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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL ACCOMPAGNEMENT AU CHOIX DE CARRIÈRE DE CLIENTS DYSPHASIQUES : EXPLORATION DES ENJEUX ET DES OBSTACLES RENCONTRÉS PAR LES CONSEILLERS D’ORIENTATION RAPPORT D’ACTIVITÉS DIRIGÉES PRÉSENTÉ COMME EXIGENCE PARTIELLE DE LA MAÎTRISE EN CARRIÉROLOGIE PAR MARIE-ÈVE GOULET SEPTEMBRE 2015

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Page 1: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL

ACCOMPAGNEMENT AU CHOIX DE CARRIÈRE DE CLIENTS

DYSPHASIQUES : EXPLORATION DES ENJEUX ET DES OBSTACLES

RENCONTRÉS PAR LES CONSEILLERS D’ORIENTATION

RAPPORT D’ACTIVITÉS DIRIGÉES PRÉSENTÉ

COMME EXIGENCE PARTIELLE DE LA MAÎTRISE EN CARRIÉROLOGIE

PAR

MARIE-ÈVE GOULET

SEPTEMBRE 2015

Page 2: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

REMERCIEMENTS

Mes remerciements s’adressent directement aux membres de ma famille. Merci à ma mère,

Diane Laprise, mon père, Réjean Goulet, et mon frère, Jean-Philippe Goulet, de m’avoir

appuyée et encouragée à travers mon processus de réorientation de carrière. Rapidement

après vous avoir annoncé mon passage de l’orthophonie vers l’orientation scolaire et

professionnelle, votre surprise s’est transformée en une vague de soutien. Merci pour la

compréhension démontrée face à ma disponibilité plus limitée. L’aboutissement de ce

travail représente la fin de ce défi que je me suis lancé et qui me permettra d’atteindre mon

objectif, celui de devenir conseillère d’orientation. La route a été parsemée d’embûches et

grâce à vous, le chemin a été beaucoup plus facile.

Un merci tout spécial à mon conjoint Fred Paulhus. Grâce à ton appui, j’ai réussi à garder

la motivation et les yeux rivés sur l’objectif afin de mener ce projet à terme. Par ta présence,

tes mots d’encouragement, ton humour et ta capacité de rendre chaque journée spéciale, tu

m’as insufflé l’énergie dont j’avais besoin pour me rendre au fil d’arrivée.

Merci également à Rolland Stébenne, conseiller d’orientation et chargé de cours. Nos

échanges ont marqué des points d’ancrage précieux qui m’ont aidée à évoluer

personnellement et professionnellement. Ton savoir, ta passion pour l’orientation et ta

bonté hors du commun me serviront sans aucun doute de motivateurs pour la poursuite de

mon parcours. Notre relation étudiant-enseignant qui s’est transformée en une belle

complicité professionnelle au fil des années m’est très chère.

Je tiens finalement à remercier tous les participants de cette étude qui ont généreusement

accepté de collaborer de même que mon directeur de recherche, monsieur Louis Cournoyer

Ph.D., conseiller d’orientation. Ton soutien et ta patience combinés à ton bagage

impressionnant de connaissances se sont avérés des atouts précieux pour me permettre de

terminer ce dernier tour de piste avant de décrocher mon diplôme. Ta façon de

communiquer en mélangeant sérieux, humour et pertinence a su m’énergiser quand j’en

sentais le besoin. Merci pour tout!

Page 3: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

AVANT-PROPOS

Le présent essai s’inscrit dans le cadre d’un processus réflexif entamé il y a quelques

années, après avoir décidé de troquer ma carrière d’orthophoniste pour celle de conseillère

d’orientation. Dès le début de ma formation en carriérologie, plusieurs occasions sont

survenues où j’ai pu établir des ponts entre mes connaissances sur les troubles du langage

et de la communication aux nouveaux savoirs acquis. Les liens établis entre l’orthophonie

et l’orientation m’ont amenée à réfléchir sur le processus de choix de carrière des clients

ayant un trouble primaire du langage, communément appelé dysphasie. Malgré les

hypothèses qu’il m’a été possible d’élaborer, plusieurs questionnements demeuraient en

suspens :

En quoi le processus de choix de carrière des clients dysphasiques diffère-t-il de

leurs pairs sans trouble?

Quels sont les impacts de ce trouble du langage, le cas échéant, sur le

développement du concept de soi, la connaissance du marché du travail et le

processus de prise de décision de ces clients?

Quels sont les obstacles rencontrés par les conseillers d’orientation accompagnant

cette clientèle dans leur insertion professionnelle?

De quelles façons l’organisation actuelle des services d’orientation répond-elle ou

non aux besoins des personnes dysphasiques?

Quelles stratégies d’intervention se révèlent particulièrement pertinentes et

efficaces auprès de ces clients pour les aider à cheminer vers un choix de carrière

leur permettant de se réaliser?

La réalisation de cet essai représentait donc l’occasion parfaite d’adresser une partie de ces

questionnements. En plus de représenter un fil conducteur entre ma carrière antérieure et

future, cette recherche permet d’adresser un sujet encore peu documenté dans la littérature

d’où sa nature exploratoire. Je souhaite ardemment que des recherches futures permettent

de bonifier les résultats obtenus et discutés dans cet essai afin d’alimenter la pratique des

c.o. accompagnant cette clientèle dans l’expression de leur plein potentiel sur le marché du

travail.

Page 4: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS ........................................................................................................... ii

AVANT-PROPOS ............................................................................................................. iii

TABLE DES MATIÈRES ................................................................................................. iv

LISTE DES TABLEAUX.................................................................................................. vi

LISTE DES SIGLES......................................................................................................... vii

RÉSUMÉ ........................................................................................................................... ix

INTRODUCTION .............................................................................................................. 1

CHAPITRE I ....................................................................................................................... 3

PROBLÉMATIQUE ........................................................................................................... 3

1.1 Augmentation de la clientèle dysphasique .............................................................. 3

1.2 Conséquences des troubles d’apprentissage sur le choix de carrière ...................... 7

1.3 Conséquences des troubles d’apprentissage sur l’insertion professionnelle ........... 9

1.4 Choix de carrière chez les élèves dysphasiques : un chantier à découvrir ............ 11

1.5 Évolution des services dans les secteurs de l’éducation, de l’employabilité,

de la santé et des services sociaux......................................................................... 13

1.6 Services d’orientation offerts aux clients HDAA ................................................. 18

CHAPITRE II ................................................................................................................... 23

CADRE CONCEPTUEL .................................................................................................. 23

2.1 Le langage et ses composantes .............................................................................. 23

2.2 Trouble primaire du langage / dysphasie .............................................................. 27

2.2.1 Description ............................................................................................................ 27

2.2.2 Manifestations ....................................................................................................... 29

2.2.3 Conséquences sur le plan scolaire ......................................................................... 31

2.2.4 Conséquences sur le plan professionnel ................................................................ 34

2.2.5 Conséquences sur les plans social et affectif ........................................................ 35

2.3 Retard versus trouble du langage .......................................................................... 37

2.4 Trouble du langage versus trouble de la parole .................................................... 38

CHAPITRE III .................................................................................................................. 39

OBJECTIFS DE RECHERCHE ....................................................................................... 39

CHAPITRE IV .................................................................................................................. 40

MÉTHODOLOGIE........................................................................................................... 40

4.1 Approche de recherche .......................................................................................... 40

4.2 Sélection des participants ...................................................................................... 40

4.3 Instruments ............................................................................................................ 44

4.4 Cueillette de données ............................................................................................ 46

4.5 Méthode d’analyse de données ............................................................................. 47

4.6 Principes éthiques régissant la recherche .............................................................. 48

CHAPITRE V ................................................................................................................... 49

RÉSULTATS .................................................................................................................... 49

5.1 Représentation des difficultés présentées par les clients dysphasiques ................ 50

5.1.1 Vision élargie de la dysphasie ............................................................................... 50

5.1.2 Répercussions sur l’ensemble des parcours de vie ............................................... 53

5.2 Enjeux liés à l’intervention et l’échange entre le c.o. et le client .......................... 57

Page 5: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

5.2.1 Établissement d’une communication efficace ....................................................... 57

5.2.2 Écarts entre le soi idéal et le soi réel du client ...................................................... 61

5.3 Enjeux liés à l’organisation des services ............................................................... 65

5.3.1 Liberté d’action variable ....................................................................................... 65

5.3.2 Manque de moyens perçu...................................................................................... 68

5.4 Enjeux reliés aux conseillers d’orientation ........................................................... 71

5.4.1 Sentiment d’efficacité personnelle variable .......................................................... 71

5.4.2 Besoin de reposer sur des bases solides ................................................................ 76

5.4.3 Besoin de s’affilier avec des partenaires ............................................................... 78

5.4.4 Orientation vers les solutions ................................................................................ 81

5.5 Pistes pour développer les services d’orientation ................................................. 84

CHAPITRE VI .................................................................................................................. 87

DISCUSSION ................................................................................................................... 87

6.1 Variabilité intermilieu et interindividuelle ............................................................ 87

6.2 Dysphasie : un trouble multidimensionnel ............................................................ 88

6.3 Stratégies d’intervention pertinentes à l’orientation ............................................. 89

6.4 Implication des c.o. auprès de la clientèle dysphasique ........................................ 92

CHAPITRE VII ................................................................................................................ 95

CONCLUSION ................................................................................................................. 95

7.1 Limites de l’étude .................................................................................................. 96

7.2 Perspectives ........................................................................................................... 97

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................ 98

ANNEXE A .................................................................................................................... 108

ANNEXE B .................................................................................................................... 113

ANNEXE C .................................................................................................................... 116

Page 6: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

LISTE DES TABLEAUX

Tableau Page

1.1 Caractéristiques de l’élève présentant une déficience langagière

(Code 34) ………………………………………………………………...

4

4.1

4.2

5.1

5.2

5.3

5.4

5.5

Données relatives aux participants ………………………………………

Caractéristiques de la clientèle dysphasique desservie ………………….

Représentation des difficultés présentées par les clients dysphasiques….

Enjeux liés à l’intervention et l’échange entre le c.o. et le client….........

Enjeux liés à l’organisation des services. …………………………….….

Enjeux reliés aux conseillers d’orientation…………………………….....

Pistes pour développer les services d’orientation……...…………………

43

44

50

57

65

71

84

Page 7: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

LISTE DES SIGLES

AERDPQ

AOVS

AQETA

CAMO

CASC

C.O.

DEP

EHDAA

FGA

FGJ

FMSS

FP

FPPE

FPT

HDAA

MEESR

MELS

MESRST

MEQ

MSSS

OCCOQ

OPHQ

Association des établissements de réadaptation en déficience

physique du Québec

Approche orientée vers les solutions

Association québécoise des troubles d’apprentissage

Comité d’adaptation de la main-d’œuvre pour personnes

handicapées

Coalition pour l’accessibilité aux services des CLE

Conseiller(s) ou conseillère(s) d’orientation

Diplôme d’études professionnelles

Élève(s) handicapé(s) ou en difficulté d’adaptation ou

d’apprentissage

Formation générale des adultes

Formation générale des jeunes

Formation menant à l’exercice d’un métier semi-spécialisé

Formation professionnelle

Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation du

Québec

Formation préparatoire au travail

Handicapé(s) ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage

Ministère de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la

Recherche

Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport

Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la

Science et de la Technologie

Ministère de l’Éducation du Québec

Ministère de la Santé et des Services sociaux

Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec

Office des personnes handicapées du Québec

Page 8: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

OOAQ

PAAS Action

SEP

SLI

TÉVA

TSA

Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec

Programme d’aide et d’accompagnement social

Sentiment d’efficacité personnelle

Specific language impairment

Transition de l’école vers la vie active

Trouble du spectre de l’autisme

Page 9: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

RÉSUMÉ

Au cours des dernières années, une augmentation de la clientèle présentant une déficience

langagière (code de difficulté 34) a été relevée au public dans le secteur jeune (CAMO

pour personnes handicapées, 2014). Un accroissement du nombre de demandes de services

provenant d’adultes ayant un trouble du langage a également été dénoté par les centres de

réadaptation en déficience physique (AERDPQ, 2011). Certaines études se sont penchées

sur le processus de choix de carrière d’individus ayant des difficultés d’apprentissage ou

des handicaps, au sens large. Or, aucune étude n’a analysé en profondeur comment se

réalise ce processus chez les individus dysphasiques particulièrement. La dysphasie, aussi

appelée trouble primaire du langage, se caractérise par des manifestations hétérogènes d’un

individu à l’autre et un portrait clinique qui varie dans le temps (OOAQ, 2004). Elle se

répercute sur plusieurs habitudes de vie et sphères d’activités, dont l’éducation et le travail

(OOAQ, 2004; Whitehouse et al., 2009b; Clegg et al., 2005). Confrontées à ces difficultés,

les personnes dysphasiques sont susceptibles de recourir à des services d’orientation. Afin

de documenter les enjeux et obstacles rencontrés par les c.o. qui accompagnent cette

clientèle, la présente étude a été élaborée. Six c.o. provenant des secteurs scolaire, de

l’employabilité et de la réadaptation ont été rencontrés dans le cadre d’entrevues semi-

dirigées desquelles ont émergé divers enjeux et obstacles. Il ressort que les c.o. ont une

vision de la dysphasie qui va au-delà des atteintes langagières et ceux-ci perçoivent que ce

trouble se répercute sur l’ensemble des parcours de vie des clients. En lien avec

l’intervention et l’échange c.o.-client, il s’avère que les c.o. emploient diverses stratégies

afin d’établir une communication efficace. De plus, ils dénotent un écart entre le soi idéal

et le soi réel des clients. Afin d’offrir un accompagnement adéquat, les c.o. ont le besoin

de se baser sur une évaluation solide et de s’allier avec des partenaires. Bien qu’ils aient

un sentiment d’efficacité personnelle et une liberté d’action qui varient, plusieurs c.o. ont

en commun leur approche axée sur les solutions. Finalement, ils ont des idées concrètes

pour améliorer les services d’orientation offerts à cette clientèle. Les résultats obtenus sont

discutés en rapport avec les données actuellement disponibles dans la littérature. Les

retombées au plan théorique et clinique de même que les limites de cette étude sont

abordées en guise de conclusion.

Page 10: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

INTRODUCTION

Au cours des dernières années, le portrait des élèves fréquentant les établissements

scolaires québécois s’est modifié et l’effectif des élèves handicapés ou en difficulté

d’adaptation ou d’apprentissage s’est accru. Un rapport publié par le MELS en 2010 fait

état d’une augmentation du taux de variation de 20% des élèves HDAA en formation

générale des jeunes dans le secteur public, et ce, entre les années scolaires 2002-2003 et

2009-2010. Durant cette même période, c’est au secondaire que cet accroissement a été le

plus marqué avec une augmentation de 34%. Cette clientèle représentait alors 22,2 % de

l’ensemble de l’effectif au niveau secondaire (MELS, 2010). Les plus récentes statistiques

du MELS qu’il a été possible d’obtenir mentionnent que le total d’élèves HDAA du secteur

des jeunes des réseaux d’enseignement public et privé s’élevait à 174 530 élèves, et ce,

durant l’année scolaire 2010-2011 (MELS et MESRST, 2014).

Parmi ces élèves se retrouvent les jeunes présentant une dysphasie sévère, soit un trouble

développemental du langage. Actuellement, le taux de prévalence au Québec demeure

inconnu. Toutefois, les données émises par le MELS reflètent une augmentation

significative des élèves aux prises avec une déficience langagière entre les années 2001-

2002 et 2009-2010. Durant cette période, l’effectif d’élèves du primaire à la cinquième

secondaire aux prises avec une déficience langagière a augmenté de 218%, passant de 2374

à 7553 élèves (Comité d’adaptation de la main-d’œuvre (CAMO) pour personnes

handicapées, 2014). Cette réalité fait en sorte que bon nombre d’intervenants œuvrant

auprès de ces jeunes, qui atteindront éventuellement l’âge adulte, manifestent leur désir de

mettre en place des interventions adaptées aux besoins de cette clientèle.

Tout comme les clients « considérés sans trouble », les personnes dysphasiques sont

appelées à s’interroger sur leur choix de carrière et sur leur intégration au marché du travail.

Que ce soit en milieu scolaire, dans des organismes d’aide à l’emploi ou dans des centres

de réadaptation, les c.o. peuvent être appelés à soutenir les clients dysphasiques dans cette

démarche de choix de carrière et d’insertion socioprofessionnelle. À travers

Page 11: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

2

l’accompagnement de cette clientèle aux besoins spécifiques, certains constats ou

questionnements peuvent émerger, que ce soit en lien avec l’intervention directe ou de

façon plus générale, à l’adéquation entre les services d’orientation actuellement offerts et

les besoins particuliers de cette clientèle. Malheureusement, peu de littérature est

disponible sur ce sujet. En fait, aucun écrit portant spécifiquement sur les enjeux et

obstacles rencontrés par les conseillers d’orientation intervenant auprès de la clientèle

dysphasique n’a été recensé. Devant ce constat, le présent essai a été élaboré.

Cette étude aborde les enjeux et les obstacles rencontrés par les c.o. en lien avec

l’intervention et l’organisation des services offerts aux clients présentant une dysphasie

modérée à sévère. Pour y arriver, le premier chapitre se consacrera au traitement de la

problématique. La deuxième section servira de point d’ancrage afin de conceptualiser les

diverses composantes du langage, la dysphasie ainsi que les conséquences de ce trouble du

langage sur les divers domaines de vie. Le cadre conceptuel se terminera par la formulation

de la question de recherche. Le troisième chapitre, pour sa part, présentera l’objectif

général et les sous-objectifs de cet essai suivi de la quatrième section qui détaillera la

méthodologie employée pour répondre à la question de recherche. Les résultats obtenus

seront exposés, discutés et comparés aux données actuellement disponibles dans la

littérature à l’intérieur du cinquième et sixième chapitre respectivement. Finalement, ce

rapport de recherche se conclura par les apports et les limites scientifiques de cette étude

ainsi que les voies de recherche pertinentes à explorer à la lumière des informations

obtenues.

Page 12: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

CHAPITRE I

PROBLÉMATIQUE

1.1 Augmentation de la clientèle dysphasique

Selon l’OOAQ (2004), le trouble primaire du langage réfère à un trouble persistant du

langage oral qui peut toucher à la fois la sphère réceptive (compréhension) et expressive

ou la sphère expressive isolément. Les manifestations varient d’une personne à l’autre et

se modifient chez un même individu au fil des années. Il s’agit d’un trouble qui peut être

accompagné d’autres difficultés et qui se répercute sur divers domaines de vie, dont les

sphères scolaire et professionnelle (OOAQ, 2004). Comme le souligne l’OOAQ (2004), le

degré de sévérité de la dysphasie est variable.

Malgré cela, il importe de saisir qu’au cours de leur parcours scolaire, ce ne sont pas tous

les clients dysphasiques qui seront systématiquement considérés comme étant

« handicapés » au sens entendu par le MEESR (anciennement MELS) dans l’appellation

Élèves Handicapés1 ou en Difficulté d’Adaptation ou d’Apprentissage (EHDAA). Les

types de handicaps reconnus par le MELS sont variés : déficience motrice légère,

déficience organique, déficience intellectuelle moyenne à sévère, déficience intellectuelle

profonde, trouble envahissant du développement, trouble relevant de la psychopathologie,

déficience atypique, déficience motrice grave, déficience visuelle, déficience auditive et

déficience langagière (MELS, 2007). La déficience langagière est le handicap qui nous

intéresse dans le cas présent. Pour qu’un élève dysphasique soit reconnu comme étant

handicapé et se voit attribuer le code de difficulté 34 (code de difficulté associé à la

déficience langagière), celui-ci doit présenter des atteintes modérées à sévères au plan

réceptif et sévères au plan expressif. Le tableau 1.1 présente plus en détail les critères

1 Élèves handicapés : élèves dont le profil répond aux conditions suivantes : « 1. avoir un diagnostic de

déficience posé par une personne qualifiée ; 2. présenter des incapacités qui limitent ou empêchent leur

participation aux services éducatifs ; 3. avoir besoin de soutien pour fonctionner en milieu scolaire. »

(Fédération des syndicats de l’enseignement, 2013, p. 23)

Page 13: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

4

d’attribution de ce code de difficulté qui permet d’assurer des services adaptés aux

caractéristiques du jeune et de soutenir financièrement le milieu scolaire pour y arriver.

Tableau 1.1

Caractéristiques de l’élève présentant une déficience langagière (Code 34)

Atteintes

langagières

Présenter une atteinte très marquée (c’est-à-dire sévère) :

- de l’évolution du langage

- de l’expression verbale

- des fonctions cognitivo-verbales

et

- une atteinte modérée à sévère de la compréhension

verbale.

Les atteintes sévères doivent persister au-delà de l’âge de 5 ans.

Évaluation

orthophonique Ces atteintes doivent être attestées par une évaluation réalisée par

un orthophoniste faisant partie d’une équipe multidisciplinaire.

Cette évaluation doit :

- avoir été conduite en utilisant des techniques

d’observations systématiques et des tests appropriés;

- avoir mené à une conclusion orthophonique faisant état

d’une dysphasie sévère, d’un trouble primaire sévère du

langage, d’un trouble mixte sévère du langage ou à une

dyspraxie verbale sévère;

- Une atteinte modérée sur le plan de la compréhension

verbale est considérée si l’évaluation conclut à une

dyspraxie verbale sévère;

- L’élève doit avoir bénéficié d’un suivi d’une durée

minimale de six mois préalablement à l’évaluation.

Limitations et

incapacités L’élève présentant une déficience langagière connaît des

limitations très importantes en ce qui concerne :

- les interactions verbales, tant sur les plans de l’expression

que de la compréhension

- la socialisation

- les apprentissages scolaires

La persistance et la sévérité du trouble l’empêchent d’accomplir

les tâches scolaires normalement proposées aux jeunes de son

âge.

Référence : Informations tirées du document suivant : Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport.

L’organisation des services éducatifs aux élèves à risque et aux élèves handicapés ou en difficulté

d’adaptation ou d’apprentissage. Québec : Gouvernement du Québec, 2007.

Page 14: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

5

Durant l’année scolaire 2009-2010, la déficience langagière se situait au deuxième rang

des handicaps regroupant le plus grand effectif d’élèves au secteur des jeunes dans le réseau

public. En ce sens, l’effectif d’élèves identifiés avec le code 34 représentait 25,9% des

élèves handicapés. La déficience langagière était également considérée, avec le trouble

envahissant du développement (ou TSA), comme les deux déficiences qui ont connu la

plus grande augmentation entre les années 2001-2002 et 2009-2010. Durant cette période,

l’effectif d’élèves présentant une déficience langagière s’est accru de 218%, passant de

2374 à 7553 élèves (CAMO pour personnes handicapées, 2014). Parmi ces 7553 élèves,

une majorité était des garçons (5412 garçons ; 2141 filles) (MELS, 2010).

Bien que les élèves présentant une dysphasie légère ou modérée ne soient pas considérés

comme des élèves handicapés au sens du MELS, il n’en demeure pas moins que les

conséquences de la dysphasie peuvent faire en sorte qu’ils soient identifiés comme faisant

partie des élèves présentant des difficultés d’adaptation ou d’apprentissage. Cette catégorie

d’élèves regroupe entre autres des élèves qui présentent des troubles du comportement

(dont des troubles graves du comportement), une déficience intellectuelle légère ou des

difficultés d’apprentissage (FSE, 2013). Selon le MELS (2007), l’élève du secondaire en

difficulté d’apprentissage correspond à :

« celui dont l’analyse de sa situation démontre que les mesures de remédiation

mises en place, par l’enseignante ou l’enseignant ou par les autres intervenantes

ou intervenants durant une période significative, n’ont pas permis à l’élève de

progresser suffisamment dans ses apprentissages pour lui permettre d’atteindre

les exigences minimales de réussite du cycle en langue d’enseignement et en

mathématique conformément au Programme de formation de l’école

québécoise. » (p.24)

L’importante proportion d’élèves du secteur public aux prises avec une déficience

langagière, tel que démontré par les statistiques citées précédemment, justifie l’importance

de s’intéresser spécifiquement à la clientèle dysphasique. Cela est d’autant plus vrai que

ces élèves grandissent, quittent le milieu scolaire pour ensuite s’insérer sur le marché du

travail. Ces jeunes devenus grands peuvent alors faire appel aux services d’organismes en

Page 15: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

6

employabilité ou de centres de réadaptation afin d’être accompagnés dans leur insertion

socioprofessionnelle. Les centres de réadaptation en déficience physique qui desservent la

clientèle ayant des déficiences du langage ont d’ailleurs constaté, au cours des dernières

années, une augmentation de demandes venant de la part d’adultes ayant des troubles du

langage (Association des établissements de réadaptation en déficience physique du Québec

(AERDPQ), 2011). Alors qu’un programme et une offre de services structurés existaient

pour les jeunes enfants âgés de 3 à 6 ans ayant une déficience langagière, aucun programme

n’existait à ce moment pour la clientèle adulte. C’est pourquoi, dans le cadre de leur

planification stratégique de 2010-2015, l’AERDPQ s’est donné l’objectif suivant :

« Clarifier l’offre de services spécialisés requise par les personnes adultes

présentant une déficience du langage, établir le portrait de la situation actuelle

et proposer des orientations, le cas échéant » (AERDPQ, 2010, cité dans

AERDPQ, 2011, p.3)

Bien qu’en nombre limité, de plus en plus d’études s’attardent aux conséquences à long

terme de la dysphasie. En ce sens, des recherches ont fait ressortir que les enfants identifiés

comme ayant une dysphasie en jeune âge continuent de rencontrer des difficultés une fois

rendus à l’adolescence et à l’âge adulte (Clegg et al., 2005; Durkin et Conti-Ramsden,

2007; Whitehouse et al., 2009b). Des difficultés persistantes sur le plan du langage sont

relevées de même que des atteintes marquées en lien avec la littératie2 (Whitehouse et al.,

2009a). Ces difficultés sur le plan du langage oral se répercutent évidemment sur les

apprentissages scolaires des clients dysphasiques (Whitehouse et al., 2009b). D’ailleurs,

Stothard et al. (1998, cités dans Whitehouse et al., 2009b) mentionnent que les individus

souffrant d’un trouble du langage qui persiste au-delà de l’enfance vont présenter des

difficultés de plus en plus prononcées avec l’âge en raison des exigences langagières qui

augmentent durant le cheminement scolaire. Cela a pour effet de creuser l’écart avec les

jeunes au développement normal. Les personnes dysphasiques présentent également des

difficultés relationnelles et celles-ci gagneraient en importance entre l’enfance et

2 La littératie est « l’aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la maison,

au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d'étendre ses connaissances et ses

capacités. » (Organisation de coopération et de développement économiques et Statistique Canada, 2000,

p.x).

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7

l’adolescence (Durkin et Conti-Ramsden, 2007; Whitehouse et al., 2009b; St.Clair et al.,

2011). St. Clair et al. (2011) dénotent que les difficultés relationnelles présentées par

l’adolescent dysphasique proviendraient notamment de sa capacité limitée à faire des

inférences, à utiliser l’humour et à saisir le point de vue de l’autre. Des impacts se font

également sentir sur le plan professionnel puisque les individus dysphasiques auraient

tendance à s’orienter vers des formations professionnelles et des métiers dont les exigences

langagières sont moindres (Whitehouse et al., 2009b).

Il s’agit là que d’un très bref survol des impacts pouvant être entraînés par la dysphasie.

Toutefois, cela suffit pour saisir que ces difficultés ont des impacts sur le processus de

choix de carrière de ces clients et que ces dernières sont à prendre en considération dans

l’accompagnement en orientation qui leur est offert.

1.2 Conséquences des troubles d’apprentissage sur le choix de carrière

Plusieurs écrits se sont intéressés aux répercussions des troubles d’apprentissage ou d’un

handicap, au sens plus large, sur les tâches impliquées dans le choix de carrière. Il s’avère

qu’un aspect majeur différencie le processus de choix de carrière des personnes avec un

handicap comparativement aux individus sans trouble. Effectivement, les personnes

présentant des handicaps variables se doivent de considérer leurs limitations de même que

les interactions qui surviennent entre celles-ci et l’environnement lorsque vient le temps de

faire un choix de carrière (Aune et Kroeger, 1997). Or, selon ces mêmes auteures, il arrive

que l’individu ne saisisse réellement ces influences qu’une fois le processus de

planification de carrière concrètement débuté. Dans un autre ordre d’idées, dépendamment

du type et de la sévérité de la déficience de l’individu, cela risque de limiter les activités

exploratoires réalisées durant l’enfance, l’adolescence et la période de jeune adulte

(Szymanski et al., 1996 cités dans Hitchings et al., 2001). Un manque d’auto-détermination

(self-advocacy), une faible maturité vocationnelle et un manque de confiance en sa capacité

de prendre des décisions professionnelles sont également relevés (Hitchings et al., 1998;

Ohler et al., 1995; Hitchings et al., 2010). Cette difficulté peut notamment être attribuable

Page 17: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

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à la famille et au personnel enseignant qui se sont retrouvés en situation de devoir prendre

des décisions importantes pour l’enfant durant son parcours (ex. : classement scolaire).

Cette tendance à « prendre en charge », qui repose sur de nobles intentions, peut également

être présente quand vient le temps pour l’enfant de faire un choix de carrière. Cela a pour

conséquence que la personne présentant des difficultés, n’ayant pas eu beaucoup

d’opportunités, peut manquer de confiance en sa capacité de faire des choix d’où ses

difficultés décisionnelles en matière de choix de carrière (Luzzo et al., 1999; Hitchings et

al., 2010). Comparativement à leurs pairs sans trouble, les jeunes présentant des difficultés

d’apprentissage auraient une moins grande orientation vers un but (Ohler et al., 1995). Ils

présenteraient également un locus de contrôle externe (Bos et Vaughn, 2006, cités dans

Hitchings et al., 2010). L’ensemble de ces particularités touchant les croyances et les

attitudes face aux choix de carrière auraient pour effet de nuire au développement

professionnel de ces individus (Hitchings et al., 2010).

Il arrive également que les adolescents aux prises avec un trouble d’apprentissage limitent

leurs aspirations tant au plan de l’éducation qu’au plan professionnel ou présentent des

attentes irréalistes (Rojewski, 1996, p. 474, cité dans Kerka, 2002). En ce sens, plus d’un

auteur souligne la difficulté qu’ont les individus jeunes et moins jeunes à expliquer leurs

limites et d’exprimer les impacts que celles-ci auront sur un emploi futur (Hitchings et al.,

2001; Hitchings et al., 2010), savoir qui est nécessaire de posséder pour identifier un choix

de carrière réaliste (Hitchings et al., 2010). Ces difficultés d’autoperception sont

accompagnées de difficultés de résolution de problème (Hitchings et al., 2010) qui, on s’en

doute, vont se répercuter sur le processus décisionnel et la réalisation de leur choix de

carrière. Alors que d’autres jeunes ont des aspirations réalistes, il arrive cependant que ces

derniers ne soient pas en mesure de compléter l’éducation ou la formation pour accéder à

ces emplois (Kortering et Braziel, 2000, cités dans Kerka, 2002).

Lorsque ces jeunes ont ciblé une profession en particulier, leur choix peut reposer sur de

l’information incomplète ou inadéquate (Morningstar, 1997). Armstrong et Davies (1995)

ont réalisé des entretiens auprès d’élèves présentant des difficultés d’apprentissage ou

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d’adaptation, des professeurs de même que des conseillers d’orientation. Une des

conseillères interrogées a rapporté qu’il arrive même que des jeunes trompent les

professionnels qui les soutiennent en mentionnant qu’ils ont ciblé une profession spécifique

puisqu’ils ont le sentiment que cela facilitera leur cheminement scolaire ultérieur. Dans les

cas de figure où les élèves ont identifié plus d’un choix de carrière potentiels, ceux-ci

peuvent être de secteurs d’activité éloignés ce qui révèle qu’ils en sont au début de leur

processus de prise de décision et qu’ils manquent de connaissance sur chacune de ces

carrières (Morningstar, 1997). De plus, les aspects pratiques ou motivateurs externes, dont

le salaire et les perspectives d’emploi, sont des aspects pouvant avoir une grande influence

dans le choix de carrière de ces jeunes (Morningstar, 1997). Finalement, il est à noter que

le faible rendement académique découlant des difficultés d’apprentissage, notamment en

littératie, a évidemment un impact sur leur évolution professionnelle (Hoffman et al.,

1987). En ce sens, l’éventail des professions accessibles s’en trouve inévitablement réduit

(Parmenter, 1990, cité dans Raeye, 1999). De plus, il est fréquent que le niveau scolaire

atteint soit plus faible et ne dépasse pas le niveau secondaire. Cela a pour effet que ces

personnes, une fois sur le marché du travail, seront plus vulnérables au plan financier en

raison de leur salaire moindre comparativement à la population sans trouble (Blackorby et

Wagner, 1996).

1.3 Conséquences des troubles d’apprentissage sur l’insertion professionnelle

Une fois le choix de carrière fait, un autre défi demeure : l’insertion socioprofessionnelle.

Comme le cite le CAMO pour personnes handicapées (2014), la littérature est très mince

quant à la situation des jeunes québécois présentant un handicap une fois leurs études

terminées ou abandonnées. Toutefois, plusieurs écrits provenant d’ailleurs permettent de

documenter les conséquences des troubles d’apprentissage en général sur l’intégration

professionnelle. Cette dernière représente l’étape où les jeunes vivent concrètement la

réalité du marché du travail, qui amène son lot de défis, notamment en raison des

transformations que ce dernier a subi au cours des dernières décennies. L’importance

croissante accordée au travail d’équipe et à la productivité ainsi que les avancées

Page 19: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

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technologiques en sont quelques exemples (Brown et Gerber, 1994, cités dans Kerka, 2002;

Szymanski et Vancollins, 2003; Hitchings et al., 2001). Ces changements peuvent

représenter des défis pour l’ensemble des travailleurs et d’autant plus pour les personnes

présentant un trouble, et ce, à la fois dans leur insertion et leur maintien en emploi. Phelps

et Hanley-Maxwell (1997), par le biais de leur revue de la littérature, ont recensé une

variété de compétences qui peuvent ne pas être suffisamment développées chez les jeunes

aux besoins particuliers et ainsi nuire à leur intégration sur le marché de l’emploi. Les

compétences déficitaires peuvent être en lien avec les aspects suivants : « capacité

d’acquérir, d’organiser, d’interpréter et de communiquer l’information », « comprendre les

interrelations complexes au plan social, organisationnel et des systèmes

technologiques », « capacité de travailler en équipe » (p.202). Chacune de ces compétences

est complexe puisqu’elles englobent plusieurs savoirs, savoir-faire ou savoir-être. Tel est

le cas de la compétence à travailler en équipe qui implique des aptitudes sur le plan de la

négociation, de la résolution de conflits, une capacité de s’adapter aux différences de

chacun, de se prendre en charge, de prendre leurs propres décisions et de s’exprimer en

leur nom (Phelps et Hanley-Maxwell, 1997). Lors de la recherche d’emploi, des obstacles

surviennent dès l’étape où l’adulte qui désire poser sa candidature doit remplir un

formulaire de demande d’emploi (Hoffman et al., 1987). Ces derniers peuvent être

également confrontés au fait de s’ouvrir ou non sur leurs difficultés (Aune et Kroger, 1997).

Parmenter (1990) rapporte que les difficultés d’acceptation sociale et les opportunités

d’emplois restreintes font partie des éléments à risque de se répercuter sur la transition

école-travail des individus présentant des handicaps. En ce sens, Szymanski et Vancollins

(2003) soulèvent que les travailleurs handicapés sont susceptibles de se retrouver sans

emploi ou en situation de sous-emploi.

Au-delà de ces aspects plus négatifs, il importe de mentionner que d’autres études ont

démontré que des adultes présentant des troubles d’apprentissage peuvent être en mesure

d’expérimenter des succès en emploi. L’étude de Spekman et al. (1992) ressort que la

réussite de ces individus est reliée au fait d’avoir choisi une carrière faisant appel à leurs

forces et de leur capacité à reconnaître le contrôle qu’ils ont sur leur vie. Ce contrôle s’est

Page 20: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

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traduit par la persévérance démontrée par les participants de l’étude, leur capacité à

s’identifier des buts et leur capacité d’adaptation (Spekman et al., 1992).

En résumé, il ressort des études citées précédemment que les difficultés d’apprentissage ou

autres déficiences ont des répercussions sur le choix de carrière et le cheminement

professionnel des individus. Quoi qu’il en soit, les impacts des troubles d’apprentissage

sont grandement variables d’un individu à l’autre et la généralisation dans ce domaine est

impossible (Gerber, 2012; Aune et Kroeger, 1997). Effectivement, les conséquences à long

terme des difficultés d’apprentissage dépendent notamment de leur sévérité, des habiletés

cognitives de la personne, de sa capacité d’auto-détermination et du soutien dont elle

bénéficie (Gerber, 2012). Les conseillers d’orientation doivent donc s’ajuster aux

particularités de chacun de leurs clients.

Dans le cadre de cet essai, les enjeux et obstacles rencontrés par les c.o. seront explorés

tant au niveau de l’intervention directe que de l’organisation des services, et ce, plus

particulièrement en lien avec la clientèle dysphasique adolescente et adulte. Il est donc

important de s’attarder aux études qui se sont intéressées aux conséquences de la dysphasie,

plus spécifiquement.

1.4 Choix de carrière chez les élèves dysphasiques : un chantier à découvrir

Au cours des dernières années, de plus en plus d’études se sont penchées sur le devenir des

enfants présentant des troubles spécifiques du langage (Herbaux-Laborbe, 2013).

Cependant, la recension des écrits réalisée dans le cadre de cet essai a mené à la conclusion

que très peu d’études portant sur le développement professionnel des adolescents et adultes

dysphasiques existent de même que sur l’accompagnement qui leur est offert en

orientation. Quelques études se sont intéressées au parcours scolaire et à l’insertion en

emploi des jeunes adultes dysphasiques. Toutefois, les études trouvées abordent souvent le

devenir professionnel de ces personnes de façon succincte puisqu’une variété de facettes

Page 21: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

12

sont analysées dont l’autonomie, la communication, la sphère sociale, la scolarisation et le

travail (Törnqvist et al., 2009; Whitehouse et al., 2009b).

Parmi les études recensées se trouvent celle de Haynes et Naidoo (1991, citées dans

Chevrier-Muller, 1995) qui a soulevé que sur les 34 adultes âgés entre 18 et 22 ans et

présentant des troubles du langage, 13 n’avaient aucun diplôme ni qualification

professionnelle et quatre poursuivaient des études universitaires. Cependant, aucune

information n’est disponible quant à la nature et la sévérité des troubles du langage

présentés par les sujets. Whitehouse et al. (2009b) pour leur part, mentionnent que les

jeunes dysphasiques tendent à s’orienter vers des études professionnelles puisqu’elles

exigent souvent un niveau moindre sur le plan des habiletés langagières et de la littératie.

Lorsque vient le temps de décrocher et d’occuper un emploi, plusieurs adultes

dysphasiques seraient en mesure d’y parvenir (Törnqvist et al., 2009; Whitehouse et al.,

2009b). Tel que mentionné précédemment, l’emploi vers lequel ces jeunes adultes

s’orientent exige moins sur le plan des habiletés langagières orales et écrites (Whitehouse

et al., 2009b). Aussi, il importe de souligner que l’insertion professionnelle ne se fait pas

toujours de manière conventionnelle puisque les individus peuvent être orientés vers des

milieux protégés (Herbaux-Laborbe, 2013). De plus, il est possible que la transition du

jeune de l’école vers le marché du travail soit complexifiée considérant qu’il passe d’un

milieu encadré où des mesures d’adaptation étaient mises en place par le personnel scolaire,

au marché du travail où la famille doit faire des démarches pour trouver des ressources

pour soutenir leur enfant (FLA et ADD, 2005).

Un projet toutefois, chapeauté par l’Institut de réadaptation en déficience physique du

Québec, s’est penché plus précisément sur le développement de carrière de 11 élèves

dysphasiques sévères âgés de 14 à 17 ans en classe spéciale et leur famille (AERDPQ,

2014). Ce projet, basé sur des évaluations multidisciplinaires et la mise en place

d’interventions adaptées impliquant la famille et l’équipe-école visait entre autres à

développer la maturité vocationnelle et l’employabilité de ces jeunes. Selon les

Page 22: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

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informations obtenues sur le site de l’AERDPQ, les mesures mises en place auraient eu des

répercussions positives sur les capacités des jeunes en lien avec l’emploi.

Malheureusement, aucun écrit n’a pu être retracé sur ce projet.

Il devient évident que peu de littérature est disponible sur les difficultés rencontrées par les

adolescents et adultes dysphasiques au cours de leur processus de choix de carrière. De

plus, quand vient le temps de s’intéresser spécifiquement aux enjeux et obstacles rencontrés

par les c.o. dans leur intervention auprès de cette clientèle, il ressort qu’aucun écrit n’a été

fait sur le sujet. Les écrits trouvés sont plutôt d’ordre général et abordent la réalité des c.o.

face à la clientèle HDAA en général (Törnqvist et al., 2009; Whitehouse et al., 2009b;

Armstrong et Davies, 1995).

Maintenant que les répercussions des troubles d’apprentissage et de la dysphasie sur le

parcours professionnel des individus ont été abordées, il importe de s’attarder à l’évolution

des services qui leur sont offerts, et ce, dans les secteurs de l’éducation, de l’employabilité,

de la santé et des services sociaux. De faire l’état de cette situation est pertinent considérant

que le présent essai s’intéresse aux enjeux et obstacles rencontrés par les c.o. tant au plan

de l’intervention que de l’organisation des services offerts aux clients dysphasiques.

Comme les clients ayant une dysphasie modérée à sévère peuvent faire partie de la clientèle

HDAA, les services destinés à cette dernière seront abordés.

1.5 Évolution des services dans les secteurs de l’éducation, de l’employabilité, de la

santé et des services sociaux

Au cours des dernières décennies, de grands progrès se sont réalisés en lien avec les

services offerts à la clientèle handicapée, en difficultés d’adaptation ou d’apprentissage que

ce soit dans les réseaux de l’éducation, de l’employabilité ainsi que de la santé et des

services sociaux.

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Depuis l’apparition, entre les années 60 et 70, des premières classes et écoles spéciales et

l’ajout de services spécialisés dans les écoles régulières, le secteur de l’éducation a mis de

l’avant plusieurs initiatives qui se répercutent sur la clientèle HDAA (Conseil supérieur de

l’éducation, 1996). Parmi les changements des vingt dernières années se trouve la réforme

scolaire des années 90 qui vise le succès du plus grand nombre d’élèves (MELS, 1997).

Cette réforme dans laquelle s’est inscrit la politique d’adaptation scolaire de 1999 est venue

donner à l’école la mission d’« aider l’élève handicapé ou en difficulté d’adaptation ou

d’apprentissage à réussir sur les plans de l’instruction, de la socialisation et de la

qualification » (Ministère de l’Éducation, 1999, p. 17). La notion de qualification qui

représente alors un ajout à la mission de l’école est particulièrement intéressante. En effet,

puisque les difficultés d’apprentissage rencontrées par ces élèves les confrontent souvent à

des échecs répétés qui affectent négativement leur motivation ces derniers sont à risque

d’abandonner leurs études (Ministère de l’Éducation, 2002). C’est dans le cadre de cette

réforme que l’approche orientante, aussi connue sous le nom d’ « école orientante »3 a fait

son apparition (MELS, 2002). L’orientation prend alors une plus grande place dans le

parcours scolaire de l’élève, ce qui concorde avec l’énoncé de politique éducative qui

mentionne qu’il « est temps d’accorder une attention plus soutenue à l’orientation de ces

élèves » (Ministère de l’Éducation, 1997, p.9). De plus, l’un des quatre programmes des

services éducatifs complémentaires cible maintenant l’orientation de ces élèves (Ministère

de l’Éducation, 2002). Question de favoriser l'achèvement d’une formation qualifiante par

les jeunes présentant de grandes difficultés d’apprentissage et favoriser leur intégration

professionnelle, le MELS a, en 2008, publié la description du programme de formation

axée sur l’emploi destiné au 2e cycle du secondaire. Malheureusement, peu de données sont

actuellement disponibles à savoir si ce programme a eu les résultats escomptés. Parmi les

données disponibles figure l’étude de Rousseau et al. (2013) qui fait mention que le taux

de certification des élèves inscrits en FMSS varie entre 43% et 100% en fonction des

3 Cette approche comporte quatre visées principales : 1) soutenir le jeune dans son développement

identitaire afin de favoriser son cheminement scolaire et son choix de carrière, 2)-3) favoriser la découverte

des divers parcours et formations scolaires existants ainsi que le marché du travail par l’exploration des

métiers, des professions et des exigences s’y rattachant, 4) Offrir un accompagnement au choix de carrière

soutenu et présent lors des étapes charnières de la formation du jeune, notamment lorsqu’il devra effectuer

des compromis entre la profession idéalisée et les options accessibles (Ministère de l’Éducation. Direction

de l’adaptation scolaire et des services complémentaires, 2002).

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15

milieux alors que celui en FPT est beaucoup plus faible, variant entre 15% et 43%.

Finalement est apparu en 2009 un plan d’action pour favoriser la persévérance et la réussite

scolaire intitulé « L’école j’y tiens! ». Cette initiative a pour but d’augmenter la proportion

d’élèves de moins de vingt ans qui décrochent un diplôme d’études secondaires ou une

première qualification, population parmi laquelle se retrouvent les élèves HDAA. Ce plan

d’action se donne également comme mission d’aider les milieux à adapter leurs

interventions en conséquence. Comme le souligne le CAMO pour personnes handicapées

(2014), peu de données sont disponibles sur la situation des personnes handicapées en

formation. Parmi les données disponibles, plusieurs regroupent l’ensemble de la clientèle

HDAA, soit des individus aux réalités différentes. Cela fait en sorte qu’il est difficile

d’identifier le profil des jeunes qui abandonnent avant l’atteinte du diplôme et d’ajuster les

services en conséquence. De plus, «plusieurs élèves handicapés, ou en difficulté

d’adaptation ou d’apprentissage quittent l’école sans qu’il y ait eu de planification d’un

projet de vie valorisant et stimulant pour eux. Certains se retrouvent donc à la maison sans

occupation et ils perdent tout lien avec leur réseau social tissé au cours de leur formation

scolaire.» (CAMO pour personnes handicapées, 2014, p.66)

D’autres initiatives ont été prises dans le but de renforcer la collaboration entre les milieux

de l’éducation, de l’employabilité et de la santé et services sociaux. En 2003, l’Entente de

complémentarité des services entre le réseau de la santé et des services sociaux et de

l’éducation a été instaurée (MELS, 2003). L’une des principales visées de cette entente

consistait à établir une vision commune des besoins présentés par les jeunes et leur

entourage et de définir les responsabilités de chacun afin d’améliorer la planification, la

coordination et l’intégration des services des deux réseaux pour atteindre un meilleur

continuum de services (MELS, 2003). La loi assurant l’exercice des droits des personnes

handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale a ensuite vu le

jour en 2004. Celle-ci a été suivie, en 2008, par l’implantation du Plan d’accès pour les

personnes ayant une déficience élaboré par le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Ce plan a pour objectif de faciliter l’accès des personnes présentant une déficience

physique, intellectuelle ou un trouble envahissant du développement à des services

d’évaluation et d’intervention. Cette initiative a possiblement des répercussions sur

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16

l’intégration en emploi de cette population puisqu’ils peuvent avoir plus facilement accès

aux services d’évaluation et si nécessaire aux services ciblant le développement de leurs

capacités relatives au travail (Gouvernement du Québec, 2013). Toujours en 2008, le

gouvernement du Québec a mis en branle la Stratégie nationale pour l’intégration et le

maintien en emploi des personnes handicapées. Cette stratégie visait initialement la

réduction de l’écart de 50% d’ici 2018, entre la proportion de personnes avec ou sans

handicap en emploi. Le premier volet s’étalant de 2008 à 2013 a visé la mise en place de

61 actions impliquant divers acteurs : Emploi-Québec, MSSS, MELS, centre de

réadaptation, CJE, services spécialisés de main-d’œuvre pour les personnes handicapées,

entreprises adaptées, etc. (Gouvernement du Québec, 2011). Une des visées de cette

stratégie est un accès égalitaire aux services d’orientation par les élèves handicapés et non

handicapés. Cela s’avère d’autant plus pertinent sachant que les élèves handicapés sont

plus nombreux que les élèves sans handicap à ne pas avoir complété la formation de base

et une formation qualifiante nuisant ainsi à leur accès au marché du travail (MESS, 2008).

Cette stratégie souligne également qu’«il importe d’adapter les services d’orientation à

leurs besoins et de bien évaluer leur potentiel » (MESS, 2008, p.16). De plus, « il est tout

aussi essentiel d’orienter les jeunes handicapés en fonction de ce potentiel et des intérêts

qu’ils ont manifestés, tout en considérant les possibilités d’emploi. » (MESS, 2008, p. 36).

Cette stratégie a également comme objectif de favoriser la représentation des personnes

handicapées dans la fonction publique québécoise et d’améliorer la transition école-travail

chez cette clientèle (MELS, 2008). Depuis les années 2000, plusieurs efforts ont été

déployés en lien avec la transition de l’école à la vie active (CAMO pour les personnes

handicapées, 2014). Aussi connue sous l’abréviation TÉVA, la transition de l’école à la vie

active est définie comme suit par l’Office des personnes handicapées du Québec :

« Ensemble coordonné et planifié d’activités axées sur l’accompagnement de

l’élève dans la réalisation de ses projets lorsqu’il aura quitté l’école,

principalement au regard de son intégration socioprofessionnelle, de sa

transformation de son réseau social, de ses loisirs, de sa participation à la

communauté et, dans certains cas, de la poursuite de ses activités éducatives.

Cette planification s’inscrit dans le plan d’intervention et le plan de services de

l’élève en plus de nécessiter la mobilisation de plusieurs partenaires » (OPHQ,

2003, p.35).

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Parmi les mesures ciblées par la Stratégie nationale se retrouvent un financement important

dans les contrats d’intégration au travail (CIT) afin de favoriser l’intégration en emploi de

personnes handicapées et une augmentation du budget destiné au Programme de

subventions aux entreprises adaptées pour augmenter la création d’emplois. Des tables de

concertation s’intéressant à l’emploi des personnes handicapées et au développement de

formations spécifiquement dédiées à cette clientèle ont vu le jour dans certaines régions

(Gouvernement du Québec, 2013). Le ministère de l’Éducation s’est joint à cette stratégie

mise en place par le ministère de l’Emploi et de la Solidarité Sociale en faisant valoir son

désir d’offrir de la formation continue aux conseillers et conseillères d’orientation sur

l’intervention auprès élèves HDAA et l’approche orientante. Le ministère de l’Éducation

a également mentionné sa volonté que les équipes régionales de soutien à l’orientation en

milieu scolaire, qui devaient alors être mises sur pied en 2008, se penchent sur ce sujet.

Dans le but d’assurer le rayonnement et la diffusion de l’information, l’idée de créer une

communauté virtuelle sur l’orientation auprès des élèves HDAA a été identifiée comme

moyen. Cette ressource serait alors disponible sur le site de l’Ordre des conseillers

d’orientation (OCCOQ), alors connu sous le libellé « Ordre des conseillers et conseillères

d’orientation et des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec ». Cette

communauté virtuelle a effectivement vu le jour depuis et offre aux parents diverses

informations pour accompagner leur enfant aux besoins particuliers dans leur

développement vocationnel. Le deuxième volet de cette stratégie qui s’étale de 2014 à 2018

suit actuellement son cours.

Les informations citées précédemment font état des efforts déployés par les secteurs de

l’éducation, de l’emploi, de la santé et des services sociaux pour mettre en place des

services adaptés aux besoins des personnes ayant diverses difficultés. L’orientation

scolaire et professionnelle fait d’ailleurs partie des services ciblés et valorisés pour venir

en aide à cette clientèle. Dans cette optique, il est intéressant de s’attarder aux écrits qui se

sont penchés plus spécifiquement sur les services d’orientation offerts aux clients

présentant des déficits variés et la situation des conseillers d’orientation qui sont appelés à

les desservir.

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18

1.6 Services d’orientation offerts aux clients HDAA

Parmi les écrits portant sur les enjeux rencontrés par les individus aux prises avec divers

handicaps, certains formulent des constats sur la capacité des services d’orientation à

répondre aux besoins de cette clientèle. Des études mettent en lumière la faible importance

et le peu de place qu’occupent les services d’orientation durant le parcours scolaire de

l’individu. En ce sens, Cummings et al. (2000) rapportent que beaucoup plus d’accent est

consacré à la sphère académique aux dépens du counseling d’orientation et de l’acquisition

de compétences nécessaires dans la vie courante. Le temps d’intervention consacré à la

remédiation de la déficience a également un impact sur l’orientation de ces jeunes, car ce

temps ne peut être investi à l’exploration professionnelle et à la préparation du choix de

carrière (Hitchings et Retish, 2000, cités dans Kerka, 2002; Luzzo et al., 1999; Adelman

et Vogel, 1993). De plus, la possibilité qu’ont les jeunes de se livrer à des activités

d’exploration de carrière, que ce soit par le biais d’un programme alternance travail-études

ou d’activités réalisées en milieu scolaire ou en milieu communautaire est variable

(Morningstar, 1997). Hitchings et al. (2001) ont relevé qu’un faible pourcentage des

étudiants interrogés a eu recours à des services d’orientation durant leurs études

secondaires. Ils ajoutent que malgré les besoins particuliers que les étudiants présentent, la

réalisation d’activités reliées à la carrière (ex. : salon de carrière, stage, bénévolat,

inventaires) demeure limitée. Cette donnée est appuyée par Hutchison et al. (1992) qui

rapportent que les jeunes à risque de décrochage scolaire ou présentant des difficultés

d’apprentissage sont peu enclins à s’engager dans des démarches structurées de choix de

carrière. Pourtant, il est primordial que ces jeunes aux besoins spécifiques bénéficient de

rencontres de counseling en orientation et qu’ils participent activement à des activités de

développement de carrière durant leurs études secondaires afin de faciliter la transition

école-travail (Hutchison et al., 1992). De tels moyens facilitent leur cheminement vers un

choix de profession qui mettra l’accent sur leurs forces et limitera les situations de handicap

rencontrées. Cela peut également contribuer au développement d’habiletés spécifiques

permettant d’augmenter leur niveau d’employabilité (ex. : entrevue, résolution de

problèmes reliés à la tâche ou aux relations avec les collègues) (Kerka, 2002).

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Or, le contexte de travail de certains c.o. complique leur pouvoir d’agir auprès de cette

clientèle. Il suffit de penser aux conseillers d’orientation des écoles secondaires qui ont des

case loads de plusieurs centaines d’élèves (Hitchings et al., 2001). De plus, dans les

milieux scolaires, il arrive que l’emphase soit mise sur les services d’éducation spécialisée

aux dépens des services d’orientation (Hitchings et al., 2001). Certains c.o. peuvent

également se sentir démunis face aux besoins de ces jeunes et avoir peu de connaissances

quant à leurs habiletés et aux ressources disponibles aux niveaux scolaires postsecondaires

(Aune et Kroeger, 1997). L’effet pervers de ce manque d’aisance à interagir avec la

clientèle HDAA est de vouloir référer ceux-ci vers d’autres intervenants, tels les éducateurs

spécialisés, et de se confiner dans des rôles plus administratifs (Hitchings et al., 2001).

Bien que ces études proviennent de l’extérieur du Québec, il demeure pertinent de s’y

attarder puisqu’il est envisageable de croire que certaines des caractéristiques sont

partagées par les services actuellement offerts au Québec. En ce sens, une enquête a été

menée en 2010 par le Groupe de travail sur l’orientation au secondaire à la formation

générale des jeunes. Celle-ci visait à sonder la réalité sur le terrain des c.o. des écoles

secondaires et a révélé que 62% des c.o. sondés n’étaient pas en mesure de répondre à la

totalité des élèves qui ressentent le besoin de consulter en orientation (Matte, 2012). À cela

s’ajoute le fait que les services d’orientation ciblent parfois exclusivement les élèves

exempts d’handicap ou de difficulté (MELS, 2010). Ces constats sont inquiétants sachant

l’impact que ces services peuvent entraîner sur le futur de ces jeunes.

D’ailleurs, la pertinence des conseillers d’orientation face à la clientèle HDAA a été

renforcée par l’arrivée de la loi 21 au cours des dernières années. Cette loi est venue

accorder aux conseillers d’orientation certaines activités réservées dont les suivantes :

« évaluer un élève handicapé ou en difficulté d'adaptation dans le cadre de la détermination

d'un plan d'intervention en application de la Loi sur l'instruction publique » et « évaluer

une personne atteinte d’un trouble mental ou neuropsychologique attesté par un diagnostic

ou par une évaluation effectuée par un professionnel habilité» (Gouvernement du Québec,

2015). De se voir accorder ces activités réservées est venue reconnaître la compétence des

conseillers d’orientation à intervenir auprès de ces clientèles vulnérables, dont fait partie

la clientèle présentant une dysphasie sévère. Une étude québécoise menée en 2010 qui

Page 29: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

20

visait à s’informer des pratiques des conseillers d’orientation en matière d’évaluation

psychométrique relativement avec l’arrivée de la loi 21 a fait ressortir que seulement 1%

des conseillers d’orientation interrogés ont rapporté avoir évalué un élève HDAA (Yergeau

et al., 2012). Cela revient à dire que leur implication auprès de cette clientèle est encore

limitée, comme le souligne les études citées précédemment.

Dans un autre ordre d’idées, McCowen et Mckenzie, (1994, cités dans Raeye, 1999)

soulignent la pertinence d’élaborer un plan de transition afin de structurer l’intervention et

de favoriser la capacité du jeune à s’acquitter des tâches vocationnelles développementales.

Ce plan d’action peut faire appel à divers moyens : réalisation d’activités professionnelles

dans la communauté, mise en lien du jeune avec des personnes-ressources, soutien

individuel, activités dans la classe et accès à de l’information scolaire et professionnelle.

Or, certaines études américaines font ressortir que les plans d’action personnalisés pour

faciliter le passage du milieu scolaire vers autre milieu sont établis trop tardivement durant

le cheminement scolaire de ces jeunes. Il arrive même que certains jeunes n’aient pas de

tel plan notamment en raison de la mauvaise concordance entre le moment de

l’établissement de ces plans et l’identification de leur handicap (Hitchings et al., 2010).

Lorsque de tels plans sont mis en place, il est primordial d’impliquer les jeunes afin que

les plans soient en cohérence avec eux (Hitching et al., 2001). Un travail en partenariat

avec les parents du jeune et d’autres membres de l’équipe a également avantage à être

prôné (Burkhead et Wilson, 1995). La pertinence pour les intervenants de travailler en

étroite collaboration pour mieux cibler et répondre aux besoins de ces clients en matière de

choix de carrière est soulignée par plusieurs études. Ce partenariat peut se faire avec des

intervenants à l’interne (ex. : professeur, professionnels des autres services

complémentaires) mais également avec des ressources externes (Hutchinson, 1995;

Hitchings et al., 2001; Morningstar, 1997). L’importance accordée à la coordination des

ressources est également retrouvée dans des écrits québécois. À cet effet, l’Office des

personnes handicapées du Québec mentionne que la démarche d’insertion sur le marché du

travail engagée par l’école doit être poursuivie en impliquant divers partenaires et en

coordonnant les actions de chacun (OPHQ, 2003). Il suffit de penser aux partenaires

provenant des secteurs de l’emploi et de la réadaptation. Or, dans son rapport daté de 2003,

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21

l’OPHQ fait le constant que « les différents réseaux impliqués auprès des jeunes personnes

handicapées n’ont pas systématiquement le réflexe de se concerter dans le but d’explorer

différentes opportunités et de planifier de manière coordonnée, en collaboration avec les

personnes concernées, les actions à entreprendre pour leur avenir. » (p.5). Chaque milieu

travaille de façon indépendante et échange peu avec les autres ressources sur les actions

entreprises. « Le milieu scolaire répond au besoin de formation du jeune jusqu’à 21 ans et

le milieu de la réadaptation et les ressources intervenant au niveau de l’intégration en

emploi, agissent, la plupart du temps, seulement lorsque le jeune quitte l’école. » (p.5).

Bref, plusieurs jeunes aux prises avec des handicaps s’en remettent aux secteurs de la

réadaptation, à l’éducation des adultes, etc. pour les soutenir dans cette transition (OPHQ,

2003). Ce manque de coordination qui fait en sorte que l’intensité du soutien diminue une

fois que le jeune a quitté le milieu scolaire, place ce dernier dans une zone de plus grande

fragilité (Armstrong et Davies, 1995). Sachant que ce constant fait par l’OPHQ date de

2003, il est légitime de se questionner sur l’organisation actuelle des services d’orientation,

d’autant plus que plusieurs initiatives, telles que décrites précédemment, ont été mises en

place depuis.

En résumé, une multitude de facteurs risquent de se répercuter sur le processus

d’orientation des individus présentant un handicap ou des difficultés d’apprentissage.

Certaines études soulèvent le fait que les services d’orientation semblent souvent

insuffisants en termes de disponibilité et d’accessibilité et ne répondent pas nécessairement

aux besoins spécifiques de ces clients. Toutefois, il demeure que des avancées ont été faites

dans les secteurs de l’éducation, de l’employabilité ainsi que de la santé et des services

sociaux. Avec l’implantation de la loi 21, l’augmentation de l’effectif d’élèves ayant une

déficience langagière et l’accroissement du nombre de demandes provenant d’adultes

dysphasiques dans les centres de réadaptation, les c.o. risquent d’être de plus en plus

appelés à intervenir auprès de clients dysphasiques que ce soit dans les écoles, les

organismes en employabilité et les centres de réadaptation. Cette clientèle présente des

difficultés persistantes qui risquent de se répercuter sur leur cheminement professionnel

telles de faibles habiletés en littératie (Whitehouse et al., 2009a), des difficultés

d’apprentissage (Whitehouse et al., 2009b) et des difficultés relationnelles (Durkin et

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Conti-Ramsden, 2007; Whitehouse et al., 2009b; St.Clair et al., 2011). Actuellement,

aucun écrit n’existe sur les enjeux rencontrés par les conseillers d’orientation qui

accompagnement la clientèle dysphasique plus spécifiquement. Pourtant, ce sujet s’avère

particulièrement intéressant afin de faire émerger les aspects qu’il importe de considérer

dans l’intervention directe auprès de cette clientèle et l’organisation des services pour une

pratique plus adaptée. Cela permet également de conscientiser les c.o. qui interviennent

nouvellement avec cette clientèle à certains obstacles et difficultés possibles. De mettre en

lumière les enjeux et obstacles permet, dans un autre ordre d’idées, d’entamer une réflexion

sur les pistes d’amélioration envisageables pour bonifier les services d’orientation qui leur

sont offerts. De s’attarder précisément à la clientèle dysphasique est pertinent, car comme

le souligne le MESS (2007), selon la problématique présentée par la personne et ses

limitations fonctionnelles, les besoins et les difficultés reliés à l’intégration sur le marché

du travail différeront ainsi que les services disponibles (MESS, 2007). Ainsi, il est possible

d’émettre l’hypothèse que les enjeux et obstacles ressortis par les c.o. intervenant auprès

des clients dysphasiques pourraient différer de ceux rencontrés par des c.o. intervenant

auprès de clients présentant d’autres types de déficits. Pour toutes ces raisons, le présent

projet de recherche vise à explorer la réalité « terrain » des c.o. intervenant spécifiquement

auprès d’adolescents et d’adultes dysphasiques. Il vise, plus précisément, à répondre à la

question de recherche suivante : Quels sont les enjeux et les obstacles rencontrés par les

conseillers d’orientation accompagnant les adolescents et les adultes présentant une

dysphasie modérée à sévère dans leur choix de carrière?

Page 32: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

CHAPITRE II

CADRE CONCEPTUEL

Comme le définira ultérieurement la méthodologie, les enjeux et obstacles rencontrés par

les c.o. seront explorés à deux niveaux, soit sur les plans de l’intervention directe auprès

de ces clients ainsi que de l’organisation des services. Afin de bien saisir les résultats qui

seront traités ultérieurement, la présente section abordera divers sujets essentiels. Une

description des diverses composantes du langage sera d’abord fournie suivie d’une

définition élaborée de la dysphasie et de ses impacts sur l’individu, non seulement en ce

qui concerne la sphère langagière, mais également sur les plans social, affectif, scolaire et

professionnel. La distinction entre dysphasie, retard du langage et trouble du langage, au

sens large, sera également présentée.

2.1 Le langage et ses composantes

Qu’il soit verbal (oral et écrit) ou non-verbal (ex. : gestes, expressions faciales), le langage

est omniprésent et c’est par son intermédiaire qu’une personne communique, c’est-à-dire

qu’elle transmet et reçoit un message. Ce message est composé d’idées, de sentiments,

d’informations échangés par des interlocuteurs sur le monde qui les entoure. Il devient alors

clair que le langage est un médium essentiel et majeur dans l’acquisition et la transmission

de connaissances ainsi que dans l’établissement de relations sociales (Commission scolaire

des Découvreurs et Commission scolaire des Navigateurs, 2011). C’est par son biais que

la pensée s’élabore pour ensuite être exprimée et l’humain apprend à parfaire l’utilisation

de cet outil complexe tout au long de son développement et de son existence. Il contribue

au développement de la personne sur les plans cognitif, affectif et social (Commission

scolaire des Découvreurs et Commission scolaire des Navigateurs, 2011). Dès lors, il est

possible d’appréhender que les conséquences entraînées par une atteinte langagière sont

non négligeables.

Page 33: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

24

Le langage oral se divise en trois grandes composantes : le contenu, la forme et l’utilisation

(Bloom et Lahey, 1978). Le contenu, aussi appelé sémantique, correspond à une taxonomie

que l’individu possède et qu’il peaufinera tout au long de son développement. Il correspond

à la représentation linguistique du savoir qu’a la personne sur le monde, sur divers objets

pris dans son sens général, les événements et les relations existantes entre ces éléments

(Bloom et Lahey, 1978). La forme, pour sa part, représente l’actualisation de cette

représentation linguistique en un code empreint de sens, par le biais de sons (phonologie),

d’unités linguistiques (morphologie) et d’un système de règles régissant la combinaison de

ces unités de sens (syntaxe) (Bloom et Lahey, 1978).

La phonologie regroupe tous les sons (phonèmes) présents et distincts dans une langue et

réfère aux règles de combinaisons selon lesquelles les sons sont associés pour former des

mots (Sutton, 2004).

Chaque individu possède un lexique dont l’étendue est variable et qui est composé de

diverses classes de mots telles que des noms, verbes, adjectifs, pronoms, conjonctions et

prépositions. La morphologie s’intéresse à la forme et à la structure des mots pris de

manière isolée (Sutton, 2004). Les mots sont composés de morphèmes, soient les plus

petites unités grammaticales permettant d’apporter des nuances de sens (Sutton, 2004;

Cronk, 2005). Par exemple, le « rice » ajouté au morphème lexical « lect » permettra

d’obtenir le féminin de lecteur alors que le morphème -era ajouté au morphème de base

étudi- permet d’en arriver à la forme future étudiera. Comme ces exemples l’illustrent, les

morphèmes sont assemblés en respectant diverses règles de combinaison et certains d’entre

eux servent à apporter des nuances de sens, de genre ou de temps (Cronk, 2005). La syntaxe

réfère aux règles qui déterminent l’ordre et l’organisation des mots pour former des phrases

(Sutton, 2004). Dans la phrase « L’enseignant de mathématiques a déposé l’examen sur le

bureau de Jonathan », l’ordre des mots est primordial, car en inversant ceux-ci, le sens

obtenu diffère (ex. : « L’enseignant de mathématiques a déposé le bureau de Jonathan sur

l’examen. »). Les aspects morphologiques et syntaxiques du langage sont étroitement reliés

Page 34: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

25

et c’est pourquoi ces deux composantes sont souvent abordées simultanément sous le terme

morphosyntaxe.

Arrive finalement l’utilisation, aussi connue sous le terme pragmatique, qui correspond aux

façons dont l’individu emploie le langage dans le but d’atteindre des buts communicatifs

dans un contexte social (Sutton, 2004). Elle réfère plus précisément à la régie de l’échange,

aux actes de langage et aux règles du discours. La régie de l’échange est la capacité de

l’individu d’initier la communication, de maintenir et de fermer le sujet de conversation,

de réparer les bris de communication, de s’adapter à l’interlocuteur en tenant compte de

son savoir, de qui il est et au contexte de communication. L’utilisation se compose

également des actes ou fonctions du langage, soit les raisons pour lesquelles l’individu

emploie le langage (ex. : saluer, demander, utiliser l’humour, protester, argumenter)

(Bloom et Lahey, 1978). Quand une personne utilise le langage pour entre autres raconter

ou expliquer, certaines règles doivent être respectées. Parmi celles-ci se trouve la règle de

quantité (ex. : donner suffisamment d’informations pertinentes à l’interlocuteur pour

favoriser sa compréhension), de qualité (ex. : utiliser le vocabulaire adéquat), de pertinence

(ex. : ne pas faire de coq-à-l’âne) et de manière (ex. : délais de réponse, contact visuel,

intonation). Les exemples fournis démontrent que l’utilisation s’intéresse à la fois au

langage verbal et non-verbal.

Lorsqu’une personne présente un trouble du langage au sens large, ce sont une ou plusieurs

de ces composantes qui sont touchées et les difficultés affectent les versants réceptif

(compréhension du message) et expressif (expression du message) ou seulement le versant

expressif. Les habiletés reliées au versant réceptif sont celles qui permettent à la personne

d’interpréter les unités sonores du langage oral (Chevrier-Muller et Narbona, 2004). Au-

delà de posséder des habiletés auditives suffisantes, l’individu doit posséder des capacités

perceptives ou gnosiques adéquates. Ces dernières permettent d’une part à l’individu de

« découper dans son environnement sonore des éléments chargés de sens » (Chevrier-

Muller et Narbona, 2004, p.206) parmi les bruits quotidiens entendus (ex. : sonnerie du

cellulaire, voix d’un proche) (Chevrier-Muller et Narbona, 2004). Elles réfèrent également

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à la capacité qu’a la personne de découper le langage entendu, qui constitue une chaîne

d’événements sonores, en éléments significatifs (Chevrier-Muller et Narbona, 2004). C’est

cette habileté qui permet entre autres à l’individu de faire la différence entre des mots

similaires tels que « fou » et « vous ». Il arrive que bien que l’audition et les habiletés

perceptives de l’individu soient adéquates, des difficultés réceptives persistent et celles-ci

peuvent être d’origine linguistique. Lorsque des difficultés de compréhension sont

présentes, celles-ci sont susceptibles d’affecter les composantes langagières énoncées

précédemment : contenu, forme, utilisation. L’individu peut présenter un vocabulaire

passif (compris) réduit, avoir des difficultés à comprendre des marques

morphosyntaxiques, des énoncés ou le discours (Chevrier-Muller et Narbona, 2000). Plus

concrètement, un individu pourrait uniquement retenir la fin des phrases à plusieurs

éléments (Cronk, 2004) et éprouver des difficultés à comprendre des structures syntaxiques

complexes (ex. : «Avant de parler de ton parcours scolaire, parle-moi des emplois que tu

as occupés. »). Il pourrait également présenter une difficulté durable à saisir le sens élargi

de certains mots (ex. : « mes mains tremblaient » : j’étais nerveuse) ou ne pas être en

mesure de saisir le sens figuré (ex. : La phrase « La dame cognait des clous » serait

comprise littéralement) (Cronk, 2004). Comme la compréhension du langage nécessite

également de « confronter le message reçu aux connaissances déjà intégrées » il est

nécessaire « de tenir compte des capacités cognitives de l’enfant et de l’environnement

dans lequel il s’est développé » (Chevrier-Muller et Narbona, 2004, p.207). Il en est de

même pour un déficit d’attention qui pourrait interférer avec les habiletés réceptives du

langage (Chevrier-Muller et Narbona, 2004).

Le versant expressif réfère à l’expression du message. Lorsque ce versant est atteint, tout

comme le versant réceptif, diverses composantes du langage peuvent être touchées. Au

plan phonologique, « la programmation, c’est-à-dire le choix des sons qui entrent dans la

constitution d’un mot ainsi que leur mise en séquence correcte, peut être perturbée »

(Chevrier-Muller et Narbona, 2004, p.208). Un individu qui a des difficultés sur ce plan

pourra omettre les sons d’un mot, en ajouter, les produire incorrectement, les substituer par

d’autres ou même les déplacer (ex. : conseiller d’orientation→conseiller d’oriention). Les

atteintes peuvent également atteindre la morphosyntaxe et celles-ci sont variables. Dans

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certains cas, les énoncés produits par l’individu peuvent être plus courts et moins

complexes que ceux attendus habituellement à son âge. Des confusions ou des omissions

peuvent survenir en lien avec les composantes de la phrase (ex. : sujet de la phrase). Les

mots-fonctions (ex. : pronoms, prépositions) peuvent être omis (ex. : Je parle de mon ami

(qui) i’est dans ma classe. ») ou remplacés par d’autres formes (ex. : Il a un chat sur (dans)

ses bras) (Cronk, 2004). De plus, des difficultés à utiliser les morphèmes de genre, de

nombre et de temps peuvent être relevées (Lalonde, 2004). Les difficultés d’accès lexical

sont un autre exemple de difficultés pouvant apparaître dans le cas d’un trouble du langage

(Lalonde, 2004). La personne qui veut dire un mot peut le remplacer par une autre qui est

près sémantiquement (ex. : dire « demain » au lieu d’«hier »), donner une description du

mot ou faire des pauses dans son discours. Finalement, des difficultés d’utilisation peuvent

être présentes où la personne fait du coq-à-l’âne, c’est-à-dire qu’elle passe d’un sujet à un

autre sans en aviser son interlocuteur et n’établit pas de liens logiques entre les éléments

de son message et les commentaires qu’elle enchaîne (Cronk, 2004). Cela pourrait

également se manifester par la difficulté qu’a la personne de répondre aux besoins de son

interlocuteur. Il peut s’agir de ne pas mettre la personne en contexte par rapport au sujet

discuté ou de ne pas réparer les bris de communication qui surviennent (Cronk, 2004). Un

trouble de l’utilisation peut aussi se traduire par les difficultés qu’a l’individu à respecter

les mécanismes permettant le bon déroulement de l’échange (ex. : parler en même temps

que l’interlocuteur) (Cronk, 2004).

2.2 Trouble primaire du langage / dysphasie

2.2.1 Description

En 2004, l’OOAQ a publié un guide visant à faire le point sur ce qu’est la dysphasie et sur

les étapes pouvant mener à l’établissement d’une conclusion orthophonique confirmant la

présence de ce trouble. L’une des recommandations faites aux orthophonistes par le biais

de cette publication était alors de privilégier le terme « trouble primaire du langage » au

terme « dysphasie ». L’utilisation du qualificatif « primaire » a son importance ici puisque

cela signifie que le trouble du langage n’est causé par aucune autre déficience telle une

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déficience intellectuelle, un trouble envahissant du développement ou une surdité. En

somme, cela signifie que c’est l’atteinte langagière qui prédomine. Bien que le terme

« trouble primaire du langage » soit recommandé, les termes dysphasie et trouble primaire

du langage seront utilisés de manière interchangeable afin de faciliter la lecture.

La dysphasie, d’origine neurologique, est un trouble du langage qui touche plus de garçons

que de filles. Actuellement, bien que l’hérédité joue un rôle dans son apparition, les autres

causes demeurent floues (Commission scolaire des Découvreurs et Commission scolaire

des Navigateurs, 2011). Elle est définie de la façon suivante par l’OOAQ (2004) :

«Trouble primaire du langage, dans les sphères expressive ou expressive et

réceptive, qui s’observe par des atteintes variables affectant le développement

de plus d’une composante du langage : phonologie, morphologie, syntaxe,

sémantique, pragmatique. En plus d’une hétérogénéité des manifestations de

ce trouble d’un individu à l’autre, il se caractérise, chez un même individu, par

sa persistance, la variabilité du portrait clinique dans le temps, de même que

par une forte probabilité qu’il y ait peu d’évolution sans intervention. La

dysphasie est souvent accompagnée d’autres signes et peut aussi, coexister

avec d’autres déficiences. La dysphasie a des répercussions qui peuvent

entraver le développement et le fonctionnement de l’individu sur les plans

personnel, social, scolaire et professionnel. Par conséquent, la dysphasie

engendre des situations de handicap et des préjudices variables pour l’individu

et son entourage selon les circonstances et à tous les âges de la vie. » (p.5)

Selon les écrits consultés, de leur provenance et de leur année de publication, divers termes

sont employés pour désigner le trouble primaire du langage : audimudité, aphasie

congénitale, syndrome dysphasique, dysphasie développementale, dysphasie et trouble

spécifique du langage. Dans les écrits anglophones, il est fréquent de voir les termes

specific language impairment (SLI), language impairment et developpemental language

disorder. Il importe de mentionner que ces appellations ne correspondent pas

nécessairement au trouble primaire du langage tel que défini par l’OOAQ (OOAQ,

2004). La conceptualisation de la dysphasie en Europe diffère également de celle

actuellement adoptée au Québec. Alors qu’au Québec la dysphasie peut être de sévérité

variable, en Europe, le terme dysphasie est plutôt utilisé quand il est question d’une atteinte

sévère du langage (Herbaux-Laborbe, 2013). Tel que mentionné précédemment, les termes

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dysphasie et trouble primaire du langage seront utilisés de façon interchangeable.

Toutefois, lorsque nous référerons à des écrits anglophones utilisant d’autres terminologies

(ex. : SLI), ces dernières seront privilégiées à partir de ce point-ci de l’essai.

2.2.2 Manifestations

Considérant que l’OOAQ (2004) souligne que les manifestations de ce trouble langagier

évoluent avec le temps, nous nous concentrerons principalement sur des exemples de

manifestions langagières qui persistent à l’âge scolaire, à l’adolescence et l’âge adulte. À

ce sujet, les études démontrent qu’en grandissant, l’adolescent et l’adulte présentant un SLI

continueront de présenter des atteintes sur le plan du langage et de la communication

(Whitehouse et al., 2009a) mais ces difficultés sont variables d’un individu dysphasique à

l’autre (OOAQ, 2004). Les données actuellement disponibles démontrent que des jeunes

âgés de 8 ans et plus, adolescents et jeunes adultes dysphasiques éprouvent toujours des

difficultés à saisir les phrases longues et complexes, certains concepts de temps (ex. : dates,

heure) et d’espace (Beauregard et al., 2009 ; Desharnais et O’Leary, 2011). Une des

répercussions de ces difficultés pourrait être qu'un client dysphasique se présente en retard

aux rendez-vous avec son conseiller d’orientation. Le jeune dysphasique éprouve des

difficultés à objectiver et des difficultés à trouver ses mots (difficultés d’accès lexical)

(Commission scolaire des Découvreurs et Commission scolaire des Navigateurs, 2011;

Lalonde, 2004) ce qui fait en sorte que la communication perd de sa fluidité et peut frustrer

le jeune qui risque d’abandonner l’échange. Le discours de l’élève dysphasique d’âge

scolaire présente des faiblesses sur le plan de la clarté et de la pertinence des informations

qu’il contient et les fonctions plus complexes du langage, dont la négociation et

l’argumentation, demeurent difficiles (Desharnais et O’Leary, 2011). L’amorce, le

maintien et la conclusion d’un échange avec un interlocuteur risquent de présenter des

lacunes (Desharnais et O’Leary, 2011) et le jeune peut avoir des difficultés à situer son

interlocuteur à la fois sur les plans du sujet que du contexte (Table régionale de réflexion

sur les services éducatifs dispensés au secondaire aux élèves ayant une difficulté langagière

ou une dysphasie, 2006).

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Que ce soit à l’adolescence ou l’âge adulte, l’humour, l’ironie, les proverbes, le langage

ado et les expressions peuvent être comprises de manière littérale (ex. : Tu t’es mis le pied

dans la bouche) et par conséquent, mal employées. Ces difficultés représentent un enjeu

majeur, particulièrement à l’adolescence, où le jeune désirant faire partie du groupe doit

être en mesure de comprendre ces subtilités (Boissonneault, 2012). L’étude de Beauregard

et al. (2009) fait état du fait que les parents perçoivent qu’en grandissant, leur jeune

dysphasique est en mesure de produire des phrases plus longues et complexes bien qu’elles

puissent contenir des erreurs, ce qui diminue le recours aux gestes. Chez les adolescents et

les jeunes adultes, les conversations téléphoniques représentent encore un enjeu en raison

de l’absence de tout support visuel (Beauregard et al., 2009). Des difficultés persistantes

chez les jeunes adultes avec un historique de SLI sont également dénotées sur le plan de la

mémoire verbale à court terme, de la grammaire réceptive et de la conscience phonologique

(Whitehouse et al., 2009a). Les jeunes adultes avec un historique de SLI feraient également

davantage d’erreurs dans la production des mots, auraient un vocabulaire plus limité et des

habiletés moindres en littératie (Whitehouse et al., 2009a). Les difficultés langagières

décelées tôt chez les enfants ayant un SLI de même que leurs difficultés ultérieures en lien

avec la littératie auraient un impact important dans la capacité de ces adolescents de devenir

indépendants dans la réalisation de diverses habitudes de vie (Conti-Ramsden et Durkin,

2008).

Dans son Guide portant sur le trouble primaire du langage/dysphasie, l’OOAQ (2004)

souligne que des lacunes touchant l’organisation dans l’espace, la perception et la motricité

peuvent être relevées chez les jeunes dysphasiques sans toutefois apporter une précision

quant à l’âge. Les fonctions exécutives risquent également d’être touchées et peuvent

notamment se traduire par une diminution de l’inhibition et une rigidité comportementale.

Les personnes dysphasiques risquent également de présenter d’autres difficultés touchant

entre autres la capacité à abstraire, à généraliser, à transférer les apprentissages dans

d’autres contextes et à anticiper (OOAQ, 2004). De la fatigabilité et une vitesse d’exécution

ralentie peuvent aussi être relevées chez la personne dysphasique en plus d’autres troubles

associés (ex. : trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité, dyspraxie, anxiété) ce

qui nuit, évidemment, aux apprentissages réalisés (OOAQ, 2004). Ces difficultés peuvent

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entraîner des manifestations variables dans la vie de ces individus. Il est possible, à titre

d’exemple, que le client dysphasique oublie facilement des informations et qu’il ait du mal

à organiser son matériel. Cette désorganisation est aussi notable dans les travaux scolaires

(Table régionale de réflexion sur les services éducatifs dispensés au secondaire aux élèves

ayant une difficulté langagière ou une dysphasie, 2006).

2.2.3 Conséquences sur le plan scolaire

Puisque le langage est le médium le plus utilisé pour véhiculer les notions, et ce de façon

décontextualisée (OOAQ, 2004), les clients dysphasiques sont particulièrement

désavantagés lorsqu’il est question d’apprentissages scolaires. Herbaux-Laborbe (2013)

souligne à cet effet que le parcours scolaire des clients dysphasiques sera très souvent

parsemé d’embûches.

Les difficultés sur le plan du langage oral sont susceptibles de se répercuter sur le langage

écrit (lecture et écriture) (Stothard et al.,1998, et Snowling et al., 2000 cités dans

Whitehouse et al., 2009). De plus, les clients dysphasiques risquent de présenter des

difficultés sur le plan des habiletés mathématiques (Beitchman et al., 1996). Cette réalité

entraîne un écart qui se creuse, au fil du temps, entre la performance académique réelle et

attendue considérant l’âge chronologique du client (Beitchman et al., 1996). Des études

ont démontré que les difficultés langagières étaient très souvent à la source des troubles

d’apprentissage. En ce sens, «il semblerait que 80% des enfants ayant des troubles

d’apprentissage ont également des troubles de langage» (AQETA, 2012). Cela est

facilement compréhensible. Une personne ayant un faible vocabulaire à l’oral aura un

vocabulaire limité à l’écrit. Dans le même sens, si une personne éprouve des difficultés à

saisir des phrases longues et complexes, la compréhension de textes plus denses risque

d’être ardue.

En fonction du profil de la personne dysphasique et des ressources disponibles dans la

commission scolaire, diverses modalités de service seront privilégiées durant son parcours

Page 41: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

32

à la formation générale des jeunes : intégration en classe ordinaire, en classe spéciale ou

dans des écoles spécialisées qui s’adressent à des élèves présentant un handicap ou un profil

de difficultés semblables (Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, 2010). Les classes

spéciales peuvent être de deux types. D’une part, elles peuvent être homogènes et regrouper

des élèves présentant sensiblement le même type de difficultés. L’autre catégorie réfère à

des classes spéciales dites hétérogènes qui regroupent des élèves aux profils de difficultés

variés (MELS, 2009).

Les classes de langage ou classes de communication sont les appellations que portent

souvent les classes spéciales regroupant des élèves dont les principales difficultés touchent

la sphère langagière et qui nécessitent un enseignement adapté. Durant l’année scolaire

2010-2011, 63,8% des élèves du préscolaire, du primaire et du secondaire, reconnus par le

ministère comme ayant une déficience langagière (code 34) étaient intégrés dans une classe

spéciale, soit la majorité (OPHQ 2010-2011, cité par CAMO pour personnes handicapées,

2014). Malgré ce haut pourcentage, ce ne sont pas toutes les commissions scolaires qui ont

la même latitude quand il est question de créer des classes spéciales. Tel est le cas des

commissions scolaires en région dont l’effectif parfois plus réduit d’élèves HDAA fait en

sorte que le financement reçu rend impossible la création de telles classes (MELS, 2009).

Ainsi, c’est aux équipes-écoles que revient le devoir d’ajuster leurs services et de les

individualiser en fonction des besoins des élèves ciblés (MELS, 2009). De plus, lorsqu’un

jeune intègre une classe adaptée, cela peut signifier que sa fréquentation scolaire

s’effectuera dans un autre établissement que son école de quartier (Commission scolaire

Marguerite-Bourgeoys, 2010). Il demeure que c’est au secondaire que la proportion de

classes spéciales était la plus importante en rapport au nombre total de ces classes au

Québec entre les années scolaires 1999-2000 et 2006-2007. En 2007-2008, 20% des classes

au secondaire étaient des classes spéciales (MELS, 2009).

Aucune donnée québécoise n’a été recensée sur le parcours scolaire spécifique des élèves

présentant une dysphasie sévère. Il est possible de supposer que certains poursuivront leur

scolarité en classe spéciale alors que d’autres intégreront les parcours de formation axés

Page 42: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

33

sur l’emploi. Ce programme, qui s’effectue en alternance travail-études, comporte deux

voies (formation préparatoire au travail (FPT) et une formation menant à l’exercice d’un

métier semi-spécialisé (FMSS)) et s’adresse aux élèves qui accusent un retard académique

(Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, 2010). La formation préparatoire au travail

cible les jeunes âgés de moins de 15 ans qui, au terme du 1er cycle du secondaire, n’ont pas

les acquis scolaires en langue française et mathématiques correspondant au Programme de

formation de l’enseignement primaire. La FPT est d’une durée de trois ans a comme visée

de favoriser l’intégration des jeunes au marché du travail et à pouvoir fonctionner en

société. Au terme de cette formation, l’élève obtient un certificat émis par le ministère de

l’Éducation. Une passerelle peut s’effectuer en 2e année et mener à l’apprentissage d’un

métier semi-spécialisé, sous réserve de respecter certaines conditions. La formation menant

vers l’exercice d’un métier semi-spécialisé, pour sa part, s’adresse aux élèves du même

groupe d’âge. Or, à la fin du 1er cycle du secondaire, ceux-ci doivent avoir atteint les

objectifs du Programme de formation de l’enseignement primaire en langue française et

mathématiques sans toutefois avoir obtenu d’unités du 1er cycle du secondaire. Au terme

de l’année que dure cette formation, le ministère de l’Éducation décerne à l’élève un

certificat officiel de formation à un métier spécialisé et cette fois-ci, avec mention du

métier. Bien que le parcours de formation axé vers l’emploi débouche directement sur le

marché du travail, il arrive que des élèves issus de ces programmes poursuivent leurs études

en formation professionnelle ou même en formation générale à condition de remplir

certaines exigences (MELS, 2013). Sachant que plusieurs des élèves âgés de 16 à 18 ans

accusent des retards scolaires, il est possible que certains poursuivent leurs études

secondaires à la formation aux adultes en vue d’une éventuelle intégration sur le marché

du travail, comme c’est les cas pour plusieurs élèves HDAA (CAMO pour personnes

handicapées, 2014). Il est plausible de penser que certains élèves dysphasiques s’engagent

également en formation professionnelle. C’est ce qu’ont relevé Whitehouse et al. (2009b)

qui mentionnent que les jeunes présentant un SLI tendent à s’orienter vers des études

professionnelles puisqu’elles exigent souvent un niveau moindre sur le plan des habiletés

langagières et de la littératie. Des études ont rapporté que certains adultes présentant des

troubles du langage ont atteint des niveaux scolaires postsecondaires. Tel est le cas dans

l’étude de Haynes et Naidoo (1991, citées dans Chevrier-Muller, 2004). Cependant, aucune

Page 43: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

34

information n’est disponible quant à la nature et la sévérité des troubles du langage

présentés par les sujets. Il est donc difficile de savoir si des personnes présentant une

dysphasie sévère faisaient partie de l’échantillon.

2.2.4 Conséquences sur le plan professionnel

Les difficultés d’apprentissage rencontrées par les élèves dysphasiques auront

inévitablement un impact sur l’éventail des professions accessibles. L’insertion

socioprofessionnelle, qui représente une étape charnière pour le jeune qui acquiert

davantage d’autonomie, représente également un enjeu. En ce sens, Boissonneault (2012)

rapporte que les stages en milieu de travail des élèves dysphasiques peuvent représenter

une étape difficile à réussir puisque les employeurs ne sont pas ou sont insuffisamment

informés sur la dysphasie, sur ses impacts et sur les façons de s’adapter. D’autres enjeux

peuvent également se présenter. En ce sens, la personne dysphasique peut recevoir des

consignes rapidement, sans bénéficier de support visuel. De plus, selon le secteur ou

l’emploi occupé, un vocabulaire spécifique y sera associé et la personne devra en saisir le

sens pour réaliser le travail et communiquer avec ses collègues (Pouliot et Désormiers,

2007). Étant donné l’accent mis sur la nécessité de performer, il est attendu du stagiaire

qu’il comprenne rapidement et s’exprime efficacement (Pouliot et Désormiers, 2007). Or,

cela représente un défi pour un stagiaire dysphasique. La dysphasie étant un handicap

invisible, l’entourage professionnel n’y est pas sensibilisé aux premiers abords et les

difficultés que le jeune rencontrera dans son insertion socioprofessionnelle mettent à risque

son sentiment de compétence (Pouliot et Désormiers, 2007).

L’évolution du marché du travail qui s’est muté au fil des ans passant d’une économie

manufacturière à une économie de services a également une influence sur les impacts

qu’aura la déficience langagière sur l’insertion socioprofessionnelle. L’augmentation de la

précarité d’emploi, la mondialisation, l’optimisation des coûts et la diminution des effectifs

amènent les travailleurs à devoir s’adapter aux exigences toujours croissantes du marché

du travail en devant faire plus vite avec moins (Bigler, 2008). Les entreprises exigent

Page 44: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

35

maintenant aux travailleurs de s’investir psychologiquement en faisant preuve d’une plus

grande flexibilité morale, en s’identifiant à l’entreprise et à ses résultats et en

personnalisant sa relation avec cette dernière. La complexité croissante des emplois qui

place des exigences élevées sur les travailleurs qui doivent être aptes à organiser plusieurs

tâches, interagir avec des personnes aux passés divers et à travailler indépendamment

(Sturomski, 1996, cité dans Hitchings et al., 2001). À cela s’ajoute l’évolution des

technologies, la compétition et les demandes des consommateurs croissantes. Des

compétences de base en lecture, écriture et mathématiques sont requises afin que les

employés puissent résoudre les problèmes quotidiens auxquels ils sont confrontés

(Hitchings et al., 2001). Ces changements dans la nature et l’évolution rapide du travail

engendrent, bien évidemment, du stress, de l’angoisse chez les individus (Le Galès-Camus,

2006, cité dans Kirouac, 2007). Bref, l’ensemble de ces enjeux risquent d’avoir des impacts

sur l’employabilité des personnes dysphasiques.

2.2.5 Conséquences sur les plans social et affectif

La sphère sociale représente une autre zone de difficultés chez les clients, jeunes et adultes

ayant un trouble du langage (Conti-Ramsden et Botting, 2004; Whitehouse et al., 2009b).

Les jeunes présentant des difficultés langagières se retrouvent fréquemment victimes

d’intimidation à l’école (Conti-Ramsden et Botting, 2004). Dans leur communication

portant sur le devenir des enfants dysphasiques, Beauregard et al. (2009) démontrent que

malgré ces obstacles, plusieurs dysphasiques arriveront à maintenir des relations d’amitié

ainsi que des relations intimes. Il demeure toutefois que l’établissement de relations

amicales et amoureuses demeure un défi pour eux. C’est ce qui ressort de l’étude de Clegg

et al. (2005) qui fait état que plus de la moitié des adultes dysphasiques de l’échantillon

étudié possédaient un réseau social limité et qu’un tiers des participants avaient déjà été

mariés ou engagés dans une relation avec un conjoint de fait. Durkin et Conti-Ramsden

(2007), pour leur part, mettent en relief que les relations amicales des adolescents de 16

ans ayant un SLI sont de plus faible qualité. À cet effet, 40% des 120 participants à l’étude

ont mentionné avoir des relations amicales pauvres.

Page 45: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

36

Des symptômes d’anxiété et de dépression, une personnalité de type « antisociale » et une

faible estime de soi sont des exemples de problématiques liées à la santé émotionnelle qui

sont susceptibles d’être retrouvées chez plusieurs adolescents ou adultes dysphasiques.

(Whitehouse et al., 2009b; Beitchman, 2005; Wadman et al., 2008 cités dans Herbaux-

Laborbe, 2013; Conti-Ramsden et Botting, 2004). Les obstacles rencontrés par la personne

dysphasique au plan scolaire et social se répercutent évidemment sur sa sphère affective.

Cette personne, qui est appelée à traverser des échecs répétés durant son parcours, a une

faible estime et peut présenter une anxiété de performance (Revol, 2001 cité dans Herbaux-

Laborbe, 2013). Certains des jeunes dysphasiques associent leurs difficultés à un manque

d’intelligence, bien que très souvent, ce ne soit pas le cas. Dès lors, on constate à quel point

le concept de soi du jeune est affecté. Les difficultés langagières ont aussi comme impact

direct que le jeune arrive difficilement à exprimer ses émotions, son vécu, ce qui risque

d’entraîner des difficultés comportementales. De l’anxiété peut aussi être ressentie.

(Commission scolaire des Découvreurs et Commission scolaire des Navigateurs, 2011).

Beauregard et al. (2009) soulignent l’importance d’outiller les personnes dysphasiques à

expliquer leurs difficultés.

En résumé, les impacts de la dysphasie sont susceptibles de se faire sentir sur plusieurs

domaines de vie dont l’école, le travail, la socialisation et la sphère affective. Il importe de

rappeler que le pronostic de la dysphasie va varier d’un individu à l’autre dépendamment

de la sévérité des difficultés, le nombre et le type de dimensions atteintes, de la motivation

de la personne, du soutien reçu de la part de la famille et des professionnels (Cronk, 2004).

À cela s’ajoutent les zones de forces de la personne, le niveau d’accès aux services de

réadaptation et leur adéquation qui font également partie des éléments déterminants

(Cronk, 2004). L’évolution de la dysphasie dépend également de la présence ou non de

troubles associés. Lorsqu’il s’agit d’une problématique relativement isolée, le pronostic est

habituellement plus favorable (OOAQ, 2004). Aussi, bien que l’accent ait été mis sur les

conséquences négatives, les jeunes dysphasiques présentent plusieurs forces. Ils sont

souvent observateurs ce qui leur permet de faire beaucoup d’apprentissages en imitant les

autres et ils s’avèrent plus persévérants à l’effort (Commission scolaire des Découvreurs et

Commission scolaire des Navigateurs, 2011).

Page 46: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

37

2.3 Retard versus trouble du langage

Il importe de faire la distinction entre le retard et le trouble du langage. Bien que les deux

réfèrent à des difficultés langagières touchant la compréhension et l’expression ou

uniquement l’expression du langage, leur l’origine et leur évolution diffèrent.

Selon l’OOAQ (2012), le retard de langage affecterait de nombreux enfants âgés entre 2 et

5 ans mais les données sur la prévalence disponibles dans la littérature sont variables

dépendamment des caractéristiques des populations étudiées. Le retard peut s’expliquer

par plusieurs facteurs dont des carences environnementales (ex. : abus, manque de

stimulation, occasions de communiquer insuffisantes en raison d’une hospitalisation), des

otites à répétition, le multilinguisme (AQETA, 2011). Les troubles du langage, quant à eux,

peuvent être d’origine développementale, c’est-à-dire présents à la naissance, ou acquis à

la suite d’une atteinte neurologique comme un traumatisme craniocérébral (TCC), un

accident vasculaire cérébral (AVC) ou une démence. En fonction de la nature de l’atteinte,

les troubles du langage qui s’ensuivent porteront différents noms tels un trouble primaire

du langage (dysphasie), une aphasie ou un trouble cognitivo-linguistique.

Chez l’enfant, un des indices permettant de déterminer s’il est question d’un retard ou d’un

trouble est la réponse à l’intervention orthophonique. Dans le cas d’un retard, l’évolution

des habiletés langagières se fera plus rapidement contrairement au trouble et il sera

généralement possible pour l’enfant de développer ses habiletés langagières au point de

rejoindre le niveau de celles des enfants de son âge. Habituellement, le retard du langage

se résorbera avant l’âge de 6 ans (Soares-Boucaud et al., 2009). Lorsqu’il est question d’un

trouble, on remarque une persistance de l’écart entre les habiletés réelles de l’enfant et de

celles attendues à son âge ainsi qu’une faible évolution malgré une intervention ciblée et

continue en orthophonie. Dès l’âge de quatre ans, il est possible de déterminer si les

difficultés langagières présentées par l’enfant découlent davantage d’un trouble que d’un

retard (OOAQ, 2004). Bien entendu, si le retard est dû à une problématique physiologique

Page 47: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

38

(ex. : otites à répétition qui créent une diminution de l’audition), il sera nécessaire de

résoudre cette problématique pour favoriser l’évolution du langage de l’enfant.

2.4 Trouble du langage versus trouble de la parole

Il importe également de ne pas confondre les difficultés de langage aux troubles de la parole

où la production du langage est l’élément touché. Parmi les troubles de la parole se

retrouvent les troubles de la fluidité (ex. : bégaiement), les troubles de la voix (ex. :

aphonie), de la résonance (ex. : hyponasalité, assimilable à la voix d’une personne

enrhumée), de l’articulation (ex. : sigmatisme interdental : parler sur le bout de la langue),

du débit et de la prosodie. Ces troubles peuvent toutefois accompagner les retards ou les

troubles du langage et peuvent être d’origine développementale (ex. : fente palatine qui

entraîne une hypernasalité) ou acquis (ex. : aphonie acquise à la suite d’une laryngectomie)

(Fortier-Blanc, 2004).

Page 48: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

CHAPITRE III

OBJECTIFS DE RECHERCHE

L’objectif général de cette recherche est d’identifier les principaux enjeux et obstacles

rencontrés par des c.o. provenant des secteurs du milieu scolaire, de l’employabilité et de

la réadaptation dans leur intervention auprès des clients dysphasiques. Cette exploration

cible tant le niveau micro, soit l’intervention directe, que le niveau macro, soit

l’organisation des services d’orientation.

Pour y arriver, divers aspects sont explorés : 1) Représentation des difficultés présentées

par les clients dysphasiques selon le point de vue des c.o., 2) Perception des c.o. quant à

leur rôle actuel et souhaité dans l’accompagnement au choix de carrière de ces clients, 3)

Exploration des difficultés rencontrées par les c.o. au plan de l’intervention et de

l’organisation des services offerts aux clients dysphasiques, 4) Recueillir les pistes

d’amélioration, telles que perçues par ces professionnels, pour améliorer les services

d’orientation offerts à ces clients.

À travers cet objectif principal, des sous-objectifs sont visés. Le premier sous-objectif

consiste à évaluer le rapport qu’ont les c.o. face aux enjeux et obstacles rencontrés dans

leur intervention auprès des clients dysphasiques. Le second consiste à analyser la

variabilité qui existe entre les milieux sur le plan des enjeux et des obstacles rencontrés,

tant au niveau qualitatif que quantitatif. Troisièmement, d’explorer les pistes pour

améliorer les services a pour visée de stimuler la réflexion des lecteurs qui accompagnent

cette clientèle sur les moyens qu’il est possible de mettre en place pour bonifier leur

pratique. En dernier lieu, il est évidemment souhaité que cet essai serve à documenter un

sujet qui n’a pas été abordé jusqu’à maintenant dans la littérature.

Page 49: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

CHAPITRE IV

MÉTHODOLOGIE

Comme le souligne Gaudreau (2011), la méthodologie est l’étape où le plan de recherche

est exposé. Celui-ci comprend l’approche de recherche, les sources et les modes de collecte

de données ainsi que les méthodes d’analyse. Bref, il s’agit des aspects techniques de la

recherche (Gaudreau, 2011). Dans les paragraphes qui suivent, le type de recherche, les

caractéristiques des participants et les procédés de sélection seront abordés. S’en suivront

la technique de recherche, les instruments employés pour effectuer la cueillette de données

et les méthodes utilisées pour procéder à leur analyse et leur interprétation. La

méthodologie se conclura sur les considérations éthiques qui ont été prises en compte tout

au long de la réalisation de ce projet.

4.1 Approche de recherche

Afin de pouvoir atteindre l’objectif et les sous-objectifs de recherche énoncés ci-haut, une

approche qualitative de type exploratoire a été privilégiée. Cette approche s’avérait idéale

puisqu’elle permet d’explorer en profondeur l’expérience des personnes (Patton, 2002) et

qu’elle soutient que les individus vont ressortir différents éléments même s’ils vivent une

expérience similaire en plusieurs points (Deslauriers, 1991). La nature exploratoire du

projet est également adaptée considérant qu’aucun écrit ne porte spécifiquement sur le sujet

du présent essai qui vise à identifier et décrire les enjeux et obstacles rencontrés par les c.o.

intervenant auprès d’adolescents et d’adultes ayant une dysphasie modérée à sévère.

4.2 Sélection des participants

Afin de répondre aux objectifs de recherche et de recueillir des données reflétant le plus

fidèlement possible la réalité « terrain » des conseillers d’orientation intervenant auprès

de la clientèle dysphasique, l’échantillonnage intentionnel a été préconisé. Cette méthode,

Page 50: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

41

principalement employée en recherche qualitative, consiste à déterminer les critères des

participants désirés en fonction de la problématique de recherche pour ensuite être en

mesure de cibler, dans le cas présent, des c.o. y correspondant (Gaudreau, 2011). Ainsi,

dans le but de recueillir des expertises diversifiées, des critères spécifiques ont été établis.

Les conseillers d’orientation ciblés devaient œuvrer dans les secteurs de l’éducation, de

l’employabilité ou de la santé et des services sociaux qui s’avèrent trois secteurs où la

clientèle dysphasique modérée à sévère peut recevoir des services en orientation. Il a été

prévu initialement que deux conseillers d’orientation intervenant dans chacun de ces

milieux soient rencontrés. De plus, il a été planifié que les conseillers d’orientation

provenant d’un même réseau (éducation, employabilité, santé et services sociaux)

proviendraient idéalement de régions géographiques différentes considérant que l’offre de

service peut différer d’une région à l’autre.

Pour le secteur de l’éducation, les c.o. devaient pratiquer dans des écoles secondaires

comprenant des classes de langage ou de communication et desservir idéalement des jeunes

du 2e cycle du secondaire. Les c.o. du secteur de l’employabilité devaient travailler dans

des organismes d’aide à l’emploi se spécialisant auprès de la clientèle handicapée. Pour ce

qui est du secteur de la santé et des services sociaux, les c.o. œuvrant en centre de

réadaptation étaient ciblés. Ces professionnels devaient être membres de l’OCCOQ et être

appelés, à l’intérieur de leur mandat, à travailler sur une base régulière ou sur appel auprès

d’adolescents ou d’adultes dysphasiques.

Afin de recruter les participants, une invitation de participation à la recherche a été envoyée

sur le blogue Cointernet et le réseau socionumérique LinkedIn. De plus, l’auteure de cette

recherche a contacté des c.o. qui détenaient une expertise auprès de la clientèle présentant

des troubles du langage. Le directeur de cet essai, Louis Cournoyer, a également diffusé

l’invitation de participation à travers divers réseaux socionumériques de même qu’à travers

son réseau de contacts. Finalement, des contacts téléphoniques et/ou par courriel ont été

réalisés dans le but de recruter des participants et de donner davantage d’informations sur

le projet de recherche.

Page 51: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

42

En raison du faible taux de réponse obtenu, il n’a pas été possible de rencontrer deux c.o.

dans chacun des secteurs d’activité. Une c.o. provenant du milieu scolaire a été rencontrée,

alors que deux et trois c.o. provenant respectivement des secteurs de l’employabilité et de

la réadaptation ont été interrogés. À noter que deux c.o. du secteur de l’employabilité

œuvraient au sein de la même organisation mais dans des points de services différents. Les

trois c.o. du secteur de la réadaptation travaillaient, quant à eux, au sein du même

établissement de réadaptation. Les trois groupes de professionnels (scolaire, employabilité,

réadaptation) se situaient dans des régions administratives différentes.

Le tableau qui suit regroupe des données décrivant le profil des participants de l’étude.

Afin de préserver l’anonymat des conseillers d’orientation, ces derniers ont été associés à

des codes alphanumériques permettant d’identifier leur secteur d’activité (s : scolaire, e :

employabilité, r : réadaptation) ainsi que l’ordre dans lequel ils ont été rencontrés (ex. : r-

03 : 3e c.o. du secteur de la réadaptation à avoir été rencontré).

Page 52: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

43

Tableau 4.1

Données relatives aux participants

Années d’expérience

comme c.o.

Années d’expérience

auprès de la clientèle

dysphasique

Secteur(s) où

l’expérience auprès

de la clientèle

dysphasique a été

acquise

s-01 3 1 Scolaire

e-01 9 ans et 8 mois 9 ans et 8 mois Employabilité

e-02 10 3 Employabilité

Scolaire

r-01 19 10

Réadaptation

Projet en milieu

scolaire

r-02 13 12 Employabilité

Réadaptation

r-03 16 10 Réadaptation

Le prochain tableau, pour sa part, contient les données relatives à la clientèle dysphasique

desservie par chacun des c.o. rencontrés.

Page 53: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

44

Tableau 4.2

Caractéristiques de la clientèle dysphasique desservie

Âge approximatif de

la clientèle

dysphasique

rencontrée

Proportion de la

clientèle constituée

de clients

dysphasiques

Situation scolaire des

clients rencontrés

s-01 12-18 ans Non disponible

Classes langage ou

communication, FPT,

FMSS

e-01 16 à 45 ans 1% Études terminées ou

FP en cours

e-02 20 à 60 ans 5%

Études terminées

TÉVA

FGA (ex. : ISP)

r-01 15 à 25 ans

2008 à 2012 :

40 à 50%

Depuis 2012 : 20%

Principalement FPT,

FGA, pas aux études

r-02 16 à 30 ans 5-10%

FGJ, FPT, FMSS,

Pré-DEP, DEP, FGA,

pas aux études

r-03 16 à 25 ans 10-15% FGJ, FPT, FMSS,

Pré-DEP, FGA,

4.3 Instruments

Dans l’optique de répondre aux objectifs de recherche, des entretiens semi-dirigés est le

mode de cueillette de données qui a été privilégié. Cette méthode permet d’assurer une

certaine uniformité dans les thèmes abordés et leur ordre. De plus, grâce aux questions

générales posées lors de l’entretien semi-structuré, cela permet de laisser une certaine

Page 54: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

45

latitude aux participants dans les informations livrées et peut favoriser l’émergence de

points non attendus tant du côté du participant que de l’intervieweur (Gaudreau, 2011).

Le guide d’entretien est l’instrument de recherche qui a servi de pierre d’assise lors de la

conduite des entretiens puisqu’il contient les questions ouvertes posées aux participants et

qui sont directement reliées aux objectifs spécifiques. Ce questionnaire s’articulait autour

de quatre sections que voici:

1) Profil des clients dysphasiques accompagnés par les conseillers d’orientation;

2) Perception de c.o. quant à leur rôle actuel et le rôle qu’ils souhaitent occuper dans

l’accompagnement au choix de carrière de la clientèle dysphasique;

3) Difficultés rencontrées par les c.o. sur les plans de l’intervention auprès de ces

clients et de l’organisation des services;

4) Pistes d’amélioration, telles que perçues par les c.o., pour améliorer les services

d’orientation offerts à la clientèle dysphasique.

Les questions ont été élaborées à partir de diverses thématiques abordées dans la littérature.

Considérant que plusieurs études documentent les atteintes variables entraînées par la

dysphasie de même que ses répercussions sur divers domaines de la vie des individus, il

est pertinent de s’intéresser à la représentation qu’ont les c.o. des difficultés présentées par

leurs clients dysphasiques. Les c.o. ont donc été questionnés sur les atteintes langagières,

cognitives, affectives et comportementales présentées par ces clients et les conséquences

de celles-ci sur divers domaines de vie (ex. : scolaire, professionnel, social). De plus,

comme il a été démontré, les services offerts aux clients présentant des handicaps divers

ont beaucoup évolué au cours des dernières décennies. Toutefois, comme aucun écrit

n’existe spécifiquement sur les services d’orientation auprès de la clientèle dysphasique,

des questions ont été élaborées afin de recueillir une description des services offerts dans

leur milieu de travail respectif, la façon dont ils perçoivent leur rôle face à cette clientèle

de même que leur niveau de satisfaction face à celui-ci. Ils ont également été interrogés sur

les obstacles qu’ils percevaient, s’il y a lieu, sur le plan de l’organisation des services.

Page 55: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

46

Comme les clients dysphasiques présentent des particularités qui se répercutent notamment

au plan social et de l’échange (Durkin et Conti-Ramsden, 2007; St. Clair et al., 2011), les

c.o. ont aussi été questionnés sur les obstacles rencontrés dans l’intervention directe.

Finalement, il a été demandé aux participants de s’ouvrir sur les pistes d’amélioration qu’ils

envisagent afin de bonifier les services offerts. Le questionnaire a été révisé par le directeur

de recherche et des modifications ont été apportées avant de réaliser les entretiens.

4.4 Cueillette de données

Préalablement à l’entretien semi-dirigé, tous les c.o. retenus pour la recherche ont été

contactés par courriel ou téléphone. Ce contact a servi à leur donner davantage

d’information sur le projet de recherche, à valider leur intérêt à participer et à fixer la date

de l’entretien en personne.

Avant de rencontrer les intervenants en personne, un formulaire d’information et de

consentement ainsi qu’un questionnaire d’enquête leur ont été acheminés par courriel. Le

premier formulaire a servi à informer les participants que l’ensemble des données

recueillies et diffusées dans le cadre de ce projet se faisait dans l’optique de préserver le

caractère confidentiel de celles-ci. Le questionnaire d’enquête, pour sa part, a servi à

colliger des informations factuelles sur les participants et leur milieu de travail. Ce

document a été récupéré au début de la rencontre et a été complété conjointement avec le

participant, au besoin.

Les six c.o. ont été rencontrés individuellement. Les entretiens ont été réalisés par

l’étudiante à la maîtrise en carriérologie à l’UQÀM qui est à l’origine de cette recherche.

La durée des entretiens variait entre 34 et 78 minutes. Avant de débuter les entretiens,

l’étudiante s’est assuré de répondre aux demandes d’informations supplémentaires des

participants pouvant toucher divers aspects du projet tels que les objectifs du projet,

l’analyse et l’utilisation futures des données et les dispositions prises pour conserver

l’anonymat des participants. Les mêmes consignes ont été données à chacun des

Page 56: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

47

participants et tous ont été informés que l’enregistrement pouvait être arrêté au besoin. Les

six entretiens ont été enregistrés à l’aide d’une enregistreuse numérique. L’ensemble des

conseillers d’orientation ont reçu la même série de questions telle qu’établie par le guide

d’entretien mentionné plus haut. Des sous-questions ont été posées au besoin.

4.5 Méthode d’analyse de données

Le verbatim de chacun des entretiens a été produit et validé par le biais d’une seconde

écoute. Les six corpus obtenus ont ensuite être analysés en suivant, dans un premier temps,

la méthode d’analyse verticale telle que décrite par Gaudreau (2011). Cette méthode

consiste à examiner chaque corpus individuellement et de manière isolée afin d’en faire

ressortir les grands thèmes (Gaudreau, 2011). Dès qu’un thème émergeait en lien avec les

enjeux ou obstacles rencontrés par les c.o. dans l’accompagnement au choix de carrière des

clients dysphasiques, un code thématique sous forme de mots-clés lui était attribué. L’étape

de l’analyse transversale qui s’en est suivie a consisté à regrouper les analyses individuelles

des corpus pour en faire un tout cohérent (Gaudreau, 2011). Les extraits des divers corpus

qui ont été codés sous un même thème ont été regroupés. Cela a permis de préciser les

thèmes, d’en regrouper certains ou de les scinder pour une interprétation plus fine. Cette

analyse s’est poursuivie jusqu’à ce que la totalité des extraits significatifs de chacun des

verbatim soit incluse dans une catégorie thématique. Pour être retenus dans la section des

résultats, les thèmes devaient contenir des extraits provenant des entrevues de quatre des

six participants, soit la majorité. De plus, minimalement dix extraits devaient composer le

thème. Pour chacun des thèmes retenus, une définition opératoire inclusive a été formulée

et révisée afin d’interpréter et de relier les unités de sens qui s’y retrouvaient.

L’interprétation et la thématisation des unités de sens ont été validées tout au long du

processus d’analyse des données par le directeur de recherche.

Page 57: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

48

4.6 Principes éthiques régissant la recherche

La présente recherche a fait l’objet de considérations éthiques, et ce, de l’étape de sa

conception jusqu’à la rédaction des résultats. Un formulaire d’information et de

consentement a été remis et signé par les six participants afin d’assurer une participation

libre et volontaire de leur part en plus de permettre l’utilisation d’extraits de leur entrevue

dans la section résultats. Par souci de préserver l’anonymat des participants et la

confidentialité des informations partagées, les noms des participants ont été remplacés par

des valeurs numériques sur les disques d’enregistrement, les corpus analysés et dans ce

rapport. De plus, les informations qui auraient permis de reconnaître des clients, des

collègues ou les lieux de travail des participants ont été retranchées que ce soit dans les

verbatim ou les extraits d’entrevue qui seront rapportés ultérieurement. L’ensemble des

formulaires, des enregistrements ainsi que les analyses des corpus ont été remis au

professeur supervisant cette recherche et seront conservés dans un classeur sous clé

pendant une période de deux ans suivant la finalisation du présent rapport de recherche.

Page 58: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

CHAPITRE V

RÉSULTATS

La présente section servira à exposer les résultats obtenus à la suite de l’analyse des

entretiens réalisés auprès des conseillers d’orientation. Cette analyse se déclinera en cinq

sections, chacune composée des thèmes qui ont émergé des propos des participants. La

première s’intéressera aux représentations des c.o. quant aux difficultés présentées par leurs

clients dysphasiques. La deuxième section abordera les enjeux reliés à l’interaction entre

le client et le conseiller d’orientation alors que la troisième partie se concentrera sur les

obstacles et enjeux relevés sur le plan de l’organisation des services. Finalement, les deux

dernières sections traiteront respectivement des enjeux et obstacles touchant plus

directement les c.o. et des pistes d’amélioration, telles qu’envisagées par ces

professionnels, pour améliorer les services d’orientation offerts aux clients dysphasiques.

Chacun des thèmes présentés a pour but de documenter et de répondre à la question de

recherche principale qui consiste à connaître les enjeux et les obstacles rencontrés par les

c.o. intervenant auprès d’adolescents et d’adultes ayant une dysphasie modérée à sévère.

Pour y parvenir, les c.o. ont été interrogés sur leur conception des difficultés présentées par

les clients dysphasiques, sur leur rôle de même que les écarts, s’ils existent, entre leur rôle

actuel et le rôle qu’ils souhaiteraient occuper auprès de cette clientèle. Ils ont également

été questionnés sur les obstacles rencontrés, s’il y a lieu, dans leur intervention et sur le

plan de l’organisation des services. Pour terminer, les c.o. ont été appelés à s’ouvrir sur les

pistes qu’ils envisagent pour améliorer la qualité des services qui sont offerts à cette

clientèle spécifiquement.

Afin d’illustrer concrètement chacun des thèmes rapportés, des extraits des entrevues

seront présentés. Par souci de préserver la confidentialité et l’anonymat des participants,

les participants seront identifiés selon la forme suivante : s-01, e-01, e-02, r-01, r-02 et r-

03. La lettre « s » sera attribuée à la c.o. provenant milieu scolaire, le « e » sera associé aux

Page 59: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

50

c.o. du secteur de l’employabilité et le « r » servira à identifier les c.o. travaillant dans le

secteur de la réadaptation.

5.1 Représentation des difficultés présentées par les clients dysphasiques

Tableau 5.1

Représentation des difficultés présentées par les clients dysphasiques

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Vision élargie de la dysphasie

La dysphasie est perçue comme un trouble

entraînant des atteintes variables qui vont

au-delà du langage et dont il faut tenir

compte pour intervenir adéquatement.

Répercussions de la dysphasie sur

l’ensemble des parcours de vie

Conséquences de la dysphasie sur les

parcours de vie scolaire, professionnel et

personnel des clients, telles que perçues

par les c.o.

5.1.1 Vision élargie de la dysphasie

Parmi les c.o. rencontrés, plusieurs dénotent la présence de difficultés en lien avec le

langage et de la communication. Bien qu’un c.o. rapporte avoir fréquemment relevé des

difficultés touchant le langage oral et écrit dans ses sphères réceptive et expressive, les

difficultés sur le plan du langage oral sont celles qui sont le plus souvent mentionnées. Les

difficultés réceptives semblent être assimilées à des difficultés à traiter et à encoder

l’information: « Moi quand je leur donne une information des fois ils (ne) l’encodent pas

correctement ou leur perception de l’information (n’) est pas…Ils (ne) comprennent pas

nécessairement ce que moi je veux qu’ils comprennent » (e-01). Ces difficultés de

compréhension peuvent se répercuter sur la perception qu’ont les c.o. lorsqu’ils entrent en

interaction avec eux : « […] Comportemental ça ressemble à des gens qui ont une

déficience légère des fois. T’sais tu te demandes ils ont-tu compris? Ils ont-tu pas compris?

Page 60: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

51

Ils font semblant qu’ils ont compris mais dans le fond ils (n’) ont pas compris […] » (e-

02).

Au plan expressif, les difficultés relevées semblent notamment toucher l’accès lexical, soit

la capacité de retrouver un mot ou une information verbale rapidement : […] Euh, bin des

fois ils savent quelque chose mais ils (ne) peuvent pas me le donner dans des mots qu’ils

voudraient me le donner […] » (e-01).

Bien que la dysphasie soit avant tout considérée comme un trouble du langage, une grande

importance semble être accordée aux difficultés associées, qui vont au-delà de la sphère

langagière. En ce sens, la majorité des conseillers d’orientation interrogés ont mentionné

percevoir des atteintes autres que langagières chez leurs clients dysphasiques. Plusieurs

c.o. ont fait mention de la présence de difficultés neuropsychologiques. Parmi celles-ci

figurent des troubles d’attention de même que des difficultés touchant les fonctions

exécutives, dont la planification et l’organisation. Des difficultés temporelles sont

également rapportées, notamment sur le plan des notions de temps, des délais temporels et

de la perception du temps qui passe. Pour plusieurs c.o., ces difficultés

neuropsychologiques feraient régulièrement partie du portrait clinique des clients

dysphasiques. Deux d’entre eux rapportent même que les atteintes neuropsychologiques

seraient toujours concomitantes aux difficultés langagières : « […] avec notre clientèle

dysphasique je te dirais qu’il y a toujours un profil de séquelles neuropsychologiques qui

accompagnent là les difficultés langagières là. Pis c’est très rare qu’on a un profil de

dysphasie pur. […] » (r-02).

En plus des difficultés neuropsychologiques, la présence de difficultés relatives à la santé

mentale ont été rapportées, dont des troubles anxieux et des difficultés de gestion du stress :

« Donc ils ont souvent un TDA associé, souvent un trouble anxieux associé. » (r-01). Un

rapport de causalité est établi entre les difficultés langagières et les difficultés de santé

mentale par le c.o. r-02 :

Page 61: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

52

« […] moi ce que j’ai vu aussi beaucoup c’est la difficulté de communication

fait en sorte qu’ils ont de la difficulté à exprimer leurs sentiments pis souvent

ça fait en sorte qu’il y a une problématique associée au niveau de la santé

mentale qui peut être au niveau du trouble d’anxiété ou de la difficulté de la

gestion du stress […] »

D’adopter une vision élargie des difficultés présentées par les clients dysphasiques, en

considérant tant les difficultés langagières que les autres difficultés associées, semble

revêtir une grande importance quand vient le temps d’accompagner ces clients en

orientation. D’une part, elles amplifieraient les difficultés rencontrées par le client :

«Des fois c’est vraiment strictement langagier ça je dirais que c’est plus simple

dans ce temps-là. Mais quand il y a un TDAH […] qui est associé, qu’on a

d’autres problèmes de santé, qu’on peut avoir un fonctionnement intellectuel

[…] proche d’un rendement en tout cas d’un fonctionnement plus frontière bin

là on a quelqu’un qui (va) avoir plus de plus grandes difficultés. » (r-03)

D’autre part, selon le c.o. r-02, les atteintes neuropsychologiques entraîneraient des

conséquences plus marquées sur le choix scolaire et professionnel des clients

comparativement aux difficultés langagières, d’où l’importance d’en tenir compte. Le c.o.

r-02 s’étonne d’ailleurs que leur présence ne soit pas davantage documentée :

« […] Si on lit leur site [Association de la dysphasie] me semble que je l’avais

déjà fait l’exercice de lire le site mais on (ne) parle pas de ces choses-là

[troubles neuropsychologiques]. Pis ça je trouve ça curieux parce que c’est

tellement souvent associé que c’est comme sous silence mais nous dans le

choix scolaire et professionnel c’est quelque chose de tellement majeur pis

c’est souvent plus le problème que le trouble d’expression lui-même là. »

L’adoption d’une vision élargie de la dysphasie fait en sorte de moduler l’intervention des

c.o. au profil du client dysphasique : « c’est des choses [problématiques de santé mentale]

qui sont souvent présentes dont on doit tenir compte aussi pis essayer de les aider à

développer des outils afin de mieux gérer ces problématiques-là là. » (r-02).

Page 62: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

53

En résumé, il ressort que les c.o. conçoivent la dysphasie comme un trouble qui ne se limite

pas aux difficultés langagières puisqu’elle est très souvent accompagnée de difficultés

associées telles des difficultés neuropsychologiques (ex. : attention, troubles relatifs aux

fonctions exécutives) et des problématiques de santé mentale. Cette conception élargie de

la dysphasie est importante puisqu’elle se répercute sur les choix scolaires et professionnels

des clients et influencent les objectifs d’intervention ciblés.

5.1.2 Répercussions sur l’ensemble des parcours de vie

Les points de vue rassemblés des c.o. font ressortir que les difficultés présentées par les

clients dysphasiques se répercutent à la fois sur leur parcours personnel, scolaire et

professionnel. Au plan personnel, la réalisation de plusieurs habitudes de la vie quotidienne

serait entravée ce qui rendrait difficile l’atteinte de l’autonomie résidentielle. Gérer de

manière autonome le budget, faire les courses et le lavage sont autant d’exemples

d’activités qui peuvent être ardues pour eux d’accomplir. À ce sujet, la c.o. r-03 ressort

clairement le fait que ces jeunes peuvent être démunis quand il est question d’accomplir

des activités pourtant simples pour des adultes du même âge :

« 20 ans pis hum il (ne) sait pas comment fonctionne une machine à laver le

linge. Euh ils (ne) font pas les courses, ils (ne) gèrent pas beaucoup leur budget

eux-mêmes ils ont un petit peu d’argent de poche mais t’en a qui (n’) ont jamais

utilisé une carte bancaire encore à 20 ans. »

Ce manque d’autonomie, notamment au plan financier, ne tirerait pas seulement son

origine des conséquences directes de la dysphasie mais également du faible revenu retiré

par l’occupation de métiers semi-spécialisés. En plus d’affecter directement le client, cette

faible autonomie se répercuterait sur sa famille. D’un côté, certains clients dysphasiques

habitent toujours chez leurs parents même s’ils ont atteint un âge où il est commun d’avoir

quitté le nid familial. Pour les autres qui vivent de manière autonome, il demeure que les

proches continuent d’apporter du soutien dans les tâches qui leur sont difficiles

d’accomplir : « […] si je pense à la plus récente personne dysphasique que j’ai

Page 63: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

54

accompagnée [elle] était pas tellement autonome fait que t’sais son conjoint… Elle elle

restait à la maison, son conjoint travaillait, sa mère gérait pas mal de ses choses. » (e-02).

La dysphasie amène également la famille à devoir faire des deuils. Cela serait notamment

le cas chez les familles nouvellement arrivées au Québec qui sont confrontées à une toute

nouvelle réalité en apprenant soudainement que leur fille ou leur fils présente une

dysphasie. S’enchaîne ensuite l’adaptation au fait que leur enfant sera intégré en classe

spéciale de même que l’adaptation à une organisation scolaire différente de celle à laquelle

ils étaient habitués. Voilà des exemples d’enjeux rapportés par la c.o. s-01 et avec lesquels

les parents doivent négocier, ce qui les amène à vivre un choc, de l’incompréhension et

possiblement des tensions familiales. Bref, ces parents se retrouvent en situation de deuil

où ils se voient obligés de réajuster les aspirations professionnelles qu’ils entretenaient face

à leur enfant : « […] bon bin finalement ma fille elle sera pas pédiatre. Malgré tout ce

qu’elle voulait. » (s-01). La réalité des familles avec un enfant dysphasique se trouve

d’autant plus complexifiée lorsque plus d’un membre est dysphasique (fratrie ou parents).

Et lorsque le client dysphasique troque son rôle d’enfant pour celui de parent, une des c.o.

démontre des inquiétudes sur les capacités parentales de celui-ci :

« […] est-ce que ce sera peut-être quelqu’un qui va pouvoir aider plus tard

aussi ses enfants dans leur éducation ou bin ça va être limité…Au niveau

dynamique familiale comment ça va aller? C’est plus au niveau je pense du

jugement que j’aurais peut-être des inquiétudes. » (e-02)

L’exclusion et l’isolement vécus par ces clients est un enjeu majeur qui est ressorti des

propos des c.o. rencontrés. Que ce soit en raison de leur cheminement en adaptation

scolaire ou des particularités dans leur façon de s’exprimer, ces clients sont appelés à subir,

dès leur jeune âge, des jugements de la part des pairs, une stigmatisation et de l’intimidation

rendant difficile l’établissement de relations amicales et amoureuses. Cette réalité

perdurerait malgré les efforts déployés par certains :

« […] y en a qui vont être très extravertis, qui vont être avenants, qui vont

vouloir créer la relation pis malgré l’obstacle langagier ils vont travailler fort,

prendre des détours mais pour se faire comprendre, créer des liens mais on va

Page 64: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

55

entendre les parents en arrière dire : « Oui mais il en (n’) a pas de vrais amis.

Euh, oui il a des camarades à l’école mais le téléphone (ne) sonne pas à la

maison. » » (r-03)

Selon la c.o. r-01, les clients présentant une dysarthrie ou des troubles pragmatiques du

langage seraient susceptibles de vivre davantage de préjugés considérant que les difficultés

sont plus apparentes pour l’entourage.

Cet isolement rend ardu la réponse aux besoins d’acceptation, d’identification et

d’appartenance à un groupe de pairs qui sont fort présents à l’adolescence. Il entraîne

également des répercussions sur les ressources personnelles et le fonctionnement

psychologique des clients en limitant leurs expériences de vie, répercussions qui se font

ressentir à long terme quand vient le temps d’effectuer des choix scolaires et professionnels

de même que d’intégrer le marché du travail :

« […] (les clients dysphasiques) ont souvent vécu de l’exclusion qui rend, les

rend fragiles et vulnérables et sensibles à ce qu’ils peuvent vivre. Ouais….ça

ça été présent souvent dans leur vie là…se sentir différents, à part […] Et

l’insertion ultime c’est l’insertion professionnelle, ce qui fait que quand c’est

difficile c’est…, ça aussi ça vient tout rejouer (sur) ce qu’ils ont vécu avant.

[…] » (r-01)

Bien que l’absence de relation entraîne son lot d’impacts, des enjeux sont aussi présents

lorsque les clients arrivent à établir des relations. Ces enjeux touchent le choix des relations

amicales et amoureuses ainsi que leur nature. À ce sujet, la c.o. r-01 soulève qu’il arrive

que des clients ne soient pas suffisamment respectés. De ses propos semblent se dégager

un certain manque d’amour propre chez ces clients :

« […] certains ont vécu des choses un peu plus difficiles t’sais dans, dans ça là

[relations amoureuses] […] se sentir moins reconnus ou se sentir utilisés un peu

là mais euh. Mais c’est ça, ça a toujours quand même… Au moins ils ont été

quand même choisis par une personne à un moment donné à un niveau amoureux,

[…] Ça fait que quand il a une relation amoureuse c’est un événement particulier

(rires) dans leur vie. »

Page 65: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

56

En ce qui a trait aux parcours scolaire et professionnel, d’autres enjeux sont relevés. D’une

part, les difficultés d’apprentissage des clients dysphasiques ont pour effet qu’ils se

retrouvent fréquemment en adaptation scolaire, dans des classes spéciales et dans les

parcours de formation axés sur l’emploi. Rares sont ceux qui décrocheraient leur diplôme

d’études secondaires selon la c.o. e-02. Ces difficultés d’apprentissage ont évidemment

pour effet de restreindre l’éventail de programmes de formation et de professions

accessibles. Leur liberté de choix est donc limitée.

« J’ai une personne qui a réussi à faire son diplôme d’études secondaires mais

sa mère était enseignante pis elle est allée dans une école privée ils l’ont pas

lâchée jamais sauf qu’après ça elle est arrivée pour faire un DEP de préposée

aux bénéficiaires pis ça marchait pas faque... » (e-02)

Cette réalité se répercute évidemment sur le processus d’orientation : « Bin l’exploration

est limitée au sens bon qu’on va rapidement vers des métiers semi-spécialisés. » (e-02). La

faible scolarité des clients dysphasiques les rendrait vulnérables sur le marché du travail

tant dans l’insertion que dans le maintien en emploi. À cela s’ajoutent les comportements

immatures présentés par certains qui complexifieraient cette intégration. Pour d’autres, leur

faible scolarité combinée aux autres difficultés qu’ils présentent font en sorte qu’ils ont des

contraintes sévères à l’emploi et qu’ils sont orientés vers du travail non compétitif.

Bref, les conséquences des difficultés langagières et des autres difficultés associées se font

sentir sur l’ensemble des parcours de vie des clients dysphasiques. L’autonomie

résidentielle ainsi que l’établissement de relations amicales et intimes peuvent être

problématiques selon les c.o. rencontrés. Des questionnements sont également présents en

lien avec les capacités parentales de ces clients. Face aux difficultés rencontrées par leur

enfant ou conjoint dysphasique, les proches peuvent donc se retrouver en situation de

devoir pallier en réalisant certaines des tâches que celui-ci n’est pas en mesure d’accomplir.

Le niveau scolaire atteint par ces clients est souvent faible, ce qui fait en sorte de réduire

l’éventail des professions accessibles. Face à cette réalité, les parents peuvent être appelés

à vivre un deuil et à réajuster les attentes qu’ils entretenaient face à leur enfant.

Page 66: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

57

5.2 Enjeux liés à l’intervention et l’échange entre le c.o. et le client

Tableau 5.2

Enjeux liés à l’intervention et l’échange entre le c.o. et le client

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Établissement d’une communication

efficace

Le client et le c.o. rencontrent des

obstacles à la communication ce qui

amène les c.o. à employer des stratégies

pour aider les clients à intégrer

l’information.

Écarts entre le soi idéal et le soi réel du

client

Les c.o. perçoivent des écarts entre les

croyances/désirs/perceptions du client et

la réalité; ces écarts entraînent des

conséquences; les c.o. se retrouvent à

devoir insuffler une dose de réalisme au

projet de vie des clients.

5.2.1 Établissement d’une communication efficace

Considérant que la dysphasie est avant tout un trouble de langage, il n’est pas étonnant que

l’ensemble des c.o. se soient exprimés sur ce thème qui renvoie aux obstacles de

communication rencontrés entre le c.o. et le client et des moyens pris afin que le client

assimile adéquatement l’information.

Les obstacles rapportés sur le plan de la communication sont variables. Il peut s’agir d’écart

entre le niveau de langage de l’intervenant par rapport à celui du client. La c.o. r-01 fait

état de cet obstacle en référant aux stagiaires en orientation supervisés : « Quand on a des

stagiaires c’est toujours l’aspect plus médical qui est l’enjeu. Parce qu’au niveau relationnel

sont assez préparés. Pis là après c’est d’adapter en fonction du fait que là oups, le

langage…y a un écart de langage. » Cet écart est évidemment à risque d’amener des

incompréhensions chez le client et des bris de communication : « […] il y a des fois où j’ai

eu l’impression que je disais des trucs pis la personne disait oui oui mais c’était non non.

[…] la compréhension était pas là t’sais. » (e-02). Des bris de communication sont

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58

également susceptibles de survenir en raison de la façon de communiquer du c.o. qui est

incompatible avec la façon dont les clients dysphasiques traitent l’information : « T’sais

c’est, t’sais je sentais vraiment juste que j’avais un million d’informations à leur donner

pis fallait que je me freine pour…c’est pas un groupe régulier t’sais, faut (que) j’aille moins

vite, faut (que) je leur laisse le temps d’assimiler l’information. » (s-01).

Les difficultés de compréhension langagière des clients amènent les c.o. à ajuster leur façon

de communiquer pour aller vers un langage plus simple et plus concret : « Faut rendre le

langage accessible » (r-01). La c.o. e-02 ajoute : «[…] On (ne) va pas dans les grandes

théories pis les grandes hypothèses pis il faut y aller toujours vers des trucs comme concrets

faciles de comprendre. » Cette réalité mène la c.o. r-01 à adopter des stratégies de

communication lui permettant de valider la compréhension du client pour ainsi pouvoir

progresser dans l’échange :

«Pis il faut aussi poser beaucoup de questions. Les questions ouvertes là bin là

on aura aucune réponse. […] Il faut s’assurer qu’ils disent un oui ou non franc.

Pis à partir du moment qu’on sait qu’on va avoir un oui ou un non franc on

peut se permettre d’explorer avec eux. […] » (r-01)

Les difficultés relevées chez les clients pousse cette c.o. à se détacher de son approche

d’intervention habituelle pour adopter un style d’intervention qui « parle » davantage au

client : « […] je me situe plus personnellement dans l’humanisme. Mais je pense que

quelqu’un qui me verrait intervenir (ne) le saurait pas. […] Parce qu’il y a des choses un

peu plus concrètes qu’il faut aller chercher avec eux. […]» La c.o. s-01, quant à elle, mise

sur le fait de ralentir son débit de parole, de diluer la densité du contenu transmis et de

répéter plusieurs fois la même information en utilisant des mots différents pour s’assurer

que les élèves dysphasiques assimilent l’information communiquée : « […] Tout d’abord

pour moi puisque c’était la première fois (que) j’allais en classe c’était une question

d’adapter mon rythme. Donc d’y aller plus lentement. Euh…de répéter ou de formuler

différemment. […] » Des propos recueillis, il apparaît qu’il est de la responsabilité du c.o.

de s’assurer de la bonne compréhension du client plutôt que d’être une responsabilité

Page 68: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

59

partagée entre le c.o. et le client : « […] donc toujours vérifier […] si la personne a comme

vraiment bien compris. » (e-02).

Comme la grande majorité des outils psychométriques employés en orientation nécessite

un certain niveau de compréhension orale et/ou écrite, l’étape de l’exploration se fait

principalement par l’échange comme le souligne la c.o. e-02, ce qui l’amène à miser sur

les questions pour en savoir plus sur le vécu professionnel et les intérêts du client :

« […] sur c’est quoi les stages que t’as déjà faits à l’école qu’est-ce que t’as

aimé là-dedans, pas aimé là-dedans, qu’est-ce que tu fais de ta journée? C’est

quoi tes loisirs? Donc, t’sais j’essaie de creuser d’une autre façon que les tests

[…] »

Parmi les outils psychométriques employés, les c.o. rencontrés ont mentionné employer

l’IVIP puisqu’il est constitué d’images.

Comme le langage est la faiblesse des clients dysphasiques, les c.o. se tournent

spontanément vers des stratégies d’intervention qui sollicitent diverses modalités

sensorielles simultanément. Ces stratégies sont employées notamment à l’étape de

l’exploration pour favoriser le développement du concept de soi des clients et l’exploration

de métiers. À ce sujet la c.o. r-01 souligne :

« Pis à la fin on leur avait demandé comme de leur faire une synthèse de ce

qu’ils avaient appris sur eux à l’intérieur des ateliers qu’on avait faits. […] Pis

la synthèse on l’avait faite […] comme un dessin grandeur nature pis ils se

mettent des qualités, […] on avait fait ça un peu à la fois physique et en échange

là. »

Le c.o. r-02 ajoute : « […] quand on explore par exemple une formation ou un métier, je

vais utiliser beaucoup des choses concrètes, des vidéos. […] je vais donner des exemples

qui sont concrets. […] je vais utiliser YouTube avec cette clientèle-là pour qu’ils

comprennent. » La c.o. r-03 dénote d’ailleurs les impacts positifs de cette stratégie : « […]

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60

Et là ça ça lui parle. Parce qu’il voit des gens en action. Et là, voir le geste démontré en

même temps que les mots ou que la personne explique ce qu’ils font. Ok là ça (a) du sens

ça lui parle. […] » Les jeux de rôle et l’imagerie mentale sont d’autres exemples de

stratégies citées par les c.o. rencontrés afin d’aider les clients à donner du sens à leur vécu.

Cette modalité peut être stimulée par le biais de représentations mentales :

« […] Mais là faut aller chercher les métaphores, les images. En tout cas un

vocabulaire un peu plus imagé qu’un vocabulaire plus abstrait. Faut être

concret, imagé. […] ta soupape saute, tu es comme une bouilloire sous

pression, […] tu es comme devant un moteur que tu (ne) sais pas comment

monter […] ». (r-01)

D’accompagner le client dans le cadre visites exploratoires en entreprise a été mentionné

par plusieurs c.o. Ces expériences concrètes vécues permettent au c.o. d’aider le client à

progresser dans son processus d’orientation et de réduire l’entonnoir des métiers envisagés.

Bref, il s’agit d’accompagner le client de l’exploration vers la cristallisation, la

spécification et ultimement la réalisation :

« […] avec l’IVIP je vais faire un premier démêlage. […] on est plus orienté

vers faire des choses plutôt que des personnes. Bon parfait. Dans les choses,

aimes-tu mieux travailler dans une usine, faque là je vais l’amener voir une

usine voir la la…C’est sale, il y a du bruit t’sais pour qu’il comprenne

l’ambiance. Ok non. Un bureau, hein, quelqu’un qui travaille dans un bureau,

ok ça ressemble à ça. Quelqu’un qui travaille dehors, ça ressemble à ça. T’sais

fait que je vais y aller par grands domaines. Pis après ça j’essaye de raffiner

[…] » (e-01)

Cette même c.o. mentionne le faire, encore une fois, pour stimuler simultanément diverses

modalités sensorielles et favoriser la représentation des métiers par le client «[…] je vais

utiliser les visites. Juste pour euh…qu’ils voient, qu’ils observent, qu’ils sentent. » (e-01).

Ces activités exploratoires peuvent également se faire de manière plus indépendante où le

client accompagne un proche ou un travailleur pour vivre concrètement la réalité de son

métier : « […] pis faire bon je sais pas moi serveur d’un jour ou cuisinier d’un jour.[…] »

(r-03) Lorsque ce type d’expériences concrètes est vécu par les clients, les c.o. semblent

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61

avoir pour rôle de stimuler la réflexion du client dysphasique que ce soit durant la visite

exploratoire ou une fois l’activité réalisée (ex. : journée carrière). Pour y arriver, l’emploi

de questions semble faire partie des stratégies de communication privilégiées :

« […] faut jamais oublier qu’il faut faire un retour sur les expériences parce

que sans ça ils ont de la misère à en faire la réflexion nécessaire. Il faut s’assurer

que le processus de réflexion il est mis en place. Parce que, ils vont vivre

l’expérience. Ah! C’était le fun. Oui mais à part ça? Qu’est-ce que t’as appris

de toi? Qu’est-ce que ça dit par rapport aux choix? Comment tu t’es senti?

[…] ». (r-03)

Pour faciliter ce retour sur l’expérience, la c.o. e-01 emploie, pour sa part, un code de

couleurs : « […] je sors des marqueurs là, verts, jaunes, roses. […] tel gars qui faisait telle

affaire tu le mets-tu vert, jaune ou rose? » Ces stratégies ont pour but d’aider le client à

tisser des liens entre la représentation qu’il s’est bâtie des métiers explorés et de son

concept de soi. Bref, il s’agit d’aider le client dysphasique à tirer des conclusions des

expériences vécues. Ces retours en arrière se font également lorsque le c.o. est conscient

que certaines activités réalisées sont plus ardues pour le client : « Bon ils ont fait [à l’école]

des tests ben je vais m’assurer d’avoir, mettons un test d’intérêts, si c’est le GROP […],

qu’on puisse le regarder ensemble, l’interpréter […] » (r-03).

Bref, un des enjeux rencontrés par les c.o. sur le plan de l’interaction avec les clients

dysphasiques provient des difficultés qu’ont ces derniers à comprendre et à traiter

l’information adéquatement. Ce constat fait par les c.o. les amène à employer diverses

stratégies de communication. Ils utilisent notamment un langage plus simple et plus

concret, sollicitent plusieurs modalités sensorielles simultanément et s’assurent de faire des

retours sur les expériences vécues par les clients.

5.2.2 Écarts entre le soi idéal et le soi réel du client

Ce thème renvoie aux écarts, tels que perçus par les c.o., entre les croyances, les perceptions

et les aspirations des clients et la réalité. Ces écarts entraînent des conséquences chez le

Page 71: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

62

client et sur le processus d’orientation dont celles d’amener les c.o. à devoir insuffler une

doser de réalisme aux projets de vie des clients.

Les écarts constatés entre les représentations qu’ont les clients d’eux-mêmes et la réalité

touchent divers aspects de la vie du client. Certains clients croient avoir atteint un niveau

scolaire supérieur que celui réellement atteint : « […] certains élèves pensent qu’ils ont

peut-être quelques mois ou peut-être une année de retard alors que dans la réalité c’est peut-

être comme 3-4-5 années de retard. Donc c’est beaucoup plus sévère là.» (s-01). Les clients

dysphasiques peuvent également éprouver des difficultés à saisir le caractère persistant de

leurs difficultés : « Il y en a que c’est ça. T’sais qui se disent ouais mais là l’année prochaine

ça va aller mieux. L’année prochaine tu vas avoir encore ton diagnostic mon « pit » là. »

(s-01). Pour d’autres, il s’agit d’une mauvaise perception de leur capacité d’exécuter

certaines tâches en rapport avec les exigences du marché du travail : «Pis plus ça va, plus

tout se fait en ligne hein. Pis certains sont bons à l’ordi mais t’sais ils se disent « mais je

suis bon à l’ordi. » […] mais c’est… ils (ne) demeurent pas meilleurs eux là, dans la

compétition. » (r-01). Le manque de maturité vocationnelle de ces jeunes résultant entre

autres d’un manque d’expériences de vie (i.e. : expérience de travail, loisirs) et d’une

connaissance de soi moins développée fait en sorte qu’il peut être ardu de comprendre les

impacts de leurs difficultés exécutives sur le marché du travail. Cela complique également

leur capacité de se projeter de manière réaliste dans un travail :

« […] c’est une problématique d’autoperception, autocritique […] faque ce

problème-là étant souvent présent c’est difficile pour ces jeunes ou jeunes

adultes-là de se projeter de façon réaliste dans une occupation, dans un projet

de scolarité. » (r-03)

C’est parfois qu’une fois placés en situation concrète de travail ou d’apprentissage qu’ils

prennent conscience de leurs difficultés : « […] Pis oups on les met dans des tâches de

travail là ça ressort, ils en prennent connaissance. » Un c.o. établi un lien avec l’écart perçu

et la surprotection de la famille :

Page 72: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

63

« […] Dans certains cas parce qu’ils ont été, peut-être trop protégés. On leur a

pas dit, il y en a qu’on leur parle de problème langagier pour la première fois

pis bin non mes parents m’ont jamais dit ça. Ou même si c’est connu depuis

dix ans pauvre petit on (ne) veut pas l’étiqueter, on (ne) veut pas lui en parler

fait que… pas connaissant de leur condition. […] » (r-03)

La c.o. e-02, pour sa part, fait mention d’un double discours existant entre les intervenants

et l’entourage du client : « […] Est-ce que le conjoint accepte aussi parce que elle [la

cliente] elle me disait bin mon conjoint il me dit que la dysphasie c’est une maladie dans

ma tête pis que je peux travailler comme tout le monde. » Le c.o. r-02 remarque que le

client et sa famille peuvent ne pas avoir été suffisamment informés de l’éventail des

conséquences de la dysphasie, ce qui peut jouer sur l’autoperception faussée du client :

« […] la dysphasie est souvent vue seulement comme un trouble de langage,

un trouble euh à s’exprimer, à comprendre, mais toutes les séquelles

neuropsychologiques ils passent souvent sous silence. Autant les jeunes

souvent sont surpris de savoir […] qu’ils ont des troubles cognitifs autres que

ceux du langage, la famille aussi. La famille sont surpris de ça les intervenants

à l’externe aussi. […] » (r-02)

Il est bien évident que ces écarts placent ses clients en situation de deuil lorsqu’ils prennent

conscience qu’ils ne seront pas en mesure de concrétiser certaines de leurs aspirations :

« Deuil du diplôme d’études secondaires, deuil de […] faire un métier semi-spécialisé il y

a comme certains jugements qui peuvent être portés là-dessus de faire un métier semi-

spécialisé dans la vie par la famille, par le conjoint […]» (e-02).

Ces enjeux se répercutent aussi sur l’accompagnement en orientation de ces clients. D’une

part, le fait que ces derniers ne perçoivent pas les difficultés potentielles quand ils

s’engagent dans un projet fait en sorte qu’au moment d’être confrontés aux obstacles, le

désir d’abandonner et de décrocher est présent. La c.o. r-01 rapporte la nécessité de

préparer le client aux obstacles potentiels pour favoriser sa persévérance : « […] faut

anticiper nous faut anticiper ce qu’eux (n’) anticipent pas si on veut faciliter la….La

persévérance dans le projet là. » D’autre part, plusieurs c.o. rapportent qu’ils se trouvent

Page 73: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

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en position de devoir insuffler une dose de réalisme au projet de vie du client. Ce rôle est

parfois difficile à jouer pour certains car il arrive que le client soit sur la défensive et

réticent à voir son choix de carrière questionné : « […] des fois on a des jeunes qui sont

réceptifs à c- les recommandations qu’on peut faire, mais il y en a d’autres qui ont une idée

particulière de leur choix scolaire ou de leur choix professionnel, pis qui seront moins à

l’écoute de nos recommandations […] » (r-02). Dans un autre ordre d’idées, ce même c.o.

(r-02) fait valoir qu’il peut être difficile d’amener cette vision réaliste au client quand le

professionnel lui-même voit difficilement comment les intérêts du jeune pourront être

répondus par les professions qui lui seront accessibles étant donné sa faible scolarité :

« […] Comme je pense à un jeune là que j’ai actuellement, c’est un jeune qui

(ne) se définit pas du tout comme travailleur manuel, qui (n’) est pas intéressé

du tout par ce genre de travail-là, mais qui essaie un retour aux études. C’est

quelqu’un qui est classé en pré-secondaire actuellement. Mais le pronostic (n’)

est pas très bon là pour qu’il se rende très loin à l’école. Mais pour lui c’est très

important. Mais on risque d’être avoir un potentiel de quelqu’un qui va être

capable de faire une formation semi-spécialisée au maximum ce qui fait que

actuellement c’est un défi de l’amener un peu à prendre conscience de ses

perspectives d’emploi qui (ne) correspondent pas du tout à ses intérêts

personnels. […] Fait que ça peut être une difficulté justement d’associer le

potentiel avec les réelles perspectives scolaires et professionnelles. » (r-02)

.

Cet écart entre le soi idéal et le soi réel du client amène les c.o. à devoir informer le client

sur les impacts concrets de la dysphasie dans leur quotidien de même que sur les plans

scolaires et professionnels : « […] On dit j’ai une dysphasie mais c’est comme la dysphasie

pis ma difficulté à me faire comprendre ça va ensemble ça? T’sais c’est pas, il y a de

l’éducation à faire […] pour leur permettre de bien connaître leur condition. […] » (r-03).

Certains c.o. rapportent également avoir le rôle de faire vivre des expériences de vie aux

clients pour qu’ils développent une meilleure représentation de leurs capacités et de leurs

limites. Ce travail peut se faire en collaboration avec la famille.

En résumé, les c.o. dénotent que les clients dysphasiques peuvent avoir une représentation

de leurs capacités ou de leurs difficultés sur les plans scolaire et professionnel qui est

décalée par rapport à ce qui est observé dans la réalité. Cela met les c.o. en position de

Page 74: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

65

devoir insuffler une dose de réalisme aux projets des clients, rôle parfois difficile à jouer

en raison des réactions des clients et du discours inverse adopté par la famille.

5.3 Enjeux liés à l’organisation des services

Tableau 5.3

Enjeux liés à l’organisation des services

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Liberté d’action variable

Les c.o. éprouvent un sentiment de

latitude variable quand il est question de

déterminer le temps et l’intensité du suivi

de même que les moyens pouvant être pris

pour desservir la clientèle dysphasique;

besoin d’indépendance professionnelle

plus ou moins répondu.

Manque de moyens

Les c.o. ont le sentiment de manquer de

moyens (outils concrets, ressources,

subventions) pour favoriser la réussite des

clients.

5.3.1 Liberté d’action variable

Les c.o. rencontrés sont partagés quand il est question de la latitude que leur milieu de

travail leur donne en ce qui concerne les moyens d’intervention employés et la durée des

processus d’orientation faits auprès clients dysphasiques. Il ressort que les c.o. souhaitent

pouvoir faire preuve d’indépendance professionnelle, c’est-à-dire qu’ils désirent pouvoir

exercer leur jugement professionnel afin de déterminer les meilleurs services à offrir plutôt

que ce soit les contraintes organisationnelles qui déterminent les balises de l’intervention.

L’ensemble des c.o. provenant des secteurs de l’employabilité et de la réadaptation

semblent satisfaits quant à la durée pendant laquelle il leur est possible d’accompagner ces

Page 75: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

66

clients. La longueur du suivi est cependant très variable d’un secteur à l’autre. Alors que

les c.o. de la réadaptation s’expriment en termes d’années, les suivis en employabilité

semblent plus courts. À ce sujet, une des c.o. du secteur de l’employabilité (e-01)

mentionne : « […] t’sais Emploi-Québec ne nous met pas de…dire bon bin tu (n’) as pas

droit à plus que 8 rencontres avec ton client là t’sais il (n’) y en a pas de ça. Donc si j’ai

besoin de le voir 12 fois bin je vais le voir 12 fois. Pis si j’ai besoin de le voir 15 ça sera

15. » L’un des c.o. de la réadaptation (r-01) souligne pour sa part :

« On a la chance de pouvoir les accompagner plus que quelques rencontres-là,

parce qu’on peut les suivre sur des années. […] Pas nécessairement à toutes les

semaines […] mettons qui que là je vois qu’il (n’) a pas de besoin pour un bout,

je vais cesser mais je vais mettre une relance. Fait que je vais le revoir en

relance pour les futurs besoins. Fait qu’il y a comme une continuité de service

qui s’installe, qui peut être présente. […] »

Plus d’un c.o. semblent apprécier cette latitude offerte par leur milieu et la perçoivent

parfois comme un privilège en rapport à la réalité de c.o. oeuvrant dans d’autres milieux :

« […] je pense qu’on a le meilleur des mondes ici parce qu’on travaille vraiment à la

réadaptation de ces jeunes-là, pis on a le moyen de le faire ce qui (n’) est pas le cas partout

là, ouais. » (r-02). Ils sentent ainsi qu’ils ont les conditions pour pouvoir desservir

adéquatement la clientèle en étant entre autres présents dans les transitions traversées par

les clients dysphasiques, transitions qui sont considérées comme des moments

névralgiques de leur parcours :

« […] on est là pour les transitions justement c’est ça qui est plus difficile pour

eux les transitions d’un milieu à un autre…donc le milieu scolaire va s’assurer

de la transition vers un autre milieu scolaire ou peut référer au Carrefour

Jeunesse-Emploi maintenant là mais t’sais c’est…il (ne) fera pas

nécessairement toute la transition. Là on peut être présent dans la transition pis

collaborer avec l’autre organisme partenaire. Ensuite, on va le suivre même

pendant qu’il fait sa formation professionnelle, et pis assurer la transition vers

l’organisme d’emploi…les organismes d’employabilité d’Emploi-Québec

[…] »

Page 76: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

67

Dans un autre ordre d’idées, certains c.o., toujours des secteurs de l’employabilité et de la

réadaptation, ressentent qu’ils détiennent une liberté d’action quant au « comment » ils

desservent la clientèle dysphasique, soit les méthodes d’intervention employées : « […]

prendre mon auto pis m’en aller [effectuer des visites exploratoires avec le client]. Il y en

a des bureaux ou des écoles probablement que les c.o. peuvent pas faire ça t’sais. Moi je

peux. ». La c.o. r-01 ajoute : « […] Si on voudrait ouvrir des groupes on pourrait là. […] »

Une situation particulière prévaut dans le cas de la c.o. r-01. Celle-ci a relevé en cours

d’entrevue avoir participé à un projet-pilote qui a servi à élaborer l’offre de services du

centre de réadaptation en lien avec la clientèle ayant des troubles du langage. Elle a ainsi

participé à la définition de son rôle auprès des clients dysphasiques, alimentant ainsi le

sentiment de latitude éprouvé : « […] On a comme construit le service à partir de

l’évaluation de besoin qu’on a fait. Fait que là on n’est pas dans un rôle imposé. […] » (r-

01).

La c.o. provenant du milieu scolaire ne ressent toutefois pas ce même sentiment de latitude.

Au contraire, plusieurs contraintes limitent les services qu’elle est en mesure d’offrir,

créant ainsi un écart entre ses aspirations et ce qui lui est possible de faire :

« Donc je veux beaucoup beaucoup faire des groupes. Sauf que mon horaire,

s’il fit pas avec l’horaire du prof…T’sais révisions, examens, des choses

comme ça là c’est beaucoup plus complexe entrer en classe. (pause) […] la

barrière est vraiment logistique, administrative là si je peux dire. » (s-01)

La mauvaise planification des services par la direction limite également l’impact que cette

c.o. aimerait pouvoir avoir auprès des élèves, ce qui semble entraîner une certaine

exaspération chez cette professionnelle :

« Je me dis ça serait le fun de les voir plus souvent, de faire un meilleur

accompagnement, de… t’sais je veux dire on est au mois de mars là j’aurais

aimé ça les voir avant sauf que… En début d’année la direction sachant pas

quoi faire avec moi m’avait donné un seul groupe, FMS. Le temps était long

en s’il vous plaît là. […]» (s-01)

Page 77: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

68

En résumé, les c.o. des secteurs de l’employabilité et de la réadaptation apparaissent détenir

une plus grande liberté d’action dans le cadre qui leur est imposé par leur milieu de

pratique. Ils semblent d’ailleurs en retirer une plus grande satisfaction comme leur besoin

d’indépendance sous-jacent est répondu. La situation en est autrement pour la c.o. du

milieu scolaire qui perçoit davantage de contraintes sur le plan de l’intensité des services

qu’elle est en mesure d’offrir aux clients dysphasiques.

5.3.2 Manque de moyens perçu

« Bin les obstacles c’est les moyens. Les moyens pour leur permettre de développer leur

potentiel. C’est vraiment là-dessus qu’on se casse la tête. » (r-01). Voilà un extrait qui

illustre bien un des enjeux/obstacle identifié par les c.o. rencontrés. Le manque de moyens

réfère soit à l’absence de certains services, soit à l’inadéquation ainsi qu’au manque

d’accessibilité des ressources et services existants.

La c.o. r-03 est celle qui a traité de l’absence de ressources adaptées. En ce sens, elle

souligne la non-existence de services de placement assisté où un intervenant ferait les

démarches de recherche d’emploi pour le client : « C’est ça le marché du travail mon

homme faut que tu t’apprennes à te présenter à un employeur, mais la difficulté la barrière

elle est là. […] » Elle mentionne également l’absence de subvention pour le travail d’été

qui serait pourtant un bon moyen de développer l’employabilité de ces clients.

Le manque de moyens perçu provient également de l’inadéquation des ressources

existantes. Il peut s’agir des outils psychométriques :

« Bin oui l’IVIP je l’utilise, il est utile mais oui il a ses limites oui. T’sais il

manque une certaine diversité dans les photos, […] Il pourrait avoir plus

vraiment des outils adaptés […] t’sais spécifiquement à cette clientèle-là. Ça

manque oui énormément. » (e-02)

Page 78: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

69

À d’autres moments, le manque ressenti est relié aux services de développement de

l’employabilité qui ne cadrent pas avec les particularités des clients dysphasiques. Cela a

pour effet que ces derniers se retrouvent dans un « vide de services » : « (le centre de travail

adapté) des fois c’est des tâches trop simples pour eux. Ils [clients dysphasiques] seraient

capables de faire plus complexe mais plus lentement. Mais pas assez lentem…encore trop

lentement pour une subvention.» (r-01). Les c.o. des centres de réadaptation semblent

également vivre un tiraillement quand le client est rendu à l’étape d’intégrer le marché du

travail. Comme cette portion n’est pas du mandat des c.o. en réadaptation, ces derniers se

retrouvent à transférer les dossiers des clients vers les organismes d’aide à l’emploi. Bien

que l’offre de services de ces organismes se soit développée selon la c.o. r-01, il demeure

que les services offerts ne sont pas suffisants pour permettre aux clients dysphasiques de

devenir pleinement compétents dans leur recherche d’emploi :

« […] les services d’aide à l’emploi ils préparent aux entrevues mais c’est une

ou deux rencontres. Tandis qu’avec un dysphasique il faut des fois que tu fasses

plus que ça. Faut que tu reviennes sur sa recherche d’emploi. Qu’est-ce qu’il a

fait? Comment on pourrait faire ça autrement? Refaire le, faire des jeux de

rôle, pratiquer les entrevues plusieurs fois selon différents types de personnes.

[…] » (r-01)

L’accessibilité des ressources existantes représente un enjeu qui a été soulevé par les trois

c.o. du secteur de la réadaptation. Parmi ces ressources se trouvent les subventions comme

les contrats d’intégration au travail (CIT) qui, en raison des critères d’éligibilité, ciblent

qu’une portion de la clientèle dysphasique présentant des atteintes sévères. Cette

accessibilité semble d’autant plus réduite en raison des coupures gouvernementales

réalisées dans ce programme. L’accessibilité restreinte à d’autres services du centre de

réadaptation représente un autre enjeu : « […] pis même ici à l’interne c’est pas facilité.

Parce que là les ressources se sont spécialisées pis […] faut qu’on soit rendus à un choix

professionnel quasiment rendu à le faire avant de pouvoir référer pour vérifier s’il a la

capacité de le faire. […] » (r-01).

Page 79: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

70

Finalement, dans certains cas, le manque de moyens perçu origine d’obstacles provenant

de l’organisation pour laquelle les c.o. travaillent. La c.o. e-02 souligne son désir de

pouvoir avoir recours à des vidéos afin d’approfondir l’exploration des métiers avec la

clientèle : « […] Si je pouvais avoir accès à YouTube, les vidéos, ça ça me manque

beaucoup. Pis c’est une question de logistique informatique […] ». La c.o. du milieu

scolaire ajoute qu’elle aimerait pouvoir compter sur de la documentation en anglais afin de

favoriser la compréhension des programmes de formation axés sur l’emploi par certains

parents allophones. Ce manque de moyens perçu par les c.o. a pour effet d’entraîner par

moment des écarts entre les résultats souhaités et obtenus : « […] fait que je dirais qu’il y

en a des barrières qui font que des fois on pourrait avoir des beaux succès mais par le

manque de ressources communautaires ou même organisationnelles ici on (n’) a pas

toujours les résultats qu’on pourrait espérer. » (r-03).

En résumé, le manque de moyens perçu par les c.o. tire son origine de trois sources : 1)

absence de services adaptés à la clientèle dysphasique (ex. : service de placement assisté),

2) inadéquation des ressources existantes (ex. : Centres de travail adaptés) et 3) accès

limités aux ressources et outils existants (ex. : accès à internet limité par le milieu de

travail). Ce manque de moyens a pour effet de limiter les c.o. dans ce qu’ils voudraient

pouvoir offrir aux clients.

Page 80: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

71

5.4 Enjeux reliés aux conseillers d’orientation

Tableau 5.4

Enjeux reliés aux conseillers d’orientation

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Sentiment d’efficacité personnelle

variable

Croyance plus ou moins positive qu’ont

les c.o. envers leur capacité à intervenir

adéquatement et efficacement avec la

clientèle dysphasique ; sentiment plus ou

moins marqué de faire une différence

auprès des clients, des intervenants et des

milieux.

Besoin de reposer sur des bases solides

Besoin qu’ont les c.o. de faire une

évaluation complète, rigoureuse et de bien

comprendre le client dans sa globalité.

Besoin de s’affilier avec des partenaires

Nécessité perçue et besoin qu’ont les c.o.

de s’associer avec des partenaires pour

mieux accompagner la clientèle

dysphasique ; perception de leur rôle au

sein de cette collaboration.

Orientation vers les solutions

Les c.o. se centrent sur les moyens et les

solutions plutôt que sur les limites des

clients et de l’organisation pour mieux

desservir la clientèle dysphasique.

5.4.1 Sentiment d’efficacité personnelle variable

Des propos recueillis, il ressort que le sentiment d’efficacité personnelle des c.o. varie d’un

professionnel à l’autre. Dans le cadre de cette étude, le sentiment d’efficacité personnelle

est défini comme étant la croyance qu’ont les c.o. face à leur capacité d’intervenir

adéquatement et efficacement avec la clientèle dysphasique et le sentiment de faire une

différence auprès des clients, des intervenants et des milieux.

Certains c.o. semblent éprouver un sentiment d’efficacité personnelle plus élevé. D’une

part, l’expertise acquise au travers de leurs nombreuses années d’expérience fait en sorte

Page 81: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

72

qu’ils ont le sentiment d’avoir acquis suffisamment de connaissances et développé des

stratégies d’intervention qui les rendent confiants dans leur intervention auprès de la

clientèle dysphasique. En ce sens, la c.o. r-01 mentionne :

« […] je vous dirais qu’à l’étape de ma carrière où je suis rendue il (n’) y en a

pas vraiment [connaissances et compétences à acquérir] (rires). […] Ça fait

trente ans que je suis dans le réseau de la santé. […] Pis c’est en ayant

développé une psychothérapie qui (n’) est pas langagière mais plus qui utilise

beaucoup l’image et le langage, on utilise les deux, ça me donne un outil dans

lequel je me sens assez à l’aise avec la clientèle dysphasique. »

Chez une c.o., ce sentiment d’efficacité personnelle se reflète par le naturel démontré dans

sa capacité de diriger et d’adapter son intervention en fonction des particularités du client :

« […] je le joue un peu à l’oreille. Euh j’ai pas besoin d’avoir ma partition t’sais pour

suivre exactement où je suis rendue t’sais. T’sais je vais la jouer à l’oreille. C’est comme

une danse. » Ces c.o. au sentiment d’efficacité personnelle élevé sont en quelque sorte

rendus à l’étape de leur cheminement professionnel où ils sont conscients de leur

compétence. Alors que pour d’autres, tel n’est pas le cas. Une c.o. (s-01) se situe davantage

à l’étape de l’« incompétence » consciente, soit l’étape où elle ressent un manque de

connaissances. Il importe de souligner que cette c.o. en était à sa première année

d’expérience auprès de cette clientèle au moment de l’entretien. Ce manque de

connaissances entraîne un sentiment d’imposteur chez cette c.o. : « Je trouve que j’en sais

pas assez pour bien faire ma job. Ce qui me freine psychologiquement. Euh t’sais, je suis

qui moi pour aller les coacher alors que je (ne) comprends même pas comment ça

fonctionne la dysphasie. »

D’autres c.o. semblent se situer entre ces deux zones. Sans se sentir pleinement efficaces

avec la clientèle dysphasique, ils sont conscients qu’ils possèdent un certain bagage de

connaissances et de compétences qu’ils auraient toutefois avantage à bonifier :

« […] j’aimerais ça avoir plus de formation moi personnellement là en lien

avec l’orthophonie, les différents troubles de langage. Des fois j’ai l’impression

que j’ai pas une compréhension assez fine de tout ça. Oui je suis capable de lire

Page 82: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

73

un rapport. Mais j’aimerais ça avoir de la formation par rapport à ça. J’en

(n’) ai jamais eu pis mais je pense que c’est un manque là actuellement ouais. »

(r-02)

La c.o. e-02, pour sa part, bien qu’elle se sente en mesure de bien communiquer avec ces

clients remet en question certaines des stratégies employées pour favoriser leur

compréhension, d’où son désir d’en savoir plus sur les façons d’adapter l’intervention de

même que sur les aspects où il est nécessaire d’être vigilants :

« […] j’essayais des fois peut-être d’y aller visuellement mais je (ne) suis pas

certaine que c’est toujours une stratégie gagnante non plus. T’sais j’aurais à

acquérir plus de connaissances sur la dysphasie là mais sur le plan de la

communication t’sais ça pouvait aller quand même relativement bien. » (e-02)

Le manque de connaissances soulevé par plusieurs c.o. touche à la fois les savoirs que les

savoir-faire. Sur le plan des savoirs, le besoin de développer une meilleure compréhension

de la dysphasie, des difficultés et des forces présentées par les personnes a été relevé. À

cela s’ajoute le développement d’une meilleure compréhension du code de difficulté 34

(voir p.4) et des profils variables que peuvent présenter les élèves se voyant attribuer ce

code. Le besoin de connaître les secteurs de formation dans lesquels les élèves

dysphasiques évoluent plus ou moins facilement ainsi que le désir de reposer sur des

exemples concrets de cheminement de clients dysphasiques ont aussi été mentionnés par

la c.o. s-01. Finalement, un besoin de connaissances en matière d’accompagnement au

choix de carrière de cette clientèle a également été souligné. En lien avec le savoir-faire,

une c.o. soulève son besoin d’être « coachée » sur le plan du counseling de ces jeunes, afin

de favoriser leur compréhension, mais également auprès de leur famille. Ce désir de

développer leur savoir a pour objectif d’intervenir de manière plus rigoureuse et moins

instinctive auprès de ces clients. Cela a également pour but de donner une direction plus

claire au processus d’orientation et de le bonifier, en s’ajustant davantage aux particularités

des clients, en formulant des recommandations plus complètes et en développant du

matériel pédagogique mieux adapté.

Page 83: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

74

Un c.o. a souligné ressentir à l’occasion de l’impuissance face à ces clients dans sa capacité

à les amener à être plus introspectifs. Le sentiment d’avoir atteint la limite de ses

compétences a mené le c.o. à référer à une reprise un client vers un autre professionnel

spécialisé dans l’intervention auprès de la clientèle présentant des troubles du langage :

« Bin des fois je t’avouerai que moi personnellement je me sens un peu, un peu

limité je te dirais dans ma capacité à les aider à être plus introspectifs, mais

c’est sûr c’est une de leurs limitations mais je me sens un peu impuissant face

à ça. […] Je pense à un de mes jeunes qui a une bonne dysphasie actuellement

là. […] En dedans de lui il s’est toujours senti comme ayant un bon potentiel

mais il a toujours été mis comme il dit dans des classes pour déficients

intellectuels. Ça ça crée une grande souffrance pis ça crée des difficultés

d’adaptation aussi chez lui parce que dès qu’il est confronté au reflet de ben tu

(n’) es peut-être pas intelligent, ou que lui le comprend comme ça, il réagit

fortement. […] Avec ce jeune-là moi je me sens je me suis senti impuissant au

point où je lui ai demandé de consulter en psychologie quelqu’un qui

était…avec une psychologue qui était vraiment spécialisée là dans les troubles

de langage là. Là c’est comme c’était de trop là. » (r-02)

Le sentiment d’efficacité personnelle des c.o. se reflète également par leur sentiment plus

ou moins marqué de faire une différence auprès des clients, des intervenants et des milieux

dans lesquels ils sont appelés à travailler. La c.o. r-01 ressort comme ayant un sentiment

d’efficacité personnelle positif quand il est question des impacts que son implication a

engendré au sein des milieux où elle a travaillé. Grâce à un projet réalisé auprès d’une

classe langagière auquel la c.o. a participé, celle-ci dénote que les services offerts aux

clients dysphasiques ont été bonifiés. Tout d’abord, cela a permis aux élèves dysphasiques

d’être maintenant desservis par la c.o. de l’école et de créer des liens avec le CJE de la

région qui continue d’intervenir en classe. Elle remarque également que le travail fait en

collaboration avec d’autres professionnels a entraîné la mise en place d’activités de

préemployabilité mieux adaptées :

« Parce que, avant ils suivaient un cours il y avait le cours préparation au

marché du travail. Pis dans ce cours-là c’était assez toutes des questionnaires

d’intérêts, perceptions de capacités en tout cas, de connaissance du marché du

travail mais c’était très écrit hein, très verbal finalement, très très langagier

(rires). […] avec le projet-pilote bin ça a mis en lumière que c’est des jeunes

Page 84: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

75

ils avaient besoin d’apprendre dans l’action, avoir du « feedback » dans

l’action. Parce que les écrits demandaient une rétro, une conscience de soi

qu’ils (n’) étaient pas rendus à avoir. » (r-01)

La c.o. r-01 a également remarqué que les changements positifs apportés par ce projet se

sont transférés aux autres classes langagières « Mais c’est ce que ça l’a changé parce

qu’après, dans toutes les autres classes langagières, ils ont introduit des activités d’aller

observer des travailleurs au centre d’achat qui est un centre d’achat qui était en face.

D’aller s’informer sur un produit. D’aller juste déposer, pour pratiquer à déposer un CV. »

De plus, ce projet a servi de guide afin de déterminer les services à offrir à cette clientèle.

La c.o. semble d’ailleurs ressentir une certaine satisfaction face à ce qui a été développé :

« Pour mieux développer les services aux dysphasiques…Bin là en tout cas on est bien

partis parce qu’il y a comme une continuité. […]» (r-01).

Chez d’autres c.o., le sentiment de faire une différence se traduit surtout par l’impact plus

ou moins marqué qu’ils ont et qu’ils perçoivent chez la clientèle ou les intervenants avec

lesquels ils interagissent. La c.o. e-02, pour sa part, mentionne avoir l’impression d’avoir

un rayonnement moindre maintenant qu’elle travaille en individuel alors qu’auparavant,

elle occupait un rôle de « coach » en milieu scolaire auprès des enseignants :

« […] des fois c’est les enseignants qui sont dans d’autres matières qui

acceptent ces cours-là pour avoir des charges de cours, ils (ne) savent pas

comment accompagner les jeunes dans leur stage. […] c’était comme les jeunes

ils (ne) savaient pas pourquoi ils étaient là, ils (ne) faisaient pas de liens entre

les stages pis eux. […] Pis bon, c’est là où là j’ai vu que j’avais peut-être plus

de place des fois t’sais on…juste en discutant avec un prof en lui expliquant

t’sais, comment tu pourrais faire autrement, comment aider le jeune à faire plus

de sens avec ses d’apprentissages, ses stages. Là je voyais que oups t’sais ça

pouvait avoir une portée plus large. […] Donc c’est ça, ça me convient comme

implication mais oui c’est plus limité que ce que j’ai déjà fait dans le passé à la

commission scolaire. […]»

La c.o. r-3, quant à elle, perçoit que son expertise particulière auprès de cette clientèle est

reçue comme une forme d’aide grandement appréciée par les c.o. du milieu scolaire : « […]

Page 85: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

76

Les conseillers d’orientation je te dirais que quand on entre en contact avec eux, sont bien

contents d’avoir du renfort d’un conseiller d’un c.o. spécialisé en réadaptation qui connaît

un peu plus la clientèle. […] » Le sentiment de faire une différence auprès des clients a été

relevé par la c.o. s-01. Celle-ci conçoit son rôle comme étant de dédramatiser et de

vulgariser l’information afin que les jeunes comprennent adéquatement les options et

parcours scolaires possibles. Elle perçoit qu’en étant une personne avec laquelle les élèves

dysphasiques sont moins familiers, son discours a plus d’impact : « Mais il y a toujours le

fameux quand c’est le prof le dit ou quand un parent le dit ouais ouais ouais pis quand c’est

quelqu’un d’autre qui vient l’expliquer ah tiens donc je vais écouter d’une oreille

différente. » (s-01).

Bref, il s’avère que les c.o. rencontrés éprouvent un sentiment d’efficacité personnelle

variable. Alors que certains sont conscients de leur compétence à intervenir auprès de la

clientèle dysphasique, d’autres aimeraient acquérir davantage de savoirs et de savoir-faire

et ressentent même de l’impuissance. Il demeure que plusieurs dénotent l’impact positif

qu’ils ont sur ces clients, les intervenants de même que les milieux dans lesquels ils sont

ou ont été appelés à travailler.

5.4.2 Besoin de reposer sur des bases solides

Il ressort clairement des entretiens que plusieurs c.o. sentent le besoin et l’obligation

professionnelle de faire une évaluation initiale complète et rigoureuse du client afin de

déterminer les meilleurs services à offrir :

« […] je pense que d’abord une bonne évaluation de la situation de chaque

personne est très très très importante là. Euh évaluer la maturité de la personne,

évaluer ses intérêts, évaluer son fonctionnement dans les activités de la vie

quotidienne, dans ses habitudes de vie, pour dans le fond mettre en place toutes

les meilleures ressources, les choses sur lesquelles on veut travailler pour les

amener plus loin là si on veut. » (r-02)

Page 86: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

77

À ces éléments d’autres c.o. ajoutent l’importance d’évaluer les besoins du client,

d’effectuer le bilan de son parcours socioprofessionnel (stage, bénévolat, expériences de

travail), scolaire et d’analyser la problématique de communication de même que les

problématiques associées (ex. : problématiques de santé, troubles moteurs et cognitifs,

conditions du milieu). Des propos de certains c.o. émergent la considération positive qu’ils

éprouvent face à leur client et qui se répercute dans l’évaluation réalisée auprès de celui-

ci. Tel est le cas chez la c.o. r-03 :

« […] on va prendre le temps de bien identifier le besoin pis cerner notre

bonhomme ou notre petite bonne femme devant nous pour voir bin ok en face

de qui on est. Oui il y a un problème langagier mais au-delà de ça on a une

personne qui a des goûts, des intérêts, des aptitudes, des forces […] »

Pour arriver à effectuer une évaluation complète et bien cerner le client, certains c.o. vont

au-delà de l’échange effectué avec leur client. Parmi les moyens employés se retrouvent la

collecte des rapports professionnels et des dossiers scolaires ainsi que l’utilisation du guide

d’évaluation en orientation ou d’un canevas d’ouverture de dossier. D’autres stratégies sont

également relevées :

« On se documente oui sur internet, jase avec des intervenants ou d’autres

professionnels qui ont passé avant nous, qui les connaissent. Pose des questions

des fois juste la lecture des rapports c’est pas assez. Je pense (que) ça prend

comme compétence un petit côté entreprenant pour (ne) pas avoir peur de

cogner aux portes, déranger du monde, poser des questions pour bien connaître.

Pis ça se fait cas par cas. Parce qu’un dysphasique il (n’) est pas comme l’autre

dysphasique non plus t’sais. » (r-03)

Au-delà de l’évaluation plus « conventionnelle » faite par les c.o., des évaluations

complémentaires effectuées par d’autres professionnels peuvent s’avérer nécessaires afin

d’évaluer le potentiel d’employabilité du client de même que ses forces et faiblesses en

situation de travail. Seuls les c.o. en réadaptation ont abordé ce type d’évaluation,

possiblement dû au fait que les ressources de leur milieu de travail la rendent accessible :

Page 87: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

78

« Ici au [nom du programme où travaille la c.o.] les ergothérapeutes peuvent

aussi proposer des mises en situation. On a un atelier d’évaluation et de

développement de capacité de travail. […] ils peuvent faire de la menuiserie,

ils peuvent faire de la mécanique, il y a un circuit fonctionnel, ils peuvent faire

du travail de bureau, ils peuvent faire du travail d’artisanat. […] On veut

vérifier bon oui il a un problème langagier mais est-ce qu’il comprend les

consignes dans l’action. […] Ou est-ce qu’il est sécuritaire avec la

manipulation d’outils, […] C’est quoi ses tolérances? Est-ce qu’il peut

travailler debout des journées complètes? Je (ne) veux pas nécessairement me

fier à ce que mon client me dit. Je vais vouloir avoir une observation, quelqu’un

qui l’a vu en action en activité. Pour comme compléter mon…[…] Oui avoir

une vision plus globale. » (r-03).

À la lumière de ces informations, il apparaît que les c.o. accordent une grande

importance à la réalisation d’une évaluation complète et rigoureuse du client afin de

déterminer les services à mettre en place. Cette évaluation va bien au-delà de

l’échange avec la personne dysphasique puisqu’elle implique entre autres de

recueillir les rapports d’évaluation antérieurs, de se documenter sur la problématique

présentée et de solliciter l’avis d’autres professionnels.

5.4.3 Besoin de s’affilier avec des partenaires

Ce thème renvoie à la nécessité perçue par les c.o. et à leur besoin de s’associer avec des

partenaires pour mieux accompagner la clientèle dysphasique ainsi qu’au rôle qu’ils

occupent au sein de cette collaboration. Lorsqu’il est question d’accompagner les clients

dysphasiques dans leur processus de choix de carrière, il ressort clairement que le conseiller

d’orientation ne suffit pas à lui seul et qu’une pratique décloisonnée doit être mise en place.

Une collaboration avec des professionnels aux expertises variées, tels les éducateurs, les

neuropsychologues et les orthophonistes peut s’avérer nécessaire pour bien cerner le client

dans ses diverses facettes. Ces liens peuvent s’établir avec des partenaires issus du milieu

où travaille le c.o. ou des partenaires externes œuvrant dans d’autres milieux fréquentés

par le client.

Page 88: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

79

Ces liens tissés remplissent diverses fonctions. D’une part, un c.o. du secteur de la

réadaptation rapporte que la collaboration avec les intervenants du milieu scolaire (ex. :

professeur, école, direction) permet de mettre en place les services complémentaires, les

ressources et les mesures d’adaptation pertinentes pour s’assurer du plein développement

du client en plus de favoriser sa réussite scolaire : « […] je pense à un de mes jeunes qui

a décidé de retourner à l’éducation des adultes, pis ça été un grand un gros processus là, on

a commencé par un retour avec peu d’heures […], on a mis en place des mesures avec une

orthophoniste aussi pour qu’il ait accès à des logiciels qui soient adaptés à sa condition. »

(r-02). La c.o. r-03 souligne pour sa part que cela rend possible une meilleure circulation

des informations et une connaissance commune des particularités et besoins du client

lorsque celui-ci intègre un nouveau milieu scolaire. Cette alliance semble être vue sous

l’angle de la complémentarité notamment lorsque des expertises différentes sont

nécessaires pour mieux comprendre le client :

« Moi je (ne) suis pas neuropsychologue donc ça arrive souvent que je vais voir

des résultats pis je vais dire oups, aller donc voir le neuropsychologue parce

que moi je (ne) peux évaluer le retard mental voir où sont les forces les

faiblesses de la personne au plan cognitif mais je (ne) peux pas établir d’autres

diagnostics comme troubles du langage c’est ça je (ne) peux pas faire ça. » (e-

02)

Cette complémentarité semble également être ressentie lorsque deux conseillers

d’orientation de deux milieux différents doivent collaborer dans l’accompagnement d’un

même jeune. La c.o. r-03 souligne : « J’essaie d’être plus en partenariat que, que de

remplacer le c.o. à l’école. » (r-03). Cela permet de mieux desservir le client quand des

contraintes limitent l’accès aux services d’orientation hors du milieu scolaire, comme le

mentionne cette même professionnelle : « […] des fois pour le jeune qui est dans la

formation régulière bin c’est difficile de venir me rencontrer. Fait qu’il y a des choses qui

vont se faire à l’école, en grand groupe. » Cette collaboration permet également de

déterminer les services qui sont davantage prioritaires pour le jeune tout en assurant une

continuité des services auprès du client dysphasique comme le mentionne une c.o. en

réadaptation (r-01) : « […] certains quand qu’ils veulent aller aux adultes, pis qu’ils

Page 89: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

80

cheminent, pis que là on a fait le transfert et communiqué comme avec l’éducation des

adultes leur besoin, pis qu’il (n’) a pas de choix professionnel à court terme on peut cesser

pis reprendre plus tard là [...]. »

Des partenariats avec les intervenants d’Emploi-Québec sont aussi mis en place dans le

cadre de mesures pour favoriser le développement de l’employabilité du client. Le PAAS

Action est cité à titre d’exemple par la c.o. r-03, programme qui consiste à la réalisation de

stage dans des milieux communautaires. Dans d’autres cas, les partenariats sont établis

avec les organismes en employabilité. Les parents représentent également d’autres alliés

avec lesquels il importe de s’associer selon la c.o. r-01, d’autant plus lorsque les clients

dysphasiques sont plus jeunes.

Au sein des partenariats établis avec les autres intervenants et milieux, le c.o. r-02

provenant du secteur de la réadaptation reconnaît qu’il apporte sa couleur particulière en

occupant un rôle d’intervenant-pivot qui, grâce à la vision globale qu’il a de son client, est

en mesure d’établir ses besoins et de le référer aux ressources appropriées en conséquence.

Il mentionne :

« Nous on a cette particularité-là je dirais comme professionnel d’avoir une

vue d’ensemble de la personne pis de ses besoins, ce qui est pas le cas par

exemple en ergothérapie, ce qui (n’) est pas le cas en orthophonie. Nous on va

évaluer toutes les dimensions de la personne pis […] on va s’assurer de mettre

en place ces services-là autour de la personne pis on va faire un suivi avec elle

pour qu’elle puisse cheminer adéquatement à travers tous ces services-là. »

La c.o. r-03 conçoit son rôle comme celui d’établir un fil conducteur entre les milieux de

services fréquentés par le jeune pour que l’information circule adéquatement et que des

services adéquats et en continuité lui soient offerts pour favoriser sa réussite :

« […] le fil rouge dans le fond c’est le fil conducteur entre une organisation

scolaire et une autre ou un organisme de service là d’employabilité et l’école

[…] pis ce fil-là c’est important qu’il (ne) se coupe pas. Parce que là on a un

Page 90: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

81

jeune adulte qui se perd dans le réseau dans ce temps-là ou qui se retrouve pas

de service. Pis qui là va faire plus d’essais erreurs. Ça risque d’être plus

difficile avant qu’il câline qu’il sache à quelle porte cogner. »

Les données obtenues démontrent que de s’associer à des partenaires est un enjeu important

pour ces c.o. afin de mettre en place les ressources et services répondant aux besoins du

client et de favoriser le développement de son potentiel. Au sein de cette collaboration, les

c.o. se perçoivent comme un intervenant pivot ou comme des professionnels dont le rôle

est d’établir un lien entre les divers milieux de vie du client pour assurer notamment la

continuité des services.

5.4.4 Orientation vers les solutions

Bien que certaines des questions du guide d’entretien se centraient sur les obstacles

rencontrés par les c.o., ces derniers ont abordé les contraintes liées à l’intervention et

l’organisation des services de manière généralement neutre et parfois même positive. Plutôt

que de se concentrer sur le caractère négatif de l’obstacle, ces professionnels semblent

davantage orientés vers les moyens et les solutions à prendre pour desservir le mieux

possible la clientèle dysphasique. Les obstacles sont alors assimilés à des réalités dont il

faut tenir compte, sans plus. Bref, une certaine aisance à faire face aux handicaps des clients

semble se dégager.

Cette orientation vers les solutions transparaît dans leur vision du client : « Bin (soupir)

j’appelle pas ça un obstacle. J’appelle bon c’est une personne avec des particularités. Ils

ont tous des particularités. Il faut tous s’adapter pour essayer de voir comment on peut aller

les chercher. » Dans le cas de la c.o. e-01, l’aisance à adapter l’intervention selon le profil

du client semble en partie tirer son origine du fait que l’ensemble de sa clientèle présente

des handicaps divers : «Mais c’est pas comme quelqu’un mettons, si tu poses la même

question de quelqu’un dans le milieu scolaire. Il va te dire bin un élève qui a un de la

dysphasie mais l’autre élève il a rien. […] bin moi c’est pas l’autre personne elle a…elle a

rien. L’autre personne est handicapée aussi. Fait qu’elle a autre chose. » (e-01). Cette

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82

vision positive du client se dégage également par l’importance accordée à leurs forces

plutôt qu’aux échecs vécus de même qu’aux stratégies que le client a utilisées par le passé

et qui se sont avérées efficaces question de les réinvestir : « […] Fait que ça me sert à rien

de savoir pourquoi tu es dysphasique, depuis quand tu es dysphasique, je veux pas aller

gratter par là. J’ai un dysphasique devant moi. Parfait. Où tu veux aller mon grand, c’est

quoi ton objectif, ensemble. Pis on s’en va par là. […] » (e-01). Ces éléments représentent

des aspects-clés de l’approche orientée vers les solutions (AOVS), approche préconisée

par la c.o. e-01.

L’importance accordée aux moyens se dégage également à travers la recherche des options

professionnelles accessibles par le client. Plutôt que de se centrer sur les contraintes et sur

ce qu’il n’est pas en mesure d’accomplir, l’attention est mise sur les forces et les options

qui relèvent du domaine du possible pour le client : « […] faut aller regarder plus vers les

forces, qu’est-ce qui va bien pour aller les aider à trouver un métier qui va leur convenir

davantage pis dans lesquels ils vont pouvoir être à l’aise, performants pis se réaliser là-

dedans là. Pour pas vivre des échecs. C’est un peu démoralisant. » (e-01). Les efforts

déployés par les c.o. pour trouver le chemin et les ressources qui permettront au client

dysphasique de développer son plein potentiel professionnel témoignent aussi de leur

orientation vers les solutions. Que ce soit par le biais de la formation, de PAAS Action, du

travail non compétitif, d’un métier semi-spécialisé ou d’ateliers préparatoires à l’emploi,

l’objectif ultime de la c.o. r-03 est d’aider le client à s’actualiser et de favoriser son bien-

être en emploi :

« Pis même si c’est quelqu’un qui en partant on a nous un pronostic assez

défavorable par rapport à l’employabilité qu’on se dit mmm je pense qu’on va

aller plus vers du travail non-compétitif, il reste que dans les représentations de

notre client, lui il se voit avoir une occupation productive. […] On a une

quantité de jeunes dysphasiques qui finissent par obtenir ou on recommande

une contrainte sévère à l’emploi. Mais contrainte sévère à l’emploi (ne) veut

pas dire inactivité ou incapacité à développer l’employabilité pis avoir un projet

de vie. »

Page 92: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

83

Dans la recherche parfois complexe des ressources les mieux adaptées au profil du client,

il semble que la créativité semble être un atout précieux : « nous on est là avec notre

créativité à essayer de contourner les obstacles » (r-03). Cela demande d’être ouvert à la

nouveauté et de penser en dehors du cadre (thinking outside the box) : « […] T’sais moi

mes codes de couleur ou partir sur la route ça (ne) faisait pas partie d’un modèle

d’orientation que j’ai lu dans les livres nulle part […] » (e-01).

Au-delà de l’intervention directe, l’orientation vers les solutions semble avoir été une

approche gagnante dans le cas des c.o. de la réadaptation, qui ont instauré des relances

auprès des clients pour contourner la diminution de la durée des suivis imposée par

l’organisation. Cette recherche de compromis se fait dans le souci de satisfaire chacun des

partis. La c.o. e-01 aborde cette notion de compromis lorsqu’elle fait mention des exigences

d’Emploi-Québec qui demande à ce qu’un outil psychométrique soit minimalement

employé au cours du processus d’orientation : « Bin t’sais Emploi-Québec exige des tests

psychométriques. […] je (ne) suis pas tant tests psychométriques donc c’est sûr que ça

peut être une barrière le fait qu’il demande des tests mais bon l’IVIP, ça correspond aux

critères. »

En résumé, les c.o. rencontrés semblent s’axer sur les forces, les moyens et les solutions

pour favoriser l’actualisation des clients au plan professionnel. Il en est de même lorsqu’ils

sont confrontés à des contraintes imposées par leur organisation.

Page 93: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

84

5.5 Pistes pour développer les services d’orientation

Tableau 5.5

Pistes pour développer les services d’orientation

Thème émergeant Définition opératoire

Solutions concrètes pour un meilleur

accompagnement

Plusieurs solutions concrètes et précises

ont été formulées par les c.o. pour bonifier

les services en préemployabilité et les

services d’orientation offerts à la clientèle

dysphasique.

Lorsque questionnés sur les pistes envisagées pour bonifier les services offerts à la clientèle

dysphasique, il se dégage des propos des participants que ces derniers ont des idées très

claires et précises de ce qui pourrait être fait. Les améliorations envisagées touchent à la

fois les services en préemployabilité et les services d’orientation.

Deux des c.o. du secteur de la réadaptation soulèvent la pertinence de créer une ressource

facilement accessible où les clients dysphasiques auraient la possibilité, en groupe,

d’expérimenter concrètement plusieurs métiers en étant mis dans des situations de travail

réelles. La c.o. r-01 décrit cette ressource comme étant à mi-chemin entre l’atelier de travail

non compétitif, déjà disponible dans leur milieu, et les centres de travail adaptés. Le c.o. r-

02 rapporte que la valeur ajoutée d’une telle ressource réside entre autres dans le fait que

les clients seraient exposés sur une plus longue période à des métiers spécifiques

comparativement à ce que permet les activités de type « élèves d’un jour ». Cela

favoriserait également le développement d’habiletés de travail et une meilleure

compréhension du marché de l’emploi. Les c.o. sont toutefois conscients de la complexité

associée à la mise en place d’un tel service. Cela se dégage notamment par la perception

du c.o. r-02 qui souligne à plus d’une reprise que sa vision est idéaliste :

« […] Moi dans l’idéal, je te parle dans l’idéal, je verrais ce type-là mais plus

en lien pas juste un plateau là mais en lien avec des métiers qui soient précis.

Page 94: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

85

Qui est plus que l’occasion d’aller élève d’un jour par exemple dans une

formation, dans un DEP ce qui est trop, ce qui est trop court comme

expérimentation. Mais l’occasion d’accompagner des gens par exemple dans

des vraies industries. Ce genre de choses-là. C’est idéaliste là je sais que ça (n’)

existe pas mais si ça existait ça serait très utile-là. » (r-02)

D’autres moyens concrets sont proposés par les c.o. afin de bonifier les services

d’orientation offerts à la clientèle dysphasique. Certains touchent les outils d’intervention

utiles à l’étape de l’exploration. En ce sens, la c.o. r-03 énonce l’idée de développer un

outil regroupant des vidéos de professions qu’elle récupère pour l’instant sur divers sites,

ce qui nuit à son efficacité : « […] Je trouve (que) je me promène pas mal là. […]» La c.o.

du milieu scolaire soulève l’idée que des personnes dysphasiques viennent parler de leur

vécu en classe. En plus de servir de modèle auquel les élèves dysphasiques peuvent

s’identifier, cela représenterait l’occasion de donner à ces jeunes des exemples concrets de

cheminement, des démarches faites et des aspects qui ont davantage fonctionné. Un tel

échange aurait selon elle plus d’impact que les interventions réalisées en classe par les

professionnels.

La c.o. e-01 suggère d’adopter une pratique d’orientation qui mise sur une plus grande

considération des forces du client plutôt que de donner préséance aux intérêts. Une telle

approche est susceptible selon elle de faire vivre davantage de succès au client et

d’augmenter son estime notamment lorsqu’il est question d’explorer les métiers possible :

« T’sais souvent ils vont s’être faits taper sur les doigts. Quand ils arrivent ici parce que

ils ont eu des difficultés, parce que ça (n’a) pas bien été. Fait que quand on arrive pis qu’on

leur dit ouin mais qu’est-ce qui va bien? T’sais des fois je leur demande c’est quoi tes

qualités? « Euh…….»[…] »

Quatre des c.o. ont identifié des stratégies qu’eux-mêmes ou que des c.o. intervenant

nouvellement avec cette clientèle peuvent employer pour bonifier leur pratique. Certains

moyens sont orientés vers le passé : « Oui moi j’aurais aimé sincèrement à mettons à

l’université avoir la possibilité d’avoir un cours sur les élèves en difficulté, les personnes

en difficultés d’apprentissage. […] » D’autres sont axés sur le présent parce qu’ils sont

Page 95: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

86

soient déjà implantés dans leur pratique ou relativement faciles à mettre en place. Tel est

le cas du c.o. r-02 qui mentionne avoir la chance d’avoir une collègue c.o. qui représente

pour lui une personne-ressource en raison de l’expertise particulière qu’elle détient auprès

de la clientèle dysphasique. De s’acoquiner avec des professionnels fait d’ailleurs partie

des recommandations faites par trois des c.o. :

« […] on a toutes des difficultés à un moment donné. On a toutes des clients

qui nous donnent plus de misère. Donc que ce soit des dysphasiques encore ou

avec d’autres clientèles, je dirais ne pas hésiter à consulter et demander. T’sais

partager un peu son vécu avec d’autres conseillers d’orientation pour permettre

justement d’aider à faciliter le processus pis gagner confiance en soi pis en

notre…en notre démarche, en notre processus. […] » (e-01)

Finalement, d’autres stratégies sont davantage axées vers le futur et auraient notamment

comme objectif de développer une pratique plus rigoureuse :

« […] S’il y avait des formations concrètes offertes aux conseillers

d’orientation, des livres de référence […] quels seraient les modèles, moi il

(n’) y a pas de modèle d’intervention vraiment que j’applique avec les

personnes dysphasiques. J’y vais comme je te dis avec ce que je possède, pis

mon feeling. Des fois c’est gagnant pis des fois ça (ne) l’est pas. »

Tout comme leurs clients dysphasiques, les c.o. rapportent avoir le besoin d’informations

« concrètes » : « T’sais je fonctionne beaucoup, t’sais comme dans le fond je suis comme

les ados j’ai besoin d’exemples concrets là t’sais. » (s-01).

De façon générale, les c.o. ont identifié plusieurs moyens concrets qu’il serait pertinent de

mettre en place pour mieux desservir les clients dysphasiques. Certains de ces moyens

visent une augmentation de l’efficacité des c.o. (ex. : site rassemblant des vidéos de

professions), et d’autres l’acquisition d’un plus grand savoir en lien avec cette clientèle

(ex. : livre de référence). Finalement, d’autres moyens touchent le développement de

ressources qui permettraient aux clients dysphasiques d’être placés dans des situations de

travail réelles et d’être mis en lien avec des personnes auxquelles ils peuvent s’identifier.

Page 96: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

CHAPITRE VI

DISCUSSION

L’objectif de cette étude consistait à explorer et identifier les enjeux et obstacles rencontrés

par les conseillers d’orientation dans l’accompagnement au choix de carrière de clients

présentant une dysphasie modérée à sévère. Pour y arriver, six c.o. provenant des secteurs

de l’éducation, de l’employabilité et de la réadaptation ont été interrogés. Certains enjeux

sont en lien avec la représentation qu’ont les c.o. des difficultés des clients dysphasiques.

D’autres sont en lien avec l’intervention et l’échange c.o.-client, l’organisation des services

ou le c.o. lui-même. Finalement, de ces entretiens ont émergé des idées concrètes afin

d’améliorer les services d’orientation offerts à la clientèle dysphasique.

6.1 Variabilité intermilieu et interindividuelle

Bien que des similitudes existent entre les propos des c.o. provenant de milieux différents,

une variabilité dans la perception de certains enjeux/obstacles est présente. Tel est le cas

quand il est question de la liberté d’action dont disposent les c.o. sur le plan des moyens et

de la durée du processus d’orientation pouvant être effectué. Il apparaît clairement que la

c.o. du milieu scolaire fait face à plus de contraintes de par son horaire et la mauvaise

planification des services d’orientation en début d’année scolaire. Les c.o. des secteurs de

l’employabilité et de la réadaptation semblent bénéficier, pour leur part, d’une liberté

d’action satisfaisante et qui répond à leur désir d’indépendance professionnelle.

Outre cette variabilité intermilieu, une variabilité interindividuelle est présente entre les

c.o. d’un même milieu. À ce sujet, les c.o. des secteurs de la réadaptation et de

l’employabilité expérimentent un sentiment d’efficacité personnelle variable. En ce sens,

les c.o. les plus expérimentés ressortent comme ceux ayant un SEP plus positif.

Page 97: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

88

Cette variabilité inter-participant peut également s’expliquer par l’échantillon réduit de

conseillers d’orientation rencontrés. En ayant moins de conseillers d’orientation, cela rend

plus difficile l’émergence de tendances qui se répètent.

6.2 Dysphasie : un trouble multidimensionnel

Les c.o. rencontrés dans le cadre de cet essai ont une vision élargie de la dysphasie et de

ses impacts. Effectivement, ils conçoivent que ce trouble a des répercussions qui vont au-

delà du langage puisqu’il s’accompagne souvent de difficultés associées notamment sur le

plan des fonctions exécutives, de l’attention et de la santé mentale. Cette perception

concorde avec les propos de Soares-Boucaud et al. (2009) qui soulignent que les

cas « purs » sont rares et que la comorbidité est davantage la règle que l’exception. De plus,

ces professionnels. dénotent que les difficultés des clients se répercutent sur l’ensemble de

leurs parcours de vie (scolaire, professionnel et personnel) en entraînant entre autres des

impacts sur le plan des relations sociales, des retards d’apprentissage et en réduisant

l’éventail des professions accessibles. Cette conception qu’ont les c.o. est en accord avec

plusieurs données disponibles dans la littérature. En ce sens, il ne fait aucun doute

maintenant que la dysphasie est un trouble multidimensionnel qui est associé à des

difficultés langagières, certes, mais également à des difficultés cognitives (ex. : troubles

d’attention). Le rapport de causalité entre les difficultés langagières et les difficultés

associées demeure à clarifier. À titre d’exemple, il n’est pas encore clair si les troubles

d’attention découlent du trouble du langage ou si ces deux atteintes tirent leur origine d’une

« perturbation cognitive sous-jacente commune » (Soares-Boucaud et al., 2009, p.6). Les

personnes dysphasiques présenteraient également davantage de problématiques touchant

la santé mentale, dont des troubles anxieux et des phobies sociales comparativement aux

individus sans trouble comme le démontre l’étude de Beitchman et al. (2001). Un aspect

dont il n’a pas été question dans cette étude est le fait que les difficultés associées varient

au cours du développement de la personne dysphasique. En ce sens, les résultats obtenus

par St. Clair et al. (2011) démontrent que l’hyperactivité, les trouble de la conduite de

même que les difficultés émotionnelles diminuent entre la période de l’enfance et de

l’adolescence chez les individus ayant un SLI. Toutefois, la prévalence des difficultés

Page 98: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

89

émotionnelles demeure plus importante que ce qui est observé dans la population

contrairement à la prévalence de l’hyperactivité et des troubles de la conduite qui rejoint

celle relevée dans la population (St. Clair et al., 2011). Il est possible de penser que les c.o.

de cette étude n’accompagnent pas les clients sur une période suffisamment longue pour

observer des variations. Tel est le cas des c.o. du milieu scolaire et de l’employabilité.

Plusieurs parallèles peuvent être établis entre les impacts de la dysphasie sur les parcours

de vie des clients, tels que perçus par les c.o. et la littérature disponible. En ce sens,

plusieurs études font état des conséquences du SLI sur les relations sociales, la sphère

scolaire et professionnelle (St. Clair et al., 2011; Whitehouse et al., 2009a). Or, la

différence entre ces études et le présent essai est que ce dernier aborde les difficultés des

clients dysphasiques selon le point de vue subjectif des conseillers d’orientation, ce qui

amène une autre perspective. Cette perspective a permis de relever certains faits qui ne

trouvent pas nécessairement leur écho dans les études recueillies. À ce propos, le c.o. r-02

a fait mention du fait que les difficultés neuropsychologiques accompagnant la dysphasie

ne sont pas suffisamment mises en lumière par l’Association de la dysphasie et les

intervenants accompagnant les clients et leur famille. Ce point de vue peut être utile à

considérer dans les moyens possibles pour mieux desservir cette clientèle.

6.3 Stratégies d’intervention pertinentes à l’orientation

En ce qui a trait aux enjeux touchant l’interaction entre le c.o. et le client, des entretiens

ont émergé le besoin des c.o. d’établir une communication efficace et les écarts qu’ils

perçoivent entre la perception que se fait le client de lui-même et ce qu’il en est réellement.

Cet écart les amène à devoir insuffler une dose de réalisme aux projets des clients.

Les difficultés langagières peuvent entraîner des obstacles dans l’exploration des intérêts,

des aptitudes, des options de carrière et la résolution de problème par les clients (Reekie,

1993). Pour contrer les obstacles à la communication et favoriser le traitement de

l’information par les clients, les c.o. rencontrés utilisent diverses stratégies. Pour que les

Page 99: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

90

clients donnent un sens aux expériences vécues, les c.o. utilisent l’échange et les questions

afin de stimuler leur réflexion. Ces stratégies rejoignent en partie les interventions

cognitives et métacognitives décrites par certains auteurs et qu’il serait utile de prôner

auprès de la clientèle présentant des difficultés d’apprentissage. En ce sens, Reekie (1993)

mentionne qu’il est du rôle du conseiller d’enseigner des stratégies métacognitives au client

afin que ce dernier puisse s’engager de manière proactive dans son processus de

planification de carrière. Plusieurs études ont d’ailleurs démontré l’efficacité des

programmes d’intervention misant sur une approche cognitive auprès des personnes

présentant des difficultés d’apprentissage (Taves et al., 1992). Une telle approche implique

notamment de questionner le client sur l’objectif des activités d’orientation réalisées, de

modeler le processus d’inférence et de poser des questions ouvertes (Reekie, 1993). C’est

d’ailleurs ce que font plusieurs des c.o. rencontrés lorsqu’ils effectuent des retours sur les

visites exploratoires afin que les clients puissent mettre en relation leur concept de soi avec

le marché du travail et les options de carrière. Les stratégies cognitives impliquent

également d’engager la personne dans l’établissement de buts, de lui expliquer clairement

les stratégies utiles pour la réalisation de tâches spécifiques et d’extérioriser le langage

intérieur pendant la réalisation d’une activité. Placer les clients dans des situations

authentiques qui sollicitent à la fois leur raisonnement et les nouveaux comportements

appris et d’encourager les interactions à travers desquelles ils sont appelés à donner et

recevoir des instructions sont d’autres stratégies efficaces. À cela s’ajoute le fait d’offrir, à

la suite d’une erreur, une rétroaction qui mise sur la modélisation et l’incitation (prompting)

plutôt que de livrer la réponse (Englert et al., 1992, cités dans Hutchinson, 1995).

Finalement, une autre stratégie citée consiste à amener le client à à évaluer l'efficacité des

interventions employées dans la planification de sa carrière et comment celles-ci pourraient

être réutilisées ou adaptées dans des situations futures (Reekie, 1993). Une certaine

similitude est relevée ici avec l’Approche orientée vers les solutions, approche employée

par une des c.o. de l’étude.

Bref, cette pratique, davantage holistique et dynamique, amène le client à réfléchir

continuellement aux processus qui ont lieu durant le counseling d’orientation et à

internaliser des stratégies qu’il pourra réinvestir lorsqu’il devra s’adapter aux diverses

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91

situations qui se présenteront à lui durant sa carrière (Reekie, 1993). Elles ont pour objectif

le développement d’habiletés de résolution de problèmes et d’une plus grande flexibilité,

deux enjeux pour les clients présentant des troubles d’apprentissage (Amundson, 1984, cité

dans Reekie, 1993; Reekie, 1993; Phelps et Hanley-Maxwell, 1997). Cette pratique est

directement en lien avec le champ d’exercice des conseillers d’orientation qui implique

entre autres de « développer et maintenir des stratégies actives d’adaptation dans le but de

permettre des choix personnels et professionnels tout au long de sa vie, de rétablir

l’autonomie socioprofessionnelle et de réaliser des projets de carrière chez l’être humain

en interaction avec son environnement » (OCCOQ, 2015).

Divers outils de référence ont été bâtis par le passé avec la collaboration d’orthophonistes.

Tels est le cas des brochures « Accueillir un élève présentant une dysphasie » et

« Accueillir un stagiaire présentant une dysphasie » (Table régionale de réflexion sur les

services éducatifs dispenses au secondaire aux élèves ayant une difficulté langagière ou

une dysphasie, 2006). Ces outils mettent de l’avant une multitude de stratégies de

communication pouvant être utiles selon les situations problématiques qui se présentent

avec l’élève ou le stagiaire. Ces stratégies peuvent certainement contribuer à bonifier le

processus d’orientation et faciliter la relation c.o.-client. Outre l’utilisation d’outils, l’effet

d’une collaboration c.o-orthophoniste serait intéressante à explorer d’autant plus qu’aucun

c.o. n’a mentionné explicitement avoir demandé conseil et avoir collaboré avec les

orthophonistes. Il demeure que la capacité d’adaptation des c.o. fait en sorte qu’ils

emploient diverses stratégies spontanément. À titre d’exemple, certains c.o. se détachent

de l’écrit, qui occupe une place importante dans les processus d’orientation (Cardinal-

Picard, 2009) pour se tourner entre autres vers des outils plus visuels en raison des

difficultés langagières des clients.

À plus d’une reprise les c.o. ont mentionné qu’ils devaient insuffler une dose de réalisme

au projet de carrière des clients. Considérant que ces clients aux besoins particuliers ont

besoin de rêver (Tardif, 2002), tout comme leurs pairs sans trouble, il serait intéressant de

s’attarder à la place qu’occupe le rêve dans les processus d’orientation.

Page 101: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

92

6.4 Implication des c.o. auprès de la clientèle dysphasique

Considérant les répercussions qu’a la dysphasie sur la sphère professionnelle des individus

et les diverses stratégies d’intervention qui peuvent être mises en place pour favoriser le

développement professionnel de ces clients, la pertinence du rôle des c.o. auprès des clients

dysphasiques n’est plus à démontrer. Un obstacle qui peut cependant nuire à leur

implication et à l’accompagnement qu’ils offrent est leur sentiment d’efficacité

personnelle, qui représente un thème majeur du présent essai. Le sentiment d’efficacité

personnelle (ou SEP) correspond à l’évaluation effectuée par l’individu quant à sa capacité

d’accomplir une tâche en atteignant un certain niveau de performance (Bandura, 1986). Il

correspond également au sentiment d’être en mesure d’exercer un certain contrôle sur les

événements qui se présentent à soi par le biais de ses ressources cognitives, de sa

motivation et de ses comportements (Bandura, 1989).

Il est évidemment souhaité que les conseillers d’orientation expérimentent un SEP élevé

lorsqu’ils interviennent auprès de la clientèle dysphasique. Malgré le fait que plus d’un c.o.

ait mentionné leur besoin et désir d’en savoir davantage sur la dysphasie, ses impacts et les

stratégies d’intervention pertinentes à employer, il demeure que les connaissances et les

savoirs bien qu’importants, ne sont pas suffisants pour assurer une intervention efficace.

En ce sens, il est nécessaire que la personne ait confiance en sa capacité de mobiliser de

tels savoirs et aptitudes pour intervenir efficacement ce qui revient à dire qu’elle doit

détenir un sentiment d’efficacité personnelle élevé (Bandura, 1986).

Des études ont été effectuées sur le sentiment d’efficacité personnelle des enseignants

parmi lesquelles figure celle de Raudenbush, Rowan et Cheong (1992). Bien qu’elle ne

porte pas directement sur les conseillers d’orientation, il est intéressant de s’y attarder en

raison des parallèles qu’il est possible de dresser avec la présente étude. Les auteurs de

cette étude émettent l’hypothèse que lorsqu’un SEP positif est ressenti, il est probable que

cela ait un effet mobilisateur sur le désir de développer de nouvelles stratégies et de

déployer des efforts face aux difficultés et incertitudes rencontrées (Raudenbush, Rowan

Page 102: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

93

et Cheong, 1992). Il est possible de supposer, par ricochet, qu’une telle mobilisation a un

effet positif sur le niveau de connaissances et de compétences des intervenants. Cette même

étude met en lumière que le SEP serait également relié au niveau de préparation ressenti

par les enseignants qui relève de la correspondance entre leurs savoirs et leurs intérêts en

relation avec la matière à enseigner (Raudenbush, Rowan et Cheong, 1992). Si l’on se fie

aux données de cette étude, un c.o. ayant des connaissances et un intérêt particulier pour la

clientèle dysphasique pourrait ressentir un SEP davantage positif. De plus, il est possible

de supposer que le besoin des c.o. de reposer sur des bases solides en effectuant une

évaluation approfondie et rigoureuse du client contribue au niveau de préparation ressenti

face à l’intervention qui s’en suivra. Un autre point de cette étude qui mérite d’être souligné

est le fait que les enseignants ayant un sentiment d’exercer un plus grand contrôle sur les

conditions d’enseignement et un plus haut niveau de collaboration entre les membres du

personnel possédaient un plus grand SEP de manière générale. Cet aspect est

particulièrement intéressant sachant que la collaboration est ressortie comme un enjeu

majeur dans l’accompagnement au choix de carrière de la clientèle dysphasique. À cela

s’ajoute le sentiment d’avoir une plus ou moins grande liberté d’action dans leur milieu de

travail respectif. Ces observations mettent en lumière la possibilité que le SEP ressenti par

les c.o. par rapport à l’intervention auprès des clients dysphasiques pourrait être interelié à

d’autres enjeux et obstacles ressortis dans le présent essai. Par contre, le lien entre ces

éléments demeure à explorer dans le cadre de cet essai de même que dans l’étude de

Raudenbush et al. (1992).

Ces résultats amènent également des questionnements concernant les impacts possibles des

compressions budgétaires importantes mises en place par le gouvernement provincial sur

le sentiment d’efficacité personnelle des c.o. En ce sens, les coupures budgétaires majeures

auxquelles fait face le secteur de l’éducation ont mené des commissions scolaires à abolir

des postes de professionnels des services complémentaires dont des postes

d’orthophonistes, de psychologues et de conseillers d’orientation (FPPE, 2015). Cette

restructuration risque de mettre un poids supplémentaire sur les épaules des professionnels

qui ont déjà des difficultés à rencontrer l’ensemble des élèves éprouvant des besoins

(FPPE, 2015). Tel est le cas des c.o. en milieu scolaire (Matte, 2012). Ces compressions

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94

ont également des impacts sur les mesures d’aide à l’emploi disponibles pour les personnes

handicapées. À cet effet, aucun nouveau CIT n’est actuellement autorisé, subventions

dédiées aux entreprises et qui favorisaient l’embauche de personnes handicapées en

compensant pour leur rendement moindre. Actuellement, seules les subventions déjà

octroyées perdurent. Des coupures ont également eu lieu dans le PAAS Action qui est un

programme en pré-employabilité (CASC, 2014). Ces compressions dans les mesures d’aide

à l’emploi ont comme risque potentiel d’alimenter le manque de moyens qui est ressorti

des propos des c.o. interrogés. Une des c.o. a d’ailleurs fait mention du gel des CIT à

l’intérieur du thème « manque de moyens ». L’attention accordée au contexte politique et

économique actuel est en accord avec l’idée de Szymanski et Vancollins (2003) qui

insistent sur la nécessité pour les conseillers d’orientation de ne pas seulement s’attarder

aux individus mais également à l’environnement dans lequel ils évoluent. En ce sens, il est

primordial de considérer le contexte économique, les politiques touchant l’employabilité

et les handicaps ainsi que les perceptions sociales concernant le trouble présentées par la

personne. Malgré ces enjeux et obstacles, les c.o. semblent se centrer sur les solutions et

les aspects positifs (ex: forces du client).

Finalement, les c.o. rencontrés dans le cadre de cette étude ont plusieurs idées concrètes de

ce qui pourrait être fait pour bonifier l’accompagnement au choix de carrière des clients

dysphasiques. Ces moyens touchent la formation, la création de livres de référence, le

développement d’outils d’intervention plus adaptés, la mise en contact de ces clients avec

des modèles de réussite et la création de ressources où ces clients pourraient vivre des

situations concrètes de travail. Avec l’arrivée de la loi 21 et l’augmentation de la clientèle

ayant une déficience langagière, notamment dans le milieu scolaire et de la réadaptation, il

serait pertinent d’explorer plus attentivement chacune de ces options. Cela permettrait

d’évaluer ce qui serait réaliste de mette en place pour outiller les c.o. qui seront appelés

dans le futur à intervenir auprès de ces clients.

Page 104: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

CHAPITRE VII

CONCLUSION

Les résultats obtenus dans le cadre de cette étude ont permis d’explorer certains des enjeux

et obstacles rencontrés par les c.o. des secteurs scolaire, de l’employabilité et de la

réadaptation dans leur pratique auprès des clients présentant une dysphasie modérée à

sévère. Il ressort que les conseillers ont une vision élargie de la dysphasie puisqu’ils

perçoivent que les conséquences de la dysphasie vont au-delà du langage en entraînant

notamment des difficultés sur le plan de l’attention, des fonctions exécutives et de la santé

mentale. Ces difficultés associées sont d’ailleurs importantes à considérer quand il est

question d’adapter l’intervention. Les difficultés présentées par ces clients se répercutent à

la fois sur leur parcours de vie personnel, scolaire et professionnel. En lien avec

l’intervention directe et de l’échange co.-client, il s’avère que les c.o. utilisent des stratégies

de communication variées afin de faciliter le traitement de l’information chez leurs clients.

De plus, dans le cadre de leur intervention, ils sont appelés à insuffler une dose de réalisme

au projet de vie des clients puisque ces derniers présentent un écart entre leur soi idéal et

leur soi réel. Afin d’offrir un accompagnement adéquat, les c.o. mentionnent leur besoin

de se baser sur une évaluation solide et de s’allier avec des partenaires. Bien qu’ils aient

un sentiment d’efficacité personnelle et une liberté d’action variables dans leur milieu de

travail respectif, plusieurs des c.o. ont en commun leur approche qui s’axe sur les solutions.

Finalement, ces professionnels ont des idées concrètes sur ce qui pourrait être fait pour

améliorer les services d’orientation offerts à la clientèle dysphasique.

Bien que cette étude ait permis d’aborder un sujet encore inexploité dans la littérature,

celle-ci comporte certaines limites. Toutefois, elle met en lumière des sujets et

questionnements qu’il serait pertinent d’approfondir et des pistes d’amélioration concrètes

qu’il serait possible de mettre en place.

Page 105: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

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7.1 Limites de l’étude

Cet essai s’est principalement concentré sur l’accompagnement en orientation de personnes

présentant une dysphasie modérée à sévère. Comme les manifestations de la dysphasie et

ses impacts fonctionnels sont variables d’un individu à l’autre, il serait irréaliste de

considérer que les enjeux ressortis par les conseillers sont transférables à tous les clients

dysphasiques rencontrés. De plus, comme ce trouble du langage peut être de sévérité

moindre et atteindre dans certains cas uniquement le volet expressif, il est possible de

supposer que les impacts sur les plans scolaire, professionnel et personnel diffèrent. Il est

donc primordial d’adopter une approche personnalisée et de fonctionner cas par cas.

Aussi, il est nécessaire de souligner que cet essai s’est penché sur la réalité professionnelle

de six conseillers d’orientation œuvrant dans des milieux (milieu scolaire, organisme

d’aide à l’emploi et centre de réadaptation) et régions différentes. Il est donc plausible de

penser que d’autres facteurs externes et non considérés dans le cadre de cette étude aient

une influence potentielle sur la réalité à laquelle sont confrontés les c.o. telles les politiques

internes d’organisation de services, le nombre de journées de présence du c.o. dans le

milieu ciblé, la présence d’une clientèle multiethnique, etc. De plus, il importe de

mentionner que la proactivité de certains milieux à développer des services adaptés à la

clientèle dysphasique et dans lequel travaillent certains des c.o. interrogés leur a permis de

développer une expertise particulière en lien avec cette clientèle et une offre de service

davantage adaptée. Dans le même ordre d’idées, considérant que les c.o. rencontrés

détenaient des niveaux d’expertise et de familiarité variables en lien avec la clientèle

dysphasique, cela a inévitablement influencé les enjeux rencontrés dans leur pratique. Ces

éléments, combinés à l’échantillon réduit de c.o. interrogés, font en sorte qu’il est

impossible de généraliser les constats faits dans chacun des milieux aux pratiques en place

dans des milieux similaires.

Page 106: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

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7.2 Perspectives

À la lumière des données obtenues, plusieurs pistes de réflexion sont envisageables. En ce

sens, il serait intéressant de s’attarder plus spécifiquement sur certaines stratégies et

approches d’intervention employées par les conseillers d’orientation afin d’en tester

l’efficacité auprès de la clientèle dysphasique particulièrement (ex. : imagerie eidétique,

stratégies métacognitives, approche orientée vers les solutions). Il serait également

pertinent d’explorer les impacts d’une collaboration orthophoniste-c.o. sur les

interventions en orientation.

Dans un autre ordre d’idées, il serait possible de bonifier les résultats obtenus en

questionnant un plus grand nombre de c.o. dans chaque milieu. Cela permettrait de dégager

des tendances en ce qui a trait à la réalité des c.o. dans chacun des milieux et de renforcer

la pertinence des services d’orientation auprès de cette clientèle. En multipliant les écrits

sur l’orientation auprès de clients présentant des handicaps et des difficultés

d’apprentissage, cela vient également souligner le rôle important qu’ont à jouer les c.o. Ce

dernier aspect est d’autant plus important à souligner puisque plusieurs milieux sont

appelés à repenser leur offre de services en raison des coupures gouvernementales.

Page 107: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

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Page 117: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

108

ANNEXE A

FORMULAIRE D’INFORMATION ET DE CONSENTEMENT

« ACCOMPAGNEMENT AU CHOIX DE CARRIÈRE D’ADOLESCENTS ET DE

JEUNES ADULTES DYSPHASIQUES : LES RÉALITÉS ET LES ENJEUX

RENCONTRÉS PAR LES CONSEILLERS D’ORIENTATION»

PRÉAMBULE:

Vous êtes invité(e) à participer à un projet de recherche qui vise à décrire et comprendre

les réalités et les obstacles rencontrés par les conseillers d’orientation qui accompagnent

des adolescents et jeunes adultes présentant une dysphasie modérée à sévère dans leur

choix de carrière. Avant de confirmer votre participation à ce projet, il est important que

vous preniez connaissance des renseignements ci-dessous. Lors de la lecture de ce

document et afin d’assurer votre compréhension, vous êtes invités à poser des questions si

vous avez des interrogations.

IDENTIFICATION:

Responsable du projet : Marie-Ève Goulet, étudiante à la maîtrise en carriérologie à

l’UQÀM

Téléphone : 514 638-8373

Département, centre ou institut : Département d’éducation et pédagogie, section

carriérologie

Adresse postale : 1205, rue Saint-Denis, Montréal (Québec) H2X 3R9

Adresse courriel : [email protected]

Membre(s) de l’équipe : Louis Cournoyer, Ph.D., c.o. et professeur à la section

carriérologie de l’Université du Québec à Montréal et Marie-

Ève Goulet, étudiante à la maîtrise en carriérologie

Page 118: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

109

OBJECTIFS DU PROJET:

L’objectif général de cette recherche est d’identifier les réalités professionnelles et les

principaux obstacles rencontrés par les conseillers d’orientation qui interviennent auprès

d’adolescents et de jeunes adultes présentant une dysphasie modérée à sévère et ce, dans

les secteurs de l’éducation, de la santé et des services sociaux ainsi que de l’employabilité.

Cet objectif général se décline en quatre sous-objectifs : 1) Décrire le profil des jeunes

dysphasiques qui sont accompagnés par les conseillers d’orientation, 2) Recueillir la

perception de ces professionnels quant à leur rôle actuel et souhaité dans

l’accompagnement au choix de carrière de ces jeunes, 3) Explorer les difficultés

rencontrées par les conseillers d’orientation sur le plan de leur intervention auprès de ces

jeunes et l’organisation des services, 4) Recueillir les pistes d’amélioration, telles que

perçues par les conseillers d’orientation, pour améliorer les services d’orientation offerts à

cette clientèle.

PROCÉDURE(S) OU TÂCHES DEMANDÉES AU PARTICIPANT:

Votre participation consiste d’abord à remplir un questionnaire permettant de recueillir des

informations sur votre profil professionnel, dont votre nombre d’années d’expérience

auprès de la clientèle dysphasique ainsi que des données factuelles sur l’établissement où

vous évoluez et la clientèle dysphasique rencontrée. Par la suite, vous serez invité(e) à

réaliser un entretien individuel avec l’étudiante à la maîtrise en carriérologie durant lequel

vous aurez à répondre à des questions portant sur divers aspects : le profil des jeunes

dysphasiques que vous accompagnez, votre perception quant à votre rôle actuel et le rôle

que vous souhaiteriez occuper auprès de ces jeunes quant à leurs démarches de choix de

carrière, les obstacles que vous rencontrez sur le plan de l’intervention auprès de ces jeunes

et de l’organisation des services et les pistes d’amélioration que vous entrevoyez pour

améliorer les services d’orientation offerts à ces jeunes. La durée approximative de cet

entretien est d’une heure. Cette entrevue est enregistrée sur une enregistreuse numérique

avec votre permission. La date et l’heure de l’entrevue sont à convenir avec l’étudiante

responsable du projet de recherche. La rencontre a lieu dans votre milieu de travail ou dans

un autre lieu, à votre convenance, à condition que la confidentialité des données puisse être

préservée et que l’endroit soit propice à ce genre d’échange. La transcription sur support

informatique qui suivra et les données contenues dans le rapport de recherche ne

permettront pas de vous identifier, d’identifier votre lieux de travail ainsi que des élèves et

des collègues avec lesquels vous travaillez.

AVANTAGES ET RISQUES POTENTIELS :

Plusieurs avantages et retombées positives sont associées à votre participation à cette

recherche : contribuer à l’avancement des connaissances en matière de services

d’orientation offerts aux adolescents et jeunes adultes dysphasiques, réfléchir et faire le

point sur votre pratique auprès de cette clientèle, faire bénéficier vos collègues œuvrant

auprès de cette clientèle de votre expertise, vos opinions et recommandations. En ce qui a

trait aux risques potentiels, aucun risque significatif n’est envisagé si ce n’est que les

Page 119: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

110

questions peuvent entraîner l’émergence d’émotions négatives et de frustrations. Dans le

cas où vous jugeriez qu’une question est embarrassante, vous pouvez décider de ne pas y

répondre. De plus, vous pouvez demander à l’étudiante menant l’entretien d’interrompre

l’enregistrement à tout moment sans aucun préjudice. Si le besoin se présentait, l’équipe

de recherche pourrait vous référer vers des ressources d’aide appropriées si vous sentez le

besoin de partager votre situation et votre vécu. Soyez informé qu’il est de la responsabilité

de l’étudiante responsable du projet de recherche et du directeur de recherche de suspendre

ou de mettre fin à votre participation s’ils estiment que votre bien-être est compromis.

ANONYMAT ET CONFIDENTIALITÉ :

Les informations recueillies avant et pendant l’entretien sont confidentielles. L’étudiante

responsable du projet de recherche et le directeur de recherche sont les seules personnes

qui auront accès aux formulaires d’information et de consentement signés, aux

enregistrements audio-numériques, aux verbatim et aux analyses qui s’en suivront. La

totalité du matériel de recherche, vos formulaires d’information et de consentement seront

conservés dans un classeur sous clé sous la responsabilité de l’étudiante pour la durée totale

du projet. Au terme du projet, l’ensemble de ces documents seront conservés par le

directeur de rechercher et détruits deux ans après la finalisation du rapport de recherche.

De façon à protéger votre identité et préserver la confidentialité des données que vous aurez

fournies, vous serez toujours identifié(e) par un code numérique. Seuls l’étudiante

responsable du projet et le directeur de recherche sauront que ce code est celui associé à

votre nom.

Lors de la rédaction du rapport de recherche, l’équipe de recherche souhaite utiliser des

extraits tirés des verbatim des entrevues à titre d’exemple, pour illustrer concrètement les

propos et favoriser la compréhension des lecteurs. Tel que mentionné plus haut, les extraits

seront cités de sorte de préserver l’anonymat des participants et la confidentialité des

propos.

J’accepte que des extraits de l’entrevue à laquelle j’ai participé soient utilisés et

présentés dans le rapport d’activité dirigée publiant les résultats de la présente

recherche et dans le cadre de communications scientifiques futures.

☐ OUI ☐ NON

PARTICIPATION VOLONTAIRE et DROIT DE RETRAIT :

Votre accord à participer à ce projet est volontaire, ce qui signifie qu’aucune contrainte ou

pression extérieure n’a été exercée sur vous. Cela signifie également que vous avez, en tout

temps, la liberté de mettre fin à votre participation, et ce, sans fournir de justification et

sans subir de préjudice. Le cas échéant, les documents vous concernant seront détruits sauf

si vous nous donnez une directive contraire.

En acceptant de participer à cette recherche, vous acceptez également que l’équipe de

recherche puisse utiliser les renseignements recueillis dans des articles, des conférences et

Page 120: Goulet, Marie-Ève (2016).Accompagnement au choix de carrière de clients dysphasques. Enjeux et obstacles en orientation

111

des communications scientifiques. Lors de l’utilisation des renseignements, aucune

information permettant de vous identifier, d’identifier votre lieu de travail, vos collègues

et les clients auprès desquels vous intervenez ne sera divulguée.

COMPENSATION FINANCIÈRE :

Aucune compensation financière n’est associée à votre participation à cette recherche.

CLAUSE DE RESPONSABILITÉ :

Votre accord à participer à ce projet de recherche n’entraîne, en aucun cas, la renonciation

à vos droits et ne libère nullement les chercheurs ou les institutions impliquées de leurs

obligations légales et professionnelles.

DES QUESTIONS SUR LE PROJET OU SUR VOS DROITS?

Si vous avez des questions en lien le projet, votre participation et vos droits, ou si vous

désirez mettre un terme à votre participation, vous êtes invités à communiquer avec

monsieur Louis Cournoyer, Ph.D., directeur de recherche :

Numéro de téléphone : 514 987-3000, poste : 399

Adresse courriel : [email protected]

REMERCIEMENTS :

Votre participation est importante et contribuera au développement des connaissances dans

le domaine de l’orientation scolaire et professionnelle. L’équipe de recherche vous en

remercie.

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SIGNATURES :

Par la présente, je reconnais avoir lu le présent formulaire d’information et de

consentement et je consens volontairement à participer à ce projet de recherche.

Signature du participant :___________________________________________________

Nom (lettres moulées) : ____________________________________________________

Date : __________________________________________________________________

Signature de la responsable du projet de recherche :

______________________________________________________________________

Nom (lettres moulées) :___________________________________________________

Date : _________________________________________________________________

Un exemplaire du formulaire d’information et de consentement signé doit être remis au

participant.

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ANNEXE B

COLLECTE DE DONNÉES SUR LE PARTICIPANT

Nom du ou de la conseiller(ère) d’orientation : __________________________________

Nombre d’années d’expérience comme conseiller d’orientation : ____________________

Nombre d’années d’expérience en tant que conseiller d’orientation dans les secteurs

suivants :

Scolaire Employabilité Réadaptation

Nombre d’années d’expérience auprès des adolescents et de jeunes adultes dysphasiques :

________________________________________________________________________

Votre expérience auprès de cette clientèle a-t-elle été uniquement acquise dans le cadre

de votre travail actuel? Oui Non

Si non, dans quel(s) autre(s) milieu(x) avez-vous acquis cette expertise spécifique?

________________________________________________________________________

________________________________________________________________________

________________________________________________________________________

Avez-vous acquis de l’expérience auprès de cette cliente sous un titre professionnel autre

que celui de conseiller d’orientation? Si oui, lequel?

________________________________________________________________________

________________________________________________________________________

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COLLECTE DE DONNÉES SUR L’ÉTABLISSEMENT ET LA CLIENTÈLE

1) Nom de l’établissement : _________________________________________________

2) Nom du programme/service dans lequel vous évoluez :

________________________________________________________________________

3) Âge de la clientèle dysphasique rencontrée : __________________________________

4) Quelle est la situation scolaire de la clientèle présentant une dysphasie modérée à

sévère que vous rencontrez?

________________________________________________________________________

________________________________________________________________________

________________________________________________________________________

a) S’il y a lieu, dans quel(s) parcours scolaire(s) les clients aux études et présentant une

dysphasie modérée à sévère sont-ils engagés (FGJ, FPT, FMSS, PRÉ-DEP, FGA,

etc.)?

________________________________________________________________________

________________________________________________________________________

________________________________________________________________________

5) La clientèle dysphasique représente quelle proportion de votre clientèle?

________________________________________________________________________

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Questions spécifiques pour les conseillers d’orientation œuvrant dans les écoles :

1) Nombre de classes langage/communication présentes dans l’école :

_______________________________________

2) Nombre d’élèves dysphasiques intégrés dans les classes communication/langage :

_______________________________________

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ANNEXE C

GUIDE D’ENTRETIEN AVEC LES CONSEILLERS D’ORIENTATION

Date de l’entretien : ____________________________________

Consignes lues aux participants :

« Le but du projet de recherche est de comprendre vos réalités professionnelles et les

obstacles que vous rencontrez dans l’accompagnement au choix de carrière des

adolescents et (jeunes) adultes présentant une dysphasie de sévérité modérée à sévère.

Pour y arriver, je vais vous poser des questions. Aucune réponse spécifique n’est

attendue puisque l’objectif est d’en savoir plus sur votre réalité quand il est question

d’intervenir auprès de cette clientèle. Je vais enregistrer l’entretien à l’aide d’une

enregistreuse numérique pour être en mesure d’en faire la transcription par la suite.

Au total, 10 questions vous seront posées. Ces questions sont regroupées sous 4 grands

thèmes que voici :

1) Décrire le profil des clients dysphasiques que vous accompagnez

2) Recueillir la perception quant à votre rôle actuel et le rôle que vous souhaiteriez

occuper auprès de ces jeunes/adultes quant à leurs démarches de choix de carrière

3) Explorer les obstacles que vous rencontrez sur le plan de l’intervention auprès de

ces jeunes/adultes et de l’organisation des services

4) Recueillir les pistes, telles que vous les percevez, pour améliorer les services

d’orientation offerts à ces jeunes/adultes.

À tout moment, vous pouvez me demander de cesser l’entretien et ce, sans aucun

préjudice. Avez-vous des questions avant que nous débutions?

Allons-y. »

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Thème 1 :

Profil des clients dysphasiques accompagnés

Question #1:

Quelles sont les difficultés présentées sur le plan langagier, cognitif (perception,

représentation, fonction exécutives) comportemental et affectif par les adolescents/

adultes dysphasiques que vous accompagnez?

Questions de relance :

Selon votre expérience et vos connaissances, y a-t-il d’autres difficultés et

problématiques que peuvent présenter ces jeunes/adultes?

Quels autres éléments aimeriez-vous ajouter?

Question #2 :

Quelles sont les conséquences de la dysphasie sur les plans scolaire, professionnel et

personnel chez ces jeunes/adultes?

Questions de relance :

Quelles sont les conséquences sur les plans social, familial ou toute autre

sphère de leur vie?

Quels autres éléments aimeriez-vous ajouter?

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Thème 2 :

Perception quant à votre rôle actuel et le rôle que vous souhaiteriez occuper auprès

de ces clients quant à leurs démarches de choix de carrière

Question #3 :

Pourriez-vous me nommer et me décrire les services et les activités offertes dans votre

milieu en matière d’accompagnement au choix de carrière et qui concernent

« spécifiquement » les adolescents/adultes dysphasiques?

Question de relance pour les c.o. en milieu scolaire :

Selon vous, en quoi les services en matière d’accompagnement au choix de

carrière des clients dysphasiques diffèrent-ils des services offerts en centre

de réadaptation ou dans des organismes d’aide à l’emploi?

Question de relance pour les c.o. en employabilité :

En quoi les services en matière d’accompagnement au choix de carrière des

clients dysphasiques que vous offrez diffèrent-ils des services offerts en milieu

scolaire et dans les centres de réadaptation?

Question de relance pour les c.o. en centre de réadaptation :

En quoi les services en matière d’accompagnement au choix de carrière des

clients dysphasiques que vous offrez diffèrent-ils des services offerts en milieu

scolaire et dans des organismes d’aide à l’emploi?

Quels autres éléments aimeriez-vous ajouter?

Question #4 :

Parmi l’ensemble de ces services et de ces activités, comment décrivez-vous votre rôle

plus particulièrement ?

Questions de relance :

Comment participez-vous à l’offre de services et d’activités

d’accompagnement au choix de carrière des clients présentant une dysphasie

modérée à sévère?

Quels autres éléments aimeriez-vous ajouter?

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Question #5 :

Votre implication actuelle correspond-elle à l’implication que vous aimeriez avoir

auprès des jeunes/adultes dysphasiques. Si oui, pourquoi? Si non, pourquoi?

Question de relance :

Quels autres éléments aimeriez-vous ajouter?

Thème 3 :

Barrières interpersonnelles et organisationnelles rencontrées

Question #6 :

Comment décririez-vous les barrières que vous rencontrez dans l’organisation des

services d’orientation qui limitent votre impact et votre implication auprès des clients

dysphasiques?

Questions de relance :

En quoi le mandat qui vous est assigné par l’école/centre de réadaptation ou

organisme d’aide à l’emploi, à plus grande échelle, par la commission

scolaire/MSSS/MESS, limite votre implication auprès de ces clients?

Quels autres éléments aimeriez-vous ajouter?

Question #7 :

Dans l’accompagnement au choix de carrière de ces jeunes/adultes, quels sont les

obstacles que vous rencontrez dans votre intervention auprès d’eux?

Questions de relance :

Comment décririez-vous les obstacles sur le plan de vos échanges avec ces

jeunes/adultes, de votre capacité à favoriser leur cheminement vers une prise

de décision professionnelle ou de tout autre aspect dans votre relation avec

eux?

En quoi votre intervention diffère-t-elle à l’accompagnement au choix de

carrière offert aux élèves du secteur régulier ou aux clients sans handicap?

Quels autres éléments aimeriez-vous ajouter?

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Thème 4 :

Pistes pour améliorer les services d’orientation offerts aux clients

dysphasiques

Question #8 :

Selon vous, serait-il pertinent de développer des services et des activités d’orientation

plus spécifiques pour les adolescents ou adultes dysphasiques ? Si oui, qu’est-ce qui

vous vient en tête comme idée? Si non, pour quelles raisons ?

Question de relance :

Quels autres éléments aimeriez-vous ajouter?

Question #9 :

Quelles connaissances ou compétences utiles aimeriez-vous acquérir pour mieux

intervenir auprès de ces jeunes/adultes ?

Questions de relance :

À un nouveau conseiller d’orientation voulant accompagner des clients

dysphasiques, quelles sont les démarches ou compétences qu’il leur serait

nécessaires d’acquérir pour bien intervenir?

Quels autres éléments aimeriez-vous ajouter?

Question #10 :

Décrivez-moi les modèles, les stratégies d’intervention ou les outils concrets qui vous

sont utiles dans l’accompagnement au choix de carrière de ces jeunes?

Question de relance :

Quels autres éléments aimeriez-vous ajouter?

Je vais me permettre de faire un résumé de ce que j’ai entendu dans la rencontre. Si

vous considérez que des éléments sont à ajouter ou à préciser, n’hésitez pas à le faire.