gouvernance territoriale

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    LAGOUVERNANCE TERRITORIALE ETSES ENJEUX POUR LA GESTION DESRESSOURCES NATURELLESDes approches novatrices pour lutter contre la dserti cationet la dgradation des terres et des eaux

    DSERTIFICATION, DGRADATION DES TERRES ET SCHERESSEDOCUMENT THMATIQUE No. 3

    Auteur de ltude:

    Grigori Lazarev

    Directeur de ltude :Grgoire de Kalbermatten

    Comit de lecture :Mohamed Ait Kadi(Prsident du Conseil Gnral du Dveloppement Agricole, Maroc)Guillaume Benoit (ex Directeur du Plan Bleu, UNEP)Khalid El Harizi (FIDA)Dominique Lantiri (FAO)Christophe Nuttall (PNUD)Liliane Ortega (SDC)Sergio Zelaya (UNCCD)

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    Les opinions exprimes dans cet ouvrage ne reprsentent pas ncessairementcelles du Secrtariat de la UNCCD.

    Secrtariat de la Convention des Nations Unies sur laLutte contre la Dserti cation

    La prsente publication a t rendue possible grce la contribution de la Direction du dveloppement et de la

    coopration suisse

    UNCCD 2009

    978-92-95043-43-51ere dition

    Secrtariat de la Convention des Nations Unies sur la Luttecontre la Dserti cation

    Hermann-Ehlers-Strasse 1053113 Bonn, AlemagneTel: +49 228 815 2800Fax: +49 228 815 2898

    E-mail: [email protected]: http://www.unccd.int

    DCM

    Ruben Pedro Escalona Almudevar

    Publi par:

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    Disponible au:

    Imprim par:

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    PREFACEComme la observ avec un brin dironie un ancien ngociateur majeur de la Convention des NationsUnies sur la lutte contre la dserti cation (UNCCD), lors de la Journe de la Terre tenue Bonn le6 juin 2009 au cours de la runion de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements cli-matiques (CCNUCC), Le changement climatique ne menace pas la plante. La plante sen tirera trsbien sans nous .

    Cest en effet de nous dont il sagit. La variabilit du climat est un facteur direct de changements danslutilisation des terres, causant, par exemple, des pertes de productivit agricole dans les terres aridespouvant se situer entre 50 et 100 pour cent. Elle concerne aussi tous les autres secteurs dactivit,bien au-del de lnergie, de la construction ou du transport. Les points de non retour de lvolutionde lenvironnement sapprochent rapidement et une action collective et intgre tous les niveauxsimpose si lon veut renverser les tendances actuelles de la dtrioration des ressources naturelles,optimiser de nouvelles utilisations des terres, promouvoir des stratgies novatrices de programmationterritoriale, ou encore faire face la pnurie nergtique et alimentaire. Lexprience, cependant, mon-tre que la lutte pour assurer le maintien des indispensables services que rendent les cosystmes doittre dabord mene et gagne dans un contexte local.

    Les pays en dveloppement sinquitent car les exigences de leur croissance ne leur permettent pas derestreindre leur consommation dnergie et de contribuer la compensation diffre de lusage excessif de ressources nergtiques non durables qui ont t lorigine de la richesse des pays dvelopps. Ilnest donc pas surprenant que ces pays sopposent aux restrictions dmissions de gaz effet de serredans le sud de la plante. Selon leur responsabilits communes mais diffrencies et leurs capacitsrespectives, ne seraient-ils cependant pas prts accueillir des mesures dattnuation (mitigation) etdadaptation qui seraient associes des politiques de durabilit conomique et de rduction de la pau-vret, en tenant compte de leurs cosystmes et de leurs niveaux de dveloppement respectifs? Pour que les pays en dveloppement entrent dans une telle perspective cologique, le Global Green Deal, ilfaudrait cependant reconnatre que la rponse aux d s du changement climatique passe aussi par lemonde rural.

    Quelque 75 pour cent des pauvres dans le monde sont des ruraux, pour la plupart impliqus danslagriculture. Ainsi, pour nvoquer que le Rapport sur le dveloppement dans le monde de 2008 de laBanque mondiale ou celui de la Commission europenne, il est devenu clair que la longue tendancequi a consist dsinvestir des zones rurales doit tre dsormais inverse. Lorsque UNCCD et leFonds international de dveloppement agricole (FIDA) ont organis un Symposium international sur les

    programmes de dveloppement local en 1996, le propos tait dencourager une r exion sur laptitudepotentielle de lUNCCD promouvoir des modles plus intgrs et dcentraliss de gestion durable desterres.

    Les conditions sociopolitiques et les approches participatives visant la gouvernance territoriale furentalors passes en revue et des recommandations fortes furent faites dans ce sens. Depuis, de nombreuxprojets, gnralement de petite dimension et dissmins, ont con rm le bien-fond de ces approchesainsi que la possibilit raliste de leur mise en oeuvre. Paralllement, lintrt politique pour la gouver-nance locale et le dveloppement territorial a considrablement progress.

    Les dix ans dexprience de lUNCCD suggrent cependant que ces rsultats nont pas encore suf sam-ment converg pour susciter une prise de conscience dynamique ou une prise en compte politique des liens intrinsques existant entre la gouvernance locale, le dveloppement territorial et la gestiondurable des ressources en terre et en eau. En accord cet gard avec lEvaluation des cosystmespour le Millnaire, il nous semble clair que la rponse la plus approprie pour une gestion durable des

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    services de lenvironnement, notamment ceux quassurent les ressources en terre et en eau, passe par une responsabilit des acteurs sur les ressources quils exploitent et par une action locale dcentrali-se.

    Le constat est fait cependant que trop peu de progrs ont t raliss pour dvelopper des systmesappropris dutilisation des terres et pour ainsi scuriser les moyens dexistence des populations vul-

    nrables.

    Les interactions entre la dgradation des terres et la ncessaire adaptation au changement climatiquedoivent tre rendues beaucoup plus explicites au niveau de chaque pays. Il ne fait pas de doute, cetgard, que des progrs dans la perception collective pourraient se traduire par de meilleures pratiquesdutilisation des terres et par des motivations nouvelles, que ce soit au niveau local, auprs des autoritsdcentralises, des organisations communautaires de base ou encore des usagers individuels des res-sources en terre. Ce d est cependant dif cile car les populations, presses par les besoins, tendent ne pas donner les indispensables priorits aux enjeux environnementaux long terme.

    Une ingnierie sociale, fonde sur des approches participatives, permettrait, en effet, de faire face auxvulnrabilits, existantes ou mergentes, des milieux dgrads ou des territoires appels connatre

    des mutations avec le changement climatique. Ltude voudrait transmettre au moins deux messagesde fond. Tout dabord quil est possible de mettre en uvre des stratgies dadaptation au changementclimatique en fondant les approches sur laction lchelle des communauts rurales. Ensuite, que lesutilisateurs des terres peuvent aussi devenir des agents dattnuation du changement climatique, dansla mesure o la gestion intgre des nutriments des sols peut contribuer de manire dcisive la s-questration du carbone de la biosphre terrestre.

    Un cadre socioterritorial et politique appropri permet une rponse grande chelle mais cela sup-poserait des incitations fortes pour que le tissu associatif de la socit civile investisse dans la gestiondurable des terres et contribue ainsi limiter les effets ngatifs du changement climatique, notammentdans les zones arides.

    Les terres arides reprsentent 36 pour cent du stock total de carbone des cosystmes terrestres.Ladoption rapide de la Stratgie dcennale de lUNCCD, lors de la 8 Confrence des Parties Ma-drid en septembre 2007, a cr une nouvelle dynamique pour prendre en compte leur importance. Ellepropose en effet toutes les parties prenantes de la Convention une plateforme revitalise dactioncommune, en particulier en mettant fortement laccent sur la rduction de la vulnrabilit des personneset des cosystmes, et, en mme temps, en mettant en vidence les effets positifs globaux de la luttecontre la DLDD. La restauration de la fertilit des sols et la conservation de leau sont en effet des con-ditions sine qua non , dune amlioration de la productivit des terres arables, elles constituent la basede toute la chane dont dpend la scurit alimentaire. Parce quils concernent des dimensions trans-versales et multisectorielles de la lutte contre la DLDD, les Programmes daction nationaux pourraient,en se ralignant sur la Stratgie de lUNCCD, soutenir des approches plus performantes, celles-ci sefondant sur la bonne gestion des milieux et sur la prservation des services environnementaux.

    Un engagement fort dans la mise en uvre de la Stratgie de lUNCCD apparatrait, ainsi, comme uneopportunit nouvelle pour que de meilleures pratiques de gouvernance territoriale permettent de mieuxassocier lagenda de conservation globale des ressources naturelles laccomplissement des Objectifsdu Millnaire (OMD). Les approches mthodologiques qui seraient appliques l o doivent tre entre-prises des oprations de conservation et de rhabilitation des terres, pourraient constituer un instrumentpuissant pour stimuler la formation de coalitions dintrts et pour renforcer une dynamique nationaleet locale. Cette tude se propose de complter linitiative de 1996 de lUNCCD pour encourager le dveloppementparticipatif territorial, en se concentrant essentiellement sur les points suivants:

    Replacer la lutte contre la dserti cation et la dgradation des terres au cur de la crise globale delcosystme et montrer linterdpendance des processus de dgradation des terres, des eaux et dela biomasse, du changement climatique, de la scurit alimentaire et de la lutte contre la pauvret;

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    Mettre jour l'analyse des d s et du potentiel que reprsente le dveloppement local etterritorial dans la lutte contre la dserti cation, la dgradation des terres et la scheresse (DLDDet dans le rtablissement de la scurit alimentaire dans le contexte volutif du changementclimatique ;

    Rappeler les principales leons de l'initiative de 1996 de l'UNCCD et prsenter une brve

    synthse des principaux tournants, en termes de pense et de pratiques de dveloppementterritorial, advenus au cours de cette dcennie, et montrer dans quelle mesure les priorits del'UNCCD ont t prises en compte;

    Apporter des arguments visant appuyer les approches politiques qui s'inscrivent dans la miseen uvre de la Stratgie dcennale de l'UNCCD, a n d'intgrer rsolument la gouvernancelocale, le dveloppement territorial et la gestion durable des ressources en terre et en eau;

    Identi er les mesures, notamment la mthodologie et lexprimentation, propres favoriser la gouvernance territoriale, en particulier dans le contexte du ralignement des programmesd'action nationaux sous l'gide de la Stratgie.

    Secrtariat de lUNCCD

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    Table des matiresPrface par le Secrtariat de lUNCCD

    RESUME EXECUTIF

    INTRODUCTION

    DESERTIFICATION ET DEGRADATION DES TERRES ET DES EAUX, LEI.CHEMIN POUR UN DEVELOPPEMENT NON DURABLE.

    1.1 Dserti cation, dgradation des terres et des eaux : ltat de la question1.2. Lusage des terres : des modes dexploitation gnralement peu favorables la durabilit1.3. Laccs la ressource terre, des ingalits, une pression humaine de plus en plus forte

    et de nouvelles menaces1.4. Une volution insoutenable

    POUR UNE GESTION DURABLE DES TERRES ET DES EAUX : DEFIS ETII.OPTIONS NOVATRICES.

    LES FONDEMENTS CONCEPTUELS DU COMBAT CONTRE LA DESERTIFICATION ET LEDEGRADATION DES TERRES ET DES EAUX

    2.1. Les d s du combat contre la dserti cation et la dgradation des ressources2.2. Les implications du combat contre la dserti cation et la dgradation des ressources

    LES OPTIONS DES STRATEGIES DADATATION

    2.3. Ladaptation de lagriculture au changement climatique et la dgradation des sols2.4. Ladaptation de llevage et la revalorisation des parcours2.5. La gestion rationnelle des territoires

    LA MAITRISE RESPONSABLE DES TERRITOIRES: LA REPONSEIII.POLITIQUE DE LA GOUVERNANCE LOCALE.

    3.1. La gouvernance territoriale, cl du combat contre la dserti cation et la dgradationdes terres et des eaux

    3.2. Le dveloppement territorial, une approche en ascendance3.3. La gouvernance territoriale locale , un concept socio politique3.4. La reconnaissance des territoires et lidenti cation au territoire

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    LE CHAMP DE LACTION : LESPACE LOCAL ET LES TERROIRSIV.

    4.1. Le projet de territoire4.2. Le contexte oprationnel4.3. Llaboration des projets de territoires4.4. Une rfrence oprationnelle, le Projet de Dveloppement Agro Pastoral de la Tunisie du

    Sud Est4.5. Dveloppement territorial et changement climatique : le nouveau d de la gestion durable des territoires mutants

    UN NOUVEAU CONTEXTE LES MENACES DUNE CRISE GLOBALEV.

    LHUMANITE CONFRONTEE A UNE CRISE GLOBALE DE LECOSYSTEME

    5.1. Un changement climatique dsormais inluctable5.2. Une transformation de la gographie des cosystmes et de lagriculture5.3. Limpact sur la vie des hommes : les migrations environnementales5.4. Des risques croissants de pnuries et de crises alimentaires dans les pays pauvres5.5. Une crise globale de plus en plus possible

    UNE REPONSE GLOBALE A UNE CRISE GLOBALE

    5.6. Pour une raction mondiale, les leons de la crise conomique5.7. La pertinence des stratgies environnementales5.8. Une rponse globale une seule et mme crise

    REPLACER LUNCCD AU CUR DE LA STRATEGIE GLOBALEVI.

    REFERENCES DOCUMENTAIRES.

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    Rsum excutif Le territoire, le terroir, le terrain : replacer lUNCCD au cur de lastratgie globale

    Ce document de synthse positionne le territoire, le terroir, comme le lieu gographique et socio1.foncier oblig dans lequel le combat contre la dsertification et la dgradation des terres et celuipour ladaptation au changement de climat se rejoignent et se mobilisent au niveau du terrain.Ltude relie les enjeux de lUNCCD aux thmes porteurs de la crise contemporaine laquelle laConvention apporte des lments importants de rponse.

    La Stratgie de lUNCCD se fixe les objectifs stratgiques de la rduction de la vulnrabilit2.des populations et des co systmes, lobtention de bnfices globaux et la mobilisation deressources ces fins . Elle se donne pour ce faire cinq objectifs oprationnels: promouvoir laprise de conscience collective et lducation ; aider la formulation de politiques appropries ;amliorer les connaissances, principalement en faisant progresser les connaissances scientifiqueset technologiques ; en agissant sur le dveloppement des capacits daction et de managementdes institutions et des acteurs de la socit civile ; mobiliser des ressources financires etencourager les transferts technologiques. Les recommandations de cette tude pour stimuler lesprogrs de la gouvernance locale applique au dveloppement territorial et une gestion durabledes ressources naturelles et des services environnementaux entrent toutes dans le cadre de cesobjectifs oprationnels

    Promouvoir la prise de conscience collective et lducationDeux thmes devraient tre mis en lumire par les mcanismes de communication envisags par laStratgie de lUNCCD. Le premier se rapporte la ncessit, pour lopinion publique de bien raliser ce que signi e la globalit de la crise cologique et, en mme temps, de prendre conscience desinteractions et de lindissoluble interdpendance du changement climatique, de la dgradation desterres et des eaux, de la scurit alimentaire et de la lutte contre la pauvret. La mobilisation politiquepour la rduction des GES, qui va sampli er mdiatiquement avec les prochaines confrences sur le climat, ne doit pas occulter les actions entreprendre sur le terrain. Les domaines daction de la

    Stratgie de lUNCCD doivent donc revenir au cur du dbat environnemental. Cette stratgie estindissociable des autres stratgies pour lenvironnement.

    Le second thme concerne les modalits de laction pour la lutte contre la dserti cation et ladgradation des terres. Lopinion publique doit raliser que les actions prconises ne peuvent inverser les tendances actuelles que si celles-ci sont relayes par des milliards de dcideurs, utilisateurs dessols, dont une immense majorit rside dans les pays en dveloppement. Les populations rurales deces pays ne peuvent ragir que si les progrs de leur gouvernance leurs permettent de grer de faonresponsable lusage des ressources de leurs territoires et que si elles sont soutenues par des moyenstechniques et nanciers appropris

    Les Pays Partie et les ONG sont invits une plus grande transparence et une forte communicationavec les mdias nationaux et internationaux ainsi que par les rseaux Internet pour amener lesmessages porteurs sur le terrain.

    Amliorer les connaissances scientifiques et technologiquesUn nouveau domaine de connaissance devrait faire lobjet dun dveloppement trs fort, celuiportant sur la gographie prospective des cosystmes et sur les altrations moyen et long termequi peuvent rsulter du changement climatique, avec une attention particulire sur les terres arides.Ces connaissances qui couvriraient les perspectives des territoires mutants , sont indispensablespour laborer des stratgies danticipation et dadaptation. Un rseau scienti que international,qui validerait en commun ses mthodes danalyse, serait la rponse la plus approprie. Un panelscienti que lUNCCD sur les terres et les sols devrait animer un rseau scienti que international,qui validerait en commun ses mthodes danalyse prospective du changement. Dautres travauxdevraient porter sur llaboration de nouveaux indicateurs permettant de mesurer les effets et les

    impacts des politiques intgres de gouvernance locale des territoires, et sur la restitution desmeilleurs pratiques adaptatives de dveloppement local et de dcentralisation.

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    INTRODUCTIONComme la Prface la souhait, ce document est conu comme un plaidoyer. Son objectif, en effet, est demontrer pourquoi il faut aujourdhui replacer la Convention de Lutte contre la Dserti cation au cur desstratgies engages pour affronter la crise montante de lcosystme global. Son point de dpart est un

    constat sans appel : la progression de la dserti cation et de la dgradation des terres et des eaux condui -sent inluctablement un dveloppement non durable (Chapitre I ). Replace dans ce contexte, la lutte contrela dserti cation et de la dgradation des terres et des eaux, prend une importance encore plus dcisive.Lexprience, en particulier celle de lUNCCD, montre que lon dispose doptions nombreuses pour relever des d s dsormais bien identi s. Mais les mmes expriences rappellent que la mobilisation des acteursna pas suivi et quil faut sengager avec une force nouvelle dans des approches que lUNCCD recommandedepuis lentre en vigueur de la Convention de Lutte contre la Dserti cation (Chapitre II ).

    La mise en uvre des bonnes rponses est ncessairement associe une gestion responsable des terri-toires et de leurs ressources en terres et en eaux. La promotion de nouvelles formes de gouvernance locale,interagissant avec la gestion durable et responsable des territoires, constitue, le plus probablement, la bonne

    rponse politique ce d . Le document en examine les implications en dveloppant une r exion sur leconcept de gouvernance territoriale (Chapitre III ). Les actions qui pourraient conduire une gouvernanceterritoriale ef ciente reposent sur des millions de dcisions Le combat contre la dserti cation et la dgra-dation des terres implique donc une trs grande capacit dadaptation la diversit des comportements desdcideurs, une prise en compte des incertitudes de la complexit et une ncessaire souplesse des systmesde programmation. Lidenti cation des bonnes pratiques et des mthodologies adaptes constituent la basedune stratgie de gouvernance territoriale (Chapitre IV ).

    Les approches pour une promotion de la gouvernance territoriale comme rponse oprationnelle aux d sposs par la dserti cation et la dgradation des terres et des eaux, ne peuvent, en aucune manire, tretraites sous langle dune politique sectorielle. Pour de multiples raisons, ces approches sont dpendantes

    de lvolution du contexte global dans lequel elles sinsrent. Les quilibres de notre biosphre vont en effetconnatre des changements importants, mme dans lhypothse favorable dune mobilisation mondiale pour en attnuer les risques long terme les plus prilleux. Cette menace est globale, elle est multidimensionnelleet concerne aussi bien le climat que ltat de la biosphre, la scurit alimentaire , la stabilit politique, le bientre des populations du globe. La crise globale appelle une rponse globale, engageant toutes les nations(Chapitre V ).

    Ces constats ramnent au propos de dpart : la Convention de lutte contre la Dserti cation doit, imprati-vement, tre replace au cur des stratgies pour sauvegarder notre environnement global. Ltude formulequelques recommandations pour donner tout son sens la Stratgie de lUNCCD en engageant les nations reconnatre la qualit de bien public universel des terres et des eaux et pour mettre en pratique un conceptde contrat cologique associant les gouvernements et les populations dans une gestion durable des ressour-ces biophysiques de lenvironnement (Chapitre VI ).

    Cette tude est soumise lattention des Parties aprs la publication, par lUNCCD, de deux premires tu-des, la premire portant sur les rapports entre les droits de lhomme et la dserti cation, et la seconde sur la scurisation des terres comme base dune scurisation environnementale globale. Bien quen reprenantcertaines thmatiques, elle se place dans une perspective diffrente. Elle part de lide centrale de la notionde territoire local . Toutes les manifestations de la dserti cation et de la dgradation des terres et des eauxaffectent, en effet, des espaces occups par des socits humaines. Ces socits projettent sur ces espacesleurs structures sociales, conomiques et politiques qui d nissent des territoires . La gestion des territoiresest donc une sorte dinterface entre lutilisation des ressources du territoire et les modalits politiques quiorganisent la vie des hommes dans ces territoires. La gestion des terres, des eaux et de la biomasse estainsi indissociable de la gouvernance.

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    1. DESERTIFICATION ET DEGRADATION DES TERRES,LE CHEMIN POUR UN DEVELOPPEMENT NON DURABLE 1

    La Convention de Lutte contre la Dserti cation (UNCCD) est ne dune prise de conscience de la menaceque la surexploitation des ressources en terres et en biomasse faisait peser sur les rgions arides et semiarides qui reprsentent 41,3 pour cent de la surface terrestre du globe et rassemblent 34,7 pour cent de lapopulation mondiale. A lpoque, les gouvernements avaient t marqus par la succession des scheres-ses et par les famines quelles avaient provoques dans ces rgions. Au cours des annes, depuis la miseen vigueur de la Convention, un concept intgrateur a renforc le premier, celui-ci posant la problmatiqueglobale de la dgradation des sols de la plante. Ce choix, qui ne nglige pas la primaut des zones aridesdans lorientation de la Convention, a marqu un progrs considrable. Les terres occupes par lhomme,celles qui d nissent son koumne , constituent le support de notre civilisation. Quelles soient situesdans les rgions arides ou dans dautres zones climatiques, leur dtrioration est une menace globalepour lhumanit. LUNCCD, en reconnaissant lunit de ce problme, a fait un choix de civilisation.

    La problmatique de la dgradation des sols ouvre sur une vision globale de la relation entre les cosyst-mes terrestres et les systmes dorganisation des hommes. Les sols constituent le support de la biomasse

    et ils forment donc le socle partir duquel se fait la photosynthse ainsi que le cycle du carbone et desnutriments organiques qui activent la pdognse. Par leur couvert vgtal, leur capacit de stockagede leau, leur contribution lvapotranspiration, ils rgulent les cycles hydriques. Par lintermdiaire desplantes et des arbres quils supportent, ils fournissent lhomme ses produits alimentaires, ses ressourcesligneuses et ses bres vgtales ou animales. Ils nourrissent la biodiversit. Ils contribuent la puri cationdes eaux, source de vie de lhumanit. Les sols ne doivent pas tre traits comme un objet des sciencespdologiques, agrologiques ou forestires. Ils sont beaucoup plus que cela : ils sont une interface du fonc-tionnement des cosystmes et des activits des hommes. Avec les systmes marins, ils forment la basedu fonctionnement de la biosphre. Leur dgradation est une menace centrale pour lenvironnement etpour lhumanit. Ce constat place les objectifs de lUNCCD au cur de lordre environnemental.

    Le changement climatique, dont on parle dans la dernire partie de cette tude, et qui doit aussi unegrande part la dgradation des sols et de sa biomasse, ne doit pas occulter cette fonction fondamentaledes sols dans lquilibre des cosystmes. Ces deux problmatiques sont interdpendantes et doiventtre comprises dans une mme perspective. Les d s du changement climatique ne peuvent pas tretraits, comme on la fait Kyoto, indpendamment des dynamiques du systme terre, dont les sols, onvient de le souligner, sont des composantes dterminantes. Quel serait en effet le sens dune attnuation(mitigation ) qui serait effectivement parvenue, en 2050, rduire les missions de GES de 50 pour centpar rapport aux missions de 1990, si cette relative normalisation du climat ne devait concerner, cethorizon, quune terre largement dtriore et dont les sols, les eaux et la biomasse auraient continu se dgrader et rendu prcaires ou inaptes les bases mmes de lconomie alimentaire et forestire sur lesquelles reposent les activits humaines? Les stratgies dattnuation et dadaptation doivent ncessai-rement aller de pair.

    1.1 Dserti cation, dgradation des terres et des eaux :ltat de la question

    Les tudes de lUNCCD, de lUNEP et dautres organisations (par exemple le rapport GLADA) ont accu-mul une masse norme dinformations et dvaluations sur ltat de la dgradation des terres et des eauxde la plante, sur lextension et les tendances de la dserti cation et elles commencent bien en avoir analys les causes et les dynamiques. Elles montrent que, globalement, 24 pour cent des terres du globesont dgrades et que cette dgradation affecte les niveaux de vie de quelque 1,5 milliard de personnes.Elles soulignent que 78 pour cent des terres dgrades sont situes dans les rgions humides, tropicaleset borales, 8 pour cent dans les rgions subhumides sches et 14 pour cent dans les rgions semi arideset arides. Des recherches complmentaires sont en cours pour con rmer ces donnes. Lvaluation des

    1 Les documents et tudes utilises dans les chapitres de cette tude sont indiqus dans les Rfrences documentaires. Ilsont t classs par chapitres compte tenu de leur argument principal. Certains documents, renvoient cependant la matire deplusieurs chapitres. Pour rendre le texte plus lisible, on sest abstenu, sauf exception, de faire des rfrences dans le texte.

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    ressources en eau montre que 32,6 pour cent de la population mondiale connaissent dj des limitationsmarques et que cette ressource est rare pour 8,1 autres pour cent. Les processus de dserti cation, dusprincipalement la surexploitation agricole, au surpturage, la dforestation et la variabilit climati-que, affecte directement 110 pays, situs aussi bien dans des pays en dveloppement que dans des paysdvelopps.

    Laccent mis dans cette tude sur la relation entre les terres et les hommes invite un survol de deuxmodalits critiques de cette crise de la terre, renvoyant aux tudes existantes pour les valuations et lesanalyses de la situation actuelle et ses tendances. La premire se rapporte aux formes dusage des troisgrandes composantes des terres de l koumne , les terres agricoles, les terres de parcours et les forts,ce que lon dsigne dhabituellement par leLand Use . La seconde concerne laccs des socits humai-nes ces ressources. Elle met en vidence de profondes ingalits, une rarfaction de la ressource terreet des con its de statuts fonciers qui obrent autant lquit que les initiatives de progrs.

    1.2 Lusage des terres : des modes dexploitation gnralement peufavorables la durabilit

    Les terres agricolesLes terres agricoles reprsentent un dixime de la surface terrestre de la plante. Dans les pays en dve-loppement, elles font vivre directement une population rurale de plus de trois milliards de personnes. Lapression dmographique de ces dernires dcennies sest, dans ces pays, traduite dune faon gnralepar la surexploitation des sols et des eaux, par la fragmentation des exploitations et par lexpansion hori-zontale de lagriculture par dfrichement des pentes montagneuses, des forts et mme de parcours, din-trt marginal pour lagriculture. Lagriculture est en gnral reste peu ou trs moyennement productive.Lagriculture itinrante sur brlis, encore largement pratique, labandon des jachres, linsuf sance desrotations et des intrants de fertilisation, la mise en culture de terres marginales, la non reconversion versdes systmes dagriculture et de pastoralisme durable, ont contribu accentuer la dgradation de sesressources base. Les sols sont, de plus, affects par lrosion hydrique et olienne, par la salinisation etpar les d cits hydriques. Dans les pays industrialiss, les sols se dgradent galement, du fait de lexcsdes intrants chimiques, qui leur font perdre leur rsilience naturelle, et de la pollution des eaux, autant

    agricoles quindustrielles. De plus, lextension de lurbanisation rduit considrablement le super cie agri-cole.

    Des super cies considrables de terres agricoles connaissent une baisse de la fertilit du fait de leur dgradation. La perte de potentiel productif, due lrosion est quivalente 20 millions de tonnes de c-rales par an. A lchelle mondiale, lexploitation des sols agricoles excde de plus en plus la capacit deregnration naturelle des cosystmes, ce qui menace la productivit agricole long terme. En Afrique,la dgradation conduit des irrversibilits, par exemple lorsque les sols se transforment en latrites ouen bowal . Lusage des intrants chimiques et les progrs de la gntique ont permis une augmentation desrendements des crales de 2,1 pour cent par an entre 1950 et 1990. Depuis cette dernire date cepen-dant la progression nest plus que de 1,2 pour cent par an. Cette volution pourrait montrer la fois, unechute de la fertilit des sols, une limite dans la rponse aux engrais et une rarfaction des eaux dirrigation.

    Ce constat, sajoutant linsuf sance des investissements, pose une svre interrogation sur les optionsqui permettront la ncessaire augmentation de la productivit de lagriculture au cours des prochainesdcennies.

    Les scnarios pour lagriculture mondiale, rcemment publis par lINRA et le CIRAD, France, ( Agrimon-de ), prennent en compte la possibilit dexpansion de la frontire agricole, grce aux rserves en terresde certains grands pays (essentiellement en Amrique latine et en Afrique subsaharienne). Ils prennentgalement en compte des progrs dterminants en termes de conservation des eaux et des sols et deperformance nergtique de lagriculture. Le scnario favorable prend lhypothse dune progression dela surface cultive mondiale de 39pour cent entre 2000 et 2050 (soit 12 millions dhectares nouveaux par an). Dans le scnario tendanciel, la progression ne serait que de 19 pour cent un rythme moyen de (7,5millions dhectares par an). Cette expansion horizontale constitue une composante essentielle du scnarioqui permettrait la satisfaction des besoins alimentaires en 2050. Ce scnario na cependant de sens que siles sols actuels peuvent maintenir leur capacit productive et leur rsilience. Les tendances actuelles de ladgradation des sols cultivables et des parcours naturels interpellent les fondements mmes du scnario.

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    Les terres de parcoursLes terres de parcours reprsentent les deux cinquimes de la surface terrestre du globe. Elles sont prin-cipalement situes dans les terres arides et semi arides. Elles apportent une alimentation la plus grandepartie des quelque 3300 millions de ruminants que compte le monde. On estime quenviron 200 millions depersonnes vivent de lexploitation pastorale de ces ressources et quune part importante des agriculteursdes pays en dveloppement les exploitent extensivement, en complment de leur agriculture. Les donnes

    disponibles semblent montrer que la moiti des parcours naturels est surpture, ce surpturage devenantlune des principales causes de la dserti cation.

    Llevage pastoral des bovins et petits ruminants fournit la plus grande partie des protines animales et dulait consomms par la population mondiale. La production intensive des pays industrialiss ne reprsentequune fraction de cette consommation et celle-ci semble survalue dans la perception collective de cespays du fait du rle de cette production dans leur consommation de protines animales. Certains des grandspays producteurs (Etats Unis, Australie, Nouvelle Zlande, Argentine) dpendent eux-mmes de vastessuper cies de parcours naturels. Ces parcours ne sont dailleurs pas forcment mieux grs que ceux despays en dveloppement. La concurrence sur les marchs, et la surexploitation qui en rsulte, joue, pour ladgradation des parcours, le rle de la pression des hommes et du cheptel dans les pays non industriali-ss.

    La pression sur les parcours tend saccentuer avec la croissance de la demande de viande rouge, en parti-culier dans les pays mergents (Chine, dont le nord est pastoral est considrablement dgrad, pays du sudde la Mditerrane, etc.). La productivit tend ainsi voluer inversement de la demande.

    Les fortsAu dbut du XX sicle, les forts couvraient quelque 5000 millions dhectares. Elles ne couvrent aujourdhuique 3500 millions dhectares. Depuis la mme poque, la moiti des zones humides (wetlands ) et 30 pour centdes mangroves ont t perdus. La disparition du couvert forestier a surtout concern les pays en dveloppe-ment. La FAO estime que, depuis 1990, les pays en dveloppement ont perdu quelque 13 millions dhectarespar an et que 29 pays ont perdu 90 pour cent de leurs forts. Dans les pays industrialiss, en revanche, lesforts ont progress denviron 5,6 millions dhectares par an, du fait des plantations commerciales et de lareforestation naturelle des terres de culture et de parcours abandonnes, principalement dans les zones demontagne. La perte nette, lchelle mondiale, dpasse 7 millions dhectares par an.

    Dans les pays en dveloppement, les formations forestires jouent un rle trs important. Les populations yprlvent une part essentielle de leur besoins en bois de feu et de bois duvre, elles en exploitent les res-sources cyngtiques et de collecte alimentaire, elles utilisent les forts claires et les brousses, soumises aubrlis, pour la pture de leur cheptel. Les prlvements de bois de feu, autant pour les besoins des campagnesque pour ceux des villes ont un impact fort sur la dgradation des forts. Mais les forts constituent surtout lafrontire agricole de ces populations. Cest en effet en dfrichant les formations arbustives et les broussesquelles rpondent la pression sur la terre en crant de nouvelles parcelles agricoles et en substituant desparcours herbacs appauvris aux brousses.

    Mais une responsabilit considrable incombe aussi aux entreprises commerciales qui exploitent les ressour-

    ces forestires. Dans tous les pays disposant de forts primaires, lexploitation industrielle du bois duvre sepoursuit sans discontinuer depuis un sicle. Ces forts sont exploites sans proccupation de rgnrationou de replantation et, aprs exploitation. Les formations dgrades sont, le plus souvent, colonises pour lagriculture par les populations locales. Ces dernires dcennies, sy sont ajoutes les grandes entreprisesdlevage, particulirement en Amrique Latine, qui dfrichent la fort primaire pour la convertir en pturages.Les programmes de dveloppement nont pas t en reste, par exemple lorsquils ont favoris la colonisationdes rgions forestires de Kalimantan et de Sumatra pour y installer des populations en surnombre dans llede Java.

    La plupart des sols tropicaux ont peu de matire organique et de capacit de stockage des nutriments naturels.La reconversion des espaces arbors en cultures et en parcours herbacs saccompagne au dpart de bonsrendements mais ceux-ci dcroissent trs vite, entranant labandon de ces terres et poussant de nouveauxdfrichements. Les programmes pour inciter les entreprises forestires replanter et pour dlimiter des airesde forts protges ont encore peu dimportance lchelle mondiale. Les forts primaires ne stendentaujourdhui que sur 665 millions dhectares.

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    1.3 Laccs la ressource terre, des ingalits,une pression humaine de plus en plus forte et de nouvelles menaces

    La prdominance des minifundia la pression sur les terres et linadaptation des rgimesfonciers

    Du fait de la croissance de la population, la terre paysanne est devenue une ressource rare. Limmensemajorit des agriculteurs ne vit que sur de trs petites exploitations. Cest une agriculture de minifundia ,associe une grande pauvret rurale. Cette fragmentation de la plus grande partie des systmes dex-ploitation agricole dans les pays en dveloppement rend de plus en plus dif cile la survie des populationsrurales partir de leurs revenus agricoles. Ladaptation se fait par, le dfrichement de terres marginales, par les migrations temporaires de la force de travail, par lappauvrissement, par la dnutrition, par lusure et par lexode rural d nitif. La vulnrabilit de ces populations est considrable, comme le montrent, par exemple,les effets sur la pauvret rurale de la crise alimentaire de 2008.

    Les projections dmographiques pour 2030 indiquent que la pression sur la terre pourrait demeurer trsforte. Bien que diminuant en part relative de la population mondiale, la population rurale pourrait rester lamme en termes absolus et mme augmenter. La Banque Mondiale fait lhypothse dune diminution gra-duelle de la force de travail agricole, se rfrant ainsi aux volutions historiques dans les pays plus avancs,dans le contexte de la libralisation et des effets concurrentiels de lconomie de march. Cette hypothseest discute car, dans de nombreux pays en dveloppement car les autres secteurs de lconomie ne peu-vent crer suf samment demplois. Les politiques des pays en dveloppement salarment des risques dunedisparition de la petite agriculture familiale dont le rle, dans la stabilisation sociale, est essentiel. Ces politi-ques considrent, de plus en plus, que lvolution historique des pays industrialiss nest pas le seul modlepossible, en particulier en raison des risques sociaux dune acclration de lexode rural. Elles prennent enconsidration la ncessit de stratgies de longue dure pour dvelopper la petite agriculture familiale. Cesstratgies, cependant, sont confrontes la contraction de la ressource terre du fait de la dgradation dessols et de la dserti cation.

    La gestion des terres est rendue plus complexe par la prcarit des rgimes fonciers et par la superpositiondes systmes juridiques. La proprit prive est largement rpandue dans lagriculture familiale mais elle

    ne dispose, en gnral, daucune protection juridique, ce qui limite laccs au crdit et linvestissement.Ces terres sont en gnral rgies par des systmes coutumiers dont les principes sont diffrents de ceuxdu droit moderne et sont souvent gnrateurs de con its avec lEtat. Les terres de parcours et forestiressont communment considres comme bien dusage collectif par les populations rurales qui y ont tradition-nellement exerc des droits territoriaux reconnus par les limites avec les communauts voisines. Ces droitsreconnaissent en gnral le droit du premier occupant en tant que dfricheur. Dans la plupart des pays endveloppement, les Etats ont af rm des droits sur les forts et les parcours, ce qui met le droit moderneen con it permanent avec le droit coutumier. Les consquences en sont particulirement graves pour lesparcours qui taient autrefois soumis des rglementations daccs garanties par les droits territoriaux cou-tumiers, et qui sont, aujourdhui ouverts tous les usagers. Ce libre accs aux ressources pastorales (et,en dpit des lois forestires, aux forts) enlve aux usagers tout sens de responsabilit et, l ou existait descontrles collectifs, il prcipite une gnralisation des stratgies minires individuelles.

    Loccupation des terres par les grandes entreprises agricolesLa prdominance, en nombre, de la petite agriculture dans les pays en dveloppement contraste avec laplace occupe par les grandes exploitations modernes, souvent gres par des rmes nationales ou multi -nationales qui se sont appropries de vastes portions de lespace agricole des pays en dveloppement. Ellesy dtiennent, depuis longtemps, des plantations de produits dexportation et des concessions dexploitationforestire. Leur importance sest accrue, ces dernires dcennies, par la cration de grandes exploitationsde production de soja ou de manioc, destine aux pays dvelopps, ou dentreprises dlevage semi exten-sif, souvent conquises sur les surfaces forestires. La coexistence dexploitations traditionnelles et de trsgrandes exploitations capitalistiques cre, dans de nombreux pays, des situations de dualisme qui accen-tuent la marginalisation des populations pauvres. Dans beaucoup de pays, la concentration de la terre estforte, une minorit dexploitants agricoles disposant dune part importante des super cies agricoles. Cesingalits constituent autant de d s pour amener des oprateurs aussi disparates entrer dans de mmesplans territoriaux de gestion des sols et des eaux et promouvoir une agriculture durable.

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    Les nouvelles menaces sur les modes dutilisation des terresLinsertion de la grande agriculture dans lespace agricole des pays en dveloppement a pris, ces derniresannes, une dynamique nouvelle avec la production de agro carburants et avec un accaparement de terrespar des Etats trangers ou par des multinationales, dsireux dinvestir dans la production alimentaire. Cesdeux facteurs auront des incidences de plus en plus marques sur le mode dutilisation des terres, sur lagri-culture autochtone et sur lexploitation des rserves de terre.

    Le dveloppement des agro carburants , dont de nombreux pays projettent lexpansion trs grandechelle, va avoir des effets de plus en plus signi catifs sur les modes actuels dutilisation des terres. Lesagro carburants, du type thanol ( base de crales, de canne sucre), ont dj modi la gographieagricole de plusieurs pays industrialiss ou mergents. Encourags par des subventions, ils se substituenten Europe, au Canada et aux Etats Unis aux produits alimentaires et ce dveloppement risque de rduire defaon signi cative loffre mondiale de crales. Aux Etats Unis, 14 pour cent de la production de mas ont,en 2006, t utiliss pour lthanol, les producteurs abandonnant de plus en plus le soja pour se tourner verscette production. La production de soja a augment plusieurs fois en Argentine, au Brsil, au Paraguay nonseulement dans les zones humides mais aussi dans les zones arides comme dans le au nord est du Brsil.Les effets de cette substitution sont dj perceptibles sur le prix des crales qui deviennent de plus en pluscoteuses pour les pays pauvres importateurs. Les avantages conomiques en sont trs discutables. Unetude de lOCDE montre quil faudrait que les pays industrialiss consacrent aux agro carburants entre 30et 70 pour cent de leurs super cies agricoles pour ne satisfaire que 10 pour cent du carburant utilis dansles transports. Lef cience conomique, si les subventions taient supprimes, est plus que douteuse. Il enest de mme de leur ef cience environnementale, avec un rapport nergtique input output peu diffrent delunit. La canne sucre a, au Brsil, un bien meilleur rendement nergtique mais la course la productionprovoque de plus en plus dextensions au dtriment des espaces naturels.

    La production des biodiesels, qui utilisent des produits olicoles, est devenue la base dun nouveau secteur agricole dans de nombreux pays en dveloppement. Cette expansion se fait aussi largement aux dpensdes forts et des brousses. Prsente, pendant un temps, comme une rponse pouvant pro ter la petiteagriculture, cette production est en fait monopolise par des grandes entreprises, le plus souvent formespar des consortiums entre les Etats et des multinationales de lagrobusiness . Les Etats, excipant de leursdroits sur les terres nationales, procdent souvent ces extensions sans tenir compte des droits coutumiersdes populations locales. Les plantations de palmier huile ou de jatropha pour le biodisel, occupent dessurfaces dj trs importantes en Afrique, en Inde, en Thalande, en Indonsie ou en Malaisie. La FAO,projetant les tendances, suggre que la super cie des terres agricoles cultives en agro carburants, actuel -lement de 1 pour cent du total mondial, pourrait passer 3 pour cent en 2030 et 20 pour cent en 2050. Onne peut donc pas ngliger cet aspect du problme lorsque lon considre les stratgies de restauration dupatrimoine mondial des terres arables.

    Laccaparement de terres agricoles dans les pays en dveloppement au pro t dintrts trangers (lelandgrab ) est devenu, ces dernires annes, la base dune nouvelle politique dutilisation et de mobilisa-tion des terres. Des Etats ou des rmes dagrobusiness , ne disposant pas assez de terres agricoles maisde moyens nanciers importants, se tournent vers des pays, souvent pauvres, pour y acheter ou louer trs long terme des terres agricoles. Ils se proposent dexploiter ces terres, sous leur contrle direct, pour

    rpondre des besoins alimentaires dans leurs propres pays ou pour investir de faon pro table. La Chineest ainsi en pourparlers pour louer des terres en Australie, au Brsil, au Myanmar, en Russie et en Ougandaet dans dautres pays. LArabie Saoudite se tourne vers lEgypte, le Pakistan, lAfrique du Sud, le Soudan,la Turquie et lUkraine. La Libye troque des fournitures de ptrole contre des terres en Ukraine. La Coredu Sud ngocie des locations de terres en Russie et au Soudan. Ce pays tait mme parvenu, avant lechangement de gouvernement, se faire concder 1 million dhectares Madagascar. De grandes socitsindiennes ngocient des terres en Uruguay et au Paraguay. Ces investissements extrieurs dans lagricul-ture, viennent sajouter aux patrimoines agricoles que des pays europens dtiennent encore dans certainesde leurs anciennes colonies et aux investissements, surtout nord amricains, dans des terres agricoles enArgentine et dans plusieurs pays dAmrique Latine.

    Une tude de la FAO, du FIDA et de lIEED, parue en mai 2009, tmoigne des proccupations des orga-nisations internationales sur les effets possibles de ces soustractions de terres, en forte croissance, sur lasituation des populations locales et sur la scurit alimentaire nationale. Ltude se demande si ces dvo-lutions de terres agricoles sont une opportunit de dveloppement. Elles montrent en effet, par des exem-

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    ples africains, que les cessions de terres sont en principe accompagnes de contreparties conomiquesfortes (par exemple des investissements chinois dans les infrastructures). Mais ltude fait aussi valoir quela plupart des ngociations se font sans transparence et sans information des populations concernes par les cessions. Ce sont des gouvernements qui ngocient avec les investisseurs. Ce sont eux qui excipentdes droits nationaux sur les terres pour ignorer les droits coutumiers existants. Il est dif cile de peser tousles arguments, dont certains pourraient suggrer une nouvelle forme de colonisation terrienne par des pays

    tiers. En rapport avec le propos de notre tude, on peut se demander si la constitution denclaves trangres,ayant pour objectif de tirer le plus grand bn ce des terres, ne constituera pas un obstacle des program-mes territoriaux de gestion durable des sols et des eaux.

    1.4 Une volution insoutenable

    La dgradation des terres et des eaux menace la survie long terme de nos socits. Dtruisant la rsi-lience des sols, elle compromet le rendement des services non marchands que le milieu naturel fournit labiosphre, stockage du carbone, cycle de la photosynthse, pdognse, rgulation et puri cation des eaux.Cette dgradation menace galement le maintien de la capacit productive des terres agricoles et pasto-rales, comme en tmoignent les baisses de rendement et les pertes d nitives de quantits croissantes desols. Elle interpelle dramatiquement la scurit alimentaire des populations concernes et, long terme,

    celle des gnrations futures. La dforestation, outre ses effets sur la biodiversit, prive la terre de lun deses poumons naturels. Ces processus ont des consquences directes et videntes sur la migration forceet elles peuvent aggraver les pressions sociales sur les terres dgrades, de mme que sur les rgions ac-cueillant les migrants, zones urbaines, frontires agricoles des autres pays, etc.

    La priorit accorde la rduction des missions de carbone, dont plus personne ne nie la ncessit, tendmalheureusement occulter la gravit long terme de la dgradation des terres et des eaux. Celle-ci faitpourtant lobjet de programmes multiples de restauration. Mais elle nest pas perue comme une menaceaussi grave que celle du changement climatique. Celui-ci se mesure avec des indicateurs qui permettentdvaluer de mieux en mieux les temporalits des risques ainsi que limpact des mesures possibles pour enattnuer les effets, dautant plus que la mise en march du carbone en fait davantage apparatre la visibi-lit. Les sols, eux, semblent se dgrader lentement, leur dtrioration nest pas perue comme on peroitdsormais une augmentation moyenne de la temprature. Les populations les plus affectes sont dans desrgions pauvres. Les pays riches sont loin de leurs souffrances. Les famines, les con its provoqus par lacomptition sur des ressources de plus en plus rares, ne frappent lopinion que par brves priodes. Noussommes pourtant entrs dans une volution insoutenable car cest la base mme de notre civilisation qui sedtruit progressivement. La bonne nouvelle, cependant, est de constater la prise de conscience croissantedes risques et des dif cults qui menacent les nombreuses populations nombreuses et vulnrables.

    La gravit de la dgradation des terres et des eaux appelle une gestion rationnelle de lespace rural, enpriorit, lchelle des terroirs des communauts dusagers. Elle appelle donc des approches novatrices degestion des ressources en terre et de gouvernance territoriale qui prennent en compte cette incontournablencessit.

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    2. POUR UNE GESTION DURABLE DES TERRESET DES EAUX : DEFIS ET OPTIONS NOVATRICES

    LES FONDEMENTS CONCEPTUELS DU COMBAT CONTRE LA DESER-

    TIFICATION ET LA DEGRADATION DES TERRES ET DES EAUX

    2.1. Les d s du combat contre la dserti cation et la dgradation

    Le document introductif du Forum international UNCCD/FIDA sur le dveloppement local, tenu Rome en 1996,stait propos, en se fondant sur les principes de la Convention et les leons des expriences, de mettre en vi-dence quelques fondements conceptuels du combat contre la dserti cation et la dgradation des terres et deseaux. Cette analyse partait des d s de ce combat et de leurs implications pour des programmes daction. Onrappelait ainsi que le combat contre la dserti cation et la dgradation se situe dans un espace occup par dessocits humaines, quil sinscrit dans des dlais de plus en plus contraignant et quil doit tenir compte du nombredes hommes. Evoquant les implications de ce combat, on mettait en avant la ncessit dune vision du futur etdune approche globale et intgre. On soulignait que ce combat avait, la fois, une forte dimension scienti queet technique, une dimension collective mais aussi des dimensions conomique et politiques. Ce combat impliqueque lon prenne en compte toute la complexit des actions entreprendre mais en mettant en avant la vertu dela simplicit.

    Le combat contre la dserti cation et la dgradation des terres se pose en termes dimmensit, celles des super -cies concernes, et en termes de temps. Elles font de ce combat un d lanc lespace et au temps . A cela

    sajoute le nombre , celui des hommes, celui des animaux quils lvent, et dont le poids dans ce combat estune drive de ses rapports avec lespace - la pression, mal gre, du nombre sur les ressources - et avec letemps - la croissance dmographique.

    Le combat contre la dserti cation se situe dans un espace occup par des socits humainesLa lutte contre la dserti cation prend place dans des units spatiales qui dpassent lchelle de lindividu, de

    lexploitation familiale. Les quilibres et dsquilibres des cosystmes font intervenir des interactions qui se pro-duisent des chelles trs vastes et ce nest qu ces chelles que lon peut mesurer les rsultats dun combatcontre la dserti cation. Mais par une sorte de paradoxe, cet espace cologique nest pas peru comme unensemble par les populations locales, par les usagers de ses ressources.

    Les hommes, en effet, ne sont concerns par ces phnomnes que dans les limites de lespace quils habitent eto ils ont leurs terres de culture ou de parcours. Cest lchelle des communauts ou des units de voisinagequils constituent, que sorganisent habituellement les systmes de production, que lon peut identi er des intrtscommuns pour sauvegarder lenvironnement. Ces espaces humains, qui dcoupent les grandes zones gogra-phiques, constituent lune des principales portes dentre dans les cosystmes. Ils correspondent aux terroirsdes communauts rurales, aux villages, aux aires pastorales des pays dlevage, aux petites rgions. Ilsconstituent des units dorganisation primaires de lactivit agricole et pastorale, de rpartition des droits fonciers

    et des divers droits dusage sur les ressources. Ces units socio-gographiques, que lon retrouve, sous uneforme ou une autre, presque partout, constituent une sorte dinterface entre les socits rurales et leur milieunaturel.

    Lespace concern par la lutte contre la dserti cation doit ainsi tre considr comme un ensemble despacessociaux primaires partir desquels on peut identi er des interlocuteurs susceptibles dagir sur lcosystme. Led lanc lespace est ainsi celui dune action ayant pour ultime nalit des immensits cologiques, maisaussi celui dune action qui ne peut tre entreprise qu partir dun nombre considrable despaces locaux, et nerussir qu partir des millions de dcisions qui devront tre prises par les usagers de ces espaces locaux.

    Le combat contre la dserti cation sinscrit dans des dlais de plus en plus contraignantsLa dimension du temps est elle mme double. Elle a, tout dabord, un sens par rapport la vitesse de dgrada-tion des ressources, par rapport aux phnomnes dirrversibilit qui rsulteront inluctablement des diffrentespressions qui sexercent sur ces ressources: partir de quand, en effet, commence-t-il tre trop tard ? Ladimension du temps est aussi celle qui mesure la dure biologique des processus de restauration des ressources

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    naturelles: ne faut-il pas, par exemple, quelques vingt ans - ou tout au moins une trs longue dure - pour rev-gtaliser durablement un espace dgrad ?

    Le combat engag pour protger ou sauver lenvironnement, renverser les processus de dserti cation estdonc aussi une course contre le temps. Pour enrayer la dynamique de destruction des ressources naturelles,pour tenter de restaurer des quilibres cologiques viables dans les pays pauvres, on ne dispose le plus

    souvent que de deux ou trois dcennies, la plupart des indicateurs semblant bien montrer que la poursuitedes tendances actuelles conduira, dans ces dlais, des irrversibilits ou des dgradations catastrophi-ques. Cest pendant ce temps, pourtant, quil faudra agir avec la plus grande intensit, quil faudra aider lespopulations raliser leurs programmes daction, quil faudra former les hommes et leur rapprendre segouverner. Le d lanc au temps, cest ainsi celui des dlais dans lesquels il faudra agir, cest aussi celui dela dure incompressible du temps biologique, du temps ncessaires une restauration du milieu,Les programmes daction devront tenir compte de ces dures: ils ne devront plus se mesurer en termes dedure habituelle des projets de dveloppement: il leur faudra ncessairement la dimension de la longuedure. Les dcideurs eux-mmes devront accepter que le temps de lenvironnement simpose un tempsqui dpasse considrablement le temps du politique - celui dun mandat lectoral - ou le temps dun entre-preneur - celui de lamortissement dun investissement.

    Le combat contre la dserti cation doit tenir compte du nombre des hommesLe d du nombre est celui de leffectif des hommes dans les pays touchs par la dserti cation. Les donnesde ce problme sont bien connues. Ainsi, en Afrique, si les pratiques de contraception taient adoptes par 25 30 pour cent des femmes dici une vingtaine dannes - contre seulement quelques pour cent, actuellement, dansles pays pauvres - la fertilit pourrait tre rduite de moiti vers 2030. Le taux de croissance actuel pourrait alorspasser de quelque 3 % au dbut des annes 1990 environ 2 %. Pendant ces quarante annes, la populationde lAfrique sub-saharienne sera passe de 450 millions en 1990 prs de 1500 millions en 2020: elle aura donctripl; Il est bien clair que la pression exerce par une telle augmentation de population sera rapidement insup-portable. Ce problme ne peut tre affront que si, toutes les actions qui devront tre entreprises pour tenter desauver lenvironnement, sajoutent des politiques de dveloppement dlibrment tournes vers la cration dem-plois en dehors de lagriculture, notamment au moyen dune autre approche des problmes de lurbanisation.

    Ces projections dmographiques ainsi que celle des revenus des populations font douter, lhorizon de deux outrois dcennies, des possibilits dune restauration des quilibres cologiques et de la mise en place de systmesde production durables, mme si cela est techniquement possible. Tous les scnarios tendanciels montrent queles systmes actuels, sans une profonde volution, ne peuvent quimploser, ou bien quils ne peuvent sajuster que par des moyens destructifs, sans grand rapport avec la recherche dune meilleure rsilience des cosyst-mes, ou par une acclration des mouvements migratoires.

    La vision long terme de ce que pourraient tre des quilibres durables ne peut occulter de telles ralits. Ellene peut viter de mettre en rapport les besoins des hommes et les possibilits de dveloppement des milieuxnaturels menacs de dserti cation. Quelle est, par exemple, la capacit conomique dun terroir villageois,compte tenu des niveaux de production actuels ? En dautres termes, combien de familles peuvent y vivre enassurant leur subsistance alimentaire et en dgageant un petit surplus commercial ? Mais quelle serait aussi lacapacit de ce terroir si, en une ou deux dcennies, sa population se multipliait par 1,5 ou par 2 ? Quel serait,

    cet gard, le rle de lexpansion horizontale, lapport des technologies amliores ? De telles questions posent leproblme des limites de la terre - ce que lon dsigne aussi par la notion de frontire des limites de production( production possibility frontier ). Une prise de conscience de lexistence de ces limites est essentielle - mme silnest quen partie possible de les mesurer scienti quement. Les populations doivent savoir que, dans une majoritde cas, tous les efforts quelles feront pour restaurer lenvironnement ne permettront qu une partie dentre ellesde survivre de faon dcente - et quil ny aura probablement pas de place pour les autres.

    Une telle vrit est dif cile dire mais - sauf fausser tous les processus dune participation rellement ouverte-elle ne peut tre masque. Lune des rponses ce dilemme est trs certainement de chercher intensi er laproduction, partout o cela est possible - et donc, dessayer de reculer la frontire de production, en faisantvivre plus de monde sur des super cies moins importantes. Il sera aussi peut tre possible de dplacer certainespopulations vers dautres zones agricoles - supposer quil soit possible de rgler les problmes politiques posspar ces transferts. Dans dautres cas, peut tre pourra-t-on, comme dj en certaines rgions de Chine, roccu-per des terres dserti es aprs quarante annes de labeur. Mais, mme ainsi, le problme demeurera: dessolutions alternatives ne pourront alors tre trouves quen dehors de lagriculture.

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    Aucun scnario, nest en effet envisageable sans des changements dune ampleur considrable des rap-ports entre population rurale et population urbaine, sans aussi des transferts de population entre les paysdune ampleur sans prcdent. Le d cologique pos par la lutte contre la dserti cation apparat ainsidans sa dimension la plus complexe: sil est principalement, un combat pour changer les modes de gestionde la nature, il est aussi, un combat gnral pour le dveloppement, pour une matrise des ux migratoires,pour de nouvelles politiques de lurbanisation - favorisant notamment lessor des bourgs ruraux et des villes

    intermdiaires -, pour une diversi cation des activits conomiques, pour la cration demplois et de reve-nus, en aval et en dehors de lagriculture. Il ny a pas dautre moyen de rduire la pression de la pauvretsur les ressources naturelles.

    2.2 Les implications du combat contre la dserti cation

    Une ncessaire vision du futur Une vision du futur et une d nition crdible des objectifs et rsultats long terme de la lutte contre ladserti cation constituent une condition essentielle pour que les populations, les usagers, les divers respon-sables adhrent une gestion participative des ressources naturelles. Les cologistes sont gnralementdaccord pour reconnatre que la dserti cation, si elle est combattue temps, nest pas ncessairementirrversible. Dans de nombreux cas, de nouveaux quilibres co-systmiques - dune ef cacit comparable ceux qui existaient avant que ne sacclrent les processus de dgradation - pourraient tre envisags.Mais tous sont galement daccord pour af rmer que, sauf exception, de telles restaurations ne sont possi-bles que si elles sont poursuivies sur une trs longue dure. Dans les pays du Sahel, par exemple, certainesapproches techniques - restauration de la fertilit partir dune revgtalisation du milieu, dveloppementdune agriculture sous parc, cration dun bocage sahlien, de haies vives et de brises vent, utilisationdu phosphate naturel, contrle des feux de brousse, matrise des eaux, gestion rationnelle des parcours -permettraient probablement des taux dexploitation, agricole et pastorale, comparables ceux daujourdhuimais sans agressivit - ou avec beaucoup moins dagressivit - pour lenvironnement. Mais de telles am-liorations ne pourraient pleinement restituer leurs effets sur les cosystmes quau bout, peut tre, de vingt,trente annes, bien que des rsultats tangibles puissent souvent tre obtenus au bout de cinq dix ans.Pendant toute cette dure, les usagers devront accepter, de faon continue, des disciplines dexploitationcontraignantes, avec, le plus souvent, des manques gagner et peu de rsultats visibles court et moyen

    terme.De telles contraintes ne peuvent tre acceptes que si les populations en comprennent lenjeu mais, surtout,si elles peuvent se reprsenter concrtement ce que pourrait tre le point darrive. Les mthodes actuel-les de sensibilisation sont, cet gard, trop restrictives tandis que des actions entreprises sont souventtrop fragmentaires: elles ne permettent que dif cilement la comprhension des rsultats densemble. Par contraste, les approches holistiques de la gestion des ressources naturelles insistent sur limportance dunevision, la plus concrte possible, des objectifs atteindre, - ce que lon dsigne souvent par le conceptde landscape goal , lobjectif de paysage. En faisant appel ce concept, les populations sont invites se demander quoi pourrait ressembler leur environnement, immdiat et plus large, pour que, dans unevingtaine dannes ou mme plus, lcosystme ait retrouv une rsilience et une productivit satisfaisantes.Les techniciens hsitent beaucoup se prononcer sur de telles projections et ils avancent avec raison les

    multiples incertitudes qui grvent leur jugement. Mais lapproche cologique, la lutte contre la dserti cation,ne peuvent tre seulement techniques: pour quelles puissent en mobiliser les acteurs et leur donner desraisons suf santes dagir au pro t de leur descendance, elles doivent aussi se fonder sur la vision quilspeuvent avoir dun environnement possible dans le futur et sur celle des conditions de vie auxquelles eux,ou leurs enfants, pourront raisonnablement aspirer. Lun des rles essentiels des programmes daction pro-poss par les Plans daction nationaux de lUNCCD, devrait tre daider les populations projeter une tellevision et associer ainsi la gnration daujourdhui celle de demain.

    La ncessit dune approche globale et intgreLe combat contre la dserti cation est ncessairement un processus multidimensionnel: il ne peut se limiter ses aspects techniques, il doit prendre en compte les autres aspects du problme. Il est donc aussi un combatglobal et total. Le lien qui a t tabli, par de multiples tudes et confrences, entre la pauvret et les proces-sus de dserti cation et de dgradation de lenvironnement semble, cet gard, avoir t dterminant: un trslarge consensus existe pour reconnatre la ncessit dune approche globale et intgre. La Convention ellemme fait de cette approche un lment cardinal des politiques et programmes daction quelle prconise.

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    Les approches intgres font partie depuis plusieurs dcennies des mthodologies du dveloppement et siaujourdhui on invoque nouveau ce paradigme, cest pour y mettre un contenu nouveau. Lintgration, eneffet, ne doit pas se limiter, comme dans le pass, des recherches de complmentarits conomiques,techniques ou sectorielles - approches qui, rappelons-le, eurent gnralement des rsultats dcevants. Elledoit avoir une porte plus large, elle doit faire une place nouvelle aux acteurs - autrefois simples cibles desprojets intgrs -, elle doit prendre en compte les interactions des cosystmes, elle doit re ter les diverses

    synergies produites par des systmes sociaux en mouvement, etc. Pour y parvenir, dautres attitudes sontncessaires, dautres rfrences conceptuelles doivent tre invoques: les approches, intgres et globalesne peuvent en effet atteindre leurs objectifs que si elles sont la fois systmiques, dynamiques et inclusives.Des progrs substantiels ont t faits dans ce sens depuis une dizaine dannes. Mais ils nont pas encorevraiment dbouch sur une volont politique dcisive et sur un engagement collectif des socits.Une forte dimension scienti que et technique.

    Si les causes de la dserti cation ont une indniable dimension sociale, on ne peut pour autant nier lim-portance de ses causes biophysiques ni celle des solutions techniques qui pourraient aider agir sur cescauses. La dimension scienti que et technique du problme apparat, dans ce contexte, dune extrmeimportance. Sur le plan scienti que, il faut, tout dabord, comprendre beaucoup mieux les enchanementsqui conduisent aux processus de dserti cation et de dgradation des ressources. Il faut aussi pouvoir enmesurer la dynamique, la vitesse et limportance. De l, la place qui doit tre reconnue aux systmes dob-servation, ltablissement dindicateurs de suivi, aux valuations des effets des mesures prises pour lutter contre les processus de dgradation physico-chimique des sols, etc. Les questions relatives aux techniquesreconnues pour prvenir ou traiter les effets de la dserti cation sont galement importantes. A cet gard,lUNCCD apporte une contribution dune importance considrable en capitalisant les connaissances sur lepatrimoine des expriences scienti ques et techniques.

    Pour importante que soit cette dimension scienti que et technique, on doit cependant se garder dune attitudeexcessive dans ce domaine. Pendant longtemps, en effet, les problmes de la dserti cation et de la dgra -dation ont t traits, avant tout, comme des problmes techniques relevant principalement de programmesexcuts ou superviss par des administrations techniques. Les exemples abondent, malheureusement, deprogrammes techniquement russis mais dont les effets disparurent avec une rapidit surprenante, fautedavoir t accepts par les populations et faute de les avoir convaincues de lintrt quelles avaient pren-dre soin des investissements raliss. De nouvelles attitudes doivent tre prises en considration pour viter de rpter de semblables erreurs.

    Lexprience dmontre que les populations nont en gnral aucune prvention apriori contre les techniquesinnovatrices. Mais elle montre aussi quelles ne les acceptent que lorsquil est tabli que ces techniques sontmeilleures que/ou sont compatibles avec les technologies quelles utilisent et dont, depuis toujours, ellesconnaissent les effets. Replace dans cette perspective, la dimension scienti que et technique semble treconfronte la ncessit de sortir du domaine exclusif de la connaissance positive moderne pour faireune place au moins aussi importante la science et lexprience locales. En aucun cas le problme nepeut tre ramen une simple question de transfert technologique: sa vritable dimension est, dabord,celle dune comprhension des connaissances acquises des populations cibles et dun ajustement enconsquence des recommandations techniques. De nombreux tmoignages montrent des efforts et des

    rsultats dans ce sens. Mais dun autre cot, on constate souvent que la profusion des outils mis disposi-tion de lanalyse scienti que et des technologies modernes contribue un effet ngatif inverse en loignantles scienti ques de la connaissance empirique que possdent les usagers des ressources soumises leur analyse.

    La dimension collective et localeLexprience de la lutte contre la dserti cation montre que, pour diverses raisons, il nest pas possible deconduire le combat aux seules chelles de lexploitation ou du dcideur individuel. Les actions techniquesdoivent en effet sappliquer de grands ensembles pour obtenir des rsultats tangibles. Ces techniques, deplus, font souvent appel des disciplines collectives, des principes de gestion des ressources en commun,bien plus qu des actions physiques. La restauration des milieux dgrads implique ainsi une ncessairedimension collective, comme le montre la plupart des expriences russies dans le monde. Cest grce untravail et des disciplines collectives que certaines terres dserti es de la Chine ont t rendues loccupa-tion agraire. Pour dautres raisons, lintgration des vastes actions de dveloppement qui enveloppent cesactions techniques, requiert aussi un cadre commun de dcision et dexcution.

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    Cette reconnaissance de la dimension collective dans les actions de protection des cosystmes semble ce-pendant aller aujourdhui contre courant. Dans une majorit de pays touchs, il existait traditionnellementdes rgles collectives qui assuraient notamment une gestion conservatrice des ressources naturelles. Lessystmes de production taient, pour leur part, caractriss par de nombreuses rgles collectives. Durantle dernier demi-sicle, un mouvement contraire sest progressivement af rm, celui-ci se manifestant par

    un dprissement des rgles collectives et, au contraire, par une af rmation de plus en plus marque dessystmes dexploitation individualiss. Autrefois, la dcision individuelle se pliait diverses sortes de dci-sions de la collectivit ou de la famille largie, elles se pliaient aussi diffrentes contraintes de caractresocial ou culturel. Aujourdhui, la famille nuclaire tend de plus en plus constituer la base du tissu social etconomique et elle est elle mme parcourue par des sphres de dcision interne, celles-ci correspondantaux activits propres aux femmes, aux jeunes, aux travailleurs migrs, etc.

    Une telle volution sexplique par de nombreuses causes mais il ne fait pas de doute que lune des raisonsessentielles tient louverture sur lconomie montaire et sur lconomie de march - une volution quina pu tre que renforce par les processus de libralisation conomique et de mondialisation. Or cest justement dans un tel contexte que les enjeux socio-cologiques plaident dsormais pour un retour uneef cience collective, pour le respect dun intrt commun qui, en dernire analyse et, comme Rousseaulavait observ, servira mieux les intrts individuels. Ce constat ne fait que souligner la dif cult de la t-che. Aujourdhui, alors que les risques qui menacent la biosphre sont devenus vidents, la tension entrelindividuel et le collectif doit tre gre avec intelligence. Lexemple en effet vient de pays avancs que lonne peut souponner de dsaccords avec lconomie de march: en Australie, aux Etats Unis, en Afrique duSud, les actions russies de lutte contre la dserti cation ont d leur succs des mesures politiques qui sesont imposes tous. Dans ces pays, il a t dmontr que la richesse et lesprit dentreprise ne suf saientpas garantir une bonne gestion des ressources naturelles et que parfois la comptition pour les marchsy avait t une cause majeure de la surexploitation des ressources naturelles.

    En dernire analyse, ce sont des individus qui agiront et le d est de les convaincre. Quel que soit la formeet le contexte des programmes de la lutte contre la dserti cation, laccs aux terres fertiles et leau potablesont des enjeux saisir en commun. Les politiques devront en consquence trouver les points dquilibre,les compromis qui permettront de concilier les intrts lgitimes de ces individus et ceux de la collectivit.Cet intrt collectif ne pourra tre reconnu que si ses justi cations long terme sont bien perues et ac-ceptes et si les mesures quil appelle savrent compatibles avec des rsultats plus rapides et visibles lchelle des individus. De l, toute limportance qui doit tre accorde aux technologies qui apportent rapi-dement des rsultats sur les exploitations - comme par exemple, les dispositifs de rcupration des eaux deruissellement - et dont les effets court-moyen terme peuvent faire mieux accepter les disciplines et lattentedes rsultats long terme de certains programmes collectifs.

    La crise globale de lcosystme est ainsi une crise plurielle, son d appelle des rponses intgres. Ladgradation des terres et des eaux rend indispensable, pour le futur des ressources naturelles, mais aussipour la scurit alimentaire, de nouveaux modes de gestion de lespace non urbanis par les populationsrurales et, tout particulirement, par les communauts rurales qui ont lusage de la plus grande partie desressources en terre de la plante.

    La dimension conomiqueQuelle est la perception individuelle de lintrt collectif, particulirement dans les contextes de pauvret etde lutte pour la survie? Il semble que le consensus soit facile obtenir lorsquil sagit damliorer des servicesessentiels pour une communaut - approvisionnement en eau potable, rseau de communication, moulins,etc. Laccord est plus dif cile quand des contributions importantes sont demandes aux populations et lesrponses varient avec lintrt conomique ou social de linvestissement. Les rponses sont, par contre, trs

    oues quand on aborde les principaux problmes poss par le dveloppement durable: ceux de la protectiondes ressources naturelles, du maintien de la fertilit des sols, de la lutte contre la dserti cation.

    Dans ces domaines, en effet, il importe de rconcilier les politiques pour une meilleure gestion de lenvi-ronnement et les stratgies individuelles de survie. Dun cot, il faudrait restreindre la surexploitation de laressource, accepter des disciplines contraignantes et raliser dimportants investissement en travail danslenvironnement; de lautre, on constate que de trop nombreuses populations ne survivent quen dgradantla ressource - par lextensi cation et la dforestation - et en exportant la force de travail hors de lagriculture.

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    Les stratgies de survie tant incompressibles, les mnages ne peuvent y renoncer que sils trouvent unecompensation au manque gagner pendant la priode de transition. La lutte contre la dserti cation a ainsiun cot, celui tant, en gros , quivalent, dun part, au revenu auquel les populations devraient renoncer pour mieux grer lenvironnement et, dautre part, aux revenus quaurait obtenu, hors de lagriculture, la forcede travail affecte la restauration de lenvironnement - ces travaux tant en gnral considrs commenayant pas ou peu deffets immdiats sur les revenus. Ce constat pose la question du bien fond du paie-

    ment des services rendus par les cosystmes.Les approches librales considrent avec rticence le principe des subventions bien quelles reconnais-sent toutes la ncessit dune injection dincitations. De telles questions doivent tre rsolues dans cha-que contexte national, en fonction des politiques propres et des ressources nancires des pays et despolitiques de laide internationale. Mais, on ne pourra pas viter dinvestir des ressources publiques dansla restauration de lenvironnement et dans la transformation des systmes de production pour les rendredurables. Ce sont en effet des pays riches, parmi les plus libraux, qui ont dmontr par leur expriencequil ntait pas possible de faire autrement: les Etats Unis ont subventionn la restauration des parcoursarides qui avaient t dtruits par les ranchers eux mmes. En Australie, la rduction de la charge animalequi tait devenue excessive, na t obtenue quen change de subventions. En Afrique du Sud, le rqui-librage des espces animales selon les potentialits des parcours est galement encourag par des aidespubliques.

    Pour autant, il importe de se garder dune image rductrice qui tendrait faire de lconomie de lenvironne-ment une sorte dconomie assiste et dont les cots ne pourraient pas tre couverts par les pro ts. Dansune large mesure, en effet, linvestissement dans la lutte contre la dserti cation et la dgradation peuttre conomiquement justi . Tout dabord, parce que de nombreuses actions peuvent se traduire par desrsultats relativement rapides et rentables: cest le cas, parmi de trs nombreux exemples, des cordonsde pierre et des demi-lunes dveloppes dans des exploitations du Sahel ou encore celui des mises endfens des parcours au Maghreb. Ensuite, parce quen longue priode, un environnement restaur a, detoute vidence, une valeur conomique. Celle-ci est encore dif cilement mesurable mais de nombreux in-dices montrent que les effets directs - effets sur le potentiel des ressources et sur leur productivit - autantque les effets indirects - par exemple, les effets affectant les cots sociaux des migrations vites - peuventindniablement tre analyss en termes de pro t conomique. En n, la restauration durable de lenvi-ronnement et lintensi cation cologique constituent, par ailleurs la stratgie la plus ef cace pour uneadaptation des systmes de production et dutilisation des ressources aux d s poss par le changementclimatique.

    La prise en compte de la dimension conomique semble renvoyer un concept de contrat cologique ,entendant par l des mcanismes contractuels au cur des terroirs qui associeraient, par exemple, descollectivits publiques et les exploitants des ressources naturelles, pour, la fois, gnrer des revenus etagir pour des actions de conservation long terme. Elle appelle des schmas fdrateurs .

    La dimension politiqueUn processus de restauration des cosystmes dgrads et de renforcement de leurs capacits pro-ductives (de biens marchands et de services environnementaux ne peut russir que sil est soutenu par

    une trs forte volont politique. Celle-ci est en effet essentielle pour crer cet environnement porteur(enabling environment ) dont la Convention fait une condition indispensable dun combat russi contre ladserti cation. Il est ainsi ncessaire de promouvoir des mesures pour amliorer laccs aux ressourcesnaturelles - en termes de lgislations appropries, de rduction des ingalits. De mme, faut-il affronter les problmes poss par laccs la dcision, la responsabilisation et la participation des acteurs, le parte-nariat ou encore ceux poss par les systmes de nancement et dincitations. La ncessaire intgration ducombat pour lenvironnement un processus, plus large, de combat pour le dveloppement, rend encoreplus vidente la place de cette dimension politique.

    Lun des aspects critiques de cette dimension est sans nul doute celui de la capacit des acteurs biengouverner. Le thme du bon gouvernement (good governance ) apparat cet gard comme un thmedune extrme complexit: il implique une reprsentation quilibre des diverses strates sociales dansles organes de gouvernement local, une formation des hommes la gestion de la chose publique, unedvolution effective du pouvoir de dcision et de taxation, une information trs large des citoyens sur lesactions des organes de gouvernement, un contrle de laction des gouvernants par les gouverns, en n,

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    une organisation ef cace de la lire du savoir avec notamment des structures de proximit compten-tes. Ces implications constituent le d des approches de la gouvernance locale. LUNCCD en a fait unepriorit. Mais ses progrs reposent encore sur une meilleure prise de conscience des acteurs. Elle appelleune stratgie globale de communication de la CCD.

    Il va de soi que la dimension politique de la restauration des terres dgrades et de la lutte contre la d-

    serti cation ne peut tre dissocie des autres politiques globales qui interviennent dans le processus dudveloppement mondial. Les politiques de lutte contre la pauvret, celles visant une meilleure rgulationdu commerce mondial et des prix agricoles, celles qui in uenceront un changement des comportementsde consommation, celles qui dvelopperont laccs la connaissance, celles qui amlioreront la sant despopulations, celles qui garantiront la parit entre hommes et femmes, font, toutes, partie dun mme combatglobal.

    LES OPTIONS DADAPTATION AUX CHANGEMENTS PROBABLES

    Les scnarios sur le changement climatique prvoient que des volutions, souvent trs importantes, se fe-ront, avec une acclration marque, au cours des deux ou trois prochaines dcennies Nous ne disposonspas encore de toutes les donnes ncessaires pour valuer la pertinence des rponses possibles et pour enmesurer les effets. Le stock dexprience est nanmoins suf samment vaste pour que lon puisse bien iden-ti er les d s et les options dadaptation possibles dans le contexte dune volution de certains paramtresdterminants de lquilibre des cosystmes. Comment en effet peut-on maintenir et amliorer la produc-tivit de lagriculture avec des conditions climatiques encore plus dif ciles ? Comment peut-on sadapter une raret plus grande de leau ? Comment peut-on enrayer la dgradation des ressources en sol et de labiomasse vgtale ? Comment peut-on concilier la bonne gestion des parcours avec un levage productif ?Comment, et quel rythme, la gographie agricole est-elle susceptible de se modi er? Comment voluerontles paramtres bio-agricoles de la production vgtale (par exemple la dure de la priode vgtative oulvolution de lvapotranspiration)? Quel sera limpact du changement climatique sur la relation entre la pro-duction, la demande intrieure et les opportunits des marchs extrieurs? Des rponses ces questionssont ncessaires pour que les dcideurs puissent, temps, anticiper et formuler des politiques approprieset pour que les acteurs puissent sengager dans des politiques dadaptation ef caces.

    2.3 Ladaptation de lagriculture au changement climatique et ladgradation des sols et des eaux

    Des nouveaux choix pour une agriculture durableLadaptation de lagriculture aux contraintes ou aux opportunits nouvelles entranes par le changement clima-tique et sa capacit enrayer la dgradation et grer durablement les ressources en terres et en eaux ont uneimportance dcisive dans les d s relever pour faire face aux menaces. Lagriculture au sens large (cultureset plantations, levage et pastoralisme, exploitation des forts) constitue le fondement de la vie des populationsdu globe et de leur scurit alimentaire. Des milliards de personnes, surtout dans les pays en dveloppement,sont les utilisateurs directs de ses ressource base. Cest de leur capacit adopter des pratiques de gestiondurable de leurs activits agricoles que dpendra la russite ou lchec des politiques dadaptation

    Le changement progressif des paramtres climatiques va poser des d s nouveaux lagriculture. En ruptureavec les approches passes, qui taient fondes sur une utilisation maximale des ressources naturelles et unerelative passivit vis--vis de lala, les systmes de production vont devoir, la fois pour leur progrs et pour leur durabilit, se situer dans une perspective nouvelle de la productivit agricole. Il va leur falloir sadapter des conditions climatiques gnralement plus contraignantes et prendre en compte la raret et la fragilit desressources en sols et en eau.

    Ces exigences vont impliquer, pour les agriculteurs, mais aussi pour les politiques et institutions du dveloppe-ment agricole, un vritable changement de paradigme. Lagriculture va devoir passer dun concept dexploita-tion linaire de la ressource un concept de gestion agricole quilibre du milieu biophysique. Lagriculture vadevoir cesser dtre un prdateur de ressources pour devenir un facteur de sa durabilit. Les agriculteurs vontdevoir enrichir leur vision productiviste en associant production et gestion durable de lenvironnement. Un telchangement qui privilgiera la gestion des terres et du sol implique une volution profonde des mentalits et

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    elle exigera des efforts considrables dducation et de formation, principalement sur la base dune capitalisa-tion des bonnes pratiques.

    Les cultures et les sols cultivablesSur le plan technique, les systmes de production vont devoir intgrer des approches pour rpondre aumoins trois grands d s : la restauration de lhorizon humique des sols et lamlioration de leur capacit de

    rtention de lhumidit ; ladaptation des plantes une diminution des apports hydriques ; une rduction delrosion et de ses effets. Ces systmes vont aussi devoir gnraliser les conomies deau dirrigation et,par ailleurs, mieux intgrer la super cie agricole utile (SAU) dans son environnement de parcours naturelset de forts.

    Ladaptation des plantes laridit dpend, tout dabord, des progrs de la recherche pour raccourcir ladure de la priode vgtative et pour slectionner des varits moins exigeantes en eau. Elle dpendgalement dune bonne diversi cation gographique a n doptimiser le choix des spculations en fonctiondes potentialits du milieu biophysique. Les expriences des pays connaissant des conditions daridit etdirrgularit des prcipitations, montrent que des rponses existent. En ce qui concerne la restaurationet la gestion durable des sols, de nombreuses approches ont t exprimentes. Le semis sans labour,accompagn de la conservation, sur le sol, des rsidus vgtaux, est trs largement pratiqu au Brsilet il est appliqu dans des exploitations novatrices en Tunisie. Une autre technologie propose dassocier aux crales des lgumineuses couvrant bien le sol et consolidant leur structure tout en leur apportantdes nutriments azots. Une troisime approche se fonde, par exemple, sur un concept dagroforesterieen associant la culture sur champ, des arbres producteurs de ressources fourragres et porteurs denutriments du sol, etc.

    Les technologies pour rduire les effets de lrosion sont bien connues dans de nombreuses rgions ari-des mais elles ne sont pas suf samment mises en pratique. Elles impliquent, par exemple, le labour encourbes niveau ou la cration de bandes herbaces alternes. Les technologies de semis sans labour ont galement un effet sur lrosion. La cration de brise vents arbors et de haies buissonnantes peutavoir un grand effet pour rdui