geoffroy de la rochebrochard mémoire gmde 2012 cmi
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MEMOIRE DU MASTER 2 PROFESSIONNEL
Gestion et Méthodes de Décision des Entreprises
Geoffroy de La Rochebrochard
Année universitaire 2011 – 2012
Le développement de la Communication
Marketing Intégrée (CMI) est-il (in)évitable à
l’ère du digital ?
Tuteur de mémoire : Mme Stéphanie Hérault,
Maître de Conférences à Paris I Sorbonne
2ème session
L’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne n’entend donner aucune approbation ni
improbation aux opinions émises dans ce projet de recherche action ; ces opinions
doivent être considérées comme propres à leur auteur.
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REMERCIEMENTS
Je souhaite remercier toutes les personnes qui m’ont soutenues et assistées, de près et
de loin, dans l’écriture et la réalisation de ce mémoire.
Pour commencer, je pense à tous les enseignants du Master GMDE pour les conseils
qu’ils m’ont apportés tout au long de l’année pour rédiger une étude pertinente, et tout
particulièrement Mme Hérault, ma tutrice de mémoire, pour ses remarques précieuses
et son suivi tout au long de l’écriture de ce travail.
Je tiens également à témoigner de ma profonde gratitude aux professionnels qui ont
bien voulu répondre à mes questions, notamment à M. X de l’agence Y et Mme.
Florence Benoit-Moreau, co-responsable du Master Communication Marketing
Intégrée à l’Université Paris Dauphine.
De nombreuses personnes m’ont apporté leur soutien et leur avis tout au long de ce
mémoire et je ne peux pas terminer ces remerciements sans les mentionner : Audrey,
Jean-Baptiste, Benjamin, Jean, David ainsi que ma famille. Je remercie spécialement
Claire Pagès qui a activement contribué à la finalisation de ce mémoire.
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RESUMÉ
Problématique : Comment la Communication Marketing Intégrée (CMI)
peut-elle répondre aux nouveaux enjeux du marketing et de la communication des
entreprises et à quels obstacles opérationnels doit-elle faire face ?
L’évolution rapide d’internet et des technologies de l’information implique
des transformations majeures dans le comportement des consommateurs et des
marques. Cette étude s’intéresse aux conséquences de cette évolution sur les
entreprises et leurs directions marketing. Il s’agit d’étudier le concept de
Communication Marketing Intégrée (CMI) en tant que nouvelle façon de mettre en
place la stratégie globale de marque des entreprises.
La CMI est un concept récent, apparu au début des années 90 aux Etats Unis.
Cette recherche a pour objectif d’expliquer comment la Communication Marketing
Intégrée s’est développée (Chapitre 1), ce qui la caractérise (Chapitre 2) et comment
elle peut être mise en place opérationnellement au sein des organisations (Chapitre 3)
Ce mémoire s’appuie sur une étude exhaustive des théories et des articles
académiques qui traitent de la CMI, afin de présenter une vision homogène du
concept. Par ailleurs, nous étudierons la manière dont la CMI est perçue et appliquée
par les professionnels.
Les résultats de cette recherche ont permis d’obtenir des informations
précieuses sur les éléments majeurs de la Communication Marketing Intégrée et sur
les changements que cette discipline induit au sein des organisations. Il a notamment
été démontré que les directions marketing doivent repenser leurs méthodes de travail
et se réorganiser. Il faut qu’elles apprennent à fonctionner en étroite collaboration
avec l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise, et principalement les
consommateurs, pour mettre en place une stratégie de marque efficace et pertinente
sur le long terme. Nous verrons que le digital change la manière même de faire du
marketing en permettant de mesurer précisément la performance des actions
marketing et de piloter de choix des canaux de communication de manière pertinente.
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SOMMAIRE
INTRODUCTION.................................................................................................................. 6
CHAPITRE 1 – L’INEVITABLE EVOLUTION DU MARKETING ET DE LA COMMUNICATION VERS PLUS D’INTEGRATION....................................................10
1.1 Contexte de développement de la Communication Marketing Intégrée....101.1.1 Le rôle majeur du marketing et de la communication depuis 1950................101.1.2 Les premiers pas difficiles de la Communication Marketing Intégrée...........11
1.2 Facteurs de développement de la Communication Marketing Intégrée.....121.2.1 Bienvenue dans l’ère de la marque.................................................................................131.2.2 La fragmentation des media..............................................................................................141.2.3 Le nouveau comportement des consommateurs.....................................................16
CHAPITRE 2 – DEMARCHES ET CARACTERISTIQUES DE LA COMMUNICATION MARKETING INTEGREE............................................................19
2.1 Une connaissance précise et partagée du client au sein de l’entreprise........192.1.1 Une connaissance affinée du consommateur.................................................................192.1.2 Avoir une organisation centrée sur le consommateur...............................................21
2.2 Le décloisonnement et la mise en place de processus collaboratifs................242.2.1 La Communication Marketing Intégrée redéfinit nos modes de pensée...........252.2.2 Neutralité et synergies des départements.......................................................................262.2.3 Les méthodes de mise en place de la CMI dans l’organisation...............................28
2.3 Outils de mesure des résultats et fixation d’objectifs clairs...............................302.3.1 La fixation d’objectifs clairs...................................................................................................312.3.2 La nécessité d’outils de mesure et de suivis de la performance marketing.....322.3.3 Une nouvelle manière de penser la mesure : les synergies media.......................34
CHAPITRE 3 – LA COMMUNICATION MARKETING INTEGREE EN ACTION....37
3.1 De nombreux freins rendent la CMI difficile à appliquer en pratique............373.1.1 L’existence de silos fonctionnels et le manque de vision unifiée..........................383.1.2 Le malaise des fonctions marketing...................................................................................40
3.2 Quelques recommandations pour mettre en place une stratégie CMI............413.2.1 Etape 1 : Effectuer une étude approfondie des clients de l’entreprise...............413.2.2 Etape 2 : Trouver un thème de communication global..............................................433.2.2 Etape 3 : Fixation des objectifs.............................................................................................453.2.1 Etape 4 : Briefer les agences et réorganiser les processus.......................................463.2.1 Etape 5 : Un budget global......................................................................................................473.2.1 Etape 6 : Un tableau de bord pour suivre et mesurer les performances...........48
CONCLUSION..................................................................................................................... 50
GLOSSAIRE........................................................................................................................ 52
BIBLIOGRAPHIE.............................................................................................................. 54
5
INTRODUCTION
« You are now entering a new world ». Voici ce que Seth Godin, ancien
responsable marketing de Yahoo, disait déjà en l’an 2000 dans un communiqué de
presse pour le lancement de son ouvrage Unleashing the Ideavirus.
Depuis les années 2000, nous vivons dans une ère que les économistes et les
historiens appellent « l’économie de l’innovation ». Celle-ci se caractérise notamment
par l’évolution accélérée des modes de communication et des technologies de
l’information. L’internet, les réseaux sociaux, le mobile et les autres technologies
communicantes mobiles (GPS, livres numériques) ont totalement bouleversé nos
modes de vie et notre relation à l’information. Ils transforment notamment le rapport
de force entre émetteurs et destinataires. Les nouvelles technologies de l’information
ont mis fin au monopole de la parole légitime que les marques et les media
traditionnels détenaient jusqu'à présent, en donnant à chacun le pouvoir de produire et
de commenter l'information.
L’évolution rapide des technologies de l’information a considérablement
modifié le comportement des consommateurs. Attirer l’attention pour la transformer
en acte d'achat est devenu un défi constant pour les annonceurs. Multiplication des
media, dispersion de l’attention des consommateurs, méfiance envers le discours des
marques et des autorités en général, intérêt grandissant pour les communautés de
consommateurs et fin de la consommation de masse : les usages et comportements du
consommateur ne cessent d’évoluer et les entreprises doivent innover sans arrêt pour
s’adapter à ces derniers et survivre dans des écosystèmes de plus en plus complexes.
Le développement rapide des technologies de l’information et notamment des
réseaux sociaux a bouleversé les organisations et leur mode de fonctionnement. Dans
les secteurs du marketing et de la communication, les nouvelles disciplines poussent
comme des champignons au sein des agences pendant que les théoriciens du
marketing tentent tant bien que mal de normaliser la complexité grandissante de la
réalité.
6
Contrairement à certains concepts, la Communication Marketing Intégrée a le
potentiel pour répondre à ces nouveaux enjeux de manière structurelle de par la
modification profonde qu’elle implique dans le fonctionnement organisationnel et
opérationnel des organisations.
Le développement de la Communication Marketing Intégrée (CMI) est-il
(in)évitable ?
Le premier objectif de ce mémoire consistera à présenter les grandes
évolutions du marketing et de la communication et d’expliquer l’apparition du
concept de Communication Marketing Intégrée (CMI). Cette contextualisation
permettra de comprendre la nécessité pour les entreprises de modifier leur approche
du Marketing et de la Communication.
Dans un second temps, nous présenterons en détail le concept de
Communication Marketing Intégrée. Cette partie a pour objectif de comprendre en
quoi la CMI répond aux « challenges » auxquels les entreprises font face
actuellement. Cette définition de la CMI permettra de faire la synthèse des différentes
théories et approches pratiques dont la CMI fait l’objet depuis la fin des années 80.
Cette analyse exhaustive de la discipline nous permettra d’avoir une définition
moderne et pertinente du concept. Nous pourrons alors proposer un modèle concret de
mise en place de la CMI au sein des organisations. Ces recommandations n’ont de
sens que si elles sont confrontées à la situation telle qu’elle est vue actuellement par
les professionnels du marketing et de la communication.
Qu’est ce que la CMI ?
Les théoriciens et les praticiens ne se sont toujours pas mis d’accord sur une
définition commune de la CMI et il existe de nombreuses interprétations. Le manque
de définition et d’approche théorique commune de la CMI ont poussé beaucoup de
théoriciens à douter de sa pertinence et c’est dans la pratique que la CMI s’est d’abord
imposée. L’arrivée de l’Internet, des réseaux sociaux et du mobile connecté ont obligé
7
les entreprises à repenser leurs stratégies marketing et communication et d’adapter
aux consommateurs.
La Communication Marketing Intégrée (CMI) est apparue à la toute fin des
années 80 aux Etats-Unis. Sa première définition date de 1989. Elle est de
l’Américain Don Edward Schultz qui définie la CMI comme « un processus
stratégique orienté business pour planifier, développer, exécuter et évaluer dans le
temps des stratégies de communication de marque coordonnées, mesurables et
persuasives auprès des consommateurs, clients, prospects et toute autre cible interne
ou externe ». En d’autres termes, la CMI est un processus qui évalue, affecte et pilote
l’ensemble des ressources marketing et de communication d’une organisation.
Ce concept se distingue des autres concepts, tel que la communication
« 360° », par l’importance qu’il donne aux données récoltées sur les clients et les
cibles (perception, habitudes, comportements). La stratégie de CMI consiste à partir
de la connaissance du consommateur (processus d’achat, consommation media, etc.)
pour trouver les points de contacts (Cf. glossaire page 52) optimums et coordonner les
actions de communication de la marque (Définitions Marketing, 2012). Il ne s’agit
plus de penser « media » en s’assurant que certains points de contacts (réseaux
sociaux, points de vente, intranet) n’ont pas été omis dans la stratégie de
communication. Il s’agit d’améliorer la qualité et la pertinence de la relation avec le
consommateur en sélectionnant le plus scientifiquement possible les points de
contacts et les messages les plus adéquats pour chaque cible.
La communication marketing intégrée est novatrice dans le sens où elle
implique des modifications organisationnelles profondes. Comme on ne pense plus
par expertise mais par cible, il est nécessaire d’abolir les frontières organisationnelles
(publicité, marketing direct, promotion, communication interne) et budgétaires
traditionnelles afin que les expertises travaillent ensemble dans une démarche
foncièrement globale et intégrée, avec des objectifs et des outils de mesure
d’efficacité-rentabilité pour chaque famille de clients de l’entreprise.
Deux autres penseurs de la Communication Marketing Intégrée, Angus
JENKIONSON et Branko SAIN (SAIN, 2003), cofondateurs du Centre for Integrated
8
Marketing, ont défini la CMI dans les termes suivants : « la CMI est une approche
holistique qui implique l’organisation tout entière dans le développement harmonieux
et durable d’une expérience de marque de haute valeur pour l’ensemble des parties
prenantes. ». Cette définition nous intéresse car elle intègre le concept de la « valeur
de la marque ». A une époque où la valeur des actifs immatériels d’une entreprise est
aussi importante que celle des actifs matériels (Apple, Google, Facebook, etc.),
l’image de la marque et sa cohérence sont essentielles. La CMI répond à cette
nécessité avec pertinence en cassant le fonctionnement en silos.
Pour conclure cette définition de la CMI, on peut reprendre les trois principes
fondamentaux de la discipline bien résumée par Eva Delacroix (Delacroix, 2009) :
- (1) Veiller à ce que tous les messages délivrés par l’organisation soient
cohérents avec la stratégie de marque,
- (2) Adapter le contenu aux publics cibles et à leur points de contacts
- (3) Maximiser l’efficacité des budgets de communication grâce à des effets de
synergies.
9
CHAPITRE 1 – L’INEVITABLE EVOLUTION DU
MARKETING ET DE LA COMMUNICATION VERS
PLUS D’INTEGRATION
Ce chapitre consistera à faire un résumé des grandes évolutions du marketing
et de la communication et d’expliquer l’arrivée du concept de Communication
Marketing Intégrée (CMI). Cette contextualisation sera séquencée en plusieurs thèmes
qui mettront en lumière un contexte clair et précis.
1.1 Contexte de développement de la Communication Marketing Intégrée
1.1.1 Le rôle majeur du marketing et de la communication dans les organisations
depuis les années 1950
Il était une fois le marketing , une discipline qui a véritablement été considérée
comme telle après la seconde guerre mondiale, dans les années 50 plus précisément
avec l'apparition des biens de consommation. C’est le début des 30 glorieuses et de la
commercialisation de biens de consommation qui n'existaient pas auparavant, ou très
peu. Durant cette période, le marketing sert avant tout à faire la pédagogie de
nouveaux usages, sur des produits standardisés ce qui permet des réductions
importantes de coûts œuvrant notamment à la constitution des marchés de masse.
Dès le début des années 60, les marchés de masse deviennent concurrentiels. Il
ne s'agit plus de vendre de nouveaux usages mais de vendre un produit qui existe déjà
et que les ménages possèdent déjà. L'action marketing s'attache alors à différencier un
produit parmi tant d'autres. C'est à cette époque qu'apparait le modèle des 4P (Cf.
glossaire page 52). Ce dernier est une « méthodologie » permettant d'assurer le succès
de la stratégie commerciale d'un produit (dans la théorie). Par ailleurs, il est utilisé par
les entreprises pour différencier leurs offres, en accentuant telle ou telle Politique du
Marketing Mix.
Les années 80 se caractérisent par l'essor de la télévision et de la publicité.
L'économie des pays développés se transforme, et la création de valeur se fait de plus
10
en plus à travers l'offre de services. En 1990, le consommateur possède déjà tout (c'est
du moins ce qu'il pense). Le marketing de masse laisse place à un marketing de plus
en plus segmenté afin de mieux répondre aux besoins du consommateur et le fidéliser.
Le marketing se décompose en sous-disciplines, chacune de ces disciplines répondant
à des enjeux marketing précis et considérés comme distincts. Se développent alors des
expertises comme le Marketing Viral, le Street Marketing, le Marketing Web, le
Marketing Mobile, le Marketing Social, le Data Marketing, etc. Au même moment, on
se rend compte de l’importance de la marque et de la nécessité de la rendre cohérente.
C’est à ce moment qu’apparaît le concept de Communication Marketing Intégrée.
1.1.2 Les premiers pas difficiles de la Communication Marketing Intégrée
Le concept de Communication Marketing Intégrée a vu le jour au milieu des
années 90, à une époque où les entreprises commençaient à intégrer les techniques de
communication informatiques et de récolte des données dans leur réflexion
stratégique. Grâce à ces nouvelles techniques, il est possible de récolter et d’analyser
une importante quantité de données sur ses clients et de contrôler sa stratégie
marketing plus efficacement.
Pour Don E. SCHULTZ, premier grand penseur de la CMI, les directions
marketing sont coincées dans la mise en œuvre tactique des campagnes de
communication de la fin des années 80 : « nous continuons la planification sur la
base des campagnes {actions à court terme}, à la recherche de rendements immédiat,
en utilisant des systèmes de mesure qui ne fonctionnent pas. Les vraies enjeux
aujourd'hui portent sur la manière dont nous pouvons fidéliser le consommateur sur
le long terme et construire une identité de marque forte » (Schultz, 1993). Pour cela,
Don E. SCHULTZ insiste sur l’importance de développer des processus transversaux
à tous les départements de l’entreprise afin d’améliorer la collaboration et le partage
d’informations entre les départements de l’entreprise. Ceci afin de proposer une
stratégie marketing globale. A l’époque, les entreprises fonctionnent en silos et les
expertises du marketing et de la communication collaborent peu.
11
Le premier livre dédié à la CMI paraît en 1993 sous l’impulsion de Don E.
Schultz. Intitulé IMC : Putting It Together (Schultz, 1993), il représente le premier
pas théorique de la discipline. Son approche s’appuie sur une réalité qui est très loin
de celle d’aujourd’hui. Les auteurs présentaient la CMI comme l’intégration des
moyens de communication autour du même message. Cette position est très critiquée
dans les années 90 par certains universitaires, notamment James HUTTON (Hutton,
1996) qui juge que la CMI « n’est rien d’autre que du vin mis dans une gourde ».
Pour d’autres, comme CORNELISSEN et LOCK, la CMI n’est qu’une mode : « la
CMI manque de définition, de construction théorique et de recherche scientifique
pour être une théorie. Ce n’est rien d’autre que du management moderne »
(CORNELISSEN, 1996). Cette critique était pertinente à l’époque car il n’y avait pas
autant de media qu’aujourd’hui. On allait simplement là où on pouvait sans se soucier
de la cohérence globale et on ne donnait pas autant d’importante à la cohérence de la
marque car on en avait le contrôle.
Au final, beaucoup de théoriciens du marketing ont mal interprété le concept
de « cohérence globale de la marque ». Il y eu un grand débat sémantique autour de la
Communication Marketing Intégrée que l’on retrouve dans de nombreux articles des
années 90 et qui illustre la variété des interprétations données au concept. Certains
professionnels du marketing utilisent l’expression « Communication 360 », d’autres
parlent de « Point de contacts global », de « Neutralité media » ou encore d’
« Marketing Holistique ». La différence entre ces termes est très incertaine et
théorique. Nous ne rentrerons pas dans cette considération car l’objet de ce mémoire
n’est pas de dire si la CMI est une théorie, un concept organisationnel ou une mode
mais d’analyser sa pertinence et son impact au sein des organisations du XXIème
siècle. Avant cela, nous allons mettre en avant les facteurs qui ont rendu la CMI
davantage pertinente qu’elle ne l’était à l’époque.
1.2 Facteurs de développement de la Communication Marketing Intégrée
On peut aisément définir les trois éléments autour desquels le marketing et la
communication se construisent : une marque (un produit), un consommateur (un
besoin) et un mode de communication qui relie l’un et l’autre (un media, un message).
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Ces trois éléments ont évolué de manière rapide ces dernières années : (1) la
marque est devenue primordiale avec le développement de la société de service et
l’importance croissante de la valeur immatérielle des entreprises, (2) les media et les
canaux de distribution se sont fragmentés avec les développements des Nouvelles
Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC), d’Internet et du
mobile, (3) de nouveaux comportements du consommateur ont émergé suite aux
nouvelles technologies et à l’avènement des réseaux sociaux. Ces facteurs modifient
notre manière de consommer et obligent les entreprises à réinventer leur approche du
business.
1.2.1 Bienvenue dans l’ère de la marque
Les années 2000 voient l'apothéose de l'économie de l'immatériel. Heidi
SCHULTZ et Don E. SCHULTZ, dans leur ouvrage IMC – The Next Génération
publié en 2003, explique que l’ère de « l’innovation et de la croissance », entre les
années 60 et 90, et qui s’apparente à la société de consommation matériel, est
maintenant révolu. Si l’ère de l’innovation est loin d’être révolue, il est certain que la
société de consommation matérielle a fortement évolué. Dans un contexte actuel où
tous les produits et technologies peuvent être copiés et multipliés, l’innovation
matérielle n’est plus un avantage compétitif aussi probant. C’est maintenant l’ère du
digital et de l’immatériel dans lequel un nouvel avantage compétitif a vu le jour : la
marque. Comme l’explique M. SCHULTZ dans son ouvrage, « deux produits de
même qualité pourront être vendus à des prix totalement différents, cette différence de
prix n’étant justifiée que par le nom qui figure sur le produit » (SCHULTZ H. e.,
2003).
La marque est devenue un symbole communautaire dans de nombreux cas et
l’attachement à un produit dépasse la simple préférence technique. Le produit et la
marque cherchent aujourd’hui à se démarquer en créant une affinité avec l’utilisateur.
Cette puissance de la marque a été mise en valeur notamment avec les réseaux
sociaux. On voit les communautés de consommateurs se réunir et échanger et on se
rend compte de l’affinité que les consommateurs peuvent développer avec une
marque grâce notamment aux pages Facebook. Il arrive même que les clients (fans)
13
d’une marque achètent le produit de cette marque même si celui du concurrent est
plus performant et moins chers. C’est ce qui se passe actuellement avec Apple et
l’iPhone 5. Les clients sont tellement « fans » qu’ils n’ont pas remarqué que Samsung
proposait un téléphone tout aussi (voire plus) puissant depuis 6 mois déjà.
Publicité pour le Galaxy SIII : Samsung attaque l’image de marque d’Apple avec cette promesse :
« The Next Big Thing is Already Here »
Pour HUNT, « développer le capital de la marque est un élément
fondamentale pour atteindre l’objectif d’avantage compétitif et des performances
financières plus importante » (HUNT, 2010). KITCHEN insiste sur le fait que « la
stratégie de marque peut aider le business à se développer et à survivre dans
l’économie ultra compétitive du XXIème siècle » (KITCHEN J. B., 2004). La marque
est devenu la base et le socle des stratégies marketing et de communication des
entreprises. Il est même possible de dire que dans le secteur des services ou les
secteurs à fort potentiel affinitaire (luxe par exemple), c’est l’image de marque qui
guide la stratégie business de l’entreprise. Une entreprise qui développe sa marque sur
le thème de « l’environnement » va devoir faire évoluer son business et ne proposer
que des produits qui protègent l’environnement pour être cohérente avec sa promesse
de marque et gagner en légitimité auprès des consommateurs. La légitimité est
essentielle pour survivre à l’ère du numérique.
1.2.2 La fragmentation des media: sait-on vraiment ce que font les consommateurs?
Le développement du web, des ordinateurs portables, des « Smartphones » et
des tablettes ont facilité la mobilité des consommateurs et mais ils sont aussi
synonyme de fragmentation des audiences. Le consommateur navigue à travers de
plus en plus de « canaux », obligeant les marques à être présentes sur différents
14
supports et à mettre en place des stratégies multicanales. D’après une étude récente de
Mediamétrie datant du 22 mai 2012 (Strategies n°1677 – p38), le nombre d’écran par
foyer s’élève à 6,2.
Le développement des technologies mobiles et de l ‘Internet sont les causes
premières de la fragmentation des media. Cie NICHOLSON, ancienne directrice
marketing North America de Pepsi-Cola, observe que « la publicité traditionnelle de
30 secondes n’est plus ce qu’elle était avant car les téléspectateurs font plusieurs
choses à la fois devant leur télé. Ils sont sur Internet et sur leur téléphone au même
moment. » Le graphique ci-dessous fait ressortir la part croissante d’Internet dans la
consommation de media. Il montre aussi que la consommation de plusieurs écrans à la
fois est une tendance croissante, notamment chez les nouvelles générations.
Etude de l’INSEE – 2010
Pour Christopher VOLLMER, Partner chez Booz&Co. et Geoffrey
PRECOURT, éditeur du Journal of Advertizing Research, « la période durant
laquelle le marketing se concentrait sur la vente de produit de masse à une audience
de masse sur un medium de masse (où on retrouvait toujours le consommateur) a
disparu. L’étagère des media s’est agrandie, et l’utilisateur s’est dispersé. »
(Christopher Vollmer, 2008)
15
Une étude menée par CapGemini en Juillet 2012 rappelle que les consommateurs sont
de moins en moins fidèles à un seul canal de distribution, notamment les plus jeunes
générations qui s’approprient de plus en plus rapidement les nouvelles technologies
pour communiquer ou se divertir au quotidien. On apprend dans cette étude que 60%
des personnes interrogées souhaitent que les marques développent des offres
multicanales convergentes entre Internet, les réseaux sociaux, le mobile et les
magasins physiques (appelé dans le métier « Mobile to Store ») d’ici 2014.
Cette fragmentation des media s’accompagne d’une dispersion de l’audience.
Le consommateur va regarder un programme sur sa télévision tout en surfant sur les
réseaux sociaux via un second écran (tablette par exemple). Les chaines de télévision
s’adaptent à ces nouveaux usages. L’été
dernier, les téléspectateurs de l’émission
Money Drop sur TF1 avaient la possibilité de
se confronter aux candidats en temps réel et
avec les mêmes questions en se connectant au
site de l’émission sur un second écran. Une
expérience interactive qui permet à TF1 de
garder son auditeur captif plus longtemps face
à la concurrence des « nouvelles » chaines de la Télévision Numérique Terrestre
(TNT) notamment. En effet, une autre évolution majeure concernant les media est la
multiplication des offres. La TNT en est un bon exemple puisqu’elle propose 18
chaines gratuites au lieu de six, dispersant encore davantage les audiences.
La multiplication des méthodes de communication modifie aussi la manière
dont les consommateurs souhaitent être sollicités. L’étude de CapGémini montre qu’il
faut différencier les canaux de communication dont se servent les consommateurs
pour leur communication quotidienne et ceux à utiliser pour les contacter.
1.2.3 Le nouveau comportement des consommateurs : que veulent-ils vraiment ?
« Vous pouvez l’avoir dans n’importe quelle couleur, du moment que vous la
voulez en noire ». Cette phrase mythique d’Henry Ford lors de la commercialisation
16
de la Ford T n’a plus de sens aujourd’hui dans un monde où la personnalisation est
devenue un standard pour les entreprises et les consommateurs. Le consommateur est
devenu plus exigeant et aussi plus méfiant envers le discours des marques. Préparez-
vous à ce qu’il change régulièrement d’avis. Le développement simultané de l'Internet
et du Mobile ainsi que la fragmentation des écrans ont transformé la manière dont ils
s’informent et consomment l’information. Alors que les media traditionnels
transmettaient la parole des marques, les nouveaux media créent un dialogue et
mettent la parole des consommateurs au centre de l’information.
C. VOLLMER et G. PRECOURT ont dessiné un portrait intéressant de ce
nouveau consommateur du XXIème siècle (C. VOLLMER, 2008). Dans leur ouvrage, le
consommateur « a un meilleur accès à l’information et un plus grand contrôle de la
consommation des media ». Il n’a jamais autant été maître de son information. Il y a
45 ans, David Ogilvy disait « le consommateur n’est pas un idiot, c’est votre femme ».
Aujourd’hui, il pourrait dire « le consommateur n’est pas un idiot, c’est votre patron »
car il a le pouvoir de faire votre promotion et votre faillite, à travers les réseaux
sociaux notamment. En ayant accès à l’information à tout moment et sur tous les
supports, le consommateur peut tout vérifier et tout diffuser. Il se renseigne, partage,
commente, échange en temps réel. Le bouche-à-oreille n’a jamais été aussi influent et
n’a jamais circulé aussi rapidement que depuis l’arrivée d’Internet et du mobile.
Le consommateur est aussi moins passif et surtout moins patient dans sa
consommation des media. Comme le soutiennent C. VOLLMER et G. PRECOURT,
« le consommateur a été libéré, il n’a plus besoin d’attendre les publicités pour avoir
accès au contenu qu’il souhaite. » Le client va aller chercher l’information lui même,
de manière indépendante. L’époque où la marque pouvait raconter une chose à la
télévision et une autre à ses investisseurs est terminée. Le consommateur et
l’investisseur ont tous les deux accès à la même information. C’est la raison pour
laquelle la marque a plus que jamais besoin de cohérence. Elle doit gérer
simultanément tous les points de contacts où elle apparaît et où le consommateur peut
s’attarder lors de ses recherches.
Omid KORDESTANI, vice président du développent chez Google observe
que « le nouveau pouvoir du consommateur a affecté la manière dont on
17
commercialise, développe nos produits, comment on les lance et à quel moment, et
comment on établie les prix. » Aujourd’hui, les entreprises doivent faire face à un
monde hyper connecté et fragmenté entre différents media. Elles doivent s’adapter à
des « modèles conversationnels » qui ne sont pas dans leurs habitudes, qui ne sont pas
« inscrits dans le code génétique des entreprises » (L'Atelier BNP Paribas, 2012). Il
semble donc que la CMI soit une tendance inévitable.
En conclusion de ce premier chapitre, on peut dire que la Communication
Marketing Intégrée descend de trois origines majeures : (1) premièrement, du coté des
entreprises et annonceur, l’intensification de la concurrence entre les organisations
devant répondre aux besoins toujours plus diversifiés des consommateurs, oblige à
mettre en place une variété de nouvelles stratégies de marketing. (2) Deuxièmement,
du coté des media et du marché, la diminution de l’influence du marketing et de la
publicité traditionnel, en raison de l'évolution rapide des technologies de l'information
et de la saturation médiatique, a augmenté la recherche de méthodes plus efficaces et
plus rentables en communication marketing. Les déclencheurs de la décision d’achat
sont différents aujourd’hui et nécessite de faire évoluer les méthodes. (3)
Troisièmement, du côté des consommateurs, les changements d’habitudes et de modes
de vie de plus en plus diversifiés ont encouragé les annonceurs à développer des
méthodes plus élaborés, en ciblant de manière plus précise et appropriée les
consommateurs, notamment grâce à la collecte d’informations sur le client.
18
CHAPITRE 2 – DEMARCHES ET
CARACTERISTIQUES DE LA COMMUNICATION
MARKETING INTEGREE
Dans ce chapitre, nous identifierons les éléments clés qui définissent la
Communication Marketing Intégrée d’un point de vue opérationnel. Cette recherche
se fera à travers les trois éléments principaux qui définissent la CMI : une approche
centrée autour du client, la modification de l’organisation avec la mise en place de
processus collaboratif et la fixation d’objectifs chiffrés et d’outils de mesure des
résultats.
2.1 Une connaissance précise et partagée du client au sein de l’entreprise
Comme nous l’avons illustré dans le chapitre précédent, il est devenu de plus
en plus difficile de trouver les points de contacts efficaces pour toucher le
consommateur. Il est pourtant primordial de connaître avec précision les utilisateurs
de la marque et être capable, comme l’indique Heidi et Don E. SCHULTZ, de
« comprendre et d’être en mesure de répondre aux besoins des consommateurs
qu’elles (les entreprises) souhaitent servir ». Cette nécessité est rendue possible
aujourd’hui par la quantité innombrable d’informations auxquelles les entreprises ont
accès. Tout d’abord les ressources internes que l’on peut récolter en récupérant les
retours d’expérience des employés en magasin et de ceux qui gèrent la relation client,
en récoltant les habitudes des consommateurs grâce aux cartes de fidélité. Avec
Internet, il est aussi possible d’interroger les consommateurs en direct et d’en savoir
davantage sur leurs expériences et leurs attentes. Enfin, l’entreprise a accès à de
nombreuses ressources externes grâce aux données récoltées par les cabinets d’études
et l’Open Data (Cf. Glossaire p. 52).
2.1.1 Une connaissance affinée du consommateur
19
Aujourd’hui, la forte concurrence oblige les organisations à s’attarder
longuement sur la compréhension profonde du consommateur, de sa personnalité et de
ses aspirations pour connaître ses véritables motivations à un instant précis et créer de
l’affinité. Avec le développement des marques et l’avènement du
« communautarisme » (dans le sens de communauté d’intérêt qui échange, conseille et
recommande), les marques comprennent l’importance d’intégrer la conversation des
communautés de consommateurs.
La CMI se base sur une connaissance intime du client : de quelle manière il
consomme le produit ou le service, à quel moment il le consomme et quel est son
cycle d’achat. Cela permet, au delà des principes de base de la segmentation, de
trouver les points de contacts et les messages les plus appropriés. D’après X, ancien
PDG de l’agence intégrée W, il y a un vrai problème chez les décideurs marketing qui
se réfèrent uniquement aux données démographiques (âge, sexe et catégories
socioprofessionnelles) car « ils n’ont aucune idée de qui est leur consommateur
vraiment ». Il faut aller au delà des simples critères de CSP, d’âge et de sexe. Il faut
savoir comment le produit est utilisé, dans quel contexte, en association avec quel
autre produit afin d’identifier les points de contacts mais aussi les points de blocage
pour améliorer sa stratégie. Philip J. KITCHEN et Don E. SCHLUTZ insistent sur le
fait que les nouvelles possibilités de mesure et d’analyse du consommateur impliquent
une catégorisation plus concentrée des approches de communication. On va pourvoir
définir des familles stratégiques de clients très poussées (Philip J. KITCHEN, 1999).
Pour mieux répondre aux besoins des clients, la marque doit accorder plus
d’importance aux conditions d’achat du produit et de son utilisation (G. R. Foxall
1998). Pour cela, certaines marques comme Findus suivent plusieurs familles dans
leur environnement privé, durant plusieurs semaines, afin d’observer et comprendre la
manière et le contexte dans lequel les consommateurs utilisent leur produit. La
marque Findus a ainsi récupéré de nombreuses informations lui permettant de mieux
adapter ses produits et leur communication aux types de consommation observés.
Cette démarche permet de déterminer de nouveaux points de contacts, et parfois
même de trouver certains éléments qui n’avaient pas été identifiés ou qui avaient été
négligés jusqu’à présent. Dacia, la marque « low cost » de Renault, a étudié le
comportement de ses clients et a constaté qu’ils se tournaient aussi vers les véhicules
20
d’occasions. Les concurrents directs de la marque Dacia n’étaient donc pas les autres
marques de voitures mais les prestataires de véhicules d’occasions. Elle a donc mis en
place une stratégie de communication concentrée sur les sites web et les journaux
proposant des voitures d’occasion.
Parmi les techniques d’analyse du consommateur, un exemple qui est souvent
repris par les enseignants car il est devenu une « best practice » est celui de Johnson’s
Baby, marque mondiale de produits de soins pour
les bébés et les mères. Cette dernière a décidé de
créer le BabyCenter (www.babycenter.fr) en France,
un site Internet sur lequel on trouve tout type
d’information sur l’éducation des nourrissons, avec des conseils pratiques et des tests
produits pour les jeunes mamans. L’idée derrière ce site internet était de comprendre
les besoins des mamans et leur propension à absorber l’information. Ce site a été
développé indépendamment de la marque et a pour objectif de mieux comprendre la
cible de la marque, sans faire la promotion de ses produits. Ils ont pu tester les
éléments qui déclenchent des réactions chez les mamans et converser avec elles sans
être influencés par des considérations économiques. Le site est devenu un soutien en
ligne pour les mamans. En plus d’avoir des réponses à leurs questions, les mamans
offrent une quantité d’informations qualitatives et quantitatives impressionnantes à la
marque. Johnson’s Baby n’est bien entendu plus la seule marque aujourd’hui à créer
des espaces d’échanges pour en savoir plus sur ses clients.
2.1.2 Avoir une organisation centrée sur le consommateur
Les marques ne peuvent plus mettre le consommateur en bout de
chaine. Il est devenu plus exigeant, mieux informé et dominant. La marque se doit de
penser pour lui et avec lui. Au sein de l’entreprise, cela se traduit par la mise en place
d’une nouvelle structure avec des processus qui placent les données des
consommateurs au coeur des décisions marketing et de communication. Ces processus
doivent aussi développer un esprit « orienté consommateur » chez les collaborateurs
de l’entreprise pour développer des offres au service du consommateur. Selon P.
21
BARWISE et S. MEEHAN (Patrick BARWISE, 2004) « les entreprises doivent
commencer par savoir ce à quoi les consommateurs font vraiment attention. »
Il n’est pas évident pour les entreprises de mettre le consommateur au centre
de la réflexion des collaborateurs. Elles sont encore trop orientées autour du produit,
comme en témoignent les structures organisationnelles, composées de « Product
Manager » ou « Line Manager ». Pour X, interrogé sur la question lors de notre
entretien : « Le problème chez certains de nos clients, c'est qu'ils ont une structure
organisationnelle centrée sur la gestion des produits. A force de penser que leur
métier est de commercialiser des produits, ils oublient de se concentrer sur les
besoins et finissent par proposer des produits qui ne correspondent pas totalement à
ce que souhaitent les consommateurs. Ils ont des usines, ils doivent faire des produits
dans les usines et ensuite ils doivent trouver quelqu'un pour les acheter. Dans ce type
de situation, il est très difficile pour eux de survivre face à des concurrents qui
intègrent les informations sur le client en amont de la réflexion marketing. »
Booz & Co
Dans un article publié par Booz&Co (Egol, Hyde, Ribeiro, & Tipping, 2004),
Paul HYDE et John JONES insistent sur la différence entre une organisation vraiment
orientée consommateur et une organisation qui fait semblant. Ils présentent les quatre
blocs d’une organisation centrée sur le consommateur :
22
- « Cycle de vie des besoins de la clientèle » : Selon les auteurs, il faut aborder
la prise de décision du consommateur comme une « vision globale et continue
de l'évolution de ses besoins » et non comme une série d’événements qui n’ont
pas de rapport direct entre eux. Ils citent l’exemple d’Amazon.com qui est
parvenu à intégrer une continuité dans la relation avec ses clients grâce à
l'enregistrement des achats passés par le client et l'analyse du comportement
de navigation des internautes. L’entreprise a même développé une application
qui recommande des produits aux internautes en analysant les achats de clients
ayant les mêmes intérêts qu’eux.
- « Penser en terme de valeur client » : les décideurs marketing doivent
modifier leurs méthodes et aller au delà de la vente de produits pour penser à
la satisfaction globale du client. Répondre aux besoins du client et lui trouver
des solutions doit remplacer la simple envie de lui vendre vos produits. En
faisant passer la satisfaction du client avant la vente, la marque sera
récompensée par une grande fidélité et le panier d’achat du client sera plus
élevé.
- « Développer le dialogue » : pour les auteurs, il est essentiel de "s'engager
dans un dialogue permanent avec les clients" qui ne se limite pas au moment
de l'achat. Ce dialogue "démarre avant la vente et se prolonge longtemps après
la vente". Avant la vente, la marque dialogue pour comprendre les motivations
profondes d’achat du client et aussi ses préférences. Elle peut ainsi mieux
prévoir la demande. Après l’achat, c’est l’occasion pour la marque d’avoir des
retours du client sur le produit afin de l’améliorer et aussi de proposer par
exemple un prolongement de l’expérience avec des produits complémentaires.
- « S’adapter aux demandes du consommateur » : un des éléments constitutif
d'une organisation centrée sur le consommateur pour les auteurs est la
possibilité d’adapter ses solutions au niveau du point de contact, c’est à dire au
moment de l’achat ou de la consommation de l’achat. Au restaurant par
exemple, c’est offrir la possibilité aux clients de ne pas avoir de sauce avec sa
23
viande, ou de ne pas avoir de tomates dans sa salade. L’entreprise doit mettre
en place un management flexible autorisant les employés de première ligne
(vendeurs en magasin, commerciaux) à prendre quelques libertés et à s’adapter
aux demandes des clients. Les auteurs prennent l'exemple de l'Hôtel Ritz-
Carlton où les employés de première ligne ont été autorisés à offrir des
services aux invités sur place en cas de problème.
Avoir une connaissance affinée du consommateur et le mettre au centre des
processus de décision est essentiel pour une marque du XXIème siècle qui est
confrontée plus que jamais à l’avis des consommateurs et l’échange d’informations
entre communautés. Le développement rapide des technologies de l’information et la
parole donnée aux consommateurs ne sont pas uniquement une menace, ils offrent
aux entreprises la possibilité d’en savoir plus sur leurs clients dans un univers
fragmenté où il est de plus en plus difficile d’attirer leur attention. L’enjeu pour la
marque est de créer le dialogue et de mieux répondre aux besoins pour établir une
relation durable et loyale avec ses clients.
2.2 Le décloisonnement et la mise en place de processus collaboratifs
Les métiers du marketing sont de plus en plus décloisonnés et impliquent
l’ensemble de l’organisation. C’est la raison pour laquelle cette dernière se doit de
mettre en place des processus collaboratifs. Selon Paul F. KOCOUREK et Paul
HYDE dans l’article publié par Booz&Co, « adapter ses solutions aux
consommateurs et à l’évolution toujours plus rapide de ses besoins requière un
niveau de coopération important entre toutes les fonctions de l’entreprise qui ont
chacune des insights sur le consommateur. » De plus, il s’agit d’aller vers un effort
« transversal et collectif » pour créer un véritable « esprit de corps » des employés
autour des valeurs de la marque afin que ces dernières soient transmises correctement
par l’ensemble des employés aux parties prenantes de l’entreprise.
Dans l’ouvrage Stakeholder thinking in marketing (POLONSKY, 2005),
l’auteur souligne que « l’organisation moderne est aujourd’hui consciente de son rôle
de création de valeur dans la société et que cette création de valeur doit bénéficier à
24
toutes les parties prenantes de l’organisation, de ceux qui font le travail à ceux pour
qui le travail est destiné. » Cette opinion est particulièrement intéressante car seule
une marque construite autour d’une idée forte et partagée sera en mesure de mettre en
place une vraie collaboration entre l’entreprise et ses employés et entre l’entreprise et
ses partenaires extérieurs.
2.2.1 La Communication Marketing Intégrée redéfinit nos modes de pensée
L’organisation actuelle des directions marketing des annonceurs s’est
construite au fil du temps avec l’arrivée de nouvelles disciplines qui se sont greffées,
plus ou moins bien, aux métiers traditionnels. Avec l’arrivée de nouvelles disciplines
comme le Marketing Mobile, le Marketing digital et le Community Management, les
directions marketing doivent réinventer leur réflexion globale de la stratégie
marketing. Les professionnels ont considéré pendant de nombreuses années que ces
disciplines relevaient d’objectifs différents. Se faisant, les centres de décisions du
marketing se sont multipliés, s’organisant autour des différents domaines marketing :
communication, web, publicité, marketing direct, marketing mobile, CRM, relations
presse, etc.
L’arrivée d’Internet et le développement des NTIC ont entrainé un éclatement
des frontières du marketing et ont remis en question l’organisation en silos des
disciplines du marketing et de la communication. Aujourd’hui, les synergies entre les
disciplines du marketing et de la communication sont telles que le fonctionnement en
silos n’est plus viable. Loïc Armand, président de l’Union des Annonceurs Français,
en témoigne : « C’est l’orchestre tout entier qu’entend et écoute le client, même si
chaque instrument doit réussir sa partition. »
25
Au sein de l’entreprise, la CMI implique donc de grands changements
organisationnels. Heidi et Don E. SCHULTZ définissent les « zones de
changements » qu’imposent la Communication Marketing Intégrée dans l’entreprise
dans le troisième chapitre de leur ouvrage (SCHULTZ H. e., 2003). Tout d’abord, la
CMI fait évoluer le rôle traditionnel du marketing et de la communication en
l’amenant à un rang davantage stratégique que tactique. Pour assurer la cohérence au
sein de l’organisation, la direction marketing et communication ne va pas seulement
effectuer des opérations ponctuelles, elle va aussi planifier et anticiper les évolutions
de la marque et ce que ces évolutions impliquent dans l’évolution du business de
l’entreprise. La CMI implique toutes les parties prenantes de l’entreprise et fait de la
marque le point de départ de la stratégie marketing et business de l’entreprise. C’est
en fonction de l’image, des valeurs et de l’histoire de la marque que l’entreprise va
développer tels produits ou tels services. Certains disent qu’aujourd’hui tout passe par
la marque. La marque devient le filtre qui assure la cohérence de l’entreprise toute
entière.
L’autre changement important que la CMI impose à l’entreprise réside dans sa
relation au temps. En effet, la CMI tente de sortir le marketing de la vision court
terme imposée par la finance et les actionnaires. Elle a des objectifs à long terme qui
la sépare des campagnes de communication traditionnelles (même si elle a un aspect à
court terme aussi). Alors que les campagnes sont des « coups marketing », la CMI est
davantage un « processus continu qui booste la performance de l’entreprise à court
terme et à long terme » (SCHULTZ D. E., 2001). Don E. SCHULTZ expliquent que
le concept de « campagne marketing » est en contradiction avec une approche de
26
Communication Marketing Intégrée à long terme. Parler en terme de campagne ne
permet aux marques d’inscrire leur relation avec les consommateurs comme une
construction à long terme.
2.2.2 Neutralité et synergies des départements
Pour la CMI, l’inconvénient majeur d’une organisation en silos est « l’absence
potentielle de neutralité, puisque chaque détenteur d’un savoir se trouvant en position
de vendre au mieux sa prestation quelle que soit la pertinence de sa prestation pour
la promotion du produit considéré et la problématique globale de la marque. »
(Union des Annonceurs, 2011)
Comme rappelé précédemment, les directions marketing des annonceurs et les
agences prestataires sont organisées autours de départements qui produisent un type
précis de services : campagne de publicité, site internet, campagne de marketing
direct, relations presse, CRM, etc. Ces départements sont souvent placés sous la
même autorité mais fonctionnent indépendamment les uns des autres. Chaque
discipline ne travaille pas autour d’un intérêt commun mais pour son propre intérêt
individuel. Pour Larry PERCY dans son ouvrage Strategic Integrated Marketing
Communications. Theory and Practice (PERCY, 2008) : « Les gens, collaborateurs,
départements et organisations veulent du pouvoir et les récompenses qui vont avec.
Trop souvent, les managers et leur staff ont peur d’en abandonner une partie avec un
nouveau système. Le prestige et la position, qui dans de nombreux cas ont été
difficiles à gagner, semblent menacés par un système collaboratif comme la CMI. »
Selon HOBBES dans le Leviathan, « l’état de la nature mène l’humain à se
concentrer sur son propre intérêt. » Ainsi, chaque spécialité marketing va mettre en
avant son point de vue pour aller chercher le plus gros budget possible. Par exemple,
une agence de communication ne recommande jamais de la Gestion de Relation
Client (GRC) ou Customer Relationship Management (CRM) car elle ne le contrôle
pas. De même, le responsable publicité chez l’annonceur ne recommande pas non plus
de développer des relations publiques.
27
La CMI, comme nous le verrons plus tard, est basée sur des objectifs précis et
quantifiés au maximum, quel que soit le media. La CMI impose donc à l’entreprise
d’organiser des processus de décisions, des canaux et techniques marketing qui soient
guidés par l’efficacité uniquement. Pour cela, il faudra notamment présenter une
problématique unique et claire à toutes les parties prenantes (en interne et avec les
prestataires) pour que leurs décisions soient prises de manière neutre et répondent à
une problématique business globale. Il faut surtout pousser les employés à s’engager
dans la collaboration, dans l’envie de nourrir la réflexion de l’ensemble des
collaborateurs et pas seulement de son département. X, au cours de l’interview,
confirme ce point de vue : pour lui le problème principal des organisations,
notamment en agence, est que « les partners (chef de produit sénior) savent comment
gérer les organisations en silos et ne vont pas vouloir lâcher cette fonction aussi
facilement puisque c’est leur principale qualité ».
2.2.3 Les méthodes de mise en place de la CMI dans l’organisation
Organiser différemment les directions marketing ne veut pas dire supprimer
les expertises, bien au contraire. Avec les nouvelles technologies et la complexité
accrue des media, les expertises des métiers du marketing et de la communication sont
devenues de plus en plus techniques et il est important de les garder. C’est même un
élément essentiel. La nécessité aujourd’hui est donc de réussir à juger quelles
expertises sont nécessaires pour l’entreprise en fonction des objectifs qu’elle souhaite
atteindre. Pour cela, deux conditions majeures ressortent chez la plupart des
théoriciens et praticiens de la CMI : (1) la mise en place d’un arbitrage fort (CMI
manager) et (2) la modification des règles budgétaires.
(1) Mise en place d’un arbitrage fort
La CMI demande l’adhésion de l’entreprise dans son ensemble. Elle pose
d’importantes questions de gouvernance et d’organisation interne importante, comme
celles de déterminer la personne en charge d’arbitrer les expertises marketing qui
collaborent. L’architecture de prise de décisions du marketing se compose en deux
flux : (1) les opérations internes comprenant les disciplines du marketing et de la
28
communication présentes en interne et (2) les opérations externes, gérées par des
prestataires de l’entreprise qui apportent leur expertise et mettent en place les actions
marketing et de communication. Chaque modèle varie en fonction de la philosophie
de l’annonceur. Mais pour assurer la neutralité des décisions en interne et en externe,
la présence d’un arbitre fort est essentielle. Cet arbitre s’appelle le CMI manager.
A priori, c’est au directeur marketing que ce rôle devrait revenir car pour
arbitrer et mettre en place des processus qui impliquent l’entreprise toute entière, il
faut être légitime auprès des employés et avoir un savoir faire dans tous les domaines
du marketing. Bouygues Telecom est un des pionniers français dans la mise en place
d’une structure d’arbitrage : deux postes de « pilotes » ont été créés pour intervenir
dans les stratégies de communication mises en œuvre pour la promotion de leurs
produits. Ils ont aussi le dernier mot sur les offres commerciales mises en place en
amont par le marketing et mettent l’accent sur les insights consommateur.
Cet arbitre a pour rôle de transmettre un esprit fort d’entreprise, en faisant en
sorte que chaque discipline fasse preuve d’innovation et explore de nouvelles
techniques. Pour le directeur marketing, c’est l’opportunité de reconquérir une
position forte au sein de l’entreprise, fondée sur son action et sa capacité à pousser
l’entreprise vers l’avant. Ce dernier a aussi pour objectif de mettre en collaboration
l’ensemble des partenaires extérieurs (agence de publicité, agence de relation presse,
etc.).
(2) Modification des règles budgétaires
Ces dernières années, le budget du marketing et de la communication des
annonceurs s’est de plus en plus compartimenté au sein des directions marketing avec
l’arrivée de nouvelles disciplines du web et du mobile. Parallèlement à ce
développement des champs du marketing, les entreprises ont du réduire leur budget
face aux crises à répétition et au manque de retour sur investissement des stratégies de
marketing et de communication. La CMI a pour objectif d’améliorer l’allocation des
budgets de marketing et de communication, plus intelligente et mieux coordonnée,
entre les disciplines.
29
Aujourd’hui encore, le budget marketing est distribué par produit puis par
expertise (Relation presse, Publicité, Direct Marketing, etc.). La CMI propose
dorénavant de tout réunir autour d’un seul et même budget. Il s’agit alors de
débloquer le budget sur mesure, étape par étape, en fonction des propositions faites
par chacune des disciplines sur une cible stratégique. Les ressources sont donc
réparties de manières appropriées selon la cible et l’ambition de l’entreprise sur cette
cible. Par exemple, les relations publiques auront un plus gros budget au sein de la
cible « Investisseurs » que de la cible « 15-25 ans » même si l’expertise est présente
sur les deux segments. Elles auront donc deux budgets, un pour chaque cible, plutôt
qu’un seul budget qui sera dépensé sur l’ensemble des cibles comme c’est le cas
aujourd’hui. On peut ainsi mieux suivre la performance individuelle de l’expertise et
sa performance par cible, en synergie avec les autres expertises
Comme nous le verrons plus tard avec A. NAIK (NAIK, 2004), il faut faire
collaborer les expertises de la communication et du marketing car les effets de
synergie offrent de meilleurs retours sur investissement. C’est la raison pour laquelle
il faut développer des outils de mesure précis et communs, et éviter que chaque
expertise agisse pour son propre intérêt et non celui de la marque. Pour que les
expertises soient neutres et pensent avant tout au succès de l’action marketing dans sa
globalité, l’entreprise ne va pas non seulement mettre en place des indicateurs de
performance que les employés devront suivre et respecter, elle va aussi modifier son
système de récompense et de bonus. En effet, en créant un système de bonus
fonctionnant sur la performance des actions de communication dans leur ensemble et
non en fonction de la performance de l’expertise. Chaque discipline est alors
« intéressée » sur le résultat global de l’action marketing ou de communication. Il ira
de l’intérêt de tous de collaborer et de créer des synergies créatrices de valeurs.
2.3 Outils de mesure des résultats et fixation d’objectifs clairs
John WANAMAKER soutient (et il n’est pas le seul !) : « Je suis certain que
la moitié de l’argent que je dépense en publicité est gâchée. Le problème c’est que je
ne sais pas quelle moitié. »
30
Pendant des décennies, les directions de marketing et de communication ont
dû évoluer pour répondre à la problématique du retour sur Investissement. Il est
indispensable de mettre en place des outils de mesure plus pertinents et plus réactifs
afin de réajuster les politiques marketing et communication de manière appropriée.
Pour X, « avoir des outils de mesure homogènes est certainement le point le plus
critique de la CMI. » Une fois les outils de mesure mis en place, il est plus facile de
briefer les collaborateurs avec des objectifs chiffrés, de les rémunérer aux résultats et
de les pousser à travailler ensemble pour développer des stratégies qui valorisent la
synergie des media. Par ailleurs, les outils de mesure permettent de légitimer l’arrivée
de la CMI.
2.3.1 La fixation d’objectifs clairs
Toutes les entreprises ont des objectifs précis lorsqu’elles établissent leur
stratégie de communication, que ce soit pour un produit ou pour la marque toute
entière. Ces objectifs sont généralement fixés en terme de moyen : augmenter la
compréhension du produit, améliorer l’impact de la publicité sur une cible donnée,
augmenter la visibilité sur les points de vente, etc. Dans l’article The Artful Science of
ROI Marketing (ROTHENBERG, 2003), les auteurs décrivent ces objectifs comme
appartenant au « cycle de la présomption, de l’approximation et de l’acceptation ».
Pour eux, les décideurs marketing appuient leur stratégie sur des mesures imparfaites.
A une époque où les campagnes de communication représentent des milliards de
dollars annuels dans le monde, les décideurs marketing ne peuvent plus se permettre
de faire des hypothèses basées uniquement sur le bon sens d’un individu. Ce constat a
notamment été partagé par X lors de notre entretien.
Ce chariot intègre un lecteur de carte de fidélité qui identifie le client et l’accompagne dans son parcours d’achat. L’enseigne a accès à des informations précieuses sur ses
clients et leurs habitudes : comment ils se déplacent, comment ils
répondent aux promotions et au placement produits, etc.
31
Aujourd’hui, de nouveaux outils existent pour suivre les attentes, freins,
habitudes du consommateur et les quantifier. La CMI est fondée sur cette hyper
connaissance du consommateur qui permet de mieux appréhender l’impact de ses
stratégies de communication. Elle permet notamment de fixer des objectifs plus
ambitieux, d’avantage chiffrés ; elle précise ce que l’on peut attendre d’une campagne
en terme de notoriété, d’intention d’achat, d’augmentation des ventes sur chaque
canal de distribution, de nombre de vues selon le type de diffusion, de sa capacité à
être repris dans les media (et lesquels), etc. Bien entendu, cette appréhension des
résultats, comme toute projection, est soumise à des aléas et l’entreprise ne peut être
sûr que la stratégie mise en place aura les effets escomptés. C’est notamment le cas
avec les media de masse (télévision, affichage, presse) qui sont encore très difficiles à
quantifier. En effet, les consommateurs sont de plus en plus dispersés et le
déclenchement de l’acte d’achat implique plusieurs outils marketing. On ne peut pas
toujours connaître la cause de l’achat : l’affiche dans la rue, le spot télévisé, la vidéo
Youtube, le spot radio.
X, aujourd’hui PDG de l’agence Y (groupements de plusieurs agences
spécialisées) et praticien de la CMI, propose une allocation des objectifs (et des
budgets) selon deux critères : « (1) il y a tout d’abord la communication globale de la
marque (communication corporate) qui touche des cibles stratégiques larges sur les
grands media et qui ne s’appuie pas sur des indicateurs de performances très précis ;
(2) et il y a les communications personnalisées qui touchent des familles stratégiques
précises de consommateurs à travers des points de contacts adaptés. » Ces
communications peuvent généralement être suivies par des indicateurs plus précis de
performance. D’une part on distingue, les stratégies de communication globales dont
il est difficile d’identifier le retour sur investissement mais qui offrent une visibilité
dont on ne peut ignorer l’impact pour les grandes entreprises. D’autre part, les
stratégies ciblées s’appuient sur des canaux spécifiques, souvent digitaux, qui
permettent d’avoir des Key Performance Indicator (KPI) ou Indicateur clé de
performance permettant de mesurer clairement les objectifs et les succès des
campagnes (les partenaires peuvent être ainsi rémunérés en variable). La force de ces
KPI est de pouvoir analyser le succès d’une campagne en temps réel, de l’adapter et
de l’améliorer rapidement. Ils apportent aussi une quantité importante de données aux
directions marketing pour comprendre les différentes cibles et les segmenter avec
32
encore plus de précision, pour la fixation d’objectifs toujours plus pertinents et
appropriés.
2.3.2 La nécessité d’outils de mesure et de suivis de la performance marketing
A l’époque où les seuls media à gérer étaient la télé, la radio et la presse, les
mesures de la performance marketing étaient très limitées. Ces décennies
d’approximation ont amené les décideurs marketing à s’y habituer et à s’en contenter.
Mais les annonceurs sont aujourd’hui demandeurs de vrais retours sur la qualité des
investissements effectués.
Quand on parle de communication et marketing, de nombreux professionnels,
dont X, nous rappellent que « la persuasion est un art » et que « la logique et l’analyse
à outrance peuvent immobiliser et stériliser une idée. Un peu comme l’amour : plus
on l’analyse, plus il part. » Pourtant, nul ne peut ignorer les outils qui sont mis à
disposition des décideurs marketing à notre époque. Comme l’indique L. H.
MOELLER (MOELLER, 2003) « il ne suffit plus d’une grande idée et le reste
suivra. » Il faut des mesures claires permettant d’évaluer le retour sur investissement
d’une campagne à l’heure où les budgets se réduisent mais que les possibilités de
dépenses explosent avec l’augmentation du nombre de disciplines marketing.
X insiste sur le fait qu’ « il n’y a pas de définition standard du retour sur
investissement (ROI). Nous utilisons la politique des pouces levés. » A l’aube du
XXIème siècle, cette politique n’est plus envisageable. Tout d’abord car il est
impossible de mettre de coté les données auxquelles les
directions marketing ont accès aujourd’hui. Et ensuite
parce que les décideurs marketing subissent
aujourd’hui une forte pression au sein de l’organisation
pour apporter des résultats et ne pas aller sur tous les
canaux de communication de manière désordonnée.
Comme l’indique Randall ROTHENBERG (Leslie H.
MOELLER, 2003) : « le marketing constitue une
portion de plus en plus grande des dépenses de
Avec le digital, on peut évaluer la pertinence des
actions marketing de manière précise. Certains
sites par exemple (trop peu encore), demande après
achat comment la personne à connu le produit. Cela
permet d’allouer un achat à une stratégie et de suivre la
performance de chaque stratégie.
33
l’entreprise et dans le même temps, le retour sur investissement de ces actions est de
plus en plus critiqué ». Et il est vrai que les dépenses de marketing et de
communication n’ont jamais étés aussi importantes : « les dépenses de publicité
comptent pour 20 à 25% en 2000 dans la grande distribution aux Etats-Unis contre
15% en 1978 ».
Dans un article intitulé The challenge of ROI marketing (ZHANG, 2003), il est
dit que « les entreprises doivent toujours voir les mesures comme un moyen de
générer des idées d'affaires et de renforcer / dynamiser la globalité des stratégies
axées sur la clientèle. » Le retour sur Investissement n’est donc pas forcément aligné
sur les ventes. Il suffit de prendre l’exemple de Disney. Quand Michael Eisner est
devenu PDG de Disney, il a mis en place une nouvelle approche fondée sur la dépense
totale des visiteurs. Son point de départ était la question suivante: Combien une
famille dépense-t-elle pendant ses vacances, et quel pourcentage de cet argent Disney
pourrait-il capturer? Cette mesure génère de bonnes idées d’affaire qui ont aidé
Disney à formuler sa stratégie de développement. En effet, Disney a réalisé qu'il ne
saisissait que seulement 25% des dépenses de vacances. Dans le but d'augmenter cette
part, la société a étendu son offre à une gamme beaucoup plus large de produits et de
services. Disney a commencé à construire des hôtels et des magasins. Certains
partenariats ont été créés avec les compagnies aériennes afin d'offrir des forfaits, avec
des bus pour ramasser les visiteurs. Disney TV, Radio Disney, Hôtels Disney, Disney
Stores... En quelques années, Disney a considérablement augmenté sa part des
dépenses des vacanciers, représentant environ 75% des dépenses de vacances.
L'exemple insiste sur la pertinence des mesures lorsqu’elles prennent le
consommateur comme point de départ. Pour Disney, cela permit pour EISNER de
redéfinir la stratégie globale de la marque Disney.
Si nous avons déjà à notre disposition des outils très puissants pour évaluer
l’impact des stratégies marketing et mieux comprendre les habitudes des
consommateurs, le ROI reste un enjeu majeur pour les directions marketing qui n’est
pas résolu dans la pratique, notamment quand on considère les synergies media.
34
2.3.3 Une nouvelle manière de penser la mesure : les synergies media
La mode actuelle dans les entreprises est de parler de ROI Marketing. Cette
dénomination un peu « fourre-tout » est une idée légitime à une époque où les
possibilités de mesure n’ont jamais été aussi importantes. La grande difficulté
aujourd’hui est de mesurer l’Investissement associé à l’achat car les utilisateurs sont
connectés à tant de media à la fois qu’on ne sait pas d’où vient le déclenchement
d’achat. Les marques investissent tellement de canaux à la fois qu’il est difficile
parfois de suivre les traces et surtout d’attribuer une vente à un élément précis du
marketing.
Par exemple, si je visite la boutique en ligne de l’Université Paris 1 Panthéon
Sorbonne aujourd’hui, je n’achèterais surement pas le pull de ma promotion tout de
suite. Je vais d’abord y réfléchir pendant un petit moment à cause du prix puis je
verrais une affiche stimulante quelques jours plus tard dans les couloirs de la
Sorbonne ou je croiserais quelqu’un qui porte le pull d’Assas et c’est en me retrouvant
par hasard devant la boutique que je l’achèterais. Qu’est-ce qui a impacté mon achat ?
Est-ce le site internet ? L’affiche ? Le fait d’avoir vu un pull d’Assas qui m’a poussé à
rejoindre ma communauté ? Comment savoir et surtout comment quantifier la force
de chaque élément dans l’acte d’achat ?
Selon Sharat K. MATHUR, directeur de bureau Booz Allen Chicago
(MATHUR, 2003) : « Pour bien mesurer l'efficacité du marketing, les entreprises
doivent s'engager dans une nouvelle façon de penser et prendre en compte les effets
de synergie des media. » Prasad A. NAIK et Kalyan RAMAD (NAIK, 2004) insistent
beaucoup sur la synergie des media et démontrent mathématiquement que « la
synergie augmente l’efficacité d’un medium ». Ce n’est donc pas en mesurant les
activités marketing de manière cloisonnée que nous arriverons à véritablement
mesurer l’impact d’une stratégie de communication à notre époque. Il faut calculer la
synergie des media, qu’on peut définir comme le fait que « l’effet combiné de
plusieurs media excède la somme de l’effet de chaque media pris séparément ». Selon
les mêmes auteurs, dépenser l'argent sur un support inefficace pourrait s’avérer être
efficace. C'est ce qu'ils appellent « l'effet catalytique de synergie » : dépenser de
l'argent sur un support inefficace peut être un choix judicieux si ces dépenses
35
« présentent des synergies avec d'autres media efficaces ». A. Prasad NAIK et Kalyan
RAMAD expliquent alors que « l'efficacité des media et leurs synergies peuvent être
estimés à l'aide des données du marché déjà disponible ».
Au cours de cette seconde partie, nous montrons que la CMI implique de
nouvelles manières de penser le marketing et de le mettre en place. Les changements
organisationnels sont énormes et impliquent l'ensemble de l'organisation. Néanmoins,
ils sont indispensables pour la mise en œuvre de la Communication Marketing
Intégrée. Il n'est pas étonnant qu’après 20 ans, la CMI se fasse encore discrète : elle
implique une telle façon révolutionnaire de penser et de travailler qu’elle prend
beaucoup de temps et d'effort pour être comprise et mise en place. Il ne s’agit pas
uniquement d’ajouter des couches au système existant mais de remettre en cause les
modes de fonctionnement et les prises de décision de toute l’entreprise. X rappelle : «
Je pense que les idées révolutionnaires prennent un certain temps avant d’être
vraiment comprises. En Marketing, le « Quand » est un élément essentiel ! » Après
vingt ans d'existence, seules quelques entreprises peuvent être considérées comme des
modèles pour la mise en œuvre de l'IMC. Et c’est ce que nous verrons dans la seconde
partie en présentant la CMI en action.
36
CHAPITRE 3 – LA COMMUNICATION
MARKETING INTEGREE EN ACTION
Ce chapitre a pour objectif d’étudier la Communication Marketing Intégrée
dans la pratique et de proposer un programme de mise en place de la CMI « étape par
étape », aussi pertinent que possible. Pour cela, nous prendrons le temps de faire un
état des lieux grâce aux études menées et aux interviews de professionnels pour
analyser les freins à l’implantation de la CMI dans les organisations.
3.1 De nombreux freins rendent la CMI difficile à appliquer en pratique
Il existe un fossé aujourd’hui entre la théorie et la pratique de la CMI. En
faisant le tour des études réalisées depuis le début des années 2000 et des avis des
professionnels de la CMI, on se rend compte que la CMI telle qu’elle est présentée
plus haut est très difficile à mettre en place et rencontre de nombreuses obstacles.
Une étude conduite en 2008 par le CoActive Marketing Group avec des
membres de l’Association of American Advertisers (ANA) indique que 74% des
décideurs marketing aux Etats-Unis utiliseraient la CMI pour l’ensemble de leurs
marques. Pourtant, seulement 25% de ces 74% évaluent leur programme CMI comme
« très bon » ou « bon ». Les entreprises ont du mal à mettre en place de vrais
processus collaboratifs. Elles ont aussi des difficultés à faire évoluer les méthodes de
fixation des objectifs et de mesure, à réunir les directions marketing autour d’un
budget global et à dépasser le cadre de la simple stratégie 360° (cohérence de la
marque sur tous ses points de contacts) pour aller vers une nouvelle manière de penser
la place du marketing et de la communication au sein de l’organisation. Cela se
comprend par le fait que la CMI est un concept complexe qui peut vite devenir « une
usine à gaz » si on tient à suivre exactement ce que nous disent les théoriciens de la
discipline.
3.1.1 L’existence de silos fonctionnels et le manque de vision unifiée
L’existence de silos fonctionnels est le 1er frein cité par 59% des décideurs
marketing pratiquant la CMI lors de l’étude du CoActive groupe. Pour Bob LIODICE,
président-directeur général de l'Association of National Advertisers, cela s’explique
par le fait que « les entreprises qui veulent mettre en place la CMI gardent la même
structure et les même processus, rajoutant simplement une couche de processus
supplémentaire ou une ligne organisationnelle en plus. » Cette ligne permet aux
directions marketing d’avoir un garde fou pour vérifier que la marque est cohérente en
apparence mais cela ne veut pas dire que l’entreprise est réellement intégrée.
Rompre avec l’organisation en silos ne peut pas se faire facilement pour des
entreprises qui fonctionnent ainsi depuis des décennies. Cette difficulté est expliquée
par Florence Benoit-Moreau, co-directrice du Master CMI à Dauphine, lors de notre
entretien (voir annexe) : « La présence de silos fonctionnels dépend de la nature de
l’entreprise. Dans certaines entreprises, l’image de marque est très forte et c’est elle
qui gouverne les produits. La collaboration des fonctions du marketing et de la
communication avec l’ensemble des fonctions de l’entreprise se fait beaucoup
facilement car c’est l’image qui dicte l’offre. Pour les entreprises industrielles, c’est
la R&D qui domine l’entreprise. La marque et les fonctions marketing arrivent plus
tard dans la réflexion. La collaboration est plus tardive et implique un nombre plus
limité de départements de l’entreprise ».
Si on peut comprendre que les processus collaboratifs ont encore du mal à
s’imposer au sein des organisations, certaines aberrations rendent la collaboration
encore plus difficile entre les fonctions du marketing et de la communication.
Aujourd’hui, la plupart des grandes entreprises préfèrent confier, à juste de titre, leurs
actions de marketing et de communication (gestion de leur relation client, la publicité,
le marketing direct, le social marketing, les relations presses) à des agences expertes.
Cependant, certaines entreprises vont aller jusqu’à travailler avec plusieurs agences
sur le même sujet. Par exemple, une agence va s’occuper de générer du « buzz »
pendant qu’une autre va être en charge du Community Management alors que ces
deux fonctions sont complémentaires et devraient travailler en synergie. Les actions
38
perdent en efficacités et en cohérences, d’autant plus que les agences ne partagent pas
ou mal l’information entre elles.
Le deuxième frein le plus cité par les professionnels de la CMI lors de l’étude
du CoActive group est « le manque de cohérence stratégique à travers les différentes
disciplines de la communication et du marketing » (42% des personnes interrogées).
Ce point avait déjà été cité lors des précédentes études de l’ANA en 2003 et 2006.
Cette redondance pointe du doigt la difficulté qu’ont les entreprises à transmettre une
vision globale de leur entreprise à l’ensemble des collaborateurs. « Le manque de
mesure commune pour évaluer la CMI » est un frein qui revient aussi régulièrement
dans ces études et qu’on peut associer au manque de vision unifiée.
Dans la théorie, les praticiens insistent sur le fait que c’est le développement
de nouvelles politiques de rémunération commune à tous les employés et la création
d’outils de mesure du ROI marketing global qui permettront aux annonceurs de
transmettre une vision unifiée de l’entreprise à l’ensemble des collaborateurs. Pour les
professionnels, cette vision globale s’appuie principalement sur le développement
d’une « big idea » qui portera l’ensemble des collaborateurs et sur laquelle seront
déclinées toutes les communications de la marque. Dans l’étude de 2008, 32% des
interviewés indiquent que le développement d’une « big idea » qui peut se décliner
efficacement sur tous les canaux de communication et de distribution est un point clé
au succès d’une stratégie CMI. La pertinence de l’idée créative est en effet un élément
qui revient régulièrement chez les professionnels de la CMI car une fois que
l’organisation est bien mise en place, les marques peuvent enfin recentrer le débat sur
ce qui compte vraiment : la force de l’idée créative.
La pratique montre que les changements organisationnels sont trop nombreux
pour que l’entreprise prenne le risque de faire de l’organisation un laboratoire pour la
CMI. Pour autant, on peut casser les silos sans forcément mettre en place des
processus transversaux en facilitant l’échange d’information informel. On réunit les
différents départements dans le même bâtiment et la convergence peut désormais se
faire à la machine à café par exemple.
39
3.1.2 Le malaise des fonctions marketing
Les départements marketing sont largement perçus comme étant en deçà des
attentes que les hauts dirigeants d'entreprise ont pour eux. Une étude conduite en 2006
par Booz Allen et l'Association of National Advertisers (ANA), auprès de 4000 cadres
du marketing, explique que le mauvais fonctionnement du marketing pourrait faire
parti de son ADN. L’étude indique que la performance et la rentabilité du marketing
peuvent être améliorées en optimisant les flux d'information et les responsabilités /
droits de décision des employés.
L’un des points clés expliquant le dysfonctionnement du marketing au sein de
l’organisation est le fait que les objectifs du CMO (Chief Marketing Officer) et du
CEO (Chief Executive Officer) ne sont pas alignés. Le principal challenge (et le plus
difficile à atteindre) est « d’aligner le modèle marketing de l’entreprise avec la vision
stratégique de l’entreprise » (Edward Landry, 2006)
En théorie, tout le monde est d'accord pour dire que la CMI est la bonne chose
à faire. Néanmoins, la CMI a du mal à être traduite en action. Pour que la CMI se
mette en marche, le marketing et la communication ne devraient plus être des
domaines réservés à un groupe de personnes au sein des services marketing. Pour Don
E. Schultz, « tout le monde devrait être concerné par les problématiques marketing et
la priorité devrait être le consommateur. Ce dernier n’appartient plus qu’au
département marketing mais à toute l’organisation. Le marketing est là pour
coordonner les problématiques marketing de chaque département » (Don E. Schultz,
1993). Responsabiliser le marketing sur son nouveau rôle de coordination est
extrêmement important et ne se produira qu’avec le soutien des hauts dirigeants de
l’entreprise et en particulier de son Président Directeur Général (PDG).
40
3.2 Quelques recommandations pour mettre en place une stratégie CMI
L’analyse menée ci-dessus montre l’existence de nombreuses barrières qui
rendent la CMI difficile à appliquer au sein des entreprises. Les points de blocage
concernent principalement la difficulté de travailler en rupture avec le fonctionnement
en silos, la difficulté de mettre en place une stratégie globale cohérente et partagée, le
manque de transversalité des collaborateurs et l’inexistence d’outils performants pour
mesurer le ROI d’une campagne. Grâce aux retours des professionnels et aux
différentes réflexions misent en place par les organismes tels que l’Union des
Annonceurs en France, nous présenterons une méthodologie en six étapes pour la
mise en place de la stratégie CMI.
3.2.1 Etape 1 : Effectuer une étude approfondie des clients de l’entreprise
La Communication Marketing Intégrée est une discipline qui place la
connaissance des clients au centre de la réflexion stratégique de l’entreprise. La
connaissance du consommateur a d’ailleurs toujours été le point de départ de toute
stratégie Marketing. Nous considérons que c’est aussi la meilleure porte d’entrée pour
mettre en place une stratégie CMI dans l’entreprise.
Aujourd’hui, au delà des études de marché et études de comportement
effectuées par les cabinets d’étude, l’entreprise a accès en interne à une source infinie
d’informations sur ses clients. En interrogeant les vendeurs en magasin, le service
après vente, les fournisseurs de l’entreprise et toutes les disciplines du marketing et de
la communication (en interne et en agence), on se rend compte qu’il y a une mine
d’informations encore inexploitée par les marques. Ces informations émanent de tous
les coins de l’entreprise et le fonctionnement en silos ne permet pas à la direction
marketing de recueillir ces informations et de les utiliser à bon escient. Tous les
départements d’une organisation peuvent fournir des expériences complémentaires
essentielles pour comprendre les clients de la marque et convenir de la stratégie
marketing à adopter.
41
L’entreprise doit dédier plus de temps à la collecte des données et à l’échange
d’informations au sein de l’entreprise. En plus de permettre la récupération
d’informations précieuses sur les clients (et plus largement sur les parties prenantes de
l’organisation), cette première étape a pour objectif de développer chez l’ensemble
des collaborateurs une approche centrée autour des consommateurs. En obligeant tous
les collaborateurs de l’entreprise à récolter des informations sur les clients et les
personnes avec qui ils travaillent, la direction marketing les amène à se recentrer sur
le besoin client et à se poser des questions qu’ils ne se posaient pas ou plus. On fait
revenir le client au centre de la réflexion de tous les employés. Surtout, l’entreprise
conduit les collaborateurs vers le changement en leur apprenant à échanger et à
travailler de manière transversale. C’est le début de l’intégration.
Pour que ce processus de récolte de l’information et de réflexion autour du
consommateur soit considéré avec sérieux, il doit être engagé par le dirigeant de
l’entreprise et repris par le top management de chaque département. Chaque
département a pour mission de définir les typologies de clients qu’il identifie et de
réfléchir aux différents Key Performance Indicators (KPIs) que l’entreprise pourrait
utiliser pour appuyer ses décisions. Par exemple, le service après vente récoltera des
données concernant les raisons pour lesquelles les clients appellent. Le manager des
réseaux sociaux peut aussi proposer de remontrer les remarques des internautes et de
poser des questions sur la marque directement sur les réseaux sociaux pour remonter
des informations à la direction marketing. Le web marketing manager pourrait aussi
envoyer des questionnaires sur la marque aux clients par emails. Les commerciaux
remontraient des informations sur les fournisseurs de la marque. Les relations presses
pourraient évaluer les produits / sujets qui font le plus de bruit sur la marque, etc.
Bref, les informations sont nombreuses et des processus doivent être mis en place
pour que ces dernières soient récoltées régulièrement et remontées à la direction
marketing. La collecte d’informations doit être à la fois qualitative et quantitative.
Une fois que les départements de l’entreprise ont fait ce travail d’audit de leur
KPI servant à mieux comprendre les clients, la direction marketing centralise les
données et effectue des analyses croisées pour ressortir des tendances. Les décideurs
marketing peuvent tirer un premier bilan et identifier d’autres KPIs qu’ils
souhaiteraient remonter de tel ou tel département.
42
Après cette première analyse, l’entreprise peut mettre en place des « team
buildings » transversaux, sous forme de réunions, au cours desquelles les experts de
chaque département partagent aux autres expertises les résultats de leur « étude
client » et présentent les Key Performance Indicators (KPIs) qu’ils sont en mesure de
remonter à la direction marketing. De ces échanges entre département doivent naître
des interactions et faire ressortir des corrélations entre KPIs qui pourront rendre leur
analyse encore plus pertinente. Ces réunions permettent aussi d’affiner les familles de
clients en confrontant les visions de chaque expert. Suite à ces échanges, la direction
marketing peut développer une définition unifiée et partagée des clients de
l’entreprise.
Par ailleurs, il est important que les processus de collecte de données soient
mis en place de manière récurrente (2/4 fois par an par exemple, en fonction de la
culture de l’entreprise et du coût de ces collectes de données) afin de continuer à
développer l’échange entre les départements et de suivre l’évolution des KPIs. Cela
permet de voir comment les parties prenantes réagissent aux différentes stratégies
adoptées et d’améliorer en continue la stratégie, les messages et la segmentation.
Bien entendu, en plus de sa capacité à recueillir l’information en interne, la
direction marketing continue d’utiliser les méthodes d’analyse de comportement du
consommateur. Il y a notamment des méthodes qui permettent de décrire le parcours
d’achat du consommateur, de comprendre les étapes de ce parcours et d’identifier où
la marque peut agir. Elles font souvent l’objet de techniques innovantes. C’est aussi
possible via internet, en analysant le parcours d’achat sur le site web. Avec les
réseaux sociaux et les forums, on peut en apprendre beaucoup sur les habitudes de
consommation et poser des questions aux consommateurs directement.
3.2.2 Etape 2 : Trouver un thème de communication global
A présent, nous avons une connaissance parfaite des parties prenantes de notre
écosystème et nous avons pu définir les familles stratégiques de clients à qui nous
souhaitons nous adresser. Avant d’établir la stratégie à mettre en place pour les
toucher, il faut définir le thème de communication, appelé aussi concept de marque,
43
garant de la cohérence de nos stratégies marketing et communication. Cette image
doit bien entendu être partagée en interne et les collaborateurs de l’entreprise doivent
adhérer aux valeurs de la marque.
Le concept de marque, c’est avant tout une idée forte capable de se développer
et de se décliner sur toutes les communications de l’entreprise, du grand public aux
ressources humaines, et qui s’adapte à tous les supports. Trouver un thème global est
un travail très complexe car ce thème doit être spécifique à la marque et au secteur
tout en pouvant être utilisé quelque soit la personne à qui on parle. Il doit de plus
rester une source de créativité pour tous les points de contacts de la marque
(Affichage public, presse, télévision, mobile, web, magasin, etc.)
Le succès d’une stratégie marketing globale dépend de l’idée de départ, du
thème de communication qui définira les valeurs de la marque, sa raison d’être face à
la concurrence. Si la réflexion est souvent confiée à des
professionnels de la communication et du marketing, il
n’est pas déconseillé, une nouvelle fois, de faire
travailler l’ensemble des partenaires de l’entreprise
dans cette réflexion, à commencer par toutes les
expertises du marketing et de la communication de
l’entreprise car après tout, le thème de communication
impactera inévitablement leur travail. Pour cela,
l’entreprise pourrait par exemple mettre en place un
concours de créativité interne : tous les employés,
individuellement ou en équipe, auront alors la
possibilité d’exposer leur vision de la marque et de l’entreprise en partant d’un brief
envoyée par la direction marketing à l’ensemble des collaborateurs, quelle que soit
leur fonction.
Cette démarche permet de casser les silos fonctionnels dans les esprits en
montrant que l’entreprise favorise et récompense la collaboration.
Chez Carrefour, le thème de communication globale était : « Avec Carrefour,
je positive ». Bien déclinée sur les media de masse, la direction s’est
rendue compte que toutes les caissières tiraient la gueule et qu’il y avait un
fossé entre ce que la marque affirmait et ce que
les employés ressentaient ! Une
politique RH « positive » a donc été mise en place.
44
3.2.2 Etape 3 : Fixation des objectifs
On a établi avec précision nos familles de consommateurs, on a le thème de
communication global de notre marque, il faut maintenant fixer les objectifs de
l’entreprise. Comme nous avons pu le voir précédemment, la CMI se distingue des
autres stratégies marketing par la précision avec laquelle elle fixe les objectifs à
atteindre. Contrairement aux stratégies actuelles qui fixent des objectifs par media, la
CMI se fixe des objectifs par famille de consommateurs. Ils sont fixés en fonction des
attentes et besoins des clients ainsi que des points de blocage que l’entreprise a
identifié en amont : augmentation de X% des ventes du produit Y sur internet pour
telle catégorie de clients, amélioration du renouvellement des achats, développement
de la notoriété de marque, etc. Pour chaque famille de consommateurs, la CMI fixe
des objectifs beaucoup plus ambitieux qu’auparavant, qui concernent le résultat et les
effets « précis » qu’on attend de la campagne. Grâce à la définition de KPIs,
l’entreprise a assez d’indicateurs quantitatifs pour se fixer un cap et suivre sa
réalisation.
Ces objectifs sont plus ou moins quantifiés bien entendu. Par exemple, il est difficile
de prévoir une augmentation précise de la notoriété de la marque. C’est pourquoi les
objectifs sont divisés en deux :
- (1) Objectifs concernant la communication globale de la marque et qui ne
permettent pas généralement un ciblage fin (media de masse) et des objectifs
précis (développement de la notoriété, etc.)
- (2) Objectifs concernant chaque famille de clients et dont la précision du
ciblage permet de mesurer précisément l’impact des stratégies et de les
améliorer en temps réel. Cela est surtout vrai sur le digital.
La fixation d’objectifs précis nous permettra de consulter les agences et prestataires
de manière plus précise et objective. Ils devront répondre à l’appel d’offre en
quantifiant leurs solutions en fonction des objectifs que l’entreprise a fixés.
45
3.2.1 Etape 4 : Briefer les agences et réorganiser la chaine de valeur de la
communication
Une fois les objectifs par famille de clients définis, l’entreprise briefe ses
partenaires. Le briefe est un document (ou une réunion) qui présente les faits
nécessaires à une agence chargée de formuler une proposition pour une action ou une
création marketing.
Si les entreprises écrivent encore aujourd’hui plusieurs briefs, un pour
l’agence publicitaire, un autre pour l’agence de marketing digital et ainsi de suite, la
CMI propose un seul et unique brief quelque soit le prestataire. On peut comparer le
« brief unique » que propose la CMI à un business plan. Organisé par familles de
clients et non pas par media comme aujourd’hui, il comprend les objectifs de
l’entreprise en général, d’un point de vue commercial et financier pour chaque cible.
Chaque partenaire devient plus qu’un simple exécutant, c’est un entrepreneur car il
contribue au résultat opérationnel de l’entreprise. Le brief comprend donc des
objectifs quantitatifs auxquels il faut répondre clairement. Cela oblige les agences à
justifier la pertinence de leur choix en fonction d’un objectif: la rentabilité / le retour
sur investissement de l’action.
Pour améliorer la mise en place d’actions marketing cohérentes et en
synergies, tous les prestataires assistent ensemble au briefing et présentent ensemble
leur plan de communication (aujourd’hui, il y a plusieurs briefes donc plusieurs
recommandations et pas de synergies entre les recommandations). Dans un tel cas de
figure, les agences ont une obligation de prendre en considération, au delà de la part
qui leur incombe, les actions des autres prestataires. Pour chaque famille de clients, on
constitue des équipes comprenant plusieurs agences qui travaillent ensemble pour
présenter une seule recommandation. A chaque équipe est attribué un budget
maximum. Les agences doivent plus que jamais faire preuve d’efficacité et de
créativité tant dans le contenu que dans la sélection des canaux.
46
3.2.1 Etape 5 : Un budget global
L’une des plus grande difficulté pour les annonceurs est d’assurer la neutralité
des choix d’investissement des agences de communication qu’ils engagent, afin que
ces dernières fournissent la recommandation ayant le plus d’impact par rapport à
l’investissement nécessaire. Pour assurer cette neutralité, la CMI propose de réunir en
un seul budget les budgets atomisés dans les différentes expertises. Cette étape est
surement la plus complexe et celle qui fait que la CMI est encore peu appliquée chez
les annonceurs : la mise en place d’un budget global qui est réparti en fonction des
familles de clients est difficile à mettre en place. Les agences refusent encore l’idée
d’être payées en fonction de leurs résultats. Le mode de rémunération est d’ailleurs un
élément essentiel qui doit évoluer dans les années à venir. Les agences digitales
pratiquent déjà la rémunération variable mais il reste encore beaucoup de chemin. La
rémunération est variable en fonction du nombre de clics sur une bannière, du nombre
d’articles presse.
L’entreprise a donc un seul budget de marketing et de communication, qu’elle
répartit par familles de clients. Le budget n’est donc pas défini par media ou expertise
mais par famille de clients, en fonction des objectifs souhaités par l’entreprise sur
chacune de ces familles. Certaines communications ne permettent pas de fixer des
objectifs précis, notamment sur les media traditionnels (TV, affichage et radio) qui
n’offrent pas un suivi et des outils de mesure aussi précis que le digital. C’est
pourquoi le budget de chaque famille de clients est divisé en deux : (1) un budget
concernant la communication globale de la marque et ne permettant pas un ciblage fin
ou des objectifs précis (développement de la notoriété, etc.) et (2) un budget
concernant les communications ultra ciblées et permettant de mesurer précisément
l’impact des stratégies.
Par ailleurs, il faut permettre à l’argent de transiter d’un « département à
l’autre » selon les besoins d’une campagne ou si une action se montre plus pertinente
qu’une autre. On va donc avoir un budget centralisé et des sommes qui vont être
débloquées en fonction des dépenses justifiées et validées. Si ils sont rémunérés à la
performance de leur seul département, pourquoi s’embêteront t’il a faire des effort de
collaboration ? C’est la raison pour laquelle il faut développer des versements de
47
bonus en fonction de la qualité d’intégration de la stratégie. Et surtout mettre en place
des outils de mesure permettant de mesurer les synergies et suivre la performance des
différents projets.
3.2.1 Etape 6 : Un tableau de bord pour suivre et mesurer les performances
Dans la CMI, la communication est considérée comme un investissement. Il
est alors nécessaire de mesurer avec pertinence le retour sur investissement de chaque
action de communication, quels que soit les indicateurs retenus (financier, d’image,
d’engagement) pour renforcer les actions pertinentes et améliorer celles qui le sont
moins. Il faut analyser l’effet de chaque programme sur les familles de clients tout au
long de l’action, pour procéder à des modifications et à des réglages en temps réel
quand cela est possible. Le principe est de pouvoir suivre la performance des
stratégies, comprendre les points forts et les points faibles pour mieux faire. Cette
démarche est cependant complexe. Il faut être en mesure d’identifier l’impact de
chaque action de marketing ou de communication sur l’acte d’achat. Cela est encore
difficile à évaluer puisque plusieurs facteurs rentrent régulièrement en compte pour un
achat (publicité, recommandation, promotion en magasin).
Ce tableau de bord doit aussi avoir des « zones de déclenchement ». Par
exemple (fictif), on sait qu’en dessous d’une certaine température, les ménages
consomment davantage sur Internet au détriment des magasins. Il faut alors se
concentrer sur Internet et déplacer logiquement et efficacement les budgets d’un
endroit à un autre. Ceci est un exemple extrême. On peut aussi avoir des zones de
déclenchement lorsqu’un objectif est atteint (augmentation du trafic du site de la
marque de X%) ou l’envoi d’un email de promotion pour des manteaux lorsque la
météo annonce de la pluie.
Pour mettre ne place ce tableau de bord, deux niveaux d’analyse sont à mettre
en place : (1) les mesures par famille de clients et (2) la mesure de chaque opération.
Les mesures par famille de clients permettent de mesurer les effets de la campagne
pour chaque famille. Il y a ensuite la mesure du retour sur investissement de chaque
opération. C’est la capacité de lier l’acte d’achat à l’action de communication. Cette
48
étape est bien sûr beaucoup plus difficile à évaluer. Des techniques de « tracking »
existent sur les lots en promotion, les coupons de réduction qui permettent de
connaître l’impact de telles techniques. Il faut pouvoir analyser les ventes et isoler les
facteurs exogènes et endogènes aux actions de communication ainsi qu’évaluer leur
efficacité. Il existe aujourd’hui des modèles mathématiques permettant de suivre les
effets du dispositif de communication et de mettre en avant les facteurs explicatifs.
Surtout, le tableau de bord donne une lisibilité plus forte à l’ensemble de
l’entreprise. Il permet aussi de rémunérer en bonus les prestataires dont les actions ont
été efficaces à chaque étape du processus de décision du consommateur (recherche,
étude de notoriété, considération des marques, intention d’achat, test, achat et rachat).
Le tableau de bord doit permettre de suivre les résultats des actions de marketing et de
communication de manière globale mais également pour chaque famille de clients et
pour chaque point de contacts. Pour certains points de contacts comme le digital, il
peut même y avoir des résultats quotidiens qui permettent de réagir avec rapidité.
On peut aussi mesurer l’image de la marque. C’est un levier puissant. Renault a ainsi
chiffré à 300 euros par véhicule son déficit d’image par rapport aux concurrents et
qu’il a compensé par des promotions. Ce définit d’image avec 2 millions de
véhiculent vendu par an, correspond à une perte de 600 millions d’euros
En conclusion de cette partie, on peut dire que la CMI permet de mettre en
place des stratégies marketing et communication efficace, améliorant la synergie entre
les media et un suivi qualitatif et quantitatif des actions marketing. Ce suivi n’est
malheureusement pas encore possible dans toutes les fonctions marketing et
communication, notamment les fonctions traditionnelles qui sont difficiles à
quantifier.
49
CONCLUSION
Le marketing et la communication ont subi des évolutions majeures dû à (a)
une baisse de l’impact de la publicité traditionnelle à travers les media de masse ; (b)
le développement de nouveaux usages multimédia ; (c) une attente croissante des
annonceurs de mieux estimer l’efficacité du budget du marketing et de la
communication et (d) le retour du consommateur au centre de la prise de décision des
entreprises.
La CMI place le consommateur au centre des décisions et permet de construire
une relation durable avec tous les publics de l’organisation autour d’une stratégie de
marque globale et cohérente. Dans ce contexte, la CMI devrait s’imposer comme une
méthode inévitable pour la mise en place de la stratégie de marque des grandes
entreprises en répondant à trois objectifs :
(1) Développer une idée centrale de marque et mettre en place un plan de
marketing et de communication qui coordonne efficacement les messages et
les points de contacts
(2) Evaluer de manière plus spécifique et précise les typologies de
consommateur afin de sélectionner les techniques marketing et canaux de
communication les plus influents pour chaque public de la marque
(3) Optimiser le Retour sur Investissement des actions marketing, les évaluer
et les améliorer en continu.
Cependant, trop d’entreprises ont placé le marketing et la communication au
second plan. Décriée par les consommateurs et vécue comme une fonction créative
déconnectée de la performance réelle des entreprises, la publicité est notamment
devenue une commodité. Avec le digital, le marketing devient une source de
productivité très puissante au service de résultats rapidement mesurables.
D’ailleurs, au delà de la CMI, c’est le développement du digital qui a
bouleversé la manière même de faire du marketing, ne serait-ce que dans
l’automatisation des actions. Les nouvelles technologies permettent aux organisations
de synchroniser l’ensemble des fonctions du marketing et de la communication afin
50
de répondre aux objectifs business de l’entreprise de manière plus appropriée et
objective. Le digital est devenu incontournable dans les dispositifs media et relève
aussi de la volonté des marques d’impliquer leurs publics dans leurs démarches
marketing. A l’ère du digital, les données des consommateurs sont mieux maîtrisées et
pilotent le futur de l’entreprise au delà du marketing.
La clé du succès de la CMI est aujourd’hui dans le couple Annonceurs-Agence
et dans sa capacité à faire évoluer l’écosystème du marketing et de la communication
ensemble. D’un coté, les annonceurs doivent développer un esprit de curiosité sur les
campagnes intégrés et les nouvelles techniques de communication mesurables et
transformatives. De l’autre, les agences de communication doivent faire évoluer leurs
offres et proposer aux annonceurs des stratégies multicanales innovantes. Un premier
pas a été fait par les agences qui réunissent sous un même toit toutes les expertises de
la communication et du marketing. Elles proposent ainsi des stratégies de marque
globale et facilitent les interactions entre les métiers. Enfin, les régies media doivent
développer des outils de mesure performants pour évaluer les synergies et faciliter les
campagnes intégrées. Par exemple, la régie de TF1 a inventé il y a quelques jours le
CPV, pour «coût par visionnage». Ce service, qui sera opérationnel début 2013,
permet de facturer aux annonceurs uniquement les vidéos publicitaires regardées dans
leur totalité. Pour l'instant, cette nouvelle offre n'est possible que pour les vidéos
regardées sur ordinateur mais c’est un premier pas vers des dépenses de
communication mieux maîtrisées et basées sur le ROI.
51
GLOSSAIRE
(Source : www.définitions-marketing.com)
4P ou Marketing Mix : c’est l’ensemble des décisions et actions marketing prises
pour assurer le succès d’un produit ou d’un service sur un marché donné. On
considère traditionnellement que les décisions et actions du marketing mix sont prises
dans 4 grands domaines qui sont : la politique produit, la politique de prix, la politique
de communication, la politique de distribution. La mise en œuvre du marketing mix
doit permettre d’atteindre les objectifs découlant de la stratégie marketing. Les
décisions prises au sein des différentes variables ou politiques sont interdépendantes
et doivent être cohérentes. Le marketing mix est aussi appelé 4P à cause des initiales
de ces 4 termes en anglais (Product, Price, Promotion, Placement). Des "P"
complémentaires comme People, Process et Physical support sont apparus plus tard
mais on peut considérer qu’ils étaient déjà inclus dans les 4P initiaux.
CRM (Customer Relationship Management) : en Français Gestion de la relation
client (G.R.C.), le CRM correspond à la gestion plus ou moins personnalisés de la
relation commerciale qu'une marque souhaite entretenir avec ses clients. L'objectif est
de parvenir à fidéliser ces clients en répondant le mieux possible à leurs attentes et en
les fidélisant. La démarche repose sur l'idée que la prospection de nouveaux clients
est plus coûteuse, notamment dans un environnement hautement concurrentiel, que la
sédentarisation de ceux qui figurent déjà dans le portefeuille clients de l'entreprise
et/ou de la marque.
Direct Marketing: le marketing direct regroupe l’ensemble des actions de
communication personnalisées ou individualisées ayant pour vocation de susciter une
réponse plus ou moins immediate de la part du destinataire (commande, demande de
devis, appel sur n° vert). On estime généralement que le marketing direct se
singularise des autres modes d’actions marketing et notamment de la publicité par le
fait qu’une campagne de marketing direct (1) propose un message personnalisé, (2)
soit adressée à partir d’un fichier (adresse, numéro de téléphone,..), (3) permette de
mesurer plus ou moins précisément les résultats obtenus (taux de réponse, taux de
transformation, nombres et montants de commandes, etc.
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Mobile Marketing: Le marketing mobile regroupe l’ensemble des techniques
marketing basées sur l’utilisation du téléphone mobile. A ses débuts, le marketing
mobile était essentiellement basé sur l’émission ou la réception de SMS, mais son
univers s’est élargi avec les applications multimédias et les possibilités de
géolocalisation. Le marketing mobile comprend maintenant la publicité sur mobile
effectuée sur les versions mobiles des sites ou à partir d’applications de type
application iPhone.
Open Data : ouverture à des tiers des données d’une organisation qui étaient
auparavant en interne. Ainsi, ces tiers peuvent manipuler, agréger et utiliser ces
données pour développer de nouvelles applications. Exemple : quand Suez
environnement a ouvert ses données sur les réseaux d’assainissement de Bordeaux, la
ville les a croisé à des cartes pluviométriques. Cela a permis de créer une application
pour lutter contre les inondations et augmenter la sécurité des agents. Surtout, les
entreprises pourront innover puissamment et de créer des produits jusqu’à lors
impossible. Les entreprise d’un même marché peuvent échanger les données sur la
filière pour mieux anticipé les évolutions ou consolidé les statistiques général.
Points de contacts : le point de contact est ce qui relie la marque avec le
consommateur - avant, pendant et après la transaction. On parle aussi de « Moment of
Truth ».
Street marketing: c’est une technique marketing qui utilise la rue et les lieux publics
pour promouvoir un évènement, un produit ou une marque. Le street marketing utilise
généralement l’événementiel, de la distribution de tracts ou flyers ou différentes
formes originales d’affichage. Par nature, le street marketing regroupe un ensemble de
techniques et pratiques variées et innovantes. Le street marketing cherche à combiner
puissance (nombre de contacts exposés) et impact en terme d’image et de
mémorisation.
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55
Annexe 1 : Entretien avec X, ancien PDG de l’agence de
communication intégrée W et président de l’agence Y
G2LR : Quel est le problème majeur que vous rencontrez avec les annonceurs qui
souhaitent mettre en place une stratégie CMI ?
LH : Le problème chez certains de nos clients, c'est qu'ils ont une structure
organisationnelle centrée sur la gestion des produits. A force de penser que leur métier
est de commercialiser des produits, ils oublient de se concentrer sur les besoins et
finissent par proposer des produits qui ne correspondent pas totalement à ce que
souhaite les consommateurs. Ils ont des usines, ils doivent faire des produits dans les
usines et ensuite ils doivent trouver quelqu'un pour les acheter. Dans ce type de
situation, il est très difficile pour eux d’être accès sur les clients lors de la réflexion.
Trop souvent les marketeurs pensent que se sont les caractéristiques de leur produit,
dont ils sont d’ailleurs extrêmement fiers, qui feront la différence. Mais ils oublient
l’importance donnée à l’image du produit et sa cohérence avec la marque. Ils vont
ainsi faire attention à des petits détails dont les consommateurs se foutent. Un bon
exemple de marketing foireux, c’est celui de MENNEN E, le déodorant à la vitamine
E. Les mecs sont sûrs de faire un carton et c’est un gros bide. Car ils n’ont pas analysé
de manière appropriée les attentes de leurs consommateurs. Et ces derniers ne sont pas
impressionnés par un déodorant à la vitamine E.
G2LR : D’accord. Mais n’est-il pas de plus en plus difficile d’impressionner les
consommateurs aujourd’hui, surtout quand on est dans des produits de
consommation de tous les jours ?
LH : le problème avec les entreprises commercialisant des produits de consommation
quotidien, c'est qu'ils n'ont pas la moindre idée de qui sont leurs consommateurs. Ils
savent juste que c’est un groupe de femmes ou d’hommes entre 18 et 49 ans et qu’ils
habitent dans tel région. Il faut aller au delà des simples données démographiques et
économiques. Il faut rentrer dans la psychologie du consommateur. Cela ne veut pas
dire qu’il faut juste se balader en rase campagne en weekend. Le marketing et la
communication doivent aller au delà du feeling ! Les agences de communication ont
toutes des bureaux d’études du consommateur. Faites nous confiance (rire).
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G2LR : Selon vous, quel est le point le plus important de la CMI ?
LH : Les outils de mesure homogène sont certainement le point le plus critique de la
CMI à mes yeux. Les annonceurs sont très demandeurs de mesure du ROI et de KPIs
lorsqu’on leur propose nos campagnes de communication. Cela permet de justifier nos
investissements. Et eux espère ainsi nous payer à la performance, ce qui risque
d’arriver un moment ou à un autre. Je n’ai pas peur de ça et je pense que ça permettra
aux bonnes agences de se renforcer et aux mauvaises de s’améliorer, ou de partir.
Par ailleurs, les outils de mesure du ROI permettent de mieux faire comprendre à nos
consultants pourquoi nous ne les avons pas impliqué dans la stratégie. Les chiffres
sont factuels, ils légitiment nos choix. Et ils montrent aussi l’importance de travailler
de manière intégrer et de casser l’organisation de campagne en silos !
G2LR : Et comment faites vous pour calculer le ROI sur les media traditionnels ?
Le ROI est plus difficile à calculer sur les media traditionnels que sur le digital c’est
certain ! C’est la raison pour laquelle il faut toujours séparer la communication de
marque globale des actions de communication ciblées. Il y a tout d’abord la
communication globale de la marque (communication corporate) qui touche des cibles
stratégiques larges sur les grands media et ne s’appuie pas sur des indicateurs de
performances très précis ; et il y a les communications personnalisées qui touchent
des familles stratégiques précises de consommateurs à travers des points de contact
adaptés. Mais attention à ne pas trop aller sur le terrain du ROI et de la « data à tout
va ». Le marketing et la communication reste un talent. La persuasion est un art. Je ne
sais plus qui disait cela mais je m’en souviens assez pour vous le répéter : « la logique
et l’analyse à outrance peuvent immobiliser et stériliser une idée. Un peu comme
l’amour : plus on l’analyse, plus il part. » Je trouve ça plutôt vrai.
G2LR : Selon vous, quel est le point de blocage le plus important de la CMI ?
LH : Pour moi, le principal point de blocage vient du top management. Des personnes
de grandes qualités se sont battues pour arriver là où ils sont, ils ont leur idées bien
arrêtées et l’expérience pour les conforter et surtout ils savent parfaitement les gérer
les organisations en silos. C’est d’ailleurs la qualité principale que l’on demande à un
sénior : de bonne capacité de pilotage et de management. La CMI n’est pas vraiment
compréhensible pour eux car elle fait sauter une partie de leur responsabilité en
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théorie. Je pense que l’implication des séniors, des chefs de départements est plus que
primordiale pour la mise en place d’une stratégie intégrée.
Je pense aussi que les idées révolutionnaires prendre un certain temps pour les gens de
les comprendre. Il faut que les jeunes générations changent les choses aussi.
Annexe 2 : Entretien avec Florence Benoit Moreau, Co-
directrice du Master CMI de Dauphine
G2LR : Un exemple de mise en place de la CMI
FBM : Chez Philips. Le merchandising est une direction, le CRM est une direction,
etc. Du coup, les communications n’étaient jamais intégrées et jamais unifiées. Ils ont
alors créé un poste de directeur de la communication transversale à toutes les marques
pour que les disciplines ne soient pas chacune de leur coté mais qu’il y ai une vrai
intégration des marques de Philips. Modulo un truc, c’est les RP. Typiquement
comme c’est un sujet du président, il y a un directeur RP rattaché au PDG parce que
ca touche tout le business, du corporate au produit. Finalement les DG veulent l’avoir
à coté. Le directeur de la communication de Philips avait donc tout sauf les RP. Il est
au même niveau que les directeurs marketing, c’est à dire rattaché au président.
G2LR : Est ce que ce n’est pas en fonction de l’image de marque qu’on va établir
la gamme de produit proposé à ses clients pour assurer la cohérence ?
FBM : Ca dépend un peu des entreprises. Y’a des entreprises ou l’image de marque
est très forte et c’est un peu elle qui gouverne les produit. Mais y’a des entreprises ou
c’est la R&D qui gère et la marque est un peu plus fourre tout. C’est le cas de Philips,
ils produisent du contenu de marque indépendamment de la création produite. Ils
pensent par marché : buco dentaire, etc.
G2LR : L’ère des chefs produits est terminée d’après Don E. SCHLUTZ. Il faut
arrêter de penser produit pour penser consommateur. Par quoi on le remplace
FBM : Maintenant il faut résonné autour d’un usage, de marché, un type de
consommation pour bien pour résonner de manière alternative mais c’est pas si facile
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notamment industriellement. C’est pas évident. Y’a des chefs de marque par contre
aujourd’hui. La R&D pense en ligne de produit et le chef de marque plus par marché.
G2LR : Autre sujet important de la CMI, la mesure. Ou en est –on aujourd’hui ?
FBM : On en parle vachement du ROI mais ce n’est pas si évident à calculer.
Typiquement quand on est dans un mode de customer journey, si on essaye de
comprendre les points de contacts avec la marque dans la journée, souvent il y en a eu
une multitude et quel a été le truc qui a déclenché. On sa souvent associer cela au
dernier point de contact, en bannière sur le web très bien on peut tout attribuer au clic,
mais c’est peut être l’ami qui vous a conseiller ou un essai qu’on a fait. Evidemment
sur internet on peut retracer le parcours mais on ne sait pas vraiment où le reste des
media rentre en compte. Je n’ai jamais vu quelqu’un me montrer du ROI. Si ce n’est
sur le web mais du coup c’est dans l’écosystème isolé du web.
G2LR : On n’a pas réinventé la manière dont on rémunère les agences en
France ?
FBM : En France je n’ai jamais vu ça. LE problème en général c’est que le budget est
très atomisé entre plusieurs agences. Du digital par ci par là, l’agence de pub, etc.
C’est difficile de savoir qui a fait du chiffre sauf sur le digital. Un plan marketing est
rarement confié à une seule agence. J’entendais la semaine dernière, un mec d’une
agence qui travaillait pour un annonceur qui avait découplé l’analyse du buzz sur
internet et le community management ce qui est hallucinant puisque le premier est
censé aidé le second.
G2LR : A avoir trop de coût de coordination, n’y a t’il pas un manque de
réactivité dans la CMI ?
FBM : Les gros canaux de la CMI ne vont pas bouger. La remise en question
stratégique ne se fait pas de manière constante et il faut rester quand même dans une
logique métier. C’est juste qu’une personne rattachée à la direction générale qui est le
grand ordonnanceur de la stratégie de marque.
Un plan marketing est rarement confié à une seule agence. Les annonceurs découplent
même des métiers similaires : buzz et community management alors que c’est très
proche. Donc il est encore plus difficile de collaborer. Y’a pas de limite à la
séparation
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G2LR : Quand on regarde la théorie, tout est incroyablement bien pensé. En
pratique, la CMI ne semble réussir tout ce que la théorie promet. Une
explication ? Est on dans une utopie ?
FBM : Un certain nombre de botes sont bien intégrés mais ne le disent pas comme ca.
C’est aussi l’organisation et les personnes qui font qu’ils communiquent bien sur leur
sujet. Par exemple Audi, c’est un bon exemple. Ils ont projet marque est bien encré
depuis 10/15 ans et quand on regarde leur campagnes, on à l’impression qu’il y a une
vision globale, bien intégrée à chaque support. La CMI ne veut pas dire ultra ciblé. Ca
veut juste dire bien voir investigué tous ses publics cibles et peut être aller chercher
certains publics auxquels on aurait pas penser au départ.
G2LR : Qu’est ce qui manque à la CMI ?
FBM : Un vrai outil méthodologie et stratégique qui permet d’avoir ce qui est le levier
clé du business, celui des points de contact, qui permet de comprendre la synergie des
media. Il faut dépasser l’échelle qualitative. On reste encore à l’échelle de l’intuition.
Beaucoup de boite ont une idée de la CMI mais le fond de manière inexpérimentée.
Philips s’est rendu compte pour ses brosses à dent électrique que le prescripteur était
le dentiste. Mais cette découverte se fait de manière intuitive, pas par les chiffres. La
CMI, C’est un peu M. Jourdain qui fait de la prose sans savoir que c’est de la prose.
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