar. Dans ce contexte, la privatisationpartielle du secteur ptrolier lance par Boris Eltsine en novembre 1992,mme si certaines rgions ont formul des objections, visait rpondre deux objectifs principaux : dune part, rgler le problme du dclin de laproduction de ptrole et, de lautre, crer une nouvelle classe de

2 Ibid.


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propritaires, capables dtouffer la progression communisto-nationaliste etde contrebalancer des lites rgionales trop puissantes.

1992-1996 : la querelle des libraux et desconservateurs

Le premier dbat opposant libraux et tatistes sur le degr dimplicationde ltat dans le secteur nergtique a eu lieu en 1992-1993, lorsque BorisEltsine a dcid dincorporer dans son gouvernement dobdience libraleplusieurs personnalits issues du monde de lindustrie. Ce faisant, leprsident souhaitait procder un rquilibrage politique. Alors que lesrformateurs libraux conduits par le premier ministre Yegor Gadar et levice-premier ministre Anatoli Tchoubas taient de plus en plusimpopulaires, il a voulu contrebalancer leur influence en promouvant des

conservateurs, notamment Viktor Tchernomyrdine, lpoque directeur dela compagnie publique Gazprom, ou encore Iouri Chafranik, gouverneur dela rgion de Tioumen, qui avait fait toute sa carrire dans lindustrieptrolire.

la diffrence des libraux du gouvernement, favorables laprivatisation, ce duo estimait que ltat devait conserver le contrle dusecteur des hydrocarbures, dune importance stratgique pour lconomie.Tchernomyrdine sest oppos au projet consistant privatiser Gazprom et le scinder en plusieurs compagnies distinctes, arguant quil taitindispensable de prserver un systme gazier unique et dassurer lastabilit conomique et politique grce des prix du gaz subventionns3.Chafranik sest appuy sur lexemple de la gestion du secteur ptrolier parplusieurs autres pays riches en hydrocarbures, comme la Norvge, pouraffirmer que ltat devrait conserver une majorit de contrle de 51 % danslindustrie ptrolire via la compagnie ptrolire nationale, Rosneft, les49 % restants pouvant servir crer plusieurs entits verticalementintgres4

En avril 1995, Boris Eltsine a sign un dcret prsidentiel quitransformait Rosneft en une socit par actions contrle par ltat etaugmentait son poids dans le secteur ptrolier en lui octroyant desprivilges spcifiques. Cependant, ces nouvelles prrogatives taient ende de la proposition initiale des conservateurs, qui souhaitaienttransformer Rosneft en une NOC dote de facto des attributions dun

. la mme poque, les parlementaires russes se sont mis contester de plus en plus ouvertement les rformes librales. Dans cecontexte, Eltsine sest rang aux cts de Tchernomyrdine et de Chafranik.La restructuration de lindustrie du gaz telle que la voulaient les libraux adonc t significativement freine, et Rosneft, en sa qualit de compagnieptrolire publique, a t choisie pour assurer le contrle de ltat sur lesecteur ptrolier national.

3 Entretien de S. Yenikeyeff avec Viktor Tchernomyrdine la residence de lambassadeurde Russie en Ukraine, Kiev, 13 juin 2008.4 Entretien de S. Yenikeyeff avec Iouri Chafranik, St Antonys College, Oxford, 25 novembre2009.


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ministre (voir le tableau 1). Mme si Eltsine a accept de laisser Rosneftdevenir lun des acteurs dominants du march ptrolier russe, il considraitla proposition des conservateurs comme une remise en cause des effortsdes libraux visant rduire la prsence de ltat dans le secteur ptrolier.Aprs avoir vid de sa substance le projet libral consistant faire clateret privatiser Gazprom, le prsident devait oprer un retour de balancierpour prserver lquilibre des forces entre libraux et conservateurs dansles dbats consacrs lavenir du secteur ptrolier. En outre, pouramliorer lefficacit de lindustrie ptrolire russe, le Kremlin souhaitaitsappuyer sur la compagnie Lukoil de Vagit Alekperov et son modledentreprise prive verticalement intgre.

Proposition initiale des conservateurs Version finale adopte par Eltsine Dcret de 1995

Gestion commerciale des parts de ltatdans les compagnies ptrolires russes

Gestion des actifs publics non essentielsdemeurant hors des structures descompagnies ptrolires mergentes

Gestion des intrts de l tat dans lesrelations avec les compagnies trangresoprant dans le cadre dun contrat departage de production

Vente des volumes dhydrocarburesaccords ltat russe dans le cadre decontrats de partage de production

valuation des nouveaux projetsdexploitation dhydrocarbures

Principal oprateur de ltat pour lesprojets de recherche et dveloppementdans lindustrie ptrolire

Surveillance de lapplication, par lescompagnies ptrolires, des termes deslicences dexploitation gologique et deproduction de ptrole ;Participation aux dcisions de ltat surles volumes de ptrole brut achemin viale rseau de pipelines dexportation deTransneft

Aucune responsabilit de ce type

Source : Ukaz prezidenta Rossijskoj Federacii n327, 1er avril 1995 ; Bez gosudarstva vRossii dolgo ne ivut [En Russie, on ne peut pas vivre longtemps sans ltat], Kompani,n13, 12 avril 1999.

Le sort des projets conservateurs du gouvernement et celui de

Rosneft ont commenc changer lorsque la survie politique de BorisEltsine a t mise en danger la veille de llection prsidentielle de 1996.Le dclin de sa popularit, conjugu la progression dans les sondages duleader du Parti communiste de Russie Guennadi Ziouganov, a aliment ledbat entre libraux et conservateurs sur la meilleure faon dobtenir sonmaintien au pouvoir. Les conservateurs ont propos de courtiser lesgouverneurs des rgions. Les libraux, eux, voulaient que le prsidentsortant sappuie sur les oligarques russes, en plein essor, pour en faire unenouvelle base sociale de pouvoir politique qui contribuerait sa victoire

Tableau 1: Le renforcement du rle de Rosneftdans le secteur ptrolier en 1995.


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lectorale et sa survie politique5. Cet argument libral a jou un rledcisif dans la dcision de Boris Eltsine dabandonner la privatisationpartielle des compagnies ptrolires mise en uvre entre la fin 1992 et ledbut 1995 au profit des ventes par enchres prts contre actions , quiont t lances en novembre 19956

En novembre 1995, le gouvernement russe a lanc un schma deprts contre actions conu par le financier Vladimir Potanine et par le vice-premier ministre libral Anatoli Tchoubas. Ce mcanisme facilitait letransfert des parts que ltat dtenait dans des industries cls desinstitutions financires prives, en change de fonds verss au budget (voirtableau 2).

. Depuis la dissolution par la force, enoctobre 1993, dun Parlement hostile aux rformes, le prsident pouvaitappliquer ses dcisions aussi rapidement que facilement. En outre, leslibraux affirmaient que le mcanisme prts contre actions comblerait leprofond dficit budgtaire du pays.

Date Compagnie Parts(%)

Contribution aubudget russe

(en millions dedollars)

Vainqueur de lenchre

7 dcembre Lukoil 5 141 Lukoil-Imperial

7 dcembre Sidanko(appartient

aujourdhui TNK-BP)

51 130 MFK Bank, reprsentantson consortium avec

Alfa Group

8 dcembre Yukos(appartient

aujourdhui Rosneft)

45 159 Menatep Bank viasa compagnie

Laguna

28 dcembre Surgutneftegaz 40.12 88.9 La direction de lacompagnie, viale fonds

Surgutneftegaz

28 dcembre Sibneft(renomme

plus tardGazpromNeft)

51 100.3 NeftyanayaFinansovaya kompaniya

28 dcembre Nafta-Moskva 15 20.01 La direction de lacompagnie, via lasocit par actions

NaftaFin

Source : E. Gajdar, A. ubajs, Razvilki novejej istorii Rossii [Les Carrefours de lhistoirercente de la Russie], Moscou, OGI, 2011, p. 86-87.

5 A. Ostrovsky, Father to the Oligarchs , Financial Times, 13 novembre 2004.6 Entretien de S. Yenikeyeff avec Viktor Tchernomyrdine, op. cit. [3]

Tableau 2. Ventes aux enchres prts contre actions dans le secteur ptrolier russe, 1995.


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Le processus tait organis de telle sorte que les nouveauxpropritaires taient prslectionns par le gouvernement sans vritableappel doffres mais en fonction de leur loyaut envers Boris Eltsine. lorigine, le transfert des biens publics devait avoir une dure limite de18 mois 7

Ces lections ont t la priode la plus difficile de la carrirepolitique de B. Eltsine. Aprs le premier tour de llection prsidentielle, lerisque de voir Ziouganov triompher dEltsine au second tour semblait trslev. Les reprsentants des forces de scurit dobdience conservatrice,conduits par le garde du corps dEltsine Alexandre Korjakov, le chef du

Service fdral de scurit (FSB) Mikhal Barsoukov et le vice-premierministre Oleg Soskovets, martelaient que le prsident sortant devait toutprix viter la tenue dun second tour. Cependant, aprs laffrontement armqui lavait oppos au Parlement en octobre 1993, Boris Eltsine ne voulaitplus employer la force pour rester au pouvoir, estimant que cela rduirait nant sa lgitimit aux yeux des Occidentaux

. Cela signifiait que les actifs pouvaient tre repris aprs leslections prsidentielles ceux qui nauraient pas suffisamment manifestleur allgeance politique pendant les lections. videmment, siG. Ziouganov gagnait les lections, les rsultats de la privatisation russeauraient t annuls par les communistes. Tous ces facteurs devaientassurer le soutien des oligarques Eltsine pendant la campagneprsidentielle.

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Linfluence des compagnies prives

.

Boris Eltsine a congdi ses responsables de la scurit les plus

conservateurs et a remport le second tour de llection prsidentielle.Immdiatement, le grand jeu ptrolier en Russie a connu un profondbouleversement. Le camp libral, qui avait permis la victoire du prsidentsortant, sest mis affirmer que la russite des milieux daffaires dans lagestion dun processus politique complexe signifiait quils taient toutautant capables de grer au mieux lconomie russe et le secteur ptrolier.Plutt que de se reposer sur Rosneft pour grer les problmes ptroliersles plus urgents du pays, Eltsine donna carte blanche aux oligarques.

Ltat ne souhaitait plus conserver la majorit des actifs dans lesecteur ptrolier. Au contraire : en 1995, les meilleurs actifs de Rosneft ontservi crer une nouvelle compagnie ptrolire prive, Sibneft, qui a t

transfre sous le contrle dun homme de confiance de B. Eltsine, RomanAbramovitch. Une autre compagnie, TNK, a t privatise en 1997-1999 la faveur dAlfa Group et de Renova, diriges respectivement par MikhalFridman et Viktor Vekselberg.

La hausse rapide des prix du ptrole la fin des annes 1990 et audbut des annes 2000 a conduit une augmentation considrable des

7 E. Gajdar, A. ubajs, Razvilki novejej istorii Rossii[Les Carrefours de lhistoire rcente dela Russie], Moscou, OGI, 2011, p. 86-87.8 Voir T.J. Colton, Yeltsin : A Life, New York, Basic Books, 2008.


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revenus des exportations, ce qui a permis aux conglomrats ptroliersfdraux de consolider leurs actifs et de faire de nouvelles acquisitionsdans le secteur ptrolier. Les compagnies ptrolires ont galement profitde cette hausse de leurs ressources financires pour accrotre leurinfluence dans les administrations fdrales et rgionales, ainsi quauParlement, afin dinstaurer un environnement politico-conomique etinstitutionnel plus favorable leur expansion constante9. la suite de cela,les principales majors ptrolires russes, lexception notable deSurgutneftegaz, ont eu tendance fonder leur croissance sur lachat desocits plus modestes dotes dactifs ptroliers attractifs. Par consquent,les majors ptrolires russes sont devenues des monopoles rgionauxexerant leur influence sur le march intrieur des carburants et bloquant ledveloppement des compagnies ptrolires indpendantes de moindretaille. Dans le mme temps, la vague de fusions et acquisitions a servi lesintrts du Kremlin, puisquelle a contribu diminuer la quantit dactifsindustriels dtenus par les puissantes lites rgionales et, par consquent,

renforcer la fragile unit du pays. Conformment ce quavaient annoncles libraux du gouvernement, le prsident pouvait dsormais sappuyersur les compagnies ptrolires prives russes et les groupes financiers etindustriels pour exercer son pouvoir et contrebalancer linfluence des barons rgionaux. En outre, les grands acteurs conomiques rendaient Eltsine un autre service dimportance, en ralliant les forces doppositionconduites par les communistes la Douma10

Cependant, en parallle, la monte en puissance des grandesentreprises a engendr de graves problmes conomiques. Lescompagnies ptrolires prives manipulaient les prix de transfert, enmettant en uvre des stratgies d optimisation fiscale , ce qui adstabilis les recettes fiscales de ltat. Des compagnies comme Yukos etSibneft, proprits de groupes financiers, ont t rgulirement accusesde chercher accrotre leur capitalisation via la production de ptrolefacile grce des actifs hrits de lpoque sovitique plutt quedinvestir dans le forage dexploration et le dveloppement long terme deleurs champs ptroliers

.

11. linverse, Surgutneftegaz et Lukoil, contrlespar des gestionnaires forms du temps de lURSS, se trouvaient lavant-garde dune approche plus durable de la production de ptrole et desforages dexploration. Cette distinction entre les stratgies des compagniesdiriges par des financiers et celles diriges par des professionnels duptrole est devenue la principale caractristique de lindustrie ptrolirerusse de la fin des annes 1990 et du dbut des annes 2000, et a

lourdement pes sur son volution ultrieure12

9 S. Yenikeyeff, op. cit. [1].

.

10 Ibid.11 Yu. afranik, V. Krkov, Zapadno-sibirskij fenomen [Un phnomne en Sibrieoccidentale], Moscou, , 2001, p. 85-100.12 N. Poussenkova, From Rigs to Riches : Oilmen vs. Financiers, James Baker III Institutefor Public Policy, Rice University, 2004,.
http://large.stanford.edu/publications/coal/references/baker/studies/pec/docs/PEC_Poussenkova_10_2004.pdfhttp://large.stanford.edu/publications/coal/references/baker/studies/pec/docs/PEC_Poussenkova_10_2004.pdfhttp://large.stanford.edu/publications/coal/references/baker/studies/pec/docs/PEC_Poussenkova_10_2004.pdfhttp://large.stanford.edu/publications/coal/references/baker/studies/pec/docs/PEC_Poussenkova_10_2004.pdfhttp://large.stanford.edu/publications/coal/references/baker/studies/pec/docs/PEC_Poussenkova_10_2004.pdf


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Lobjectif des trois compagnies ptrolires contrles par desbanquiers Yukos, Sibneft et TNK consistait alors vendre des parts des majors internationales, afin de lgaliser les actifs obtenus sous BorisEltsine et de sassurer la protection du systme juridique international 13

Larrive au pouvoir de Vladimir Poutine et sa dtermination ramener le secteur nergtique sous le contrle du Kremlin allaientbouleverser le destin des entreprises ptrolires prives du pays.

.Cette volont peut expliquer le fait que la politique de ces compagnies,spcialement Yukos et Sibneft, a t tourne vers la maximisation de laproduction et la recherche de dividendes immdiats. Les deux compagniesavaient accept de fusionner leurs actifs et de vendre une part importantede la nouvelle compagnie ainsi cre une compagnie ptrolireinternationale (International Oil Company, IOC) dorigine amricaine :ExxonMobil ou Conoco-Philips.

13 S. Yenikeyeff, BP, Russian Billionaires and the Kremlin : a Power Triangle that NeverWas , Oxford Energy Comment, novembre 2011, p. 13,.
http://www.oxfordenergy.org/wpcms/wp-content/uploads/2011/11/BP-Russian-billionaires-and-the-Kremlin.pdfhttp://www.oxfordenergy.org/wpcms/wp-content/uploads/2011/11/BP-Russian-billionaires-and-the-Kremlin.pdfhttp://www.oxfordenergy.org/wpcms/wp-content/uploads/2011/11/BP-Russian-billionaires-and-the-Kremlin.pdfhttp://www.oxfordenergy.org/wpcms/wp-content/uploads/2011/11/BP-Russian-billionaires-and-the-Kremlin.pdfhttp://www.oxfordenergy.org/wpcms/wp-content/uploads/2011/11/BP-Russian-billionaires-and-the-Kremlin.pdf


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Le ptrole russe sous Poutine (2000-2008)

En arrivant au pouvoir, Vladimir Poutine a tabli dans le gouvernement unquilibre politique entre le camp favorable au secteur priv (compos delibraux en conomie) et le camp tatiste (conservateur). Lun desprincipaux problmes lgus par Boris Eltsine tait la dominationinstitutionnelle des conomistes libraux. Par consquent, lune des

priorits de Poutine a t de restaurer un quilibre au sein dugouvernement entre libraux et conservateurs. Cest dans ce but quil aoffert des responsabilits leves Moscou un certain nombre de sesanciens collgues de Saint-Ptersbourg, parmi lesquels des anciensresponsables des services de scurit, mais aussi des avocats etconomistes dobdience librale.

Aprs llection de Poutine, Alexe Koudrine et Guerman Gref ontt respectivement nomms ministre des Finances et ministre duDveloppement conomique. Leur mission principale consistait rpondre un objectif fondamental pour le prsident : se rapproprier les revenusque les compagnies prives avaient dissimuls par le recours lamanipulation des prix, trs rpandu dans le secteur ptrolier lpoque. Leprsident voulait instaurer un systme dimposition simple et efficace,capable de garantir la stabilit fiscale de la Russie.

Cependant, les premiers efforts des libraux se sont heurts unersistance acharne de la part de Yukos. Guerman Gref aurait chou persuader Mikhal Khodorkovski de modifier ses stratgies doptimisationfiscale. En outre, Yukos tait galement accus de faire du lobbying ausein du Parlement russe pour servir ses intrts politiques et conomiquesen faisant amender la lgislation fiscale son avantage 14

Setchine aurait milit pour que ltat use de toutes ses ressourcescoercitives contre Khodorkovski avant que la compagnie de celui-ci puisseconsolider son contrle sur le nouveau Parlement qui allait sortir des urnesen dcembre 2003. Setchine considrait galement le principal actif deYukos, Yuganskneftegaz, comme le joyau potentiel de la grande

. Lincapacit desconomistes libraux modifier le systme dimposition et instaurer unestabilit financire a cr une fentre dopportunit pour la monte enpuissance du groupe des siloviki parmi lesquels Igor Setchine allait jouer

un rle dcisif.

14 Hodorkovskij soznals. Akcionery kosa pomogut SPS,bloku i KPRF [Khodorkovski passe aux aveux. Les actionnaires de Yukos vont aider SPS, Yabloko etKPRF], Vedomosti, 8 avril 2003.


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compagnie ptrolire dtat quil souhaitait btir sur la base de Rosneft. Lessiloviki avaient fait le calcul que les actifs de Yuganskneftegaztransformeraient la modeste Rosneft en une compagnie publiquepuissante. Cela permettrait damliorer la gestion du secteur ptrolier russeet de contrebalancer linfluence acquise par les compagnies ptroliresprives, qui privilgiaient leurs intrts commerciaux court terme audtriment de la stabilit fiscale long terme et du dveloppement durabledu secteur ptrolier. Le dmantlement de Yukos devait galement fournirune base financire et industrielle aux siloviki dans leur lutte contre leslibraux, qui bnficiaient traditionnellement de liens troits avec lesmilieux banquiers. Ainsi, le pouvoir de V. Poutine se trouverait rquilibr.Pour des raisons videntes, I. Setchine a t nomm en juillet 2004prsident du conseil dadministration de Rosneft.

La mise lcart de Mikhal Khodorkovski a permis A. Koudrine etG. Gref de mener bien les rformes fiscales lances en 2000-2002, quiavaient jusqualors t sabotes par le lobby ptrolier contrl par Yukos

au sein du Parlement. La chute de cette dernire a autoris lesconomistes libraux du gouvernement crer un systme dimpositionsimple administrer et efficace pour rcuprer les revenus cachs descompagnies ptrolires.

Lchec de la fusion de Rosneft et Gazprom

Lquilibre du pouvoir entre les principaux groupes de llite et la questionde la capacit de ltat grer le secteur ont galement jou un rleimportant dans llaboration de la politique nergtique du Kremlin.

Pendant le premier mandat de Vladimir Poutine, Moscou a tudi diversscnarios de recomposition du secteur des hydrocarbures russe, sur labase dun plus grand contrle tatique et dune collecte plus efficace desrevenus du ptrole par ltat. Certains de ces scnarios incluaient la fusionde Gazprom et Rosneft. Celle-ci fut dailleurs annonce en 2004, mais ceprojet a t abandonn aprs laffaire Yukos. Lenqute pnale ouvertecontre Yukos pour vasion fiscale a conduit sa banqueroute et lemprisonnement de Michal Khodorkovski. En dcembre 2004, Rosneft amis la main sur lactif cl de Yukos, Yuganskneftegaz, par lintermdiairedune tierce partie, Bakalfinansgrup, pour la somme de 9,35 milliards dedollars.

La fusion avec Rosneft aurait galement pu exposer les activitsinternationales de Gazprom dventuels procs. En outre, les librauxrusses avaient initialement dcid, larrive au pouvoir de Poutine, defaire de Gazprom leur entreprise nergtique. Ds lors, une fusionentre Gazprom ( base des libraux) et Rosneft ( base desconservateurs) pour crer un champion nergtique dtat aurait tcontre-productive dun point de vue politique, puisque cela auraitdstabilis lquilibre des forces dans lentourage proche de Poutine15

15 R. Sakwa, Putin Redux : Continuity and Change , ,14 septembre 2012.
http://www.opendemocracy.net/od-russia/richard-sakwa/putin-redux-continuity-and-changehttp://www.opendemocracy.net/od-russia/richard-sakwa/putin-redux-continuity-and-changehttp://www.opendemocracy.net/od-russia/richard-sakwa/putin-redux-continuity-and-change


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outre, le Kremlin estimait que la cration dune super NOC sur la base deGazprom et de Rosneft compliquerait la gestion du secteur deshydrocarbures et affaiblirait la capacit de ltat administrer ce secteur defaon simple et efficace. Finalement, Vladimir Poutine dcida que Rosneftet Gazprom deviendraient les deux bras du Kremlin, chacune dans sonsegment de lindustrie nergtique16. Dans le mme temps, pour satisfaireles ambitions ptrolires de Gazprom, Vladimir Poutine a autoris leconglomrat gazier acheter Sibneft auprs de Roman Abramovitch. Il fautsouligner que du point de vue de la stratgie de croissance de Rosneft, leprincipal actif de Yukos, Yuganskneftegaz, apparaissait comme une unitde production plus intressante au niveau commercial que les anciensactifs de Rosneft utiliss pour crer Sibneft17

2006 : lintroduction en bourse de Rosneft

.

Lintroduction en bourse de 14,8 % des parts de Rosneft, en 2006,cherchait rpondre trois objectifs principaux : recycler les actifs deYukos que Rosneft avait absorbs ; assurer laccs de Rosneft auxmarchs financiers internationaux ; et renforcer les liens de Rosneft avecles compagnies ptrolires trangres participant son entre en bourse,comme BP, Petronas, CNPC, Shell et ONGC.

Vladimir Poutine demanda aux libraux du gouvernement de prterassistance lopration. Le ministre du Dveloppement conomique,Guerman Gref, qui avait t le prsident du conseil de Rosneft jusquenjuillet 2003, a particip activement la promotion de la privatisationpartielle de la compagnie ptrolire publique. La participation des libraux

ce processus sexpliquait galement par leur conviction que limplicationdinvestisseurs stratgiques trangers dans le capital de Rosneft conduirait lamlioration de la gouvernance de lentreprise et une plus grandetransparence de son fonctionnement.

Avec cette introduction en bourse, les conservateurs russes,conduits par Setchine, ont obtenu un accs aux institutions financires etaux grandes entreprises occidentales, ce qui leur a permis de rtablir dansce domaine lquilibre avec les libraux qui, jusqualors, avaient constitulunique canal dinteraction entre le Kremlin et lOccident.

Pour la premire fois dans lhistoire postsovitique de la Russie, leslibraux et les conservateurs se trouvaient galit, aux niveaux politiqueet conomique. Vladimir Poutine, fort de sa lgitimit institutionnelle,apparaissait comme un arbitre entre les deux camps.

16Ibid, p. 7-9.17 Yukos et Sibneft, Annual Reports, 2001, 2002.


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Les milliardaires de lre Poutine

Tout en promouvant la parit entre libraux et conservateurs au sein dellite politique, Vladimir Poutine a facilit lmergence dun nouveau groupedoligarques, qui allait lui fournir un levier supplmentaire dans le mondedes affaires. Plusieurs de ses amis ou supposs tels originaires deSaint-Ptersbourg ont t les premiers bnficiaires de contrats publicsavantageux, tout particulirement dans lindustrie ptrolire et gazire.Certains, tels Guennadi Timtchenko et les frres Rotenberg, se firentconnatre en tant que partenaires commerciaux de Gazprom et Rosneft.

Aprs avoir gnr des capitaux importants, ces nouveaux acteursont commenc acqurir des actifs, souvent auprs de compagniespubliques et un prix trs bas. Par exemple, en 2008, les frres Rotenbergont achet pour 347 millions de dollars les filiales spcialises dans legnie civil de Gazprom, quils ont intgres ensuite dans une corporation

prive, Stroygazmontazh, le principal constructeur russe de pipelines, dontla valeur est estime 8-10 milliards de dollars 18. Quant Timtchenko, il aacquis 20 % du principal producteur de gaz indpendant de Russie,Novatek, ainsi que des parts substantielles dans plusieurs compagniesrusses et trangres de services lindustrie ptrolire et gazire, detransport et de produits chimiques19

18 Rotenberg vzl vernyj podrd [Rotenberg a fait une bonne affaire], Vedomosti, 11 mai2012.

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19 A. Mehdi, Putins Gazprom Problem , Foreign Affairs, mai 2012.


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Ere Medvedev et Poutine III : le ptrolerusse depuis 2008

Le deuxime dbat sur la privatisation du ptrole

Pendant son mandat prsidentiel (2008-2012), Dmitri Medvedev a favorisle retrait de ltat des principales industries russes, y compris du secteur duptrole et du gaz. Premire mesure en ce sens : le prsident a demandaux hauts fonctionnaires de dmissionner des conseils dadministration descompagnies contrles par ltat20

Cependant, ces projets ont t entravs par laile conservatrice dugouvernement, reprsente par un groupe de vtrans du KGB, ou siloviki,conduit par I. Setchine. Les conservateurs ne rejettent pas intgralementune future privatisation, mais ils demandent que celle-ci soit repoussejusqu ce que la situation conomique extrieure se soit suffisammentamliore pour rendre la vente dactifs ptroliers de ltat plusavantageuse. Les silovikisoulignent galement limportance stratgique deRosneft en matire de surveillance de lindustrie ptrolire nationale. Lacompagnie, selon eux, peut galement servir ltat pour attirer lesinvestissements et les apports technologiques trangers ncessaires lamise en uvre de nouveaux projets de grande ampleur en Sibrieorientale et dans lArctique ; elle est aussi un contributeur trs important au

. I. Setchine, vice-premier ministre russecharg du secteur nergtique, a d quitter son poste de prsident duconseil dadministration de Rosneft, et a t remplac par le vice-prsidentde lAcadmie des sciences de Russie, Alexandre Nekipelov. Dans lemme temps, le conseiller conomique de Medvedev Arkadi Dvorkovitch,ainsi que laile librale du gouvernement hrit de Poutine, reprsente parle vice-premier ministre Igor Chouvalov et la ministre du Dveloppementconomique Elvira Nabioullina, se prononaient en faveur de laprivatisation des compagnies ptrolires publiques Rosneft, Zarubezhneftet Transneft (ainsi que de la compagnie maritime Sovcomflot). Les libraux

estimaient que Rosneft et Zarubezhneft devaient tre entirementprivatises (ltat conservant une action privilgie ) ; quant aumonopole de transport russe Transneft, il ne devait tre privatis quepartiellement (voir le tableau 3). Daprs les libraux, cette nouvelle vaguede privatisations permettrait la Russie dattirer des investissements quifavoriseraient sa modernisation industrielle et la promotion dune plusgrande transparence et dune meilleure efficacit des secteurs largementtatiss de lconomie nationale, tout en renflouant les finances publiques.

20 A. Topalov, Rosneft bez Seina [Rosneft sans Setchine], , 12 avril 2011.
http://www.gazeta.ru/business/2011/04/12/3581961.shtmlhttp://www.gazeta.ru/business/2011/04/12/3581961.shtmlhttp://www.gazeta.ru/business/2011/04/12/3581961.shtml


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budget russe, via les impts quelle paie ; et elle peut potentiellementdevenir une NOC denvergure mondiale capable de promouvoir les intrtsnergtiques russes ltranger.

Compagnie Part de l tat au 20 juin2012

Part de l tat envisageau 31 dcembre 2016

Rosneft 75,16 % 0 % (action privilgie)

Zarubezhneft 100 % 0 % (action privilgie)

Transneft 78,1 % 75 % + une part

Sovcomflot 100 % 0 %

Source: Ordre n1035-p du gouvernement russe, Moscou, 20 juin 2012.

Afin dviter une monte des tensions au sein de llite politique,Vladimir Poutine a opt, au printemps et lt 2012, pour une stratgie derconciliation incorporant la fois les objectifs des tatistes et des libraux.Il a commenc par reconnatre que la deuxime vague de privatisationdevait se drouler comme les libraux lavaient planifi. Ensuite, il adclar que les actifs de ltat ne devaient pas tre vendus bas prix et asuggr que la holding publique Rosneftegaz runisse sous son parapluietous les actifs nergtiques devant tre privatiss, comme le suggraient

les conservateurs

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. Par la suite, Rosneftegaz participa la privatisation,afin dviter que les actifs gaziers et ptroliers de ltat ne soient vendustrop bon march22. Enfin, Rosneftegaz a t autorise investir dans lesactifs nergtiques publics, pour accrotre leur capitalisation avant quils nesoient privatiss23

Les dcisions de Poutine ont permis un rpit temporaire dans labataille autour de la deuxime vague de privatisation du secteur ptrolierrusse, mais les affrontements internes au sein de llite semblentinvitables dans les mois et annes venir. Vladimir Poutine a trouv, unefois de plus, une solution qui premire vue emprunte quitablement auxprogrammes des libraux et des conservateurs concernant Rosneft, maisqui en ralit avantage I. Setchine.

.

21 E. Derbilova, Lue mene da poze [Mieux vaut faire plus petit et plus tard],Vedomosti, 28 aot 2007 ; O. Gavina, Sdai ne nado [Gardez la monnaie], Vedomosti,2 juillet 2012 ; E. Derbilova, Sein ostats [Setchine reste], Vedomosti, 18 fvrier2008 ; A. Gudkov, N. Skorlygina, "Rosneftegaz" sobiraet aktivy [Rosneftegaz rassembleses actifs], Kommersant, 4 juin 2012.22Vesti, 24 mai 2012, .23 Ukaz prezidenta Rossijkoj Federacii [Oukase du prsident de la Fdration de Russie],n695, Moscou, 22 mai 2012.

Tableau 3. Propositions de privatisationdu secteur ptrolier russe en 2012-2016


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Encadr 1. Laccord Rosneft-BP

Rosneft sentend avec BP pour acqurir les50 % que celle-ci dtient dans TNK-BPcontre un versement de 17,1 milliards dedollars et 12,84 % des actions de Rosneft.

Laccord stipule que les actions deRosneft sont valorises 8 dollars lunit,ce qui signifie que la capitalisation totalede lentreprise est de 28 milliards dedollars ;

BP a propos de rinvestir 4,8 milliards

de dollars de la somme verse par Rosneftpour acheter Rosneftegaz 5,66 %supplmentaires des parts de Rosneft ;

BP va devenir le deuxime plus grandactionnaire de Rosneft, avec une part de19,75 % ;

Conformment la loi russe, BPdtiendra deux siges dans le Conseil deRosneft, qui en compte neuf.

Lacquisition de TNK-BP par Rosneft

En juillet 2012, Rosneft a annonc son intention dacqurir une partie de latroisime plus grande compagnie ptrolire de Russie, TNK-BP 24. Cette

joint-venture avait t cre en 2003-2005 par la major BP et le consortiumAAR, proprit de trois milliardairestroitement lis la Russie : MikhalFridman, Len Blavatnik et ViktorVekselberg. La joint-venture ayant ttablie sur la base dun partage 50/50, son fonctionnement tait sanscesse entrav par la lutte que selivraient AAR et BP autour de lastratgie de lentreprise. Le dernierexemple en date de cette rivalitinterne tait lchec de laccordstratgique que BP souhaitait signeravec Rosneft propos de lArctique :ce projet est rest bloqu, AARlayant dnonc devant des tribunauxinternationaux comme une violationdu pacte dactionnaires TNK-BP 25 .Suite ce conflit, BP dcida devendre Rosneft les parts quelle

dtenait dans la compagnie russe, afin de pouvoir saisir dautresopportunits lucratives, notamment dans lArctique russe26

prsent que Rosneft a russi obtenir un crdit syndiqu de lapart de plusieurs institutions financires internationales, elle est sur le pointde devenir la plus grande entreprise ptrolire publique partiellementprivatise. Dans le mme temps, suite la cession de ses parts dans TNK-BP, BP va devenir le premier actionnaire priv de Rosneft, puisquelle vamettre la main sur presque 20 % de lacteur ptrolier russe (voirlencadr 1).

. Le consortium

AAR sest galement retir du capital social de TNK-BP, cdant elle aussises parts Rosneft.

24 Communiqu de presse de Rosneft, 24 juillet 2012,.25 S. Yenikeyeff, op. cit. [13].26 BP Announces Plans to Sell Stake in TNK-BP , , 1erjuin 2012.
http://www.rosneft.com/news/pressrelease/24072012.htmlhttp://www.rosneft.com/news/pressrelease/24072012.htmlhttp://www.bbc.co.uk/news/business-18292483http://www.bbc.co.uk/news/business-18292483http://www.bbc.co.uk/news/business-18292483http://www.rosneft.com/news/pressrelease/24072012.html


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Encadr 2. Que rapporte la transaction TNK-BP BP et Rosneft ?

BP

Fin du conflit dactionnaires avec AAR ;BP aura sa part de laugmentation de la production

et des profits qui proviendront des joint-venturesque Rosneft crera avec diverses IOC pour explorerlArctique et, potentiellement, exploiter le plateaucontinental ;

De largent pour faire face ses problmesjudiciaires conscutifs la catastrophe du Golfe duMexique ;

La dtention de 20 % des parts de Rosneft permet

BP davoir accs aux projets internationaux deRosneft et de capitaliser sur les synergies existantentre les projets est-sibriens de Rosneft et deTNK-BP ;

Un profil de production long terme, au moinspour cinq dcennies.

Rosneft

Une IOC majeure en tant quactionnaire dtenant20 % de Rosneft : du jamais vu dans les relationsentre une IOC et une NOC ;

Lchec de lagenda libral de privatisation. Permet Setchine de dcider du rle de BP dans le secteurptrolier et gazier de la Russie ;

Possibilit dutiliser BP comme un soutienextrieur dans les interactions politiques etconomiques de Rosneft avec ltat russe,spcialement pour obtenir des exemptions de taxesfiscales pour les projets difficiles ;

Des actifs gaziers : une production de 0,2 millionde barils quivalent ptrole par jour (Slavneftinclus), et limmense projet Rospan ;

Sinscrit dans la volont de Rosneft de diversifiersa base dactifs domestiques : la compagnie obtientdes actifs au Venezuela, au Vietnam et au Brsil ;

Des actifs en aval dans le secteur du raffinage :joint-ventures en Allemagne ;

Accs aux activits de ngoce de ptrole de BP.

Labsorption de TNK-BP et de ses actifs situs ltranger offre Rosneft des opportunits intressantes sur le plan international. TNK-BPavait commenc devenir une compagnie internationale en 2010-2011,quand elle a accept dacheter BP pour 1,8 milliard de dollars dactifsptroliers et gaziers situs auVietnam et au Venezuela, etpour un milliard de dollars deblocs dexploration lacompagnie brsilienne HRTParticiapoes27

Les conomisteslibraux du gouvernement,comme Arkadi Dvorkovich, ontcommenc par sopposer lacquisition par Rosneft dactifsprivs supplmentaires. Maislimplication accrue de BP dansle capital de Rosneftcorrespond en ralit lavolont annonce par ltatrusse de rduire sa prsence

dans le secteur ptroliernational.

. I. Setchine tantdsireux dtendre la prsencede Rosneft au-del de laRussie afin de diversifier sesactifs, pour lheure presqueexclusivement nationaux,lachat de TNK-BP constitue un

dveloppement internationalimportant pour la compagnieptrolire russe. En outre, BP,qui est dsormais lun de sesinvestisseurs, sera pourRosneft un partenaire trangerfort utile, grce sescomptences aussi bientechnologiques quen matirede management, et ayantaccs aux marchs financiersinternationaux.

Plusieurs raisons expliquent la dcision de Vladimir Poutine desoutenir le projet dI. Setchine consistant faire de Rosneft une compagnienationale partiellement privatise. Naturellement, la faible valorisation desactions de Rosneft et sa contribution stratgique au budget russe ontconsidrablement pes dans la dcision de Poutine dautoriser Rosneft

27 K. Melnikov, NK proburit Braziliju [TNK-BP va percer au Brsil], Kommersant,1er novembre 2011.
http://www.kommersant.ru/doc/1807722http://www.kommersant.ru/doc/1807722http://www.kommersant.ru/doc/1807722http://www.kommersant.ru/doc/1807722


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absorber TNK-BP. Mais le facteur dterminant de la rflexion du Kremlinest la ncessit de disposer dun champion ptrolier pour grer latransition de lindustrie ptrolire nationale, qui doit passer de lexplorationet de lexploitation de gisements traditionnels de la rgion centrale de laVolga celle des gisements encore inexplors de Sibrie orientale etdArctique. Or, un doute existe sur la capacit des compagnies ptroliresprives et verticalement intgres de Russie raliser les investissementsncessaires pour amliorer la production en amont et moderniser lesraffineries et les infrastructures existantes. Dans une large mesure, larenaissance de lindustrie ptrolire russe dans les annes 2000 propulse par le niveau lev des prix du ptrole et lafflux de revenus quisen est suivi reposait essentiellement sur la capacit des compagniesptrolires prives tirer parti des actifs hrits de lpoque sovitique, ycompris des sites dj exploits.

Ds lors, il nest pas surprenant que Vladimir Poutine ait opt pourla proposition dfendue par I. Setchine, savoir sappuyer sur Rosneft,

contrle par ltat et forte de ses partenariats avec des IOC commeExxonMobil, ENI, Statoil et BP, pour stimuler le dveloppement denouveaux champs en Sibrie orientale et en Arctique. En outre, on peutgalement penser que Setchine a pu manipuler la rivalit opposant lesdiverses compagnies ptrolires internationales ainsi que les problmesrencontrs par BP dans ses relations avec le consortium AAR afin desimposer comme lintermdiaire incontournable, au sein de lestablishmentpolitique et conomique russe, pour toutes les transactions avec les IOC(voir lencadr 2). I. Setchine a ainsi pu consolider son contrle sur deuxsources fondamentales de pouvoir : laccs offshoredes IOC lexplorationen Russie ; et laccs de Rosneft aux projets dexploration internationaux etaux institutions financires mondiales. Il peut dsormais utiliser lespartenariats de Rosneft avec les IOC pour accrotre son influence sur legouvernement russe, en particulier sur le dossier des allgements fiscauxpour le dveloppement de la Sibrie orientale, o Rosneft sest souventconfronte aux libraux propos du taux dimposition sur lextraction deminraux appliquer aux nouveaux sites tel Vankor.

Comme lors de lintroduction en bourse de Rosneft, les siloviki dugouvernement ont offert leurs services au Kremlin. La compagnie peutdsormais constituer pour le pouvoir un canal supplmentaire vers lesgrandes entreprises et lestablishment financier international, tandis quepar le pass, les relations conomiques avec lOccident relevaient de laprrogative exclusive des conomistes libraux du gouvernement.


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De nouvelles batailles venir ?

Jusqu prsent, Vladimir Poutine a accept que Rosneft fonde sa stratgiede croissance sur les actifs et les contrats russes privs. Cette stratgiesest traduite par lacquisition de TNK-BP et par le remplacement deNovatek en tant que fournisseur de gaz domestique plusieurscompagnies du secteur nergtique. Elle sest galement manifestelorsque divers contrats dexportation de ptrole ont t partiellement retirs la compagnie de Guennadi Timtchenko, Gunvor, qui un moment

contrlait plus de 30 % des exportations ptrolires russes. Lespartenariats avec les IOC fournissent Rosneft et I. Setchine de solidesleviers en vue dun ventuel conflit qui pourrait les opposer desmilliardaires de l re Poutine comme Guennadi Timtchenko proposdes exportations de ptrole ou des projets gaziers. Par exemple, Rosneftpourrait utiliser BP pour vendre du ptrole sans recourir Gunvor.

Rosneft pourrait bientt commencer utiliser ses nouveauxgisements et les alliances rcemment forges avec plusieurs IOC parmi lesplus importantes pour se lancer lassaut du secteur gazier. Mme si lheure actuelle I. Setchine soutient le monopole de Gazprom surlexportation de gaz et minimise les ambitions de Rosneft dans les

domaines du gaz et de llectricit, les deux champions nationauxpourraient rapidement se retrouver couteaux tirs. Une telle volution dela situation semble dautant plus probable que, via sa joint-venture avecItera, Rosneft possde dsormais un partenaire fiable pour vendre son gaz.La compagnie peut envisager dans le futur dobtenir un accs au marchgazier dItera au Turkmnistan. Cette joint-venture prend de plus en plusdimportance, Rosneft prvoyant de porter sa production de gaz 100 milliards de mtres cubes dici 2020.

La stratgie de croissance choisie par le champion ptroliernational va-t-elle dstabiliser le statu quo existant entre Rosneft etGazprom et provoquer un conflit ouvert entre I. Setchine et les oligarquesptroliers et gaziers ayant forg leur fortune sous Eltsine et Poutine ? Laquestion demeure ouverte. Le Kremlin, que ce soit sous Poutine ou sousson successeur, pourrait se montrer rticent grer de futures luttes dansles secteurs gazier et ptrolier qui pouseraient de vieilles lignes departage politique, et pourrait tre tent de crer en Russie un nouveaupaysage politique et conomique.

La capacit dI. Setchine protger ses allis et grer Rosneftcomme une super NOC dpendra galement de la faon dont laccordBP-Rosneft sera dvelopp et maintenu. Rosneft aura besoin de sendetterlourdement pour consolider son contrle sur TNK-BP. Par consquent, ilreste voir si BP sera capable dassumer un partenariat long terme avecRosneft. Cela peut devenir une question pressante pour BP et pour ses

actionnaires, tant donn les risques financiers pris par Rosneft et les


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doutes pouvant surgir quant sa capacit grer efficacement sescapitaux, sans oublier les problmes juridiques rencontrs par BP auxtats-Unis la suite de la catastrophe cologique du Golfe du Mexique 28.Lavenir de larrangement BP-Rosneft dira si ce modle peut devenir unetendance croissante du march ptrolier mondial, domin aujourdhui parles compagnies ptrolires nationales tandis que les IOC sont forces dechercher de nouveaux moyens de travailler avec les NOC 29

28 Voir A. Mehdi, Sh. Yenikeyeff, When Markets Meet Politics: Continuity and Change in theRussian Oil Industry, qui sera publi par lOxford Institute for Energy Studies en fvrier-mars 2013.

. Le risqueprincipal, pour les IOC, est de devenir les otages des dynamiquespolitiques luvre dans les pays riches en ressources naturelles commela Russie.

gouverneurs, oligarques et siloviki : pétrole et pouvoir en russie

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