french history: postcolonial paris printemps 2011 : leyla dakhli french history: postcolonial paris,...

25
FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris Printemps 2011 Professeur : Leyla DAKHLI

Upload: lamtu

Post on 30-May-2018

218 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris Printemps 2011 : Leyla DAKHLI FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris, a cultural and political history of colonization and immigration in the French

FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris

Printemps 2011

Professeur : Leyla DAKHLI

Page 2: FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris Printemps 2011 : Leyla DAKHLI FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris, a cultural and political history of colonization and immigration in the French

FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris, a cultural and political history of colonization and immigration in the French Capital / Le Paris postcolonial, Histoire culturelle et politique de la

colonisation et de l’immigration dans la capitale Professeur : Leyla Dakhli Titre : Docteure en histoire. Adresse électronique : [email protected] I. CARACTERISTIQUES Session : Printemps 2011 Salle de cours : Nombre de séances : 14 Première séance : lundi 17 janvier Dernière séance : mercredi 2 mars Horaires des séances : lundi et mercredi de 9h00 à 11h30 Examen final : le vendredi 4 mars de 16h30 à 18h Visites de groupe : 3 visites à Paris Permanences : lundi 11h30-12h00 Conférences : 3 mercredis à 18h (obligation d’assister à 2 des 3 conférences proposées) II. PRESENTATION GENERALE Le cours est construit autour de deux axes : une circulation dans le Paris postcolonial et une analyse du cinéma comme témoin de mémoires coloniales souvent conflictuelles dans la France du XXè siècle et jusqu’à aujourd’hui. Il se conçoit comme une introduction à l’histoire coloniale et l’histoire de l’immigration en France en décryptant un certain nombre de lieux de mémoire qui permettent de comprendre la marque de ce que l’on appelait à l’époque la « Plus Grande France » sur le territoire métropolitain, territoire physique dans la capitale et territoire mental. Cette marque peut être exposée, affichée comme le symbole d’une conquête et d’une puissance ; elle se dit dans les traces de l’Exposition coloniale de 1931 à Vincennes (Porte Dorée, siège actuel du musée de l’immigration ou temple bouddhiste). Elle peut également être signifiée par la présence d’une population immigrée dans un lieu particulier : le territoire colonial est alors un réservoir de main d’œuvre pour la métropole, il est associé à des moments de l’essor économique de la France. En cela, le

Page 3: FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris Printemps 2011 : Leyla DAKHLI FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris, a cultural and political history of colonization and immigration in the French

site de la Régie Renault, sur l’île Séguin à Boulogne, peut être considéré comme un symbole. L’histoire de ce lieu pendant l’activité des usines, mais aussi l’histoire des débats plus récents qui ont présidé à sa réaffectation comme lieu de loisir, est intéressante à explorer. A la lisière entre ces deux faces de la France et du Paris postcolonial, nous nous proposerons de comprendre quelle culture a pu émerger de ce contact multiforme entre la France et d’autres terres, africaines ou asiatiques. Nous observerons ainsi quelques exemples de l’architecture néo-mauresque à Paris (notamment, la maison de l’architecture près du jardin de l’observatoire ou la mosquée de Paris). Nous tenterons aussi de comprendre quelles marques institutionnelles cette histoire a laissées : noms de rues, plaques de commémoration. L’une des séances sera consacrée à la reconstitution d’un événement parisien de la violence coloniale, celle de la guerre d’Algérie : la manifestation du 17 octobre 1961, violemment réprimée par les forces de police. Nous tenterons de comprendre comment s’est déroulé l’événement et comment sa mémoire (ou son oubli) s’est transmise – par une mémoire militante, puis par une forme de reconnaissance officielle. Cette histoire postcoloniale de Paris est une manière de parcourir plus d’un siècle d’histoire de France, et de comprendre le Paris contemporain. Les séances seront conclues par un débat autour des questions soulevées par certaines franges militantes dans les quartiers à forte population immigrée : ces territoires sont-ils, aujourd’hui encore, des marques de la colonisation ou des territoires colonisés ? III. OBJECTIFS SPECIFIQUES Le cours est une approche postcoloniale de l’histoire de Paris et de la France. Il est à la croisée de l’histoire de l’immigration, de l’histoire de la colonisation et d’une certaine histoire urbaine. Il permet d’aborder des techniques d’approche d’une histoire du métissage et des mondialisations en analysant les effets de cette modernité sur une ville, ici une capitale. C’est une histoire culturelle parce qu’elle tente de comprendre la culture induite par l’histoire coloniale de la France : effets d’influence (cubisme, musée des Arts premiers, architectures…) et effets de « mixité » dans la population française (lieux de confinement de la main d’œuvre immigrée – bidonvilles, cités-dortoirs – mais aussi diffusion d’une part de cette culture dans la vie quotidienne des Français – consommation de spécialités culinaires dans certains quartiers de la ville, effets concrets du « métissage » dans la langue par exemple). Cet apprentissage sera complété par les exercices du commentaire d’œuvre, de texte ou de documents (cartes, photos aériennes) en histoire et des travaux d’analyse sur des films. Le cours, largement illustré, sera animé par les interventions orales des étudiants (commentaires d’œuvres et de textes) qui donneront lieu à des discussions. La participation orale est essentielle. Trois visites de groupe à Paris seront organisées. Des extraits de films seront projetés et commentés durant certaines séances.

Page 4: FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris Printemps 2011 : Leyla DAKHLI FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris, a cultural and political history of colonization and immigration in the French

Les étudiants devront lire les textes pour préparer les séances, regarder les films avant leur présentation. Ils devront également lire un petit ouvrage sur l’histoire de la colonisation française, présent en nombre suffisant à la bibliothèque. Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Françoise Vergès, La Colonisation française, Milan "Les Essentiels", 2007. IV. CONTROLE CONTINU A) La première intervention orale consistera en un commentaire de film que les étudiants réaliseront, individuellement ou à deux (selon les effectifs), en effectuant les recherches nécessaires à leur sujet. Il s’agira de présenter le film dans son contexte, d’exposer sa démarche et la manière dont il rend compte d’une histoire ou d’un épisode historique – de manière critique, en abordant la spécificité du langage cinématographique. Il s’agira aussi de comprendre la réception de l’œuvre, comment, quand et pourquoi elle est réalisée. Ainsi sera développée une analyse des rapports entre mémoire et histoire sur cette question coloniale. Les étudiants devront effectuer des recherches en bibliothèque. Ils devront également illustrer leurs propos en projetant des extraits du film dans la salle de cours. L’intervention orale devra durer 15 minutes. Les étudiants sont invités à venir consulter le professeur au moins une fois avant l’intervention orale (voir les horaires de permanence). La notation de l’intervention orale prendra en compte le travail de recherches effectuées, la réflexion engagée autour de l’œuvre à commenter, les qualités de synthèse et de présentation orale. B) La seconde intervention orale à préparer individuellement ou à deux (selon les effectifs) consistera en une courte analyse de texte ou de document. Le professeur distribuera des documents pour préparer certaines séances, et il demandera à l’un des étudiants de travailler spécifiquement à une courte présentation orale du document (10 minutes). L’étudiant devra également lui remettre cette présentation par écrit. Cette intervention sera obligatoirement préparée avec Hanadi Sobh. C) L’essai portera sur un monument, un quartier ou un symbole de la ville de Paris dont il faudra analyser la ou les composante(s) postcoloniale(s). Chaque étudiant choisira de faire la description le récit d’une petite partie de la ville du point de vue des influences qui l’ont composée. Des images, des plans ou des textes pourront accompagner le récit. L’essai sera à remettre au professeur le 4 octobre lors de la séance de cours. Tout retard dans la remise du travail sera considéré comme une absence, selon la politique générale d’assiduité du Paris Internship Program. D) L’examen final portera sur la totalité du programme : cours, interventions orales et débats, visites, lectures préparatoires ainsi que textes discutés en classe. L’utilisation d’un dictionnaire est autorisée.

Page 5: FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris Printemps 2011 : Leyla DAKHLI FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris, a cultural and political history of colonization and immigration in the French

L’examen final consistera en deux exercices au choix (Commentaire de document ou essai) ainsi qu’en quelques questions de cours. V. NOTATION Participation aux discussions et débats : 10% Intervention orale / commentaire de film : 20% Intervention orale et synthèse écrite : 10% Essai : 30% Examen final : 30 % Assiduité

En dehors de la présence aux cours, il vous est demandé d’assister à un minimum de 2 conférences du mercredi sur les 3 proposées par le programme (voir « Déroulement »). Si vous n’y assistez pas, cela comptera comme 1 ou 2 absences.

Politique d’assiduité 1 retard : = 0,5 absence

1 absence* en cours, activité, préparation d’exposé : =-1 point sur la note globale du cours

1 retard pour le travail écrit : = 1 absence par séance dans la note d’assiduité Plus de 3 absences non-justifiées = F pour le cours

Travail écrit non remis : Plagiat :

= F (55 points) pour la note du travail en question = F (55 points) pour la note du travail en question

Absence à un examen : La note attribuée par défaut sera la note de l’autre examen minorée de 2 lettres = 20 points (baisse d’une lettre = 10 points sur la moyenne des 2 tests)

Absence à un exposé en classe : = F (55 points) pour la note du travail en question *Absence non pénalisée = absence justifiée par un certificat médical (français) ou par un entretien de stage. Justificatif à remettre à Renée le jour suivant l’absence.

Équivalence lettres / notes sur 100 Plus de 93 : A 90-92,5 : A- 87-89,5 : B+ 83-86,5 : B 80-82,5 : B-

77-79,5 : C+ 73-76,5 : C 70-72,5 : C- 69-60 : D 59,5-0 : F

A = 97 A = 96 A = 95 A/A- = 92,5 A- = 91 A-/B+ = 89,5

B+/A- = 89,5 B+ = 88 B/B+ = 86,5 B = 85 B/B- = 82,5 B- = 81 B-/C+ = 79,5

C+/B- = 79,5 C+ = 78 C/C+ = 76,5 C = 75 C/C- = 72,5 C- = 71 C-/D+ = 69,5

D+/ C- = 69,5 D+ = 68 D/D+ = 66,5 D = 65 D/D- = 62,5 D- = 61 F = 55

VI. DEROULEMENT Pendant 7 semaines, nous nous rencontrerons les lundis et mercredis matins. Les séances auront lieu en classe ou à l’extérieur lors des visites de groupe. 3 VISITES de GROUPE à PARIS :

Page 6: FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris Printemps 2011 : Leyla DAKHLI FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris, a cultural and political history of colonization and immigration in the French

Le musée du Quai Branly, histoire d’une collection : départ depuis la classe (trajet à pieds) Architectures néo-mauresques : RDV en classe et départ ensemble pour la mosquée de Paris (Monge) Cité nationale d’histoire de l’immigration – ancien Palais des colonies (Porte Dorée) 2 FILS ROUGES Un travail sur la ville postcoloniale : l’empreinte (travaux en commun, visites, travail personnel sur un quartier, une rue, un monument) Un fil rouge « cinéma et mémoires coloniales », objet de travaux personnels et collectifs.

Page 7: FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris Printemps 2011 : Leyla DAKHLI FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris, a cultural and political history of colonization and immigration in the French

PROGRAMME DES SEANCES

1. Lundi 17 janvier

Présentation générale du programme / distribution des textes et de la bibliographie

Méthodologie : le commentaire historique

Introduction : histoire postcoloniale, entre mémoire et histoire de la France coloniale / questions autour de la mise en scène contemporaine de ces questions (nouveaux musées, nouvelles focales) QUELQUES JALONS HISTORIQUES ET GÉOGRAPHIQUES 2. Mercredi 19 janvier

Les savoirs coloniaux et la connaissance de l’homme, parcours parallèles

L’idée de race au XVIIIè siècle : comment se constitue une science/ autour du muséum d’histoire naturelle.

Esclavagisme et droits de l’homme, quelques contradictions. La mission civilisatrice.

Texte : extraits du Code Noir.

Texte : Aimé Césaire, « Qui est le civilisateur ? » / clichés coloniaux et « fardeau de l’homme blanc ».

3. Lundi 24 janvier

Cinéma et mémoires coloniales 1 : une critique de ces savoirs autour du travail de Jean Rouch, cinéaste et ethnographe

Projection d’un film de Jean Rouch : « Les maîtres fous » (36 mn)

Extraits de « Petit à petit » : le regard ethnographique inversé.

Travail sur la méthodologie. Cinéma et histoire postcoloniale.

4. Mercredi 26 janvier

Visite du musée des arts premiers (musée du Quai Branly) Départ de B.U.

Cette visite sera l’occasion de faire une histoire de cette collection et de la mise en place d’une nouvelle muséographie. Visite guidée à 10h10.

Lien avec l’histoire des savoirs coloniaux, et en particulier, passage d’un musée scientifique (le musée de l’homme, le muséum d’histoire naturelle, à un musée d’art)

Page 8: FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris Printemps 2011 : Leyla DAKHLI FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris, a cultural and political history of colonization and immigration in the French

1ère conférence : Mercredi 26 janvier - 18h - salle A

5. Lundi 31 janvier

L’orientalisme, une culture post-coloniale, un courant artistique. Interventions orales :

Présentation orale de l’ouvrage d’Edward Saïd sur l’orientalisme, texte 1 « Représenter le colonisé » (travail en groupe)

Présentation d’un tableau orientaliste de Delacroix (Femmes d’Alger dans leur appartement) : la femme coloniale

Un exemple d’hybridation architecturale, la mosquée de Paris

RDV à B.U. départ après les exposés pour la mosquée de Paris

6. Mercredi 2 février

VISITE COMMENTÉE DE LA CITÉ NATIONALE D’HISTOIRE DE L’IMMIGRATION

Point de rencontre à l’entrée du musée Métro : Porte dorée

Pensez à vous munir de votre carte d’étudiant

Autour de : L’exposition coloniale, un autre Paris/ Le « Palais des colonies »

Une histoire de l’immigration : visite du musée.

7. Lundi 7 février

La société coloniale

Cinéma et mémoires coloniales 2 : le « Coup de Torchon » de Bertrand Tavernier

Les catégories de citoyens dans les colonies : un héritage ? Bref aperçu de la situation antillaise.

Présentation orale, textes de Frantz Fanon (extraits)

Atelier ‘Y a bon Banania’ Clichés et culture coloniale : la chanson et la publicité, vecteurs majeurs des clichés coloniaux. Comment la consommation diffuse l’imagerie coloniale.

Présentation orale : les chansons populaires (extraits)

8. Mercredi 9 février

Page 9: FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris Printemps 2011 : Leyla DAKHLI FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris, a cultural and political history of colonization and immigration in the French

La Guerre d’Algérie à Paris :

- 17 octobre 1961 : un itinéraire, travail de groupe pour retracer sur les plans de Paris (du bidonville au Rex, puis à Saint-Michel)

Présentation orale : un graffiti, « Ici on noie les Algériens »

- Métro Charonne : un lieu de mémoire militant ?

Présentation orale : la manifestation au métro Charonne

Cinéma et mémoires coloniales 3 : « La Bataille d’Alger », de Gillo Pontecorvo

9. Lundi 14 février Cinéma et mémoires coloniales 4 : les guerres et leur représentation « La 317ème Section », de Pierre Schoendoerffer : un film sur l’Indochine, comparaison avec le cinéma hollywoodien.

REMISE DE L’ESSAI en cours

10. Mercredi 16 février

Des colonisés aux « musulmans » et aux immigrés, représentations et silences

Extraits de Mémoire d’immigrés, de Yamina Benguigui

Présentation orale : poème de Jacques Prévert « Etranges étrangers »

Etat du débat : lecture (en préparation) et commentaire de « l’appel pour une république multiculturelle et postraciale » (PDF).

2ème conférence : Mercredi 16 février - 18h - salle A

11. Lundi 21 février

Cinéma et mémoires coloniales 5 : Indigènes, de Rachid Bouchareb : les colonisés résistants

L’immigration : une histoire parallèle / Identification ou identité ?

Etude de cas : la question du « voile islamique »

Page 10: FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris Printemps 2011 : Leyla DAKHLI FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris, a cultural and political history of colonization and immigration in the French

Présentation orale : article sur l’interdiction de la « Burqa » dans les lieux publics.

12. Mercredi 23 février

La main d’œuvre, question centrale de l’immigration : question sociale et question immigrée

Construire la ville : ouvriers du bâtiment et immigration (traces/ chansons, etc.)

- Présentation orale : La « double absence » de A. Sayad, introduction

La question spatiale : la banlieue comme territoire « colonisé », une thématique contemporaine

Présentation orale : Manifeste des Indigènes de la République

3ème conférence : Mercredi 23 février - 18h - salle A

13. Lundi 28 février

« l’intégration ? »

Présentation orale : un entretien avec Lilian Thuram, footballeur français (Esprit) : « Une histoire à transmettre ».

Football et intégration à la française.

Cinéma et mémoires coloniales 4 :

Autour du travail de Abdellatif Kechiche

14. Mercredi 2 mars

Suite du travail sur le cinéma d’Abdellatif Kechiche. Langues et territoires.

EXAMEN FINAL VENDREDI 4 MARS 16h30-18h

VII. BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE Postcolonial, méthodes et questions

- AMSELLE Jean-Loup, L’Occident décroché. Enquête sur les postcolonialismes, Paris, Stock, 2008.

Page 11: FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris Printemps 2011 : Leyla DAKHLI FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris, a cultural and political history of colonization and immigration in the French

- APPADURAI Arjun. Après le colonialisme : Les conséquences culturelles de la globalisation, Paris, Payot, 2005.

- BHABHA, Homi K., Les lieux de la culture. Une théorie postcoloniale, Paris, Payot et Rivages, 2007.

- CHAKRABARTY Dipesh. Provincialiser l’Europe. La pensée postcoloniale et la différence historique, Paris, Editions Amsterdam, 2009.

- MBEMBE Achille, De la postcolonie: essai sur l'imagination politique dans l'Afrique contemporaine, Paris, Karthala, 2000.

- SAÏD Edward W. L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, Paris, Seuil, 2005. - SAÏD Edward W. Réflexions sur l’exil et autres essais, Paris, Actes Sud, 2008 - SPIVAK, Gavatri Chakravorty. Les Subalternes peuvent-elles parler ?, Paris, Editions

Amsterdam, 2006.

Histoire de la colonisation française, histoire de la France coloniale

- BRANCHE Raphaëlle et THENAULT Sylvie. La France en guerre (1954-1962). Expériences métropolitaines de la guerre d’indépendance algérienne, Paris, Autrement, 2008.

- BRANCHE Raphaëlle. La Guerre d'Algérie : une histoire apaisée ?, Paris, Seuil, 2005. - DEWERPE Alain, Charonne. 8 février 1962. Anthropologie historique d’un massacre

d’Etat, Paris, Gallimard « Folio Histoire », 2006. - LE COUR GRANDMAISON Olivier, Coloniser, exterminer : sur la guerre et l’État colonial,

Paris, Fayard, 2005. - MANCERON Gilles, Marianne et les colonies. Une introduction à l’histoire coloniale de

la France, Paris, La Découverte, 2003. - MARSEILLE Jacques, Empire colonial et capitalisme français, histoire d'un divorce,

Albin Michel, 1984. - PETRE-GRENOUILLEAU Olivier, Les traites négrières. Essai d’histoire globale, Paris,

Gallimard « Folio histoire », 2006. - THENAULT, Sylvie « Indigènes, un film contre l’oubli » in Vingtième siècle, revue

d’histoire n°93, janv-mars 2007, pp.205-207. - THOBIE Jacques, MEYNIER Gilbert, COQUERY-VIDROVITCH Catherine, AGERON Charles-

Robert, Histoire de la France coloniale, 1914-1990, éd. Armand Colin, 1990 ; Histoire de la France coloniale, 1914-1990, éd. Armand Colin, 1990.

Histoire de l’immigration, sociologie de l’immigration

- ABDELOUAHAB Farid, BLANCHARD Pascal (dir.), Grand-Ouest. Mémoire des outre-mers. Des ports coloniaux aux présences des Suds, Les Presses Universitaires de Rennes, 2008.

- BEAUD, Stéphane et PIALOUX, Michel, Violences urbaines, violence sociale, Paris, Fayard, 2003.

- BLANCHARD Pascal, DEROO Eric (dir.), Paris-Asie. Présence asiatique dans la capitale, Paris, La Découverte, 2004.

- BLANCHARD Pascal, DEROO Eric, MANCERON Gilles (dir.), Paris-Noir. Présence afro-antillaise dans la capitale, Paris, Hazan, 2001,

Page 12: FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris Printemps 2011 : Leyla DAKHLI FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris, a cultural and political history of colonization and immigration in the French

- BLANCHARD Pascal, DEROO Eric, MANCERON Gilles, EL YAZAMI Driss, FOURNIE Pierre (dir.), Paris-Arabe. Présence des Orientaux et des Maghrébins dans la capitale, Paris, La Découverte, 2003.

- BLANCHARD Pascal, Sud-Ouest. Porte des outre-mers. Histoire coloniale et immigrations des Suds, Milan, 2006.

- HERAN, François. Le Temps des immigrés. Essai sur le destin de la population française, Paris, Seuil, collection « La République des idées », 2007.

- NOIRIEL, Gérard et HOROWITZ, Donald L. Immigrants in Two Democracies. French and American Experience, New York University Press, 1992.

- NOIRIEL, Gérard. À quoi sert l'identité nationale, Marseille, Agone 2007. - NOIRIEL, Gérard. L'identification. Genèse d'un travail d'État, Paris, Belin, 2007. - NOIRIEL, Gérard. Le Creuset français. Histoire de l'immigration (XIXe-XXe siècle),

Paris, Seuil, collection « Points-histoire », 1992. - SAYAD Abdelmalek, La double absence. Des illusions de l’émigré aux souffrances de

l’immigré, Paris, Seuil, 1999.

VIII. DOCUMENTS

Liste des documents étudiés dans le cadre du cours Paris post-colonial. Certains d’entre

eux feront l’objet d’une présentation par un étudiant, d’autres seront étudiés en cours.

1. Extraits du Code Noir

2. Aimé Césaire, « Qui est le civilisateur ? »

3. Edward Saïd « Représenter le colonisé »

4. Delacroix, « Femmes d’Alger dans leur appartement »

5. Frantz Fanon, la société coloniale (extraits)

6. les chansons coloniales (extraits)

7. un graffiti, « Ici on noie les Algériens »

8. la manifestation au métro Charonne, présentation orale sans documents (support

Alain Dewerpe)

9. Jacques Prévert, « Etranges étrangers »

10. Appel pour une république multiculturelle... (PDF)

11. Article sur l’interdiction de la « Burqa » dans les lieux publics.

12. La « double absence » de A. Sayad, introduction

13. Manifeste des Indigènes de la République

14. un entretien avec Lilian Thuram, footballeur français (revue Esprit) : « Une histoire à

transmettre ».

Page 13: FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris Printemps 2011 : Leyla DAKHLI FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris, a cultural and political history of colonization and immigration in the French

1. Le Code noir (1685). LOUIS, PAR LA GRÂCE DE DIEU roi de France et de Navarre : à tous, présents et à venir, salut. Comme nous devons également nos soins à tous les peuples que la divine providence a mis sous notre obéissance, nous avons bien voulu faire examiner en notre présence les mémoires qui nous ont été envoyés par nos officiers de nos îles de l'Amérique, par lesquels ayant été informés du besoin qu'ils ont de notre autorité et de notre justice pour y maintenir la discipline de l'Église catholique, apostolique et romaine, pour y régler ce qui concerne l'état et la qualité des esclaves dans nos dites îles, et désirant y pourvoir et leur faire connaître qu'encore qu'ils habitent des climats infiniment éloignés de notre séjour ordinaire, nous leur sommes toujours présent, non seulement par l'étendue de notre puissance, mais encore par la promptitude de notre application à les secourir dans leurs nécessités. À ces causes, de l'avis de notre Conseil, et de notre certaine science, pleine puissance et autorité royale, nous avons dit, statué et ordonné, disons, statuons et ordonnons, voulons et nous plaît ce qui ensuit. Article 1. - Voulons et entendons que l'édit du feu roi de glorieuse mémoire notre très honoré seigneur et père, du 23 avril 1615, soit exécuté dans nos îles. Ce faisant, enjoignons à tous nos officiers de chasser hors de nos îles tous les juifs qui y ont établi leur résidence, auxquels, comme aux ennemis déclarés du nom chrétien, nous commandons d'en sortir dans trois mois, à compter du jour de la publication des présentes, à peine de confiscation de corps et de biens. Article 2. - Tous les esclaves qui seront dans nos îles seront baptisés et instruits dans la religion catholique, apostolique et romaine. Enjoignons aux habitants qui achèteront des nègres nouvellement arrivés d'en avertir les gouverneur et intendant desdites îles dans huitaine au plus tard, à peine d'amende arbitraire; lesquels donneront les ordres nécessaires pour les faire instruire et baptiser dans le temps convenable. Article 3. - Interdisons tout exercice public d'autre religion que de la catholique, apostolique et romaine ; voulons que les contrevenants soient punis comme rebelles et désobéissants à nos commandements. Défendons toutes assemblées pour cet effet, lesquelles nous déclarons conventicules, illicites et séditieuses, sujettes à la même peine, qui aura lieu même contre les maîtres qui les permettront ou souffriront à l'égard de leurs esclaves. Article 4. - Ne seront préposés aucuns commandeurs à la direction des nègres, qui ne fassent profession de la religion catholique, apostolique et romaine, à peine de confiscation desdits nègres contre les maîtres qui les auront préposés et de punition arbitraire contre les commandeurs qui auront accepté ladite direction. Article 5. - Défendons à nos sujets de la religion prétendue réformée d'apporter aucun trouble ni empêchements à nos autres sujets, même à leurs esclaves, dans le libre exercice de la religion catholique, apostolique et romaine, à peine de punition exemplaire. (…) Article 12. - Les enfants qui naîtront de mariages entre esclaves seront esclaves et appartiendront aux maîtres des femmes esclaves, et non à ceux de leur mari, si le mari et la femme ont des maîtres différents. Article 13. - Voulons que si le mari esclave a épousé une femme libre, les enfants tant mâles que filles suivent la condition de leur mère et soient libres comme elle nonobstant la servitude de leur père ; et que si le père est libre et la mère esclave, les enfants soient esclaves pareillement. (…) Article 15. - Défendons aux esclaves de porter aucune arme offensive, ni de gros bâtons, à peine de fouet et de confiscation des armes au profit de celui qui les en trouvera saisis ; à l'exception seulement de ceux qui seront envoyés à la chasse par leurs maîtres, et qui seront porteurs de leurs billets ou marques connues. Article 16. - Défendons pareillement aux esclaves appartenant à différents maîtres de s'attrouper le jour ou la nuit, sous prétexte de noces ou autrement, soit chez l'un de leurs maîtres ou ailleurs, et encore moins dans les grands chemins ou lieux écartés, à peine de punition corporelle, qui ne pourra être moindre que du fouet et de la fleur de lis ; et en cas de fréquentes récidives et autres circonstances aggravantes, pourront être punis de mort, ce que nous laissons à l'arbitrage des juges. Enjoignons à tous nos sujets de courir sus aux

Page 14: FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris Printemps 2011 : Leyla DAKHLI FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris, a cultural and political history of colonization and immigration in the French

contrevenants, et de les arrêter et de les conduire en prison, bien qu'ils ne soient officiers et qu'il n'y ait contre eux aucun décret. (…) Article 22. - Seront tenus les maîtres de faire fournir, par chacune semaine, à leurs esclaves âgés de dix ans et au-dessus pour leur nourriture, deux pots et demi, mesure du pays, de farine de manioc, ou trois cassaves pesant deux livres et demie chacun au moins, ou choses équivalentes, avec deux livres de boeuf salé ou trois livres de poisson ou autres choses à proportion ; et aux enfants, depuis qu'ils sont sevrés jusqu'à l'âge de dix ans, la moitié des vivres ci-dessus. (…) Article 25. - Seront tenus les maîtres de fournir à chacun esclave par chacun an deux habits de toile ou quatre aulnes de toile, au gré desdits maîtres. Article 26. - Les esclaves qui ne seront point nourris, vêtus et entretenus par leurs maîtres selon que nous l'avons ordonné par ces présentes pourront en donner l'avis à notre procureur général et mettre les mémoires entre ses mains, sur lesquels et même d'office, si les avis lui en viennent d'ailleurs, les maîtres seront poursuivis à sa requête et sans frais, ce que nous voulons être observé pour les crimes et traitements barbares et inhumains des maîtres envers leurs esclaves. Article 28. - Déclarons les esclaves ne pouvoir rien avoir qui ne soit à leur maître ; et tout ce qui leur vient par industrie ou par la libéralité d'autres personnes ou autrement à quelque titre que ce soit, être acquis en pleine propriété à leur maître, sans que les enfants des esclaves, leur père et mère, leurs parents et tous autres libres ou esclaves puissent rien prétendre par succession, disposition entre vifs ou à cause de mort. Lesquelles dispositions nous déclarons nulles, ensemble toutes les promesses et obligations qu'ils auraient faites, comme étant faites par gens incapables de disposer et contracter de leur chef. (…) Article 32. - Pourront les esclaves être poursuivis criminellement sans qu'il soit besoin de rendre leur maître partie, sinon en cas de complicité ; et seront lesdits esclaves jugés en première instance par les juges ordinaires et par appel au Conseil souverain sur la même instruction, avec les mêmes formalités que les personnes libres. Article 33. - L'esclave qui aura frappé son maître, sa maîtresse ou le mari de sa maîtresse ou leurs enfants avec contusion ou effusion de sang, ou au visage, sera puni de mort. Article 34. - Et quant aux excès et voies de fait qui seront commis par les esclaves contre les personnes libres, voulons qu'ils soient sévèrement punis, même de mort s'il y échet. Article 35. - Les vols qualifiés, même ceux des chevaux, cavales, mulets, boeufs et vaches qui auront été faits par les esclaves, ou par les affranchis, seront punis de peines afflictives, même de mort si le cas le requiert. Article 36. - Les vols de moutons, chèvres, cochons, volailles, cannes de sucre, pois, mil, manioc ou autres légumes faits par les esclaves, seront punis selon la qualité du vol, par les juges, qui pourront s'il y échet les condamner à être battus de verges par l'exécuteur de la haute justice, et marqués d'une fleur de lis. Article 37. - Seront tenus les maîtres en cas de vol ou d'autre dommage causé par leurs esclaves, outre la peine corporelle des esclaves, de réparer le tort en leur nom, s'ils n'aiment pas mieux abandonner l'esclave à celui auquel le tort a été fait ; ce qu'ils seront tenus d'opter dans les trois jours, à compter du jour de la condamnation, autrement ils en seront déchus. Article 38. - L'esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois à compter du jour que son maître l'aura dénoncé en justice, aura les oreilles coupées et sera marqué d'une fleur de lis sur une épaule ; et s'il récidive une autre fois à compter pareillement du jour de la dénonciation, aura le jarret coupé et il sera marqué d'une fleur de lis sur l'autre épaule ; et la troisième fois il sera puni de mort. Article 39. - Les affranchis qui auront donné retraite dans leurs maisons aux esclaves fugitifs seront condamnés par corps envers leurs maîtres en l'amende de trois cents livres de sucre par chacun jour de rétention ; et les autres personnes libres qui leur auront donné pareille retraite, en dix livres tournois d'amende pour chaque jour de rétention. (…)Article 44. - Déclarons les esclaves être meubles, et comme tels entrer en la communauté, n'avoir point de suite par hypothèque, se partager également entre les cohéritiers sans préciput

Page 15: FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris Printemps 2011 : Leyla DAKHLI FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris, a cultural and political history of colonization and immigration in the French

ni droit d'aînesse, ni être sujets au douaire coutumier, au retrait féodal et lignager, aux droits féodaux et seigneuriaux, aux formalités des décrets, ni aux retranchements des quatre quints, en cas de disposition à cause de mort ou testamentaire. (…)Article 55. - Les maîtres âgés de vingt ans pourront affranchir leurs esclaves par tous actes entre vifs ou à cause de mort, sans qu'ils soient tenus de rendre raison de leur affranchissement, ni qu'ils aient besoin d'avis de parents, encore qu'ils soient mineurs de vingt-cinq ans. Article 56. - Les esclaves qui auront été faits légataires universels par leurs maîtres, ou nommés exécuteurs de leurs testaments, ou tuteurs de leurs enfants, seront tenus et réputés, les tenons et réputons pour affranchis. Article 57. - Déclarons leurs affranchissements faits dans nos îles leur tenir lieu de naissance dans nos îles, et les esclaves affranchis n'avoir besoin de nos lettres de naturalité pour jouir des avantages de nos sujets naturels dans notre royaume, terres et pays de notre obéissance, encore qu'ils soient nés dans les pays étrangers. (…) Si donnons en mandement à nos amés et féaux les Gens tenant notre Conseil souverain établi à la Martinique, Guadeloupe, Saint-Christophe, que ces présentes ils aient à faire lire, publier et enregistrer, et le contenu en elles garder et observer de point en point selon leur forme et teneur, sans contrevenir ni permettre qu'il y soit contrevenu en quelque sorte et manière que ce soit, nonobstant tous édits, déclarations, arrêts et usages, auxquels nous avons dérogé et dérogeons par cesdites présentes. Car tel est notre bon plaisir ; et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous y avons fait mettre notre scel. Donné à Versailles au mois de mars mil six cent quatre-vingt-cinq, et de notre règne le quarante deuxième.

Signé Louis.

Et, par le Roi, Colbert.

Visa, Le Tellier. scellé du grand sceau de cire verte, en lacs de soie verte et rouge.

2. Aimé Césaire, “Qui est le civilisateur” ? « Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral, et montrer que, chaque fois qu’il y a au VietNam une tête coupée et un oeil crevé et qu’en France on accepte, une fillette violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend et qu’au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées. de tous ces prisonniers ficelés et interrogés, de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de 1’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent. [...] J’ai relevé dans l’histoire des expéditions coloniales quelques traits que j’ai cités ailleurs tout à loisir. Cela n’a pas eu l’heur de plaire à tout le monde. Il paraît que c’est tirer de vieux squelettes du placard. Voire ! Etait-il inutile de citer le colonel de Montagnac, un des conquérants de l’Algérie : " Pour chasser les idées qui m’assiègent quelquefois, je fais couper des têtes, non pas des têtes d’artichauts, mais bien des têtes d’hommes. " Convenait-il de refuser la parole au comte d’Herisson : "Il est vrai que nous rapportons un plein barils d’oreilles récoltées, paire à paire, sur les prisonniers, amis ou ennemis. " Fallait-il refuser à Saint-Arnaud le droit de faire sa profession de foi barbare : "On ravage, on brûle, on pille, on détruit les maisons et les arbres."

Page 16: FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris Printemps 2011 : Leyla DAKHLI FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris, a cultural and political history of colonization and immigration in the French

Fallait-il empêcher le maréchal Bugeaud de systématiser tout cela dans une théorie audacieuse et de se revendiquer des grands ancêtres : "Il faut une grande invasion en Afrique qui ressemble à ce que faisaient les Francs, à ce que faisaient les Goths." Fallait-il enfin rejeter dans les ténèbres de l’oubli le fait d’armes mémorable du commandant Gérard et se taire sur la prise d’Ambike, une ville qui, à vrai dire, n’avait jamais songé à se défendre : "Les tirailleurs n’avaient ordre de tuer que les hommes, mais on ne les retint pas ; enivrés de l’odeur du sang, ils n’épargnèrent pas une femme, pas un enfant... A la fin de l’après-midi, sous l’action de la chaleur, un petit brouillard s’éleva : c’était le sang des cinq mille victimes, l’ombre de la ville, qui s’évaporait au soleil couchant." Oui ou non, ces faits sont-ils vrais ? Et les voluptés sadiques, les innommables jouissances qui vous friselisent la carcasse de Loti quand il tient au bout de sa lorgnette d’officier un bon massacre d’Annamites ? Vrai ou pas vrai ? [2] Et si ces faits sont vrais, comme il n’est au pouvoir de personne de le nier, dira-t-on, pour les minimiser, que ces cadavres ne prouvent rien ? Pour ma part, si j’ai rappelé quelques détails de ces hideuses boucheries, ce n’est point par délectation morose, c’est parce que je pense que ces têtes d’hommes, ces récoltes d’oreilles, ces maisons brûlées. Ces invasions gothiques, ce sang qui fume, ces villes qui s’évaporent au tranchant du glaive, on ne s’en débarrassera pas à si bon compte. Ils prouvent que la colonisation, je le répète, déshumanise l’homme même le plus civilisé ; que l’action coloniale, l’entreprise coloniale, la conquête coloniale, fondée sur le mépris de l’homme indigène et justifiée par ce mépris, tend inévitablement à modifier celui qui l’entreprend ; que le colonisateur, qui, pour se donner bonne conscience, s’habitue à voir dans l’autre la bête, s’entraîne à le traiter en bête, tend objectivement à se transformer lui-même en bête. C’est cette action, ce choc en retour de la colonisation qu’il importait de signaler. »

Aimé Césaire (1913-2008), extrait du Discours sur le colonisateur, 1955. 3. Chapitre présent à la bibliothèque de B.U.

4. reproduction du tableau de Delacroix

Page 17: FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris Printemps 2011 : Leyla DAKHLI FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris, a cultural and political history of colonization and immigration in the French

5. Textes de Frantz Fanon (extraits)

Frantz Fanon, Les Damnés de la terre, 1961.

Le monde colonisé est un monde coupé en deux. La ligne de partage, la frontière en est indiquée par les casernes et les postes de police. Aux colonies, l'interlocuteur valable et institutionnel du colonisé, le porte-parole du colon et du régime d'oppression est le gendarme ou le soldat. Dans les régions coloniales, le gendarme et le soldat, par leur présence immédiate, leurs interventions directes et fréquentes, maintiennent le contact avec le colonisé et lui conseillent, à coups de crosse ou de napalm, de ne pas bouger. On le voit, l'intermédiaire du pouvoir utilise un langage de pur violence. L'intermédiaire n'allège pas l'oppression, ne voile pas la domination. Il les expose, les manifeste avec la bonne conscience des forces de l'ordre. L'intermédiaire porte la violence dans les maisons et dans les cerveaux du colonisé. La zone habitée par les colonisés n'est pas complémentaire de la zone habitée par les colons. Ces deux zones s'opposent, mais non au service d'une unité supérieure. Elles obéissent au principe d'exclusion réciproque : il n'y a pas de conciliation possible, l'un des termes est de trop. La ville du colon est ville en dur, toute de pierre et de fer. C'est une ville illuminée, asphaltée, où les poubelles regorgent toujours de restes inconnus, jamais vus, même pas rêvés. Les pieds du colon ne sont jamais aperçus, sauf peut-être dans la mer, mais on n'est jamais assez proche d'eux. Des pieds protégés par des chaussures solides alors que les rues dans leur ville sont nettes, lisses, sans trous, sans cailloux. La ville du colon est une ville repue, paresseuse, son ventre est plein de bonnes choses à l'état permanent. La ville du colon est une ville de blancs, d'étrangers. La ville du colonisé, ou du moins la ville indigène, le village nègre, la médina, la réserve est un lieu mal famés. On y naît n'importe où, n'importe comment. On y meurt n'importe où, de n'importe quoi. C'est un monde sans intervalles, les hommes y sont les uns sur les autres, les cases les unes sur les autres. La ville du colonisé est une ville affamée, affamée de pain, de viande, de chaussures, de charbon, de lumière. La ville du colonisé est une ville accroupie, une ville à genoux, une ville vautrée. C'est une ville de nègres, une ville de bicots. Le regard que le colonisé jette sur la ville du colon est un regard de luxure, un regard d'envie. Rêves de possession. Tous les modes de possession : s'asseoir à la table du colon, coucher sur le lit du colon, avec sa femme si possible. Le colonisé est un envieux. Le colon ne l'ignore pas qui, surprenant son regard à la dérive, constate amèrement mais toujours sur le qui vive : "Ils veulent prendre notre place." C'est vrai, il n'y a pas un colonisé qui ne rêve au moins une fois par jour de s'installer à la place du colon. Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, 1952 L’indigène est un être parqué, l’apartheid n’est qu’une modalité de la compartimentation du monde colonial. La première chose que l’indigène apprend, c’est à rester à sa place, à ne pas dépasser les limites. C’est pourquoi les rêves de l’indigène sont des rêves musculaires, des rêves d’action, des rêves agressifs. Je rêve que je saute, que je nage, que je cours, que je grimpe. Je rêve que j’éclate de rire, que je franchis le fleuve d’une enjambée, que je suis poursuivi par des meutes de voitures qui ne me rattrapent jamais. Pendant la colonisation, le colonisé n’arrête pas de se libérer entre neuf heures du soir et six heures du matin.

Page 18: FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris Printemps 2011 : Leyla DAKHLI FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris, a cultural and political history of colonization and immigration in the French

6. Chansons coloniales (extraits)

Nénufar , par Alibert « Marche officielle de l'Exposition Coloniale 1931 ! » ( M. Roger - R.Feval- J.Monteux) Quittant son pays Un p'tit négro Vint jusqu'à Paris Voir l'exposition coloniale C'était Nénufar Un joyeux lascar Pour être élégant C'est aux pieds qu'il mettait ses gants Nénufar T'as du r'tard Mais t'es un p'tit rigolard T'es nu comme un ver Tu as le nez en l'air Et les ch'veux en paille de fer Nénufar T'as du r'tard

T'as fait la conquête des Parisiennes T'es leur fétiche Et tu leur portes veine ! Faut pas croire toujours Tout c'que Nénufar raconte Ainsi l'autre jour Il m'a dit Quand je fais mes comptes A la craie j'écris Sur l'dos d'ma chérie Et d'un coup d'torchon Après j'efface les additions (Refrain) Nénufar T'as du r'tard…

Un jour Nénufar Entra dans une grande parfumerie Il voulait des fards Pour sa p'tite amie Donnez-moi qu'il dit Du rouge en étui J'en veux trente kilos Car c'est une négresse à plateaux (Refrain) .... T'as fait la conquête des Parisiennes T'es leur fétiche Et tu leur portes veine !

Chant des Coloniaux

Au fond du Tonkin ou sous le ciel d'Afrique Les Coloniaux s'en vont gaiement le cœur plein d'entrain Toujours sac au dos et l'allure énergique D'ailleurs ils vont chantant un joyeux refrain Brave colon fait rentrer ta moukère V'là les Marsouins intrépides et beaux gars En les voyants, la femme la plus légère Rêve d'amour et tombe dans leur bras. Du colonel jusqu'au dernier marsouin Pour eux les femmes ont toujours le béguin Les Coloniaux c'est des gars qu'ont pas froid aux yeux

Ca va d'l'avant sans peur de rien, il faut qu'ça casse Les Coloniaux rien ne peut tenir devant eux V'là les Marsouins il faut qu'ça casse. Quand les ennemis foulèrent le territoire Les soldats d'Marchand, Gouraud, Mangin, Gallièni Marchaient au canon chantant ivre de gloire Tenez bon les gars ça n'est pas fini Mais sur l'Yser, en Champagne en Alsace Libre à Belfort augmentant leur valeur Le régiment invincible et tenace Porta plus haut l'emblème aux trois couleurs Narguant la mort et jetant leur flingot Ils se battaient à coup de poing, au couteau.

Page 19: FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris Printemps 2011 : Leyla DAKHLI FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris, a cultural and political history of colonization and immigration in the French

Les Africains

Nous étions au cœur de l'Afrique Gardiens jaloux de nos couleurs Quand sous un soleil magnifique Retentissaient ces cris vainqueurs En criant, en chantant, en avant C'est nous les africains qui revenons de loin Nous venons des colonies pour sauver le pays Nous avons tout quitté, nos parents, nos amis Et nous gardons au cœur une invincible ardeur Car nous voulons porter haut et fier Ce beau drapeau de notre France entière Et si quelqu'un venait à y toucher Nous serions là pour mourir à ses pieds (bis) Battez tambours A nos amours Pour le pays Pour la Patrie Mourir au loin C'est nous les africains De tous les horizons de France Montant sur le sol africain Nous allons pour la délivrance Qui par nous se fera demain En avant, en avant, en avant Et lorsque finira la guerre Nous reviendrons à nos gourbis Le cœur joyeux et l'âme fière D'avoir libéré le pays En criant, en chantant, en avant Pour le soldat de notre empire Nous combattons tous les vautours La faim, la mort nous font sourire Quand nous luttons pour nos amours En avant, en avant, en avant

Page 20: FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris Printemps 2011 : Leyla DAKHLI FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris, a cultural and political history of colonization and immigration in the French

7. Un graffiti : « Ici on noie les Algériens », le 17 octobre 1961

Travail à partir de la photo et de l’article de Vincent Lemire et Yann Potin (PDF)

8. La manifestation au métro Charonne (présentation orale sans support)

En complément, présentation de l’ouvrage d’Alain Dewerpe (présent à la bibliothèque de B.U.)

9. Jacques Prévert « Etranges étrangers », (1955)

Kabyles de la Chapelle et des quais de Javel

hommes de pays loin

cobayes des colonies

doux petits musiciens

soleils adolescents de la porte d'Italie

Boumians de la porte de Saint-Ouen

Apatrides d'Aubervilliers

brûleurs des grandes ordures de la ville de Paris

ébouillanteurs des bêtes trouvées mortes sur pied

au beau milieu des rues

Tunisiens de Grenelle

embauchés débauchés

manœuvres désœuvrés

Polaks du Marais du Temple des Rosiers

Cordonniers de Cordoue soutiers de Barcelone

pêcheurs des Baléares ou du cap Finistère

rescapés de Franco

et déportés de France et de Navarre

pour avoir défendu en souvenir de la vôtre

la liberté des autres

Esclaves noirs de Fréjus

tiraillés et parqués

au bord d'une petite mer

où peu vous vous baignez

Esclaves noirs de Fréjus

qui évoquez chaque soir

dans les locaux disciplinaires

Page 21: FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris Printemps 2011 : Leyla DAKHLI FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris, a cultural and political history of colonization and immigration in the French

21

avec une vieille boite à cigares

et quelques bouts de fil de fer

tous les échos de vos villages

tous les oiseaux de vos forêts

et ne venez dans la capitale

que pour fêter au pas cadencé

la prise de la Bastille le quatorze juillet

Enfants du Sénégal

dépatriés expatriés et naturalisés

Enfants indochinois

jongleurs aux innocents couteaux

qui vendiez autrefois aux terrasses des cafés

de jolis dragons d'or faits de papier plié

Enfants trop tôt grandis et si vite en allés

qui dormez aujourd'hui de retour au pays

le visage dans la terre

et des bombes incendiaires labourant vos rizières

On vous a renvoyé

la monnaie de vos papiers dorés

on vous a retourné

vos petits couteaux dans le dos

Étranges étrangers

Vous êtes de la ville

vous êtes de sa vie

même si mal en vivez, même si vous en mourez .

10. Appel pour une république multiculturelle et postraciale (PDF)

11. Article sur l’interdiction de la « Burqa » dans les lieux publics (Gérard Desportes,

Médiapart, 30 janvier 2010) : La burqa fait exploser le monde laïque

Loin de rassembler le corps social sur les valeurs traditionnelles de la République, les pouvoirs publics sont-ils en train de l'éclater? Une semaine à peine après la remise du rapport

Page 22: FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris Printemps 2011 : Leyla DAKHLI FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris, a cultural and political history of colonization and immigration in the French

22

parlementaire sur le voile intégral et alors que le débat sur l'identité nationale continue de produire ses effets dévastateurs, il est permis de se poser la question. La foire d'empoigne est en effet générale. On a même failli se taper dessus entre membres de l'UMP lors du vote – à une voix près – du rapport présenté par Eric Raoult au nom de la mission parlementaire. Ce dernier lançant publiquement à l'adresse de son président de groupe, Jean-François Copé: «S'il me cherche, un jour, il va me trouver.» La décision du chef de l'Etat de temporiser en renvoyant à après les élections régionales toute décision d'interdiction n'a pas suffi à calmer les esprits. Le premier à monter au créneau pour prendre date aura été justement Jean-François Copé qui – à peine le rapport rendu public – a déposé une proposition de loi. Il rencontrait ce vendredi 29 janvier Xavier Bertrand pour parler avec lui de la division qu'il contribue à aiguiser. Jeudi 28 janvier, dans Le Figaro, il a sorti l'artillerie lourde. «C'est une contribution très utile, mais la mission n'a pas tranché deux points majeurs. Peut-on se passer d'une loi? Ma réponse est qu'il faut une loi. Quel doit être son périmètre? La première option, c'est l'interdiction générale du port du voile intégral dans tout l'espace public. C'est ma position, et elle a le mérite de la simplicité et de la clarté sur la base du critère de sécurité.» De nombreux députés de droite sont sur cette ligne; d'autres d'une sensibilité démocrate-chrétienne y sont viscéralement hostiles. Mais à gauche aussi, une loi générale a ses partisans, dont Manuel Valls, Aurélie Filippetti et André Gerin, tandis que la position officielle du PS va à un refus d'une «loi de circonstance, inapplicable» et alors que celle du PCF est plus alambiquée. Mais c'est dans le monde associatif que les désaccords sont les plus vifs. Et c'est là qu'ils disent le mieux les dégâts occasionnés par quatre mois de débats sur l'identité nationale et la place de l'islam en France. «La burqa n'est pas la bienvenue sur le territoire de la République française», avait dit le président de la République le 22 juin 2009 devant le Congrès réuni à Versailles. On aurait pu penser que les associations dont l'objet est la défense de la laïcité et des droits de l'Homme allaient se retrouver sur une base aussi minimale. Que nenni. Ou plutôt, si tout le monde combat le voile, c'est carrément la guerre ouverte. Pour ne citer que les plus connus, côté droits de l'Homme, la Licra est pour une loi interdisant la burqa, tandis que la LDH ou le Mrap sont contre. Côté associations, Riposte laïque ou Unfal sont pour la loi, tandis que la Ligue de l'enseignement ou La Libre Pensée sont contre. Ce ne serait pas grave – un débat même vif et sur une mauvaise question peut avoir ses vertus – si la violence des échanges ne soulignait un climat délétère entre gens issus, pour l'essentiel de la gauche et de l'extrême gauche, et qu'un même et ancestral combat contre la calotte de toute obédience unissait. Du moins jusqu'à l'hiver 2009. En quelques semaines, le voile a pris des proportions inouïes. Une littérature nouvelle vient d'apparaître, aussi grandiloquente et grandiose que la pratique du voile est marginale et infime. Ainsi, pour l'Union des familles laïques, «le port du voile intégral a également pour effet de rejeter l'autre à une distance infinie. La burqa est une façon de signifier que tout contact avec autrui est une souillure. Elle crée, de façon visible, une classe d'intouchables». A l'inverse, «pour le Mrap, en rester à l'interdiction vengeresse et stérile de la “burqa” ferait porter à la société française une lourde responsabilité». On pourrait multiplier les exemples de cette prose incandescente. Elle est parfois nauséabonde. Dans la livraison de ce vendredi matin, Riposte laïque règle ses comptes avec Marc Blondel de la Libre Pensée et ses «pathétiques arguments» et quelques autres coupables de ne pas penser comme eux. Il y a deux jours, sur le même site, un éditorial de Cyrano s'en prenait aux dirigeants de la gauche: «Mais cette gauche, celle de Cohn-Bendit, Aubry, Buffet, Besancenot, est aujourd'hui la pire adversaire de la République, de la Nation et de la laïcité. Car, au-delà des mots, qu'y a-t-il encore de républicain chez des personnes qui, comme Marie-George Buffet, refusent de voter une loi contre les signes religieux à l'école publique? Qu'y a-t-il de républicain chez ceux qui, comme le parti socialiste ou les Cohn Bendit, luttent pour que l'infâme burqa continue à agresser les Français? Qu'y a-t-il de républicain chez ceux qui, comme Martine Aubry, relaient les discours de Yazid Sabeg et de Nicolas Sarkozy, réclament la discrimination positive, et militent ouvertement pour le communautarisme et le multiculturalisme? Qu'y a-t-il encore de républicain chez ceux qui, tels Jean-Christophe Cambadélis ou Jean-Paul Huchon, insultent Eric Besson et le comparent à Déat,

Page 23: FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris Printemps 2011 : Leyla DAKHLI FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris, a cultural and political history of colonization and immigration in the French

23

pour avoir osé lancer le débat sur l'identité nationale? Qu'y a-t-il de républicain quand le même Jean-Paul Huchon signe un texte abominable, en compagnie de Valérie Pécresse, impulsé par Lilian Thuram, Christiane Taubira et l'inévitable Richard Descoings, pour nous vendre la discrimination positive, au nom d'une république multiculturelle post-raciale?» Et qu'on ne s'y trompe pas, Riposte laïque se revendique du progrès. «Bien sûr, notre combat laïque et républicain s'accompagne d'un projet de progrès social», affirment ses promoteurs. Les débordements verbaux sont maintenant monnaie courante. Le Comité laïcité et république emmené par l'ancien grand maître du Grand Orient, Patrick Kessel, s'en prend aux «islamogauchistes qui sont arrivés à cannibaliser le Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples)». Patrick Gaubert, le président de la Licra, à qui André Gerin expliquait qu'il fallait «combattre les salopards qui pourrissent la vie de nos quartiers», répond que «les salopards doivent être flingués – moralement et intellectuellement, s'entend...», le tout retranscrit sur le compte rendu officiel de l'Assemblée nationale. Dans certains endroits, comme à Roubaix, des associations membres de collectifs laïques sont jetées à la rue ou quittent les lieux pour cause de désaccord avec d'autres structures laïques. Les horions menacent, les noms d'oiseaux volent. A lire cette presse laïque, on a parfois l'impression de parcourir certains journaux de l'entre-deux-guerres. A cet étiage de méchanceté et de hargne, les communiqués de la Libre Pensée, ceux de la Ligue de l'enseignement, jadis réputés pour leur vigueur, paraissent de mièvres bluettes. Quelle laïcité pour demain ? Pourquoi cette poussée de fièvre? Philippe Portier, directeur du laboratoire Groupe société-religion-laïcité au CNRS et professeur à l'Ecole pratique des hautes études, tente une explication: «Les mouvements laïques à gauche étaient relativement homogènes, ils sont confrontés à une situation inédite que les débats actuels sont venus aiguiser. Le prolétariat, les travailleurs, sont maintenant marqués par des attaches religieuses. Ils sont musulmans et pauvres. Or ces mouvements se sont forgés dans la lutte contre le religieux, le religieux catholique, comme outil d'une aliénation. Comment combiner rejet du religieux et défense du pauvre? C'est compliqué. D'autant plus compliqué que la notion d'égalité, autre fondement de ces mouvements, ne s'envisage plus de la même manière. Avant, cette égalité était universaliste, sans distinction. Aujourd'hui, elle est davantage ancrée sur les différences, des singularités. Enfin, il y a la question de la liberté. Ils sont tous contre le voile, par principe. Mais pour certains, la burqa et par extension l'islam remettent en cause la liberté de l'être debout. Pour eux, le voile s'attaque à l'autonomie des personnes. A ce titre, il est une agression fondamentale, un obscurantisme insupportable. L'islam étant une religion hétéronome, ils ne sont prêts à aucun accommodement. Le voile agit comme un amplificateur de quelque chose qui existe depuis déjà quelques années. On assiste à une séparation entre ceux qui pensent que la liberté de pensée est une notion supérieure à la liberté de conscience et qui considèrent que, le voile empêchant de penser, l'Etat doit empêcher le voile. Il doit arracher les individus à leurs croyances. Et ceux qui, dans la tradition de la loi de 1905, restent sur cette idée que l'Etat, pas plus que la religion, n'a pas à empiéter dans la sphère privée, le vêtement étant un strict domaine de la vie privée. Ces deux tendances s'affrontent et elles sont en compétition avec une troisième que l'on peut appeler les tenants de la laïcité plurielle. La Ligue de l'enseignement par exemple, ceux-là sont favorables à une évolution. Cette compétition accroît l'âpreté des débats.» A écouter ce chercheur, le processus en cours serait donc antérieur au débat sur l'identité nationale. Ce qui ne fait aucun doute. Rétrospectivement, il faut toute de même se rappeler les propos du président de la République devant le Congrès à Versailles pour prendre conscience que, pour le moins, l'affaire a été mal menée.

Comme il ne fait aucun doute que si les échanges restent à ce niveau, la tension risque d'être insupportable au printemps quand le Parlement se penchera sur la proposition Copé. Entre une droite chauffée à blanc et des associations hystériques, l'«islamofolie» a de beaux jours devant elle. Hélas.

Page 24: FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris Printemps 2011 : Leyla DAKHLI FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris, a cultural and political history of colonization and immigration in the French

24

12. La « double absence » de Abdelmalak Sayad, introduction

Livre présent à la bibliothèque de B.U., distribution de photocopies de l’introduction.

13. Manifeste des Indigènes de la République (2005)

Discriminés à l’embauche, au logement, à la santé, à l’école et aux loisirs, les personnes issues des colonies, anciennes ou actuelles, et de l’immigration post-coloniale sont les premières victimes de l’exclusion sociale et de la précarisation. Indépendamment de leurs origines effectives, les populations des « quartiers » sont « indigénisées », reléguées aux marges de la société. Les « banlieues » sont dites « zones de non-droit » que la République est appelée à « reconquérir ». Contrôles au faciès, provocations diverses, persécutions de toutes sortes se multiplient tandis que les brutalités policières, parfois extrêmes, ne sont que rarement sanctionnées par une justice qui fonctionne à deux vitesses. Pour exonérer la République, on accuse nos parents de démission alors que nous savons les sacrifices, les efforts déployés, les souffrances endurées. Les mécanismes coloniaux de la gestion de l’islam sont remis à l’ordre du jour avec la constitution du Conseil français du Culte Musulman sous l’égide du ministère de l’Intérieur. Discriminatoire, sexiste, raciste, la loi anti-foulard est une loi d’exception aux relents coloniaux. Tout aussi colonial, le parcage des harkis et enfants de harkis. Les populations issues de la colonisation et de l’immigration sont aussi l’objet de discriminations politiques. Les rares élus sont généralement cantonnés au rôle de « beur » ou de « black » de service. On refuse le droit de vote à ceux qui ne sont pas « français », en même temps qu’on conteste « l’enracinement » de ceux qui le sont. Le droit du sol est remis en cause. Sans droit ni protection, menacées en permanence d’arrestation et d’expulsion, des dizaines de milliers de personnes sont privées de papiers. La liberté de circulation est déniée ; un nombre croissant de Maghrébins et d’Africains sont contraints à franchir les frontières illégalement au risque de leurs vies. La France a été un Etat colonial... Pendant plus de quatre siècles, elle a participé activement à la traite négrière et à la déportation des populations de l’Afrique sub-saharienne. Au prix de terribles massacres, les forces coloniales ont imposé leur joug sur des dizaines de peuples dont elles ont spolié les richesses, détruit les cultures, ruiné les traditions, nié l’histoire, effacé la mémoire. Les tirailleurs d’Afrique, chair à canon pendant les deux guerres mondiales, restent victimes d’une scandaleuse inégalité de traitement. La France reste un Etat colonial ! En Nouvelle Calédonie, Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion, Polynésie règnent répression et mépris du suffrage universel. Les enfants de ces colonies sont, en France, relégués au statut d’immigrés, de Français de seconde zone sans l’intégralité des droits. Dans certaines de ses anciennes colonies, la France continue de mener une politique de domination. Une part énorme des richesses locales est aspirée par l’ancienne métropole et le capital international. Son armée se conduit en Côte d’Ivoire comme en pays conquis. Le traitement des populations issues de la colonisation prolonge, sans s’y réduire, la politique coloniale. Non seulement le principe de l’égalité devant la loi n’est pas respecté mais la loi elle-même n’est pas toujours égale (double peine, application du statut personnel aux femmes d’origine maghrébine, sub-saharienne...). La figure de l’« indigène » continue à hanter l’action politique, administrative et judiciaire ; elle innerve et s’imbrique à d’autres logiques d’oppression, de discrimination et d’exploitation sociales. Ainsi, aujourd’hui, dans le contexte du néo-libéralisme, on tente de faire jouer aux travailleurs immigrés le rôle de dérégulateurs du marché du travail pour étendre à l’ensemble du salariat encore plus de précarité et de flexibilité. La gangrène coloniale s’empare des esprits. L’exacerbation des conflits dans le monde, en particulier au Moyen-Orient, se réfracte immédiatement au sein du débat français. Les intérêts de l’impérialisme américain, le néo-conservatisme de l’administration Bush rencontrent l’héritage colonial français. Une frange active du monde intellectuel, politique et médiatique français, tournant le dos aux combats progressistes dont elle se prévaut, se transforme en agents de la « pensée » bushienne. Investissant l’espace de la communication, ces idéologues recyclent la thématique du « choc des civilisations » dans le langage local du conflit entre « République » et

Page 25: FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris Printemps 2011 : Leyla DAKHLI FRENCH HISTORY: Postcolonial Paris, a cultural and political history of colonization and immigration in the French

25

« communautarisme ». Comme aux heures glorieuses de la colonisation, on tente d’opposer les Berbères aux Arabes, les Juifs aux « Arabo-musulmans » et aux Noirs. Les jeunes « issus de l’immigration » sont ainsi accusés d’être le vecteur d’un nouvel anti-sémitisme. Sous le vocable jamais défini d’« intégrisme », les populations d’origine africaine, maghrébine ou musulmane sont désormais identifiées comme la Cinquième colonne d’une nouvelle barbarie qui menacerait l’Occident et ses « valeurs ». Frauduleusement camouflée sous les drapeaux de la laïcité, de la citoyenneté et du féminisme, cette offensive réactionnaire s’empare des cerveaux et reconfigure la scène politique. Elle produit des ravages dans la société française. Déjà, elle est parvenue à imposer sa rhétorique au sein même des forces progressistes, comme une gangrène. Attribuer le monopole de l’imaginaire colonial et raciste à la seule extrême-droite est une imposture politique et historique. L’idéologie coloniale perdure, transversale aux grands courants d’idées qui composent le champ politique français. La décolonisation de la République reste à l’ordre du jour ! La République de l’Egalité est un mythe. L’Etat et la société doivent opérer un retour critique radical sur leur passé-présent colonial. Il est temps que la France interroge ses Lumières, que l’universalisme égalitaire, affirmé pendant la Révolution Française, refoule ce nationalisme arc-bouté au « chauvinisme de l’universel », censé « civiliser » sauvages et sauvageons. Il est urgent de promouvoir des mesures radicales de justice et d’égalité qui mettent un terme aux discriminations racistes dans l’accès au travail, au logement, à la culture et à la citoyenneté. Il faut en finir avec les institutions qui ramènent les populations issues de la colonisation à un statut de sous-humanité. Nos parents, nos grands-parents ont été mis en esclavage, colonisés, animalisés. Mais ils n’ont pas été broyés. Ils ont préservé leur dignité d’humains à travers la résistance héroïque qu’ils ont mené pour s’arracher au joug colonial. Nous sommes leurs héritiers comme nous sommes les héritiers de ces Français qui ont résisté à la barbarie nazie et de tous ceux qui se sont engagés avec les opprimés, démontrant, par leur engagement et leurs sacrifices, que la lutte anti-coloniale est indissociable du combat pour l’égalité sociale, la justice et la citoyenneté. Dien Bien Phu est leur victoire. Dien Bien Phu n’est pas une défaite mais une victoire de la liberté, de l’égalité et de la fraternité ! Pour ces mêmes raisons, nous sommes aux côtés de tous les peuples (de l’Afrique à la Palestine, de l’Irak à la Tchétchènie, des Caraïbes à l’Amérique latine...) qui luttent pour leur émancipation, contre toutes les formes de domination impérialiste, coloniale ou néo-coloniale. NOUS, descendants d’esclaves et de déportés africains, filles et fils de colonisés et d’immigrés, NOUS, Français et non-Français vivants en France, militantes et militants engagé-es dans les luttes contre l’oppression et les discriminations produites par la République post-coloniale, lançons un appel à celles et ceux qui sont parties prenantes de ces combats à se réunir en Assises de l’anti-colonialisme en vue de contribuer à l’émergence d’une dynamique autonome qui interpelle le système politique et ses acteurs, et, au-delà, l’ensemble de la société française, dans la perspective d’un combat commun de tous les opprimés et exploités pour une démocratie sociale véritablement égalitaire et universelle. Le 8 mai 1945, la République révèle ses paradoxes : le jour même où les Français fêtent la capitulation nazie, une répression inouïe s’abat sur les colonisés algériens du Nord-Constantinois : des milliers de morts ! Le 8 mai prochain, 60ème anniversaire de ce massacre, poursuivons le combat anticolonial par la première Marche des indigènes de la République !

14. Un entretien avec Lilian Thuram, footballeur français (revue Esprit) : « Une histoire à

transmettre » (PDF).