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1 LES SUCCESSIONS INTERNATIONALES Rapport français Sara GODECHOT-PATRIS INTRODUCTION Si la constance semble, du moins a priori, le terme le plus à même de rendre compte de l’état du droit français des successions internationales, on peut dès lors légitimement s’interroger sur l’opportunité de placer encore sous le feu des projecteurs cette matière. Mais il faut parfois se méfier de l’eau qui dort et je crois que les successions internationales n’ont pas usurpé leur place en cette journée consacrée aux droit des successions et aux mutations qu’a connu et que connaît la matière! Les règles de principe ont, il est vrai, été posées il y a près de sept siècles par les juridictions de notre ancien droit. Ayant fait le choix du morcellement, la jurisprudence est venue soumettre les meubles à la loi du dernier domicile du défunt 1 et les immeubles à la loi du lieu de leur situation 2 . La loi ainsi désignée se voit reconnaître un domaine de compétence relativement vaste qui englobe les questions de dévolution et de transmission de même que celles touchant au règlement du passif ou encore au partage. Une telle loi sera de surcroît rarement mise en échec par le jeu de l’exception d’ordre public, la matière successorale n’apparaissant pas – si on met de côté la question de la réserve héréditaire – 1 Cass. 19 juin 1939, Labedan, Grands arrêts DIP n° 18. Sur la notion de domicile, v. art. 102 C. civ. et pour une application récente en matière successorale : Civ. 1 ère , 7 décembre 2005, Rev. Crit. DIP 2006. 583, note GODECHOT-PATRIS, JCP. 2006. II. 10050, note BOULANGER, Defrénois 2006.562, note REVILLARD. 2 Civ. 14 mars 1837, Stewart, Grands arrêts DIP n° 3.

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    LES SUCCESSIONS INTERNATIONALES

    Rapport franais

    Sara GODECHOT-PATRIS

    INTRODUCTION

    Si la constance semble, du moins a priori, le terme le plus mme de

    rendre compte de ltat du droit franais des successions internationales, on peut

    ds lors lgitimement sinterroger sur lopportunit de placer encore sous le feu

    des projecteurs cette matire. Mais il faut parfois se mfier de leau qui dort et je

    crois que les successions internationales nont pas usurp leur place en cette

    journe consacre aux droit des successions et aux mutations qua connu et que

    connat la matire!

    Les rgles de principe ont, il est vrai, t poses il y a prs de sept sicles

    par les juridictions de notre ancien droit. Ayant fait le choix du morcellement, la

    jurisprudence est venue soumettre les meubles la loi du dernier domicile du

    dfunt1 et les immeubles la loi du lieu de leur situation2. La loi ainsi dsigne

    se voit reconnatre un domaine de comptence relativement vaste qui englobe

    les questions de dvolution et de transmission de mme que celles touchant au

    rglement du passif ou encore au partage. Une telle loi sera de surcrot rarement

    mise en chec par le jeu de lexception dordre public, la matire successorale

    napparaissant pas si on met de ct la question de la rserve hrditaire

    1 Cass. 19 juin 1939, Labedan, Grands arrts DIP n 18. Sur la notion de domicile, v. art. 102 C. civ. et pour une application rcente en matire successorale : Civ. 1re, 7 dcembre 2005, Rev. Crit. DIP 2006. 583, note GODECHOT-PATRIS, JCP. 2006. II. 10050, note BOULANGER, Defrnois 2006.562, note REVILLARD. 2 Civ. 14 mars 1837, Stewart, Grands arrts DIP n 3.

  • 2

    comme le terrain privilgi dintervention de cette exception. Et ce sont

    essentiellement les discriminations contenues dans une loi trangre et fondes

    sur la race, le sexe, la religion ou la nature de la filiation qui mritent

    aujourdhui dtre considres comme contraires lordre public.

    Le large champ de comptence ainsi reconnu la loi successorale se trouve

    renforce par les rgles de conflits de juridictions consacres en droit

    franais qui viennent en garantir la pleine efficacit. Cest en effet aux

    juridictions du dernier domicile du dfunt quil appartient de connatre des

    successions mobilires et aux juridictions du lieu de situation du bien que

    revient le soin de traiter des successions immobilires3. La dualit de

    comptence lgislative se double donc dune dualit de comptence

    juridictionnelle. Cette unit de point de vue nest pas le fruit du hasard dailleurs

    et trouve sa justification dans lexistence dun paralllisme troit entre les

    proccupations qui fondent respectivement la solution des conflits de lois et les

    rgles de comptence juridictionnelle en matire successorale 4.

    Cest ainsi quen matire immobilire ce sont des considrations deffectivit

    qui fondent lattachement au lieu de situation de limmeuble : car cest en ce lieu

    que sexcuteront ncessairement les mesures prises en matire relle. Les

    considrations de souverainet qui un temps ont command le choix du critre

    tendent seffacer5 tant et si bien que la rserve de la Cour de cassation

    admettre en ce domaine le dni de justice comme source de comptence

    subsidiaire des tribunaux franais ne devrait plus tre de mise6.

    De la mme manire, si on constate en matire mobilire une unit de point de

    vue du moins depuis que la distinction entre domicile de fait et domicile de

    droit a t supprime cest que les proccupations lgislative et juridictionnelle

    3 V. notamment pour une application, Civ. 1re, 7 mars 2000, Rev. Crit. DIP 2000. 458, note ANCEL. 4 M. GORE, Ladministration des successions en droit international priv, Economica, 1994, Prf. Y. LEQUETTE, spc. n 325. 5 V. sur cette question L. dAVOUT, Sur les solutions du conflit de lois en droit des biens , Economica, 2006, prf. H. SYNVET. spc. n 191 et s.. Comp. Th. VIGNAL, Rflexions sur le rattachement des immeubles en droit international priv , Trav. Com. fr. DIP 2006-2008, p. 15 et s.. 6 Civ. 1re, 7 janvier 1982, Rev. Crit. DIP 1983. 87, note ANCEL.

  • 3

    tendent l encore se rejoindre. Le choix du dernier domicile du dfunt comme

    chef de comptence juridictionnelle assure la comptence des tribunaux de lEtat

    o le dfunt est prsum avoir concentr ces intrts ; et il en va de mme en

    matire lgislative : si la loi du dernier domicile doit tre retenue cest que cest

    en ce lieu que les incidences du dcs vont tre ressenties. Ainsi quil a t

    relev : la loi du dernier domicile du dfunt exprime () la localisation

    effective des intrts patrimoniaux du dfunt7.

    Difficile par consquent au premier abord de dtecter une fausse note dans cette

    partition sur laquelle le temps ne semble pas avoir eu de prise. Et pourtant une

    analyse plus pousse du rgime rserv en droit franais aux successions

    internationales montre que les failles existent, quon sattache sa mise en

    uvre ou plus fondamentalement sa raison dtre.

    Il serait ainsi inexact de penser que comptence lgislative et comptence

    juridictionnelle vont systmatiquement concider. Ce serait oublier un peu vite

    les privilges de juridictions des articles 14 et 15 du Code civil qui sils ont t

    largement dsactivs par la jurisprudence sur le terrain de la comptence

    indirecte demeurent pleinement efficaces sur celui de la comptence directe.

    Aussi bien la seule nationalit franaise des hritiers au jour de louverture de la

    succession autorise la saisine des juridictions franaises, et il importe peu que le

    domicile du dfunt soit situ ltranger : la rupture entre comptence

    lgislative et comptence juridictionnelle se trouve ainsi consomme. Certes il

    est vrai quen matire immobilire la comptence du tribunal du lieu de situation

    de limmeuble prsente un caractre exclusif interdisant aux plaideurs de se

    prvaloir des privilges de juridiction, ce qui garantit lunit de point de vue.

    Reste que pour assurer la pleine efficacit du systme mis en place encore

    aurait-il fallu abandonner la lex rei sitae le soin de dterminer si le bien est

    meuble ou immeuble rebours de la position consacre en droit franais qui 7 B. ANCEL et Y. LEQUETTE, note sous Cass. 19 juin 1939, Labedan, Grands arrts DIP n18, spc. n6.

  • 4

    donne ici comptence la loi du for8. Car il a t soulign que si le juge adopte

    la qualification de la lex situs il ne se heurtera pas un refus dexcution de sa

    dcision puisque celle-ci sera en harmonie avec celle que le juge de lEtat de la

    situation aurait rendue. Largument deffectivit qui a prsid au choix des chefs

    de comptence lgislatif et juridictionnel aurait du galement simposer sur le

    terrain de la qualification.

    En tout tat de cause il est vain de croire que cette unit de point de vue si elle se

    ralise assure au juge lapplication exclusive de sa propre loi interne. Ce serait

    oublier un peu vite quen ce domaine dautres lois peuvent interfrer. Quon

    pense tout dabord aux donations : si les questions de rapport successoral et de

    rduction des libralits relvent de la comptence de la loi successorale, en

    revanche la validit de lacte sera soumise au rglement Rome I du 17 juin 2008

    sur la loi applicable aux obligations contractuelles9. Quon pense prsent la

    mise en uvre des rgles relatives la dvolution subordonne la vrification

    pralable de la ralit du lien de parent par application dune rgle de conflit

    distincte10. Quon pense galement au rglement de la succession en prsence

    dun hritier incapable o lapplication de la loi successorale devra se faire de

    concert avec celle de la loi personnelle de lhritier qui il appartiendra

    notamment dans le cadre de lexercice de loption successorale de dterminer les

    formalits habilitantes accomplir11. Quon pense enfin la rglementation du

    partage, et on notera quil est bien difficile pour les meubles successoraux

    8 TGI Seine, 12 janvier 1966, Rev. Crit. DIP 1967. 120, note LOUSSOUARN, JCP.1967.II.15266, note BISCHOFF. Adde, E. BARTIN, De limpossibilit darriver la suppression dfinitive des conflits de lois , JDI 1897.225, spc. p. 246 ; P. LAGARDE, La qualification des biens en meubles ou immeubles dans le droit international priv du patrimoine familial , in Mlanges Revillard, Defrnois, 2007, p. 209 et s.. 9 V. en ce sens le prambule de la proposition de rglement du 14 octobre 2009 sur la loi applicable, la reconnaissance et lexcution des dcisions et des actes authentiques en matire de successions et la cration dun certificat successoral europen. 10 On pense bien entendu ici limportant contentieux auquel ont donn lieu en France les mariages polygamiques o les juridictions franaises ont t conduites sinterroger sur laptitude de deux pouses polygames venir la succession du conjoint dcd domicili en France. V. sur la question, Civ. 1re, 3 janvier 1980, Bendeddouche, Grands arrts DIP n 556. A lavenir la question pourrait se poser dans des termes relativement similaires en prsence dun mariage homosexuel valablement clbr ltranger : le conjoint homosexuel peut-il prtendre la qualit de conjoint survivant vis aux article 756 et s. du Code civil ? Pour une rponse positive, v. Rp. min ; n 00886, JO Snat Q, 24 janvier 2008, p. 161. 11 V. Y. LEQUETTE note sous TI Lille (juge des Tutelles) 28 mars 1980, Rev. Crit. DIP 1981. 289, spc. p. 296.

  • 5

    dvincer entirement la loi du lieu de situation du bien, assurment comptente

    en matire dindivision quil sagisse de dterminer le contenu de la masse

    indivise ou le rgime de lindivision (rgle de lunanimit, mandat tacite, dure

    de lindivisionetc.). Tout bien meuble situ en France et alors mme que la loi

    successorale serait une loi trangre sera notamment soumis aux articles 815-2

    et 815-3 du Code civil. La loi successorale nest bien entendue pas totalement

    carte et cest elle quil appartient de dterminer les personnes habilits

    administrer la succession, ltendue de leurs pouvoirs, de mmes que les biens

    entrant dans la masse partager. Cest par consquent la loi successorale de

    prciser si le bien subrog doit ou non tre inclus dans la masse laquelle

    appartenait le bien initial12.

    Ces enchevtrements de comptence lgislative font bien entendu craindre des

    situations de conflit qui rendront ncessaires le recours ladaptation des

    lgislations en prsence.

    Au del et plus fondamentalement, le principe de la scission consacr en matire

    mobilire et immobilire peine convaincre en droit franais. Elle nest on le

    sait que le fruit dun compromis, dune transaction instinctive comme le relevait

    Batiffol. Et ce mme auteur de souligner que, faute de pouvoir raisonner un

    choix, on a pench pour le rgime de la proprit en ce qui concerne les

    immeubles en les soumettant la loi de leur situation et pour une loi plus

    personnelle quant aux meubles 13. Approfondissant cette analyse il a t

    dmontr ultrieurement que si la comptence de la lex rei sitae en matire

    immobilire assurait le respect des liaisons verticales qui structurent le droit des

    successions, la comptence de la loi du dernier domicile du dfunt garantissait le

    12 A cet gard la jurisprudence a pu prciser que lorsque les hritiers vendent un immeuble la somme provenant de la vente sera soumise la loi de la succession immobilire : Paris, 31 dcembre 1889, D.P. 1891.2.41, not De Boeck, JDI.1890.121. 13 H. BATIFFOL, Rflexions sur la loi applicable aux successions , in Festgabe fr A.N. Makarov, 1958 p. 791 et s.

  • 6

    respect des liaisons horizontales14. Partant notre systme conflictuel ne rend pas

    pleinement compte des principes directeurs qui gouvernent notre droit des

    successions ; linteraction entre droit interne et droit international priv se trouve

    de ce fait rompue. Car ds lors quil est admis en droit interne que la succession

    est la transmission dun patrimoine, dune universalit, il devrait sensuivre

    lapplication quune loi unique la succession indpendamment de la nature du

    bien.

    Il est vrai que de telles assertions mritent dtre vrifies la lumire des

    dveloppements qua connu le droit interne franais au cours de cette dernire

    dcennie. Cest ainsi quon est en droit de se demander si la loi du 3 dcembre

    2001, en supprimant larticle 732 du Code civil affirmant le principe de lunit

    successorale, nest pas venue remettre en cause un tel principe. Rapporte

    lchelle internationale une telle abrogation ne plaiderait plus en faveur dun

    rglement unitaire de la succession. Mais il a t dmontr que nombre de rgles

    figurant dans le Code tmoignaient encore de la prennit du principe de lunit

    de la succession15. Quant aux modifications apportes par la loi du 23 juin 2006

    on peut lgitimement sinterroger sur leur rpercussion au plan international :

    certes, la gnralisation du rapport et de la rduction en valeur marque une

    avance du valorisme tant et si bien quaujourdhui limmeuble nimporte pas

    tant par sa nature que par la valeur quil reprsente ce qui fragilise un

    rattachement par le situs du bien16. Il nen reste pas moins que le modle de la

    succession la personne sest paralllement trouv altr la suite de cette

    rforme comme le montrent la conscration du mandat posthume et dans une

    14 V. sur ce point, J. HERON, Le morcellement des successions internationales, Economica, 1986, Prf. P. MAYER, n 130 et s. : alors que les liaisons horizontales mettent laccent sur les liens qui unissent les divers biens dune succession, les liaisons verticales sattachent aux liens qui unissent les diverses phases du rglement successoral propos dun mme bien. Adde, Y. LEQUETTE, Ensembles lgislatifs et droit international priv des successions , Trav. Com. fr. DIP 1983-1984, p. 163 et s.. 15 Y. LEQUETTE, La rgle de lunit de la succession aprs la loi du 3 dcembre 2001 : continuit ou rupture , in Mlanges Simler, Dalloz, 2006, p. 167 et s.. 16 B. ANCEL, note sous Civ. 1re, 21 mars 2000, Rev. Crit. DIP 2000 p. 403-404.

  • 7

    moindre mesure laccroissement des pouvoirs de lexcuteur testamentaire17.

    Enfin la loi du 23 juin 2006 tmoigne dun trs net recul de lordre public

    successoral et laffaiblissement qua connu la rserve hrditaire en est une des

    illustrations les plus significatives 18.

    La loi du 23 juin 2006 a donc brouill les cartes. Mais paradoxalement elle

    semble mme de lgitimer certaines des mutations que connat actuellement

    notre rgime conflictuel, mutations qui trouveraient leur point dorgue si la

    proposition de rglement europen du 14 octobre 2009 en matire successorale

    venait tre adopte.

    On assiste en effet aujourdhui une redistribution des cartes en matire de

    successions internationales : cest ainsi que lunit prend le pas sur la dualit

    conflictuelle (I) tandis que limprativit de la rgle de conflit cde du terrain

    la volont (II).

    I. Lunit prend le pas sur la dualit conflictuelle :

    Que lunit puisse prendre le pas sur la dualit conflictuelle, laffirmation

    pourrait a priori surprendre la lecture de certaines dcisions de la Cour de

    Cassation o la dualit de comptence lgislative demeure affiche ; cest en

    vrit par des voies dtournes que cette dualit se trouve aujourdhui

    transcende. Mais la lgitimit de ce mouvement doit au pralable tre vrifi en

    prenant la mesure des faiblesses de notre systme conflictuel.

    17 V. sur ce point les dveloppements de P. CATALA, La loi du 23 juin 2006 et les colonnes du temple , Dr. famille nov. 2006, n 43. 18 La suppression de la rserve des ascendants, la non prise en compte des hritiers rservataires renonants, indignes ou prdcds dans le calcul de la rserve ds lors quils dcdent sans laisser de descendants de mme que la facult de dsigner un mandataire posthume en prsence dhritier rservataire en violation de leur droit recevoir leur rserve libre de toute charge en tmoignent.

  • 8

    A. Un constat : les faiblesses de la dualit de comptence lgislative

    en matire successorale :

    Si aujourdhui le systme franais nemporte plus ladhsion cest quau del de

    la fragilit de son assise thorique il est de nature entraver tout rglement

    quilibr et cohrent de la succession.

    Les illustrations sont nombreuses. Aucune phase du rglement successoral ne

    semble dailleurs tre pargne ; et on se contentera ici den signaler les plus

    significatives.

    Cest ainsi que sur le terrain de la dvolution, le calcul de la rserve hrditaire

    masse par masse que la Cour de cassation a pu encore raffirmer rcemment19

    peut aboutir un partage profondment ingal de la succession : lhritier

    pourtant rempli de ses droits dans une masse trangre se trouve en droit de

    rclamer, en sus, sa part de rserve dans la masse soumise la loi franaise.

    De manire plus gnrale cest lefficacit de tout projet danticipation

    successorale que la loi du 23 juin 2006 est pourtant venue encourager qui

    risque par le jeu du morcellement dtre djou comme le montrent les principes

    de solution consacrs en matire de donation-partage. En venant soumettre la

    donation-partage la loi successorale, la jurisprudence franaise la fragilise

    puisquelle autorise les copartageants allotis sur des biens immobiliers situs

    ltranger rclamer leur rserve sur le bien inclus dans la donation partage et

    situ en France. Et il a t montr que la conscration de la donation partage

    transgnrationelle par la loi du 23 juin 2006 rendait encore plus alatoire le sort

    de cette dernire au niveau international car si la loi successorale trangre

    19 Civ. 1re, 17 juin 2009, Dr. famille, sept. 2009, p. 42, obs. FONGARO.

  • 9

    nadmet pas ce type de donation-partage il sera alors possible lenfant qui sest

    effac de se prvaloir de la nullit de lopration20.

    Toujours sur ce mme terrain dvolutif, le morcellement conflictuel pourrait tre

    de nature affecter les droits du conjoint survivant et la loi du 3 dcembre 2001

    en fournit peut-tre une illustration : Il suffit dimaginer que le de cujus vienne

    dcder domicili en France alors que son conjoint rside Londres dans un

    appartement lou. En ce cas par application de la loi franaise du dernier

    domicile du dfunt (art. 763), le conjoint devrait pouvoir prtendre au

    remboursement des loyers pour lanne qui suit le dcs. Si prsent le conjoint

    tait log dans un appartement Londres appartenant au dfunt, il ne lui est plus

    possible de se prvaloir des dispositions protectrices de la loi franaise, la

    succession immobilire tant soumise la loi anglaise du lieu de sa situation,

    sauf faire jouer ici lexception dordre public eu gard limprativit en droit

    franais de la rgle. Force est nanmoins de reconnatre que la solution ne

    satisfait pas pleinement. Il est vrai quune autre voie est ici envisageable qui

    permettrait dassurer une solution uniforme la question : dans la mesure o ce

    droit au logement est un effet direct du mariage, un prolongement post-mortem

    du rgime primaire, pourquoi ne pas le soumettre la loi des effets du mariage ?

    Enfin, ne sauraient tre passs sous silence les inconvnient que gnrent le

    morcellement sur le terrain du rglement du passif successoral. La question est

    connue et il a t montr que certes sagissant de lobligation au passif le

    morcellement peut effectivement se concevoir : chacun des cranciers doit tre

    autoris rclamer le paiement de lintgralit de sa crance sur lune des

    masses en prsence. En revanche, le morcellement est carter sur le terrain de

    la contribution la dette car se dessine alors le risque quun hritier supporte

    20 G. KHAIRALLAH, La loi du 23 juin 2006 et les successions internationales , JCP N. 2008 n1244, spc. n20

  • 10

    une part de passif bien suprieure la part dactif reue ds lors que les autres

    lois en concours norganisent pas de recours entre cohritiers.

    Au del de telles rgles rendent bien illusoire le principe de lexercice de

    loption masse par masse : il suffit en effet davoir accept purement et

    simplement sur une des masses successorales en prsence pour ventuellement

    tre conduit supporter lintgralit du passif ! Un rglement cohrent du passif

    successoral suppose donc lapplication dune rgle de conflit unique et passe

    dfaut par une adaptation du mcanisme conflictuel21.

    B. Des remdes : Le dpassement de la dualit de comptence

    lgislative :

    Ces quelques illustrations suffisent convaincre, semble-t-il, des faiblesses de

    notre systme conflictuel. Des efforts ont dailleurs t accomplis en vue de

    rtablir lunit de comptence lgislative ; mais il ne sagit pour lheure que de

    simples retouches. Cest donc une mutation dune toute autre ampleur qui se

    dessine la lecture de la proposition de rglement europen du 14 octobre 2009

    relatif la comptence, la loi applicable, la reconnaissance et lexcution des

    dcisions et des actes authentiques en matire de succession et la cration dun

    certificat successoral europen .

    Prenant acte des inconvnients du morcellement conflictuel la doctrine a explor

    certaines voies en vue den prvenir les consquences nfastes. Linitiative

    revient ici au de cujus soucieux de garantir lefficacit de son projet

    danticipation successorale. Il a ainsi t suggr de tirer parti des ressources de

    la clause pnale notamment dans lhypothse de legs adresss des enfants et

    21 La jurisprudence ne sest livre quune une fois une telle adaptation du mcanisme conflictuel : Trib. prem. Inst. Papeete, 7 mars 1975, Rev. Crit. DIP 1976.647, note ANCEL, J. not. 1976. 1763, note DROZ. Dans cette hypothse il a t considr que la masse successorale navait supporter quune part du passif proportionnelle la fraction quelle reprsentait par rapport la valeur totale des diverses masses.

  • 11

    portant sur des biens situs dans des pays distincts : il sagirait alors de priver le

    lgataire de ses droits sur les biens situs ltranger sil venait rclamer sa

    rserve sur les biens situs en France22. La clause en ce quelle ne porte pas

    atteinte une disposition dordre public du for est tout fait valable. La

    nouvelle renonciation exercer laction en rduction si elle se trouvait incluse

    dans une donation-partage portant sur des biens situs dans des pays diffrents

    pourrait conduire des rsultats similaires. Mais il est craindre que le lourd

    formalisme impos par le Code ne dissuade le disposant dy recourir. Et ce

    titre la question de la validit dune clause de renonciation faite selon les formes

    dune loi trangre et qui porterait sur un bien immobilier situ en France

    pourrait un jour se poser. On ne saurait se retrancher ici derrire le jeu de la

    rgle locus regit actum car le formalisme impos par larticle 930 du Code civil

    vise satisfaire des considrations substantielles23. Par consquent cest la loi

    successorale franaise qui doit ici recevoir application. Reste savoir si un

    raisonnement en termes dquivalence nest pas ici envisageable et si la validit

    dune telle clause ne peut pas tre admise supposer que lobjectif poursuivi par

    la rgle franaise savoir la protection renforce du consentement ait t

    atteint en application de la loi trangre ?

    De son ct, le lgislateur nest pas rest totalement insensible la dimension

    unitaire de la succession mme sil est vrai que cest exclusivement en faveur

    des hritiers de nationalit franaise que cette unit sest trouve rtablie.

    Linterprtation extensive qua reue larticle 2 de la loi du 14 juillet 1819

    autorise en effet tout hritier franais, qui en application de la loi trangre

    aurait reu moins que ce que lui aurait octroy la loi franaise si elle avait t

    applicable lentire succession, cet hritier franais est donc autoris prlever

    22 Y. LEQUETTE, comm. prc., spc. p. 171. 23 G. KHAIRALLAH, art. prc., spc. n 17.

  • 12

    la diffrence sur les biens situs en France24. Malgr la rgularit des

    applications jurisprudentielles de ce mcanisme, la doctrine en dnonce de

    manire tout aussi constante la contrarit la convention europenne des droits

    de lhomme en ce quil cre une discrimination injustifie entre hritiers franais

    et trangers. Au del on pourrait sinterroger sur la prennit dun tel mcanisme

    aprs ladoption de la loi du 23 juin 2006. Le droit de prlvement est en effet

    une action relle qui appelle un prlvement en nature25. Il doit donc aller de

    pair avec une rduction en nature. En consquence, la conscration par principe

    de la rduction en valeur devrait lavenir conduire en neutraliser la mise en

    uvre, du moins sur les biens situs en France ayant fait lobjet de libralits.

    Une telle analyse fait nanmoins peu de cas de la pratique notariale qui prenant

    des liberts par rapport la lettre du texte a, semble-t-il, toujours privilgi

    lexercice en valeur du droit de prlvement26 !

    Pour sa part, cest essentiellement en recourant au mcanisme du renvoi -

    quelle cantonnait jusqu peu aux seules successions mobilires27 que la

    jurisprudence a tent de dpasser le morcellement conflictuel supposer que la

    loi du lieu de situation de limmeuble refuse loffre de comptence qui lui est

    faite. Et dailleurs dans son dernier tat, elle affiche clairement son objectif

    puisque le renvoi nest admis que sil assure lunit successorale et

    lapplication dune mme loi aux meubles et aux immeubles 28. Par l mme

    elle est venue rompre avec le principe dincomptence absolue lgard des

    immeubles situs ltranger ce qui, dailleurs, se justifie fort bien au regard du

    principe deffectivit qui prside au choix dun tel facteur : le refus de

    24 Sur cette rgle v. les dveloppements de S. BILLARANT, Le caractre substantiel de la rglementation franaise des successions internationale , Dalloz, 2004, prf. P. LAGARDE, n 159 et s.. 25 Rappr. B. ANCEL, note sous, TGI Bayonne, 15 fvrier 1977, Rev. Crit. DIP 1978 p. 489, spc. p. 609. 26 G. KHAIRALLAH, art. prc., spc. n 10. 27 Les successions mobilires sont en effet le berceau du mcanisme du renvoi : Req. 22 fvrier 1882, Forgo, Grands arrts DIP n8 ; Req. 9 mars 1910, DP.1912.1.262, rapp. DENIS, JDI.1910.888, Rev. Dr. int. 1910.870. 28 V. en dernier lieu, Civ. 1re, 11 fvrier 2009, Rev. Crit. DIP 2009.512, note B. ANCEL, JDI 2009.567, note PEROZ, D. 20091658, note LARDEUX, JCP.2009.II.10068, note BOULANGER.

  • 13

    comptence tmoigne du dsintrt de lordre juridique du situs du bien29. La

    jurisprudence de la Cour de cassation nen suscite pas moins certaines

    interrogations. La premire dentre elles porte sur le point de savoir si ce renvoi

    conditionn que vient consacrer la Cour de cassation est ncessairement un

    renvoi au premier degr en faveur de la loi du for ou sil peut tre un renvoi au

    second degr au profit dune loi tierce. Il suffit cet gard dimaginer un

    franais qui viendrait dcder domicili au Luxembourg tout en laissant un

    chalet en Suisse. La loi luxembourgeoise est applicable la succession

    mobilire ; quant la loi suisse du lieu de situation de limmeuble elle dsigne

    comme devant sappliquer la loi luxembourgeoise du dernier domicile. Pourquoi

    en ce cas ne pas admettre le renvoi ds lors quil permet de rtablir lunit de

    comptence lgislative ? Reste aussi sentendre sur ltendue du renvoi ainsi

    opr dans la mesure o cest des fins principalement comptable et en vue de

    dterminer la masse de calcul de larticle 922 du Code civil que limmeuble

    situ ltranger a jusqu prsent t pris en considration.

    De manire moins heureuse la Cour de cassation a galement tent de rtablir

    lunit de comptence lgislative en jouant sur les ressources de la qualification ;

    ainsi en va-t-il lorsquelle dcide que le rapport soprant en valeur en droit

    franais, il y a lieu de soumettre la question du rapport dune libralit

    immobilire la loi du dernier domicile du dfunt30. Si partant elle parvient

    surmonter le morcellement conflictuel, la dmarche suivie ne peut nanmoins

    tre approuve car ce nest pas des modalits du rapport que doit dpendre

    lidentification de la loi applicable mais de la nature mobilire ou immobilire

    du bien ; et cest la loi ainsi identifie de dterminer si le rapport doit soprer

    en valeur ou en nature. Seule cette approche garantira des solutions quilibres. 29 V. sur ce point les dv. de L. DAVOUT, thse prc. spc. n 212 et B. ANCEL, note sous Civ. 1re, 26 juin 2006, Rev. Crit. 2007, p. 389-390. 30 Civ. 1re, 18 mai 2005, Rev. Crit. DIP 2005.639, note B. Ancel ; RTD civ. 2005.813, obs. M. Grimaldi. V dj dans la mme affaire et sur le terrain de la comptence juridictionnelle, Civ. 1re, 3 dcembre 1996, Rev. Crit. DIP 1997.318, note B. Ancel, Clunet 1997.1020, note M. Revillard.

  • 14

    Si lobjectif poursuivi est tout fait lgitime, la voie emprunte ici appelle donc

    plus de rserve. Aussi bien il est souhaitable que lunit de comptence

    lgislative en matire successorale ne dpende plus lavenir de retouches

    ponctuelles ; elle doit tre rige en principe. Et cest dailleurs ce quoi semble

    tendre la proposition de rglement europen lorsquelle vient soumettre dans son

    article 16 lensemble de la succession la loi de la rsidence habituelle du

    dfunt au moment de son dcs.

    Nul doute quune telle unit assurera la succession un rglement cohrent et

    quilibr. Ralise lchelle internationale, elle rendra lavenir inutile du

    moins dans le cadre de lUnion europenne le recours ce correctif quest le

    prlvement compensatoire : un tel mcanisme tend garantir lefficacit de

    notre systme conflictuel en autorisant lhritier saisir sur les biens situs en

    France ce quil ne peut obtenir ltranger et que pourtant la loi dsigne par la

    rgle de conflit du for lui reconnat31.

    Il faut nanmoins bien mesurer ltendue du changement qui se dessine. Sans

    entrer dans les dtails du texte, on notera que la proposition donne comptence

    ici la loi interne de la dernire rsidence habituelle du dfunt. Cest dire que

    dune part le renvoi se trouve tre exclue, ce qui dans un texte de facture

    internationale est commun. Cest dire que dautre part au critre du domicile est

    prfr celui de la rsidence plus factuelle mais aussi plus ancr dans la ralit et

    mieux adapt une vie de moins en moins sdentaire. Un tel critre nen est pas

    moins entach dune certaine incertitude et il serait souhaitable que les auteurs

    de la proposition viennent lavenir lassortir dindices afin den faciliter la

    localisation. Ce mme rattachement se trouve tre adapt en matire de pactes

    successoraux o comptence de principe est donne la loi de la rsidence

    31 Il est vrai nanmoins que la jurisprudence noffre gure dexemples dun tel prlvement qui risquerait dentraner des mesures de rtorsion ltranger et de nuire encore plus la stabilit du rglement successoral.

  • 15

    habituelle au jour de ltablissement du pacte, alors quaujourdhui de tels pactes

    sont soumis la loi successorale ce qui ne va pas sans gnrer une certaine

    inscurit32.

    Mais cette unit est parfois conduite flchir, pour la simple et bonne raison que

    les rdacteurs nont pu sabstraire totalement de lopposition des modles

    successoraux en prsence, ce qui somme toute est relativement logique. Le droit

    international priv nest pas un droit dsincarn ; il se construit la lumire de

    solutions qui prvalent en droit interne. Et si en droit franais la comptence

    dune loi unique est conforme la structure de notre systme successoral, il en

    va en revanche diffremment dans les systmes anglo-amricains : il ne sagit

    alors plus de transmettre une universalit mais des biens ; do la comptence

    exclusive de la loi du lieu de situation du bien pour les questions de transmission

    successorale. Cest dire quun hritier saisi en vertu de la loi successorale

    franaise ne peut entrer en possession des biens situs en Angleterre que sil a

    obtenu au pralable des juridictions anglaises lordonnance de grant of probate.

    La saisine des hritiers se trouve ainsi mise en chec. A linverse on notera que

    ladministrateur dsign par la loi successorale trangre ne rencontrera aucun

    obstacle lexercice de ses pouvoirs en France ds lors quils ne donnent pas

    lieu des actes dexcution forcs sur les biens qui y sont situs33. Et on ne

    saurait arguer du caractre dordre public en droit interne de la saisine34 pour

    refuser de laisser produire effet une loi trangre confrant un administrateur

    successoral le soin de rgler la succession. La saisine nest en effet que

    linstrument de lexacte ralisation des vocations hrditaires dans un systme

    32 Le texte rserve toutefois la comptence de la loi successorale dans lhypothse o la loi de la rsidence actuelle ne validerait pas le pacte (art. 18) 33 V. notamment en ce sens, Civ. 1re, 3 novembre 1983, Rev. Crit. DIP 1984. 336, note REVILLARD, JDI 1985.115, note ANCEL. 34 Caractre dordre public qui dailleurs aujourdhui pourrait tre rediscut avec la conscration du mandat posthume qui tend la neutraliser.

  • 16

    fond sur la succession la personne35 ; il serait par consquent totalement

    absurde de limposer dans le cadre dun systme de succession aux biens.

    Ce rgime de transmission deux vitesses, larticle 21 de la proposition de

    rglement le consacre lorsquil vient rserver la comptence de la loi du lieu de

    situation du bien ds lors que cette loi subordonne ladministration et la

    liquidation de la succession linvestiture dun administrateur () par une

    autorit de cet Etat membre . Certains souligneront sans doute, que

    lincompatibilit de cette rserve, en faveur de la loi du lieu de situation du bien,

    avec le systme franais peut tre relativise depuis que la loi du 23 juin 2006

    est venue flirter avec le rgime de successions au biens au travers de ces deux

    institutions que sont lexcution testamentaire et le mandat posthume. Il me

    semble toutefois que le systme franais demeure principalement un systme de

    succession la personne et que le recours un intermdiaire successoral

    suppose, le plus souvent, une manifestation de volont du dfunt : ce systme de

    transmission, suppltif de volont, ne saurait lui seul justifier une mutation en

    profondeur de notre rgime conflictuel.

    Cette rserve des auteurs de la proposition en faveur de la lex rei sitae est

    dautant plus regrettable quelle savre incompatible avec linstauration dans le

    texte dun certificat successoral europen. Destin faciliter la preuve de la

    qualit dhritier un tel certificat est appel tre reconnu dans tous les Etats

    membres et devrait en principe permettre son titulaire dapprhender les biens

    de la succession situs ltranger sans se soumettre aucune procdure en ce

    lieu. Cest dire quon ne peut dun ct subordonner ladministration de la

    succession au respect des prescriptions de la loi du lieu de situation du bien et de

    lautre consacrer un certificat successoral europen. Il y a l une contradiction

    quil faudra lavenir lever. Mais ce nest l quune des imperfections du texte

    europen o lunit de loi semble bien souvent plus apparente que relle ! 35 V. sur ce point les dveloppements de M. GORE, thse prc., spc. n140.

  • 17

    Preuve en est dailleurs que le texte vient galement rserver lapplication de loi

    du lieu de situation du bien au titre des lois de police pour certains rgimes

    successoraux particuliers (art. 22). Cest l toute la question des attributions

    prfrentielles. Reste que confrer un tel statut aux attributions prfrentielles

    suppose quil y soit attach dans lordre juridique interne une certaine

    imprativit. Or ltude des textes montre quen droit franais lattribution

    prfrentielle prsente un caractre suppltif36. Par consquent, du moins au

    regard de notre systme juridique la question des attributions prfrentielles

    devrait demeurer sous lempire de la rgle de conflit successorale37.

    Si la place rserve la loi du lieu de situation du bien dans la proposition

    semble trop tendue, il ne sagit en aucun cas de prconiser ici une viction

    totale de cette loi. Elle continuera lavenir jouer un rle central notamment

    pour les questions dindivision ou de publicit. De mme doit-il en aller en cas

    dacquisition par deux personne dun bien situ en France avec clause

    daccroissement au profit du survivant. La validit dune telle clause relve de

    la comptence de la loi du lieu de situation de limmeuble applicable au contrat

    de vente38. Reste quen lespce, on ne sexpose pas une application

    concurrente de la loi successorale et de la loi du lieu de situation du bien.

    Lexistence de la clause daccroissement va conduire neutraliser tout processus

    successoral sur ce bien : la loi du lieu de situation du bien prend ici le pas sur la

    loi successorale.

    36 V. sur cette question les dveloppements de M. GORE, thse prc. spc. n 198 et s.. 37 Encore que laffirmation puisse tre discute une fois rappele lobjectif familial et conomique des attributions prfrentielles : il sagit pour le logement de maintenir le cadre de vie du conjoint et des enfants ; sagissant de lentreprise cest la survie de lunit de production qui est alors en cause. Comme le note un auteur, lattribution prfrentielle repose sur la prise en compte de lintrt gnral et dintrts particuliers , M. GRIMALDI, Droit civil Successions, 2000, Litec, spc. n885. 38 En ce sens, M. REVILLARD, Droit international priv et communautaire : pratique notariale, Defrnois, 2006, n815.

  • 18

    Lunit conflictuelle en matire successorale nen demeure pas moins

    souhaitable. Elle est mme aujourdhui souhaite par une large partie de la

    communaut juridique franaise. En ce sens il est certain qu la diffrence

    dautres systmes juridiques la structure du droit franais sy prte. A linverse

    on peut tre plus dubitatif quant aux prdispositions de notre systme juridique

    au jeu de la volont. Mais ltude du droit positif montre que limprativit de la

    rgle de conflit cde progressivement du terrain la volont.

    II. Limprativit cde du terrain la volont :

    Que la place rserver la volont dans le rglement des successions

    internationales soit trs discute en droit franais ne devrait gure surprendre. La

    dimension imprative de notre droit interne sy oppose a priori.

    Il serait nanmoins inexact de prtendre que le rglement des successions

    internationales est exclusif de toute prise en compte de la volont. Le systme

    actuel est plutt en demi-teinte. Et si un consensus se dgage pour considrer

    que la volont des hritiers peut prsider au rglement de la succession (A), en

    revanche la question de savoir si le dfunt en amont est en droit de choisir la loi

    applicable sa succession a donn lieu des avis plus partags (B).

    A. Successions internationales et volont des hritiers :

    Autoriser tout dabord les hritiers sabstraire du lieu de situation des biens

    pour procder un rglement global de la succession peut permettre de remdier

    aux dfauts les plus criants dun systme conflictuel rigide. A cet effet deux

    voies peuvent tre empruntes : la premire intervient en aval de la mise en

    uvre de la rgle de conflit cest le partage amiable la seconde en amont

    cest laccord procdural rendu possible raison du caractre librement

    disponible des droits en prsence.

  • 19

    Si le morcellement conflictuel simpose au dfunt, rien ninterdit en revanche

    aux hritiers de procder un rglement globalis de la succession. A cet effet

    laccord des hritiers est par dfinition ncessaire, il nest pas pour autant

    suffisant. Et le recours un partage amiable global demeure subordonn

    certaines conditions, la premire dentre elles tant laptitude des hritiers y

    recourir. En ce sens, la Cour de cassation a pu affirmer que la question ressortait

    au statut personnel. Cest donc la loi nationale de lintress dindiquer les

    formalits habilitantes accomplir en vue de procder ce partage39.

    Il serait par ailleurs inexact de penser quune telle facult repose sur une

    mconnaissance de la rgle de conflit franaise. Il ne doit en effet tre possible

    dy recourir que si toutes les lgislations concurremment applicables

    lautorisent40. Cest dire quun tel partage amiable tire sa lgitimit du contenu

    des lgislations en prsence. Et cest dailleurs pour cette raison que la sanction

    de la lsion relve de la comptence de la loi successorale41.

    Quoiquil en soit et sur le terrain formel prsent, rien ne soppose ce quun

    tel accord soit pass devant un notaire franais42. Car cest la loi du lieu de

    rdaction de lacte de dterminer le formalisme respecter dans le cadre de la

    ralisation de ce partage amiable43.

    Toute autre est la facult reconnue aux hritiers de droger la rgle de conflit

    et de substituer la loi normalement comptence une autre loi pour parvenir l

    encore un rglement global de la succession. Il sagirait, par exemple,

    dcarter la loi franaise du lieu de situation de limmeuble au profit de la loi 39 Civ. 13 avril 1932, Grands arrts DIP, n14. 40 V. sur ce point, J. HERON, thse prc., spc. n409. 41 V. sur ce point lensemble des dveloppements de M. GORE, thse prc., spc. n 411 et s.. 42 Lacte notari sera mme ncessaire si figure au sein de lindivision un bien soumis publicit foncire (art. 835 al. 2 C. civ.). Sagissant des formalits de publicit respecter supposer que le partage ait t ralis ltranger et porte sur des biens situs en France, v. art. 4 alina 3 du dcret du 4 janvier 1955 qui prvoit que la publicit en France dun acte pass ltranger est subordonn soit la lgalisation de lacte et son dpt au range des minutes dun notaires soit son exequatur. 43 V. sur ce point, Civ. 19 novembre 2008, Rev. Crit. DIP 2009. 295, note ANCEL, RTD civ. 2009. 155, obs. GRIMALDI, Defrnois 2009.429, note REVILLARD.

  • 20

    belge du dernier domicile du dfunt. Une telle facult existe en France et est

    subordonne lintervention du juge ; cest l lobjet de laccord procdural.

    Rserv aux droits librement disponibles, laccord procdural pourrait donc

    trouver un terrain dapplication privilgi en matire successorale. Mais la

    jurisprudence ne semble pas vouloir donner un tel correctif un fort

    rayonnement puisque cest en faveur de la seule loi du for quun tel accord entre

    les parties est aujourdhui possible44.

    B. Successions internationales et volont du dfunt :

    Laccord des hritiers permet ainsi de relayer la volont du dfunt. Lide

    saccorde dailleurs parfaitement avec les principes directeurs de droit interne,

    fonds sur la notion de succession la personne et o lhritier continuateur de

    la personne du dfunt est le mieux mme dassurer le respect de la volont de

    ce dernier45.

    Reconnatre au dfunt, en amont, le droit de choisir la loi applicable sa

    succession est une mesure dune toute autre ampleur. Car, que les hritiers se

    conforment la volont du dfunt et ne rclament pas leur rserve est une chose,

    que le dfunt puisse de son ct se soustraire cette mme rserve en est une

    autre46.

    En droit positif la marge de libert du dfunt nest pas trs grande, du moins si

    on se rfre la jurisprudence il est vrai relativement ancienne : ainsi, il ne

    peut choisir la loi applicable sa succession47 et cest tout au plus en vue

    dinterprter la volont du dfunt et dans les limites de lordre public successoral

    que les juridictions acceptent lapplication dune loi autre que celle dsigne par

    44 Civ. 1re, 6 mai 1997, Grands arrts n 84. 45 S. MAZEAUD-LEVENEUR, Lexcuteur testamentaire , Dr. et patrimoine 2007, n157, p. 58 46 V. sur cette question, notamment, M. GORE, De la mode dans les successions internationales, contre les prtentions de la professio juris , in Mlanges Loussouarn, Paris, 1994, p. 193 et s., D. BUREAU, Linfluence de la volont individuelle dans les conflits de loi , in Mlanges Terr, Dalloz, 1999, p. 285 et s.. 47Civ. 1re, 22 dcembre 1970, Journ. Not. 1971 art. 50097, note DROZ, Rev. Crit. DIP 1972. 467, note A.P.

  • 21

    la rgle de conflit48. De la mme manire aucune place nest rserve

    lautonomie de la volont pour les successions contractuelle49.

    Pourtant octroyer au dfunt une certaine libert dans la dtermination de la loi

    applicable sa succession nest pas sans prsenter certains avantages que

    personne dailleurs ne conteste50 : en introduisant plus de flexibilit dans la

    dtermination de la loi, lexercice dune telle facult garantit au dfunt la pleine

    efficacit de son projet danticipation successorale et ce dautant plus si le

    dfunt dans son projet sest rfr une institution trangre au for, telle que le

    trust.

    Les difficults rencontres actuellement en jurisprudence pour assurer au trust

    un rglement satisfaisant sur le terrain successoral en tmoignent. En effet alors

    mme que la validit du trust en application de la loi choisie par le constituant

    semble acquise, il nen demeure pas moins que son efficacit, en tant que

    libralit, peut se trouver limite par le jeu des dispositions successorales

    franaises portant sur la rserve hrditaire. Le particularisme de linstitution

    interdit de lassimiler la donation ou au legs ; il convient donc de rduire le

    trust en tant que tel dans le respect de sa spcificit et au regard des

    considrations qui fondent en droit franais la rduction51. Cest l une opration

    prilleuse comme le montre laccueil contrast rserv par la doctrine la

    position adopte en jurisprudence52. Consacrer lautonomie de la volont en

    matire successorale, ce serait permettre, lavenir lapplication dune mme loi

    48 V. notamment, Paris, 16 mai 1960, Fondation Potocki, JCP.1960.II.11763, note GAVALDA. Dans cette espce a t soumis la loi polonaise laquelle stait rfre le testateur la question de lapprciation dune rvocation pour inexcution des charges de legs portant sur des immeubles situs en France. 49 V. rcemment, CA Aix en Provence, 16 octobre 2003, Rev. Crit. DIP 2004. 589, note LAGARDE. 50 V. dailleurs en faveur dune conscration relative de lautonomie de la volont les propositions du 101me Congrs de notaires, Les familles sans frontire en Europe, mythe ou ralit, Nantes 1er-4 Mai 2005. 51 V. sur lensemble de la question, S. GODECHOT, Larticulation du trust et du droit des successions, LGDJ, 2004, Prf. Y LEQUETTE. 52 Civ. 1re, 20 fvrier 1996, Zieseniss, D. 1996. 231 Chron. LEQUETTE ; Rev. Crit. DIP 1996. 692, note DROZ, JCP 1996 II 22647, note BEHAR-TOUCHAIS : cette opration () a ralis ue donation indirecte, qui ayant reu effet au moment du dcs de la donatrice par la runion de tous ses lments a donc pris acte ce jour . Adde, Paris, 7 avril 1999, Zieseniss, D. 1999. 683, note LEQUETTE, Rev. Crit. DIP 1999. 693, note GORE.

  • 22

    au trust et la succession. Ce serait assurer une meilleure prise en compte des

    actes de dvolution volontaire, indpendamment de leur origine.

    Autre vertu de lautonomie : favoriser la soumission de la dtermination du

    rgime matrimonial et de la liquidation de la succession au mme ordre

    juridique dans le respect des quilibres qui structurent chaque systme. Il a en

    effet t montr en doctrine que lapplication ces questions de deux lois

    distinctes pouvait conduire des rsultats boiteux, privant le conjoint de tout

    droit alors mme que chacun des systmes appliqus dans son intgralit lui en

    aurait reconnus. Les enseignements jurisprudentiels ne sont pas ici trs probants.

    Cest donc vers la doctrine quil faut se tourner et il a t propos pour remdier

    cette situation une adaptation du mcanisme conflictuel qui passerait par un

    effacement de la rgle de conflit successorale et par un largissement du

    domaine de comptence de la loi matrimoniale, ce qui dailleurs ne serait pas

    sans susciter de nouvelles difficults53. Lautonomie de la volont en matire

    successorale pourrait l encore tre salvatrice.

    Mais lautonomie de la volont nest pas non plus sans danger car le choix du

    dfunt peut savrer contraire aux intrts des hritiers, si bien quelle saccorde

    difficilement avec un systme successoral tel que le systme franais fond du

    moins pendant longtemps sur la primaut de la dvolution lgale. Partant, cest

    la dimension imprative du droit successoral qui sopposerait la conscration

    de lautonomie de la volont. Cest dire, linverse, que laffaiblissement qua

    connu rcemment lordre public successoral franais militerait plutt en faveur

    de lautonomie de la volont.

    Reste que sil a flchi la faveur de la loi du 23 juin 2006 lordre public

    successoral na pas totalement rompu : preuve en est que la suppression de la 53 V. sur ce point lensemble des dveloppements de M. GORE, thse prc., n 427 et s., qui montre notamment quil nest pas souhaitable que la vocation successorale du conjoint et celle des autres hritiers relvent de lois diffrentes.

  • 23

    rserve des ascendants sest trouve compense par linstauration dun droit de

    retour lgal sans doute dordre public ; et que de la mme manire la

    conscration de la renonciation exercer laction en rduction ne doit pas faire

    oublier la facult pour lhritier de demander postrieurement louverture de la

    succession la rvocation de cette renonciation en cas de besoin. Au fond les

    modifications apportes par le lgislateur tmoignent sans doute plus dune

    altration de la nature de la rserve : et si la fonction alimentaire prend

    dsormais le pas sur la fonction de conservation des biens dans la famille, la

    rserve hrditaire demeure quoiquil en soit lexpression dun devoir de

    famille.

    Aussi bien, ces mutations qua connues la rserve hrditaire en droit interne ne

    devrait pas modifier son rgime sur le plan international. Et supposer que la

    rserve hrditaire ait t dordre public international avant la rforme de 2006,

    elle doit le demeurer aprs. Malheureusement, sur ce point la jurisprudence nest

    pas dun grand secours. Les dcisions sont rares et de peu denseignements54. Et

    il est certain que lexistence du droit de prlvement a souvent rendu inutile le

    recours lordre public. Pour autant la fonction familiale de la rserve montre

    quune telle institution touche aux fondements mme de notre socit ce qui

    pourrait pleinement justifier le recours lordre public international.

    La mise en uvre de cette exception suppose nanmoins la runion de certaines

    conditions. Car ce nest pas tant labsence de rserve hrditaire dans la loi

    trangre qui doit conduire dclancher lexception, que le rsultat auquel

    conduit en lespce lapplication de cette loi trangre55.

    54 Paris, 3 novembre 1987, JDI 1990.109, note Hron o la Cour dappel considre que la rserve hrditaire nest pas dordre public. Mais la dcision nest gure probante car dune part il sagissait en lespce dune action en exequatur o lordre public se prsente sous sa forme attnue et que dautre part la loi applicable tait en lespce la loi franaise. Contra, TI Paris, 3 dcembre 1973, Rev. Crit. DIP 1974. 653, note LEQUETTE. Le tribunal affirme certes le caractre dordre public de la rserve mais la loi franaise tait l encore applicable en raison de la situation en France de limmeuble. 55 A cet titre laffaire Caron a montr que les dispositions de la loi trangre pouvaient parfois conduire des rsultats bien plus protecteurs que celles de droit franais. En effet alors que par application de la loi franaise les hritiers rservataires exhrds nauraient pu prtendre quau 2/3 de la succession de leur pre, ils ont pu en

  • 24

    On peut de surcrot se demander si dans lhypothse o lunit de comptence

    lgislative venait tre consacre, la simple situation en France des immeubles

    suffirait dclancher le mcanisme. Cest alors, il est vrai, faire dpendre le jeu

    de lexception de la proximit du lien de la situation litigieuse avec le for. Cette

    dimension de lordre public est certes discute en France et les applications

    rcentes auxquelles elle a donn lieu nont pas toujours convaincu56. Pour autant

    on est en droit de sinterroger, la suite de Batiffol, sur lopportunit de rduire

    un legs sur un immeuble situ en France ds lors que lensemble des intrts

    convergerait vers lAngleterre, autrement dit en prsence de la succession dune

    personne de nationalit anglaise dcde domicilie en Angleterre57 ? Le dfaut

    de tout impact sur lordre juridique franais devrait, me semble-t-il, conduire

    carter le jeu de lexception, dautant quil est plus que probable que les

    hritiers, fort certainement anglais, ne comptent ici sur aucune rserve.

    De la mme manire la simple situation en France dun meuble ne saurait

    constituer un lien suffisant avec lordre juridique franais eu gard la facilit

    avec laquelle il peut tre dplac58.

    Quant la mise en uvre de lexception dans le cadre du rglement de la

    succession dun franais dcd domicili ltranger il y a l certainement

    matire discussion. Ds lors quon considre que cest le dernier domicile du

    dfunt qui est cens caractriser le centre de ses intrts patrimoniaux, on peut

    lgitimement estimer que sa simple nationalit franaise nest pas rvlatrice

    dun rattachement plus fort de son patrimoine avec la France et que de ce fait

    lexception dordre public ne saurait tre efficacement invoque. De surcrot

    faire jouer ici lexception ce serait renouer avec le droit de prlvement, tant

    vertu de la loi amricaine obtenir la nullit de la donation en son entier pour captation (undue influence) V. Paris, 23 janvier 1990, Rev. Crit. DIP 1991.92, note LEQUETTE, JDI 1990.996, note NIBOYET-HOEGY, JCP.1991.II.22637, note BEHAR-TOUCHAIS. 56 V. les dveloppements de L. GANNAGE, Lordre public international lpreuve du relativisme des valeurs , Trav. Com. fr. DIP 2006-2008, p. 205 et s.. 57 H. BATIFFOL, Aspects philosophiques de droit international priv, Dalloz, red. 2002, p. 234. 58 V. J. HERON, thse prc., spc. n 201.

  • 25

    dcri en raison du nationalisme dont il est porteur. La proposition ne semble

    par consquent gure acceptable59.

    Partant le domaine dapplication de lexception va se trouver troitement

    circonscrit : cela suppose que dune part le dfunt vienne dcder domicili en

    France et que dautre part la loi de ce domicile ne soit pas applicable sa

    succession. Il sensuit que la mise en uvre de lexception est lie la

    conscration parallle de lautonomie de la volont. Elle apparat alors comme

    un garde-fou ncessaire pour contrebalancer un choix de loi qui pourrait nuire

    aux hritiers du dfunt.

    Alors que nous rserve lavenir en ce domaine ? A dire vrai, cest vers une

    conscration mesure de lautonomie de la volont en droit franais que lon

    soriente, puisque cest sous la forme dune option en faveur de la loi nationale

    du dfunt quil a toujours t propos de lintroduire. Et ce titre la proposition

    de rglement sinscrit dans le prolongement des rflexions antrieures en

    autorisant le dfunt soumettre sa succession la loi de sa nationalit60. La

    solution retenue est raisonnable. Quant la protection de la rserve hrditaire

    larticle 27 alina 2 de la proposition de rglement entend simplement carter le

    jeu de lordre public si les modalits concernant la rserve hrditaire sont

    diffrentes de celles en vigueur dans le for61. Est-ce dire que labsence de

    rserve hrditaire dans la loi trangre pourrait tre considre comme

    contraire lordre public ? Esprons-le ; mais il y a sans doute l matire

    rflexion et il faut souhaiter que les dbats venir sur ce texte au sein de lUnion

    europenne viendront lever le voile sur cette ambigut. La question est 59 En revanche, la nationalit franaise des hritiers pourraient elle justifier la mise en uvre de lexception, tant admis que la rserve est un instrument de protection de la famille et que la nationalit peut prtendre traduire sur le terrain du facteur de rattachement ce lien familial. 60 V. dj en ce sens, trois propositions de lUnion internationale du Notariat latin en 1964 et de lInstitut de droit international en 1967 et en 1987. De mme le projet de codification de droit international priv stait prononc en 1967 en faveur de la professio juris. Enfin les notaires franais ont plusieurs reprises 96me congrs et 101me congrs fait savoir leur attachement cette professio juris. 61 Mais il nest pas certain que tel soit le sens confrer la disposition car dans lesprit des promoteurs de ce texte, le recours lordre public doit tre exceptionnel afin de garantir au maximum lapplication dune loi unique la succession. V. en ce sens lexpos des motifs de la proposition.

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    dimportance : si la rserve hrditaire sort affaiblie des rformes de droit

    international, il nest pas dit quun jour cela ne se rpercute pas en droit interne.

    CONCLUSION :

    Au terme de cette prsentation une conclusion simpose : notre systme

    conflictuel en matire successorale traverse actuellement une priode de

    turbulence dont il est peu probable quil sorte indemne. La communaut

    juridique saccorde dailleurs considrer que les vices dont il est affect

    rendent indispensables une mutation. Elle doit nanmoins tre laboutissement

    dune rflexion pousse de manire ce quenfin droit des successions internes

    et droit des successions internationales prsentent une certaine unit et une relle

    cohrence.

    Dans cette perspective on se prend esprer que dici peu certaines voies

    relveront lanachronisme des propos dun auteur qui au milieu du XXme sicle

    dnonait la complexit et lobscurit de la matire62.

    Boulogne, le 21 juin 2010

    62 Ch. FREYRIA, Le problme de la loi applicable aux successions , Trav. Com. fr. DIP 1947. 79.