gazette rentrée 2012 - librairie le square

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LIBRAIRIE LE SQUARE La Gazette Septembre 2012 du Square mail : [email protected] - site : www.librairielesquare.fr Gros plans Mathias Enard, Elsa Osorio Lionel Duroy, Juan Gabriel Vasquez Coups de coeur littérature romans français, romans étrangers, premiers romans Rencontres Elisabeth Hamidane et Yann Liotard, Antoine Choplin,Gwenaëlle Aubry, Julia Deck et Yassaman Montazami, Lionel Duroy, Dominique Bourgois et Linda Lê, Sabine Wespieser et Michèle Lesbre, Irène Lindon et Hélène Lenoir,Liana Levi et Lucile Bordes Mathias Enard, Elsa Osorio, Jean-Philippe Stassen,Jacques Lamalle, Nasser Djemaï, Johann Chapoutot et Aurélien Lignereux SPECIAL RENTRÉE LITTÉRAIRE Inauguration du Méliès les 21, 22, 23 septembre. Des séances exceptionnelles en présence de Nicolas Philibert, Gilles Perret, Michel Ocelot...Des cinéastes que vous pourrez retrouver à cette occasion dans notre librairie Cinesquare !

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Gazette rentrée 2012 - Librairie le Square

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LIBRAIRIE LE SQUARE

La Gazette Septembre 2012

du Squaremail : [email protected] - site : www.librairielesquare.fr

Gros plans

Mathias Enard, Elsa OsorioLionel Duroy, Juan Gabriel Vasquez

Coups de coeur littérature

romans français, romans étrangers, premiers romans

Rencontres

Elisabeth Hamidane et Yann Liotard, Antoine Choplin,Gwenaëlle Aubry, Julia Deck etYassaman Montazami, Lionel Duroy, Dominique Bourgois et Linda Lê, Sabine Wespieser

et Michèle Lesbre, Irène Lindon et Hélène Lenoir,Liana Levi et Lucile BordesMathias Enard, Elsa Osorio, Jean-Philippe Stassen,Jacques Lamalle, Nasser Djemaï,

Johann Chapoutot et Aurélien Lignereux

SPECIAL RENTRÉE LITTÉRAIRE

Inauguration du Méliès les 21, 22, 23 septembre. Des séances exceptionnellesen présence de Nicolas Philibert, Gilles Perret, Michel Ocelot...Des cinéastes que vous

pourrez retrouver à cette occasion dans notre librairie Cinesquare !

Se penchant sur sa (courte) vie, Lakhdar, le personnage principal de son dernier roman, Rue desvoleurs, nous dit : “Je suis ce que j’ai lu, je suis ce que j’ai vu”. Pour Mathias Enard aussi la lec-ture a pu précéder l’expérience. On peut imaginer que seuls les livres permettaient l’accès àl’ailleurs au cours d’une enfance passée dans les années 80 au milieu d’une plaine niortaise, biendépourvue de rivage. Et peut-être l’esprit échauffé par Bourlinguer, le jeune homme a vu dansl’étude de l’arabe et du persan à Langues O le moyen du départ. Iran, Beyrouth, Syrie…lesséjours se sont ensuite multipliés. Puis il s’installe, il y a plus de dix ans, à Barcelone, où ilenseigne à l’université. Une métropole, mais aussi un port, autrement dit un lieu de transit, d’oùil ne cesse d’arpenter cette Méditerranée dont il s’est fait le chantre. Avec une littérature qu’ilconçoit comme un miroir pour embrasser (embraser ?) le monde.

GR

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PLAN

Bibliographie

La perfection du tir, Actes Sud, 2003, Babel, 2008

Remonter l’Orénoque, Actes Sud, 2005

Bréviaire des articiers, Verticales, 2007, Folio, 2010

Zone, Actes Sud, 2008, Babel, 2010, Prix Décembre,

Prix du Livre Inter

Parle-leur de batailles, de rois, d’éléphants, Actes Sud, 2010,

Prix Goncourt des Lycéens

Rue des Voleurs, Actes Sud, 2012

N.Trigeassou

“Je suis ce que j’ai lu, je suis ce que j’ai vu, j’ai en moi autant d’arabe que d’espagnol et de fran-çais, je me suis multiplié dans ces miroirs jusqu’à me perdre ou me construire, image fragile, imageen mouvement”. Rue des voleurs.

“Qu’est-ce qu’on cherche dans les déplacements, que veut-on dans les voyages […] ?” L’alcoolet la nostalgie.“Il faut accepter les voyages qui sont l’autre nom du destin.” Rue des voleurs.

Chez lui, l’espace se lit dans la littérature et la littérature doit dire l’espace, c’est pourquoi il est toujours question de voyage. Prenons sonroman le plus spectaculaire, Zone, un long chant (près de 500 pages) sans ponctuation (mais avec des majuscules permettant des sus-pensions) qui fait du voyage en train d’un homme le lieu d’où raconter un siècle de guerres autour de la Méditerranée. Pour écrire ce mon-ument, Enard a d’abord, selon la méthode qui est toujours la sienne, été recueillir des récits, multipliant les entretiens. Des récits qui mon-trent à quel point en Méditerranée, tout est lié, relié par la magie d’une Histoire en commun. Parce qu’un récit appelle nécessairementl’autre, le roman doit prendre la forme d’un voyage, en se glissant dans celle du texte fondateur, l’Odyssée et son oralité. Et on peut ainsilire l’oeuvre d’Enard comme des voyages suscités par la littérature pour faire, dans une relecture, l’expérience du monde. Parle-leur debatailles, de rois et d’éléphants, avec son titre emprunté à Kipling, est né de la lecture d’une page de Vasari : Michel-Ange aurait pu êtreinvité par le sultan de Constantinople pour construire un pont. Ou encore refaire, en reprenant sa violence et même ses vers, le voyagede la Prose du Transsibérien, dans l’Alcool et la nostalgie,un titre par ailleurs dû à Tchekhov.La Méditerranée, c’est aussi un espace de frontières, de conflits. Il est souvent question de guerre (son premier livre auscultait la déshu-manisation d’un sniper) mais l’affrontement peut également se jouer dans l’expérience de l’Autre. Le voyage de Michel-Ange n’est-il pasun saut dans l’inconnu barbare musulman par un génie de l’occident chrétien ? Et bien souvent chez Enard, ces écarts se vivent dansl’amour et la rencontre des corps.Et ce voyage dans la géographie se fait aussi dans les mots. Si les formes varient d’un livre à l’autre, une écriture s’identifie de suite. Unenarration à la première personne, un recours au présent pour faire éprouver au lecteur le cheminement. Et surtout, cette langue, unelangue des sens, incantatoire, répétitive, et qui dans son dernier roman se fond dans toutes ces circulations, faite de français, d’espagnol,d’arabe…Rue des voleurs a été écrit dans l’urgence. Né d’une nécessité, réagir à la violence du suicide de Mohamed Bouazizi, il a été écrit avec laconviction, que seule la fiction pouvait dire le très contemporain. Pour faire la chronique d’une année de tumultes, les révolutions arabes,les révoltes de la jeunesse en Europe, Enard reprend la forme du voyage. Des siècles après Ibn Battûta, un jeune Marocain traverse unespace en crise. Et ce cheminement nous est raconté du futur, à rebours, avec la sagesse de celui qui a vu. Lakhdar est un jeune deTanger, cette fenêtre vers l’Europe, dont l’ennui n’est troué que par les livres et la recherche de l’amour. Surpris nu avec sa cousine, il estchassé par sa famille, et il se retrouve, seul, perdu, chien parmi les chiens. Commence alors une errance au cours de laquelle il croise desislamistes, l’entre-monde du détroit, le commerce de cadavres de migrants et une révolte molle en Espagne… Mais surtout il affirmera aucours de cette odyssée son refus d’une destruction d’un monde et sa liberté de s’y opposer. Et avec toute sa puissance, Enard réussitdans ce voyage Au coeur des ténèbres à l’envers, à renverser les perspectives et faire d’un héros complexe, le défenseur d’un human-isme arabe. Espoir nécessaire car rarement la domination et le désarroi d’un jeune arabe n’avait été dit avec une telle violence.Eblouissant.

Elsa Osorio est née en 1953 à Buenos Aires. Après des études delittérature, elle devient journaliste, scénariste pour le cinéma et latélévision et romancière. Auteur de nombreux romans dans sonpays, elle a reçu plusieurs prix en Argentine, notamment le prixnational de littérature pour Luz ou le temps sauvage, publié par leséditions Métailié en 2000. Elle vit entre Madrid et l’Argentine. La lit-térature d’Elsa Osorio se nourrit à plusieurs sources. Celle toutd’abord bien réelle de l’histoire de son pays et plus précisément dela dictature qu’elle dissèque au scalpel, en quête de vérité pourdépasser l’horreur de la tragédie collective qui a frappé son payset donner sens à des parcours individuels tournés vers une formed’espoir. Ainsi dans Luz ou le temps sauvage, Elsa Osorio nousconte le cheminement de Luz, fille de disparus, enlevée à sesparents et donnée à un couple proche du pouvoir.

GROS PL

AN

Bibliographie

Aux éditions Métailié :

Luz ou le temps sauvage, 2000, Suites, 2012

Tango, 2007

Sept nuits d’insomnie, 2010

La Capitana, 2012

F.Folliot

Le roman polyphonique de l’écrivain nous fait entendre dans une même progression, la voix de Luz,adulte, celle de Carlos, son père retrouvé mais aussi à travers le récit qu’elle lui fait de ce qu’elle adécouvert, celle de Maria, la pute au grand coeur, celle de «la bête» exécuteur des basses oeuvresou encore celle d’Eduardo, père adoptif naïf et tourmenté et de Mariana, mère de substitution soumi-se aux idées nauséabondes des militaires. C’est tout un univers qui se déploie, ouvert par Luz, dansune construction narrative éblouissante qui ne laisse au lecteur aucun répit. Restituant pensées inté-rieures et paroles des protagonistes les multiples voix donnent une épaisseur et une réalité insoute-nable parfois à l’histoire sombre et douloureuse du peuple argentin. Cette veine historique et politique,bien qu’embrassant une période beaucoup plus vaste est à la source du dernier roman d’Elsa Osorio,La Capitana. Le personnage central du roman, Mika, ou plus précisément Micaela Feldman deEtchebéhère (1902-1992) a réellement vécu. Révolutionnaire magnifique, elle a vécu en Patagonie,à Berlin, en Espagne, suivant la révolution partout où elle s’embrasait. Femme au courage exemplai-re, passionaria éperdument amoureuse de son mari, elle a vécu avec lui à Paris dans les années tren-te puis ils ont rejoint Berlin.

Entre les désaccords des communistes staliniens et trotskis-tes qui s’étripent et la montée du nazisme, leur militantismeidéal est mis à mal. Ils rejoindront finalement les combattantsdu POUM dans la guerre civile espagnole. C’est là que Mika,novice dans la guerre réelle, va avec une rare intelligence etune générosité sans faille faire l’admiration des hommes quil’entourent et devenir chef de miliciens. Courageuse, humai-ne, intègre, elle impose à une époque difficile et dans unmilieu encore fermé aux femmes sa force et son courage.Ecrit à travers plusieurs voix, La capitana, outre le magni-fique portrait de Mika est une traversée particulière du mili-tantisme révolutionnaire du vingtième siècle. Il met en per-spective toute une époque, revenant sur les compromissions

des hommes et les manipulations politiques dans uneépoustouflante fresque habitée à la fois par le souffle épiqued’un personnage hors du commun et l’amour puissant unis-sant mari et femme. Comme dans Sept nuits d’insomnie, LaCapitana puise ainsi à la deuxième source d’inspirationd’Elsa Osorio, le souffle magique de l’amour, l’exaltation desrêves dans un monde où tout sera possible.Quête de vérité, exigence intellectuelle, engagement, beau-coup de ces traits pourraient s’appliquer autant à Mika qu’àElsa Osorio qui avec ce dernier roman traduit chez Métailiépar François Gaudry confirme un très grand talent d’écrivainet une maîtrise narrative remarquable.

PLANG

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Bibliographie sélectivePriez-pour nous, Barrault, 1990, J’ai Lu, 2011

Il ne m’est rien arrivé, Mercure de France, 1994

Un jour, je te tuerai, Julliard, 1999, J’ai Lu, 20111

Trois couples en quête d’orage, Julliard, 2000, J’ai Lu, 2011

Méfiez-vous des écrivains, Julliard, 2002, J’ai Lu, 2011

Le cahier de Turin, Julliard, 2003, J’ai Lu, 2012

Ecrire, Julliard, 2005

Le chagrin, Julliard, 2010, J’ai Lu, 2011

Colères, Julliard, 2010

L’hiver des hommes, Julliard, 2012

L.Blondel

Voila plus de vingt ans que Lionel Duroy écrit des livres. Cet écrivain discret né àBizerte en 1949 s’est peu à peu imposé sur la scène littéraire jusqu'à l’énorme suc-cès de son roman Le chagrin en 2010. Vingt années de publication mais probable-ment un peu plus d’écriture. Ecrire est d’ailleurs le titre d’un de ses livres où il racon-te cette passion, addiction et surtout libération que lui procure l’acte d’écrire maisnous restons loin du poncif de l’écrivain sauvé par l’écriture, Duroy est humble etmodeste. Toute sa vie il aura écrit sur le couple et la famille, la sienne notamment.De Priez pour nous à Chagrin ou encore dans Colères, la relation familiale est trai-tée, observée dans son ensemble, elle n’est jamais malsaine .Mais Lionel Duroy n’est pas qu’un écrivain de la famille. Reporter, il a aussi écrit surdes affaires criminelles ou encore couvert des conflits. Il a notamment consacré untrès beau récit en 1994 à la guerre en Bosnie.Aujourd’hui Lionel Duroy publieL’hiver des hommes, un roman exceptionnel et stupéfiant sur les enfants de crimi-nels de guerre.

Marc, le personnage principal, écrivain part à Belgrade pour enquêter sur la mort d’Ana Mladic,fille de Rathko Mladic responsable du massacre de Srebrenica. En allant en république Serbe deBosnie, Marc aborde non seulement certains acteurs de l’horreur mais il écoute aussi une popu-lation d’une part meurtrie, d’autre part farouchement nationaliste.Il rencontre notamment LjiljanaBulatovic, biographe et admiratrice de Mladic qui l’emmène voir une parodie ridicule de procès oùBosa et Darko Mladic, femme et fils du « bourreau des Balkans » sont accusés de détention d’ar-mes. Ce « procès » tourne court, les protagonistes, qui ont l’habitude de se rendre au tribunal, sontrelâchés, la salle composée de militants et d’anciens généraux sont en joie, l’absurde de la situa-tion est à l’image de ce que verra Marc tout au long de son périple. Mais c’est Ana Mladic qui hanteMarc. Pourquoi cette jeune femme de 23 ans décide t’elle de se suicider avec l’arme favorite deson père, a-t-elle réalisé à ce moment là l’atrocité commise par son père ?

La réponse est difficile a trouver mais Marc se souvient du témoignage de Michael Frank, second fils de Hans Frank minis-tre du Troisième Reich surnommé « le bourreau de la Pologne ». Michael Frank prend véritablement conscience des actesorchestrés par son père le jour où il voit des photos d’Auschwitz. Il sait que ce n’est pas de la propagande, la réalité est là,insupportable mais bien réelle. C’est peut-être aussi pour Ana Mladic la découverte du massacre de Markale, marché cou-vert de Sarajevo, organisé par son père, qui la pousse au suicide. Se souvenant encore d’un mot de Michael Frank à pro-pos du suicide de son frère : « Il est mort du père, aucun de nous n’arrive à s’en débarrasser ».L’hiver des hommes restera comme un des grands romans sur la guerre et l’illusion idéologique et Duroy, tout discret soit-il, continue une oeuvre forte.

“Ce soir-là, de retour à mon hôtel, je relis les témoignages des enfants d’autres criminels de guerre pour tenter de com-prendre ce qui a pu se passer dans l’esprit d’Ana Mladic. Ainsi je constate que ce n’est qu’après l’arrestation de leurpère, au mois de mai 1945, que les enfants Frank ont soudain pris conscience du double visage de celui-ci : un hommeaimant d’un côté, attentif aux siens, sensible et cultivé ; un criminel épouvantable de l’autre.” L’hiver des hommes

GROS PL

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Pour son dernier roman qui parait à la rentrée, intitulé Le bruit des choses qui tombent, il a reçu enEspagne le prestigieux prix Alfaguara. Ce roman évoque les cicatrices laissées sur le corps par la vio-lence et par la corruption. Des cicatrices autant métaphoriques que littérales. On plonge ainsi au coeurde la violence, malgré les deux histoires d'amour racontées, et ceci dans un va et vient constant entrepassé et présent. Se dégage de ce roman de violents contrastes alors même que la forme stylistiquesemble d'une grande maîtrise et d'une profonde rationalité. Il en découle l'expression d'une myriaded'obsessions et de peurs que les masques de la fiction parent à merveille.

F.Calmettes

Né en 1973 à Bogota, Juan Gabriel Vásquez est l'un des romanciersles plus prometteurs de la nouvelle littérature colombienne. Exilé deColombie depuis ses vingt-trois ans, il vit aujourd’hui à Barcelone où ils'est installé après des études de lettres à la Sorbonne et trois annéespassées dans les Ardennes entre France et Belgique. Son premierroman, Les dénonciateurs, paru aux éditions Actes-Sud en 2008, lui avalu une reconnaissance internationale. Ce roman était une plongéebouleversante dans la Colombie des années quarante, lorsque cepays dressa une liste noire de tous les exilés allemands pouvant nuire.Déjà, Juan Gabriel Vásquez cherchait à interroger les fondementsmêmes de la Colombie d'aujourd'hui. Puis, en 2010 paraissait aux édi-tions du Seuil Histoire secrète du Costaguana avec lequel il obtient leprix Querty du meilleur roman en langue espagnole ainsi que le prixFundacion libros y letras de la meilleure oeuvre de fiction.

Dans Les amants de la toussaint, publié en 2011 aux éditions du Seuil, Juan Gabriel Vásquez s’estlivré avec élégance à l'écriture de nouvelles. Ces nouvelles abordaient les thèmes de la solitude, laculpabilité et l'amitié,et cette fois,elles se déroulaient à Paris et en Belgique. A n'en pas douter, JuanGabriel Vásquez est doué pour l'écriture, capable de changer de forme et de rythme, pour mieux nousembarquer dans ses questionnements et son univers.

Tout commence lorsqu'un hippopotame échappé de l’ Hacienda Nápoles, qui n'est autre que l'ancien zoo de Pablo Escobar,est tué par des hommes lancés à sa recherche. Il revient alors à l'esprit d'Antonio Yammara l'image de son partenaire debillard, Ricardo Laverde, un homme secret qui s'est fait descendre sous ses yeux. Antonio, lui, a continué sa vie avec unecicatrice enfouie mais tenace. Il est devenu, depuis, un homme apathique et taciturne, incapable de trouver sa place dansle monde. Pourquoi moi, se demande-t-il ? Qu'a t-il bien pu se passer dans ce pays pour que le seul fait de sortir de chezsoi représente un danger ? Antonio éprouve alors le besoin de s'immiscer dans la vie de Ricardo Laverde pour tenter decomprendre la sienne. Ainsi débute une enquête qui nous entraîne aux racines du narcotrafic colombien et seule cetterecherche des origines du conflit permettra à Yammara d'assumer sa douleur. Antonio retourne donc dans le passé de soncompagnon de billard, dans celui de sa femme et de sa fille, mais tout autant dans celui de tout un peuple. En explorant lesressorts de la cupidité, de l'ambition et de la peur, Juan Gabriel Vásquez, pénètre dans le territoire de l'irrationalité de la vio-lence sans jamais lâcher une écriture fine et précise. Le bruit des choses qui tombent n'est pas un sermon facile sur le nar-cotrafic. Il s'agit plutôt d'une manière méticuleuse d'observer sans préjugés les causes et les effets tout autant que les dilem-mes. Les vies croisées de Yammara et de Laverde dressent le portrait d'une Colombie gangrenée par le fléau de la violen-ce. Ces vies croisées sont aussi, à l'image de la couverture, comme les trajectoires des boules de billard, qui percutées don-nent un effet, un principe d’engrenage modifiant toute la lecture d’une table. Toute la vie peut être alors perçue comme unjeu de billard ou chacun développe sa propre méthode pour rester dans la partie.Avec ce roman, Juan Gabriel Vásquez, nous offre une fiction à la tonalité subtile qui met en mots la violence ordinaire deson pays. D'une bouleversante maîtrise.

Bibliographie

Les dénonciateurs,Actes Sud, 2008

Histoire secrète du Costaguana, Seuil, 2010, Points, 2012

Les amants de la Toussaint, Seuil, 2011

Le bruit des choses qui tombent, Seuil, 2012

CO

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S DE COEUR

Partages, Gwenaëlle Aubry, Mercure de France, 17,50 €

Le roman se déroule pendant la seconde intifada. Tout divise et tout réunit à la fois Leila, née et gran-die dans un camp en Cisjordanie et Sarah, jeune juive née à New-York et revenue en Israël avec samère après le 11 septembre. Elles ont reçu en partage le lourd héritage d’une communauté qui souf-fre. Chacune porte la mémoire d’un peuple et d’une histoire tragique, chacune cherche sa voie dansun monde déchiré. Héroïnes d’une histoire qui les dépasse, ces deux toutes jeunes-filles iront au boutde ce qui les oppose, dans une traversée terrible alors qu’elles éprouvent une même présence à lavie dans les instants fragiles et lumineux du quotidien. Construit admirablement sur cette ligne de par-tage, le roman de Gwenaëlle Aubry fait alterner deux voix qui en même temps qu’elles marquent unpeu plus l’éloignement des deux cheminements sensitifs et intellectuels vont dans le cours de la nar-ration se rapprocher dans des chapitres de plus en plus courts. Elles vont se mêler ces voies d’unepage à l’autre pour finalement se rejoindre géographiquement dans la ville de Jérusalem qu’ arpen-tent Leila et Sarah. Deux visages qui se superposent, des évènements qui s’accélèrent jusqu’à undénouement inéluctable ; le destin de Leila et Sarah raconté de l’intérieur des têtes et des corps parune écrivaine comme habitée par ses personnages nous frappe violemment. C’est une tragédieantique qui nous est contée où toute chose prend une dimension essentielle. F.F.

14, Jean Echenoz, Minuit, 12,50 €A propos de l’oeuvre d’Echenoz, on parle souvent de cycles. Après les variations sur les genres, poli-cier, roman d’aventures… Echenoz s’est consacré aux “ vies imaginaires “, réussissant à faire des viesréelles dont il s’emparait des personnages de son propre univers, à savoir autant d’avatars d’unemême solitude. 14 marque une rupture. Echenoz s’affronte au réel, à l’Histoire (la Grande Guerre) etaux exigences d’une mise en scène, le romanesque. Il s’agit de raconter la vie et le destin de cinq hom-mes livrés au combat et d’une jeune femme laissée à l’arrière. Et comment ? en se jouant des contrain-tes du romanesque ! Il faut monter des scènes de batailles, se faire confronter des personnages, lemaître magicien peut tout faire. Il appuie sur toutes les touches de l’orgue pour faire exploser en d’in-croyables scènes de combat le cataclysme, il sait mobiliser tous les ressorts sociaux, sentimentaux,pour développer des destins. Couper, monter, couper, et réussir à recueillir ce qui fait le chaos : le quo-tidien de la peur, l’éternité des fêlures et in fine le triomphe de la vie sur la cicatrice. 14 a désormaisson Quatre-Vingt Treize, il ne fait lui que 120 pages, c’est l’essence du génie. N.T.

La nuit tombée, Antoine Choplin, La Fosse aux ours, 16 €La nuit tombée, selon Antoine Choplin, est cette nuit d'épouvante tombée sur l'Ukraine en 1986,transformant la région en no man's land radioactif. Deux ans plus tard, Gouri, écrivain public à Kievretourne à Pripiatt, son village, devenu ville morte. Voyage dans un espace de désolation, villagesvidés de leurs habitants mais où la nature magnifique semble prendre le dessus sur les horreurs fai-tes par l'homme. Voyage dans le temps également, où Gouri se souvient de ses jours heureux pas-sés dans son appartement avec sa femme et sa fille malade pour qui il fait le trajet sur sa moto atte-lée d'une remorque brinquebalante.Antoine Choplin, avec une économie de moyen témoigne de la gravité de l'évènement sans jamaisle nommer, de l'horreur des vies anéanties et de l'absurdité de la nécessité "d'enterrer la terre", untravail patriotique effectué par des ouvriers condamnés à l'avance. Mais l'auteur n'oublie ni l'amitiéindéfectible entre les personnages ( des retrouvailles qui s'arrosent à la vodka), ni la beauté de lacampagne ukrainienne sous l'éclat de la lune, à la nuit tombée. Une beauté à la simplicité crépus-culaire. C.M.

COUPS DE

CO

EU

R

Peste & choléra, Patrick Deville, Seuil, 18 €Une scène d’ouverture géniale. Juin 1940, au Bourget, un vieil homme, Alexandre Yersin montedans le dernier avion qui s’envolera de France, destination Saïgon et plus loin son refuge, NhaTrang. Crépuscule d’une vie, fin d’un monde, celui qui jeune chercheur de l’Institut Pasteurdécouvrit le bacille de la peste revient sur sa vie, alors que le monde est en train de succom-ber à la peste brune. Les livres de Patrick Deville sont écrits de l’entremêlement de destins qu’ilrévèle (sauve ?) et met en échos. Et de certains, on a l’impression que Deville ne donne à voirqu’une infime partie de ce qu’il a recueilli. Cette fois, il déploie un parcours et Peste & Cholérane raconte pas des Vies parallèles mais une vie et ses parallèles. Alexandre Yersin avait legénie pour accumuler les découvertes au sein des Pasteuriens mais l’ailleurs était un appelbien plus fort. Comme chez le Tesla d’Echenoz, l’altruisme le dispute à une confiance bour-souflée en son ego. Mais lui cherche à se fuir, dans une curiosité encyclopédique et un départtoujours renouvelé. Une fuite, voyage inversé, qui à rebours de Rimbaud, le fera finir par seconsumer dans ses derniers jours dans la littérature. Il devient alors difficile de ne pas lire dans

ce magnifique récit une confession autobiographique. N.T.

A quoi jouent les hommes, Christophe Donner, Grasset,22 €Avec A quoi jouent les hommes, Christophe Donner aborde cette rentrée avec un roman dont lethème principal est le jeu, la course hippique. Sur cinq cent pages ce pari ci était plus que dangereuxet pourtant amateurs ou non de courses et de chevaux trouveront leur compte dans ce génial romanqui ne se repose jamais. On apprendra que le petit Christophe va aux courses avec son pépé qui netouchera jamais un quarté même dans le désordre et comme un bel hommage il se mettra à jouer lui-même. Puis habilement Donner nous plonge en plein XIXème siècle où l’on rencontre Joseph Olleret Albert Chauvin, deux hommes d’affaires passionnés de courses. Autour d’eux gravitent des ano-nymes mais aussi des personnages célèbres comme Toulouse Lautrec, les frères Rothschild,Zola…C’est une société en pleine mutation que l’on retrouve sur les terrains de jeu. De l’arrivée dutrot à l’hippodrome de Vincennes qui fit grand bruit au travail des bookmakers, l’écrivain raconte sansjamais nous lasser dans son style si classique et si beau. L.B.

L’ardeur des pierres, Céline Curiol, Actes Sud, 19 €Trois personnages : Sidonie, Kanto et Yone. Deux objets : des pierres interdites. Une ville : Kyoto. Vusous cet angle voici un roman simple. Sidonie, jeune femme française et noire, part au Japon pourfaire un voyage dont elle rêve depuis longtemps. Kanto et Yone sont voisins d’immeuble. Le premierest jardinier, métier très noble au Japon. Le second, fils d’un grand sculpteur, se voudrait écrivain maisse contente pour l’instant de lire sans fin sa première phrase de moins en moins prometteuse. Difficiled’écrire la vie d’un meurtrier quand on n’a jamais tué soi même… Kanto s’échappe au bord d’unerivière et déterre deux pierres. Deux pierres qu’il ne devrait pas toucher. Deux pierres qui se défor-ment étrangement au grè du hasard. Deux pierres qui vont plonger Kanto dans un flou total.Ces deux hommes ont chacun leur tour aperçu Sidonie dans un café. Sa peau noire les fait fantas-mer. Ils s’imaginent une chanteuse noire américaine issue de Brooklyn. Là où la parole et la connais-sance font défaut les fabulations prennent place et ne sont pas sans faire sourire.Céline Curiol crée des ponts et des liens, des méandres et des culs-de-sac sans fin, des fils et desbarrières qu’elle manie telle une magicienne pour nous perdre et nous laisser rêveur. Un roman écrità la façon japonaise avec cette poésie et ce goût de l’étrange, par une jeune française très talen-tueuse qui sait façonner des personnages profonds et s’imprégner d’une culture aussi lointaine quela japonaise. Un roman mêlé d’influences tel que Murakami ou Ogawa sur l’héritage et l’acceptationdes différences. A.G.

Ciseaux, Stéphane Michaka, Fayard,19 €Formidable livre que ce Ciseaux de Stéphane Michaka qui met en scène l’écrivain Raymond Carver.Du fond de la clinique où il tente pour la énième fois de se débarrasser des démons de l’alcool, Carverécrit à sa femme et à son éditeur. Ce dernier surnommé ciseaux pour sa propension à faire de vivescoupes sur les textes des auteurs, aura rendu Carver complètement ivre de colère. Leur correspon-dance est rude, violente, drôle aussi. C’est cette ambiance que restitue Michaka avec une économiede mots qui offre un roman limpide et passionnant. Il est aussi possible de lire toute l’oeuvre deCarver aux éditions de l’Olivier qui depuis quelques années réédite poèmes et nouvelles,sans cesfameuses coupes. L.B.

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SDE COEUR

Le meilleur des jours, Yassaman Montazami, Sabine Wespieser, 15 €Le meilleur des jours, c’est la traduction en persan de Behrouz, prénom donné au père de YassamanMontazani, incroyable personnalité évoquée par une fille admirative qui fut une enfant éblouie. Né enIran, exilé à Paris où il poursuit une thèse monumentale qu’il ne finira jamais, Behrouz reçoit chez luiles exilés iraniens. Beau parleur, charmeur, n’ayant jamais travaillé de sa vie, idéaliste généreux,révolutionnaire en chambre, il inspire une sympathie quelquefois teintée d’agacement. L’écriture légè-re, précise, fine et parfumée de Montazani nous restitue un temps révolu où des réunions politiquesréunissent autour de Behrouz toutes les composantes du marxisme et du communisme. Débats ani-més, cris, gaieté, c’est dans une joyeuse ambiance «foutraque» que Yassaman évolue sans parlerdes personnages totalement improbables comme la veuve d’un colonel ou un poète mystique qui l’en-tourent. Toute une époque que la langue de Yassaman convoque avec drôlerie et tendresse afin quevive encore ce diable de Behrouz. En filigrane, c’est aussi et plus gravement l’histoire de l’Iran qui sedessine, la chute du Sha mais l’avènement d’une révolution qui n’est pas celle que souhaitaitBehrouz, mais celle d’Imams qui exigent que les femmes nouent un foulard sur leur tête avant d’êtrereçues. Enfin, infiniment présent, l’amour, filial, idéal ou improbable éclaire ces pages d’une lumièretrès douce. Un premier roman très réussi. F.F.

La vallée des masques, Tarun Tejpal, Albin Michel, 22,90 €Traduit de l’anglais (Inde) par Dominique VitalyosTarun Tejpal, né en 1963, est un écrivain et journaliste indien. Il est le célèbre fondateur du magazine Tehelkadont les enquêtes sur la corruption des hommes politiques lui ont valu des menaces de mort. Il a écrit son pre-mier roman en 2005, Loin de Chandigarh, qui fut un best-seller mondial, puis Histoire de mes assassins en 2009.Pour cette rentrée, il nous offre un roman en forme de parabole sur l'inhumanité, La vallée des masques, vérita-ble fable sur la pureté dangereuse.Une nuit en attendant ses assassins un homme raconte son histoire, celle de sa communauté, sorte de secte quise voudrait une société idéale. L'enjeu de ceux qui la dirigent est de subsumer l'identité individuelle dans l'iden-tité collective. Le narrateur prenant conscience que la perfection n'est pas à portée de l'humain et présentant lesdangers d'une société qui se met à considérer que les idées sont plus importantes que l'homme, sait qu'il va êtremis à mort par sa tribu. Ce roman a l'ambition de décrire les ressorts à l'oeuvre dans les mouvements religieuxet politiques qui conduisent à la deshumanisation. Tarun Tejpal nous livre une profonde réflexion sur ce qui agitenos sociétés : la dictature de la pureté, les dangers de la rhétorique et la compromission. Son écriture poétiqueet philosophique fait résonner les maladies du pouvoir tout autant que ce qui nous sauve comme la musique, le

rire et la beauté. La vallée des masques est un roman dont la charge ne peut laisser indifférent. F.C.

Viviane Elisabeth Fauville, Julia Deck, Minuit, 13,50 €Comment peut-on avoir commis l’irréparable et pourtant demeurer invisible ? Une femme vient de tuerson psychanalyste dans un accès incontrôlé de colère. On la voit se balançant dans une pièce nue surun rocking-chair son bébé dans les bras. Se ressaisir, “rassembler les débris”. Elle qui d’ordinaire subit,n’habite que par intermittences son corps, il va falloir agir. Alors qu’elle s’attend à être rapidement arrê-tée, la police l’écarte de l’enquête et se concentre sur d’autres suspects. Elle entreprend alors de lessuivre à son tour, les prenant en filature dans Paris. Tentative désespérée d’une remise en ordre cont-re les forces de l’ordre, ce roman raconte une femme qui perd pieds. Comment dire cette folie ? Non enla déversant mais en la convoquant. Viviane Elisabeth Fauville n’a pas qu’un prénom double, elle estmultiple. Et Julia Deck nous la fait se débattre entre plusieurs pronoms. Au “vous” de la passivité, suc-cède un “je” entreprenant. Et illusoire comme l’est cette obsession de mesurer temps et espace – elleplanifie tous ses déplacements : car, quelle maîtrise a-t-elle de la réalité et n’en a-t-elle jamais eue ? Unroman fascinant par les détours et variations qu’il propose et surtout la certitude de découvrir avec cetteperfection formelle et cette économie de la langue, un écrivain. N.T.

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Home, Toni Morrison, Bourgois, 17 €Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Christine LaferrièreEtats-Unis, années cinquante, Franck, jeune noir enrôlé de force, tout juste démobilisé après la guerre deCorée doit pour rejoindre sa soeur Cee traverser le pays jusqu’à Atlanta. En proie à des crises de panique,totalement traumatisé par ce qu’il a vécu il va devoir faire face au racisme encore profondément ancré dansla société américaine. Le danger guette à chaque coin de rue et la police n’en est pas un des moindres.Les souvenirs de Lily auprès de qui il a vécu, sa soif d’alcool contre laquelle il lutte, le passé en Géorgie,tout se mêle dans la tête de Franck qui poursuit son chemin porté par son désir de retrouver Cee qu’il saiten danger. Tous les thèmes de l’oeuvre de Toni Morrison sont ici réunis dans un texte percutant à la langueprécise et forte. La solidarité qui entoure le jeune noir, cette entraide qui unit les opprimés l’aide à trouverles endroits conseillés par le guide de «Green», ce formidable opuscule édité par Victor Green qui recen-sait les lieux qui accueillaient les noirs, hôtels, chambres, restaurants...Toni Morrison nous livre un petitchef d’oeuvre où les voix des personnages, sombres et exaltées, naïves ou rebelles, fortes toujours, fontde la société de ces années là, entre racisme violent et eugénisme, un portrait qui nous glace. Après larage, c’est à une véritable rédemption que Franck saura parvenir, auprès de sa soeur retrouvée et sauvéedu mal absolu. Un très beau et bouleversant roman. F.F.

Le jeu des ombres, Louise Erdrich, Albin Michel, 19 €Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Isabelle Reinharez

Louise Erdrich est sans nul doute une des plus grandes romancières américaines contemporaines. Le jeu des omb-res, son dernier roman, publié chez Albin Michel, est un véritable tour de force. Erdrich nous conduit où elle veut,faisant surgir la grâce au milieu de la violence, la tendresse au coeur de rapports complexes et pervers. Car, si Irène,adulée par Gil,son mari peintre, est prise d’une rage puissante lorsqu’elle découvre qu’il lit son journal intime, si ellemet au point une stratégie pour le faire souffrir, élaborant des mensonges pour lui dans son journal et réservant lavérité à son carnet caché, cependant, tout n’est pas si clair. Et c’est bien la force de Louise Erdrich que de dire lacomplexité du sentiment amoureux avec une telle lucidité. Naufrage d’une famille qui essaie de résister, le jeu desombres nous envoûte par la description d’une finesse inouïe des sentiments d’un couple qui d’une certaine façonrésiste à tout. Face à la guerre qui sourd des paroles et des lieux, les enfants Riel et Florian se positionnent et fontfront pour survivre. La narration de Louise Erdrich empruntant aux formes les plus réussies du thriller nous fait navi-guer entre deux versions d’une vie et une voix à la troisième personne. La tension qui baigne chaque phrase, la forcepsychologique d’Irène et de Gil alliée à une sensualité presque agressive imprégnent le lecteur jusqu’à l’aspirer àson tour dans la tourmente d’une famille qui semble s’auto-détruire. L’Amérique indienne et un passé difficile enco-re vivant semblent résonner en écho aux difficultés du présent. Un roman sans concession au rythme hâletant quine laisse aucun répit au lecteur. Magnifique. F.F.

L’embellie, Audur Ava Olafsdottir, Zulma, 22 €Traduit de l’islandais par Catherine EyjolfssonLa narratrice est plutôt du genre femme libérée, un peu farfelue, qui ne voit pas pourquoi elle ne ferait pas de patinà glace, cuisinerait l’oie qu’elle vient d’écraser en voiture ou encore aller voir une voyante si ça la chante. Elle nevoit pas non plus pourquoi elle aurait un enfant qui l’empêcherait de lire son dictionnaire des synonymes à loisirou savourer ses sels de bain. Son amant lui annonce qu’il la quitte, passe encore, mais son mari aussi. Sameilleure amie, condamnée à rester à l’hôpital pour une longue durée lui confie son fils, un petit ange, sourd etmuet.Et les voilà partis tels deux esseulés sur les routes d’Islande se nourrissant de frites et de surgelés. Direction ?La mer… Mais dans un voyage le plus important c’est la route et ses aventures.Olafsdottir nous entraîne encore une fois dans un petit cocon de douceur, de sincérité et de légèreté. Les expé-riences culinaires remplacent les jardins de Rosa Candida et donneront des idées délicieuses pour satisfaire lespapilles de nos marmots. Un voyage autant intérieur que réel où cette jeune femme se cherche et se découvre,se révélant pleine de générosité et d’amour pour ce petit être qu’elle croyait indomptable. Un petit conte d’amour

et d’amitié qui met du baume au coeur ! A.G.

Arrive un vagabond, Robert Goolrick, Anne Carrière, 21,50 €Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Marie de PrémonvilleAu cours de l’été 1948, Charlie Beale arrive à Brownsburg, petite ville de Virginie aux 538 âmes. C’est une villecalme avec son épicerie générale, son école, son église, son rythme de croisière. C’est justement ça que recher-che Charlie Beale, du calme. Il possède peu de choses si ce n’est une valise remplie de couteaux et une autreremplie de billets. Il cherche du travail en tant que boucher parce que c’est son métier, il est même prêt à travaillergratuitement pendant un mois. Et puis un jour Beale rencontre Sylvan Glass, tombe amoureux et la destinée dela petite ville s’en trouve métamorphosée. Après l’exceptionnel Féroce, disponible en livre de poche aux éditionsPocket, Robert Goolrick réussit encore à nous raconter une histoire (vraie) en nous bluffant à chaque chapitre.

Ce roman se lit d’une traite parce qu’il nous met dans l’incapacité la plus totale de le lâcher. L.B.

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Né à Liège en 1966, le talentueux auteur-illustrateur belge Jean-Philippe Stassen aime parcourirde lointains horizons et en particulier l’Afrique. Ses nombreux périples vont l’inspirer tout au longde son travail pour nous offrir d’indispensables bandes dessinées sombres et humanistes qui lais-seront au lecteur une trace indélébile. Son trait stylisé, découpé comme un vitrail et presque naïf,agrémenté d’aplats lumineux, contraste avec des fictions aux sujets parfois terrifiants qui déran-gent et fascinent.Après Bahamas et Bull white écrites par Denis Lapière aux éditions L’écho des savanes, il publie,toujours avec Denis Lapière, le Bar du vieux Français, une histoire d’amour épistolaire de deuxadolescents fuyant leurs pays et leurs traditions et trouvant refuge dans un lieu improbable. Ce dip-tyque inspirée d’un pèlerinage au Maroc dans la collection Aire Libre aux éditions Dupuis offre àJean-Philippe Stassen une reconnaissance nationale avec de nombreux prix dont l’Alph'Art ducoup de coeur en 1993 au salon de la bande dessinée d'Angoulême. En 1996, parait l’album Louisle portugais qui relate la vie désenchantée d’immigrés trouvant refuge dans un bar miteux de Liègeou chacun survit en espérant une vie meilleure. Puis les éditions Dupuis éditent Thérèse une fabled’amour à sens unique qui échouera là encore en Afrique. En 2000 Stassen publie alorsDéogratias, un album remarquable et terriblement réaliste qui sera récompensé par le prixGoscinny en 2000 et France Info en 2001, il signe là un récit sans concession sur le rôle desFrançais dans le génocide des Tutsi au Rwanda. L’album les Enfants toujours situé dans l’Afriquedes Grands Lacs dépeindra le quotidien des enfants dans l’après génocide. Son roman graphiquePawa, distille sous forme de saynètes un autre témoignage du génocide et là encore décrit le rôlesubversif des européens durant le conflit. En 2006 chez Futuropolis, il illustre Coeur des ténèbres,le texte de Joseph Conrad commenté par son complice Sylvain Venayre avec qui il vient de publierune « relecture » de l’Ile au trésor. Pour leur premier numéro la revue XXI fait appel à lui pour desreportages évoquant le portrait de migrants en quête d’un eldorado et quelques numéros plus tardon rencontrera Arnold, enfant-soldat devenu étudiant en politique. Stassen est un témoin excep-tionnel de nos temps les plus sombres. V.S.

Dans les années 70-80, Le Seuil est la maison d’édition où s’écrit le renouveau his-toriographique, avec notamment des entreprises d’écriture collective. Parmi cesvoies ouvertes, la Nouvelle Histoire de la France Contemporaine qui modifiera l’ap-proche du contemporain, ce temps présent. Pourquoi 40 ans après la publication dupremier tome, reprendre, chez le même éditeur, le chantier ? Le récit qu’elle portait,une marche vers la modernité républicaine, était à réviser, et ce, à la lumière desnouveaux champs historiographiques explorés ces dernières années. L’équipe dejeunes historiens, réunis par Johann Chapoutot (maître de conférences à l’UPMF etspécialiste par ailleurs du nazisme) a eu à coeur de relire cette histoire et d’en écri-re une autre, en intégrant de nouvelles problématiques. Changer de regard avec lestravaux sur le genre, les femmes, l’histoire de l’Empire colonial, les relations inter-nationales, mais aussi changer les échelles, les approches territoriales, s’intéresseraux régions, faire des comparaisons internationales… Et ainsi, avec un remarqua-ble travail fait sur l’écriture, donner aux lecteurs une approche historique complètepermettant d’aborder autrement les débats contemporains. En octobre, sortent lestrois premiers tomes d’une Histoire qui d’ici deux ans en comptera dix. Un véritableévènement. N.T.

Vendredi 14 septembre à 18h30

Elisabeth Hamidane et Yann LiotardDictionerfs (du collège commun et des colères universelles)

Editions La Ville brûle

TIO

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ANIMA

Mardi 9 octobre à 18h30

Gwenaëlle AubryPartages

Editions Mercure de France

voir page 6

Jeudi 27 septembre à 18h30

Antoine ChoplinLa nuit tombée

Editions La Fosse aux Ours

voir page 6

Mercredi 17 octobre à 18h30une soirée premiers romans

Julia Deck et Yassaman MontazamiViviane Elisabeth Fauville Le meilleur des jours

Editions de Minuit Editions Sabine Wespieser

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Sauf indication contraire, toutes les animations ont lieu dans l’espace rencontre du Square,(entrée libre dans la limite des places disponibles) 20, rue de Sault.

Jeudi 25 octobre à 18h30

Lionel DuroyL’hiver des hommes

Editions Julliardvoir portrait page 4

AN

IMA

TIONS

librairie de l’Université2, place Dr Léon Martin. Grenoble. Tel 0476466163

directrice de publication et rédactrice en chef : F.Folliot

Rédacteurs :F.Folliot, L.Blondel, F.Calmettes, A.Giraudeau, C.Meaudre, V. Salamand, N.Trigeassou

Mercredi 21 novembre à 18h30

Mathias EnardRue des VoleursEditions Actes Sud

voir portrait page 2

Samedi 10 novembre à 16h30

rencontre exceptionnelle avec éditrices et écrivaines:Dominique Bourgois et Linda Lê, Sabine Wespieser et Michèle Lesbre,

Irène Lindon et Hélène Lenoir, Liana Levi et Lucile Bordes.(Confirmation et précisions à venir)

Mercredi 28 novembre à 18h30

Jean-Philippe StassenGrands reporters en BD

Editions Les Arènes

Mercredi 12 décembre à 18h30

Johann Chapoutot et Aurélien LignereuxHistoire de la France contemporaine

Editions du Seuil

Vendredi 7 décembre à 18h30Nasser Djemaï

rencontre autour de sa pièce

Invisiblesen partenariat avec la MC2

Mercredi 5 décembre à 18h30

Jacques Lamalle et un dessinateur de presse

Le XXieme siècle en 200 dessins de presseEditions Les Arènes

Vendredi 16 novembre à 18h30 (sous réserves)

Elsa OsorioLa capitana

Editions Métailié

voir portrait page 3