gestion de l’irrigation dans les...1 février – mars 2009 initiation à l’ingénierie de...

51
1 Février Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance. Gestion de l’irrigation dans les exploitations agricoles du bassin versant de la Courance et adaptations face aux mesures de restriction ALBOUY Sabine COUPIN Nathalie LHEURE Rémi MONCORGER Jeoffrey, Etudiants en 2 ème année à AgroParisTech, cursus ingénieur agronome.

Upload: others

Post on 10-Aug-2020

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

1

Février – Mars 2009

Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin

versant de la Courance.

Gestion de l’irrigation dans les

exploitations agricoles du bassin versant

de la Courance et adaptations face aux

mesures de restriction

ALBOUY Sabine COUPIN Nathalie

LHEURE Rémi MONCORGER Jeoffrey,

Etudiants en 2ème année à AgroParisTech, cursus ingénieur agronome.

Page 2: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

2

Nous voudrions remercier toutes les personnes que nous avons rencontrées lors de nos

phases de terrain sur le bassin versant de la Courance. Nous tenons particulièrement à remercier l’ensemble des agriculteurs qui ont accepté de nous recevoir sur leurs exploitations, ainsi que la Chambre d’agriculture des Deux Sèvres, la DDEA et la DRAF pour leur aide précieuse. Nous remercions également l’INRA de Lusignan et l’association de l’APIEEE qui ont répondu à nos questions. Enfin, nous remercions le SMEPDEP qui nous a accueillis et permis de réaliser cette étude.

Page 3: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

3

TABLE DES MATIERES

Introduction ................................................................................... 5

1. Démarche Générale .................................................................. 5

1.1 Présentation de la problématique ............................................................. 5

1.2 Les enquêtes auprès des agriculteurs ....................................................... 7

2. Le contexte de la gestion de l’eau dans l’unité de gestion MIGNON - COURANCE .................................................................... 8

2.1 L’évolution de la gestion de l’eau dans la zone d’étude ............................ 8

2.2 Les limitations des usages de l’eau ............................................................ 9

2.2.1 Une double contrainte pour les agriculteurs .......................................... 9

2.2.2 Une diminution des volumes annuels .................................................. 10

2.2.3 Des restrictions estivales pour les volumes hebdomadaires ................ 10

2.2.4 Les seuils d’alerte ................................................................................. 11

2.3 La politique agricole commune et les usages de l’eau ............................. 12

2.3.1 Une politique de 92 corrélée au boom de l’irrigation ........................... 12

2.3.2 La réforme de 2003 .............................................................................. 13

2.3.3 Les utilisations de l’irrigation ............................................................... 14

2.4 Etude des impacts économiques ............................................................. 15

3. Description du bassin versant à travers nos enquêtes et adaptations aux restrictions par type d’exploitation ..................... 17

3.1 Caractéristiques agricoles du bassin versant ........................................... 17

3.1.1 Orientations technico-économiques des exploitations ........................ 17

3.1.2 Répartition des parcellaires sur le bassin versant et systèmes de culture...................................................................................................................... 18

3.1.3 Filières .................................................................................................. 20

3.2 Construction de la typologie ................................................................... 21

3.3 Evolutions récentes par type d’exploitation ............................................ 22

3.4 Adaptations envisagées par les agriculteurs ........................................... 23

4. Solutions envisagées ............................................................... 24

4.1 Pas de remise en cause du système actuel .............................................. 25

4.1.1 Retenues de substitution ..................................................................... 25

4.1.2 Le maïs dans le marais ......................................................................... 27

4.1.3 Conclusion............................................................................................ 28

4.2 Innovations de rupture ........................................................................... 28

4.2.1 Passage en sec ..................................................................................... 28

4.2.2 MAEt .................................................................................................... 29

4.2.3 Conclusion............................................................................................ 30

4.3 Innovations agronomiques ...................................................................... 30

Page 4: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

4

4.3.1 Tableau récapitulatif ............................................................................ 31

4.3.2 Sorgho .................................................................................................. 33

Conclusion ................................................................................... 36

ANNEXE 1 : Guide d’entretien et annexes pour mener les enquêtes sur le terrain. ................................................................................ 37

ANNEXE 2 : Présentation du modèle économique qui évalue l’impact économique de l’évolution des principes de gestion quantitative de l’eau. ............................................................................................ 41

ANNEXE 3 : L’évolution de la réglementation liée à la gestion de l’eau dans le bassin de la Courance. ....................................................... 43

ANNEXE 4 : LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE ........................... 49

ANNEXE 5 : TABLEAU DES SOLUTIONS SELON LA TYPOLOGIE .......... 50

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................ 51

Page 5: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

5

Introduction

Le bassin versant de la Courance est caractérisé par une activité agricole prédominante.

Les caractéristiques des sols du bassin versant et du climat ont amené les agriculteurs à irriguer leurs cultures. Ainsi, depuis 1976, l’irrigation a été intégrée dans les exploitations du bassin versant et s’est développée au fil des années permettant la mise en place de cultures maîtrisées aujourd’hui par les agriculteurs. Toutefois, dans le contexte actuel d’une réglementation pour une gestion raisonnée de l’eau, le recours à l’irrigation est remis en question et les agriculteurs se voient dans l’obligation de modifier leurs pratiques agricoles. Ces différentes contraintes conduisent alors les agriculteurs irrigants à s’adapter et ce dans le bassin versant de la Courance qui est inclus dans une entité plus vaste, à savoir l’unité de gestion Mignon Courance. Ainsi, les 66 exploitations agricoles irrigantes de ce plus vaste bassin ont été touchées par les restrictions passées.

C’est dans ce contexte qu’il semble intéressant de mieux comprendre comment est gérée l’irrigation au niveau du bassin versant de la Courance et d’envisager, avec les agriculteurs et les scientifiques, les adaptations possibles face aux restrictions à venir.

Pour mieux étudier cette problématique, nous avons suivi une démarche qui sera présentée dans un premier temps. Nous aborderons ensuite la réglementation autour de la question de la gestion de l’eau dans l’unité de gestion Mignon-Courance en insistant, entre autres, sur les cultures irriguées dans la zone et sur leurs évolutions. De là, nous centrerons notre étude sur le bassin versant de la Courance grâce aux données que nous avons récupérées auprès des exploitations enquêtées, ceci dans le but de mieux comprendre leur fonctionnement en matière de gestion d’irrigation et d’étudier les adaptations possibles à court et à long terme. Nous confronterons alors ces adaptations proposées par les agriculteurs à celles envisagées par des scientifiques afin de compléter notre panel. Enfin, nous étudierons les avantages et inconvénients de chacune des solutions abordées en vue de répondre de façon plus précise aux questions soulevées par la mise en place éventuelle de certaines d’entre elles.

1. Démarche Générale

1.1 Présentation de la problématique Nous avons assisté à la table ronde du 5 Février 2009 au cours de laquelle étaient présents

des agriculteurs, des responsables de la chambre d'agriculture ainsi que des associations en faveur de la protection de l'environnement. Nous avons, au cours de cet échange, compris que l'eau au sein de la profession agricole est un enjeu dont les problématiques sont multiples. Afin de mieux comprendre les enjeux liés à la ressource en eau et plus particulièrement à l’irrigation, nous avons réalisé une étude sur le Bassin versant de la Courance au cours des semaines suivantes.

Notre objectif est d’étudier la problématique de la gestion de l’irrigation par les

agriculteurs en analysant les adaptations possibles face aux restrictions à venir.

Page 6: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

6

Nous avons voulu partir d'un état des lieux de l'irrigation dans le bassin versant de la Courance. Pour cela, nous avons rencontré des agriculteurs irrigants afin de comprendre comment ces derniers gèrent leurs exploitations. Nous avons réalisé des enquêtes qui ont eu pour objectif de comprendre comment les agriculteurs gèrent leurs exploitations actuellement (assolement, rendements, volumes autorisés pour irriguer, volumes utilisés effectivement) (Annexe 1). Au cours de ces enquêtes, nous avons également discuté avec eux des solutions qu'ils envisagent en vue d’une diminution des volumes attribués, voire d’un arrêt total de l’irrigation en période estivale. Nous avons également abordé avec eux les solutions qu'ils ont déjà essayées par le passé pour anticiper, pour certains, les restrictions d'usage de l'eau. Ces enquêtes nous ont permis d’extraire une typologie des exploitations du bassin versant et une typologie des solutions envisagées.

Nous voulions également faire une évaluation économique des conséquences des

changements de conduite d’exploitation au sein des différents types d’exploitation agricole rencontrés. Cette étude visait d’une part à mieux mesurer l’impact de la diminution de l’irrigation et d’autre part à chiffrer le coût des adaptations ainsi que les manques à gagner, le cas échéant, en fonction des différentes adaptations possibles liées à la diminution des volumes. Toutefois, l’ampleur de cette tache ne nous a pas permis de mener à bien notre travail. Néanmoins, nous avons pris connaissance d’un modèle pouvant chiffrer l’impact économique des politiques de restriction, selon une typologie établie pour le bassin versant MIGNON – COURANCE (Annexe 2).

Parallèlement à l'état des lieux de la gestion de l'irrigation par les agriculteurs, nous avons voulu comprendre comment la gestion de l'eau était gérée au niveau du département. Pour cela, nous nous sommes rendus à la Chambre d'agriculture ainsi qu'à la DDEA (Direction Départementale de l’Equipement et de l’Agriculture) afin de connaître l'historique de l'irrigation dans le département des Deux-Sèvres et de fait dans le bassin versant de la Courance. Nous avons également vu comment sont gérées actuellement les restrictions d'eau et comment elles seront probablement gérées à l'avenir.

Cet état des lieux nous a amené à développer notre étude et à nous tourner vers des solutions complémentaires à celles proposées par les agriculteurs irrigants (Tableau 1). Nous avons, dans cette perspective, rencontré des chercheurs de l'INRA de Lusignan ainsi que de la chambre d'agriculture afin de voir quelles solutions agronomiques pouvaient être envisagées dans le bassin versant. Nous avons également rencontré des agriculteurs non-irrigants afin de comprendre comment ils gèrent leur exploitation sans irrigation. Ces solutions ont complété celles proposées par les agriculteurs irrigants. De plus, parmi les solutions proposées par les agriculteurs, la solution de construction de réserve de substitution a soulevé des problèmes et des oppositions liées à l’environnement. Nous avons de ce fait également rencontré des membres d’une association de protection de l’environnement pour mieux comprendre les enjeux liés à la mise en place de ces réserves dans le bassin versant de la Courance.

Page 7: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

7

Tableau 1 : Les personnes rencontrées impliquées dans la gestion de l'irrigation

PERSONNES RENCONTREES OBJECTIFS Des agriculteurs irrigants état des lieux de l’irrigation + intentions pour l’avenir

Des agriculteurs non-irrigants exemples de gestion d’exploitation sans irrigation

Le responsable de la gestion quantitative de l'eau, DDEA des Deux-Sèvres

réglementation, hypothèses de réduction

Le responsable économique, DRAF de Poitou-Charentes

Étude impact économique

Directeur de recherche en agronomie, INRA de Lusignan

alternatives agronomiques (Programme Praiterre)

Les responsables eau et gestion culture innovante, Chambre d’Agriculture des Deux-Sèvres

données globales + systèmes de cultures innovants

APIEE

enjeux environnementaux

1.2 Les enquêtes auprès des agriculteurs Notre démarche de rencontre des agriculteurs s’est, dans un premier temps, fondée sur

des informations issues des données générales du bassin versant, qui compte 496 exploitations dont 291 professionnelles (données du RGA). Les agriculteurs rencontrés ont été choisis selon les critères suivants :

un critère de répartition spatiale avec la recherche d’un échantillon dont le siège de l'exploitation et au moins 50 % de la surface irriguée se situent dans le bassin versant. Les exploitations remplissant ce critère ont été choisies selon différentes zones géographiques, en particulier selon la réserve utile en eau du sol (plaine, marais, fond de vallée).

un critère de représentativité avec la recherche d’un échantillon qui reflète autant que possible les différentes orientations technico-économiques des exploitations (OTEX). Nous nous sommes intéressés aussi bien à la diversité en termes de types de production qu’en terme de superficie exploitée. A l’échelle du bassin versant deux grand types d’exploitation sont majoritairement présentes : les exploitations céréalières et les exploitations de polyculture-élevage (grandes cultures et atelier laitier ou allaitant).

un critère de connaissance, c'est à dire fondé sur les connaissances entre agriculteurs de leurs voisins irrigants. D’autre part, nous nous sommes fondés sur des données de la chambre d’agriculture ainsi que du SMEDEP qui connaissent bien les agriculteurs irrigants.

Page 8: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

8

Nous avons rencontré sur la zone d’étude 12 agriculteurs irrigants parmi lesquels 3 éleveurs-céréaliers et 9 céréaliers ; nous avons rencontré également 2 agriculteurs non-irrigants. Suite aux différents entretiens ciblés, nous avons pu établir une typologie des agriculteurs du bassin versant et étudier les adaptations envisagées par les différents types d’exploitations.

2. Le contexte de la gestion de l’eau dans l’unité de gestion MIGNON - COURANCE L’irrigation est le premier secteur d’utilisation de l’eau dans les Deux-Sèvres. De ce fait, sa

gestion est très encadrée et des limitations sont décidées chaque année. Néanmoins, les agriculteurs continuent à cultiver des cultures qui ont des besoins en eau importants au sein du bassin versant de la Courance. Afin de mieux comprendre la législation actuellement en vigueur pour la répartition des volumes d’eau attribués aux agriculteurs, il apparaît important de présenter le contexte global de la gestion de l’eau dans le bassin versant.

2.1 L’évolution de la gestion de l’eau dans la zone d’étude L’évolution de la gestion de l’eau dans le bassin versant de la Courance est très complexe

et nécessite des explications détaillées. Ici, ne seront présentées que les principales étapes de cette évolution de la gestion de l’eau. Toutefois, des détails sont apportés en annexe (Annexe 3). 1976 : premier forage dans le bassin versant. Interdiction des prélèvements en rivière. Années 80 : premiers assecs dans le milieu. 1992 : loi sur l’eau, obligation de mettre des compteurs pour les agriculteurs. Premier plan d’alerte sur des bases de restrictions horaires qui incitent les agriculteurs à investir dans du matériel d’irrigation.

1995 : classement de la zone Mignon Courance en tant que Zone de Répartition des Eaux (ZRE), les prélèvements sont soumis à autorisation. 1996 – 2003 : gestion volumétrique sur une base de volontariat de la part de la profession agricole. Le volume était calculé à partir des références de besoins en eau du maïs et selon une répartition hebdomadaire reportable également en fonction du besoin. 2003 : délivrance d’autorisation de prélèvement en débit et en volume. 2004 : mise en place de la plate-forme régionale de la gestion de l’eau. 2005 : mise en place des volumes autorisés. Ces volumes sont calculés sur la base des consommations moyennes entre 1999 et 2003, majorées de 15 %. Ce volume est le volume de référence pour toute restriction éventuelle. Parallèlement chaque agriculteur se voit attribuer un volume hebdomadaire non reportable. Le volume total autorisé pour la zone Mignon Courance en 2005 est de 9 651 220 m3.

Page 9: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

9

La gestion de l’irrigation a évolué depuis son apparition dans le bassin versant en 1976.

Cette évolution n’est pas sans compter les limitations actuelles.

2.2 Les limitations des usages de l’eau

2.2.1 Une double contrainte pour les agriculteurs

Les agriculteurs du bassin versant de la Courance sont soumis actuellement à une double contrainte du fait des décisions prises par le préfet (Annexe 3) :

Police de l’Eau et du Milieu Aquatique (PEMA) qui gère les suivis de diminution des volumes annuels autorisés.

Police des Périodes et Zones d’Alerte (PPZA) qui, par arrêté-cadre annuel, établit au printemps les règles à appliquer pendant la période estivale. En cas de sécheresse importante, si le niveau des nappes passe en dessous des seuils d’alerte, le préfet peut prendre des restrictions qui affectent les volumes hebdomadaires prélevables.

Cette double contrainte se traduit pour les agriculteurs par une part des volumes

consommés inférieure aux volumes attribués (Figure 1). En effet, les restrictions estivales sur les volumes hebdomadaires contraignent les agriculteurs à ne pas utiliser tout leur quota. D’autre part, les consommations tiennent compte de la pluviométrie dans la zone chaque année.

0

2 000 000

4 000 000

6 000 000

8 000 000

10 000 000

12 000 000

14 000 000

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

volu

me e

n m

3

Volume attribué Volume consommé

Figure 1 : Evolution des quantités d'eau autorisées et prélevées pour l’irrigation dans la zone Mignon Courance

Source : Enquêtes menées par la Chambre d’agriculture des Deux Sèvres.

Page 10: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

10

Figure 2 : Piézomètres de référence dans le bassin versant de la Courance

Source : observatoire régional de l’environnement Poitou - Charente.

2.2.2 Une diminution des volumes annuels

Dans le cadre de la Directive Cadre Eau européenne (DCE), le projet de Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) du bassin Loire Bretagne en cours de validation prévoit, dans sa version actuelle, des Piézométries Objectifs d’Etiage (POE)1. Si ces dernières sont confirmées dans la version définitive du SDAGE approuvé fin 2009, elles nécessiteront une réduction des volumes autorisés en vue de maintenir des niveaux d’eau suffisants dans les nappes. L’objectif de diminution des volumes est fixé à l’horizon 2015, afin d’atteindre le bon état des masses d’eau préconisé par la DCE.

Toutefois, l’objectif global de diminution des volumes n’a pas encore été arrêté (Annexe 3). Ce point est très discuté avec des avis très tranchés selon que l’on se place du point de vue des besoins en eau pour l’activité économique ou des besoins en eau pour la survie des milieux aquatiques. Le volume objectif pour notre zone d’étude serait de 2,5 millions de m3 pour 2015 soit une diminution de 66 % des volumes autorisés en 2005.

En 2008, la première diminution a été effectuée. Chaque agriculteur s’est vu autoriser son volume de référence diminué de 16%. Pour 2009, la diminution envisagée à ce jour sera de 14 % (soit une diminution de 30 % calculée sur le volume de référence de 2005).

2.2.3 Des restrictions estivales pour les volumes hebdomadaires

Dans le bassin versant, les usages de l’eau en période estivale peuvent être restreints. Certaines années exceptionnelles, des arrêtés d’interdiction peuvent être pris, comme en 2005. Toutefois, certaines cultures peuvent ne pas être concernées par les arrêtés d’interdiction (Annexe 3).

1 Ce sont les niveaux minimum d’eau requis dans les nappes afin d’assurer le Débit Objectif

d’Etiage (DOE) qui est la valeur moyenne mensuelle au dessus de laquelle sont assurés la

coexistence de tous les usages et le bon fonctionnement du milieu aquatique.

Page 11: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

11

Les arrêtés sont pris grâce au suivi des indicateurs de l’état de la ressource qui permettent de mesurer le niveau des nappes. Sur le bassin versant Mignon- Courance, trois indicateurs sont utilisés : ce sont les piézomètres de Prissé la Charrière, de St Hilaire la Palud et du Bourdet. Ce choix de prise en compte des piézomètres par l’administration permet d’éviter d’avoir des variations dues aux aléas climatiques (orages..) ou des périodes d’assec par rapport à des mesures dans la rivière, plus sensibles.

L’observation des piézomètres montre une baisse des niveaux pendant la période estivale (Figure 2). Plusieurs facteurs en sont à l’origine : la pluviométrie plus faible en cette période de l’année qui diminue la vitesse de recharge de la nappe et les prélèvement d’eau pour l’irrigation et les consommations en eau potable.

2.2.4 Les seuils d’alerte

Actuellement, les seuils déclenchant les alertes sont calculés à partir des données des trois piézomètres cités plus haut. Ils donnent un niveau à maintenir dans la nappe par rapport au niveau de la mer afin d’assurer le débit objectif d’étiage DOE (Figure 3). Ces seuils ont déjà été remontés depuis leur mise en place en 1995 et le seront encore à l’avenir (Annexe 3). De même, un seuil de coupure des prélèvements au printemps a été instauré dans le but de limiter l’irrigation les années où la ressource serait limitée (annexe 3).

Figure 3 : Seuils d'alerte et coefficients de diminution des volumes en 2008

Source : annexe de l’arrêté préfectoral du 28 mars 2008.

Pour les agriculteurs irrigants, les diminutions de volumes sont affectées aux volumes

hebdomadaires. De ce fait, en alerte de niveau 1 par exemple, les volumes hebdomadaires sont diminués de 33 % pendant toute la période de l’alerte.

Page 12: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

12

2.3 La politique agricole commune et les usages de l’eau

2.3.1 Une politique de 92 corrélée au boom de l’irrigation

Pendant les années 90 les surfaces irriguées se sont fortement accrues. La première réforme de la PAC de 1992 visait à verser une aide directe aux surfaces aux agriculteurs qui remplissaient certaines conditions comme la mise en jachère d’une partie de leur assolement. Toutefois, en instaurant un régime différencié système irrigué et non irrigué, cette politique a indirectement favorisé l’irrigation. Chaque exploitant irrigant déclarait des surfaces irriguées pour lesquelles il touchait une prime plus élevée que pour les surfaces non irriguées (Tableau 2). Ce surplus par hectare avait pour objectif principal de compenser la charge financière des agriculteurs qui venaient de s’équiper alors qu’ils ne connaissaient pas la teneur de cette réforme.

Tableau 2 : Montant des primes PAC en 2000 dans les Deux Sèvres

Source : ONIC

Les années 90 sont caractérisées par un boom de l’irrigation (Figure 4). Les agriculteurs, avec les restrictions horaires investissent davantage dans du matériel pour pouvoir irriguer davantage pendant les heures où cela est permis et

compenser ainsi les heures où ils ne peuvent pas irriguer.

Figure 4 : Evolution du nombre de forage au début de la mise en place de l'irrigation

Source : Etude menée par Géoaquitaine 1993

SEC IRRIGUE

PRIME (€ / ha) 313 444

Surplus (€ /ha) 131

Page 13: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

13

2.3.2 La réforme de 2003

En 2003 la PAC est réformée, des aides indépendantes de la production sont calculées, les aides aux cultures sont partiellement découplées de la production (Annexe 4).

Dans le cadre de la nouvelle politique agricole, de nouvelles mesures agri-environnementales apparaissent (Annexe 4). Une des mesures proposées aujourd’hui dans le bassin versant incite à la désirrigation. Cette aide ‘limitation de l’irrigation’ propose le versement de 253 €/ha/an. En contre partie, l’agriculteur s’engage à ne pas irriguer les parcelles engagées, à abandonner l’autorisation de prélèvement correspondante et à respecter le volume de référence annuel sur les parcelles non engagées.

La nouvelle politique agricole commune concomitante ainsi que les sécheresses de 2003 et 2005 ont eu pour conséquence une diminution de l’irrigation dans le bassin versant (Figure 5). Cette tendance peut s’expliquer par plusieurs facteurs : une prise de conscience de plus en plus importante de la part de la profession agricole, des restrictions qui tendent à la diminution de l’irrigation (surtout à partir de 2005) et une volonté de la part des agriculteurs d’être moins dépendants de l’irrigation.

Si on observe l’évolution des surfaces PAC déclarées entre 2000 et 2008 on note sur le bassin versant une diminution des surfaces en maïs (Figure 5), culture nécessitant beaucoup d’eau (Tableau 3). Cette figure doit être toutefois étudiée avec nuances dans la mesure où elle se base sur des enquêtes menées sur la zone MIGNON – COURANCE et qu’en 2005, très peu d’agriculteurs ont répondu aux enquêtes. De plus, un arrêté d’interdiction la même année a impacté les surfaces irriguées.

0

500

1 000

1 500

2 000

2 500

3 000

3 500

4 000

4 500

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

Surfaces irriguées

Figure 5 : Evolution des surfaces irriguées zone Mignon Courance

Sources : Enquêtes menées par la Chambre d’agriculture des Deux Sèvres

Ainsi les agriculteurs tendent à diminuer leurs surfaces irriguées mais utilisent toujours de

l’eau pour leurs cultures.

ha

Page 14: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

14

2.3.3 Les utilisations de l’irrigation

Il est important de comprendre quels sont les usages de l’eau par les agriculteurs. Ces derniers sèment des cultures qui nécessitent des apport en eau et ce à des périodes différentes

de l’année. La figure 6 indique la part des surfaces pouvant être irriguées dans l’assolement du bassin

versant. Le maïs représente la moitié de ces surfaces en 2008. Cette même année, les surfaces que les agriculteurs pensaient irriguer entre le 1er avril et le 30 septembre représentaient 1787 ha soit 24.6 % de la SAU totale du bassin Mignon-Courance.

Le tableau 3 classe les différentes cultures irriguées semées sur le bassin versant par ordre

décroissant de leurs besoins en eau. On note que les mois de juillet et août se traduisent par des fortes consommations en eau pour l’irrigation. C’est à cette période que le déficit hydrique est le plus important (Figure 7) et les restrictions pour l’usage de l’eau sont les plus fortes. Les agriculteurs sont donc contraints de repenser leurs pratiques pour s’adapter aux restrictions.

Tableau 3 : besoin en eau des cultures du bassin versant Mignon Courance

Source : institut du végétal ARVALIS – CETIOM

m3 eau utilisée /

an / ha

tabac 3000

mais 2500

sorgho 1400

luzerne 1300

céréales 1000

pois 900

tournesol 900

AOUT SEPTEMBREAVRIL MAI JUIN JUILLET

Répartition pour le mais

85%

15%

Maïs Grain Maïs ensilage

Figure 6 : Part des surfaces pouvant être irriguées dans le bassin versant Mignon Courance en 2008.

Source : Données issues de l’enquête surface irriguée réalisée par la Chambre d’agriculture des Deux Sèvres.

Page 15: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

15

Figure 7 : Evolution des précipitations et de l'évapotranspiration mensuelle

Sources : Programme Ressources, Etat des lieux, Octobre 2008.

Nous allons voir dans la partie suivante que les diminutions des volumes pour l’irrigation à la période estivale ne sont pas sans avoir de conséquences économiques pour les agriculteurs.

2.4 Etude des impacts économiques Afin de mieux comprendre les impacts économiques liés à l’évolution de la gestion

quantitative de l’eau, nous nous sommes basés sur un modèle présenté par la DRAF. Ce modèle permet d’évaluer les impacts de la nouvelle gestion volumétrique sur l’économie locale. Il vise à maximiser la marge brute de l’exploitation en modifiant l’assolement existant et en prenant en compte une diminution de 66 % du volume attribué par rapport au 100 % correspondant au volume de référence de 2005. Les hypothèses du modèle ainsi que son fonctionnement sont décrits en annexe (Annexe 2).

Lors de la mise en place de ce modèle sur l’ensemble du Bassin Versant Mignon Courance, 68 exploitations ont été enquêtées. Ces exploitations représentent environ 85 % de la surface irriguée de l’ensemble du bassin versant. Une typologie a été établie sur la zone Mignon Courance pour faire tourner le modèle (Tableau 4).

Tableau 4 : Typologie utilisée pour le modèle.

Source : Etude de l’évaluation des impacts économique de l’évolution des principes de gestion

quantitative, DRAF Poitou-Charente.

C11-C21

céréaliers avec Surface irriguée > 25 % SAU (avec ou

sans culture spéciale)

C20

Céréaliers avec culture spéciale et Surface Irriguée <

25 % SAU

C10

Céréaliers sans cultures spéciales et Surface Irriguée <

25 % SAU

E Eleveurs

PEL1 Polyculture-Elevage avec fourrages irrigués

PEL2

Polyculture-Elevage avec fourrages non irrigués (terre

de marais ou non).

Céréaliers

Eleveurs

Polyculteurs-Eleveurs

Page 16: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

16

Les résultats économiques sont indiqués en termes de perte de revenu par type d’exploitation à l’échelle de la zone d’étude (Figure 8). Avant toute analyse des résultats, il est important de noter que le modèle utilisé permet de faire des simulations pour des scénarios donnés mais il n’a pas de valeur prédictive (Annexe 2).

Figure 8 : Perte de revenu liée à une diminution des volumes de 66 % dans la zone MIGNON – COURANCE Source : Etude de l’évaluation des impacts économique de l’évolution des principes de gestion quantitative, DRAF Poitou-Charente.

De manière générale, les céréaliers sont plus touchés au niveau financier que les éleveurs. La diminution de revenu reste cependant inégale selon le type d’exploitation céréalière. Les céréaliers avec une part importante d’irrigation présentent la perte de revenu la plus élevée en relatif (16%). On remarque que les exploitations dont la surface irriguée est faible mais qui ont des cultures spéciales (type C20) ont la plus faible perte de revenu. On peut corréler cela au fait qu’en période estivale ces cultures ne sont pas concernées par les arrêtés d’interdiction. Les polyculteurs-éleveurs (PEL) ont une baisse de revenu légèrement plus faible que les éleveurs (E) car ils bénéficient de la vente de leur production végétale (céréales). En valeur relative, les pertes de revenu sont très proches, avec la valeur la plus faible pour les éleveurs (7%) et la plus élevée pour les polyculteurs-éleveurs ne pratiquant pas d’irrigation (10%).

Au total, sur l’ensemble de l’unité de gestion Mignon-Courance, une diminution de 66 % du volume attribué représenterait une perte globale de marge brute de 1,3 million d’euros, soit en moyenne 10 % de la marge brute dégagée avec un volume attribué de 100 %.

En conclusion, l’unité de gestion MIGNON – COURANCE est l’entité dans laquelle s’applique le cadre réglementaire de la gestion de l’eau. La réglementation actuelle montre que l’irrigation qui s’est développée dans les années 90 doit faire face à des restrictions. Ces restrictions affectent les agriculteurs irrigants qui doivent ainsi s’adapter. C’est dans cette perspective que nous avons voulu comprendre comment les agriculteurs du bassin versant de la Courance anticipent l’avenir et envisagent de s’adapter aux restrictions à venir. Pour cela, nous avons effectué une étude dans le bassin versant de la Courance au travers d’enquêtes réalisées sur le terrain.

Page 17: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

17

3. Description du bassin versant à travers nos enquêtes et adaptations aux restrictions par type d’exploitation

3.1 Caractéristiques agricoles du bassin versant

3.1.1 Orientations technico-économiques des exploitations

Les exploitations irrigantes enquêtées, au nombre de 12, se regroupent en deux groupes principaux qui se distinguent par leurs orientations:

céréalicultures (9 enquêtes)

polyculture-élevage (3 enquêtes) La proportion entre ces deux catégories est, selon le RGA, de un éleveur pour 2 céréaliers.

Cette proportion n’a pas été respectée sur notre panel, ce qui introduit un léger biais.

Le graphique suivant (Figure 9) indique la SAU moyenne des exploitations enquêtées et les surfaces de cultures « indépendantes » au niveau hydrique (surfaces de cultures irrigués + surfaces de cultures dans les terres basses).

Figure 9 : Données moyennes des surfaces et importances des surfaces

où l’eau est disponible dans les exploitations enquêtées

En moyenne, les céréaliculteurs ont une SAU plus importante que les éleveurs (200 contre 170 ha). En revanche, on observe que les éleveurs présentent davantage de surfaces en irrigué ou dans les terres basses que les céréaliculteurs (90 contre 70 ha).

Figure 10 : Assolement pour les céréaliers Figure 11 : Assolement pour les polyculteurs - éleveurs

Page 18: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

18

L’assolement 2008 par groupe est présenté sur les graphes suivants (Figure 10 pour les céréaliers et Figure 11 pour les éleveurs).On distingue en hachuré les surfaces de terres basses. On observe un certaine cohérence entre les deux groupes au niveau des proportions de terres allouées aux cultures céréalières et d’oléoprotéagineux. Concernant la culture de maïs, les céréaliers produisent essentiellement du grain en plaine et dans leurs terres basses. La production de maïs grain en terres basses représente pour les éleveurs une part très faible de ces surfaces, qu’ils consacrent quasi exclusivement à la culture de maïs ensilage. Les prairies permanentes et temporaires représentent la moitié des surfaces de terres basses pour les éleveurs. Ces parcelles permettent la pâture des troupeaux ainsi que la production de foin et d’ensilage d’herbe.

3.1.2 Répartition des parcellaires sur le bassin versant et systèmes de culture

Les exploitations ont un parcellaire groupé, avec une partie des terres en plaine de groies (sols argilo-calcaires) et une part dans les terres basses (sols alluviaux). La carte ci-dessous (Figure 12) situe le parcellaire des exploitations enquêtée.

Figure 12 : Répartition des parcellaires, pédologie et réserve utile

La zone de terres basses se caractérise par des sols alluviaux profonds, très hydromorphes et parfois tourbeux. La réserve utile moyenne de ces sols est supérieure, voire très supérieure à 100 mm. Le graphe (Figure 13) indique la part de terres dans le marais des enquêtés. La majorité d’entre eux possèdent jusqu’à 20% de terres dans le marais et ce sans distinction entre céréaliers et éleveurs.

Sols alluviaux Sols argilo-calcaires

Page 19: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

19

La zone de plaine, occupée par au moins 80% de la SAU des exploitations, se caractérise par des sols de groies superficielles. Ces sols courts, argilo-limoneux à substrat calcaire ont une faible réserve utile. Selon les données représentées sur la carte (Figure 12), la réserve utile moyenne est inférieure à 100 mm et contraste fortement avec les terres basses.

Les enquêtes ont permis de récupérer des informations complémentaires concernant les systèmes de culture mis en place sur le bassin versant. On distingue deux stratégies différentes liées à la localisation des parcelles en terres basses ou en plaine.

les terres basses Elles permettent la culture de maïs grain et ensilage sans apport hydrique

complémentaire du fait de leur forte réserve utile. Les céréaliers utilisent ces sols pour la culture du maïs et du tournesol (demande en eau forte en période estivale) (Figure 10). Les rotations sont peu diversifiées, voire en monoculture.

Les éleveurs répartissent ces terres entre les prairies et la culture de maïs (Figure 11). Les prairies permanentes occupent une place importante de l’assolement dans le marais. Elles permettent la pâture d’une partie du troupeau chez les éleveurs allaitants. Pour les céréaliers et les éleveurs, les caractéristiques des terres basses impliquent un certain nombre de contraintes pendant les périodes d’engorgement des sols (difficultés de semis et de récolte). Souvent éloignées du site d’exploitation et constituées de petites unités parcellaires, ces terres sont peu valorisées pour l’élevage et contraignantes pour la culture. Les rendements obtenus pour le maïs sont en moyenne de 100 q/ha, données recueillies auprès des exploitations enquêtées.

les terres de groies Ces terres représentent une large proportion de la SAU des exploitations enquêtées et

sont principalement allouées à la production de céréales et d’oléo-protéagineux. La culture de maïs sur ces terres ne peut être efficace qu’à renfort d’adaptations techniques pour pallier au déficit hydrique.

L’ensemble des exploitations enquêtées ont une partie de leur SAU affectée aux cultures

de céréales d’hiver et de printemps destinées à la vente (peu d’exploitations d’élevage intègrent des céréales dans leur ration). L’analyse des données montre que, quelque soit le type de l’exploitation, environ 40% de la SAU est destinée à la production de céréales d’hiver ou de printemps (blé tendre, blé dur, orge de printemps). On retrouve ces cultures en plaine sur les groies, dans des rotations de type :

Pourcentage de la SAU dans le marais chez les

exploitations enquêtées

0

1

2

3

4

5

0-5% 5-10% 10-20% >20%

SAU dans le marais (%)

no

mb

re d

'exp

loit

ati

on

s

Figure 13 : Part des surfaces dans les terres basses (terres de marais)

Page 20: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

20

Rendements moyens par cultures

0

20

40

60

80

100

120

140

Blé colza Maïs

grain

marais

Maïs

grain

irrigé

Maïs

ensilage

tournesol

Rdt (e

n q

tx/h

a)

Figure 15 : Les rendements moyens par culture pour les exploitations rencontrées

Ration laitière moyenne

Maïs

ensilage d'herbe

foin luzerne

soja

Figure 14 : Ration type pour les exploitations laitières

Maïs Orge (ou blé d’hiver) tournesol blé dur (cultures pouvant être irriguées)

BlécolzaTournesol (en sec, avec perte de rendement)

D’autres cultures sont présentes dans ces rotations en fonction des exploitations :

les céréaliers intègrent du pois protéagineux et du colza à la première rotation type, ainsi que quelques cultures en dérobée. Le pois peut aussi être intégré à la rotation en sec.

les polyculteurs-éleveurs intègrent la luzerne (destinée à la production fourragère ou pâturée sur pied) et des cultures fourragères qui entrent en complément dans des rations principalement constituées d’ensilage de maïs (Figure 14).

L’autonomie fourragère des exploitations laitières est plus accentuée par rapport à celle des exploitations d’élevage allaitant du fait de la demande importante de l’atelier engraissement. Le soja, la luzerne et l’ensilage de maïs sont les principaux aliments achetés à l’extérieur pour compléter la ration.

Les rendements moyens obtenus

pour les différentes cultures sont regroupés sur la Figure 15. Il n’y a pas de différence nette entre les exploitations, cependant on observe un écart de rendement entre maïs de plaine et maïs en terres basses. L’irrigation du maïs en plaine permet d’assurer un rendement moyen de 110 q/ha, ce qui est légèrement supérieur aux rendements de maïs grain en terres basses. La culture de blé sur terre de groie, avec un léger apport hydrique au printemps (6 années sur 10 pour le blé tendre ; 9

années sur 10 pour le dur), permet de réaliser des rendements élevés.

3.1.3 Filières

Les ventes de céréales se font auprès de coopératives et de négociants. La proximité du port de La Rochelle et la politique agricole de 1992 ont favorisé la mise en place de la filière maïs, très développée dans la région. Selon les agriculteurs enquêtés, la culture de maïs est une sécurité financière indispensable. Malgré la fluctuation des prix de vente, le maïs dégage la plus forte marge brute en culture d’été.

Page 21: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

21

Afin de répondre à la problématique énoncée plus haut et d’utiliser plus finement les données issues des enquêtes de terrain, une typologie d’exploitation a été réalisée. Celle-ci a été construite dans l’objectif d’étudier au mieux les adaptations à court et long terme face aux restrictions des prélèvements en eau par type d’exploitation.

3.2 Construction de la typologie Comme mentionné précédemment, deux grand types d’exploitations sont présentes: les

exploitations céréalières et les exploitations de polyculture-élevage (laitier et allaitant). Nous avons décidé de conserver cette première distinction dans notre typologie (Figure 16).

les céréaliers La première dichotomie distingue les céréaliers ayant des cultures spéciales de ceux qui

n’en possèdent pas. Cette séparation se justifie par le fait que les cultures spéciales sont très dépendantes vis-à-vis de l’irrigation et qu’elles bénéficient de dérogation en cas d’arrêt total des prélèvements.

Ccs : céréalier à cultures spéciales Cm0 : céréalier sans terre dans le marais Cm<10 : céréalier avec moins de 10% de terres basses Cm>10 : céréalier avec plus de 10% de terres basses PELm>10 : polyculteur-éleveur possédant plus de 10% de terres basses PELm<10 : polyculteur-éleveur possédant moins de 10% de terres basse

Figure 16 : Typologie réalisée suite à nos enquêtes

Page 22: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

22

les polyculteurs-éleveurs En polyculture-élevage, l’accent est souvent mis sur l’atelier élevage, que ce soit chez les

éleveurs laitiers ou allaitants. Il nous a donc paru intéressant de distinguer les exploitations en fonction de leur production de fourrages irrigués.

Les enquêtes nous ont montré que les surfaces de terres basses représentaient un facteur clef au niveau décisionnel, ce qui nous a conduit à distinguer les exploitations en fonction de la proportion de SAU située en terres basses (pas de terres basses, moins de 10% de terres basses et plus de 10% de terres basses).

Les deux exploitations ne pratiquant pas l’irrigation, enquêtées de manière à compléter

notre vision des alternatives à l’irrigation, ont été écartées de notre typologie.

3.3 Evolutions récentes par type d’exploitation La SAU des exploitations enquêtées a augmenté sur la période 2000-2008 de 17%.

Les surfaces irriguées ont diminué de 20%. Les céréaliers ont réduit leurs surfaces irriguées de 13%, les éleveurs laitiers de 8% et les éleveurs allaitants de 35%.

Deux céréaliers ont supprimé leur atelier d’élevage entre 2000 et 2008.

Les éleveurs laitiers et allaitants ont augmenté leur cheptel et leur quotas.

Les évolutions récentes des exploitations sont liées à un ensemble de facteurs dont les diminutions des prélèvements en eau décrites plus haut. Les enquêtes ont permis de récolter certaines données volumétriques (volumes attribués et prélevés sur la campagne 2008, nombre de forages, débits).

Les agriculteurs enquêtés, contraints par le volume annuel attribué d’une part et les restrictions saisonnières d’autre part, ont utilisé en moyenne 56% de leur volume attribué. Les histogrammes regroupent les données d’enquête par type d’exploitation (Figures 16 et 17).De premier abord, on note une certaine homogénéité du rapport volume utilisé/volume attribué. En observant plus précisément, on remarque quelques variations par type (de 45 à 64%).

Figure 17 : Part d'utilisation des volumes selon les types de céréaliers.

Céréaliers

45%

56%

64%59%

0

20000

40000

60000

80000

100000

120000

140000

160000

180000

Cm0 Cm<10 Cm>10 Ccs

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

Volume attibué 2008

Volume consommé

2008

Part consommée

2008

Page 23: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

23

Figure 18 : Part d'utilisation des volumes selon les types d’éleveurs

Eleveurs

62%

45%

0

20000

40000

60000

80000

100000

120000

140000

160000

180000

PELm<10 PELm>10

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

Pour les céréaliers (Figure 17), ceux possédant des cultures spéciales utilisent la plus grande part du volume attribué (64%). Pour les autres types, plus la proportion de terres basses dans l’exploitation est élevée, plus les céréaliers utilisent une part importante de leur volume attribué (de 45% pour les Cm0 à 59% pour les Cm>10).

Les éleveurs présentent des taux d’utilisation de leur volume proches des céréaliers (45 à 62%). Cependant si on réalise une analyse plus fine (Figure 18), contrairement aux céréaliers, ceux possédant les plus grandes surfaces dans le marais (PELm>10) ont utilisé la part la plus faible de leur volume attribué (45%). Cela semble indiquer que plus on a de terres dans le marais plus on peut se permettre de réduire les volumes prélevés et entrer dans la dynamique de restriction.

Il semble que plusieurs stratégies d’irrigation se dégagent en fonction des types

d’exploitation, avec les terres basses comme facteur de gestion important. Les terres basses représentent pour les céréaliers une sécurité, qu’ils n’intègrent pas dans leur stratégie d’irrigation. Le fait d’en posséder ne favorise pas une diminution de l’irrigation et donc la remise en question potentielle du système. La tendance est inversée pour les éleveurs qui valorisent davantage leur terres basses, ce qui semble leur permettre de diminuer l’usage de l’irrigation. Toutefois l’irrigation reste nécessaire pour assurer la viabilité de leur système de production. Ces types d’exploitation semblent plus à même de mettre en œuvre des stratégies d’adaptations à court terme face aux restrictions pour l’irrigation.

L’analyse de la gestion volumétrique des exploitations a permis de mettre en évidence une utilisation différentielle de la ressource en eau par type d’exploitation. Les adaptations récentes des systèmes d’exploitation, plus ou moins marquées en fonction des exploitations, ont permis de palier à la double contrainte des restrictions. Cependant, au vu de l’objectif 2015, des adaptations plus profondes des systèmes seront nécessaires. Les enquêtes ont permis de dégager les adaptations à court et long terme envisagées par les agriculteurs, que nous allons voir dans la partie suivante.

3.4 Adaptations envisagées par les agriculteurs Le tableau en Annexe 5 regroupe les différentes solutions regroupées selon la typologie. A

court terme les solutions envisagées sont diverses et propres à chaque type. Elles impliquent plus ou moins de remise en cause du système et sont souvent présentées comme des « petites solutions » peu applicables. Elles se heurtent généralement à un blocage socio-technique (nouveaux itinéraires techniques, « personne ne le fait »).

Page 24: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

24

Les solutions perçues comme durables à long terme sont partagées par les différents types. L’agrandissement et la réserve de substitution sont des solutions qui ne remettent pas en cause le système d’exploitation et l’orientation technique de l’exploitation, c’est pourquoi elles sont communes à l’ensemble des enquêtés.

Les enquêtes de terrain ont favorisé l’échange et le dialogue avec les acteurs de ce changement. Ceux-ci ont apporté leur vision de la situation et nous ont fait part des solutions qu’ils jugeaient envisageables sans pour autant nous livrer de solution miracle. Afin d’approfondir notre travail et à partir des résultats de nos enquêtes nous avons tenté d’évaluer certaines de ces propositions.

4. Solutions envisagées Les différentes solutions envisagées par les agriculteurs ont été confrontées à d’autres

solutions que nous ont proposées les autres acteurs que nous avons rencontrés (INRA, Chambre d’Agriculture). Toutes les solutions qui seraient envisageables dans le bassin versant de la Courance peuvent être classées en différentes catégories en distinguant les solutions qui ne remettent pas en cause les orientations actuelles des exploitations (culture du maïs) de celles impliquant une modification importante de l’exploitation (Figure 19).

Nous allons nous intéresser à ces différentes solutions et voir dans quelle mesure elles pourraient être mises en place par les agriculteurs irrigants du bassin versant.

Solutions envisagées

Remettant en cause

Le système

Sans remise en cause

du système

Retenues artificielles

Solutions d’innovation

Agronomiques

Céréales immatures Maïs dans le marais

Sortie du système

Passage en sec Agrandissement

MAET limitation De l’irrigation

Echange de terre

Pâturages d’hiver

Autres cultures

Figure 19 : organigramme des adaptations envisagées

Page 25: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

25

4.1 Pas de remise en cause du système actuel Certaines solutions envisagées aboutissent à des projets permettant le maintien du

système tel qu’il existe aujourd’hui, c’est à dire une filière maïs forte quel que soit le circuit, court (pour les éleveurs) ou long (pour les céréaliers). Les agriculteurs ont en effet proposé ces deux solutions que sont la culture de maïs dans les terres basses et la mise en place de réserves d’eau de substitution. Nous présentons ici l’étude de ces deux solutions.

4.1.1 Retenues de substitution

D’après nos enquêtes, les réserves de substitution apparaissent aux agriculteurs comme la solution idéale (l’aspect financier mis de côté). Cependant, tous les projets proposés jusque-là ont été soit refusés, soit abandonnés, soit sont actuellement bloqués à cause de la forte pression des associations de protection de l’environnement. Comment mettre en place un projet de réserve ? A quelles conditions un projet de réserve peut-il être accepté ? Etapes clés de la mise en place d’un projet de réserve : un processus long à mettre en œuvre

On peut distinguer trois étapes clés dans la mise en place de réserves de substitution (Figure 20) :

o Une phase d’étude préalable, qui comprend la collecte de données, un travail de cartographie, des études hydrogéologiques, topographiques et géotechniques, permet de définir les sites potentiels d’installation d’une réserve.

o Une phase d’élaboration d’un avant-projet.

o Une phase d’étude d’impact sur au moins deux ans, à laquelle l’avant-projet de réserve est soumis. Cette phase est indispensable à la création d’une réserve : elle permet d’évaluer l’impact du projet sur la faune, la flore, le paysage, les niveaux d’eau. Elle va permettre de modifier l’avant-projet rédigé en phase 2 de façon à améliorer la gestion des réserves : définition des

périodes de prélèvements, de la manière dont ils doivent être faits pour minimiser l’impact des réserves sur le milieu, définition du nombre de réserves sur le bassin versant, de leurs tailles, etc.

Cependant, pour qu’une étude d’impact soit viable, il faut qu’elle prenne en compte

l’ensemble du bassin versant. En effet, la somme d’effets négligeables sur le milieu n’est pas forcément négligeable. Ainsi, on ne peut se contenter de plusieurs projets individuels et une gestion globale, à l’échelle du bassin versant est nécessaire. D’autre part, pour être la plus complète possible, la durée de l’étude doit être d’au moins deux ans : l’impact des réserves sur le

Études préalables: Définition des sites potentiels

Avant-projet de réserves de substitution

Etude d’impact

Faune Flore Paysage

Projet de réserves de substitution

Figure20 : Les étapes du projet

Page 26: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

26

milieu doit être étudié à toutes les périodes de l’année, en hiver (saison de prélèvement a priori) comme en été (sans oublier que certains agriculteurs, non connectés à la retenue, continueront de prélever dans la nappe à cette période), de plus, l’impact des réserves sur la faune et la flore de la zone ne peut être évalué sur quelques mois seulement : les observations doivent être faites sur les cycles biologiques complets des espèces concernées.

Une fois le projet accepté, comment peut se faire la gestion de l’irrigation avec ces réserves de substitution ? Fonctionnement des réserves mises en place: une gestion à l’échelle du bassin versant

Il est certain que tous les agriculteurs ne seront pas connectés à une réserve. Parmi ceux qui y seront connectés, il paraît évident qu’ils ne seront plus autorisés à pomper dans la nappe en période printanière et estivale. Il est en effet question de réserves de substitution, qui, comme leur nom l’indique, se substituent aux prélèvements printaniers et estivaux. Ensuite, parmi les agriculteurs irrigants qui ne seront pas raccordés à la retenue, deux cas de figure peuvent se présenter : soit ils participent tout de même financièrement au projet de réserve, soit ils n’y participent pas. Il paraîtrait assez justifié qu’ils y participent puisque eux aussi pourront retirer un avantage du projet. Au printemps ou en été, lorsque les besoins en eau des cultures sont les plus élevés, moins d’agriculteurs prélèveront dans la nappe à cette période grâce aux retenues. Ceux qui continueront à le faire atteindraient donc moins rapidement (en fonction du niveau de la nappe) les seuils d’alerte qui restreignent leurs volumes.

Ainsi, pour le bon fonctionnement des réserves de substitution, une gestion collective est alors souhaitable : il est nécessaire de pouvoir répartir correctement des volumes au sein des diverses exploitations irrigantes à partir d’un volume global autorisé, défini pour l’ensemble du bassin versant en fonction de la ressource disponible et en accord avec la loi sur l’eau et les directives européennes.

Un organisme unique serait chargé de cette gestion collective : distribution des volumes, périodes de prélèvement, détermination des réserves à remplir en premier, etc. Reste à savoir quel organisme pourrait tenir ce rôle. Au vu de la politique de restriction actuelle, il semble intéressant que l’organisme candidat puisse accompagner les agriculteurs dans leurs choix : retenues de substitution, évolution des assolements, des types de culture, des exploitations et des filières, car rappelons que les retenues ne sont pas l’unique solution. La chambre d’agriculture pourrait alors être un candidat intéressant.

Les retenues de substitution apparaissent donc comme une solution intéressante face aux mesures de restriction des volumes, à partir du moment où les projets et la gestion des réserves se font à l’échelle du bassin versant tout entier. Dans ce cas, elles permettraient aux agriculteurs de continuer à irriguer, et donc de maintenir un système d’exploitation qu’ils maîtrisent, tout en préservant la ressource en eau d’un point de vue quantitatif. Les réserves de substitution : la solution idéale ?

Les agriculteurs rencontrés ont quasiment tous manifesté un vif intérêt pour les projets de réserves. Cependant, construire des réserves de substitution signifie qu’il n’y a aucune remise en cause des systèmes d’exploitation, puisqu’elles permettront d’irriguer autant qu’à l’heure actuelle. Or, il ne faut pas oublier que derrière le problème de l’irrigation se cache le problème de la culture du maïs, culture intensive considérée comme polluante et mal vue par l’opinion publique. La création de réserves de substitution ne résout en rien le conflit de la qualité de l’eau et n’améliorera pas l’image de l’agriculture. On risque d’ailleurs de reproduire le schéma d’il y a

Page 27: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

27

une vingtaine d’années : beaucoup d’agriculteurs avaient alors investi dans l’irrigation et se retrouvent désormais presque dans une impasse, à l’heure où l’on veut sérieusement limiter cette pratique agricole. La solution « réserves de substitution » est-elle viable sur le long terme ? Ne risque-t-elle pas d’être complètement remise en question dans quelques années ?

De plus, il ne faut pas perdre de vue que pour monter un projet de retenue, il faut du temps : le temps de réaliser les études préalables pour choisir les sites potentiels d’installation, le temps de rédiger un projet, le temps de faire les études d’impact, de retravailler le projet en fonction des résultats de ces études, le temps de faire valider le projet, le temps de construire les réserves. On peut compter au moins quatre ans avant que les réserves puissent être utilisées. Or, si les restrictions de volumes gardent le même rythme qu’actuellement (baisse de 16% par an), dans quatre ans, on aura atteint une diminution de 64% des volumes de référence de 2005, ce qui veut dire que l’objectif de diminution des volumes aura quasiment été atteint et que les agriculteurs auront forcément dû modifier leurs systèmes d’exploitation pour faire face à ces baisses. Dans ce cas, est-il vraiment intéressant pour les agriculteurs d’investir dans des projets de réserves ? D’autant plus que l’investissement n’est pas négligeable : on évalue le coût à environ 5 euros/m3 d’eau stocké et le temps de retour sur investissement entre 4 et 8 ans (en cas de subventions) (cf. projet de retenues de substitution sur le secteur Mignon Courance, AIDS, avril 2008). Certes l’Etat, la Région, le Département et l’Agence de l’eau peuvent subventionner les projets jusqu’à 60, voire 80%, mais encore faut-il que le contexte politique s’y prête.

D’autres solutions peuvent être envisagées, peut-être plus faciles à mettre en œuvre notamment la culture de maïs dans le marais, qui permettraient un arrêt de l’irrigation tout en maintenant un système d’exploitation performant.

4.1.2 Le maïs dans le marais

La culture de maïs dans le marais permet de se passer de la contrainte d’irrigation. Avec des rendements moyens pour les exploitations enquêtées de 100 quintaux par hectare, la production dans le marais est plus faible que sur les groies irriguées. Dans le contexte actuel, certains agriculteurs se tournent de plus en plus vers ces terres basses afin d’asseoir leur production de maïs. Cette solution est très séduisante car elle permet de se passer de l’irrigation, contrainte incertaine (à cause d’éventuelles restrictions estivales) et chronophage (irriguer est une charge de travail supplémentaire non négligeable pour les agriculteurs). Il y a cependant plusieurs limites à cette analyse.

Avec des volumes d’irrigation en diminution et des contraintes de limitations ponctuelles imposées aux agriculteurs, le niveau de la nappe remonte et les parcelles situées dans les terres basses peuvent devenir trop humides, ce qui induit des difficultés de passage dans les champs des engins agricoles à la période des semis.

D’autre part, il y a également une volonté de se soustraire à la monoculture de maïs dans les terres basses du marais dans un but notamment de conservation de la biodiversité . Pour l’instant les agriculteurs sont « incités » par le biais des MAEt à abandonner ces cultures et à les remplacer par des prairies. Rien n’est moins sûr à l’avenir que ces cultures puissent êtres maintenues dans le marais.

Page 28: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

28

4.1.3 Conclusion

Les solutions qui ne remettent pas en cause le système mis en place actuellement sont très séduisantes pour les agriculteurs. Lors des enquêtes réalisées, ces deux solutions étaient systématiquement citées par les agriculteurs interrogés. Cependant l’analyse globale de ces solutions montre qu’elles présentent quelques écueils. En effet la situation actuelle est une période charnière dans l’histoire départementale de l’irrigation, le contexte politico-juridique qui réglemente celle-ci est dur à prévoir au delà d’une année. Cela pose le problème de la pérennité du système au cours des dix prochaines années. Rien ne dit que les retenues d’eau artificielles ou le maïs dans le marais seront encore réglementairement possibles dans dix ans. Le problème se complexifie d’autant plus que ces projets nécessitent des investissements lourds, leur rentabilité pourrait s’en trouver menacée. Pour résumer, ces solutions équivalent au même type d’investissement qu’il y a 20 ans lors du boom de l’irrigation dans un contexte économique plus faible.

Partant du principe que les solutions qui ne remettent pas en cause le système ne sont peut-être pas durables, il faut rechercher des solutions présentant une innovation.

4.2 Innovations de rupture Ici ces solutions tentent de rompre avec le système actuel, c’est-à-dire qu’on envisage,

dans les grandes lignes, l’arrêt du maïs et de l’irrigation. Nous présentons ici la solution principalement présentée par les agriculteurs, c'est-à-dire le passage en culture sèche, ainsi qu’une mesure agro-environnementale pouvant accompagner le passage en sec sans irrigation résiduelle.

4.2.1 Passage en sec

Dans l’absence pour les céréaliers d’une culture palliative du maïs, la solution majoritairement citée au cours des enquêtes reste le passage en sec avec agrandissement. Mais quelles seront les conséquences pour la région ?

En absence d’irrigation les céréaliers pourraient être contraints de passer à des rotations sèches et plus longues. Cependant la marge dégagée par la rotation type blé-colza-tournesol, d’environ 700 €/ha, reste bien inférieure à celle du maïs évaluée à 1700 €/ha au niveau du bassin versant. Ces estimations sont faites sur la base de documents de la chambre d’agriculture des Deux Sèvres (fiches techniques). Ceci amènerait donc à une augmentation de la surface moyenne des exploitations. Il faut cependant quantifier cette transformation.

Dans cette approche, nous considérons que l’agriculteur arrête entièrement l’atelier maïs (sauf dans les terres basses où il peut cultiver du maïs en sec) et réalloue les terres qu’il libère ainsi à la production suivant l’assolement en sec présenté plus haut. Le calcul des marges brutes du maïs tient compte d’un prix à l’achat de 400 € la tonne, ainsi que du rendement de chacune des exploitations enquêtées. On calcule ensuite l’incrément de surface nécessaire au maintien de la même marge brute sur l’exploitation. Ceci est appliqué aux 9 exploitations céréalières enquêtées.

Page 29: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

29

0

20

40

60

80

100

120

surface nette (ha) nécessaire selon les exploitations

enquêtées

Figure 21 : Augmentation de la surface des exploitations par le passage en sec

On voit clairement qu’un passage en sec pour le céréalier passe nécessairement par l’agrandissement de l’exploitation (Figure 21). Cependant les résultats obtenus montrent qu’en moyenne l’agrandissement correspondrait à une augmentation de 25% de la surface de l’exploitation. Cette solution laisse à penser que la population d’agriculteurs dans le département serait amenée à diminuer. Cela n’est pas favorable à l’implantation de jeunes agriculteurs dans la région. De plus les terres sont difficiles à obtenir.

4.2.2 MAEt

Comme présenté dans la première partie, dans le cadre du second pilier de la PAC, les agriculteurs peuvent souscrire des MAEt dans le bassin versant de la Courance. Une des MAEt proposées qui s’intéresse plus particulièrement à l’irrigation est la MAEt « limitation de l’irrigation ». Ce contrat de 5 ans propose aux agriculteurs une aide de 253 €/ha, en contre partie, l’agriculteur s’engage à ne pas irriguer les parcelles engagées, à abandonner l’autorisation de prélèvement correspondante et à respecter le volume de référence annuel sur les parcelles non engagées.

Néanmoins, cette option n’a jamais été envisagée par les agriculteurs que nous avons rencontrés. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cela : le montant de l’aide allouée aux exploitants est trop faible au regard de la perte de marge

brute par ha pour la production en sec. l’abandon de l’autorisation signifie un saut majeur pour les agriculteurs qui renoncent

ainsi à utiliser leurs forages alors même qu’un volume, certes diminué, leur sera encore attribué à l’avenir.

les agriculteurs voient dans ce contrat un risque de le voir se transformer en une obligation, à l’avenir, de ne plus irriguer. Cependant, on peut envisager certains types d’exploitation pour lesquels cette solution

serait envisageable. Une exploitation dont l’agriculteur, proche de l’âge de la retraite, ne souhaite plus investir dans du matériel d’irrigation, et dont l’exploitation ne sera pas reprise. Cela

Page 30: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

30

apparaîtrait intéressant pour lui de contracter cette MAEt dans la mesure où elle lui assure un revenu qui permet de rembourser son matériel d’irrigation. Une autre situation est celle d’un jeune qui reprend une exploitation irrigante mais souhaite s’installer en sec (ou n’a pas la capacité de continuer l’irrigation à cause des restrictions et du manque de moyens pour investir dans un projet de réserve). En signant ce contrat, il peut bénéficier d’une aide financière pour passer petit à petit vers un nouveau système viable.

On observe que les agriculteurs ne souhaitent pas changer radicalement de mode de production car cela a un coût non négligeable, aussi bien d’un point de vue financier que d’un point de vue charge de travail. De plus, l’exemple des MAEt illustre bien le fait que des solutions sont envisageables mais doivent être adaptées au cas par cas.

4.2.3 Conclusion

Ces solutions présentent l’avantage, contrairement aux précédentes, d’être sans risque pour l’avenir, dans le sens ou elles permettent de se passer de l’irrigation. On peut cependant nuancer ce point par le fait que la prime de la MAEt pourrait être retirée à la longue, si l’interdiction d’irriguer devient réglementaire. En outre ces mesures restent très difficiles à mettre en place tant d’un point de vue matériel que sociologique. On songe alors à une solution qui partagerait l’incertitude entre le blocage socio-professionnel et le risque dû au blocage juridique.

4.3 Innovations agronomiques L’avantage de ce type de solutions est qu’elles adaptent le système existant aux

conditions plus qu’elles ne le changent vraiment. Elles jouent sur une modification partielle de l’assolement. Les différents acteurs rencontrés sur le terrain ainsi que les données disponibles au sein d’AgroParisTech nous ont permis d’analyser les différentes solutions agronomiques existantes, récapitulées dans le tableau de la partie suivante en considérant les avantages et inconvénients. Le sorgho est étudié plus particulièrement en tant que solution pouvant être adaptée à la situation du bassin versant.

Page 31: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

31

4.3.1 Tableau récapitulatif

Culture essayée ou envisagée

Catégorie d’agriculteur impliquée

AVANTAGES INCONVENIENTS

Semences à la dérobée

éleveurs

Limiter le déficit fourrager après une sécheresse estivale par mise en place de cultures dérobées destinées au pâturage hivernal Engrais non indispensable

Une culture de pois doit suivre + besoin d'irrigation (semis en juillet) A implanter derrière un maïs Travail supplémentaire

Betteraves semences

céréaliers Forte valeur ajoutée Besoin d'irrigation

Besoin de passer un contrat

Pois protéagineux

Céréaliers /éleveurs

excellent précédent aucun apport d’azote

Besoin d'irrigation (2 à 3 apports de 40 à 50 mm en année sèche), possible de s'en passer quand il pleut au bon moment! Intervalle de 5 années entre deux cultures de pois (pour raisons sanitaires) Pas adapté sur sols caillouteux MB : 855 euros/ha

Luzerne Eleveurs

Apport protéique dans ration relative insensibilité au stress hydrique possibilité de coopération locale entre éleveurs et céréaliers

Sensible aux excès hydriques Débouchés limités

Sorgho grain Céréaliers/ éleveurs

moins de pertes de rendement dues à la sécheresse

Besoin de chaleur Désherbage malcommode Manque d’encadrement

Sorgho fourrager

Eleveurs

Bonne valorisation des situations sèches ou pas irrigables (il utilise 20 à 40% d’eau en moins que le maïs) Possibilité de culture dérobée

Les valeurs ne sont pas dans les tables INRA plante exigeante en chaleur contient plus ou moins de glucocide cyanogène, toxique pour les animaux perte rapide de valeur alimentaire après le stade épiaison

Sorgho sucrier Eleveurs Moins appétent pour les vaches;

Blé sur blé Céréaliers Diminution de la charge de travail Pas de rotation

Page 32: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

32

Culture essayée ou envisagée

Catégorie d’agriculteurs

impliquée AVANTAGES INCONVENIENTS

prairie Eleveurs

Utilisation maximale des prairies temporaires pour MAEt « Limitation de l'irrigation » Economie d'intrants énergétiques

Autonomie alimentaire Optimisation de la charge de travail

Engraissement impossible, faire plus de naissances dans le marais: problème d'inondation possible de faire des prairies sur les versants ?

céréales immatures

Eleveurs

dans les rations de vaches laitières : 20 % des céréales immatures à la place du maïs fourrage, c’est un apport énergétique inférieur d’environ 1 UFL, mais un bilan apports-besoins amélioré de 2 UFL bon moyen de constituer des stocks tôt

sécurise les stocks fourragers faible coût de mise en place amélioration de la structure du sol

bon fourrage associé au maïs charge de travail la récolte peut être délicate

chanvre (pour construction)

Céréaliers

peu d’intrants : pas de produits phytosanitaires et seulement 70 unités d’azote sont nécessaires pour assurer un rendement de 8 t/ha de matière sèche. pas d’irrigation

solution disponible seulement grâce à des contrats

maïs esquive Céréaliers éleveurs

semis précoce, cycle décalé le stress hydrique n’arrive qu’après la période critique

problèmes pour rentrer dans les champs en début de printemps

Page 33: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

33

4.3.2 Sorgho

Nous présentons ci-dessous une partie de l’étude réalisée par Arvalis en collaboration avec Pro-sorgho. Cette analyse conclut que le sorgho nécessite moins d’intrants (Figure 22) que le maïs notamment au niveau de la quantité d’eau nécessaire (bien que devant être fournie à la même période). Le sorgho n’utilisera qu’un volume correspondant à 1250 m3 par hectare et par an, d’après cette même étude. Or, les agriculteurs du bassin versant utilisent en moyenne 70000 m3 d’eau par an. Un tel volume leur permettrait donc d’irriguer en moyenne une cinquantaine d’hectare de sorgho. Il faut cependant relativiser ces chiffres, car dans la zone d’étude, les horizons pédologiques superficiels sont très peu profonds, ce qui conduit à un besoin en eau plus important en été par rapport à l’étude réalisée.

Au niveau économique (Figure 23), l’étude se base sur des prix à l’achat égaux entre le sorgho et le maïs, avec des charges à l’hectare différentes. Les rendements du sorgho sont considérés plus faibles que ceux du maïs. Cette étude établit une correspondance entre la marge brute dégagée par un maïs réalisant un rendement de 110 q/ha contre un sorgho à 95 q/ha, le minimum vital étant assuré pour 77 q/ha de sorgho exactement. Dans

le bassin versant, les rendements sont hétérogènes et proches de 60 q/ha. La culture du sorgho serait donc soumise à la condition de l’augmentation des rendements.

Figure 22 : Etude comparative des charges maïs sorgho.

Source Arvalis-Pro sorgho

Figure 23 : Etude comparative des marges brutes, sorgho maïs.

Source Arvalis-Pro sorgho

Page 34: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

34

L’étude révèle un manque de connaissances et de moyens des agriculteurs du bassin versant pour ce qui est du désherbage du sorgho, facteur limitant de l’élaboration du rendement. Ceci pourrait s’expliquer par un manque d’encadrement de la filière. Il y a cependant certaines critiques à formuler par rapport à cette proposition :

D’une part, le sorgho est irrigué et même si sa consommation d’eau est inférieure à celle du maïs, il consomme quand même de l’eau ce qui renvoie à la problématique de l’irrigation.

En outre, notre étude considère un prix d’achat du sorgho égal à celui du maïs ce qui ne semble pas être le cas partout dans le bassin versant.

Dans le bassin versant, le principal problème du sorgho réside dans la non-existence de filières de commercialisation de cette céréale. Cette solution doit être étudiée, mais sous la forme de développement agricole départemental ou alors sous la forme d’un circuit court.

Approche d’une filière courte de sorgho : élevage à l’ensilage de sorgho.

Ici est étudiée l’impact sur la ration des bovins du remplacement de l’ensilage de maïs par de l’ensilage de sorgho. Pour cela, nous avons utilisé le modèle INRAtion 3.3 que nous avons fait tourner avec des données issues de nos enquêtes (Tableau 5).

Tableau 5 : Données entrées dans le modèles INRAtion

Animal Vache laitière de type Prim’Holsein

Logiciel Version 3.3 du logiciel INRAtion

version de démonstrations

Potentiel laitier au pic de lactation 45l

Taux Butyreux 40 g/l

Taux Protéique 31g/l

Note d’état corporel

42 kgPoids veau

Poids vif 650 kg

2,5

Age de l’animal 40 mois

La ration type présentée par les éleveurs du bassin versant se compose principalement d’ensilage de maïs, de foin de prairie et de soja (Figure 24). A cela s’ajoute, selon les exploitations, du foin de luzerne ou divers types d’ensilage d’herbe. On note également l’association du maïs grain avec l’ensilage de maïs. Nous ne considèrerons qu’une ration type pour les calculs.

Page 35: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

35

Figure 24 : Ration avec maïs ensilé et grain Figure 25 ration sans maïs mais avec du sorgho

Les nouvelles rations (Figure 25) sont calculées pour un remplacement systématique du

maïs par le sorgho pour ce qui est de l’ensilage. Pour les céréales, le blé se substitue en partie au maïs pour plus de cohérence avec un objectif d’autonomie des fermes.

Le sorgho conduit à une ingestion moins importante d’ensilage puisque sa valeur d’encombrement est plus forte que celle d’un ensilage de maïs. Cependant il est nécessaire de toujours complémenter la ration en concentré de type céréale (blé) pour apporter l’énergie dont les animaux ont besoin. Le sorgho permet néanmoins de substituer une partie du soja apportée dans la ration grâce à sa plus grande richesse que le maïs en protéines. On voit également que pour les rations utilisant des cultures en dérobée, le soja peut être quasi substitué ce qui jouerait en faveur de l’autonomie des fermes. Conséquences sur les exploitations laitières

Si on considère le passage de ces exploitations à un système sorgho, on voit très clairement que la part de céréales dans la ration des bovins doit fortement augmenter. Cela signifie que pour maintenir des marges brutes similaires aux marges brutes actuelles, l’agriculteur devra augmenter sa surface et assurer un travail supplémentaire. Cela nous conduit donc aux mêmes problèmes que dans l’agrandissement des exploitations céréalières

ration avec maïs

24%45%

10% 10%11%

Céréale ensilage foin luzerne ensilage de luzerne soja

ration sans maïs avec

sorgho et blé

36%37%

10%10% 7%

Céréale ensilage foin luzerne ensilage de luzerne soja

Page 36: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

36

Conclusion

Les enquêtes que nous avons menées sur le bassin versant de la Courance nous ont permis d‘établir un état des lieux de la gestion actuelle de l’irrigation. Les agriculteurs de cette zone, soumis à une réglementation double, mènent leurs exploitations en vue de maintenir le système mis en place avec l’irrigation. Toutefois, certains n’ont pas hésité à essayer des solutions pour anticiper les restrictions à venir. Ainsi, nous avons noté un fort dynamisme de la part des exploitants enquêtés. Toutefois, ce dynamisme reste à nuancer : nous aimerions souligner que nous n’avons enquêté que 12 agriculteurs et qu’un biais demeure dans nos enquêtes dans la mesure où seuls les agriculteurs concernés et impliqués dans l’irrigation ont accepté de nous rencontrer. A défaut de pouvoir apporter une solution générale à l’ensemble des agriculteurs, nous avons néanmoins présenté une analyse de la situation. Le contexte juridique devenant de plus en plus strict avec l’irrigation, les agriculteurs vont être contraints de s’adapter. Cette adaptation sera plus ou moins importante au niveau des changements de cultures suivant la dépendance des agriculteurs par rapport à l’irrigation. D’autre part, le maïs cultivé dans le marais pourrait être une porte de sortie privilégiée par certains. Pourtant il n’est pas sûr que ce type de culture puisse encore exister sur ces terres dans quelques années. En effet la pression environnementale sur les zones de marais est très forte et certains souhaiteraient y voir un abandon total de la culture de maïs. La question de la pérennité des solutions se pose également avec la mise en place de réserves de substitution. En effet, les investissements nécessaires pour la mise en place d’un tel projet contraignent les agriculteurs à rester dépendants de l’irrigation et cela n’est pas sans rappeler la mise en place des forages dix ans auparavant dans lesquels les agriculteurs ont investi alors qu’aujourd’hui les restrictions les obligent à revoir leur systèmes.

Une solution unique pour les agriculteurs du bassin versant n’est pas envisageable. En effet, les solutions doivent être envisagées à l’échelle du bassin versant mais modulées selon chaque exploitation. Ainsi, l’étude des différentes solutions agronomiques adaptables au bassin versant nous montrent l’importance de la diversité des cultures dans les systèmes d’exploitation et nous amènent à proposer la création de filières courtes entre éleveurs et céréaliers.

Page 37: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

37

ANNEXE 1 : Guide d’entretien et annexes pour mener les enquêtes sur le terrain.

Présentation des étudiants

Etudiants en 2éme année à AgroParisTech en projet d’ingénieur sur le thème de la gestion de l’eau dans le bassin versant de la Courance. Objectif : compréhension de la gestion de l’irrigation et perspectives d’avenir au niveau du bassin versant de la Courance. Enquête confidentielle, durée environ 1h30 Contact avec Soizic Pautret et/ou Olivier Caillé Présentation générale de l’exploitation Pouvez vous présenter votre exploitation ? structure ? type OTEX ? Son histoire ? (date installation – évolution importantes, agrandissement) ? Environnement économique ? (entraide, CUMA, coopératives, négoce) Pourquoi et depuis quand pratiquez vous l’irrigation ? (date début irrigation, motivation pour irrigation) ? Pratiques actuelles : (objectifs : mieux comprendre les contraintes pour étudier les solutions envisagées).

Cultures

SAU (remplir annexes) Devenir des cultures/prairies : ventes, semences, fourrages pour troupeau ? quelle répartition en pourcentage dans chacun des secteur par rapport à la SAU ? (importance cultures irriguées ? % revenu des différentes surfaces irriguées Informations parcellaire : groupé, éclaté, position dans le BV : types de sol placer sur une carte et si possible avoir le parcellaire Positionnement des cultures irriguées sur ce parcellaire lien agronomique avec le sol. Ex :

- terres basses (fond de vallon près de la rivière : sols plus profonds meilleur potentiel agronomique mais pb d’eau quelles culture, parcelles irriguées ou pas ?)

- terres de plateau ou sur les versants : groie peu profondes, cailloux quelles gestions

Quelles sont les cultures irriguées ?

Page 38: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

38

Dépendance vis à vis des primes pour les cultures fourragères et autres cultures ?Quelles sont les primes perçues par types de cultures et % dans le revenue de la culture ?

Troupeau

Alimentation du troupeau : quelles sont les sources principales de l’alimentation du troupeau ? mais/RG en dérobée/STH/prairies temporaires/luzerne ou autres sources d’N ? Si pas de fourrage sur l’exploitation comment est alimenté le troupeau ? Achat à l’extérieur ? Pratique du pâturage ? Evaluer la dépendance de l’élevage vis à vis des cultures irriguées ?

Suite à 2005 et arrêt d’irrigation y’a t il eu des évolutions dans la conduite de l’alimentation du troupeau ?

Pratique de l’irrigation

Quels sont vos points de prélèvement d’eau ?(rivière, forage, retenue alimentée par le milieu, retenue non alimentée par le milieu, réseau d’eau potable) ? Matériel d’irrigation ? Adhésion à la gestion volumétrique ? prise en compte des pluies ? suivi de conseil dans la gestion de l’irrigation ? conseils dans gestion de l’irrigation ? irrig’info ? Evolutions récentes, depuis 10 ans(reprise de terres, arrêt, changement de conduite), qu’est-ce qui a guidé vos choix ? Quelles surface de culture irriguée en 2000 / 2008 ? Pouvez-vous nous décrire la conduite de l’irrigation menée sur une parcelle une année normale (pas de problème de restriction) et une année avec restriction (ex en 2005 arrêt total d’eau) quels sont les moyens d’ajustement des pratiques dans les 2 situations ? stratégies adoptées ? anticipation sécheresse ? conséquences dont économiques ? Si non-mention des limitations de prélèvement, poser la question. Evolution des pratiques : Comment voyez vous l’avenir de l’irrigation dans la région à court et à long terme ? Quelles solutions envisagez-vous ? Jusqu’à quel points critique ?Comment faire après avoir atteint ce point critique ? Quelles sont vos marges de manœuvre dans l’arrêt d’irrigation ? Prenez-vous des conseils dans la gestion de l’arrêt d’irrigation ?envisagez vous des solutions en communs avec d’autres exploitants ?

Page 39: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

39

Changement des pratiques de cultures ? d’autres cultures fourragères ?possibilité des cultiver en sec ?sorgho ? Céréales immatures ? Analyse avec l’agriculteur de la faisabilité des solutions au niveau technique, économique. Quels chiffres utilise-t-il pour évaluer la faisabilité de ces solutions ? (Renseignements économiques ?)

Page 40: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

40

ASSOLEMENT

CHEPTEL

Catégorie Effectifs moyens Bandes/an Nombre

d’animaux produits

Logement Mois de

présence en bâtiment

RMQ

Page 41: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

41

ANNEXE 2 : Présentation du modèle économique qui évalue l’impact économique de l’évolution des principes de gestion quantitative de l’eau.

Le modèle économique présenté par la DRAF permet de calculer la perte de marge brute par les agriculteurs du bassin versant dans le cas de diminution des volumes d’eau susceptibles d’être prélever. Hypothèses simplifiées du modèle.

Nous nous attacherons seulement à présenter les hypothèses simplifiées du modèle. Le but n’est pas de parvenir à retrouver les calculs et la construction mais d’éclairer sur le fonctionnement de ce modèle.

Les calculs ont pour but le calcul de la marge brute qui est la variable de sortie du modèle. Elle permet de tirer les autres variables comptables permettant une analyse financière agricole. Cette marge brute prend en compte les éléments suivants :

MB = rendement*prix + prime couplée-charges à l’hectare

le prix est calculé à partir d’un prix de référence 2006. Le modèle intègre deux scénarios d’évolution des prix. UN scénario prix haut( comme en 2008) et un scénario prix bas. Ces deux scénarios font partie des variables d’entrée du modèle pour calculer les pertes en marge brute.

la prime couplée à l’hectare est calculée selon la PAC en vigueur

les charges comprennent les intrants utilisés pour l’élaboration du rendement, c'est-à-dire engrais, phytosanitataires ,et cout de l’irrigation.

le rendement est la variable qui tient compte de l’irrigation dans la zone. Son expression est la suivante (loi empirique) rdt = α. ETr/ETm + β

o les coefficients alpha et bêta proviennent des différentes cultures, o ETm est l’évapotranspiration maximale o ETr est l’évapotranspiration réelle. Elle tient compte de l’irrigation apportée par

l’agriculteur. C’est sur cette variable que s’appliquent les réductions de volume d’irrigation

Le but final du modèle est de sortir l’assolement qui permet la maximisation de la marge

brute. Pour cela le modèle possède un panel d’assolement, et choisit entre eux quel assolement maximise la marge brute. Le modèle fournit ainsi un calcul de marge brute par types d’exploitation qui a été optimisé.

Les calculs sont calés sur 2006 pour les volumes de prélèvement et les assolements.

Comme on ne peut pas faire le calcul pour chaque exploitation il faut les regrouper et pour cela réaliser une typologie. La typologie (présentée ci-dessous) permet de définir également les contraintes que le modèle doit prendre en compte dans le modèle :

Page 42: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

42

surface de maïs dans le marais

nécessité de produire du fourrage pour les éleveurs. En outre le modèle ne prends pas en compte les systèmes d’exploitations sous représentés.

Page 43: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

43

ANNEXE 3 : L’évolution de la réglementation liée à la gestion de l’eau dans le bassin de la Courance.

Vers la fin des années 70, les premières interdictions de prélèvement dans les rivières apparaissent (en lien avec la sécheresse de 1976). Parallèlement, l’irrigation dans le bassin versant de la Courance apparaît avec la construction du premier forage en 1976, année marquée par une « canicule » et une sécheresse estivales restées dans les mémoires.

Dans les années 80, les nappes restent encore peu exploitées et ne le seront vraiment qu’à la fin des années 80. Vers 1989-1990, les premières crises du milieu apparaissent (assecs) et les premières questions liées au développement de l’irrigation et aux conséquences sur l’environnement sont soulevées. Les polices exercées par le préfet

Dans les années 90, la gestion de l’eau s’organise peu à peu. En 1992, la nouvelle législation sur l’eau et les réglementations dérivées sont applicables à la profession agricole comme aux autres activités économiques. Elle débouche l’année même et l’année suivante sur trois décrets d’application qui instaurent les deux premières polices administratives spéciales attribuées au préfet de département, et qui concernent notamment l’irrigation agricole : - le décret n° 92-1041 du 24 septembre 1992 (codifié en 2007 et devenu les articles R 211-66 à R 211-70 du code de l’environnement) sur les « zones d’alerte », que l’on peut appeler, par commodité et par analogie avec l’annexe 4 de la partie consacrée aux barrages sur la Courance, la police des périodes et zones d’alerte (PPZA) ; - les décrets n° 93-742 et n° 93-743 du 29 mars 1993 (codifiés en 2007 et devenus les articles R 214-1 à R 214-60 du même code), qui constituent la police de l’eau, devenue police de l’eau et des milieux aquatiques (PEMA) en 2005.

De ce fait, les agriculteurs du bassin versant de la Courance sont soumis actuellement à une double contrainte du fait des décisions prises par le préfet. D’une part il exerce la PEMA qui fixe les volumes annuels susceptibles d’être prélevés et gère les autorisations dans le contexte restrictif des zones de répartition des eaux (ZRE) (cf. ci-dessous). Ceci implique une gestion et des diminutions possibles des volumes annuels, car les autorisations au titre de la PEMA ne créent aucun droit acquis et peuvent être modifiées pour de raisons d’intérêt général qui doivent être motivées.

D’autre part, le préfet exerce la PPZA. Il est chargé de définir l’arrêté cadre annuel au mois d’avril qui définit les règles à appliquer de début avril à fin septembre/début octobre. En cas de périodes de grosse sécheresse, des arrêtés de restrictions (à partir des niveaux d’alerte) peuvent être décidés pendant l’été. Ces arrêtés de restriction sont propres à chaque zone et ont un caractère sectoriel. Le bassin versant de la Courance est dans la zone 9, la zone Mignon-Courance. Ces arrêtés de restriction diminuent les volumes hebdomadaires susceptibles d’être prélevés instaurés à la suite du changement de la règlementation nationale en 2003 (cf. ci-dessous).

Page 44: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

44

Les plans d'alerte ne devraient être mis en œuvre que lors de situations

hydrologiques rares, c’est à dire lorsque les débits « objectifs d’étiage » (DOE) ne sont pas tenus (en moyenne statistiquement 1 année sur 5). Ces plans d’alerte imposent des mesures de restrictions horaires édictées par le préfet pour préserver un débit minimal dans les rivières.

Par ailleurs, la loi sur l’eau oblige les agriculteurs à s’équiper de compteurs, qui sont contrôlés par les agents chargés de la PEMA ; ils bénéficient pour ce faire d’une forte subvention de l’Agence de l’eau. Pour contourner les restrictions horaires, les agriculteurs se sont équipés en pompes plus puissantes, en arrosage de précaution afin d’assurer une quantité suffisante pendant les horaires autorisés.

Entre 1996 et 2003, dans le département des Deux-Sèvres, la gestion de l’eau volumétrique (PEMA) couplée avec l’arrêté-cadre de restriction(PPZA) est mise en place par le préfet en concertation avec les irrigants.

A cette époque, la Chambre d’agriculture a en effet progressivement mis en place, en concertation étroite avec l’administration et avec l’aide des Agences de l’eau, un dispositif de gestion volumétrique ayant pour objectif, de substituer à ces restrictions horaires des restrictions en volume. Cette volonté s’est développée pour contrer les tactiques d’évitements des contraintes horaires des agriculteurs. Ces restrictions étaient censées donner une meilleure visibilité et une plus grande latitude aux irrigants cultivant le maïs dans un contexte de rareté de la ressource, doublée d’une précarité de l’autorisation de prélèvement. Ce dispositif était basé sur un volume de référence de 2 800 ou 2 500 m3/ha/an (selon la réserve en eau utile des sols) durant la période d’étiage des cours d’eau alimentés par les nappes souterraines, répartis par périodes selon le calendrier cultural du maïs. En cas de restriction, le sous-quota pour la période était réduit d’un pourcentage dépendant du niveau de crise. Les volumes étaient reportables d’une semaine sur l’autre. Ce dispositif, qui se substituait à des réductions horaires ou journalières, n’a pas empêché les situations de crise, mais les a retardées en limitant les prélèvements.

La zone Mignon Courance est classée en ZRE depuis 1994 en raison du déséquilibre

structurel entre la ressource (eaux superficielles et souterraines) et la demande. Ce classement en ZRE (Code de l’environnement, article R 211-71) implique que tout dispositif de prélèvement à usage non domestique doit être soumis à autorisation s’il dépasse le débit de 8m3/h, indépendamment de l’autorisation de prélèvement elle-même et de son plafond volumétrique.

Un arrêté interministériel du 11 septembre 2003 fixe les prescriptions générales à appliquer aux prélèvements soumis à autorisation. Il prescrit l’obligation de délivrer des autorisations de prélèvement en débit (m3/h) et en volume (m3/an) pour chaque ouvrage. Ce volume est un volume autorisé au sens de la PEMA, donc susceptible d’être remis en cause, notamment au titre de la PPZA. L’article 18 de l’arrêté précise que ces dispositions sont applicables dans un délai d’un an pour les prélèvements effectués par pompage. Cet arrêté ministériel suscite une indignation profonde, voire une franche colère de la profession agricole. Il faut considérer en effet que les subtilités du droit administratif sur l’application

Page 45: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

45

combinée de deux polices administratives spéciales distinctes qui pourraient être invoquées pour justifier une diminution importante des prélèvements autorisés échappent aux agriculteurs irrigants, qui raisonnent en pratique et de façon globale sur leur accès effectif à la ressource et son évolution dans le temps.

Le 16 mars 2004, une circulaire relative à l’application de cet arrêté est publiée. Elle précise que, pour l’exercice de la PPZA en ZRE, et avant toute délivrance de nouvelle autorisation, doit être engagée une démarche d’évaluation précise du déficit, de sa répartition spatiale et sa réduction, en s’appuyant sur des outils de concertation tels que SAGE ou plan de gestion des eaux (PGE). Elle vise en particulier le retour à l’équilibre en fonction du volume réellement disponible. Le volume susceptible d’être prélevé dans le milieu est défini comme étant le volume que l’on peut prélever 4 années sur 5 sans faire appel à des mesures de restriction, tout en respectant les objectifs fixés sur le bassin considéré par le SAGE ou le PGE (Débit Objectif d’Etiage (DOE)). La circulaire demande aux préfets de se concerter avec les DIREN pour établir un état des prélèvements, dans le but dresser un plan de remise à niveau des arrêtés-cadres au niveau départemental et des arrêtés sectoriels pour les zones d’alerte (bassin Courance-Mignon en ce qui nous concerne) . L’annexe technique de la circulaire précise ce processus de retour à l’équilibre :

1. définition, dans chaque arrêté individuel de prélèvement, de volumes maximaux par système aquifère concernée ;

2. recueil des informations nécessaires pour effectuer un constat de la situation (ressource en eau naturellement disponible, volume maximal susceptible d’être prélevé sans dommages pour les milieux aquatiques ou l’équilibre des systèmes aquifères). La réalisation d’économies d’eau sera à privilégier ; elle devra se traduire par la réduction correspondante de volumes des prélèvements individuels mentionnés dans les arrêtés d’autorisation ;

3. mise en oeuvre de ces mesures (réduction progressive et proportionnelle des volumes individuels autorisés, au moyen de la modification des arrêtés préfectoraux).

La DIREN, en liaison avec la DRAF et les MISE ou DISE des départements de la région

Poitou-Charentes, a préparé la plate-forme régionale de la gestion de l’eau. L’objectif de cette plate-forme a été défini en 2004. il est d’assurer une « gestion équilibrée de la ressource en eau ». « Les principes exposés présentent des objectifs, des méthodes et des échéances ». « Ils sont déclinés, aménagés ou appliqués en fonction des réalités propres à chaque territoire pertinent pour la gestion de l’eau par les MISE ou DISE placées sous l’autorité du préfet. ».

Deux étapes doivent permettre d’atteindre l’équilibre :

- « Etape 1 : établir un volume autorisé sur la base de ce qui est consommé sur une période de cinq ans ; en règle générale ce volume pourrait être calculé en considérant les volumes consommés les 5 dernières années, en enlevant le plus et le moins favorable et en faisant la moyenne des 3 années restantes. (…) Cette première étape permettra également d’établir les volumes globaux prélevés par sous bassin à partir des volumes par exploitation. Ces volumes globaux permettront d’estimer la ressource disponible.

Page 46: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

46

- Etape 2 : autoriser les prélèvements en fonction de la ressource disponible. Cette disponibilité sera précisée par bassin versant et sera répartie par l’administration ou fera l’objet d’une proposition de répartition entre usagers par les représentants de ces derniers. Les connaissances et études nécessaires à la réalisation de ces deux étapes seront rassemblées et, si nécessaire, complétées dès la mise en oeuvre de la première étape. L’échelon régional fournira à cet effet un cadre d’étude (cahier des charges) pour les compléments éventuels de ces connaissances par bassins versants. La réalisation des deux étapes s’effectuera dans un délai de 5 ans (soit en 2009) avec une évaluation intermédiaire. »

Pour le département des Deux-Sèvres la première étape de cette plate-forme a

consisté à mettre en place les volumes autorisés. Ce volume est calculé sur la consommation moyenne par ouvrage de prélèvement entre 1999 et 2003 à laquelle on ajoute 15%. Cela est valable pour les agriculteurs ayant préalablement accepté de rentrer dans le dispositif de gestion volumétrique. Ce volume constitue le volume de référence à partir duquel des diminutions seront appliquées les années suivantes pour progressivement atteindre une situation d’équilibre.

Les arrêtés complémentaires fixant un volume annuel maximal susceptible d’être prélevés par forage, avec des volumes maxima par périodes, ont été notifiés en 2005 aux irrigants concernés. Ils ont généré un important contentieux (220 arrêtés préfectoraux ont fait l’objet de contentieux devant le tribunal administratif).

Ces mesures sont intervenues en 2005, année d’une sécheresse exceptionnelle (automne 2004 à automne 2005) où l’approvisionnement en eau potable de l’agglomération de Niort a été menacé et où une interdiction des prélèvements est intervenue très tôt (mars). Elles ont été mal perçues par la profession agricole qui les a vécues comme une remise en cause du dispositif concerté de gestion volumétrique et n’a pas donné suite à une proposition du préfet, conforme à la plate forme régionale, de gestion concertée de cette réduction de volume.

Parallèlement, un volume hebdomadaire est fixé à chaque agriculteur. Ce volume n’est pas reportable d’une semaine à l’autre.

Le volume total autorisé pour le bassin Mignon Courance en 2005 est de 9 651 220 m3.

Diminution des volumes annuels

Une première étude menée par la CACG (Compagnie d’Aménagement des Coteaux de Gascogne) en 2000-2002 dans les Deux-Sèvres avait donné une première approche du volume disponible en fonction des contraintes du milieu. Cette étude indiquait qu’il fallait réduire d’au moins 80% les volumes autorisés par agriculteurs (à cette date) pour atteindre les 2,5 millions de m3 dans la zone Mignon-Courance préconisés pour les respects de l’environnement à l’objectif 2015. En 2007, le rapport du groupe expert a proposé pour atteindre le même objectif de volume final une diminution de 66 % par rapport au volume de référence de 2005. Toutefois, les volumes objectifs de 2015 ne sont pas encore définitifs, ils doivent être arrêtés en 2009.

Page 47: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

47

Des restrictions estivales Extraits de l’arrêté cadre du 28 mars 2008.

Les seuils d’alertes

Les seuils d’alerte sont aujourd’hui au nombre de 2 avant le seuil de coupure. Toutefois,

cela n’a pas toujours été comme cela. En effet, avant, le nombre de seuils d’alerte avant coupure était de trois. Les niveaux des nappes déclenchant les seuils d’alertes ont été remontés depuis ces dernières années. (Figure 7).

Sources : DDEA des Deux Sèvres.

piézomètre seuils

seuils de

1996

(cm)

seuils de

1997

(cm)

seuils de

1998

(cm)

seuils de

1999

(cm)

seuils de

2000

(cm)

seuils de

2001

(cm)

seuils de

2002

(cm)

seuils de

2003

(cm)

seuils de

2004

(cm)

seuils de

2005

(cm)

alerte 1 -600 -600 -600 -600 -600 -600 -600 -450 -450 -400

alerte 2 -650 -650 -650 -650 -650 -650 -650 -550 -550 -500alerte 3 -700 -700 -700 -700 -700 -700 -700 -650 -650 -600

arrêt total -750 -750 -750 -750 -750 -750 -750 -750 -700 -650

alerte 1 -1100 -1100 -1100 -1100 -1100 -1100 -1100 -1100 -1000 -600alerte 2 -1300 -1300 -1300 -1300 -1300 -1300 -1300 -1300 -1100 -800alerte 3 -1450 -1450 -1450 -1450 -1450 -1450 -1450 -1450 -1150 -1000

arrêt total -1600 -1600 -1600 -1600 -1600 -1600 -1600 -1600 -1200 -1100

alerte 1 -530 -530 -530 -530 -530 -530 -530 -530 -520 -500alerte 2 -620 -620 -620 -620 -620 -620 -620 -620 -600 -575

alerte 3 -700 -700 -700 -700 -700 -700 -700 -700 -650 -650

arrêt total -750 -750 -750 -750 -750 -750 -750 -750 -700 -700

seuils en cm mesurés à partir de la tête de forage

ZONE

9MIGNON

COURANCE

Forage La

Jannerie au

Bourdet

Forage

Mazin à Saint

Hilaire La

Palud

Forage à

Prissé La

Charrière

en caractères gras les évolutIons de seuils

Figure 8 : Evolution du niveau des seuils d'alerte.

Page 48: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

48

Le niveau des seuils d’alerte sur la zone Mignon-Courance prévoit d’être modifié aux cours des prochaines années. « Sur la base des conclusions du rapport du groupe d’experts, les seuils de gestion du piézomètre du Bourdet seront modifiés en 2008 dans la perspective d’une évolution sur 5 années jusqu’à 2012. », d’après l’observatoire départemental de l’eau, en collaboration avec la DISE des Deux Sèvres et la DDAF.

Page 49: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

49

ANNEXE 4 : LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

Les DPU et la réforme de 2003

Ainsi un céréalier bénéficie d’une aide d’un montant égal à 75% du montant moyen des années de référence 2000-2002, le « droit au paiement unique » (DPU), même si les terres sont retirées de la production. Dans le cas où un agriculteur poursuit son activité de production : il perçoit en plus du DPU, l’aide couplée qui correspond au 25% restants. Les rendements de 2000 – 2002 étant plus élevés chez des irrigants, les DPU calculées sont plus élevées. Toutefois, cette nouvelle politique n’a pas stimulé l’irrigation. En effet les trois quarts des aides versées sont maintenant déconnectées de la production et de l’irrigation.

Les MAEt

Les mesures agri-environnementales (MAE), appelées « engagements

agroenvironnementaux » en droit français, sont issues du second pilier de la PAC. C’est un

contrat sur 5 ans que signe l’agriculteur. Il s’engage à respecter ce contrat ainsi que des

mesures de respect de l’environnement.

Page 50: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

50

ANNEXE 5 : TABLEAU DES SOLUTIONS SELON LA TYPOLOGIE Ccs : céréalier à cultures spéciales Cm0 : céréalier sans terre dans le marais Cm<10 : céréalier avec moins de 10% de terres basses Cm>10 : céréalier avec plus de 10% de terres basses PELm>10 : polyculteur-éleveur possédant plus de 10% de terres basses PELm<10 : polyculteur-éleveur possédant moins de 10% de terres basse

Adaptations à court et long terme par typologiesD

es

cri

pti

on

du

ba

ss

in v

ers

an

t à

tra

vers

no

s e

nq

tes

Ccs C sans cs PELCm0 Cm<10 Cm>10 PELm<10 PELm>10

• essai sorgho mais ‘mauvais’

pour engraissement et

production laitière

• privilégier le maïs dans le

marais

• semis précoce

part

céréales

pour

élevage

• arrêt

engraissement

• nombre

d’UTH sur

exploitation

• surfaces

maïs

maïs dans

marais

• limiter maïs

• réorientation

système

d’exploitation

• rotation

Blé/Blé ou

Blé/Colza

privilégier

les céréales.

• sorgho

(irrigué)densité

semis

• culture

sèche

problème

rotation

PEU D’ESSAIS permettant la

limitation de

l’irrigation

pas

d’interdiction

estivale

• essai sorgho mais ‘mauvais’

pour engraissement et

production laitière

• privilégier le maïs dans le

marais

• semis précoce

part

céréales

pour

élevage

• arrêt

engraissement

• nombre

d’UTH sur

exploitation

• surfaces

maïs

maïs dans

marais

• limiter maïs

• réorientation

système

d’exploitation

• rotation

Blé/Blé ou

Blé/Colza

privilégier

les céréales.

• sorgho

(irrigué)densité

semis

• culture

sèche

problème

rotation

PEU D’ESSAIS permettant la

limitation de

l’irrigation

pas

d’interdiction

estivale

CO

UR

T T

ERM

E -

ESSA

ISLO

NG

TER

ME

Agrandissement si passage en sec

RETENUE DE SUBSTITUTION

Page 51: Gestion de l’irrigation dans les...1 Février – Mars 2009 Initiation à l’Ingénierie de Projet Gestion des eaux dans un bassin versant : Etude du bassin versant de la Courance

51

BIBLIOGRAPHIE Lafitte, JP. Portet, P., décembre 2007, La gestion collective de l’irrigation dans le département des Deux-Sèvres,. Chambre Agriculture des Deux-Sèvres, 2007-2008, Enquêtes ‘surfaces irriguées’, Chambre d’Agriculture des Deux-Sèvres, 2006-2007, Préservation de la ressource en eau – Adaptation des systèmes irrigués : Etude prospective sur le bassin versant de la Sèvre Niortaise amont, SMEPDEP (Syndicat Mixte d’Etude de Production et de Distribution d’Eau Potable) de la Vallée de la Courance, octobre 2008, Programme Re-Sources : Reconquête de la qualité des eaux brutes sur le bassin d’alimentation des captages d’eau de la vallée de la Courance. DRAF Poitou – Charente (Direction Régionale de l’Agriculture et de la Forêt), 2009, Evaluation de l’impact économique de l’évolution des principes de gestion quantitative. Association des irriguants des Deux-Sèvres, avril 2008, Etude d’un projet de retenues de substitution sur le secteur Mignon Courance, Agence de l’eau Loire-Bretagne, Optimisation technico-économique des volumes des retenues d’eau destinées à l’irrigation dans le bassin du Clain. Verdier, JL., Une culture compétitive par rapport aux cultures d’été dominantes. <Disponible sur : http ://www.arvalisinstitutduvegetal.fr> Lemaire G., 2005, Programme Praiterre : Prairies, Territoire, Ressources et Environnement. Chambre d’agriculture des Deux Sèvres, décembre 2007, Exploitations laitières système “maïs-herbe” - Repères techniques et économiques. Carrouée B., Girard C., 1994, Pois protéagineux, Techniques Agricoles - fascicule n° 2212, Paris, <Disponible sur : http://138.102.82.2/agronomie/phytotechnie/>. Le Clech B., 1993, Références productions végétales grandes cultures, Synthèse agricole, Bordeaux. <Disponible sur : http://138.102.82.2/agronomie/phytotechnie/>.