genres theatraux

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  • 7/28/2019 Genres Theatraux

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    Les genres thtraux

    Tche-problme finale

    Au terme de la squence de leons, les lves seront capables : de dfinir les diffrents genres thtraux, cest--dire la tragdie, lacomdie, la tragi-comdie et le drame ;

    dopposer ou de rapprocher les diffrents genres ; didentifier, dans un extrait de texte ou dans un texte complet, les

    caractristiques propres chaque genre ; de caractriser un extrait inconnu ou une pice inconnue partir des

    caractristiques des genres ; dutiliser les dfinitions des genres pour caractriser les pices de

    thtre du XXe sicle.

    1re heure de cours : approche des diffrents genres(1re partie)

    Former six groupes de cinq lves.

    Distribuer deux rsums de textes diffrents ainsi quun questionnaire chaque groupe dlves.Rsums proposs :

    o RACINE,Andromaqueo MOLIRE, Le malade imaginaireo CORNEILLE, Le cido MARIVAUX, La Double Inconstanceo BEAUMARCHAIS, Le mariage de Figaroo HUGO, Ruy Blas

    Consigne : Individuellement, lisez attentivement les deux rsums proposs.Ensuite, en groupe, tentez de rpondre aux quelques questions qui vous

    permettront disoler certaines caractristiques propres chaque genre.Si vous vous aider de connaissances extrieures au texte, prcisez-le.

    Laisser travailler les lves durant toute lheure, tout en rpondant leurs questions.

    2e heure de cours : approche des diffrents genres (2e

    partie)

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    Avant la prsentation de lanalyse, les lves reprsenteront lextraittudi.

    Aprs chaque prsentation, donner aux lves les rfrences delextraits quils ont analys.

    Synthse danalyseVoir avec les lves si lanalyse des extraits apporte quelque chose deplus la synthse dj labore.

    5e heure de cours : synthse des genres thtraux lethtre du XXe sicle (1re partie)

    Distribution et lecture de la synthse des genres thtraux.

    Bref panorama introductif du thtre contemporain.

    6e heure de cours : le thtre du XXe sicle (2e partie)

    Demander aux lves de former 4 groupes (2 groupes de 7 et 2 groupesde 8).

    Distribuer chaque groupe un rsum de texte, lextrait qui

    laccompagne, ainsi que le questionnaireRsum et extraits proposso Jean ANOUILH,Antigone affrontement dAntigone et Cron (extrait)o Eugne IONESCO, La Cantatrice Chauve Scne 1o Albert CAMUS, Les Justes Acte deuxime (extrait)o Samuel BECKET, En attendant Godot Acte premier (dbut) et acte

    deuxime (fin)

    Consigneso 1re lecture

    Lisez attentivement le rsum puis lextrait. Pouvez-vous, grce aursum, reprer certaines caractristiques que nous avons dj vueset qui permettraient de dfinir le genre de cette pice ?

    o 2e lecture Relisez attentivement lextrait. Rpondez ensuite au questionnaire.Les informations quil vous apporte vous permettent-elles de classer lapice dans un genre particulier ? Si oui, lequel ? Vous pouvez bienentendu vous servir du rsum si lextrait ne vous semble pas assezparlant. Dans ce cas, isolez bien les lments qui ont t tirs delanalyse et ceux tirs du rsum

    Laisser travailler les lves en groupe durant toute lheure.

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    7e heure de cours : le thtre du XXe sicle (3e partie)

    Rpartition des tches :Chaque groupe dsigne un lve pour lire le rsum et un autre exposerlanalyse. Avant de commencer lanalyse, reprsentation de lextraitpar les lves.De plus, chaque groupe dsignera un secrtaire pour prendre desnotes durant les exposs des autres groupes.

    Consignes aprs les exposs Toujours en groupe, tentez de rassembler les diffrentes informationsque vous avez entendues ici afin disoler les ressemblances et lesdivergences entre le thtre classique et le thtre du XXe sicle.

    Mise en commun des informations retenues par les lves qui servirontpour laborer une synthse.

    8e heure de cours : synthse sur le thtre du XXe sicle

    Lecture de la synthse sur le thtre au XXe sicle.

    Si le temps le permet, rapprochement du thtre contemporain et de lapeinture pour montrer que les modifications ne sont font pas uniquementen littrature mais aussi dans les autres arts.

    Bibliographie des ouvrages utiliss pour les leons

    ARON (P.), SAINT-JACQUES (D.), VIALA (A.), Le dictionnaire du littraire, Paris,PUF, 2002.

    COLL., Histoire de la littrature franaise. Tome 2 : XVIIIe, XIXe, XXe sicles,Paris, Nathan, 1988.

    DE BEAUMARCHAIS (J.-P.), COUTY (D.), Dictionnaire des Grandes uvres de

    la littrature franaise, Paris, Larousse-Bordas, 1997. DE BEAUMARCHAIS (J.-P.), COUTY (D.), Dictionnaire des uvres littraires de

    langue franaise, Paris, Bordas, 1994. DE BEAUMARCHAIS (J.-P.), COUTY (D.), REY (A.), Dictionnaire des littratures

    de langue franaise, Paris, Bordas, 1987. DUMORTIER (J.-L.), De Shakespeare Sartre, Wavre-Wommelgem, Van-In,

    2002. SABBAH (H.), 2nd littrature, Paris, Hatier, 2000. pp.230-246.

    Documents proposs aux lves

    Rsums de pices Approche des genres thtraux : questionnaires

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    Ebauche de synthse sous forme de tableau Extraits de pices Analyse des extraits : questionnaire Les genres thtraux : synthse Rsums et extraits de pices de thtre (XXe sicle) questionnaire

    Panorama introductif et synthse du thtre au XXe

    sicle. Reprsentations de peintures

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    La tragdie

    Jean RACINE,ANDROMAQUE (1667)

    Oreste, le fils d'Agamemnon, est envoy par les Grecs Buthrote pourdemander Pyrrhus, roi d'pire, qu'il lui livre Astyanax, le fils de sacaptive troyenne Andromaque. Or Pyrrhus aime Andromaque et dlaisse sa fianceHermione, fille d'Hlne. Pour Oreste, qui n'a cess d'aimer en vain Hermione,l'espoir renat. Pyrrhus s'est oppos la demande d'Oreste, mais exiged'Andromaque, pour prix de la scurit de son fils, qu'elle l'pouse (Acte I).Hermione, qui Oreste est venu dclarer la constance de son amour, lerepousse, et, pique du refus de Pyrrhus, demande Oreste de renouveler sarequte. Pyrrhus a rflchi et accepte de livrer Astyanax (Acte II). Oreste,voyant son espoir s'vanouir avec cette dcision qui semble loigner Pyrrhusd'Andromaque, projette d'enlever Hermione. Son ami Pylade l'y aidera. Hermionetriomphe et conduit Andromaque venue lui demander de sauver son fils. Celle-ci supplie alors Pyrrhus, qui renouvelle son ultimatum. Elle va se recueillirsur le tombeau de son poux Hector (Acte III). Elle se dcide pouser Pyr-

    rhus mais se tuera juste aprs la crmonie : Astyanax sera alors sauv.Hermione, bafoue par Pyrrhus, exige d'Oreste comme preuve d'amour qu'il letue (Acte IV). Oreste vient annoncer la mort de Pyrrhus Hermione. Loin delui accorder sa main, furieuse, elle le chasse et se suicide. L'apprenant,Oreste devient fou, laissant Andromaque prendre le royaume en main (Acte V).

    Rsum tir de DE BEAUMARCHAIS (J.-P.), COUTY (D.), Dictionnaire des Grandesuvres de la littrature franaise, Paris, Larousse-Bordas, 1997, p.54.

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    La comdie

    MOLIRE, Le malade imaginaire (1673)

    Flore annonce aux bergers et aux bergres le retour victorieux du roi. Leslouanges de Tircis et de Dorilas clbrent ses exploits guerriers, puis latroupe agreste se prpare le dlasser de ses glorieuses fatigues par unecomdie (Prologue).Argan, le malade imaginaire , fait le compte de ce que lui cotent les soinsincessants de son apothicaire, M. Fleurant, ordonnes par son mdecin , M.Purgon. La note est leve, mais les traitements jamais assez nombreux songr, mme sils lui valent les railleries de Toinette, sa servante. Anglique,fille dArgan, fait confidence celle-ci de son amour pour Clante ; mais cestune autre demande en mariage celle du mdecin Diafoirus pour son fils Thomas quArgan sapprte exaucer. Il se prpare aussi lguer tous les biens dontil peut disposer sa seconde femme, lhypocrite Bline (Acte I). Le vieux

    Polichinelle vient dans la nuit donner la srnade Toinette, dont il estamoureux ; mais il est interrompu par des violons, puis par des archers du guet(Premier intermde).Clante sintroduit auprs dAnglique en se faisant passer pou un matre demusique ; Argan cependant tient assister la leon. Sur ce, arrive lesDiafoirus pre et fils pour la demande en mariage. Aprs un grotesque change decompliment, Argan pris Clante de faire chanter sa fille devant la compagnie :leur duo improvis prend la forme dune dclaration damour, laquelle le premet fin brusquement. Anglique refuse de sengager avec Thomas Diafoirus. Apeine sortie, elle retrouve Clante, mais leur entretien est rapport Arganpar Bline et par Louison ,al jeune sur dAnglique (Acte II) Survient lefrre dArgan, Bralde, qui distrait le malade par des chants et des dansesde plusieurs Egyptiens et Egyptiennes (Deuxime intermde).

    Bralde tente dappuyer auprs dArgan les intrts dAnglique et de le fairerevenir de ses illusions sur la mdecine. Il soppose ladministration dunlavement son frre ; do la fureur de M. Purgon, qui abandonne Argan et leprojet de mariage avec Thomas Diafoirus son neveu. Mais un autre mdecin leremplace linstant : il sagit de Toinette dguise, qui procde uneconsultation burlesque. Redevenue elle-mme, elle suggre son matre decontrefaire le mort afin dprouver laffection des siens. A ce jeu,lhypocrisie de Bline est dmasque et lamour dAnglique pour son pre estmis en lumire. Argan noppose plus aux vux de sa fille que son propre souhaitdavoir un gendre mdecin, mais Bralde lve la difficult en proposant sonfrre dtre lui-mme reu mdecin (Acte III). Ce qui a lieu au cours dunecrmonie dont le droulement constitue le troisime intermde.

    Rsum tir de DE BEAUMARCHAIS (J.-P.), COUTY (D.), Dictionnaire des Grandesuvres de la littrature franaise, Paris, Larousse-Bordas, 1997, p.759.

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    La tragi-comdie

    Pierre CORNEILLE, Le Cid(1637)

    A Sville, lpoque de la Reconqute, Chimne apprend d'Elvire, saconfidente, que son pre, le comte de Gormas, soutien du royaume, accepte qu'ellepouse Rodrigue, le fils du vieux don Digue. L'infante dit Lonor, sagouvernante, sa passion impossible pour Rodrigue, indigne delle ; elles'en est dfendue en favorisant son union avec Chimne. Mais le comte, quisest vu prfrer don Digue pour le poste de gouverneur du Prince (le filsdu roi don Fernand) soufflette son rival, qui charge Rodrigue de le venger(Acte I).

    Faisant fi des pressions royales, le comte refuse de s'excuser, Rodriguelui demande rparation. L'infante rassure Chimne, lui promettant d'empcher leduel. Apprenant que celui-ci a lieu, elle se reprend esprer : Chimne etRodrigue seront irrmdiablement spars. Malgr lapproche des Maures, le roi

    veut punir le comte. Mais Rodrigue l'a tu. Chimne rclame justice etdemande au roi la tte de son amant (Acte II)

    Don Sanche, amoureux d'elle, propose de la venger ; elle prfre attendrel'arrt du roi. Rodrigue se prsente chez elle nuitamment pour soffrir envictime : elle refuse, mais raffirme pourtant, en mme temps que son amour,son dsir de le voir puni. Don Digue incite son fils aller combattre les Maures(Acte III).

    Par son clatante victoire, Rodrigue est devenu le Cid ; Chimnen'oublie pas pour autant son devoir ; l'infante lincite en vain renoncer. Leroi, lui, dclare qu'il restera dsormais sourd ses plaintes ; il couteRodrigue lui raconter la bataille, le fait sortir lorsque Chimne survientet lui laisse entendre que Rodrigue est mort. Bien que sa contenance trahisseson amour, elle persiste rclamer vengeance. Le roi finit par accepter

    quelle dsigne un champion et la promet au vainqueur. D o n Sanche s'avance(Acte IV).Rodrigue vient faire ses adieux Chimne et veut mourir sans

    c o m b a t t r e . Elle le rappelle lhonneur et linvite vaincre pour luiviter un mariage malheureux. Seule, linfante comprend que rien ne spareraChimne et Rodrigue, pourtant devenu digne delle par sa victoire ; ellecontinuera favoriser leur union. Chimne persiste : une victoire deRodrigue ne lempchera pas de rclamer vengeance. Don Sanche parat ; sansle laisser parler, elle dit son amour pour Rodrigue quelle croit mort.

    Mais le roi lui apprend que Rodrigue a vaincu et lui ordonne delpouser. Elle conteste sa dcision ; le roi incite Rodrigue garderconfiance - et poursuivre les Maures jusque chez eux (Acte V) [dernireversion].

    Rsum tir de DE BEAUMARCHAIS (J.-P.), COUTY (D.), Dictionnaire des Grandesuvres de la littrature franaise, Paris, Larousse-Bordas, 1997, p.224-225.

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    Le drame romantique

    Victor HUGO, Ruy Blas (1838)

    Un salon dans le palais du roi, Madrid. Don Salluste de Bazan,disgraci par la reine d'Espagne, Doa Maria de Neubourg, mdite sa ven-geance. II veut se servir d'un cousin dvoy, Don Csar, qui refuse dans unsursaut d'honneur. Ver de terre amoureux d'une toile , Ruy Blas, valetde Don Salluste, rest seul avec Don Csar, lui avoue son amour pour laReine. Ayant tout entendu, Don Salluste fait enlever Don Csar, dicte deslettres compromettantes Ruy Blas et, le couvrant de son manteau, leprsente la cour comme son cousin Csar. II lui ordonne de plaire laReine et d'tre son amant (Acte I. Don Salluste ).

    Un salon contigu la chambre de la Reine. Dlaisse par son poux etprisonnire d'une tiquette tyrannique, la Reine s'ennuie. Reste seule pour sesdvotions, elle rve l'inconnu qui lui a dpos des fleurs et un billet,

    laissant un bout de dentelle sur une grille. Entre Ruy Blas, devenu cuyer de laReine, porteur d'une lettre du roi. Grce la dentelle, la Reine reconnat enlui son mystrieux amoureux, que Don Guritan, vieil aristocrate pris de cettedernire, provoque en duel. Mais la Reine, prvenue, envoie le jaloux en missionchez ses parents Neubourg, en Allemagne (Acte II. La Reine d'Espagne ).

    La salle du gouvernement dans le palais royal. Six mois plus tard, lesconseillers commentent l'ascension de Ruy Blas (portant toujours le nom deDon Csar), devenu Premier ministre, et se disputent les biens de l'Espagne.Ruy Blas les fustige de sa tirade mprisante: Bon apptit, messieurs! LaReine qui, cache, a tout entendu, lui avoue son amour et lui demande desauver le royaume. Rest seul, Ruy Blas s'merveille de cette dclarationquand parat Don Salluste habill en valet, qui, humiliant son domestique,lui commande de se rendre dans une maison secrte et d'y attendre ses ordres

    (Acte Ill. Ruy Blas ).Une petite chambre dans la mystrieuse demeure. Ruy Blas envoie unpage demander Don Guritan de prvenir la Reine : elle ne doit pas sortir.Dgringolant par la chemine, Don Csar, tout en se restaurant, raconte sespicaresques aventures. Un laquais apporte de l'argent pour le faux Don Csar: le vrai le prend. Une dugne vient ensuite confirmer de la part de laReine le rendez-vous, organis en fait par Don Salluste. Don Guritan vientpour tuer Ruy Blas en duel : Don Csar le tue. Arrive Don Salluste, inquiet.Don Csar lui apprend la mort de Guritan et la confirmation du rendez-vous.Don Salluste s'en dbarrasse en le faisant passer pour le bandit Matalobosauprs des alguazils, qui l'arrtent (Acte IV. Don Csar ).

    La mm e cha mbr e, la nu it. Ruy Bla s croit avoir sauv la Reineet veut s'empoisonner. Elle parat cependant, ainsi que Don Salluste, qui,

    savourant sa vengeance, prtend la faire abdiquer et fuir avec Ruy Blas,lequel se dcouvre pour ce qu'il est aux yeux de son amante. Rvolt, ledomestique tue Don Salluste, avale le poison et meurt dans les bras de laReine, qui, se jetant sur son corps, lui pardonne et l'appelle de son nom,Ruy Blas (Acte V. Le Tigre et le Lion ).

    Rsum tir de DE BEAUMARCHAIS (J.-P.), COUTY (D.), Dictionnaire des Grandesuvres de la littrature franaise, Paris, Larousse-Bordas, 1997, p.1101-

    1102.

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    La comdie

    Pierre Carlet de Chamblain de MARIVAUX, La DoubleInconstance (1723)

    Le Prince, pour lpouser, a fait enlever Silvia, bergre amoureused'Arlequin. Malgr les avances de Trivelin, elle sen indigne et refuse presquede manger depuis deux jours. Flaminia sengage dtruire l'amour de Silvia en lattaquant non par lambition , mais par le cur : elle fait venirArlequin la cour et demande au Prince de garder son incognito de simpleofficier du palais , sous lequel il a dj commenc plaire. Elle lanceLisette lassaut d'Arlequin, qui devine vite en une grande coquette .Flaminia dcide de le sduire elle-mme, et de commencer, sur la liste desmauvais tours qu'elle veut jouer leur amour , par laisser les amoureuxlibres de se voir (Acte I). Flatte par Flaminia et courtise par lofficier , Silvia rvle navement lattirance qu'elle prouve pour

    celui-ci ; entrepris par Flaminia, Arlequin prouve le mme embarras : ilfaut que jaime Silvia, il faut que je vous garde. Si1via, dont on a piqula vanit, reconnat ne savoir que, faire dArlequin dans une cour et avoueson trouble lofficier (Acte II). Reste donc rvler Arlequin, en luifaisant craindre une disgrce de Flaminia, quil aime, et lui fairerencontrer le Prince, qui a mission de le toucher par sa douceur. MaisArlequin na pas encore saut le pas ni cd Silvia, quand Flaminia et lui sedisent leur amour, suivi par le Prince et sa bergre, qui croit jusqu' l'aveuaimer un simple officier et qui liquide schement ses amours enfantines : Lorsque je 1ai aim [Arlequin], c*tait un amour qui m'tait venu ; cetteheure je ne laime plus, c'est un amour qui sen est all ; il est venu sansmon avis, il sen retourne de mme ; je ne crois pas tre blmable (ActeIII).

    Rsum tir de DE BEAUMARCHAIS (J.-P.), COUTY (D.), Dictionnaire des Grandesuvres de la littrature franaise, Paris, Larousse-Bordas, 1997, p.382.

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    La comdie

    Pierre-Augustin Caron de BEAUMARCHAIS, Le mariage deFigaro (1784)

    Jour de noces au chteau dAguas Frescas entre Figaro etSuzanne,camriste de Rosine devenue comtesse Almaviva. Mais le comte entendexercer un droit du seigneur auquel il a pourtant officiellement renonc, ou dfaut contraindre Figaro pouser la vieille Marceline. Jeu d'adultes auquelvient se mler le jeune page Chrubin, dans lequel Almaviva croit trouver unrival. Mais, sous la pression de ses vassaux , Almaviva doit confirmer lapuret de ses intentions; quant Chrubin, le gneur, il partira pour l'arme(acte I). Complot entre Figaro, Suzanne et la Comtesse. Celle-ci reoit lepage, qui avoue son amour : motion partage, puis trouble par l'arrive ducomte, dont Suzanne parvient garer les soupons malgr l'interventioninopportune du jardinier Antonio. Marceline vient rappeler ses droits sur

    Figaro (acte II). Passe. d'armes sans rsultat entre Figaro et le Comte, auquelSuzanne feint d'accorder un rendez-vous. ventant la ruse, il dcide de sevenger en obligeant Figaro pouser Marceline. Procs, coup de thtre :Figaro est le fils de Marceline! (acte III). Le plan de la Comtesse : elle iraau rendez-vous du Comte sous les habits de Suzanne. Figaro, tenu dansl'ignorance, se croit tromp (acte IV). Sous les grands marronniers ,Figaro, seul, dresse un bilan amer de son existence. Mais l'obscurit et lesdguisements provoquent une srie de quiproquos o se rconcilient le dsir etla loi : le Comte redcouvre sa femme, et Figaro conquiert enfin la sienne. Tout finit par des chansons (acte V).

    Rsum tir de DE BEAUMARCHAIS (J.-P.), COUTY (D.), REY (A.), Dictionnaire des

    littrature de langue franaise, Paris, Bordas, 1987, p.213.

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    Approche des genres thtraux

    Lis attentivement les rsums des pices qui te sont proposspuis tente de retrouver, grce au questionnaire ci-dessous,

    quelques caractristiques particulires du genre. Si tu te sers deconnaissances personnelles extrieures au texte, si tu procdes pardduction pour rpondre ou si le rsum ne te permet pas detrancher, indique-le.

    A. Qui sont les protagonistes de la pice ?Leurs noms voquent-ils quelque chose de particulier ? autrement dit, lesnoms des personnages permettent-ils de dduire des informations sur lacondition sociale ou le statut des protagonistes de laction ?

    B. Quel est le sujet de la pice ?Do est-il tir (sujet historique, mythologique, romanesque,fantastique) ?

    C. Quels sont, selon toi, le(s) moteur(s) de laction ? autrement dit, quellessont les circonstances qui poussent les personnages agir ? sont-ellesextrieures ou intrieures aux personnages ?

    D. Isole la situation initiale de laction ainsi que son issue car cette derniredtermine souvent le genre auquel appartient la pice.

    E. Au XVIIe sicle, en France, poque laquelle triomphe le classicisme, lesthoriciens du thtre comme Boileau, dans son Art potique,prconisaient de respecter la rgle des trois units (nonce parAristote dans lAntiquit) pour favoriser lillusion raliste. Ces trois unitssont : lunit de temps : laction se passe en 24h maximum lunit de lieu : un lieu unique lunit daction : une seule intriguePenses-tu que cette rgle soit respecte ici ? autrement dit, penses-tuquil sagit dune pice classique ?

    F. La pice est-elle rdige en vers ou en prose ?

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    Personnages

    TITUS empereur de Rome.BRNICE reine de Palestine.ANTIOCHUS roi de Comagne.PAULIN confident de Titus.ARSACE confident d'Antiochus.PHNICE confidente de Brnice.RUTILE Romain.Suite de Titus.

    ACTE IV, Scne 5 BRNICE, TITUS.

    [Titus, aux premiers jours de son empire, annonce Brnice quils doivent sesparer, alors quil laime passionnment et quil avait promis de lpouser]

    ()

    TITUSCar enfin, ma princesse, il faut nous sparer.

    BRNICEAh ! cruel ! est-il temps1 de me le dclarer ?Qu'avez-vous fait ? Hlas ! je me suis crue aime.Au plaisir de vous voir mon me accoutume

    1065 Ne vit plus que pour vous. Ignoriez-vous vos lois,Quand je vous lavouai2 pour la premire fois ? quel excs d'amour m'avez-vous amene !Que ne me disiez-vous : Princesse infortune,O vas-tu t'engager, et quel est ton espoir ?

    1070 Ne donne point un cur qu'on ne peut recevoir. Ne l'avez-vous reu, cruel, que pour le rendre,Quand de vos seules mains3 ce cur voudrait dpendre ?Tout l'Empire a vingt fois conspir contre nous.Il tait temps encor : que ne me quittiez-vous ?

    1075 Mille raisons alors4 consolaient ma misre :Je pouvais de ma mort5 accuser votre pre,Le peuple, le snat, tout l'Empire romain,Tout l'univers6, plutt qu'une si chre main.Leur haine, ds longtemps contre moi dclare,

    1080 M'avait mon malheur ds longtemps prpare.Je n'aurais pas, Seigneur, reu ce coup cruelDans le temps que j'espre un bonheur immortel,Quand votre heureux amour peut tout ce qu'il dsire,Lorsque Rome se tait, quand votre pre expire,

    1085 Lorsque tout l'univers flchit vos genoux,Enfin quand je n'ai plus redouter que vous 7.

    TITUSEt c'est moi seul aussi qui pouvais me dtruire.Je pouvais vivre alors et me laisser sduire.Mon cur se gardait bien d'aller dans l'avenir

    1090 Chercher ce qui pouvait un jour nous dsunir.Je voulais qu' mes vux rien ne ft invincible,Je n'examinais rien, j'esprais l'impossible.

    1Est-il temps :est-ce le moment, n'est-il pas trop tard.

    2L'avouai :avouai le plaisir de vous voir et de vous aimer.

    3Mains : symbole de la puissance et de la volont.

    4Alors :si vous m'aviez alors quitte.

    5Ma mort : mon suicide.6Le peuple... l'univers : gradation.

    7Alternance de quand et de lorsque (v. 1083 1086), dans un souci d'insistanceet de varit.

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    Que sais-je ? J'esprais de mourir vos yeuxAvant que d'en venir ces cruels adieux.

    1095 Les obstacles semblaient renouveler ma flamme.Tout l'Empire parlait. Mais la gloire, Madame,Ne s'tait point encor fait entendre mon curDu ton dont elle parle au cur d'un empereur.Je sais tous les tourments o ce dessein me livre ;

    1100 Je sens bien que sans vous je ne saurais plus vivre,Que mon cur de moi-mme est prt s'loigner ;Mais il ne s'agit plus de vivre, il faut rgner.

    BRNICEH bien ! rgnez, cruel ; contentez votre gloire :

    Je ne dispute8 plus. J'attendais, pour vous croire,1105 Que cette mme bouche, aprs mille serments

    D'un amour qui devait unir tous nos moments,Cette bouche, mes yeux s'avouant infidle,M'ordonnt elle-mme une absence ternelle.Moi-mme j'ai voulu vous entendre en ce lieu.

    1110 Je n'coute plus rien, et pour jamais, adieu.Pour jamais ! Ah ! Seigneur, songez-vous en vous-mmeCombien ce mot cruel est affreux quand on aime ?Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous,Seigneur, que tant de mers me sparent de vous ?

    1115 Que le jour recommence et que le jour finisseSans que jamais Titus puisse voir Brnice,Sans que de tout le jour je puisse voir Titus ?Mais quelle est mon erreur, et que de soins perdus !L'ingrat, de mon dpart consol par avance,

    1120 Daignera-t-il compter les jours de mon absence ?Ces jours si longs pour moi lui sembleront trop courts.

    ()

    BRNICEVous ne comptez pour rien les pleurs de Brnice.

    TITUSJe les compte pour rien ? Ah ! ciel ! quelle injustice !

    BRNICEQuoi ? pour d'injustes lois que vous pouvez changer,

    1150 En d'ternels chagrins9 vous-mme vous plonger ?Rome a ses droits, Seigneur : n'avez-vous pas les vtres ?Ses intrts sont-ils plus sacrs que les ntres ?Dites, parlez.

    TITUSHlas ! Que vous me dchirez !

    BRNICEVous tes empereur, Seigneur, et vous pleurez !

    8Dispute : discute

    9Chagrins : douleurs (sens fort)

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    Personnages

    MADAME PERNELLE, mre d'Orgon.ORGON, mari d'Elmire.ELMIRE, femme d'Orgon.DAMIS, fils d'Orgon.MARIANE, fille d'Orgon et amante de Valre.VALRE, amant de Mariane.CLANTE, beau-frre d'Orgon.TARTUFFE, faux dvot.DORINE, suivante de Mariane.MONSIEUR LOYAL, sergent.UN EXEMPT.FLIPOTE, servante de Madame Pernelle.

    La scne est Paris.

    ACTE I, Scne premire - MADAME PERNELLE et FLIPOTE, sa servante,ELMIRE, DAMIS, MARIANE, DORINE, CLANTE.

    MADAME PERNELLE

    Allons, Flipote, allons, que d'eux je me dlivre.

    ELMIREVous marchez d'un tel pas qu'on a peine vous suivre.

    MADAME PERNELLELaissez, ma bru, laissez, ne venez pas plus loin:Ce sont toutes faons dont je n'ai pas besoin.

    ELMIREDe ce que l'on vous doit envers vous on s'acquitte.Mais, ma mre, d'o vient que vous sortez si vite?

    MADAME PERNELLEC'est que je ne puis voir tout ce mnage-ci,Et que de me complaire on ne prend nul souci.Oui, je sors de chez vous fort mal difie:Dans toutes mes leons j'y suis contrarie,On n'y respecte rien, chacun y parle haut,Et c'est tout justement la cour du roi Ptaut.

    DORINESi...

    MADAME PERNELLEVous tes, mamie, une fille suivante

    Un peu trop forte en gueule, et fort impertinente:Vous vous mlez sur tout de dire votre avis.

    DAMISMais...

    MADAME PERNELLEVous tes un sot en trois lettres, mon fils.C'est moi qui vous le dis, qui suis votre grand'mre;Et j'ai prdit cent fois mon fils, votre pre,Que vous preniez tout l'air d'un mchant garnement,Et ne lui donneriez jamais que du tourment.

    MARIANEJe crois...

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    MADAME PERNELLEMon Dieu, sa soeur, vous faites la discrte,Et vous n'y touchez pas, tant vous semblez doucette;Mais il n'est, comme on dit, pire eau que l'eau qui dort,Et vous menez sous chape un train que je hais fort.

    ELMIREMais, ma mre...

    MADAME PERNELLEMa bru, qu'il ne vous en dplaise,Votre conduite en tout est tout fait mauvaise;Vous devriez leur mettre un bon exemple aux yeux,Et leur dfunte mre en usait beaucoup mieux.Vous tes dpensire; et cet tat me blesse,Que vous alliez vtue ainsi qu'une princesse.Quiconque son mari veut plaire seulement,Ma bru, n'a pas besoin de tant d'ajustement.

    CLANTEMais, Madame, aprs tout...

    MADAME PERNELLEPour vous, Monsieur son frre,Je vous estime fort, vous aime, et vous rvre;Mais enfin, si j'tais de mon fils, son poux,Je vous prierais bien fort de n'entrer point chez nous.Sans cesse vous prchez des maximes de vivreQui par d'honntes gens ne se doivent point suivre.Je vous parle un peu franc; mais c'est l mon humeur,Et je ne mche point ce que j'ai sur le coeur.

    DAMISVotre Monsieur Tartuffe est bien heureux sans doute.

    MADAME PERNELLEC'est un homme de bien, qu'il faut que l'on coute;Et je ne puis souffrir sans me mettre en courrouxDe le voir querell par un fou comme vous.

    DAMISQuoi? je souffrirai, moi, qu'un cagot de critiqueVienne usurper cans un pouvoir tyrannique,Et que nous ne puissions rien nous divertir,Si ce beau monsieur-l n'y daigne consentir?

    DORINE

    S'il le faut couter et croire ses maximes,On ne peut faire rien qu'on ne fasse des crimes;Car il contrle tout, ce critique zl.

    MADAME PERNELLEEt tout ce qu'il contrle est fort bien contrl.C'est au chemin du Ciel qu'il prtend vous conduire,Et mon fils l'aimer vous devrait tous induire.

    DAMISNon, voyez-vous, ma mre, il n'est pre ni rienQui me puisse obliger lui vouloir du bien:Je trahirais mon coeur de parler d'autre sorte;

    Sur ses faons de faire tous coups je m'emporte;J'en prvois une suite, et qu'avec ce pied platIl faudra que j'en vienne quelque grand clat.

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    DORINECertes c'est une chose aussi qui scandalise,De voir qu'un inconnu cans s'impatronise,Qu'un gueux qui, quand il vint, n'avait pas de souliersEt dont l'habit entier valait bien six deniers,En vienne jusque-l que de se mconnatre,De contrarier tout, et de faire le matre.

    MADAME PERNELLEH! merci de ma vie! il en irait bien mieux,Si tout se gouvernait par ses ordres pieux.

    DORINEIl passe pour un saint dans votre fantaisie:Tout son fait, croyez-moi, n'est rien qu'hypocrisie.

    MADAME PERNELLEVoyez la langue!

    DORINE lui, non plus qu' son Laurent,

    Je ne me fierais, moi, que sur un bon garant.

    MADAME PERNELLEJ'ignore ce qu'au fond le serviteur peut tre;Mais pour homme de bien, je garantis le matre.Vous ne lui voulez mal et ne le rebutezQu' cause qu'il vous dit tous vos vrits.C'est contre le pch que son coeur se courrouce,Et l'intrt du Ciel est tout ce qui le pousse.

    DORINEOui; mais pourquoi, surtout depuis un certain temps,Ne saurait-il souffrir qu'aucun hante cans?

    En quoi blesse le Ciel une visite honnte,Pour en faire un vacarme nous rompre la tte?Veut-on que l-dessus je m'explique entre nous?Je crois que de Madame il est, ma foi, jaloux.

    MADAME PERNELLETaisez-vous, et songez aux choses que vous dites.Ce n'est pas lui tout seul qui blme ces visites.Tout ce tracas qui suit les gens que vous hantez,Ces carrosses sans cesse la porte plants,Et de tant de laquais le bruyant assemblageFont un clat fcheux dans tout le voisinage.Je veux croire qu'au fond il ne se passe rien;

    Mais enfin on en parle, et cela n'est pas bien.

    CLANTEH! voulez-vous, Madame, empcher qu'on ne cause?Ce serait dans la vie une fcheuse chose,Si pour les sots discours o l'on peut tre mis,Il fallait renoncer ses meilleurs amis.Et quand mme on pourrait se rsoudre le faire,Croiriez-vous obliger tout le monde se taire?Contre la mdisance il n'est point de rempart. tous les sots caquets n'ayons donc nul gard;Efforons-nous de vivre avec toute innocence,Et laissons aux causeurs une pleine licence.

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    Personnages

    Don Fernand premier roi de Castille.Doa Urraque infante de Castille.Don Digue pre de don Rodrigue.Don Goms comte de Gormas, pre de Chimne.Don Rodrigue amant de Chimne.Don Sanche amoureux de Chimne.Don Arias

    Gentilshommes castillansDon AlonseChimne fille de don Goms.Lonor gouvernante de l'Infante.Elvire gouvernante de Chimne.Un page de l'Infante.

    La scne est Sville.

    ACTEPREMIER, Scne V DON DIGUE, DON RODRIGUE

    DON DIGUERodrigue, as-tu du coeur ?

    DON RODRIGUETout autre que mon pre

    L'prouverait sur l'heure.

    DON DIGUEAgrable colre !

    Digne ressentiment ma douleur bien doux !Je reconnais mon sang ce noble courroux ;

    265 Ma jeunesse revit en cette ardeur si prompte.Viens, mon fils, viens, mon sang, viens rparer ma honte ;Viens me venger.

    DON RODRIGUEDe quoi?

    DON DIGUED'un affront si cruel,

    Qu' l'honneur de tous deux il porte un coup mortel :D'un soufflet. L'insolent en et perdu la vie ;

    270 Mais mon ge a tromp ma gnreuse envie :Et ce fer que mon bras ne peut plus soutenir,Je le remets au tien pour venger et punir.Va contre un arrogant prouver ton courage :Ce n'est que dans le sang qu'on lave un tel outrage;

    275 Meurs ou tue. Au surplus, pour ne te point flatter10,

    Je te donne combattre un homme redouter :Je l'ai vu, tout couvert de sang et de poussire,Porter partout l'effroi dans une arme entire.J'ai vu par sa valeur cent escadrons rompus11 ;

    280 Et pour t'en dire encor quelque chose de plus,Plus que brave soldat, plus que grand capitaine,C'est...

    DON RODRIGUEDe grce, achevez.

    DON DIGUELe pre de Chimne. `

    10Flatter : tromper11Rompus : dfaits (terme militaire)

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    DON RODRIGUELe...

    DON DIGUENe rplique point, je connais ton amour;

    Mais qui peut vivre infme est indigne du jour.285 Plus l'offenseur est cher, et plus grande est l'offense.

    Enfin tu sais l'affront, et tu tiens la vengeance :Je ne te dis plus rien. Venge-moi, venge-toi ;Montre-toi digne fils d'un pre tel que moi.

    Accabl des malheurs o12 le destin me range13,290 Je vais les dplorer14 : va, cours, vole, et nous venge.

    ACTEPREMIER, Scne VI DON RODRIGUE

    Perc jusques au fond du coeurD'une atteinte imprvue aussi bien que mortelle,Misrable15 vengeur d'une juste querelle,Et malheureux objet d'une injuste rigueur,

    295 Je demeure immobile, et mon me abattueCde au coup16 qui me tue.

    Si prs de voir mon feu rcompens,O Dieu, l'trange peine !

    En cet affront mon pre est l'offens,300 Et l'offenseur le pre de Chimne !

    Que je sens de rudes combats!Contre mon propre honneur mon amour s'intresse17 :Il faut venger un pre, et perdre une matresse :L'un m'anime le coeur, l'autre retient mon bras.

    305 Rduit au triste choix ou de trahir ma flamme,Ou de vivre en infme,

    Des deux cts mon mal est infini.O Dieu, l'trange peine !

    Faut-il laisser un affront impuni?310 Faut-il punir le pre de Chimne?

    Pre, matresse, honneur, amour,Noble et dure contrainte, aimable18 tyrannie,Tous mes plaisirs sont morts, ou ma gloire ternie.L'un me rend malheureux, l'autre indigne du jour.

    315 Cher et cruel espoirs d'une me gnreuse,Mais ensemble19 amoureuse,

    Digne ennemi de mon plus grand bonheur,Fer qui causes ma peine,

    M'es-tu donn pour venger mon honneur ?320 M'es-tu donn pour perdre ma Chimne ?

    Il vaut mieux courir au trpas.`.Je dois20 ma matresse aussi bien qu' mon pre :J'attire en me vengeant sa haine et sa colreJ'attire ses mpris en ne me vengeant pas.

    325 A mon plus doux espoir l'un me rend infidle,

    12 O remplace d'une faon lgante le pronom relatif prcd d'une prposition.

    13Ranger : rduire, soumettre

    14Dplorer : pleurer longuement

    15Misrable : digne de piti

    16Flchit sous le coup

    17

    S'intresser : prendre dlibrment parti, s'engager contre18Aimable : digne d'tre aime

    19Ensemble : en mme temps

    20Je dois : j'ai des devoirs envers

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    Et l'autre indigne d'elle.Mon mal augmente le vouloir gurir ;

    Tout redouble ma peine.Allons, mon me ; et puisqu'il faut mourir,

    330 Mourons du moins sans offenser Chimne.

    Mourir sans tirer ma raison !Rechercher un trpas si mortel ma gloire !Endurer que l'Espagne impute ma mmoireD'avoir mal soutenu l'honneur de ma maison!

    335 Respecter un amour dont mon me gareVoit la perte assure!

    N'coutons plus ce penser suborneurs21,Qui ne sert qu' ma peine.

    Allons, mon bras, sauvons du moins l'honneur,340 Puisqu'aprs tout il faut perdre Chimne.

    Oui, mon esprit s'tait du22.Je dois tout mon pre avant qu' ma matresse :Que je meure au combat, ou meure de tristesse,Je rendrai mon sang pur comme je l'ai reu.

    345 Je m'accuse dj de trop de ngligence :Courons la vengeance ;

    Et tout honteux d'avoir tant balanc,Ne soyons plus en peine,

    Puisqu'aujourd'hui mon pre est l'offens,350 Si l'offenseur est pre de Chimne.

    21Suborneur : qui sduit, dtourne du devoir ; qui trompe

    22Se dcevoir : se tromper

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    Personnages

    Monsieur

    Orgon

    Vieux gentilhomme

    Mario Fils dOrgonSilvia Fille dOrgonDorante Amant de SilviaLisette Femme de chambre de SilviaArlequin Valet de Dorante

    La scne est Paris dans la maison de Monsieur Orgon.

    [Silvia est promise Dorante quelle ne connat pas. Pour pouvoir lobserver pluslibrement et savoir si il est digne delle, elle complote avec Lisette : les deux jeunesfilles changent leurs rles, Silvia se fait passer pour une servante. Ce quelle ignore,cest que Dorante a mis au point la mme supercherie avec son valet, Arlequin.Lorsquelle lapprend, elle dcide de ne pas se dvoiler Dorante mais, au contraire,de continuer jouer le jeu en esprant quil la demandera en mariage malgr sondguisement de servante.]

    Acte III - scne 8 - DORANTE, SILVIA.

    DORANTE, part. - Qu'elle est digne d'tre aime! Pourquoi faut-il que Mariom'ait prvenu?

    SILVIA. - O tiez-vous donc, monsieur? Depuis que j'ai quitt Mario, je n'ai puvous retrouver pour vous rendre compte de ce que j'ai dit M. Orgon.

    DORANTE. - Je ne me suis pourtant pas loign. Mais de quoi s'agit-il?

    SILVIA. part. - Quelle froideur! (Haut.) J'ai eu beau dcrier votre valet etprendre sa conscience tmoin de son peu de mrite ; j'ai eu beau lui

    reprsenter qu'on pouvait du moins reculer le mariage, il ne m'a pas seulementcoute. Je vous avertis mme qu'on parle d'envoyer chez le notaire, et qu'ilest temps de vous dclarer.

    DORANTE. - C'est mon intention. Je vais partir incognito, et je laisserai unbillet qui instruira M. Orgon de tout.

    SILVIA, part. - Partir! ce n'est pas l mon compte.

    DORANTE. - N'approuvez-vous pas mon ide?

    SILVIA. - Mais... pas trop.

    DORANTE. - Je ne vois pourtant rien de mieux dans la situation o je suis, moins que de parler moi-mme, et je ne saurais m'y rsoudre. J'ai d'ailleursd'autres raisons qui veulent que je me retire; je n'ai plus que faire ici.

    SILVIA. - Comme je ne sais pas vos raisons, je ne puis ni les approuver ni lescombattre, et ce n'est pas moi vous les demander.

    DORANTE. - II vous est ais de les souponner, Lisette.

    SILVIA. - Mais je pense, par exemple, que vous avez du dgot pour la fille deM. Orgon.

    DORANTE. - Ne voyez-vous que cela?

    SILVIA. - Il y a bien encore certaines choses que je pourrais supposer; mais jene suis pas folle, et je n'ai pas la vanit de m'y arrter.

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    DORANTE. - Ni le courage d'en parler; car vous n'auriez rien d'obligeant medire. Adieu, Lisette.

    SILVIA. - Prenez garde; je crois que vous ne m'entendez pas, je suis oblige devous le dire.

    DORANTE. - A merveille! et l'explication ne me serait pas favorable. Gardez-moile secret jusqu' mon dpart.

    SILVIA. - Quoi! srieusement, vous partez?

    DORANTE. - Vous avez bien peur que je ne change d'avis.

    SILVIA. - Que vous tes aimable d'tre si bien au fait!

    DORANTE. - Cela est bien naf. Adieu.

    SILVIA, part. - S'il part, je ne l'aime plus, je ne l'pouserai jamais...(Elle le regarde aller.) Il s'arrte pourtant, il rve, il regarde si je tournela tte, je ne saurais le rappeler moi... Il serait pourtant singulier qu'ilpartt aprs tout ce que j'ai fait ?... Ah, voil qui est fini, il s'en va, je

    n'ai pas tant de pouvoir sur lui que je le croyais : mon frre est un maladroit,il s'y est mal pris, les gens indiffrents gtent tout. Ne suis-je pas bienavance ? quel dnouement! ... Dorante reparat pourtant; il me semble qu'ilrevient, je me ddis donc, je l'aime encore... Feignons de sortir, afin qu'ilm'arrte : il faut bien que notre rconciliation lui cote quelque chose.

    DORANTE, l'arrtant. - Restez, je vous prie, j'ai encore quelque chose vousdire.

    SILVIA. - A moi, Monsieur?

    DORANTE. - J'ai de la peine partir sans vous avoir convaincue que je n'ai pastort de le faire.

    SILVIA. - Eh, Monsieur, de quelle consquence est-il de vous justifier auprs demoi? Ce n'est pas la peine, je ne suis qu'une suivante, et vous me le faitesbien sentir.

    DORANTE. - Moi, Lisette! Est-ce vous vous plaindre? vous qui me voyezprendre mon parti sans me rien dire.

    SILVIA. . - Hum, si je voulais je vous rpondrais bien l-dessus.

    DORANTE. - Rpondez donc, je ne demande pas mieux que de me tromper. Mais quedis-je! Mario vous aime.

    SILVIA. - Cela est vrai.

    DORANTE. - Vous tes sensible son amour, je l'ai vu par l'extrme envie quevous aviez tantt que je m'en allasse, ainsi, vous ne sauriez m'aimer.

    SILVIA. - Je suis sensible son amour, qui est-ce qui vous l'a dit? je nesaurais vous aimer, qu'en savez-vous? vous dcidez bien vite.

    DORANTE. - Eh bien, Lisette, par tout ce que vous avez de plus cher au monde,instruisez-moi de ce qui en est, je vous en conjure.

    SILVIA. - Instruire un homme qui part!

    DORANTE. - Je ne partirai point.

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    SILVIA. - Laissez-moi, tenez, si vous m'aimez, ne m'interrogez point; vous necraignez que mon indiffrence, et vous tes trop heureux que je me taise. Quevous importent mes sentiments?

    DORANTE. - Ce qu'ils m'importent, Lisette ? peux-tu douter encore que je net'adore?

    SILVIA. - Non, et vous me le rptez si souvent que je vous crois; mais pourquoim'en persuadez-vous, que voulez-vous que je fasse de cette pense-l Monsieur?je vais vous parler cur ouvert, vous m'aimez, mais votre amour n'est pas unechose bien srieuse pour vous, que de ressources n'avez-vous pas pour vous endfaire! la distance qu'il y a de vous moi, mille objets que vous alleztrouver sur votre chemin, l'envie qu'on aura de vous rendre sensible, lesamusements d'un homme de votre condition, tout va vous ter cet amour dont vousm'entretenez impitoyablement, vous en rirez peut-tre au sortir d'ici, et vousaurez raison; mais moi, Monsieur, si je m'en ressouviens, comme j'en ai peur,s'il m'a frappe, quel secours aurai-je contre l'impression qu'il m'aura faite?qui est-ce qui me ddommagera de votre perte? qui voulez-vous que mon cur mette votre place? Savez-vous bien que si je vous aimais, tout ce qu'il y a de plusgrand dans le monde ne me toucherait plus? Jugez donc de l'tat o je resterais,ayez la gnrosit de me cacher votre amour : moi qui vous parle, je me ferais

    un scrupule de vous dire que je vous aime, dans les dispositions o vous tes,l'aveu de mes sentiments pourrait exposer votre raison, et vous voyez bien aussique je vous les cache.

    DORANTE. - Ah, ma chre Lisette, que viens-je d'entendre! tes paroles ont un feuqui me pntre, je t'adore, je te respecte, il n'est ni rang, ni naissance, nifortune qui ne disparaisse devant une me comme la tienne; j'aurais honte quemon orgueil tnt encore contre toi, et mon cur et ma main t'appartiennent.

    SILVIA. - En vrit ne mriteriez-vous pas que je les prisse, ne faut-il pastre bien gnreuse pour vous dissimuler le plaisir qu'ils me font, et croyez-vous que cela puisse durer?

    DORANTE. - Vous m'aimez donc?

    SILVIA. - Non, non, mais si vous me le demandez encore, tant pis pour vous.

    DORANTE. - Vos menaces ne me font point de peur.

    SILVIA. - Et Mario, vous n'y songez donc plus?

    DORANTE. - Non, Lisette; Mario ne m'alarme plus, vous ne l'aimez point, vous nepouvez plus me tromper, vous avez le cur vrai, vous tes sensible matendresse, je ne saurais en douter au transport qui m'a pris, j'en suis sr, etvous ne sauriez plus m'ter cette certitude-l.

    SILVIA. - Oh, je n'y tcherai point, gardez-la, nous verrons ce que vous enferez.

    DORANTE. - Ne consentez-vous pas d'tre moi?

    SILVIA. - Quoi, vous m'pouserez malgr ce que vous tes, malgr la colre d'unpre, malgr votre fortune?

    DORANTE. - Mon pre me pardonnera ds qu'il vous aura vue, ma fortune noussuffit tous deux, et le mrite vaut bien la naissance : ne disputons point,car je ne changerai jamais.

    SILVIA. - Il ne changera jamais! Savez-vous bien que vous me charmez, Dorante?

    DORANTE. - Ne gnez donc plus votre tendresse, et laissez-la rpondre...

    SILVIA. - Enfin, J'en suis venue bout; vous, vous ne changerez jamais ?

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    DORANTE. - Non, ma chre Lisette.

    SILVIA. - Que d'amour!

    Personnages

    LE COMTE ALMAVIVA Grand d'Espagne, amant inconnu de RosineBARTHOLO Mdecin, tuteur de RosineROSINE Jeune personne d'extraction noble, et pupille de BartholoFIGARO barbier de SvilleDON BAZILE organiste, matre chanter de RosineLA JEUNESSE vieux domestique de BartholoL'VEILL autre valet de Bartholo, garon niais et endormi.UN NOTAIREUN ALCADE homme de justicePLUSIEURS ALGUAZILS ET VALETS avec des flambeaux.

    La scne est Sville; dans la rue et sous les fentres de Rosine, au premieracte; et, le reste de la pice, dans la maison du Docteur Bartholo.

    ACTE PREMIERLe thtre reprsente une rue de Sville, o toutes les croises sont grilles.

    SCNE PREMIRE.

    LE COMTE, seul, en grand manteau brun et chapeau rabattu. Il tire sa montre ense promenant. - Le jour est moins avanc que je ne croyais. L'heure laquelleelle a coutume de se montrer derrire sa jalousie est encore loigne.N'importe; il vaut mieux arriver trop tt que de manquer l'instant de la voir.Si quelque aimable de la cour pouvait me deviner cent lieues de Madrid, arrttous les matins sous les fentres d'une femme qui je n'ai jamais parl, il meprendrait pour un Espagnol du temps d'Isabelle... Pourquoi non? Chacun courtaprs le bonheur. Il est pour moi dans le cur de Rosine. Mais quoi ! suivre une

    femme Sville, quand Madrid et la cour offrent de toutes parts des plaisirs sifaciles?... Et c'est cela mme que je fuis. Je suis las des conqutes quel'intrt, la convenance ou la vanit nous prsentent sans cesse. Il est si douxd'tre aim pour soi-mme! Et si je pouvais m'assurer sous ce dguisement... Audiable l'importun!

    SCNE II. - FIGARO, LE COMTE, cach.

    FIGARO, une guitare sur le dos, attache en bandoulire avec un large ruban; ilchantonne gaiement; un papier et un crayon la main.

    ()Hem, hem, quand il y aura des accompagnements l-dessous, nous verrons encore,messieurs de la cabale, si je ne sais ce que je dis... (Il aperoit le comte.)

    J'ai vu cet abb-l quelque part. (Il se relve.)

    LE COMTE, part. - Cet homme ne m'est pas inconnu.

    FIGARO. - Eh non, ce n'est pas un abb! Cet air altier et noble...

    LE COMTE. - Cette tournure grotesque...

    FIGARO. - Je ne me trompe point : c'est le comte Almaviva.

    LE COMTE. - Je crois que c'est ce coquin de Figaro.

    FIGARO. - C'est lui-mme, monseigneur.

    LE COMTE. - Maraud! si tu dis un mot...

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    FIGARO. - Oui, je vous reconnais; voil les bonts familires dont vous m'aveztoujours honor.

    LE COMTE. - Je ne te reconnaissais pas, moi. Te voil si gros et si gras...

    FIGARO. - Que voulez-vous, monseigneur, c'est la misre.LE COMTE. - Pauvre petit! Mais que fais-tu Sville? Je t'avais autrefoisrecommand dans les bureaux pour un emploi.

    FIGARO. - Je l'ai obtenu, monseigneur; et ma reconnaissance...

    LE COMTE. - Appelle-moi Lindor. Ne vois-tu pas, mon dguisement, que je veuxtre inconnu?

    FIGARO. - Je me retire.

    LE COMTE. - Au contraire. J'attends ici quelque chose, et deux hommes qui jasentsont moins suspects qu'un seul qui se promne. Ayons l'air de jaser. Eh bien,cet emploi?

    FIGARO. - Le ministre, ayant gard la recommandation de Votre Excellence, me

    fit nommer sur-le-champ garon apothicaire.

    LE COMTE. - Dans les hpitaux de l'arme?

    FIGARO. - Non; dans les haras d'Andalousie.

    LE COMTE, riant. - Beau dbut!

    FIGARO. - Le poste n'tait pas mauvais, parce qu'ayant le district despansements et des drogues, je vendais souvent aux hommes de bonnes mdecines decheval...

    LE COMTE. - Qui tuaient les sujets du roi!

    FIGARO. - Ah, ah, il n'y a point de remde universel... mais qui n'ont paslaiss de gurir quelquefois des Galiciens, des Catalans, des Auvergnats.

    LE COMTE. - Pourquoi donc l'as-tu quitt?

    FIGARO. - Quitt? C'est bien lui-mme; on m'a desservi auprs des puissances :L'envie aux doigts crochus, au teint ple et livide...

    LE COMTE. - Oh grce! grce, ami! Est-ce que tu fais aussi des vers? Je t'ai vul griffonnant sur ton genou, et chantant ds le matin.

    FIGARO. - Voil prcisment la cause de mon malheur, Excellence. Quand on a

    rapport au ministre que je faisais, je puis dire assez joliment, des bouquets Chloris ; que j'envoyais des nigmes aux journaux, qu'il courait des madrigauxde ma faon; en un mot, quand il a su que j'tais imprim tout vif, il a pris lachose au tragique et m'a fait ter mon emploi, sous prtexte que l'amour deslettres est incompatible avec l'esprit des affaires.

    LE COMTE. - Puissamment raisonn! Et tu ne lui fis pas reprsenter...

    FIGARO. - Je me crus trop heureux d'en tre oubli, persuad qu'un grand nousfait assez de bien quand il ne nous fait pas de mal.

    LE COMTE. - Tu ne dis pas tout. Je me souviens qu' mon service tu tais unassez mauvais sujet.

    FIGARO. - Eh! mon Dieu, monseigneur, c'est qu'on veut que le pauvre soit sansdfaut.

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    LE COMTE. - Paresseux, drang...

    FIGARO. - Aux vertus qu'on exige dans un domestique, Votre Excellence connat-elle beaucoup de matres qui fussent dignes d'tre valets?

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    Personnages

    ALEXANDRE DE MDICIS, duc de Florence.LORENZO DE MDICIS (LORENZACCIO),COME DE MDICIS, ses cousins.LE CARDINAL CIBO.LE MARQUIS CIBO, son frre.SIRE MAURICE, chancelier des Huit.LE CARDINAL BACCIO VALORI, commissaire apostolique.JULIEN SALVIATI.PHILIPPE STROZZI.PIERRE STROZZI,THOMAS STROZZI, ses fils.LON STROZZI, prieur de Capoue.ROBERTO CORSINI, provditeur de la forteresse.PALLA RUCCELLAI,ALAMANNO SALVIATI, seigneurs rpublicains.FRANOIS PAZZI.BINDO ALTOVITI, oncle de Lorenzo.VENTURI, bourgeois.TEBALDEO, peintre.

    SCORONCONCOLO, spadassin.LES HUIT.GIOMO LE HONGROIS, cuyer du duc.MAFFIO, bourgeois.DEUX DAMES DE LA COUR ET UN OFFICIER ALLEMAND.UN ORFVRE, UN MARCHAND, DEUX PRCEPTEURS ET DEUX ENFANTS, PAGES, SOLDATS, MOINES,COURTISANS, BANNIS, COLIERS, DOMESTIQUES, BOURGEOIS, etc., etc.MARIE SODERINI, mre de Lorenzo.CATHERINE GINORI, sa tante.LA MARQUISE CIBO.LOUISE STROZZI.

    [Lorenzo, fils dAlexandre de Mdicis, est un jeune homme lche, dbauch, athe, qui

    se moque de tout et de tout le monde. Cest pourquoi le peuple florentin lui a donnce surnom : Lorenzaccio (le mauvais Lorenzo). Dans cet extrait, il raille un jeunepeintre]

    ACTE II Scne 2. - Le portail d'une glise. EntrentLORENZO et VALORI. TEBALDEO sapproche deux.

    ()

    VALORI. - N'tes-vous pas le petit Freccia?

    TEBALDEO. - Mes ouvrages ont peu de mrite; je sais mieux aimer les arts que jene sais les exercer. Ma jeunesse tout entire s'est passe dans les glises. Il

    me semble que je ne puis admirer ailleurs Raphal et notre divin Buonarroti. Jedemeure alors durant des journes devant leurs ouvrages, dans une extase sansgale. Le chant de l'orgue me rvle leur pense, et me fait pntrer dans leurme; je regarde les personnages de leurs tableaux si saintement agenouills, etj'coute, comme si les cantiques du chur sortaient de leurs bouchesentr'ouvertes. Des bouffes d'encens aromatique passent entre eux et moi dansune vapeur lgre. Je crois y voir la gloire de l'artiste; c'est aussi unetriste et douce fume, et qui ne serait qu'un parfum strile, si elle ne montait Dieu.

    VALORI. - Vous tes un vrai cur d'artiste; venez mon palais, et ayez quelquechose sous votre manteau quand vous y viendrez. Je veux que vous travailliezpour moi.

    TEBALDEO. - C'est trop d'honneur que me fait Votre minence. Je suis undesservant bien humble de la sainte religion de la peinture.

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    LORENZO. - Pourquoi remettre vos offres de service? Vous avez, il me semble, uncadre dans les mains.

    TEBALDEO. - Il est vrai; mais je n'ose le montrer de si grands connaisseurs.C'est une esquisse bien pauvre d'un rve magnifique.()(Il montre son tableau.)

    LORENZO. - Est-ce un paysage ou un portrait? De quel ct faut-il le regarder,en long ou en large?

    TEBALDEO. - Votre Seigneurie se rit de moi. C'est la vue du Campo Santo.

    LORENZO. - Combien y a-t-il d'ici l'immortalit?

    VALORI. - Il est mal vous de plaisanter cet enfant. Voyez comme ses grandsyeux s'attristent chacune de vos paroles.

    TEBALDEO. - L'immortalit, c'est la foi. Ceux qui Dieu a donn des ailes yarrivent en souriant.

    VALORI. - Tu parles comme un lve de Raphal.

    TEBALDEO. - Seigneur, c'tait mon matre. Ce que j'ai appris vient de lui.

    LORENZO. - Viens chez moi, je te ferai peindre la Mazzafirra toute nue.

    TEBALDEO. - Je ne respecte point mon pinceau, mais je respecte mon art. Je nepuis faire le portrait d'une courtisane.

    LORENZO. - Ton Dieu s'est bien donn la peine de la faire; tu peux bien tedonner celle de la peindre. Veux-tu me faire une vue de Florence ?

    TEBALDEO. - Oui, monseigneur.

    LORENZO. - Comment t'y prendrais-tu?

    TEBALDEO. - Je me placerais l'orient, sur la rive gauche de l'Arno. C'est decet endroit que la perspective est la plus large et la plus agrable.

    LORENZO. - Tu peindrais Florence, les places, les maisons et les rues ?

    TEBALDEO. - Oui, monseigneur.

    LORENZO. - Pourquoi donc ne peux-tu peindre une courtisane, si tu peux peindreun mauvais lieu ?

    TEBALDEO. - On ne m'a point encore appris parler ainsi de ma mre.

    LORENZO. - Qu'appelles-tu ta mre?

    TEBALDEO. - Florence, seigneur.

    LORENZO. - Alors, tu n'es qu'un btard, car ta mre n'est qu'une catin.

    TEBALDEO. - Une blessure sanglante peut engendrer la corruption dans le corps leplus sain. Mais des gouttes prcieuses du sang de ma mre sort une planteodorante qui gurit tous les maux. L'art, cette fleur divine, a quelquefoisbesoin du fumier pour engraisser le sol et le fconder'.

    LORENZO. - Comment entends-tu ceci?

    TEBALDEO. - Les nations paisibles et heureuses ont quelquefois brill d'uneclart pure, mais faible. Il y a plusieurs cordes la harpe des anges; lezphyr peut murmurer sur les plus faibles, et tirer de leur accord une harmonie

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    suave et dlicieuse ; mais la corde d'argent ne s'branle qu'au passage du ventdu nord. C'est la plus belle et la plus noble; et cependant le toucher d'unerude main lui est favorable. L'enthousiasme est frre de la souffrance.

    LORENZO. - C'est--dire qu'un peuple malheureux fait les grands artistes. Je meferais volontiers l'alchimiste de ton alambic; les larmes des peuples yretombent en perles. Par la mort du diable! tu me plais. Les familles peuvent sedsoler, les nations mourir de misre, cela chauffe la cervelle de monsieur.Admirable pote! comment arranges-tu tout cela avec ta pit?

    TEBALDEO. - Je ne ris point du malheur des familles; je dis que la posie est laplus douce des souffrances, et qu'elle aime ses surs. Je plains les peuplesmalheureux, mais je crois en effet qu'ils font les grands artistes. Les champsde bataille font pousser les moissons, les terres corrompues engendrent le blcleste.

    LORENZO. - Ton pourpoint est us; en veux-tu un ma livre ?

    TEBALDEO. - Je n'appartiens personne. Quand la pense veut tre libre, lecorps doit l'tre aussi.

    LORENZO. - J'ai envie de dire mon valet de chambre de te donner des coups debton.

    TEBALDEO. - Pourquoi, monseigneur?

    LORENZO. - Parce que cela me passe par la tte. Es-tu boiteux de naissance oupar accident?

    TEBALDEO. - Je ne suis pas boiteux; que voulez-vous dire par l?

    LORENZO. - Tu es boiteux ou tu es fou.

    TEBALDEO. - Pourquoi, monseigneur? Vous vous riez de moi.

    LORENZO. - Si tu n'tais pas boiteux, comment resterais-tu, moins d'tre fou,dans une ville o, en l'honneur de tes ides de libert, le premier valet d'unMdicis peut t'assommer sans qu'on y trouve redire?

    TEBALDEO. - J'aime ma mre Florence; c'est pourquoi je reste chez elle. Je saisqu'un citoyen peut tre assassin en plein jour et en pleine rue, selon lecaprice de ceux qui la gouvernent; c'est pourquoi je porte ce stylet maceinture.

    LORENZO. - Frapperais-tu le duc si le duc te frappait, comme il lui est arrivsouvent de commettre, par partie de plaisir, des meurtres factieux?

    TEBALDEO. - Je le tuerais, s'il m'attaquait.

    LORENZO. - Tu me dis cela, moi?

    ()

    LORENZO. - Es-tu rpublicain? aimes-tu les princes?

    TEBALDEO. - Je suis artiste; j'aime ma mre et ma matresse.

    LORENZO. - Viens demain mon palais, je veux te faire faire un tableaud'importance pour le jour de mes noces. (Ils sortent.)

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    Analyse des extraits

    Aprs avoir lu attentivement lextrait, rpond ce questionnaire. Ilte permettra denvisager le texte dans le cadre de la fiction etdisoler, par la mme occasion, certaines caractristiques propresau genre thtral de lextrait.Si tu ne peux pas rpondre certaines des questions car elles ne tesemblent pas pertinentes dans lextrait envisag, signale-le etjustifie-toi.

    1) O ? Quand ?Relve les circonstances de laction dans cet extrait.

    2) Qui ?Relve les noms des protagonistes de laction mais, attention, les citer

    nest pas suffisant. Tente de les caractriser en prcisant, dans lamesure du possible, leurs traits de caractre, leur comportement, leurcondition sociale, leur tait civil, leur rle dans laction

    3) A qui ? Avec ou contre qui ?Dans le discours, essaye de relever les relations que chaque personnageentretient avec les autres (rapports amicaux ou conflictuels, rapports dedominant domin).

    4) Quoi ?

    Que font les personnages ? Quelles sont les actions, leurs ractions ?Quels sont les comportements non-verbaux, les jeux de scnes que lonpourrait imaginer en fonction de leurs discours ?

    5) Dans quel but ? quelle fin agissent-ils comme ils le font ?

    6) Pourquoi ?Pour quelle(s) raison(s) agissent-ils comme ils le font ? Aide-toi, pourrpondre cette question, de leurs croyances, leur comportement, lide

    quils se font du but atteindre.7) Comment ?

    Quels sont les moyens (verbaux ou non-verbaux) mis en uvre et lamanire dagir des personnages pour atteindre leur but ?

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    Les genres thtrauxSynthse

    La tragdie1) Origine du genre

    Les origines de la tragdie remontent la priode grecque antique(Ve sicle ACN). Dune structure rgulire (prologue, pisode, exode), sondnouement est toujours connu du spectateur : lissue de lareprsentation est toujours la mort du hros qui se bat contre le destinqui laccable, sans pouvoir rellement lutter contre lui. Les sujets destragdies grecques antiques sont tirs de la mythologie ou de lHistoireet mettent en situation les grandes interrogations humaines : la libert,les conflits entre la conscience et les lois humaines, le sens de la vie,mais aussi la tentation dgaler les dieux et les chtiments qui endcoulent.

    On peut citer, comme trois grands auteurs grecs de tragdies :Eschyle, Sophocle et Euripide.

    2) Bref historique

    La tragdie commence se dvelopper, en France, au XVIe sicleavec la redcouverte des auteurs antiques. Cest au dpart un art

    scolaire : les pices sont artificielles et composes par des rudits, sur lemodles des auteurs grecs antiques ; les sujets sont antiques, parfoisbibliques. Lessor de la tragdie se situe au XVIIe sicle avec de grandsauteurs comme Pierre Corneille et, aprs lui, Jean Racine. La tragdie,remplace peu peu par le drame romantique, sera peu reprsente auXVIIIe sicle sauf avec Voltaire, qui crira quelques pices tragiques. Legenre connat quelques nouveaux succs au XXe sicle grce lareprsentation des auteurs classiques et certains auteurs quicomposeront des tragdies.

    3) Caractristiques

    a. Les personnagesIls sont de rang lev, vivent une poque passe ou dans des payslointains. Ils sexpriment dans un langage trs soutenu et ont despersonnalits souvent complexes. Le jeu est trs statique et fig.

    b. SujetsIl sont au dpart tirs de lhistoire antique et de la mythologie ; onretrouve galement quelques sujets bibliques. Par la suite, les pices

    vont sorienter vers des sujets politiques tirs de lhistoire moderne.

    c. Thme

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    Toutes les pices mettent en scne un thme unique sous diffrentesformes : lhomme est soumis son destin quil ne peut contrler etauquel il ne peut chapper ; il lutte en vain contre des forces venant delextrieur ou du plus profond de lui-mme. La fatalit dirige toutelaction, provoque des situations pathtiques et dtermine une fin bienprcise, connue davance : la mortdu hros ou le renoncement.

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    d. Forme et structureLe genre tragique est trs codifi, partir des prceptes noncs parAristote dans lAntiquit (et repris au XVIIe sicle par de nombreuxthoriciens comme Boileau dans son Art potique par exemple). Latragdie a une structure fixe en 5 actes :

    - Acte I : exposition des faits ;- Actes II, III et IV : progression de laction qui conduit la mort

    dj inscrite dans le destin humain ds la crise initiale ;- Acte V : dnouement de laction

    La tragdie respecte toujours la rgle des 3 units (units de temps, delieu et daction). Elle est toujours rdige en vers, lalexandrin tant lemtre classique par excellence.

    4) Auteurs

    Pierre CORNEILLE (1606-1684) : Mde (1634)

    Horace (1640) Jean RACINE (1639-1699) :Andromaque (1667)

    Brnice (1670)Phdre (1677)

    Cest avec lui que la tragdie culmine. Il insiste sur la prdestinationdu destin humain, conduisant irrmdiablement la mort. A celasajoute une conception particulire de lamour: ce sentiment estperu comme un dmon intrieur qui ruine ltre et provoque sonautodestruction.

    5) Un genre driv : la tragi-comdie

    Attention ! La tragi-comdie NEST PAS un mlange de tragique et decomique : cest tout simplement une pice sujet tragique, qui place lehros dans une situation sans issue mais le dnouement de laction estimprvisible car lhistoire se termine de faon positive. Caractristiques

    a. Les personnages sont souvent de rang moyen, parfois de ranglev

    b. Les sujets sont romanesques, cest--dire quils ne sont pas tirsde la mythologie ou de lhistoire antique ; parfois certains sontemprunts lhistoire moderne.

    c. Le destin et la fatalit tendent disparatre pour laisser place la volont et lhonneurdu hros : il loblige faire un choixentre deux alternatives et cest souvent la plus difficile qui estretenue.

    d. Au niveau de la structure, les pices se composent de cinqactes. La rgle des trois units est respecte, parfois non. Onretrouve des lments de styles familier dans le langage des

    personnages, mme si lalexandrin est toujours employ. Auteur : Pierre CORNEILLE : Le Cid (1637)

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    La comdie

    1) Origine du genre

    La comdie antique grecque (Ve sicle ACN) et latine (IIIe sicle ACN)Comme la tragdie, la comdie a des origines antiques. Ellesapparente la comdie ancienne (le grec Aristophane), quiconstitue une satire des personnages importants et de lactualit, et la nouvelle comdie (le grec Mnandre les latins Plaute etTrence) mettant en scne des personnages strotyps.

    La Commedia dellArte Ce genre, originaire dItalie, constitue un mlange de farce, de mimeet de pantomime. Cest un thtre visuel dans lequel lespersonnages, strotypes, sont immdiatement reconnaissables parleur costume, leur nom et leur rle. Les pices ne sont jamais joues

    partir dun texte fixe : les acteurs improvisent sur base duncanevas, inventent de nouvelles pripties, des situations et desdnouements au fur et mesure du droulement de laction.

    La Commedia sostenuta Ce genre est galement originaire dItalie et fait son apparition enFrance au XVIe sicle grce Catherine de Mdicis. Cest unecomdie dintrigue qui laisse une large place au dveloppement detous les types de comique ; elle met en scne des personnagesconventionnels. Sa structure rgulire en cinq actes est entrecoupe

    de nombreux intermdes musicaux.

    2) Bref historique

    Au XVIe sicle , le thtre comique rassemble plusieurs genres : il poursuitla tradition mdivale de la farce tout en reprenant les influencesantiques et les influences modernes de la Commedia sostenuta. Au XVIIe

    sicle, la Commedia dellArte remporte de vifs succs ; le genre culmine partir de Molire, qui mlange, dans ses pices, comdie antique(influence de Plaute), comdie dintrigue et Commedia dellArte. Le genre

    va se renouveler au XVIIIe sicle avec Marivaux et Beaumarchais. Au XIXesicle, de nombreux crivains continuent rdiger des comdies sur lemodle de Molire et des auteurs du sicle prcdent ; un genrenouveau apparat galement : la comdie bouffonne (Labiche). Au XXsicle, la comdie continue dexister notamment avec le thtre deboulevard et le vaudeville.

    3) Caractristiques

    a. Les personnages

    On retrouve souvent des personnages-types, de condition moyenne oupopulaire, tirs de la comdie latine ou de la Commedia dellArte : levieillard amoureux, lubrique et ridicule (Pantalon), le jeune prtendant

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    (Landre), lingnue (Isabelle), le valet intelligent (Arlequin), le soldatfanfaron, le parasite, le docteur . A partir de Molire, les personnagesseront moins populaires et appartiennent au milieu bourgeois delpoque. Ils sexpriment dans la langue de leur classe (langage courantni soutenu ni familier) ; ils appartiennent des groupes (les mdecins,les dvots, les prcieuses) ou reprsentent des modes (les salons) qui

    sont soumis la satire.

    b. SujetsIls sont tirs de la vie quotidienne de lpoque et sont identifiablesimmdiatement par le public, notamment grce au dcor et aux lieux(les appartement bourgeois). De nombreuses intrigues, mme si ellessinscrivent dans une poque bien prcises, mettent en scne dessituations qui peuvent tre transposables toutes les poques (parexemple, les oppositions entre un matre et son valet renvoient unrapport plus gnral entre le dominant et le domin)

    c. ThmeLa comdie met en scne une critique des institutions et de certainespersonnes de la socit qui dtiennent un pouvoir sur les autres. Le butest de corriger les murs par le rire : la comdie veut donner au publicun miroir de lui mme, pour le faire rflchir sur des questions gavesgrce au comique.

    d. Forme et structureLes comdies se structurent en trois ou en cinq actes (parfois

    entrecoups dintermdes musicaux) et sont rdiges soit en vers ou enprose. Certaines dentre elles respectent la rgle des trois units.Lintrigue est souvent tnue et la fin est toujours heureuse.Comme le but de la comdie est avant tout de faire rire les honntesgens , les pices mettent en oeuvre toutes les formes de comique, dansle but daccentuer la ralit : comique acrobatique (ou comique de cirque ), comique de situation (dialogues double sens, quiproquos,mensonges, travestissements), comique de rebondissement, comique delangage, comique de murs et de caractres (caricatures, portesatirique des personnages)

    4) Auteurs

    MOLIRE (Jean-Baptiste POQUELIN, dit) (1622-1673) : ses dbuts : pices courtes dans le style de la CommediadellArte, reprsentes avec lIllustre thtre , sa troupeitinrante.Les prcieuses ridicules (1652)Lcole des femmes (1662)Tartuffe (1664)Dom Juan (1665)Le Misanthrope (1666)Le bourgeois gentilhomme (1670)

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    Le malade imaginaire (1673) Pierre Carlet de Chamblain de MARIVAUX (1688-1763) :

    La double inconstance (1723)Le jeu de lamour et du hasard (1730)Le triomphe de lamour(1732)

    Marivaux est lorigine dun style quon appelle aujourdhui le

    marivaudage : cest un auteur moraliste qui a bien observ lasocit de son temps. Il sintresse tout particulirement unenouvelle conception de lamour : la naissance de lamour, sa lentervlation et les obstacles qui y sont lis ; ces derniers sontgnralement intrieurs aux personnages et engendrent de longsdbats entre le moment de la prise de conscience de lamournaissant et son aveu. Le langage dans lequel sexpriment lespersonnages est souvent abstrait car il pouse celui de lanalysepsychologique. Il utilise les formes de comique cites plus haut maisaussi un comique plus fin fait dallusions et dinsinuations.

    Pierre-Augustin Caron de BEAUMARCHAIS (1732-1799)Le barbier de Sville (1775)Le mariage de Figaro (1784) trilogieLa mre coupable (1792)

    Cette dernire pice fait partie dun genre quon appelle le dramebourgeois : cest un thtre sociologique et raliste visant montrer la vie bourgeoise, mme si Figaro est un proltaire . Ilutilise toutes les formes de comiques et de dialogues, y compris lesaparts.

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    Le drame romantique

    1) Origine du genre et historique

    Le genre apparat au XIXe sicle. Il nat sous linfluence des aspirationslittraires des auteurs pris de libert et de nouveaut, qui veulentsopposer aux genres de lpoque classique. A cela viennent sajouterdes revendications politiques et sociales, hrites de la Rvolutionfranaise. Le genre na pas eu de succs par la suite, surtout cause desextrmes difficults de mise en scne et de la complexit des intrigues.Lanctre du drame romantique est le mlodrame, genre qui apparat unpeu avant : il prne le mlange des genres, le rejet de la rgle des troisunits, une intrigue romanesque faite de rebondissements et despersonnages strotyps.

    2) Caractristiques

    a. Les personnagesIls sont gnralement trs nombreuxau sein dune mme pice : ils sontissus de toutes les classes sociales et sexpriment dans le langage deleur condition. Le personnage central, qui donne son nom la pice, estun hros romantique (tre en marge de la socit : volontairement ounon, exils, proscrit, dclass), confront un destin contraire etpouss par les forces de sa passion.

    b. Sujets et thme

    Les sujets sont emprunts des grandes questions qui passionnent lesgens de lpoque : la Renaissance, lengagement politique, la conditionde lartiste et son exigence de libert en matire de cration etdexpression, les difficults socialesLes auteurs veulent reprsenter la vie et lHistoire dans leur diversit etleur naturel, mais aussi donner une image de lpoque, tout en refusantles conventions hrites du XVIIe sicle.

    c. Forme et structureLe drame romantique se caractrise comme une libert dinspiration et

    de forme, qui soppose radicalement au classicisme. La rgle des troisunits est compltement supprime : laction se droule dans des lieuxdiffrents, sa dure peut dpasser plusieurs mois ; seule lunit dactiona t maintenue (toujours une seule intrigue). Les auteurs mlangentgalement les registres (comique, burlesque, pique, lyrique, tragique)ainsi que les niveaux de langue.

    3) Auteurs

    Victor HUGO (1802-1885) : Cromwell (1827)

    Hernani (1830)Ruy Blas (1838) Alfred de MUSSET (1810-1857) : Les caprices de Marianne (1833)

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    On ne badine pas avec lamour(1834)Lorenzaccio (1834)

    Notons simplement que ses pices ntaient pas, au dbut, critespour tre joues, mais bien pour tre lues.

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    Le thtre du XXe sicle

    Eugne IONESCO, La Cantatrice chauve (1950)

    Dans un intrieur bourgeois anglais , M. et Mme Smith changentdes banalits teintes d'incohrences. Surviennent successivement labonne (Mary) qui prtend s'appeler Sherlock Holms, un couple d'amis (M.et Mme Martin) qui dduisent d'une longue litanie de concidences quilssont mari et femme, puis un C a p i t a i n e d e s pompiers dsol de nepas trouver dincendies teindre. Pour chapper au silence, cesfantoches racontent quelques anecdotes et fables absurdes ponctuespar les coups de la pendule et dune sonnette galement folles. Ilsmlent vidences ( On ne fait pas briller ses lunettes avec du cirage

    noir ) et non-sens ( On peut prouver que le progrs social est bienmeilleur avec du sucre ) avant de sadresser des insultes pour le moinsoriginal ( Cactus, coccyx ! coccus ! cocadard ! cochon ! ) parfois rduites de simples lettres ( A, e, i, o, u ). Une fois le langage mis mal, la picerecommence, avec les Martin dans le rle initialement tenu par les Smith.

    Rsum tir de DE BEAUMARCHAIS (J.-P.), COUTY (D.), Dictionnaire des Grandesuvres de la littrature franaise, Paris, Larousse-Bordas, 1997, p.162-163.

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    Scne 1

    Intrieur bourgeois anglais, avec des fauteuils anglais. Soire anglaise.

    M. Smith, Anglais, dans son fauteuil et ses Pantoufles anglais, fume sa pipe

    anglaise et lit un journal anglais, prs d'un feu anglais. Il a des lunettes

    anglaises, une petite moustache grise, anglaise. A ct de lui, dans un autre

    fauteuil anglais, Mme Smith, Anglaise, raccommode des chaussettes anglaises.

    Un long moment de silence anglais. La pendule anglaise frappe dix-sept coups

    anglais.

    Mme SMITH Tiens, il est neuf heures. Nous avons mang de la soupe, dupoisson, des pommes de terre au lard, de la salade anglaise. Lesenfants ont bu de l'eau anglaise. Nous avons bien mang, ce soir.C'est parce que nous habitons dans les environs de Londres et quenotre nom est Smith.

    M. SMITH, continuant sa lecture, fait claquer sa langue.

    Mme SMITH Les pommes de terre sont trs bonnes avec le lard, l'huile de lasalade n'tait pas rance. L'huile de l'picier du coin est de bienmeilleure qualit que l'huile de l'picier d'en face, elle est mme

    meilleure que l'huile de l'picier du bas de la cte. Mais je neveux pas, dire que leur huile eux soit mauvaise.

    M. SMITH, continuant sa lecture,fait claquer sa langue.

    Mme SMITH - Pourtant, c'est toujours l'huile de l'picier du coin qui est lameilleure...

    M. SMITH, continuant sa lecture, fait claquer sa langue.

    Mme SMITH - Mary a bien cuit les pommes de terre, cette fois-ci. La dernirefois elle ne les avait pas bien fait cuire. Je ne les aime quelorsqu'elles sont bien cuites.

    M. SMITH, continuant sa lecture, fait claquer sa langue.

    Mme SMITH - Le poisson tait frais. Je m'en suis lch les babines. J'en aipris deux fois. Non, trois fois. a me fait aller aux cabinets. Toiaussi tu en as pris trois fois. Cependant la troisime fois, tu enas pris moins que les deux premires fois, tandis que moi j'en aipris beaucoup plus. J'ai mieux mang que toi, ce soir. Comment ase fait? D'habitude, c'est toi qui manges le plus. Ce n'est pasl'apptit qui te manque.

    M. SMITH, fait claquer sa langue.

    Mme SMITH - Cependant, la soupe tait peut-tre un peu trop sale. Elle avaitplus de sel que toi. Ah, ah, ah. Elle avait aussi trop de poireauxet pas assez d'oignons. Je regrette de ne pas avoir conseill Mary d'y ajouter un peu d'anis toil. La prochaine fois, je sauraim'y prendre.

    M. SMITH, continuant sa lecture,fait claquer sa langue.

    Mme SMITH - Notre petit garon aurait bien voulu boire de la bire, il aimeras'en mettre plein la lampe, il te ressemble. Tu as vu table,comme il visait la bouteille? Mais moi, j'ai vers dans son verrede l'eau de la carafe. I1 avait soif et il l'a bue. Hlne me res-semble : elle est bonne mnagre, conome, joue du piano. Elle ne

    demande jamais boire de la bire anglaise. C'est comme notrepetite fille qui ne boit que du lait et ne mange que de labouillie. a se voit qu'elle n'a que deux ans. Elle s'appellePeggy.

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    La tarte aux coings et aux haricots a t formidable. On aurait bienfait peut-tre de prendre, au dessert, un petit verre de vin deBourgogne australien mais je n'ai pas apport le vin table afin dene pas donner aux enfants une mauvaise preuve de gourmandise. Ilfaut leur apprendre tre sobre et mesur dans la vie.

    M. SMITH, continuant sa lecture, lait claquer sa langue.

    Mme SMITH - Mrs Parker connat un picier roumain, nomm Popesco Rosenfeld, quivient d'arriver de Constantinople. C'est un grand spcialiste enyaourt. I1 est diplm de l'cole des fabricants de yaourt d'Andri-nople. J'irai demain lui acheter une grande marmite de yaourtroumain folklorique. On n'a pas souvent des choses pareilles ici,dans les environs de Londres.

    M. SMITH, continuant sa lecture fait claquer sa langue.

    Mme SMITH - Le yaourt est excellent pour l'estomac, les reins, l'appendicite etl'apothose. C'est ce que m'a dit le docteur Mackenzie-King quisoigne les enfants de nos voisins, les Johns. C'est un bon mdecin.On peut avoir confiance en lui. Il ne recommande jamais d'autres

    mdicaments que ceux dont il a fait l'exprience sur lui-mme. Avantde faire oprer Parker, c'est lui d'abord qui s'est fait oprer dufoie, sans tre aucunement malade.

    M. SMITH - Mais alors comment se fait-il que le docteur s'en soit tir et queParker en soit mort?

    Mme SMITH - Parce que l'opration a russi chez le docteur et n'a pas russi chezParker.

    M. SMITH - Alors Mackenzie n'est pas un bon docteur. L'opration aurait drussir chez tous les deux ou alors tous les deux auraient dsuccomber.

    Mme SMITH - Pourquoi?

    M. SMITH - Un mdecin consciencieux doit mourir avec le malade s'ils ne peuventpas gurir ensemble. Le commandant d'un bateau prit avec le bateau,dans les vagues. Il ne lui survit pas.

    Mme SMITH - On ne peut comparer un malade un bateau.

    M. SMITH - Pourquoi pas? Le bateau a aussi ses maladies; d'ailleurs ton docteurest aussi sain qu'un vaisseau; voil pourquoi encore il devait priren mme temps que le malade comme le docteur et son bateau.

    Mme SMITH - Ah! Je n'y avais pas pens... C'est peut-tre juste... et alors,quelle conclusion en tires-tu?

    M. SMITH - C'est que tous les docteurs ne sont que des charlatans. Et tous lesmalades aussi. Seule la marine est honnte en Angleterre.

    Mme SMITH - Mais pas les marins.

    M. SMITH - Naturellement.

    ()

    Scne XI

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    Mme MARTIN Espces de glouglouteurs, espces de glouglouteuses.

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    M. MARTIN Mariette, cul de marmite !

    Mme SMITH Khrishnamourti, Khrishnamourti, Khrishnamourti !

    M. SMITH Le pape drape ! La pape na pas de soupape. La soupape a unpape.

    Mme MARTIN Bazar, Balzac, Bazaine !

    M. MARTIN Bizarre, beaux-arts, baisers !

    M. SMITH A, e, i, o , u, a, e, i, o, u, a, e, i, o, u, i !

    Mme. MARTIN B, c, d, f, g, l, m, n, p, r, s, t, v, w, x, z !

    M. MARTIN De Lail leau, du lait lail !

    Mme SMITH, imitant le train Teuff, teuff, teuff, teuff, teuff, teuff,teuff, teuff, teuff, teuff, teuff !

    M. SMITH cest !

    Mme MARTIN Pas !

    M. MARTIN Par !

    Mme SMITH L !

    M. SMITH Cest !

    Mme MARTIN Par !

    M. MARTIN I !

    Mme SMITH Ci !

    Tous ensemble, au comble de la fureur, hurlent les uns aux oreilles des

    autres. La lumire sest teinte. Dans lobscurit, on entend sur un

    rythme de plus en plus rapide :

    TOUS ENSEMBLE Cest pas par l, cest par ici, cest pas par l, cestpar ici, cest pas par l, cest par ici, cest pas parl, cest par ici, cest pas par l, cest par ici, cestpas par l, cest par ici.

    Les paroles cessent brusquement. De nouveau, lumire. M. et Mme Martin

    sont assis comme les Smith au dbut de la pice. La pice recommenceavec les Martin, qui disent exactement les rpliques des Smith dans la

    premire scne, tandis que le rideau se ferme doucement.

    IONESCO (E.), La Cantatrice Chauve, Paris, Folio-Gallimard, 1954, pp.11-15,79-81.

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    Le thtre du XXe sicle

    Samuel BECKETT, En attendant Godot(1952)

    Deux personnages, Estragon (dit Gogo) et Vladimir (surnomm Didi), seretrouvent sur une route de campagne, prs d'un arbre, dans un paysage trsdpouill. Il s'agit de deux clochards dont le dialogue rvle trs vite la raisonde leur prsence en ce lieu : ils attendent un troisime personnage nomm GodotIls ne sont pas du tout srs qu'il viendra et ne savent mme pas exactement quiil est ni ce qu'ils souhaitent obtenir de lui. Cependant, pour patienterjusquau moment de son arrive, ils engagent une conversation btons rompus ose succdent plaintes, vocations de vagues souvenirs, petites chamailleriessuivies de rconciliations et diverses interrogations : Vladimir stonnepar exemple subitement qu'un seul des quatre vanglistes ait voqu lesalut de lun des deux larrons crucifis en mme temps que le Sauveur. Ils sont ensuite rejoints par deux protagonistes qui composent un

    trange couple : 1'un (Pozzo) tient lautre (Lucky) attach par unelongue corde et entretient avec lui des rapports de matre cruel serviteur soumis ses moindres caprices et supportant en silence sesinsultes et ses coups. Estragon et Vladimir soffusquent de cette faon detraiter un tre humain et demandent Pozzo pourquoi Lucky ne pose jamais sesbagages. Cest parce qu il cherche m'apitoyer, rpond Pozzo, pour que jerenonce me sparer de lui avant dajouter que Lucky joue pour lui lerle du knouk , cest--dire du bouffon. Aprs une explication sur lafaon abrupte dont la nuit tombe en cette contre, Pozzo propose aux deuxcompres de faire danser et penser Lucky. Celui-ci obit et, aprs unecourte danse du filet , se lance dans une longue et pnible tiradephilosophique, ttonnante et hermtique. Aprs le dpart, de Pozzo et Lucky,un jeune garon vient annoncer Gogo et Didi que Godot ne viendra pas ce

    soir mais srement demain (Acte I).Les deux personnages prcdents se retrouvent au mme endroit aprss'tre spars pour la nuit. Estragon a tout oubli ou presque de ce quisest pass la veille. Ils reprennent leur conversation. Gogo a trouv unepaire de chaussures : Didi lincite les essayer en guise de distraction.Aprs avoir eu recours sans conviction divers moyens de passer le temps(imiter Pozzo et Lucky, faire de la gymnastique), ils sont satisfaits devoir revenir Pozzo et Lucky. Le premier est devenu aveugle et, aprs unechute, implore qu'on lui apporte de laide pour se remettre debout Didi,ayant voulu 1ui porter secours, tombe son tour sans parvenir seredresser. Estragon connat ensuite le mme sort. Aprs une priode dereptation tout le monde parvient cependant se relever tant bien que mal.Didi interroge Pozzo pour savoir de quand datent sa ccit et le mutisme de

    Lucky. Mais lautre, irrit de ces questions concernant le temps, quitte lascne prcd de son esclave. Le mme jeune garon revient ensuite porter Vladimir et Estragon le mme message qu' lacte I. Ceux-ci prennent ladcision de partir et de revenir le lendemain... mais ils ne bougent pas(Acte II).

    Rsum tir de DE BEAUMARCHAIS (J.-P.), COUTY (D.), Dictionnaire des Grandesuvres de la littrature franaise, Paris, Larousse-Bordas, 1997, p.406-407.

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    Acte premier

    Route la campagne, avec arbre. Soir.

    ()

    [Estragon] se lve pniblement, va en boitillant vers la coulisse gauche,

    s'arrte, regarde au loin, la main en cran devant les yeux, se retourne, va

    vers la coulisse droite, regarde au loin. Vladimir le suit des yeux, puis va

    ramasser la chaussure, regarde dedans, la lche prcipitamment.

    VLADIMIR. - Pah ! (Il crache par terre.)

    Estragon revient au centre de la scne, regarde vers le fond.

    ESTRAGON. - Endroit dlicieux. (11 se retourne, avance jusqu' la rampe,regarde vers le public.) Aspects riants. (Il se tourne vers Vladimir.) Allons-nous-en.VLADIMIR. - On ne peut pas.ESTRAGON. - Pourquoi ?VLADIMIR. - On attend Godot.

    ESTRAGON. - C'est vrai. (Un temps.) Tu es sr que c'est ici ?VLADIMIR. - Quoi ?ESTRAGON. - Qu'il faut attendre.VLADIMIR. - Il a dit devant l'arbre. (Ils regardent l'arbre.) Tu en voisd'autres ?ESTRAGON. - Qu'est-ce que c'est ?VLADIMIR. - On dirait un saule.ESTRAGON. - O sont les feuilles ?VLADIMIR. - Il doit tre mort.ESTRAGON. - Finis les pleurs.VLADIMIR. - A moins que ce ne soit pas la saison.ESTRAGON. - Ce ne serait pas plutt un arbrisseau ?VLADIMIR. - Un arbuste.

    ESTRAGON. - Un arbrisseau.VLADIMIR. Un (Il se reprend). Qu'est-ce que tu veux insinuer ? Qu'on s'esttromp d'endroit ?ESTRAGON. - Il devrait tre l.VLADIMIR. - Il n'a pas dit ferme qu'il viendrait.ESTRAGON. - Et s'il ne vient pas ?VLADIMIR. - Nous reviendrons demain.ESTRAGON. - Et puis aprs-demain.VLADIMIR. - Peut-tre.ESTRAGON. - Et ainsi de suite.VLADIMIR. - C'est--dire...ESTRAGON. - Jusqu' ce qu'il vienne.VLADIMIR. - Tu es impitoyable.

    ESTRAGON. - Nous sommes dj venus hier.VLADIMIR. - Ah non, l tu te goures.ESTRAGON. - Qu'est-ce que nous avons fait hier ?VLADIMIR. - Ce que nous avons fait hier ?ESTRAGON. - Oui.VLADIMIR. - Ma foi... (Se fchant.) Pour jeter le doute, toi le pompon.ESTRAGON. - Pour moi, nous tions ici.

    ()

    Acte deuxime

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    Entre droite le garon de la veille. Il s'arrte. Silence.

    GARON. - Monsieur... (Vladimir se retourne.) Monsieur Albert...

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    VLADIMIR. - Reprenons. (Un temps. Au garon.) Tu ne me reconnais pas?GARON. - Non, monsieur.VLADIMIR. - C'est toi qui es venu hier ?GARON. - Non, monsieur.VLADIMIR. - C'est la premire fois que tu viens ?GARON. - Oui, monsieur.

    Silence.

    VLADIMIR. - C'est de la part de monsieur Godot ?GARON. - Oui, monsieur.VLADIMIR. - Il ne viendra pas ce soir.GARON. - Non, monsieur.VLADIMIR. - Mais il viendra demain.GARON. - Oui, monsieur.VLADIMIR. - Srement.GARON. - Oui, monsieur.

    ()

    Silence.

    GARON. - Qu'est-ce que je dois dire monsieur Godot, monsieur ?VLADIMIR. - Tu lui diras - (il s'interrompt) - tu lui diras que tu m'as vu etque - (il rflchit) - que tu m'as vu. (Un temps. Vladimir s'avance, legaron recule, Vladimir s'arrte, le garon s'arrte.) Dis, tu es bien sr dem'avoir vu, tu ne vas pas me dire demain que tu ne m'as jamais vu ?

    Silence. Vladimir fait un soudain bond en avant, le garon se sauve comme une

    flche. Silence. Le soleil se couche, la lune se lve. Vladimir reste

    immobile. Estragon se rveille, se dchausse, se lve, les chaussures la

    main, les dpose devant la rampe, va vers Vladimir, le regarde.

    ESTRAGON. - Qu'est-ce que tu as ?

    VLADIMIR. - Je n'ai rien.ESTRAGON. - Moi je m'en vais.VLADIMIR. - Moi aussi.

    Silence.

    ESTRAGON. - Il y avait longtemps que je dormais ?VLADIMIR. - Je ne sais pas.

    Silence.

    ESTRAGON. - O irons-nous ?VLADIMIR. - Pas loin.

    ESTRAGON. - Si si, allons-nous-en loin d'ici !VLADIMIR. - On ne peut pas.ESTRAGON. - Pourquoi ?VLADIMIR. - Il faut revenir demain.ESTRAGON. - Pour quoi faire?VLADIMIR. - Attendre Godot.ESTRAGON. - C'est vrai. (Un temps.) Il n'est pas venu ?VLADIMIR. -Non.ESTRAGON. - Et maintenant il est trop tard.VLADIMIR. - Oui, c'est la nuit.

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    BECKET (S.), En attendant Godot, Paris, Les Editions de Minuit, 1952, pp.9-18,129-134.

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    Le thtre du XXe sicle

    Jean ANOUILH,Antigone (1944)

    Au lever du rideau, le Prologue prsente au public les personnages qui vontinterprter la pice en dcrivant grands traits leur caractre ; ilssont onze en tout qui sclipsent au fur et mesure pour laisser la scnevide. La tragdie peut commencer.La nourrice, scandalise, surprend Antigone qui au petit matin rentresubrepticement au palais. La jeune fille rassure la vieille femme et inquitesa sur Ismne par sa dtermination, d'aller enterrer leur frre Polynice mortdans un combat fratricide contre Etocle, et cela, malgr linterdiction deCron qui promet la mort celui qui enfreindrait ses ordres. Aprss'tre rconforte auprs de la nourrice, Antigone reoit son fianc Hmon, fils ceCron et dEurydice, et lui annonce, aprs lui avoir fait jurer de ne pas laquestionner , quelle ne pourra pas lpouser. A Ismne revenue, Antigone avoue

    alors quelle est alle, pendant la nue enterrer son frre. Les deux jeunesfilles une fois sorties, arrivent Cron et un garde. Ce dernier annonce Cron que quelquun a recouvert le cadavre de terre. Dans un premier mouvement,Cron, en voulant garder la chose secrte, tente d'viter le scandale. Arrivealors le chur qui entame des rflexions sur la tragdie, puis Antigone,menottes aux poignets qui vient de se faire surprendre par les gardes e