gil blas (livres i à vi) - francais...

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4 LESAGE Histoire de Gil Blas de Santillane (livres I à VI) E ´ dition d’E ´ rik Leborgne n o 1346 / 7,80 I . P OURQUOI E ´ TUDIER G IL B LAS EN CLASSE DE PREMIE ` RE ? S i la classe de seconde se donne pour objectif, en matière romanesque, d’initier les élèves d’une part aux caracté- ristiques typologiques du genre, d’autre part aux particula- rités du récit, bref ou plus développé, celle de première vise à compléter la connaissance du roman et de son histoire à travers l’étude approfondie d’une œuvre éclairée par des textes complémentaires et des lectures cursives, en prenant pour entrée privilégiée l’étude des personnages. A ` la croisée du roman satirique stigmatisant le monde et la société, et du roman comique ou antihéroïque, sous l’influence du modèle picaresque, Lesage invente avec Gil Blas un roman d’un genre nouveau, « critique » au sens classique du terme en cela qu’il se présente comme « un texte qui porte sur d’autres écrits pour en faire un examen métadiscursif 1 » ; il annonce aussi, au début du XVIII e siècle, la fortune littéraire du roman- mémoires comme du roman d’aventures, et se met en marche vers une représentation plus réaliste du monde que celle à laquelle ses prédécesseurs avaient donné cours. Synthétisant des courants et des esthétiques littéraires variés, et précurseur d’autres veines romanesques, Gil Blas occupe une place stratégique dans l’histoire littéraire, et s’offre comme un promontoire de choix pour observer les grandes tendances du 1. J.-P. Sermain, cité dans la Présentation, p. 31, note 1. Gil Blas (livres I à VI)

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LESAGE

Histoire de Gil Blasde Santillane(livres I à VI)

Edition d’Erik Leborgne

no 1346 / 7,80 €

I . P O U R Q U O I E T U D I E R G I L B L A SE N C L A S S E D E P R E M I E R E ?

Si la classe de seconde se donne pour objectif, en matièreromanesque, d’initier les élèves d’une part aux caracté-

ristiques typologiques du genre, d’autre part aux particula-rités du récit, bref ou plus développé, celle de première viseà compléter la connaissance du roman et de son histoire àtravers l’étude approfondie d’une œuvre éclairée par destextes complémentaires et des lectures cursives, en prenantpour entrée privilégiée l’étude des personnages. A la croiséedu roman satirique stigmatisant le monde et la société, et duroman comique ou antihéroïque, sous l’influence du modèlepicaresque, Lesage invente avec Gil Blas un roman d’ungenre nouveau, « critique » au sens classique du terme encela qu’il se présente comme « un texte qui porte sur d’autresécrits pour en faire un examen métadiscursif 1 » ; il annonceaussi, au début du XVIIIe siècle, la fortune littéraire du roman-mémoires comme du roman d’aventures, et se met en marchevers une représentation plus réaliste du monde que celle àlaquelle ses prédécesseurs avaient donné cours.

Synthétisant des courants et des esthétiques littéraires variés,et précurseur d’autres veines romanesques, Gil Blas occupe uneplace stratégique dans l’histoire littéraire, et s’offre comme unpromontoire de choix pour observer les grandes tendances du

1. J.-P. Sermain, cité dans la Présentation, p. 31, note 1.

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roman. C’est dire si l’œuvre de Lesage incite à la démarchecomparatiste à laquelle invitent les Instructions officielles, quiencouragent en outre à élargir aux XVIIe et XVIIIe siècles le choixdes romans étudiés en première. L’édition GF propose le GilBlas de 1715, comprenant les tomes I et II de l’œuvre intégrale,soit les six premiers livres : ce parti pris, qui consiste à donnerexclusivement le premier volet des aventures du héros, présentel’avantage de soustraire les élèves à la lecture du texte dans sonintégralité – elle serait inenvisageable, pour une simple questionde temps –, tout en garantissant l’unité de la lecture, centréesur la recherche de sa voie par le personnage principal etconfortée par le caractère spirituel et fantaisiste qui singularisele premier Gil Blas.

En forme de roman-mémoires – l’un des premiers duXVIIIe siècle, comme le note Erik Leborgne dans sa Présentation(p. 16) –, l’Histoire de Gil Blas de Santillane fait se superposerdeux voix, celle du héros jeune, frappée au sceau de la naïveté,et celle du narrateur plus agé et doué d’expérience ; ce dédou-blement de l’instance narrative en un « je narré » et un « je nar-rant » constitue l’occasion privilégiée de réfléchir à la fois à laquestion de l’élaboration de cette créature de papier qu’est lepersonnage, et à la vision de l’homme et du monde dont cetteconstruction est porteuse et révélatrice. Parce qu’il relève entreautres de la catégorie du roman de formation ou d’apprentis-sage, le roman de Lesage montre l’itinéraire d’un homme àl’école de la vie, mais exhibe également les mécanismes par les-quels un auteur donne vie à un être de fiction pour que fonc-tionne, du côté des lecteurs, ce qu’il est convenu d’appeler« l’effet-personnage 1 » ; celui-ci ressortit d’ailleurs ici à ladynamique des actions plus qu’à l’analyse psychologique, rela-tivement peu fouillée au regard de la tradition romanesque.

Ainsi, le Gil Blas de 1715 offre l’opportunité de découvrirl’une des œuvres romanesques les plus célèbres du XVIIIe siècle– œuvre qui eut un véritable impact sur les romanciers dessiècles suivants (voir les textes reproduits en annexes, p. 463-469) –, tout en satisfaisant pleinement aux exigences édictéespar les programmes de l’année préparatoire au baccalauréat.

1. Selon Vincent Jouve dans L’Effet-personnage dans le roman (PUF,1992), les personnages peuvent induire différents types de lecture : « Unpersonnage peut se présenter comme un instrument textuel (au servicedu projet que s’est fixé l’auteur dans un roman particulier), une illusionde personne (suscitant, chez le lecteur, des réactions affectives), ou unprétexte à l’apparition de telle ou telle scène [...]. »

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I I . T A B L E A U S Y N O P T I Q U E D E L A S E Q U E N C E

La séquence exige des élèves la lecture cursive de l’inté-gralité de l’édition GF, qui restreint l’œuvre au premier GilBlas, celui de 1715. Pour permettre à la classe de saisir, au-delà du foisonnement d’événements qui nourrit le roman, lafermeté de son architecture à un niveau microtextuel, etd’identifier avec précision les sources de cette œuvre conçuecomme un véritable creuset d’influences, on pourra choisirde mettre l’accent, pour les lectures analytiques, sur le livre I,d’ou seront tirés les extraits étudiés. Dans le cadre d’un tra-vail à la maison, on prescrira un parcours de lecture orientéde la suite du texte, sur laquelle portera une évaluation inter-médiaire visant à vérifier l’efficience du travail.

Pour lancer la première lecture, on proposera une séanceinitiale de contextualisation et de problématisation del’œuvre et de ses enjeux, puis une séance consacrée à l’étudede l’avis « Gil Blas au lecteur » (p. 41-42), permettant desaisir la situation romanesque, du point de vue énonciatif.Idéalement, la présente séquence se situera dans la continuitéde celle portant sur « Le théatre : texte et représentation » :la familiarité que la classe aura gagnée avec le genre drama-tique lui permettra de mieux comprendre, chez Lesage,l’assimilation du modèle forain, laquelle ne se limite pas à latransposition de procédés propres au théatre dans la fictionromanesque mais relève, sous la plume du romancier, de laparodie littéraire (voir Présentation, notamment p. 9-13).

La séquence, qui prend pour objet d’étude « Le roman etses personnages », se donne pour perspective dominantel’« étude des genres et des registres » et pour perspectivescomplémentaires l’« approche de l’histoire littéraire et cul-turelle » et la « réflexion sur l’intertextualité et la singularitédes textes ». Composée de neuf séances qui croisent lectureanalytiques d’extraits, comparaisons de textes et synthèsesportant sur l’œuvre entière, cette séquence nécessite qu’onlui consacre cinq semaines d’étude environ.

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I I . D E R O U L E M E N T D E L A S E Q U E N C E

SEANCE 1INTRODUCTION A LA LECTURE DE L’ŒUVRE

→ Frontispice de l’édition de 1771 (p. 36).→ Chronologie (p. 470-472).→ Documents complémentaires : extraits du compte rendu

paru dans le Journal littéraire de La Haye et du Coursde littérature de La Harpe (Annexes, p. 463-466).

Objectifs : Contextualiser l’œuvre dans la production roma-nesque antérieure et contemporaine de l’auteur et intro-duire à sa lecture problématisée.

• Le frontispice de 1771, miroir de l’œuvre

Dans un premier temps, en prenant appui sur la reproduc-tion du frontispice de l’édition de 1771 (p. 36), on travailleraà faire surgir les réactions spontanées des élèves sur cetteillustration et à réactiver leurs connaissances littéraires. Onfera porter leur attention sur les détails du dessin : modèledramatique qui assimile le roman à une représentation, lepersonnage à un acteur et le lecteur à un des spectateursissus de la bourgeoisie amassés dans la salle et qui présente,réciproquement, la vie humaine comme une scène ou chacunse pare de masques pour donner l’illusion d’être autre quelui-même. Ce frontispice se prête à un rapprochement avecShakespeare, pour qui « Le monde entier est un théatre. Ettous, hommes et femmes, n’en sont que les acteurs. Et notrevie durant nous jouons plusieurs rôles » (Comme il vousplaira), Calderon (La Vie est un songe), ou encore avecBalzac qui a donné pour titre général à sa somme roma-nesque La Comédie humaine.

On remarquera en outre les proportions importantes queprend le personnage tirant le rideau sur lui au premier plande la scène, lesquelles suggèrent peut-être un effet de gros-sissement, voire de caricature, dans l’écriture romanesque ;la perspective, profonde, qui s’ouvre derrière ce dernier, ditle voyage, la fuite – c’est également la piste retenue par

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l’éditeur pour la première de couverture de l’édition GF, quidonne à voir Gil Blas en route sur sa mule.

Enfin, l’épigraphe, qui donne la parole au protagoniste,mérite un commentaire : elle confère à l’œuvre une dimen-sion réaliste (« On voit en moi de bien des gens/Le portraitfait d’après nature ») mais surtout morale, en reprenant undes impératifs des pièces comiques de l’age classique ou lerire se met au service de la correction des mœurs (« Et tel rit,voyant ma figure/Qui rit peut-être à ses dépens »).

• Lesage, dramaturge et romancier

Dans un deuxième temps, on fera se reporter les élèves àla Chronologie proposée à la fin de l’édition GF (p. 470-472). Ce sera l’occasion, d’une part, de retracer la biographiede Lesage et, d’autre part, de replacer l’Histoire de GilBlas de Santillane dans la carrière de l’auteur.

– Lesage et le classicisme. Il faut attendre 1715 pour queLesage publie Gil Blas, son œuvre majeure aux yeux de lapostérité ; néanmoins on fera remarquer aux élèves que cetauteur est né en 1668, soit au moment ou le classicismeconnaît son apogée avec les tragédies de Racine, les comé-dies de Molière et les écrits des moralistes, de La Fontaineà La Bruyère. Gil Blas est ainsi traversé de références auxœuvres classiques, par exemple : « Soyez désormais en gardecontre les louanges » (p. 52), qui rappelle « Le Corbeau etle Renard » de La Fontaine ; les portraits d’Arsénie, qui larapprochent de la Célimène du Misanthrope de Molière ; ouencore les paroles d’Aurore, « je voudrais qu’il fût tendre,amoureux, constant » (p. 280), ou résonne la voix de Phèdreévoquant Thésée dans Phèdre de Racine.

– L’influence des œuvres espagnoles. Les ouvragespubliés en 1704 et 1707, respectivement l’adaptation desNouvelles Aventures de Don Quichotte de la Manche, conti-nuation du roman de Cervantès par Avellaneda, et Le Diableboiteux inspiré d’El Diablo cojuelo de Luis Vélez deGuevara, montrent ensuite que l’Espagne constitue pourLesage une source d’inspiration notable (voir Présentation,p. 5-7). L’influence des romanciers et des dramaturges espa-gnols se retrouve dans Gil Blas à travers le picaresque etles représentations dramatiques auxquelles le héros assiste.Cependant, Lesage se démarque aussi de cet héritage : ses

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ouvrages appartiennent déjà à l’époque des Lumières en pro-posant une franche critique de la superstition et en ouvrantla voie à la quête du bonheur.

– Un romancier dramaturge. Ce qui frappe, au sein dela féconde production littéraire de l’écrivain, c’est qu’à côtéde ses œuvres romanesques il fait la part belle au théatre(Théatre espagnol, Le Point d’honneur, La Tontine,Turcaret, les Arlequin successifs). Loin de considérer lesdeux genres, narratif et dramatique, comme imperméablesl’un à l’autre, il ne cesse de jeter des ponts entre eux. Aussila critique réaliste de Turcaret se retrouve-t-elle dans GilBlas, ou abondent les remarques sur le théatre, ou se produi-sent comédiens et comédiennes, ou le sens de la mise enscène informe l’écriture romanesque. A ce sujet, on lira avecprofit les pages de la Présentation (« Un début dans les Let-tres », « Lesage à la Foire », « Fiction parodique et fictionréflexive », p. 4-19), consacrées à la prégnance de l’art dra-matique dans la vie et l’écriture de Lesage. Pour s’en tenir àquelques exemples, on pourra se reporter, dans le roman :

• Aux chapitres dont les titres comportent des termes renvoyantau théatre – à partir de la Table détaillée (p. 483), les élèves enferont le relevé méthodique : III, 6 (p. 232), III, 11 (p. 258), IV, 1(p. 269)...

• Au travestissement constant des personnages, qui sont autantde comédiens, au sens propre ou figuré (voir Présentation, p. 15).

• Aux critiques, qu’elles portent sur l’institution – lesComédiens-Français (p. 265) notamment –, ou sur l’art théatral.Voir par exemple la description du comédien Carlos Alonso dela Ventoleria, qui se singularise par sa manière de déclamer (« Ilappuyait sur toutes les syllabes, et prononçait ses paroles d’unton emphatique avec des gestes et des yeux accommodés ausujet », p. 259-260), ou encore le passage consacré à la représen-tation organisée par Thomas de la Fuente, qui comprend une cri-tique héritée de Crébillon père : le personnage commente sonœuvre, non sans fierté, en ces termes : « C’est un de ces sujetstragiques qui remuent l’ame par les images de mort qu’ils offrentà l’esprit. Je suis du sentiment d’Aristote : il faut exciter la ter-reur. [...] je n’aime que l’effroyable » (p. 190) – allusion à peinedéguisée au dramaturge cité, qui fondait l’écriture tragique surune surenchère dans l’horreur.

– Singularité du Gil Blas de 1715. L’Histoire de GilBlas de Santillane fut publiée en trois livraisons : 1715 (t. Iet II), 1724 (t. III), et 1735 (t. IV). Comme l’explique ErikLeborgne dans sa Présentation, la première livraison se

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singularise par sa virtuosité dans le mélange des registres etpar son ton ironique ; la suite, soumise à une tout autre esthé-tique, sera « plombée par un narrateur moralisateur quiimpose un sens univoque et conformiste à ses mémoires »(Présentation, p. 18).

• La réception de Gil Blas

Enfin, on lira deux extraits donnés en annexe de l’éditionGF, le compte rendu paru dans le Journal littéraire de LaHaye en 1715 et l’extrait du Cours de littérature de La Harpedatant de 1804 (p. 463-464 et 465-466). Le premier texteinsiste sur la dimension réaliste et satirique de Gil Blas maisen réduit la portée critique en l’assimilant à une sorte deroman à clés ; à l’inverse, le second extrait défend la valeuruniverselle des peintures du roman, fondées sur l’extrêmeprécision du trait.

SEANCE 2LECTURE ANALYTIQUE : « GIL BLAS AU LECTEUR »

→ « Gil Blas au lecteur », p. 41-42.→ Lecture complémentaire : « Avertissement » du Marcos

de Obregon de Vicente Espinel (Annexes, p. 461-462).

Objectifs : Etudier l’énonciation ; analyser la structure et lafonction de cet avis ; identifier le pacte de lecture proposépar le narrateur au lecteur.

• Questionnaire de lecture

Afin de parfaire l’introduction à la lecture du roman, onproposera aux élèves d’étudier l’avis que le personnage épo-nyme adresse à ses futurs lecteurs. Pour ce faire, on soumet-tra le questionnaire suivant :

1. En prenant appui notamment sur les pronoms person-nels, identifiez la situation d’énonciation : qui parle ? à qui ?à quelle occasion ? A quel titre le locuteur parle-t-il ?Comment se situe-t-il par rapport à l’auteur du roman ?

2. Dégagez la structure du passage. Quelles analogiesdécouvre-t-elle ?

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3. Interrogez-vous sur la fonction de cet avis. Quelleconception de la littérature s’y fait jour ?

• Un roman-mémoires fictif

Gil Blas, qui donne son nom au roman de Lesage, prenddirectement la parole pour s’adresser au lecteur qu’il consi-dère avec sympathie, utilisant l’apostrophe « ami lecteur » àdeux reprises (p. 41 et 42) et le tutoyant. L’occasion de cetteprise de parole est la lecture à venir de « l’histoire de [s]avie » (p. 41), soit sa pseudo-autobiographie. Le nom de l’au-teur qui figure sur la couverture n’est pas le sien, mais biencelui de Lesage, aussi ne peut-on conclure à l’existence d’unpacte autobiographique postulant l’identité de l’auteur, dunarrateur et du personnage principal 1. Cependant, Gil Blassemble bien revendiquer la paternité du récit qui va suivre,ce qui conforte l’illusion de réalité devant ces faux mémoi-res ; tout se passe comme si l’être de fiction gagnait uneforme d’autonomie par rapport à son créateur et fondait parlà la vraisemblance de son existence.

L’avis prend la forme d’un triptyque :1. De « Avant que d’entendre » à « te faire » (p. 41, l. 1-2) ;2. « Deux écoliers allaient ensemble... » à « ... avec l’ame du

licencié » (p. 41-42, l. 3-31) ;3. « Qui que tu sois... » à « ... avec l’agréable » (p. 42, l. 32 à

la fin).A une introduction discursive succède un développement

narratif assimilable à un conte, lui-même suivi d’uneconclusion ou Gil Blas revient sur le devant de la scènepour tracer un parallèle entre l’attitude des personnages del’apologue et celle de ses futurs lecteurs. C’est une sortede méthode de lecture que livre le héros ; il en appelle à lacapacité du lecteur à s’interroger sur le sens moral de sesaventures.

• Plaire et instruire

La page poursuit une double ambition : elle constitue uneprise de contact en même temps qu’elle fonctionne commeun avertissement. L’avis plaît au lecteur par son ton amical etenjoué, mais l’instruit aussi sur la démarche qu’il lui faudraadopter. En cela, il illustre le principe qui va motiver la

1. Philippe Lejeune, Le Pacte autobiographique, Seuil, 1975.

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lecture imminente de l’Histoire de Gil Blas de Santillane :il s’agit, comme le suggère également le frontispice reproduitp. 36, de se laisser prendre à la grace du texte tout en mesu-rant sa dimension proprement morale. Telle est bien la deviseque le lecteur doit faire sienne, conformément à celle énon-cée par Horace dans son Art poétique : docere et placere, ouencore utile dulci, ainsi que le note La Harpe (p. 465).

• Un intertexte de Gil Blas :le Marcos de Obregon de Vicente Espinel

En guise de prolongement de la séance, on se reportera àl’« Avertissement » du Marcos de Obregon (1618) deVicente Espinel, reproduit dans le dossier de l’édition GF(p. 461-462), et dont Lesage s’inspire. L’emprunt est d’au-tant plus explicite que le héros d’Espinel, Marcos de Obre-gon, apparaît comme un personnage du roman de Lesage(voir p. 166 et 175), et que de nombreuses scènes de GilBlas sont librement adaptées du roman espagnol (voir parexemple p. 52, note 1 ; p. 54, note 2 ; p. 112, note 1 ;p. 415, note 1, etc.). Voltaire alla même jusqu’à dire quel’œuvre de Lesage était « entièrement reprise » du Marcosde Obregon (Présentation, p. 20) !

Erik Leborgne évoque dans sa Présentation les pointscommuns et les divergences entre les deux avis au lecteur :celui de Gil Blas se distingue en ce qu’il met l’accent sur lanotion d’héritage, à comprendre précisément au sens d’héri-tage littéraire (p. 20-21). On fera en outre remarquer que laréférence à « l’ame du Licencié Pedro Garcias » (p. 41) estune audace qui revient à en propre à Lesage, laquelled’ailleurs, même si l’épitaphe est traitée de « ridicule »,pourrait incliner le lecteur à une réflexion subversive sur lamatérialité de l’ame.

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SEANCE 3LECON SUR LA FORME DU ROMAN

→ Intégralité de l’œuvre.→ Carte : l’itinéraire de Gil Blas (p. 459).

Objectifs : Réinvestir les acquis de la classe de seconde enmatière narrative ; vérifier la lecture de l’œuvre ; rendrecompte des caractéristiques formelles du roman.

• L’itinéraire de Gil Blas

On rapprochera la carte de l’itinéraire de Gil Blas, donnéeen annexe de l’édition GF (p. 459), de la formule du critiqueBernard Pingaud dans L’Expérience romanesque à proposdes dynamiques qui animent le récit : « l’errance, la liberté,la fortune. L’errant est l’homme libre par excellence. Maiscette liberté qu’il possède, qu’il est, il lui faut en mêmetemps la conquérir en l’exerçant. Et d’une certaine manière,on ne peut l’exercer sans la perdre, puisque chaque conquêteautomatiquement, se transforme en piège, chaque pouvoirassumé en pouvoir subi. D’ou la nécessité des rechutes 1 ».

L’écriture du roman-mémoires épouse les contours des péré-grinations successives du personnage ; lorsque celui-ci est tenude s’arrêter, c’est sa plume même qui se met à errer sur lepapier, cherchant à saisir le sens et le principe de ses aventures.Le hasard, plus ou moins heureux, préside à la destinée duhéros plus qu’à la rédaction du roman lui-même, dont chaquelivre présente un motif nettement identifiable fondant sonunité :

– le livre I est centré sur l’épisode des brigands ;– le livre II sur le chanoine Sédillo et le médecin Sangrado ;– le livre III sur les petits-maîtres et les comédiens ;– le livre IV sur Aurore et la marquise de Chaves ;– le livre V sur don Raphaël ;– le livre VI sur les amours de don Alphonse et de Séraphine, dont

le dénouement profite directement au héros (p. 453).

1. Gallimard, 1983, p. 59.

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• Un roman à tiroirs

Les élèves seront amenés à identifier ce qui constitue lenoyau central du livre I, à savoir l’épisode des brigands, et onles incitera à poursuivre la même démarche sur les livres II àVI, dont on programmera la lecture ; c’est sur ce dernierpoint que portera un devoir à faire à la maison sur les récitsemboîtés ou « tiroirs » de la narration première, qui pourraêtre formalisé sous l’intitulé suivant : « Après avoir référencéles différents récits dans le récit qui vous paraissent les plusremarquables, vous vous interrogerez sur leur intérêt et leurstatut dans le roman. »

Pour s’assurer que la forme narrative « gigogne » est biencomprise des élèves, on effectuera avec eux un relevé sur ledébut de l’œuvre :

– histoire de Rolando, le chef des voleurs (p. 61-64) ;– histoire du lieutenant (p. 64-65) ;– histoire du jeune voleur (p. 65-67) ;– histoire de dona Mencia de Mosquera (p. 84-91) ;– histoire de Fabrice (p. 115-117) ;– histoire du garçon barbier (p. 160 sq.).

Les déplacements de Gil Blas, ses rencontres avec despersonnages issus de toutes les conditions, les vicissitudesde son existence et la forme même du récit à la premièrepersonne tendraient à faire du roman un exemple de romanpicaresque. Cependant, Lesage ne pare pas son héros de tousles attributs attendus du picaro – que l’on songe par exempleà l’obsession de la faim ou à l’immoralité. La question del’appartenance générique du Gil Blas ne saurait donc êtretranchée trop rapidement, et il faudra veiller à relativiserl’étiquette de « roman picaresque » régulièrement apposée auroman de Lesage (Présentation, p. 19 sq.).

• Devoir à la maison :la fonction des « tiroirs » dans les livres II à VI

Les récits secondaires foisonnent dans les livres II à VI deGil Blas. Parmi eux, on peut retenir :

– histoire de don Pompeyo de Castro (p. 237 sq.) ;– histoire de don Roger, roi de Sicile (p. 285 sq.) ;– histoire de don Alphonse et de la belle Séraphine

(p. 349 sq.) ;– histoire de don Raphaël (p. 369 sq.) et de sa mère Lucinde

(p. 404 sq.) ;

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Les personnages auxquels la parole est confiée par le nar-rateur signalent par là leur importance dans la fiction, etl’intérêt que le lecteur leur porte s’en trouve dès lors accru.

Les « tiroirs » ne sauraient se réduire à une fonction orne-mentale ou de pur divertissement : ils renseignent le lecteursur des événements antérieurs à la lumière desquels s’éclairela situation présente des personnages ; ils permettent desrecoupements avec l’intrigue principale, entretiennent avecelle des analogies, consolident sa vraisemblance, maissurtout permettent une multiplication prodigieuse de la popu-lation romanesque et gagent le fonctionnement de l’effet-personnage.

SEANCE 4LECTURE ANALYTIQUE : L’INCIPIT DE GIL BLAS

→ Incipit, de « Blas de Santillane, mon père » à « je montaisur ma mule, et sortis de la ville » (p. 43-45).

→ Lecture complémentaire : incipit de Manon Lescaut, dePrévost, de « Je fus surpris » à « lui vouloir du bien »(GF-Flammarion, 1995, p. 51-53).

Objectifs : Chercher les clés de la lecture au seuil du roman ;caractériser le registre de l’écriture romanesque.

• Questionnaire de lecture

1. Etudiez l’énonciation de cette ouverture. A quel sous-genre littéraire la rattachez-vous ?

2. Identifiez le thème général de la page.3. Montrez qu’il s’agit d’une narration rétrospective. Quel

en est l’intérêt ?4. Analysez le registre de la page.

• L’énonciation

Le récit est mené à la première personne par un person-nage, fils de Blas de Santillane, qui se trouve être aussi lehéros de l’histoire qui va être rapportée. Le narrateur est dis-tinct de l’auteur, Lesage, de sorte que s’il s’agit bien d’unrécit de vie, on ne peut le rattacher à la catégorie de l’auto-biographie. Le lecteur est interpellé indirectement par le biais

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de l’impératif, si bien qu’il devient l’interlocuteur privilégiédu protagoniste, en quelque sorte le témoin de ses aventureset de son parcours de formation.

• Temps du discours, temps du récit

Aux temps du passé, caractéristiques de l’écriture rétros-pective, se mêlent ceux du présent renvoyant au moment del’écriture (« Représentez-vous », p. 43 ; « j’ai ouï dire »,p. 44) : il existe un décalage temporel entre l’époque ou lesévénements se sont produits et celle ou ils sont racontés.L’adulte jette donc un regard sur des faits ultérieurs, sourcede comique lié à la distance critique.

• Les origines sociales de Gil Blas

Le titre du chapitre, « De la naissance de Gil Blas, et de sonéducation » annonce explicitement le thème de cette page. Leterme « naissance » est pris dans son acception avant toutsociale : il regarde l’extraction du héros bien plus que les cir-constances de sa venue au monde. C’est sur la condition desparents qu’est mis l’accent dans les premières lignes de la nar-ration (p. 43) : nom, description, profession, évolution, age.

Des origines sociales des parents découle le mode d’édu-cation du fils, confiée à l’oncle qui tire autant que l’enfantle bénéfice de l’instruction.

• Le portrait de l’oncle

– Le portrait de l’oncle verse dans la caricature gro-tesque : « un petit homme haut de trois pieds et demi, extra-ordinairement gros, avec une tête enfoncée entre les deuxépaules » (p. 43).

– La satire anticléricale transparaît à travers le goût duchanoine pour les plaisirs (« c’était un ecclésiastique qui nesongeait qu’à bien vivre, c’est-à-dire qu’à faire bonnechère », p. 43), et son absence de lettres (« c’était [...] le cha-noine du chapitre le plus ignorant », p. 44). Ce passage nepeut toutefois être véritablement qualifié de satirique,puisque la critique demeure ponctuelle et vise l’individu plusque le corps ecclésiastique en son entier. L’ironie qui touchela description du précepteur s’inscrit dans la présentationd’un contexte historique ou le personnage reste tributaire deson milieu.

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• Le cadre spatio-temporel du récit

Le cadre de l’Espagne des XVIe et XVIIe siècles situe la fic-tion hors de la réalité du lecteur, mais le registre ironiqueindique que, derrière ce temps et cet espace romanesques, lelecteur pourrait bien lire une critique de la France contempo-raine de Lesage : « On voit en Castille comme en France [...]partout les mêmes vices », déclare l’auteur (p. 39). Demanière générale, dans le Gil Blas de 1715, composé sous lerègne de Louis XIV, l’ironie est appelée à une certaine réser-ve ; on signalera néanmoins qu’elle s’exerce, comme chezMolière, envers les médecins (cf. le personnage du docteurSangrado, p. 138 sq., la citation empruntée au Médecinmalgré lui p. 139), envers l’institution judiciaire (p. 95), etqu’elle caractérise certaines réflexions d’ordre politique : « jesais que les rois ne sont pas des tyrans ; que le bonheur deleurs peuples est leur premier devoir ; mais doivent-ils êtreesclaves de leurs sujets ? » (p. 305).

• Lecture complémentaire

Incipit de Manon Lescaut de Prévost (GF-Flammarion,1995, p. 51-53). Comparaison avec l’incipit de Gil Blas :comment se distinguent ces deux incipit de romans-mémoires ?

SEANCE 5LECTURE ANALYTIQUE :

UN EPISODE DU ROMAN DE FORMATION

→ Livre I, chapitre 2, de « Je demandai à souper... » à « Ilme rit au nez et s’en alla » (p. 49-52).

Objectifs : Dégager la dimension réaliste de la scène ; déter-miner la fonction du dialogue ; interpréter la page entermes d’apprentissage.

• Questionnaire préparatoire

1. Quels éléments du texte permettent de camper un décorréaliste ?

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2. Par quels procédés le narrateur donne-t-il vie au person-nage-type du parasite ?

3. Quel est le registre du texte ? Montrez qu’il réside enpartie dans la coexistence du regard naïf du jeune homme etdu regard plus expérimenté du narrateur mûr.

4. En quoi cet épisode constitue-t-il une première étapedans la formation du héros ?

• Entre roman réaliste et saynète comique

Ce passage constitue une scène au sens consacré par lanarratologie : le temps du récit coïncide avec celui de l’his-toire, et le lecteur a l’impression, grace au discours directnotamment, que l’épisode se déroule sous ses yeux. Lesnotations matérielles et les préoccupations d’ordre alimen-taire abondent, concourant à renforcer le réalisme et le pitto-resque de l’aventure. La parlure outrancière du pique-assiette, les « hyperboles » et les comparaisons auxquelles ila recours pour se faire offrir à manger (« je ne doute pas quel’Espagne ne se trouve un jour aussi vaine de vous avoirproduit, que la Grèce d’avoir vu naître ses Sages », p. 50)font du jeune Gil Blas sa dupe, comme en une saynète decomédie.

• Moralité de l’histoire

Cependant, l’ambition de ce passage ne se limite pas audivertissement du lecteur ; il vise aussi son instruction,conformément à la règle que le héros a fait sienne dans l’avisau lecteur (voir séance 2). La moralité de l’histoire est for-mulée par le parasite lui-même : « Soyez désormais en gardecontre les louanges » (p. 52). « Tout flatteur vit aux dépensde celui qui l’écoute », telle est, pour paraphraser LaFontaine, la leçon de la fable dans laquelle Gil Blas a donnédans sa jeunesse et qu’il rapporte, sur le mode de l’ironie(cf. « mon panégyriste », p. 51), en homme d’expérience par-venu à la sagesse.

• Prolongement possible

Cet épisode contribue-t-il à former le protagoniste ? Lesélèves s’attacheront à relever d’autres passages du roman ouGil Blas est dupe de belles paroles (par exemple l’épisodedu fripier de Burgos, p. 103-104).

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SEANCE 6LECTURE ANALYTIQUE :

GIL BLAS ET LA TRADITION PICARESQUE

→ Livre I, chapitre 8, de « Nous passames auprès de Pont-ferrada » à « trop fins et trop rusés pour toi » (p. 73-76).

→ Lecture complémentaire : Don Quichotte, I, 5.

Objectifs : Etudier le registre du texte ; identifier lesemprunts à la tradition du roman picaresque ; analyserles effets du dédoublement de l’instance narrative

• Questionnaire de lecture

1. Situez l’extrait dans l’économie du livre I.2. Analysez la structure du récit.3. En quoi cette page fait-elle le portrait de Gil Blas en anti-

héros ? Qu’est-ce qui la rattache à la tradition picaresque ?4. Sur quoi repose l’habileté narrative du conteur ?

• Situation du passage

La situation du passage permettra aux élèves de ressaisirles différentes étapes de l’itinéraire de Gil Blas depuis l’ou-verture du roman (voir aussi Annexes, p. 457). Ils serontportés à remarquer que, loin de tirer des leçons de ses expé-riences, sa naïveté, son étourderie autant que sa vanité vontcrescendo au gré de ses aventures (voir Présentation, p. 27),culminant lors de son initiation au vol par les brigands quil’ont constitué prisonnier.

• Gil Blas, antihéros

La relation de cet apprentissage verse dans un comiqueburlesque qui repose sur un des motifs de la farce, à savoircelui du voleur volé... ici par un curé, qui, en guise debourse, laisse à Gil Blas « deux ou trois poignées de petitesmédailles de cuivre, entremêlées d’Agnus Dei avec quelquesscapulaires » (p. 75).

• Les motifs picaresques... et leur détournement

A cet endroit, le récit se rattache également à l’héritagepicaresque avec les motifs de l’errance, de la rencontre, de

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l’argent et de la mauvaise fortune. Les codes sont cependantdétournés, puisque le jeune Gil Blas, loin de se laisser gagnerpar le cynisme et l’immoralité de ses comparses, est en proieau remords (« je sortis du bois et poussai vers le religieux,en priant le Ciel de me pardonner l’action que j’allais faire »,p. 74) ; de nature peu aventureuse, il demeure en outre pru-dent à l’excès (« Je n’osai [...] hasarder une démarche si déli-cate », p. 74). L’efficacité narrative de la page tient autantà la capacité du narrateur à épouser les mouvements de laconscience du jeune picaro qu’il a été qu’à la maîtrise descodes littéraires, dont l’auteur, cette fois, fait subtilementmontre.

• Lecture complémentaire

On demandera aux élèves de comparer les deux textessuivants :

– Gil Blas, I, 5, p. 61-68.– Cervantès, Don Quichotte, I, 22, de « Avec sa permis-

sion » à « Tu as de l’esprit, lui dit Don Quichotte » (trad.L. Viardot, 1969, GF-Flammarion, p. 204-208).

Lesage fait allusion, dans son œuvre, au roman deCervantès (III, 8, p. 248, note 2). Or l’épisode dans lequelles voleurs, rassemblés dans la caverne, racontent tour àtour leur histoire à Gil Blas n’est pas sans évoquer le chapitrede Don Quichotte ou le héros de Cervantès rencontre desgalériens qui lui rapportent l’un après l’autre leurs délits res-pectifs. De même que les récits des forçats, dans DonQuichotte, constituent une revue succincte des épisodestypiques du picaresque, les récits de formation des voleurs,dans Gil Blas, héritent de cette veine (p. 64). A travers leregard des brigands, c’est une vision pessimiste et satiriquede l’homme et du monde, inspirée de la vision picaresque,qui se dévoile : « Hé, voit-on d’autres gens [que les voleurs]dans le monde ? » (p. 67).

On notera plus généralement que Gil Blas et DonQuichotte, romans parodiques, se réapproprient, pour lesmettre à distance et les tourner en dérision, les codes de dif-férentes formes de roman 1.

1. « Gil Blas est notre Don Quichotte », selon Nodier (voir Présentation,p. 3).

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SEANCE 7LECTURES D’IMAGES

→ Livre IV, chapitres 3 et 4, de « Le jour d’après » à « cettefuneste aventure » (p. 283-310).

→ Livre IV, chapitre 10 (p. 349-364).→ Illustrations correspondantes : p. 284 et 355.

Objectifs : Mettre en regard le texte et son illustration.

• Introduction

Il s’agira de confronter deux passages du livre IV, extraitsrespectivement des chapitres 3-4 et 10, avec les illustrationsleur correspondant, reproduites dans l’édition GF. Chacunede ces gravures se rapporte à un récit secondaire : la pre-mière, qui représente un tableau décrit par Gil Blas à la findu chapitre 3 du livre IV, est « une peinture fidèle desmalheurs de [l]a famille » (p. 283) d’Elvire, rapportés auchapitre 4 (« Le mariage de vengeance, nouvelle »,p. 285 sq.). La seconde gravure illustre quant à elle un épi-sode qui prend place dans l’« Histoire de don Alphonse etde la belle Séraphine » (p. 349 sq.).

• Illustration du « Mariage de vengeance »

La description de Gil Blas (p. 283)

La première reproduction correspond à un tableau décritpar Gil Blas. On demandera aux élèves d’observer l’image :est-elle fidèle à la description qu’en fait le narrateur ?

– Ils repéreront d’abord les différents personnages : le« cavalier mort » se trouve au centre de la scène ; à côté delui, une « jeune dame » avec une « épée plongée dans sonsein » observe un « jeune homme », debout, l’épée à la main.Un homme, à l’embrasure de la porte, semble observer lascène : il s’agit du « vieillard » évoqué par Gil Blas.

– Si les différents personnages mentionnés dans la des-cription du tableau sont bien présents, les « expressions sifortes » dont fait état Gil Blas, en revanche, ne sont pas déce-lables dans la gravure : on ne retrouve ni l’« air menaçant »du cavalier, ni la « douleur mortelle » du jeune homme. Cequi frappe est ainsi la distorsion qui se fait jour entre ce que

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révèle la simple observation de la gravure et le commentairequ’en fait le héros. L’ekphrasis à laquelle s’adonne Gil Blasest davantage révélatrice de sa sensibilité qu’elle ne permetde se représenter la scène peinte.

Enfin, on s’interrogera sur les éléments absents de la des-cription de Gil Blas : le tabouret renversé au premier plan,et les fauteuils à l’arrière-plan, qui semblent transformercette scène d’après-combat en scène... de théatre.

Le récit du duel (p. 308-310)Un mystère plane sur la scène représentée : qui sont ces

personnages ? comment en sont-ils arrivés là ? La réponse setrouve dans le chapitre suivant, formé d’une nouvelle narréepar Elvire. Ce récit non seulement raconte la scène repré-sentée par le tableau (p. 308-310), mais la resitue aussi dansson contexte, celui d’un mariage de vengeance. On deman-dera aux élèves de lire la nouvelle, puis de retrouver, sur lagravure, les personnages mis en scène (le Roi, Blanche,Enrique, Léontio), et de résumer leur histoire.

• Illustration du récit de don Alphonse

La seconde reproduction (p. 355) s’intègre au récit de donAlphonse (p. 349 sq.). Elle représente la rencontre de donAlphonse et de Séraphine, les deux personnages auxquels cerécit enchassé doit son titre. L’image, tout comme le texte,reprend une scène topique : celle de la belle endormie(p. 354, note 2). L’image donne à voir plusieurs détailsévoqués dans le récit (la « bougie », les « rideaux », p. 354).Au centre, don Alphonse contemple une femme endormie.Sa main levée traduit son saisissement à la vue de Séraphine.Notons que dans le texte, le « transport » amoureux dont ilest question rompt avec la bienséance : Alphonse ne calmeses ardeurs qu’avec peine (p. 354). Dans l’illustration, c’estla femme qui suggère l’ardeur, par sa pose langoureuse et sapoitrine à demi dénudée.

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SEANCE 8SYNTHESE SUR LES PERSONNAGES

→ Intégralité de l’œuvre.

Objectifs : Ressaisir les éléments du portrait du héros,rendre compte de son évolution, cerner son statut narratifet ses liens avec les autres protagonistes de la fiction ;étudier la mise en place d’un « théatre du monde ».

• Grille de lecture

Dans un premier temps, cette séance se donnera pour butde livrer aux élèves une grille de lecture qui leur permettraensuite d’établir une fiche du héros et éventuellement du per-sonnage de Raphaël, dont l’itinéraire est retracé p. 458-460.

I. Le personnage comme individu

– Etat civil

– Eléments physiques

– Psychologie

– Fonction sociale

II. Les origines de sa création

– Les emprunts à l’Histoire et à la réalité

– La part de l’imaginaire et de la fiction

III. Son évolution

– L’influence des événements historiques

– Les épreuves du destin

– Les rencontres

IV. Son statut narratif

– Le rang sur la scène narrative

– La fonction dans l’action

– La fonction dans la narration

V. Sa place dans le système des personnages

VI. L’appartenance éventuelle à un type romanesque

• Eléments pour l’étude du personnage principal

On demandera aux élèves de remplir cette fiche à partirde leur lecture de l’œuvre et en tenant compte des caractéris-tiques de Gil Blas abordées lors des séances précédentes.L’accent sera mis pendant le cours sur les aspects suivants :

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– L’évolution de Gil Blas. A l’ouverture du roman, il estun jeune homme naïf qui vend sa mule pour une sommedérisoire (p. 48-49) et se fait volontiers la dupe d’un pique-assiette, puis, comme si l’expérience n’avait pas suffi, d’une« aventurière » qui l’invite dans son chateau (p. 108) – mêmesi, dans sa jeunesse, il sait aussi se montrer roublard quandil le faut et feindre quand la nécessité l’impose (comme leremarque Rolando : « Nous admirames comment tu avais punous tromper », p. 203). On peut, dans la perspective duroman de formation, considérer que les six premiers livresretracent en quelque sorte l’itinéraire de sa dégradationmorale, qui le conduit à prendre l’« air libertin » (p. 228),mais force est d’admettre que le personnage, d’un bout àl’autre du roman, demeure avant tout dupe de ses illusions(Présentation, p. 27-28). A un autre niveau, cependant, lavoix du narrateur suggère que le personnage a évolué : enhomme expérimenté, le vieux Gil Blas prend ses distancesavec l’individu candide qu’il a été, insistant sur sa « sottise »à plusieurs reprises (« ce préambule, que je pris sottement aupied de la lettre », p. 104).

– L’intériorité du personnage. En outre, les élèvesdevront être sensibles aux passages du roman qui permettentd’accéder à l’intériorité du héros, notamment les monologues(par exemple, « Ah misérable, me dis-je à moi-même, est-ceainsi que tu remplis l’attente de ta famille », p. 267), ou lesdialogues ou s’instaure un échange entre le je narré et le jenarrant : au premier qui s’interroge – « O Ciel, dis-je, est-ilpossible qu’une personne qui se montre si réservée soitcapable de vivre dans le libertinage ? » (p. 332), le secondrépond : « Ce sont de vrais caméléons qui changent decouleur suivant l’humeur et le génie des hommes qui lesapprochent » (p. 333). De là viennent la distance critique etl’ironie caractéristique du narrateur-personnage.

– Modèles littéraires de Gil Blas. Le personnage seconstruit sur une pluralité de modèles mis à distance : outrele modèle picaresque et le modèle théatral déjà signalés(séances 1 et 6), on pourra évoquer le modèle du romanhéroïque et précieux du XVIIe siècle, également parodié dansGil Blas. On comparera, pour illustrer cette idée, les deuxextraits suivants, en s’attachant à leur ton et à leur contexterespectifs (voir Présentation, p. 13-14) :

• Gil Blas, I, 6, de « O Ciel » à « à bout » (p. 69).

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Affiche de Jean-François Gigouxpour la souscription à la parution en fascicules du Gil Blas de Lesage

illustré de vignettes de Jean-François Gigoux (Paulin, 1835)

De Dubercelle, qui signa huit gravures de l’édition princeps de Gil Blas, à RenéJolivet, qui adapta le roman de Lesage au cinéma en 1955, nombreux sont lesartistes que Gil Blas inspira. Ami de Delacroix et de Nodier, pionnier de l’illustra-tion romantique, Jean-François Gigoux (1806-1894) composa pour l’édition de GilBlas publiée chez Paulin en 1835 plus de 600 vignettes, contribuant ainsi à lanaissance d’un nouveau genre : celui du « livre à vignettes », illustré non plus degravures hors texte mais de vignettes insérées dans le texte.

On reconnaît sur cette affiche de nombreux personnages du roman : la comparai-son avec quelques-unes des vignettes de Gigoux consultables sur le site Gallicade la BNF permettra aux élèves d’en identifier plusieurs (Rolando, Laure...). L’ef-fet de masse produit par l’accumulation de personnages issus de milieux variésrenvoie à l’idée selon laquelle Gil Blas serait l’un des premiers romans réalistes :le « théatre du monde » de Lesage annoncerait la « comédie humaine » de Balzac.Enfin, cette affiche, qui propose aux lecteurs de souscrire pour 40 livraisons,témoigne d’une formule originale d’édition, annonçant la naissance du roman-feuilleton dans la presse, dont le coup d’envoi sera donné en 1836 avec la parutiondu premier épisode de La Comtesse de Salisbury de Dumas.

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• Georges et Madeleine de Scudéry, Artamène ou leGrand Cyrus, GF-Flammarion, 2005, p. 91.

• Le système des personnages dans Gil Blas

Dans un second temps, on amènera la classe à envisagerplus largement le système des personnages dans le roman deLesage. La diversité des protagonistes et des figures pro-vient, en partie, de la variété des rôles qu’ils sont amenés àjouer auprès du héros. Cependant, on ne peut les ramenerà la simple distinction adjuvants/opposants dans la mesureou l’ambition de Lesage semble bien être de livrer, à traversson roman, une vaste fresque sociale ; maîtres, valets, clergé,médecins, aristocrates, gens de cour, de lettres, toutes lescatégories, tous les ages, tous les rapports sont envisagésdans cette somme (voir l’illustration page précédente). Lascène romanesque se meut donc en théatre du monde.

SEANCE 9EVALUATION FINALE

Objectifs : Réfléchir à la dimension morale du roman et àl’image qu’il donne de l’humaine condition ; s’entraînerà la dissertation.

On peut soumettre à la réflexion des élèves la citation sui-vante de Walter Scott, extraite d’un des documents proposésen annexe (p. 467-468) : « Tout dans Gil Blas respire lenaturel, la bonne humeur, la gaîté, la légèreté et la vivacité.[...] Cet ouvrage laisse le lecteur content de lui-même et dugenre humain ; les fautes de l’homme y paraissent plutôt desfolies que des vices, et les malheurs sont si bien mêlés auridicule qu’ils déclenchent en même temps le rire et lacompassion », Walter Scott, « Alain Lesage » (1822).

Votre lecture de Gil Blas vous permet-elle de rallier l’avisde Walter Scott ?

Hélène BERNARD.