global+ no. 45 / automne 2012

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Objectifs du Millénaire : Quelle suite après 2015 ? Swissaid | Action de Carême | Pain pour le prochain | Helvetas | Caritas | Eper | www.alliancesud.ch NUMERO 45 | AUTOMNE 2012 Droit sans frontières : Vers une obligation de diligence Endettement des pays du Sud : Le problème demeure

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Quelle suite aux Objectifs du Millénaire après 2015? C'est un des principaux sujets de cette édition de GLOBAL+. D'autres articles traitent de la dette des pays du Sud et des suites à donner au succès de la pétition ,Droit sans frontières'.

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Page 1: GLOBAL+ No. 45 / Automne 2012

Objectifs du Millénaire :Quelle suite après 2015 ?

Swissaid | Action de Carême | Pain pour le prochain | Helvetas | Caritas | Eper | www.alliancesud.ch

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Droit sans frontières :Vers une obligation de diligence

Endettement des pays du Sud :Le problème demeure

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2 GLOBAL+ AUTOMNE 2012

News

Coup de frein aux agrocarburants

nw Dans un rapport récent, le Conseil fé-

déral estime que « le remplacement des car-

burants fossiles par des agrocarburants ne

constitue pas un élément déterminant de la

politique climatique après 2012. » Il consi-

dère comme problématique la concurrence

entre les réservoirs et les assiettes ainsi que

ses conséquences sur les prix des denrées

alimentaires. Sur cette base, la commission

de l’environnement du Conseil national va

à nouveau débattre de cette question début

novembre. A l’ordre du jour figure toujours

l’initiative parlementaire qui exige des cri-

tères plus stricts pour la mise sur le marché

des agrocarburants.

Succès pour Publish What You Pay

ph Le réseau mondial d’ONG Publish What

You Pay, qui exige la transparence dans les

payements financiers liés au secteur des

matières premières, a fêté cet automne son

10e anniversaire. En même temps, la com-

mission des affaires juridiques du Parle-

ment européen a voté un renforcement

de la législation comptable. Cette révision

doit être avalisée par les Etats membres de

l’Union européenne. Elle suit les décisions

de l’autorité américaine de surveillance de

la bourse. Fin août, la SEC a exigé des entre-

prises d’extraction minière cotées en bourse

qu’elles publient tous les versements finan-

ciers de plus de 100’000 dollars aux gouver-

nements étrangers. Les Chambres fédérales

vont bientôt se saisir de la question. Fin

septembre, la conseillère nationale socia-

liste Hildegard Fässler a déposé une motion

demandant que les entreprises de matières

premières ayant leur siège ou un centre

d’affaires important en Suisse soient obli-

gées d’informer sur leurs payements à des

gouvernements étrangers.

OECD : un Beirat pour le Point de contact

me Le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco)

a commencé à mettre en œuvre les Prin-

cipes directeurs de l’OCDE pour les multi-

nationales, révisés en 2011. Il prévoit de

flanquer le Point de contact national d’une

commission (Beirat) de 12 membres, com-

posée de représentants de l’administration

fédérale, des lobbies économiques, des em-

ployeurs, des syndicats et des ONG. Cet or-

gane aura avant tout une fonction consulta-

tive. Il ne jouera pas un rôle de supervision

et ne pourra pas intervenir sur le contenu

des plaintes, comme le demandent les ONG

et syndicats. Le projet suisse reste de facto

en-deçà de ce que font d’autres PCN plus

avancés et efficaces (Norvège, Pays-Bas,

Royaume-Uni). Alliance Sud s’est malgré

tout déclarée prête à y participer et à tester

les possibilités offertes.

Travail forcé et commerce avec la Chine

ia Alors que les négociations sur l’accord

de libre-échange entre la Suisse et la Chine

s’accélèrent, la plateforme Chine – dont Al-

liance Sud est membre – a invité le célèbre

dissident chinois Harry Wu. Après dix-

neuf ans de camps de travail, il réside au-

jourd’hui aux Etats-Unis où il a créé la Lao-

gai Research Foundation pour documenter

le travail forcé en Chine. Lors de manifesta-

tions à Genève et Zurich ainsi que dans ses

rencontres avec des politiciens, les autori-

tés et les médias, il a affirmé que de nom-

breux produits chinois sur le marché mon-

dial proviennent de plus de mille camps de

travail forcé où croupissent entre trois et

cinq millions de prisonniers. Sans mesures

de précaution, le risque est grand que de

telles marchandises n’arrivent sur le mar-

ché helvétique à des conditions préféren-

tielles. La plateforme Chine exige donc du

Conseil fédéral qu’il intègre des clauses sur

les droits humains dans l’accord de libre-

échange et qu’il garantisse une meilleure

traçabilité des produits originaires de

Chine.

Impressum

GLOBAL+paraît quatre fois par an.

Editeur:Alliance SudCommunauté de travailSwissaid | Action de Carême | Pain pour le prochain | Helvetas | Caritas | EperMonbijoustr. 31, Postfach 6735, 3001 Berne, Tel. 031 390 93 30, Fax 031 390 93 31E-Mail: [email protected]: www.alliancesud.ch

Rédaction:Michel Egger (me), Isolda Agazzi (ia), Tel. 021 612 00 95

Concept graphique: Clerici Partner AG Mise en page: Frédéric RussbachImpression: s+z: gutzumdruck, Brig, 6-2011Tirage: 1500Prix au numéro: Fr. 7.50Abonnement annuel: Fr. 30.–Abonnement de soutien: min. Fr. 50.–Prix publicité / encartage: sur demandePhotos: couverture: GCAP; dernière page: Morgane Ischer.Prochain numéro: décembre 2012.

Présidente Caroline Morel, directrice de Swissaid.

Direction Peter Niggli (directeur), Kathrin Spichiger, Rosa Amelia Fierro, case postale 6735, 3001 Berne, Tél. 031 390 93 30, Fax 031 390 93 31, E-mail: [email protected] www.facebook.com/alliancesud https://twitter.com/AllianceSud

Politique de développement

– Coopérationaudéveloppement Nina Schneider, Tél. 031 390 93 40, [email protected]

– Commerce/OMC Michel Egger/Isolda Agazzi, Tél. 021 612 00 95, [email protected]

– Financeinternationale/Fiscalité Mark Herkenrath, Tél. 031 390 93 35, [email protected]

Alliance Sud en un clin d’oeil

– Relationspubliques Pepo Hofstetter, Tél. 031 390 93 34, [email protected]

– Développementdurable/Climat Nicole Werner, Tél. 031 390 93 32, [email protected]

Education Urs Fankhauser/Marianne Gujer,Tél. 031 390 93 39, [email protected]

Documentation BerneJris Bertschi/Emanuela Tognola/ Renate Zimmermann, Tél. 031 390 93 37, [email protected]

Bureau de Lausanne Michel Egger/Isolda Agazzi/Frédéric Russbach, Tél. 021 612 00 95/Fax 021 612 00 [email protected]

Documentation Lausanne Pierre Flatt / Amélie Vallotton Preisig / Nicolas Bugnon, Tél. 021 612 00 86, [email protected]

Bureau de Lugano Silvia Carton/Lavinia SommarugaTél. 091 967 33 66/Fax 091 966 02 46,[email protected]

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GLOBAL+ AUTOMNE 2012 3

Juteuses spéculationsLa Landesbank Berlin a renoncé fin sep-tembre à investir dans les opérations spéculatives sur les biens agricoles. C’est la quatrième banque allemande à se retirer de la spéculation sur les pro-duits alimentaires. Ce tournant est la réponse à une campagne de consom-mateurs. La Deutsche Bank, aujourd’hui sous pression, hésite encore. Elle veut d’abord vérifier si un lien effectif existe entre la spéculation et les fluctuations des prix des biens alimentaires.

Selon la Banque mondiale, une nouvelle crise alimentaire me-nace la fin de cette année et 2013 – la troisième depuis 2007-2008. Les crises, marquées par une escalade des prix, ont plongé des millions de personnes dans la faim. Les causes sont controversées au niveau inter-national. Au premier plan figurent les effets négatifs des changements climatiques sur les récoltes, la transformation croissante de produits alimentaires en agrocarburants et la spéculation sur les marchés finan-ciers où s’échangent des produits dérivés agricoles.

La controverse va bientôt gagner la Suisse. La Jeunesses socialiste (JS) a lancé une initiative populaire contre la spéculation sur les biens alimentaires. Elle veut interdire les investissements dans les instru-ments financiers qui concernent les matières premières agricoles et les denrées alimentaires. Restera cependant autorisée la « bonne spécula-tion », c’est-à-dire les affaires classiques qui servent à assurer à terme les livraisons contre les variations de prix et les aléas des récoltes.

Nombre de gouvernements, d’instituts financiers et d’écono-mistes en vue continuent d’affirmer que toute spéculation est « bonne » et qu’elle ne joue aucun rôle dans les fortes fluctuations de prix. La réa-lité, c’est que le monde de la bonne spéculation sur les matières pre-mières est mort depuis l’an 2000. Alors, les Etats-Unis ont dérégulé les marchés à terme et le reste des pays occidentaux leur a emboîté le pas. Auparavant, les producteurs et les transformateurs contrôlaient 80% des transactions sur les marchés à terme de marchandises. Aujourd’hui, c’est l’inverse : 80% du marché sont dominés par les spéculateurs finan-ciers. Du coup, la relation entre les marchandises réelles et les valeurs fi-nancières nominales s’est inversée : les papiers-valeurs sont aujourd’hui 20 à 30 fois plus élevés.

La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développe-ment (Cnuced) a montré récemment que – du fait du poids de la spécu-lation – les prix des matières premières connaissent depuis des années les mêmes évolutions que les marchés financiers. Autrement dit, les prix n’ont plus de rapport avec l’offre et la demande.

Radio DRS a demandé à quelques banques suisses si elles enten-daient suivre l’exemple des instituts financiers allemands. UBS, le Crédit Suisse et la Banque cantonale de Zurich ont répondu par la négative : elles veulent continuer à offrir leurs fonds agricoles. Elles affirment ce-pendant « être conscientes de la problématique et du débat politique ». Le degré de conscience en question dépendra de l’initiative de la Jeu-nesse socialiste et de leurs client-e-s. Nous sommes curieux de voir la suite !

Peter Niggli, directeur d’Alliance Sud

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Points forts

Surendettement du Sud

5 L’ombre de la crise de l’euro

Objectifs du Millénaire

6 Des droits plutôt que la charité

Entreprises et droits humains

8 Devoir de diligence obligatoire

Accords commerciaux

10 L’Inde, partenaire corriace

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4 GLOBAL+ AUTOMNE 2012

Réunion symbolique du

gouvernement des Maldives

(2009). La question des

dommages irréversibles n’est

pas encore assez au cœur

de la politique climatique

internationale.

On ne sait pas encore si l’Aus-tralie et la Nou-velle-Zélande re-joindront l’Union européenne, la Norvège et la Suisse pour la deuxième pé-riode d’engage-ment du proto-cole de Kyoto. Il est important que les pays in-

dustrialisés participants acceptent des objectifs de réduction capables d’éviter des changements cli-matiques dangereux.

Pour cela, ils devraient diminuer leurs émis-sions de gaz à effet de serre de 25 à 40% par rap-port à 1990. L’Union européenne et la Suisse n’ont annoncé que 20% jusqu’en 2020. En même temps, certaines faiblesses doivent être corrigées, comme le report des droits d’émissions inutilisés lors de la première période d’engagement. A Doha, il conviendra également de se mettre d’accord pour que les émissions globales commencent à baisser avant 2020. Cela signifie que les pays industrialisés devront diminuer beaucoup plus rapidement leurs émissions et aider les pays en développement dans

leur protection du climat, de sorte qu’ils puissent aussi accroître leurs réductions. Un autre objectif de la conférence est d’établir une feuille de route et de poser des jalons pour l’élaboration d’un nouvel accord sur le climat, qui devrait intégrer de manière contraignante tous les Etats à partir de 2020. Une tâche clé est de clarifier, jusqu’en 2015, les critères selon lesquels le budget d’émissions restant (en-viron 18 milliards de tonnes de CO

2 par an) pourra

être distribué équitablement entre les pays. La né-gociation d’une telle répartition des charges entre le Nord et le Sud requiert un dialogue ouvert et la volonté des parties de sortir des positions figées.

Fonds vert pour le climatEnfin, Doha montrera si les pays industrialisés sont prêts à tenir leurs promesses financières pour sou-tenir les pays en développement dans la protection du climat. A Copenhague en 2009, ils avaient an-noncé une contribution annuelle de 10 milliards de dollars entre 2010 et 2012 et de 100 milliards à partir de 2020. Rien n’a été décidé jusqu’ici pour la transition de 2013 à 2020. Entre 10 et 15 milliards seront nécessaires de 2013 à 2015 pour la seule mise en route du Fonds vert pour le climat. On dé-cidera au Qatar qui hébergera le secrétariat de ce fonds : Genève figure parmi les six villes candidates.

Nicole Werner

Lutte contre les changements climatiques

Les défis de DohaFin novembre aura lieu à Doha (Qatar) la 18e conférence de l’ONU sur le climat. Elle portera

notamment sur la mise en œuvre des décisions de l’an dernier. A Durban, les Etats parties ont

décidé d’établir dès 2013 une deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto et d’éla-

borer un nouveau traité sur le climat qui devrait intégrer tous les Etats dès 2020.

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La face cachée de l’iceberg

nw Extrêmes climatiques, raz-de-ma-

rée, sécheresses, glissements de

terrain, fonte des glaciers... Les

émissions démesurées de gaz à effet

de serre, qui ont atteint en 2011 le

nouveau record de 31,6 gigatonnes,

ont des effets dramatiques sur la

population mondiale. Au-delà des

catastrophes passagères, les change-

ments climatiques permanents

provoquent des dégâts et des pertes

durables, dont on peine encore à

imaginer l’ampleur et les solutions à y

apporter. Ils mettent en danger

l’économie de régions entières, la

survie de millions de paysans, les

bases de la vie des populations

insulaires.

Les inondations et éboulements, qui

ont touché 70% du territoire en 2010,

ont fait perdre sept milliards de

dollars à la Colombie et détruit les

habitations de 2,2 millions de

personnes, soit presque 5% de la

population. En 2011, la sécheresse qui

a frappé le Mexique – la pire depuis

2004 – a fait périr de soif et de faim

750’000 bovins dans l’Etat de

Chihuahua ; la production de maïs y a

chuté de 100’000 tonnes par an à 500

tonnes.

Par ailleurs, les experts estiment que

le niveau de la mer pourrait augmen-

ter d’un à trois mètres au cours des 75

prochaines années. Nombre des

quelque quarante Etats insulaires

risquent de devenir inhabitables.

Où iront les 350 millions de personnes

qui y vivent ? Comment va-t-on

minimiser les dégâts à leurs cultures ?

Diverses organisations non gouverne-

mentales réclament donc que les Etats

membres de l’ONU se penchent sur ces

destructions irréversibles et les

inscrivent en tête de l’agenda

politique. Les mesures de prévention

et d’adaptation seules ne suffiront

pas, en effet, à en venir à bout.

Page 5: GLOBAL+ No. 45 / Automne 2012

GLOBAL+ AUTOMNE 2012 5

L’endettement massif de la Grèce et les mesures d’économie drastiques auxquelles sont soumis d’autres pays de l’Europe méridionale ont pour effet d’occulter le fardeau de la dette des pays pauvres. Or, ainsi que l’ONU l’a affirmé dans une résolution en décembre, celle-ci reste très préoccupante.

Suite à la crise financière mondiale, nombre de pays en développement sont même menacés d’un risque croissant d’insolvabilité. 19 pays à revenu faible seraient dans cette situation selon le Fonds monétaire international (FMI) ainsi que 7 pays à re-venu intermédiaire selon les ONG allemandes er-lassjahr.de et Kindernothilfe. Par ailleurs, de nom-breux pays pauvres souffrent toujours du poids des dettes « illégitimes », contractées par des régimes autoritaires et corrompus sur le dos de la population.

L’initiative multilatérale de désendettement HIPC a certes soulagé beaucoup de pays en dévelop-pement. Elle ne suffit cependant pas. Pour preuve, un tiers des pays menacés de faillite en ont profité et d’autres ne remplissent pas les conditions pour en bénéficier. Ainsi que l’ONU le relève, d’autres me-sures sont urgemment nécessaires pour résoudre le problème à long terme. Pour éviter des crises fu-tures de la dette, les créanciers et débiteurs doivent se plier à certaines règles du jeu. C’est pourquoi le réseau européen d’ONG Eurodad a, l’année dernière, publié une charte pour des crédits responsables et que le réseau africain de partenaires Afrodad a éta-bli des critères pour des emprunts responsables. La Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (Cnuced) a entretemps fait des propositions dans son projet de régulation interna-tionale contraignante.

Il serait très important qu’une procédure d’in-solvabilité pour les pays surendettés voit enfin le jour. L’absence d’une telle procédure est synonyme de chaos en cas d’incapacité de paiement. Débi-teurs et créanciers se disputent alors pour savoir qui doit renoncer à quoi. Afin d’éviter ou du moins de repousser ces marchandages, les gouvernements concernés prennent de nouveaux crédits et s’enfon-cent ainsi de plus en plus dans la spirale de la dette. Cela coûte de l’argent, crée de l’insécurité et réduit à néant des progrès importants de développement. Des propositions pour une procédure d’insolvabili-té équitable et transparente existent depuis long-temps. Elles doivent enfin être mises en œuvre.

Mark Herkenrath

- Action de Carême, Pain pour le prochain: « Le poids de la

dette », Repères 1/2012, juin 2012.

Suisse pionnière ?

mh Plusieurs pays menacés d’insolvabilité sont des bénéficiaires de l’aide suisse : le

Laos et le Tadjikistan soutenus par le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) ainsi que

neuf autres partenaires de la Direction pour le développement et la coopération

(DDC). Le risque est que les progrès en matière de développement auxquels la Suisse

contribue soient annihilés par une dégradation de l’endettement. La Suisse est donc

appelée à s’engager pour une solution durable de ce problème.

Dans ce sens, le conseiller aux Etats libéral-radical Felix Gutzwiller a déposé en

septembre 2011 un postulat chargeant le Conseil fédéral d’élaborer des propositions

pour une procédure internationale d’insolvabilité des Etats. Le Conseil fédéral l’a

accepté et le Conseil des Etats l’a suivi. La Suisse aurait ainsi de bonnes chances de

jouer un rôle pionnier au plan international face à l’aggravation du problème global

de la dette. Un rapport du Conseil fédéral est attendu pour la fin de l’année.

La réponse du Conseil fédéral au postulat Gutzwiller laisse toutefois craindre que le

rapport esquivera certaines questions importantes. Ainsi, le gouvernement entend

limiter ses propositions aux dettes issues du marché des capitaux. Cela contredit le

sens et l’objectif d’une procédure d’insolvabilité : on ne peut en effet normaliser la

situation d’un pays endetté qu’à condition de prendre en compte l’ensemble de ses

dettes. Cela concerne donc également les autres dettes envers des créanciers privés

ainsi qu’envers des créanciers publics bi- ou multilatéraux (Banque mondiale,

banques régionales…). Un tel règlement global de la dette a jusqu’ici échoué avec les

initiatives de désendettement HIPC et MDRI. Cela, au préjudice des pays endettés et

au profit de quelques fonds vautours qui ont depuis lors tenté de réclamer le plein

remboursement des dettes devant les tribunaux.

La dette oubliée des pays en développement

Dans l’ombre de la crise de l’euroLa crise européenne de la dette met la planète en ébullition. On oublie du coup la

banqueroute qui menace de nombreux pays en développement.

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6 GLOBAL+ AUTOMNE 2012

Après les Objectifs du Millénaire

Des droits plutôt que la charitéPepo Hofstetter / Nina Schneider Les Objectifs du Millénaire pour l’élimination des pires formes de

pauvreté devraient être réalisés d’ici à la fin de 2015. On en est encore loin. La discussion

bat cependant déjà son plein sur la suite à leur donner.

Le rapport de bilan 2012 de l’ONU1 le montre une fois de plus : globalement, la plupart des Objectifs du Millénaire pour le dé-veloppement (OMD) ne seront pas atteints. La communauté des Etats n’est dans la cible que pour la réduction de moitié de la pauvreté monétaire la plus grave (merci la Chine !), de l’accès à l’eau potable et de l’égalité entre filles et garçons à l’école pri-maire. Elle est à mi-chemin pour la scolarisation élémentaire de tous les enfants.

En revanche, pour tous les autres objectifs, on est encore loin du résultat attendu. Les OMD, en particulier, n’ont que très peu conduit à des progrès locaux dans les Etats fragiles, en proie à la guerre ou à des conflits.

Cela dit, il serait faux de parler d’un échec pur et simple du concept des OMD. Nombre de pays, aussi africains, ont ac-compli des avancées considérables en matière de formation, de santé ou de réduction de la mortalité infantile ; ils ont pour cela obtenu d’importants moyens financiers. En même temps, sur plusieurs plans, les pays industrialisés n’ont pas rempli leurs devoirs. Seuls cinq des vingt-deux Etats de l’OCDE ont augmenté comme promis leur aide à 0,7% du revenu national brut. Aucun n’a mis en question les règles inéquitables des sys-tèmes commercial et financier.

Conserver les forcesLes points forts des OMD devraient fonder le suivi qui est ac-tuellement esquissé pour la période post-2015. C’est, entre autres, ce qu’exige l’UN Task Team (voir encadré) dans un rap-port2 au secrétaire général de l’ONU ainsi que les réseaux d’ONG Beyond 20153 et Eurostep4. Les trois soulignent que les OMD ont permis de focaliser la coopération au développement davantage sur la lutte contre la pauvreté et les objectifs so-ciaux. Ils ont donné une orientation commune aux différents acteurs. Le nombre réduit d’objectifs, leur formulation claire, leur mesurabilité ont rendu possible une large mobilisation politique.

Tirer les leçons des faiblessesLes OMD ont toutefois aussi révélé des lacunes évidentes qu’il conviendra d’éviter à l’avenir. Ainsi, la large perspective de la Déclaration du Millénaire – fondée sur les droits humains – a été réduite à des objectifs sociaux politiquement inoffensifs et peu controversés. On a mis entre parenthèses la nécessité de réformes structurelles ainsi que des questions comme les iné-galités sociales, la sauvegarde de l’environnement ou la pré-vention des conflits et de la violence. Les Objectifs ont fixé des

La discussion en Suisse

ns En Suisse, la Direction du développement et de la coopéra-

tion (DDC) ainsi que l’Office fédéral de l’environnement

(OFEV) ont initié des processus de consultation sur le nouvel

agenda de développement et les objectifs de développement

durable (Sustainable Development Goals, SDGs). Alliance Sud,

qui y participe, va s’engager pour que le nouvel agenda repose

sur une approche intégrale en matière de durabilité et de

droits humains, et pour qu’il soit focalisé sur la justice sociale.

Un accent particulier sera mis sur la cohérence : il importe que

tous les domaines politiques (commerce, finance, environne-

ment, politique sociale…) soient évalués à la lumière de leur

compatibilité sociale et environnementale. Les débats futurs

ne devront pas porter uniquement sur des listes d’objectifs

individuels. Il s’agira davantage de réfléchir à une nouvelle

conception du développement.

Manifestation de la campagne

« 0,7% – Ensemble contre la

pauvreté », Bâle, octobre 2007.

Les Objectifs du Millénaire pour

le développement ont permis de

sensibiliser l’opinion publique

pour une lutte accrue contre la

pauvreté et davantage d’aide au

développement.

Page 7: GLOBAL+ No. 45 / Automne 2012

GLOBAL+ AUTOMNE 2012 7

résultats finaux, mais soigneusement esquivé les causes de la pauvreté et les politiques requises pour les surmonter. De plus, les OMD ont été élaborés sans une large consultation des gou-vernements, de la société civile et des personnes concernées. Beaucoup de pays en développement les ont du coup perçus comme de nouvelles conditionnalités et se sont peu identifiés avec eux.

Nouvel agendaSur la base de ces constats, l’UN Task Team et les deux réseaux d’ONG ont esquissé les premiers contours d’un agenda du dé-veloppement post-2015. Ils attendent qu’il prenne en compte les crises sociales, économiques, alimentaires et écologiques actuelles. Il devrait viser « un monde équitable et durable, où les droits de tous les êtres humains sont respectés » (Beyond 2015). Il devrait concerner tous les Etats, mais en différenciant leurs responsabilités et leurs devoirs. A l’avenir, tous les pays sont tenus de briser le cercle vicieux de la croissance écono-mique destructrice et d’élaborer des modèles de production et de consommation respectueux de l’environnement. Au-trement dit, le paradigme de développement qui a prévalu jusqu’ici – fondé sur la charité (« le Nord aide le Sud ») – doit être remplacé par un engagement universel. Il convient de ré-duire la pauvreté et les inégalités – à l’intérieur et entre les na-tions – ainsi que de reconnaître les limites écologiques de la planète. Cela implique deux choses. D’une part, de corriger les déséquilibres de pouvoir et les privilèges des acteurs écono-miques et financiers transnationaux en faveur des droits pu-blics et de processus de négociations démocratiques. D’autre part, de réévaluer le rôle et le devoir de rendre des comptes des gouvernements, premiers responsables du bien-être et des in-térêts à long terme de leur population.

Elaboration participativeConcernant le processus, l’UN Task Team et les deux réseaux d’ONG proposent de s’accorder sur des principes fondamen-taux avant de formuler des objectifs concrets. Le point de dé-part – en plus des Pactes des droits humains et de l’Agenda 21 adopté au Sommet de la Terre de 1992 – devrait être constitué

par les principes contenus dans la Déclaration du Millénaire : droits humains pour tous, égalité sociale, respect de l’environ-nement, de la paix et de la sécurité. Ce cadre devrait assurer que les objectifs fixés ne se contredisent pas et qu’ils corres-pondent à tous les critères de la durabilité. Des réseaux fémi-nistes exigent l’ancrage central de l’égalité entre les sexes et des droits reproductifs, car la discrimination persistante des femmes est l’un des principaux obstacles au développement. Finalement, il convient que le nouvel agenda du développe-ment – contrairement aux OMD – soit élaboré de concert avec les autorités nationales et locales, la société civile, la science et avant tout les personnes touchées par la pauvreté. C’est une condition pour que les gouvernements et les populations s’identifient avec les objectifs à venir et s’engagent active-ment pour leur réalisation. Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) prévoit des consultations dans quelque 100 pays. On ne sait pas encore cependant quelle sera leur étendue ni comment leurs résultats seront intégrés dans le nouvel agenda de développement global.

1. http://mdgs.un.org/unsd/mdg/Resources/Static/Products/Pro-

gress2012/French2012.pdf

2. http://www.beyond2015.org/sites/default/files/Realizing%20the%20

future%20we%20want.pdf

3. Beyond 2015 regroupe plus de 400 ONG de 80 pays, parmi lesquelles

Alliance Sud: www.beyond2015.org

4. www.eurostep.org

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Feuille de route

ph/ns Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a, depuis

décembre, chargé plusieurs instances de plancher sur un

nouvel agenda du développement. Primo, coordonné par le

Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD)

et le Département des affaires économiques et sociales

(UNDAES), l’UN Task Team post-2015 comprend quelques 50

agences et unités de l’ONU. Il a publié en juin un premier

rapport (voir texte principal). Secundo, un panel à haut niveau

de personnalités doit élaborer jusqu’en mai 2013 des

recommandations, « avec des responsabilités différenciées

pour tous les pays et un accent prioritaire sur la lutte contre la

pauvreté et le développement durable ». Ses propositions

seront discutées par l’Assemblée générale en automne 2013.

Tertio, un comité d’experts dirigé par Jeffrey D. Sachs, doit

accompagner le processus d’une manière scientifique. Le but

est que le nouvel agenda du développement soit sous toit en

2014, au plus tard en 2015.

Parallèlement, le Conférence Rio+20 a chargé l’Assemblée

générale de l’ONU de septembre de créer un groupe de travail

avec des représentant-e-s de 30 pays de toutes les régions du

monde. Sa tâche sera, en l’espace d’une année, d’établir un

catalogue complet d’objectifs de développement durable

(Sustainable Development Goals, SDGs). Selon le document

final de Rio, le processus sur les SDGs doit se dérouler en

cohérence et coordination avec le processus post-2015. On n’a

toutefois pas décidé comment et si les différents processus

devaient converger dans un agenda commun.

Page 8: GLOBAL+ No. 45 / Automne 2012

8 GLOBAL+ AUTOMNE 2012

Les médias se sont, ces derniers mois, faits l’écho de violations des droits humains et des standards environnementaux par des filiales de multinationales dont le siège est en Suisse. Ain-si, le grand cimentier Holcim a été accusé de bafouer les droits syndicaux en Inde. Au Pérou, les graves atteintes à la nature et à la santé publique par le géant minier Xstrata ont conduit à des heurts entre les forces de l’ordre et la population, qui ont fait deux morts en mai.

En même temps, Holcim et Xstrata ont adhéré au Pacte mondial de l’ONU et à ses dix principes de respect des droits humains et de l’environnement. Un signe que les initiatives vo-lontaires ne suffisent pas ! La législation suisse, malheureuse-ment, ne permet pas de pallier les insuffisances de l’autorégu-lation des entreprises. Une réforme est donc nécessaire pour adapter le droit à la réalité de la globalisation économique, ainsi que l’exige l’alliance « Droit sans frontières ».

Introduire un Director’sDutyofCareMandaté par « Droit sans frontières », l’avocat genevois Fran-çois Membrez a proposé une série de modifications légales1. L’une d’elles serait d’étendre le devoir de diligence du conseil d’administration à la protection des droits humains et de l’en-vironnement (Director’s Duty of Care). Pour l’heure, selon le Code des obligations (CO), les instances dirigeantes de l’entre-prise sont uniquement tenues de « veiller fidèlement aux inté-rêts de la société » (art 717) et des actionnaires. Il s’agirait donc de les obliger à prendre les mesures nécessaires raisonnables pour éviter des violations des droits humains et de l’environ-nement par toutes les sociétés du groupe.

Le contenu d’une telle diligence raisonnable (Due Dili-gence) en matière de droits humains a pour une bonne part déjà été définie par les travaux de John Ruggie, l’ex-représen-tant spécial de l’ONU pour les questions entreprises et droits humains. L’ONU a publié en début d’année un manuel de mise en œuvre2. L’Union européenne est en train de préparer plu-sieurs guides, dont un pour les petites et moyennes entreprises (PME). Pour Ruggie, la diligence raisonnable implique une dé-claration politique manifestant l’engagement de l’entreprise, des évaluations périodiques de l’impact potentiel et réel de ses activités sur les droits humains, l’établissement de systèmes

de contrôle et des mécanismes de dialogue avec les commu-nautés affectées. « A cet égard, il serait important d’introduire également un devoir légal de reporting sur les mesures adop-tées et leurs effets », souligne Dominique Biederman, directeur de la fondation Ethos.

Un tel Director’s Duty of Care a, bien sûr, des limites. Il n’offre pas d’accès direct à la justice aux victimes. Seuls les actionnaires peuvent s’en prévaloir, avec – selon les cas – des frais de justice non négligeables. En cas de condamnation, les dommages et intérêts ne reviennent pas aux victimes, mais fi-nissent dans les caisses de la société.

L’exemple de la Grande-BretagneSi elle est loin d’être la solution, l’introduction d’un Director’s Duty of Care constituerait cependant une brèche dans l’ap-proche purement volontaire. Elle serait un premier pas non négligeable pour faire évoluer la culture d’entreprise vers une responsabilité socio-environnementale effective.

Dans le contexte politique actuel, cette mesure a l’avan-tage de mettre l’accent sur la prévention des violations plu-tôt que sur leur sanction ; elle est en cela plus acceptable. De plus, elle est clairement encouragée par John Ruggie. Les Prin-cipes directeurs pour la mise en œuvre de son cadre « Protéger, respecter, réparer » soulignent l’importance d’ancrer les poli-tiques des droits humains au plus haut niveau directorial de l’entreprise et la nécessité pour les Etats de disposer d’un cadre légal visant à exiger des firmes qu’elles respectent les droits humains.

Un Director’s Duty of Care existe déjà sous différentes formes, plus ou moins indirectes, dans d’autres pays. Ainsi, les administrateurs doivent prendre en compte le bien com-mun (Allemagne), satisfaire les demandes du large public et le rôle social de l’entreprise (Brésil), tenir compte de leur im-pact sur les communautés (Roumanie) ou encore évaluer les risques pouvant découler de violations des droits humains (Etats-Unis).

Le pays le plus avancé est la Grande-Bretagne qui, en 2006, a revu d’une manière substantielle son droit des socié-tés (Companies Act). Sous la pression d’ONG et du public qui a adressé plus de 100’000 lettres aux membres du Parlement,

Entreprises et droits humains

Pour un devoir de diligence obligatoireMichel Egger Le droit suisse n’oblige pas les multinationales à respecter les droits humains

et l’environnement dans toutes leurs activités à l’étranger. L’introduction dans le Code

des obligations d’un devoir de diligence pour les dirigeants d’entreprise serait un pre-

mier pas pour combler cette lacune grave. Une disposition recommandée par l’ONU et

qui existe déjà dans d’autres pays.

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elle a introduit un nouvel article qui oblige le conseil d’admi-nistration à prendre en considération l’impact des activités de l’entreprise sur les communautés et l’environnement. Elle a as-sorti cette disposition d’un devoir de reporting, trop vague ce-pendant pour avoir un impact significatif, ainsi que le déplore l’ONG britannique CORE.

Mesures volontaires et contraignantesDes dispositions juridiques contraignantes comme le Direc-tor’s Duty of Care ne doivent pas être opposées aux mesures volontaires de responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Elles en sont au contraire le complément néces-saire, ainsi que l’ont souligné tant John Ruggie que l’Union eu-ropéenne, qui prônent un mélange judicieux (« smart mix ») entre les deux. Un exemple fécond de cette complémentari-té pour la prévention des violations des droits humains est le Dodd Frank Act, adopté fin août par les Etats-Unis. Selon le rè-glement de la Security and Exchange Commission, les entre-prises américaines cotées en bourse et leurs fournisseurs ac-tifs dans le négoce de matières premières devront à l’avenir publier des informations sur l’origine de leurs minerais et mon-trer qu’ils ne servent pas au financement de conflits comme en République démocratique du Congo. Confrontées à cette exi-gence légale, et afin de garantir que leurs minerais ne sont pas entachés de violations des droits humains, les entreprises élec-troniques ont mis en place des systèmes de traçabilité qu’elles considéraient comme impossibles il y a encore trois ans.

Avec la collaboration de Chantal Peyer, Pain pour le prochain

1. www.droitsansfrontieres.ch (rubrique « revendications »)

2. The Corporate Responsibility to Respect Human Rights: An Interpre-

tive Guide, UNO, 2012, http://www.ohchr.org/EN/Issues/Business/Pages/

Tools.aspx

Protestations au Pérou contre

Xstrata (fin mai 2012). La

multinationale a signé le Pacte

mondial de l’ONU, mais ses

mines continuent de menacer

l’environnement et la santé.

Timides ouvertures

me En même temps que la remise de la pétition « Droit

sans frontières », cinq interpellations et un postulat ont

été déposés en juin par des parlementaires du PS, des

Verts, du PDC, des Verts libéraux, du PBD et du Parti

évangélique sur des questions de droits humains et

entreprises. Les réponses du Conseil fédéral sont

ambivalentes. D’une part, il reconnaît la grande

importance des Principes directeurs de John Ruggie et a

accepté un postulat demandant une stratégie pour leur

mise en œuvre. Il attend des multinationales qu’elles

aillent au-delà des exigences légales des pays où elles

sont actives et qu’elles assument « vis-à-vis de leurs

filiales un devoir général de diligence (due diligence) qui

les enjoint d’identifier, d’éviter ou tout au moins

d’atténuer les effets négatifs de leur activité sur l’envi-

ronnement, les droits de l’homme ou le droit du travail,

notamment ». De l’autre côté, le gouvernement esquive

totalement la question des mesures pro-actives et

juridiquement contraignantes prônées par John Ruggie

et l’Union européenne en complément des initiatives

volontaires. Concernant l’accès à la justice pour les

victimes de violations commises par les entreprises

suisses dans les pays en développement, il refuse toute

interférence de la justice helvétique dans les affaires

d’Etats tiers et renvoie ceux-ci à leurs engagements

internationaux. D’une manière générale, en s’accrochant

aux initiatives volontaires et aux procédures non

judiciaires, le Conseil fédéral témoigne d’une conception

de la responsabilité sociale des entreprises, qui est en

retrait par rapport à John Ruggie et à l’évolution

internationale. Les commissions de politique extérieure

discuteront de la pétition « Droit sans frontières » le 11

octobre (Conseil des Etats) et le 30 octobre (Conseil

national).

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Tout comme la Bolivie, l’Afrique du Sud, l’Equateur et d’autres pays en développement – mais aussi in-dustrialisés, à l’instar des Etats-Unis et de l’Union européenne –, l’Inde est en train de revoir de fond en comble sa politique d’investissement. Car, bien que Delhi ait signé des accords de promotion et pro-tection des investissements (APPI) avec plus de 70 pays, elle n’avait jamais été condamnée avant le 30 novembre 2011. Ce jour-là, à marquer d’une pierre rouge, un tribunal arbitral lui a infligé une amende de quatre millions de dollars australiens dans l’af-faire White Industries versus India. L’opinion pu-blique n’a découvert cette sentence qu’en février dernier, car la plupart des décisions sont tenues se-crètes.

Bien que le différend opposât White Industries (une compagnie minière australienne) à Coal India (une entreprise publique indienne), c’est le gou-vernement indien qui va devoir payer les frais de la lenteur des tribunaux nationaux. Ceux-ci n’ont toujours pas tranché l’affaire après neuf ans ! Pour contester ce retard, White Industries, au nom de la clause de la nation la plus favorisée, a invoqué une disposition contenue dans l’APPI avec le Koweït (mais pas avec l’Australie, son pays d’origine), qui garantit un règlement des différends rapide et effi-cace devant les tribunaux internes. Une démarche parfaitement légale.

A tort et à travers« La clause de la nation la plus favorisée est problé-matique !, s’emporte un haut fonctionnaire indien sous couvert d’anonymat. Cette disposition a été insérée dans l’APPI avec le Koweït à cause de rela-tions spéciales entre les deux pays, comme la pro-messe d’importants investissements koweïtiens en Inde, mais elle ne s’appliquait pas à White In-dustries. Plus généralement, elle permet de pico-rer entre les traités pour choisir le plus favorable et elle a été invoquée à tort et à travers, notamment en Amérique latine. Les APPI sont très différents les

uns des autres, il faut les harmoniser pour mieux défendre les intérêts des pays d’accueil. C’est ce que nous sommes en train de faire. »

Tout en voulant rassurer les investisseurs, notre interlocuteur se plaint de jugements rendus par quelques centaines d’avocats, derrière des portes closes, sur la base d’interprétations complètement imprévisibles. Ainsi, l’expropriation indirecte a été invoquée par les investisseurs pour dénoncer la di-minution de la valeur d’un investissement résul-tant, par exemple, de régulations étatiques visant à protéger l’environnement ou la santé publique.

Non à des dispositions TRIPS+L’Inde tient mordicus à un développement équitable et durable. C’est ainsi qu’elle a décidé de n’accep-ter aucun accord de libre-échange avec des disposi-tions sur la propriété intellectuelle qui vont au-delà des règles de l’Organisation mondiale du commerce (TRIPS+) et rendent plus chers les médicaments gé-nériques. Une véritable pierre d’achoppement dans les négociations en cours avec l’Union européenne (UE) et l’Association européenne de libre-échange (AELE), qui vont devoir renoncer à l’exclusivité des données. En revanche, c’est une victoire pour les ONG comme Alliance Sud, qui prônent le droit à la santé pour le plus grand nombre.

Cela dit, va-t-il y avoir un accord tout court avec la Suisse ? Notre interlocuteur assure qu’il y en aura un, pour autant que les deux partenaires y trouvent un bénéfice additionnel et équitablement réparti. Si le traité avec l’UE est mis sous toit cet automne, cela pourrait donner un coup d’accélérateur à ce-lui avec l’AELE, visiblement moins intéressant aux yeux de Delhi. A l’instar de celui avec l’UE, ce dernier ne contiendra pas de chapitre sur le développement durable, instamment demandé par les ONG et cer-tains partis politiques suisses. L’Inde craint, en effet, que les standards environnementaux n’imposent une vision du développement « à l’occidentale » et que les normes du travail ne deviennent une forme de protectionnisme. « Nous nous sommes oppo-sés à ces questions à l’OMC, nous continuerons à l’être dans les accords bilatéraux, précise notre in-terlocuteur. Elles sont très importantes, mais elles n’ont rien à faire dans les traités de libre-échange, car l’AELE a des intérêts commerciaux très clairs et elle va utiliser ces standards à son avantage.»

Isolda Agazzi

Accord d’investissement et propriété intellectuelle

L’Inde, un partenaire coriaceLes positions de l’Inde se heurtent parfois aux intérêts occidentaux. Ainsi, elle

revoit sa politique d’investissement, s’oppose à des dispositions renforcées sur la

propriété intellectuelle. La Suisse en fait aussi les frais.

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Enfants forçatsDans le cadre de leur projet Histoire vivante, le centre de documentation d’Alliance Sud et e-media publient une nouvelle fiche pédagogique. Elle porte sur le documentaire Enfants for-çats, d’Hubert Dubois, qui sera diffu-sé sur RTSdeux le 7 octobre prochain à 20h55 et le 8 octobre à 23h45.

Selon la feuille de route adoptée par les participants à la Conférence mondiale sur le travail des enfants de la Haye en 2010, les pires formes du travail des enfants devraient avoir été éradiquées d’ici à 2016. A mi-parcours, le film d’Hubert Dubois se demande quels progrès ont été réalisés et quels sont les défis à relever.

Si, dans un premier temps, les ef-forts consentis ont conduit à un net recul des formes d’exploitation les plus graves, il faut constater aujourd’hui une stagnation de la situation, voire une nouvelle augmentation des cas,

probablement en raison de la crise économique mondiale. S’appuyant sur le film, la fiche pédagogique offre aux enseignants des pistes originales et adaptées à plusieurs niveaux scolaires pour leur permettre d’aborder et d’ap-profondir une question qui s’avère de plus en plus complexe au fur et à me-sure qu’on l’explore. A la réprobation-réflexe s’oppose toute une réflexion menée par les spécialistes du terrain.

Ceux-ci s’interrogent non seule-ment sur la faisabilité des mesures prônées par les organisations inter-nationales, mais aussi, plus profondé-ment, sur le bien-fondé de la volonté d’interdire totalement le travail des enfants.

Les tuyaux • Fiche pédagogique : les enfants for-çats http://www.alliancesud.ch/fr/documentation/projets/histoire-vi-vante/travail-des-enfants/ ;

• Rencontre avec une classe de CM2 (Hubert Dubois répond aux questions des élèves), www.ina.fr, 5 juin 2012; Vidéo, durée 26 min ;

• « Contre le travail des enfants ? Pré-supposé à débattre » , Aurélie Leroy, in : Contre le travail des enfants ? Al-ternatives Sud, Vol.XVI-2009/1, www.cetri.be ;

• « Travail des enfants, les leçons des pays émergents », Bénédicte Manier, Le Monde diplomatique, 10 mai 2010, www.monde-diplomatique.fr ;

• Global March Against Child Labour : www.globalmarch.org.

Centre de documentation d’Alliance SudAvenue de Cour 1, 1007 Lausanne,[email protected] ou 021 612 00 86www.alliancesud.ch/documentation.

Les bons tuyaux de la doc

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Nouvelle publication sur la décroissance

Moins égale plus !

Une belle surprise attend les lecteurs romands en ce début d’automne : la pa-

rution d’un tout nouveau journal au titre provocateur : Moins ! Comme un

défi lancé à la face d’une société qui, à force de vouloir « toujours plus » et

d’aller « toujours plus vite », finit par oublier les raisons qui la font courir.

« Moins ! est […] à la fois un cri de contestation et de résistance, mais égale-

ment une condition sine qua non pour pouvoir envisager une façon de vivre

ensemble plus égalitaire et solidaire. »

Journal romand d’écologie politique issu du Réseau des objecteurs de crois-

sance vaudois (ROC-VD), Moins ! a l’ambition de faire connaître et promou-

voir les idées de la décroissance. Chaque numéro sera « balisé » par des ci-

tations d’un auteur-phare de l’écologie politique. Le premier invité est Ivan

Illich (1926-2002). Théologien et philosophe, auteur de très nombreux ou-

vrages, cet auteur n’a eu de cesse de démontrer que, à partir d’un certain

seuil, le « toujours plus » tend à se retourner contre lui-même et devient

contre-productif. Les exemples ne manquent pas : la médecine rend malade,

les transports immobilisent, l’information désinforme, l’école abrutit…

Le numéro inaugural consacre un dossier à la décroissance. Il en décline

les principaux contenus et enjeux, répond à ses détracteurs en démontrant

qu’elle est tout sauf synonyme de « récession » et de « retour à l’âge de la

pierre », montre en quoi elle se distingue du développement durable. Le dos-

sier se clôt sur une « petite “médiagraphie” décroissante », complétée par

quelques livres, revues et films marquants.

Il vaut la peine de découvrir ce nouveau-né de la presse romande et son

théorème inédit : « Moins, c’est parfois beaucoup plus ».

Le site du journal : http://www.achetezmoins.ch/

GLOBAL+ Avenue de Cour 1 | 1007 Lausanne | Téléphone 021 612 00 95

E-Mail: [email protected]

www.alliancesud.ch

42,5

mill

ion

s Fin 2011, l’UNHCR recensait 42,5 mil-lions de réfugiés dans le monde, dont 24,6 millions de dé-placés internes et 895’000 requérants d’asile.

4 su

r 5

4 réfugiés sur 5 vi-vaient dans les pays en développement.

50’4

00

La Suisse (revenu par habitant de 43’500 USD) abritait 50’400 réfugiés et le Kenya (revenu par habitant de 1’700 USD) 566’500.

Faits et chiffresRéfugiés dans le monde