françois burland petits et grands formats

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Exposition à la galerie de la Ferme de la Chapelle et à la galerie Ligne treize à Carouge du 26 novembre au 21 décembre 2008 François Burland Petits et grands formats Dossier de presse

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Page 1: François Burland Petits et grands formats

Exposition à la galerie de la Ferme de la Chapelle

et à la galerie Ligne treize à Carouge

du 26 novembre au 21 décembre 2008

François Burland

Petits et grands formats

Dossier de presse

Page 2: François Burland Petits et grands formats

Aux journalistes

François Burland

Petits et grands formats

Exposition à la galerie de la Ferme de la Chapelle

et à la galerie Ligne treize

26 novembre au 21 décembre 2008

Artiste incontournable de l’Art brut et en particulier de la section Neuve Invention,

François Burland explore depuis de nombreuses années les thématiques du bestiaire

mythique. S’il a exposé dans de nombreuses galeries et musées en Europe et ailleurs,

l’artiste lausannois n’a jamais présenté son travail à Genève. Il s’agit donc d’une première

pour laquelle la galerie la Ferme de la Chapelle s’est unie à la galerie Ligne treize à

Carouge afin de montrer un large pannel des œuvres récentes sur papier de François

Burland. Ces deux espaces étant très différents, les grandes œuvres trouveront des murs

adéquats à la Ferme, tandis que les petits et moyens formats seront exposés à la galerie

Ligne treize.

Vernissage: mardi 14 octobre 2008 à 18 h

Exposition: du 26 novembre au 21 décembre 2008

Horaires d’ouverture Ferme: du mardi au dimanche 14 h-18 h ou sur rendez-vous

Horaires d’ouverture Ligne treize: mercredi à vendredi 14 – 18 h 30, samedi 11 – 17 h et

dimanche 14 – 17 h ou sur rendez-vous

Les rendez-vous à la Ferme:

Visite commentée par l’artiste

Jeudi 27 novembre à 20 h

Soirée contes animée par l’association Au bout du conte de Plan-les-Ouates

Vendredi 5 décembre à 20 h.

Brunch en présence de l’artiste

Dimanche 7 décembre dès 11 h

Concert de musique tzigane par le groupe Amnésia Mémor

Jeudi 11 décembre à 20 h

Contacts:

Ferme de la Chapelle

Nicole Kunz

+41 (0)22 342 94 38

+41 (78)752 39 06

Galerie Ligne treize

Véronique Philippe

+41 (0)22 301 42 30

+41 (0)76 475 93 92

PLUS D’INFO: www.fermedelachapelle.ch et www.galerielignetreize.ch

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François Burland est né en 1958 à Lausanne. Il vit et travaille dans le canton de Vaud. Michel

Thévoz, ancien conservateur de la Collection de l'Art Brut à Lausanne, a conféré une juste

reconnaissance au travail de François Burland en inscrivant en 1984 les œuvres de l'artiste dans la

section Neuve Invention. Ses œuvres figurent également au Site de la Création Franche à Bègles,

et dans de nombreuses collections privées et publiques.

Expositions personnelles

2008: Galerie la Ferme de la Chapelle et galerie Ligne treize à Carouge.

Galerie Imago, Bègles, France.

2007: Château d'Avanches.

Galerie Peithner-Lichtenfels, Vienne.

2006: Galerie Âme Couleur, Fleurier.

Fonds d'art contemporain, «Monotypes» , Sierre.

Wild Animus & F. Burland, USA.

Musée d'art et d'Histoire, exposition rétrospective, Fribourg.

Musée im Lagerhaus, Exposition rétrospective, St.-Gall.

Galerie Bis Heute, Exposition rétrospective, Berne.

Galerie ESF-Espace Saint-François, Lausanne.

Atelier–galerie Raynald Métraux, Lausanne.

2005: «Hunde und ihre maler», Erika Billeter, E.S.F Espace Saint-François, Lausanne.

Art en Marge, Bruxelles, Belgique.

2004: Judy A. Saslow Gallery, Chicago.

E.S.F Espace Saint-François, Lausanne.

«Rétrospective», L’Espal, Le Mans.

2003: «Rétrospective», Collection de l'Art Brut, Lausanne.

«Rétrospective», Galerie J-P. Ritsch-Fisch, Strasbourg, France.

«L’âme des guerriers», Galerie du Marché, Lausanne.

«Rétrospective», Art Magazin, Zurich.

2001: «Le jour des Cendres»,Galerie J-P.Ritsch-Fisch, Strasbourg.

«Rétrospective», Maison Visinand, Montreux.

«Tyranosorus Rex», UAC, Université, Lausanne.

Galerie du Marché, Lausanne.

«Le jour des Cendres», Art Magazin, Zurich.

2000: «Tyranosorus Rex - Espace Réservé», Galerie Rivolta, Genève.

Museum H.R GIGER, Château St-Germain, Gruyères.

«Tyranosorus Rex», Galerie du Marché, Lausanne.

1999: Judy A. Saslow Gallery, Chicago.

1998: Manoir de la Ville de Martigny.

1997: «Swiss Outsider Artist», Judy A. Saslow Gallery, Chicago.

Galerie de l'Elysée, Lyon.

1996: «Halle 5 bis», Galerie Rivolta et Raynald Métraux, Lausanne.

«Espace Réservé», Galerie Rivolta, Genève.

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Page 5: François Burland Petits et grands formats

Judy A. Saslow Gallery, Chicago.

Art Magazin, Zurich.

Centre Culturel de Martigny.

1995: Galerie Zur Alten Deutschen Schule, Thun.

IMAGO, Site de la Création Franche, Bègles.

1992: Galerie de l'Elysée, Lyon.

1991: Galerie Carré Noir/Carré Blanc, Nyon.

1990: Art Magazin, Zurich.

1989: Carl Hammer Gallery, Chicago (USA).

1988: Galerie Carré Noir/ Carré Blanc, Nyon.

«Outsider Art fom Europe», School of Fines Arts,University of Connecticut.

1987: Art Magazin, Zurich.

Galerie Carré Noir/ Carré Blanc, Nyon.

1986: Collection de l'Art Brut, Lausanne.

1985: Musée du Bizarre de Candide, Lavilledieu, France.

1984: Galerie Rivolta, Lausanne.

Expositions collectives (sélection)

2008 Galerie Hofstetter.

«La biennale des lions», Lyon, France.

Galerie Imago, Bègles, France.

«Eloge du dessin», Hall Saint-Pierre, Paris.

«Voleurs d'images», avec Murielle Michetti, galerie ESF, Lausanne.

2007 Galerie Ligne 13, Carrouge-Genève.

Galerie du vide-poche, Marsens.

2006 «A la carte», Europäische art brut, Galerie Peithner-Lichtenfels, Vienne.

«Vous avez dit création franche?», Musée de l'Ayguerote, Tarbes, France.

«Bestioles», Collection de l'Art Brut, Lausanne.

Musgrave Kinley Collection of Outsider Art, Irish Museum of Modem Art, Dublin.

Fundacion «La Caixa», Madrid.

Whitechapel Art Gallery, London.

2005 «Arnulf Rainer et sa collection», Maison Rouge, Paris.

Judy A. Saslow Gallery, Chicago (USA).

2003 From The Musgrave Kinley Collection of Outsider Art, Irish Museum of Modem Art,

Dublin.

«Lisières», L'Espal, Centre Culturel du Mans, Le Mans.

«Atelier» Raynald Métraux, Musée Jenisch, Vevey.

2002 «Skizze einer Privatsammlung Schweizer Kunst 1970-2000», Kunsthaus Centre

Pasquart, Bienne.

«Uniques», Cabinet Cantonal des Estampes, Vevey.

«Collection BCV-ART», Musée Jenisch, Vevey.

2001 «Art Paris», Carrousel du Louvre, Galerie J-P. Ritsch-Fisch, Paris.

«Kunst Köln Messe», Galerie J-P. Ritsch-Fisch, Cologne.

«Outsider Art Fair», Galerie J-P. Ritsch-Fisch, New-York (USA).

2000 «Outsider Fair New-York», Judy A. Saslow Gallery, Chicago (USA).

1999 «Les timbrés», Collection de l'Art Brut, Lausanne.

«Connexions particulières, de l'Art Brut à l'Art différencié», Musée d'Art Moderne et

d'Art Contemporain, Liège.

«La nef des fous», Musée d'Art Fantastique, Château de la Gruyère.

Manoir de la Ville de Martigny, Martigny.

1998 «Triennale de l'Estampe Originale», Musée des Beaux-Arts, Le Locle.

«Les Jardiniers de la Mémoire», Site de la Création Franche, Bègle.

«Love Error et Eros», American Visionary Art Museum, Baltimore (USA).

«Art Unsolved», Works from the Musgrave Kinley Outsider Collection Irish Museum of

Modern art, Dublin.

1997 «Nueva Invencion», Palacio de Montemuzo, Saragosse, Espagne.

Page 6: François Burland Petits et grands formats

«Acquisitions récentes», Collection de l’Art Brut, Lausanne.

«Het Formaat», Museum de Stadshof, Pays-Bas.

«De l'Art Brut à la Création Franche», Collection Eternod-Mermod.

1996 «Nueva lnvencion», Muséo de Navarra, Pampelune, Espagne.

1995 «Art Brut et Compagnie, la face cachée de l'art contemporain», Collection de l'Art

Brut, Lausanne.

«Le Zodiaque», Musé d'Art Fantastique, Château de la Gruyère.

«Recyclades», Collection de l'Art Brut, Lausanne.

Musée des Beaux-Arts, Le Locle.

Musée Jenisch, Vevey.

Halle St-Pierre et Musée d'Art Naïf Max Fourny, Paris.

1994 FAE, Musée d'Art Contemporain, Pully.

«Rio Nostra», Museu de Arte Moderna, Rio de Janeiro.

1993 «Fliegzeug», Kunsthaus, Langenthal.

«European Outsiders», Carl Hammer Gallery, Chicago (USA).

«European Outsiders», coinciding with «Parallels Visions» County Museum of Arts, Los

Angeles (USA).

Collection de l’Art Brut, Lausanne.

1991 «Les Jardiniers de la Mémoire», Bègle, France.

«Le Musée de l'Ame», Helmhaus, Zurich.

1990 «Neuve Invention», Schweizer Institut, New-York (USA).

Alfa Cubie Gallery, Tokyo.

1988 «Perpective 88», Kunstmesse Art 19/ 88, Bâle.

Art Gallery Chicago, Massachussets College of Art, North Hall Gallery (USA)

1987 125e anniversaire de l'Union de Banques Suisses, Musée cantonal des Beaux-Arts,

Lausanne.

François Burland, Série Au cœur des ténèbres,

aquarelle et néocolor sur papier, 2007, 100 x 150

cm. © photo Murielle Michetti

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François Burland ou l'érection permanente

Par Michel Thévoz

Nous avons tous été des artistes. Nous avons tous passé une partie de notre vie dans

un espace de jeu, dans un univers magique, dans un registre d'existence dominé par

le seul principe du plaisir, indemne par conséquent de tout critère réaliste. Il suffisait

qu'une chose soit évoquée pour exister effectivement, et nous pouvions devenir à

notre seul désir

le chevalier, le héros, l'indien, le gendarme ou le voleur. Des monstres épouvantables

traversaient notre chemin, géants, sorcières et animaux fabuleux, parce qu'il suffisait

aussi bien qu'une chose soit redoutée pour se produire effectivement. Nous vivions

ces aventures bien plus intensément que la destinée rectiligne d'enfant sage à

laquelle l'éducation voulait nous acculer. Puis, nous avons fini par capituler, c'est-à-

dire par accepter l'hégémonie du principe de réalité sur le principe de plaisir.

Dira-t-on que l'artiste adulte, lui, a réchappé à cet holocauste éducatif et qu'il a

préservé l'enfant qui était en lui? C'est oublier que l'art est rigoureusement encadré,

qu'il est aussi scolarisé et surveillé que tout le reste. Il requiert un apprentissage, c'est-

à-dire un assujettissement à des modèles et à des procédures consacrés. Il doit

s'insérer dans un système de diffusion, de commercialisation, de gratifications

honorifiques. Bref, l'art s'adultère effectivement en devenant adulte, au point

d'oublier l'atmosphère de jeu, de gratuité et de jubilation qui est originellement la

sienne.

Il apparaît pourtant que, pour des raisons qui tiennent sans doute à son histoire

personnelle, François Burland n'a pas connu ce hiatus meurtrier entre l'enfance et

l'âge adulte. S'agissant de peinture et de dessin, il ignore superbement les contraintes

institutionnelles. Son inspiration, il va la puiser non pas chez des modèles prestigieux,

mais dans son imagination. Le dessin, lui, est un moyen d'activer ses fantasmes les plus

secrets, et de les développer en mises en scène prodigieuses. On ne s'étonnera pas

que ce registre fantasmatique soit dominé par l'animalité.

L'homme est le seul animal qui ne soit pas un animal, affirmait Boris Vian. Autrement

dit, l'homme est le seul animal à se vanter de ne l'être pas. Ou encore: l'homme -

surtout l'homme blanc est un animal vantard, qui se préfère à tous les autres êtres

vivants, à commencer par ses congénères; et qui se démarque obsessionnellement

des races, des groupes sociaux, des sexes ou des espèces considérés comme

inférieurs. Et la logique du refoulement ou de l'apartheid veut qu'il projette sur l'autre

(le nègre, le pauvre, la femme, la bête) les traits de sa propre nature qu'il rejette

orgueilleusement. Au fond, l'homme se déteste en l'Autre. Et, en exterminant

physiquement ou symboliquement l'Autre, il croit se purifier, selon le principe du bouc

émissaire.

Ainsi, après être parvenu par l'occidentalisation planétaire à la solution définitive des

cultures étrangères, l'homme blanc applique la même stratégie à l'égard des

espèces animales, en procédant soit par la destruction physique, soit par cette forme

plus subtile d'extermination qu'est l'acculturation ou la domestication. Autrement dit,

confronté à des «frères inférieurs», il massacre ou il bêtifie. L'espèce «homo homini

lupus» croit pouvoir exorciser sa propre sauvagerie en éliminant les loups ou en

névrosant les chiens. Dans les sociétés dites primitives, l'animal était encore affronté

comme le partenaire d'une relation rituelle et souvent cruelle de réciprocité

symbolique: le chasseur divinisait ou totémisait sa proie. On trouve peut-être chez le

matador et le taureau l'ultime persistance de cette rivalité à la fois réelle et

imaginaire. Mais l'homme qui se veut civilisé établit avec l'animal un rapport

névrotique de pouvoir ou de paternalisme larmoyant. La maîtresse et son caniche,

Brigitte Bardot et les bébés phoques, nous montrent à quel degré d'avilissement

mutuel peut conduire ce déni de l'animalité.

Page 9: François Burland Petits et grands formats

Telle est la rançon de l'humanisme: la distinction que l'homme croyait

orgueilleusement pouvoir marquer à l'endroit du règne animal (à commencer par son

propre corps), il est condamné à la retrouver dans son psychisme, divisé par le

refoulement. Autrement dit, l'homme vit désormais sa propre animalité sous la forme

de symptômes névrotiques, selon le principe du retour du refoulé. Dût-il exterminer ou

domestiquer ce qui reste d'espèces zoologiques sur la terre, la sauvagerie animale

continuera de le hanter dans ses contes, dans ses rêves, dans ses délires, dans ses

désordres somatiques et dans ses tics. Survivant à l'holocauste, les loups resurgissent

dans ses fantasmes: l'homme est un loup d'abord pour lui-même. Nous sommes tous

des hommes aux loups.

Dans ce combat schizophrénique, François Burland se conduit comme un traître: il se

met du côté du plus fort, c'est-à-dire de l'animal, non pas, bien sûr, dans un esprit de

sentimentalité bêtifiante, mais en plaçant cette alliance sous le signe de l'érotisme et

de la cruauté. Pour invoquer la bestialité que nous nous exténuons à refouler, il se sert

de la feuille blanche. Il l'active comme un épiderme ultrasensible, comme une table

de voyance, comme un miroir paradoxal qui nous réfléchit nos obsessions. Il laisse

travailler la ligne comme une lézarde sur l'écran des apparences, curieux de voir

émerger ce que les apparences ont précisément pour fonction de camoufler. Il libère

ainsi toutes ces bêtes fantastiques que les psychanalystes s'ingénient à domestiquer,

celles qui harcèlent les patients de Freud et de Ferenczi, l'homme aux loups,

précisément, l'homme aux rats, l'homme-coq, le cheval du petit Hans, le rhinocéros

de Gaston Duf, etc.

On ne pouvait évidemment pas s'attendre que ces monstres échappés de notre

inconscient pussent s'ébattre librement dans les salons et dans les sanctuaires de l'art

contemporain. Les galeristes spécialisés dans le néo-expressionnisme, ou dans la

Figuration Libre, ou dans la Neue Wildheit («néo» est toujours synonyme de

domestication culturelle), auxquels Burland s'était d'abord adressé, suffoquent au

moindre relent d'authentique sauvagerie. Pour affronter l'oeuvre de Louis Soutter, par

exemple, il a fallu qu'ils s'entraînent homéopathiquement avec Penck et d'autres

épigones. Autant dire que Burland s'est fait éconduire aussi sec. Il n'a d'abord trouvé

d'accueil que dans ce territoire réservé que constitue la section «Neuve Invention» de

la Collection de l'Art Brut. Mais, dès lors que ses bêtes étaient dans la place, il a bien

fallu qu'on s'en accommode. Une à une, elles ont pénétré dans les galeries, dans les

musées, et même dans les banques.

Burland allait-il se laisser domestiquer? Allait-on le retrouver dans la peau d'un artiste

suisse? Ses bêtes finiraient-elles par débander? Peut-être Burland a-t-il flairé le danger.

Délaissant les espaces désormais balisés ou blasonnés de sa propre imagination, il

s'est converti à une autre forme de nomadisme, celui des Touaregs du Sahara,

auxquels il s'est lié d'amitié. Avec eux il a traversé les déserts. Et il a découvert dans le

réel et dans un contexte socio-politique dramatique ce que ses fantasmes antérieurs

lui avaient fait pressentir: la persistance d'une sauvagerie enfin digne de ce nom,

traquée comme la mauvaise conscience ou comme la contre-partie irréductible de

l'occidentalisation. La mythologie hautaine et cruelle qu'il avait mise en scène prenait

corps. Aussi bien sa peinture, paradoxalement ressourcée par le désert, et revitalisée

par cette expérience concrète, a-t-elle pris une nouvelle tournure, moins arbitraire,

mieux incarnée, plus communicative, plus effusive que jamais, mais par irradiation

extérieure.

Est-il besoin d'ajouter que cette incursion non touristique dans le véritable théâtre des

opérations a définitivement éloigné Burland de ce qu'on appelle la «scène artistique»,

un éloignement que Kafka caractérisait en ces termes: «Loin, loin de toi, se déroule

l'histoire mondiale, l'histoire mondiale de ton âme.»

© Michel Thévoz (in Création Franche, n°7 1992)

Page 10: François Burland Petits et grands formats

Les tableaux rituels de François Burland

Par Carine Fol

Ce qui frappe d’emblée au regard des oeuvres de François Burland, c’est l’énergie qui

s’en dégage. Un rythme effréné, une danse à la fois macabre et drôle, caractérise les

oeuvres de toutes les «séries». Les titres des séries «cavalier novembre» – «monstres» - «la

ballade des pendus» – «miroir des âmes simples et anéanties» – «jour de cendres» ou

encore «baleines du ténéré» – «océanien» sont le reflet de sa fascination pour

l’apocalypse, le combat, l’animal, le désert et de sa recherche d’un ailleurs.

Erika Billeter décrit de manière très exhaustive, dans le magnifique ouvrage qu’elle

consacre à l’artiste, le riche univers formel et thématique de François Burland. Dès le

début de sa quête artistique les réminiscences de son enfance se mêlent à un besoin

d’évasion. La fascination pour les personnages et les scènes représentées sur les

tableaux du Moyen-Age, la découverte des gitans qui viennent installer leur

campement sur un terrain appartenant à son grand-père, les scènes de la résistance

que lui racontait sa grand-mère... sont autant d’images et de souvenirs forts qui ont

marqué et imprégné son imaginaire et sa création.

Et puis il y eut le désert: le Sinaï qu’il découvre à l’âge de 20 ans et dix ans plus tard

l’Algérie et le Sahara, où il retourne encore plusieurs fois par an. Là aussi la découverte

et la magie sont doubles: l’humain et la rencontre avec les Touaregs – et la nature

fascinante de cette étendue sans fin qu’il parcourt à cheval.

Son œuvre consacre le rituel de la jubilation et de la souffrance, de la vie et de la mort.

L’acte créatif se déroule également selon un rituel: François Burland dessine au sol. Le

papier sur lequel il dessine est pour lui un sol. L’artiste fait un avec son oeuvre. Parfois il

s’agit presque d’un combat, l’énergie de l’acte rejoint ainsi parfaitement la

métaphore de la thématique dépeinte: des combats mythiques. Cette symbiose

confère force et vérité à ses tableaux. Il aimerait donner à ses dessins une puissance

magique et voir en eux des formules incantatoires. Cependant «nous ne sommes pas

des sorciers. Nous ne connaissons pas les règles qui régissent la magie ni la manière

dont le chaman utilise ses pouvoirs. Les animaux que je dessine n’appartiennent pas à

un rite. Nous sommes tous de «faux sauvages». Cette réflexion et cette remise en

question continuelles entre réel et imaginaire, entre vie et rêve, entre incontournable

réalité et inaccessible étoile’ nourrissent son inépuisable besoin de créer.

Alors que l’on décèle nombre d’influences et de sources d’inspiration: les dessins

préhistoriques, l’Egypte, la Grèce antique, les dessins de l’artiste outsider Bill Trailor,...

François Burland crée une oeuvre incontournable d’une intensité rare, qui fait chavirer

notre regard dans une dimension qui transcende la pensée référentielle. Comme l’écrit

Erika Billeter «son talent réside dans le choix qu’il fait de sujets traités par d’autres

artistes et la manière dont il les transforme en l’absence de tout parti pris». Cette liberté

(qui n’est pas de l’insouciance) doublée d’un tempérament de peintre et de

visionnaire, nous fait franchir les limites et les frontières: du mythe à la réalité, du passé

au présent et de l’apocalypse à la jubilation.

En 2004 il entame une série intitulée «jardin» qui, à l’inverse des œuvres précédentes,

semble être le reflet d’une plus grande sérénité. Cette fois il nous dévoile ses paysages

intérieurs. Ces peintures à l’huile sur papier nous projettent également dans un univers

hors du temps, mais le rythme effréné des séries antérieures a laissé la place à une

introspection apaisante. Ou ne serait-ce qu’une apparence?

© Carine Fol (in Art en Marge, Bruxelles, bulletin n°78, 2005)

Page 11: François Burland Petits et grands formats

François Burland: première approche Transit Vita sicut Umbra

Par Laurent Danchin

Cadran solaire de 1684, entre Grandvillard et Lessoc, près de Gruyère (Suisse)

Sous nos yeux, à l’échelle mondiale, une civilisation est en train de disparaître, avec

toutes les cultures traditionnelles qui en illustraient les facettes selon les hasards de

l’histoire et de la géographie. Comme l’Atlantide, les dernières sociétés préindustrielles,

partout dans le monde, sont sur le point d’être englouties. Pour toujours.

S’il fallait trouver une famille artistique à François Burland, ce serait pour moi celle des

créateurs de civilisations imaginaires qui aujourd’hui, ici ou là, par réaction contre cette

mutation terrible de l’histoire, oeuvrent à élaborer un univers mental de substitution afin

de compenser, de façon purement symbolique, ce qui peut être senti comme

irréparable dans cette disparition des sociétés archaïques: en simulant les codes et le

vocabulaire d’une sensibilité primitive à connotation ethnographique.

Mais le primitivisme, post-moderne, de l’époque actuelle, syncrétique et mondialisée,

n’a rien à voir avec le goût, purement formel, voire folklorique, de l’art moderne pour

l’art nègre. Entre les deux époques l’histoire a basculé, le futurisme, devenu banal, ne

nous fait plus rêver et l’homme, ébranlé sur ses bases, ne cherche plus à révolutionner le

vieux monde mais à se réincarner. Post-surréaliste, dionysiaque, retournant à l’obscur au

lieu de s’en éloigner, le néo-primitivisme d’aujourd’hui n’a plus pour ambition de

déconstruire l’art antérieur pour retrouver l’élémentaire: il laisse l’image au contraire

remonter librement des profondeurs, dans toute sa complexité, au risque d’apparitions

d’une sauvagerie souvent extrême. Comme son époque, il s’agit d’un art non

analytique mais de synthèse et qui craint autant la clarté que la confusion..

A l’instar de son aîné Dubuffet, Burland est un amoureux du désert où il va régulièrement

faire table rase et remettre ses pendules à l’heure. Et tandis que les Touaregs, ses amis,

rêvent de 4 x 4 Toyota, le «chameau Japonais», lui s’imagine contemporain des fresques

et gravures rupestres du Tassili. C’est dans les solitudes hantées du Sahara qu’il élabore

sans doute d’ailleurs ce qu’Harald Szeemann aurait appelé sa «mythologie individuelle»,

et qu’il mûrit, pour le retour, les éléments de son art tribal imaginaire.

Parce qu’il y a dans ses créatures, comme issues en direct du cerveau reptilien, un côté

obsessionnel et visionnaire, qu’il est autodidacte et travaille par séries, épuisant ses

thèmes en variations innombrables, et que ses motifs de prédilection fonctionnent

comme les véritables gris-gris de son Vaudou personnel, on a parfois rattaché l’art de

François Burland à l’art brut ou à ses dérivés, ce qui a été en effet son terreau de départ.

C’est tenir bien peu compte du degré de raffinement et de complexité de son œuvre,

qui l’égale aux plus grands. Et si devant ses cavaliers, amants ou danseurs en ombres

chinoises, on peut parfois penser à Bill Traylor ou à Louis Soutter, il y a aussi du Basquiat et

du Giger chez Burland pour qui sait voir.

© Laurent Danchin (in Art en Marge, Bruxelles, bulletin n°78 2005)

Page 12: François Burland Petits et grands formats

Tout n’est que passé…

Par Olivier Bultiau

Parfois, les œuvres, premières -au propre comme au figuré-, de François Burland me

font penser à certaines de celles de Tony Convey, de Jean-Marie Wilbeaux, d’Anne

Outelet, voire de Mohammet Mrabet. Ou l’inverse. Mais est-ce si surprenant que cela?

La magie, le mythe, le mystère, l’enfance, l’animalité, le démoniaque et le mystique

font partie du patrimoine commun de chaque être humain. Et il n’est donc pas

étonnant que, confrontant des travaux d’artistes aux horizons, origines, cultures,

continents, capacités, parcours, évolutions, attentes, intentions, perceptions,

apprentissages, environnements, (âges et sexes), si différents, nous découvrions des

similitudes dans les tracés, des universaux dans les thèmes, des correspondances dans

les préoccupations. Nous ne sommes, somme toute, que des êtres humains. En quête

de questions sans réponse, en retour de mondes disparus, en avance de cosmogonies

animistes, en proie aux réponses des questions, en attente de rapports humains sans

attente…

Et puis la Suisse, avec ses banques et ses montres, sa neutralité et son armement, ne

pousse-t-elle pas à s’évader hors des lacs qui ne brûlent jamais. Le miracle est ailleurs,

le feu est en dehors, l’éternité est hors d’atteinte, le naturel est simplement hors de

portée.

Déjà, nos origines sont lointaines et, sous nos latitudes, enfouies sous des tonnes de

rhétorique grecque, de législatif romain, de morale chrétienne.

Quant à nos devenirs, ils se conjuguent aux modes du plus-qu’imparfait ou du

conditionnel passé. Si si si…

Voilà le présent dans lequel se bataillent nos horreurs de mort et nos erreurs de mômes.

Reste le silence des espaces inhospitaliers (où nous retrouvons l’hospitalité vraie…) et le

suspense des temps infinis (quand nous recherchons l’instant réel…) qui nous obsèdent.

Combien de scories n’avons-nous pas à brûler avant de reprendre la flamme de la

liberté?

Combien de sottises n’avons-nous pas à traiter avant de retendre le fil du nomadisme?

Combien de soupirs n’avons-nous pas à guetter avant de repenser la fibre de l’amitié?

Des centaines de traits par lesquels s’expulsent nos contradictions de rationalité et de

ratiboisage?

L’Homme et son œuvre sont dissociables, heureusement ! Il y a la pose et il y a la

pause…

Monstres d’avant le déluge à apprivoiser, approches d’après le refuge à montrer.

Pas de chance: nous sommes «mal», à chaque fois, de notre époque et de notre

épouvante!

Pas d’échange: nous sommes «bien» schizophrènes… Le grain de folie qui pousse. Mais

d’où nous vient-il/elle?

Et quand même, il y a la vache. Mère nourricière –voire réminiscence enfantine… –

dépeinte sous toutes les coutures de son mystère. Comme peut l’être une poule ou

une abeille.

Et quand même, il y a le taureau. Père fondateur – voire résurgence violente – décrit

sous tous les couteaux de sa sauvagerie. Comme peut l’être un hyène ou un aigle.

Et quand même, il y a l’individu. Être surfait – voire réplique meurtrière – décrié sous

toutes les vilenies de sa nature. Comme peut l’être un homme ou une femme.

Heureusement il y a le désert. Le presque rien qui ressemble au nirvana et qui

rassemble au sérail. S’enfuir de tout. S’en foutre de rien…

© Olivier Bultiau (in Art en marge, Bruxelles, bulletin n°78 2005)

Page 13: François Burland Petits et grands formats

François Burland,

Série Au cœur des ténèbres,

aquarelle et néocolor sur

papier, 2007, 75 x 100 cm.

© photo Murielle Michetti

François Burland,

Série Au cœur des ténèbres,

aquarelle et néocolor sur

papier, 2007, 126 x 200 cm.

© photo Murielle Michetti

François Burland,

Série Au cœur des ténèbres,

aquarelle et néocolor sur

papier, 2007, 74 x 98 cm.

© photo Murielle Michetti

Page 14: François Burland Petits et grands formats

François Burland,

Série Sphynx, aquarelle et

néocolor sur papier, 2007,

42 x 60 cm.

© photo Murielle Michetti

François Burland,

Série Sphynx, aquarelle et

néocolor sur papier, 2007,

42 x 60 cm.

© photo Murielle Michetti

François Burland,

Série Sphynx, aquarelle et

néocolor sur papier, 2007,

59 x 84 cm.

© photo Murielle Michetti