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Cet article est disponible en ligne à l’adresse : http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=LS&ID_NUMPUBLIE=LS_104&ID_ARTICLE=LS_104_0083 L’écrit juridique à l’épreuve de la signature électronique, approche pragmatique par Béatrice FRAENKEL et David PONTILLE | Maison des sciences de l'homme | Langage & société 2003/2 - n° 104 ISSN 0181-4095 | ISBN 2735109526 | pages 83 à 122 Pour citer cet article : — Fraenkel B. et Pontille D., L’écrit juridique à l’épreuve de la signature électronique, approche pragmatique, Langage & société 2003/2, n° 104, p. 83-122. Distribution électronique Cairn pour Maison des sciences de l'homme. © Maison des sciences de l'homme. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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Page 1: Fraenkel e Pontille - L’Écrit Juridique à l’Épreuve de La Signature Électronique, Approche Pragm

Cet article est disponible en ligne à l’adresse :http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=LS&ID_NUMPUBLIE=LS_104&ID_ARTICLE=LS_104_0083

L’écrit juridique à l’épreuve de la signature électronique, approche pragmatiquepar Béatrice FRAENKEL et David PONTILLE

| Maison des sciences de l'homme | Langage & société2003/2 - n° 104ISSN 0181-4095 | ISBN 2735109526 | pages 83 à 122

Pour citer cet article : — Fraenkel B. et Pontille D., L’écrit juridique à l’épreuve de la signature électronique, approche pragmatique, Langage & société 2003/2, n° 104, p. 83-122.

Distribution électronique Cairn pour Maison des sciences de l'homme.© Maison des sciences de l'homme. Tous droits réservés pour tous pays.La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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1. POUR INTRODUIRE NOTRE PROBLÉMATIQUE

Les faits Les interactions langagières via Internet et les innovations sémio-tiques et linguistiques de l’écrit électronique (Anis 2001) ont légiti-mement retenu l’attention des linguistes. Notre propos est plutôt dequestionner le changement à un niveau plus anthropologique, celuid’une éventuelle transformation de notre culture écrite. Le cas quenous nous proposons de traiter est celui de la signature électroniquedont l’usage légal a été rendu possible en France en l’année 2000.Cette décision est à replacer dans l’histoire courte mais déjà dense destransformations apportées par les nouvelles technologies aux sys-tèmes juridiques du monde. C’est tout d’abord sous la pression desbesoins de l’archivage et de la conservation des écrits que les pre-mières réflexions ont vu le jour. Ainsi la communauté européenne,dès 1980, recommande aux gouvernements de faciliter l’adoption desdocuments et enregistrements informatiques. Puis, avec le dévelop-pement des transactions commerciales via Internet, la question s’estposée de conférer aux documents électroniques courants (factures,ordre de paiements, contrats, procurations, toute transaction supé-rieure à 5000 F, etc.) une valeur de preuve juridique, valeur que seuls

Béatrice Fraenkel, EHESS

David Pontille, CNRS

L’écrit juridique à l’épreuve de la signature électronique, approche pragmatique

© Langage et société n° 104 – juin 2003

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ces écrits établis sur support papier et revêtus de signatures manus-crites possédaient jusque là1. En droit français, certains actes juri-diques sont directement concernés par cette évolution, ce sont lesactes dits « sous seing privés » (promesse de vente, bail, contrat d’édi-tion, caution etc.). Ces actes sont les plus courants, ils concernent lesgrands secteurs de l’économie déjà largement « internetisés »(banques, assurances, grande distribution etc.), et ils se distinguentdes actes dits « authentiques » passés devant un officier public (actesnotariés entre autres) sur lesquels nous reviendrons.

Pour que les messages électroniques soient pourvus de la mêmeforce probatoire que les écrits signés sur papier, il faut qu’ils répon-dent aux mêmes exigences, qu’ils remplissent les mêmes conditionsde félicité aurait dit Austin (1962): une signature électronique compa-rable à la signature manuscrite doit être mise au point. C’est dans cecontexte que la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptationdu droit de la preuve aux technologies de l’information et relative àla signature électronique a été promulguée par le Président de laRépublique J. Chirac. Le projet de loi avait été adopté en première lec-ture par le Sénat le 8 février et par l’Assemblée nationale le 29 févrierde la même année.

Ces événements législatifs n’auraient sans doute pas attiré notreattention si, à la suite d’un véritable coup de théâtre, le projet de loin’avait évolué vers une reconnaissance complète de l’écrit informa-tique, dépassant largement le cadre du commerce électronique, etétendant à tous les actes juridiques, actes sous seings privés maisaussi actes authentiques, la possibilité d’être établis et conservés sousforme électronique.

Certes, la preuve écrite est, depuis des siècles, au cœur de nos pra-tiques juridiques et parajuridiques et être capable lors d’un litige deproduire un acte écrit donne l’avantage sur tout autre forme de preu-ve, le témoignage oral en particulier. Mais un acte écrit authentiquepossède une force encore plus grande puisqu’on ne peut le contester

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1. Parmi les textes importants qui ponctuent l’histoire de la diffusion des nouvellestechnologies dans le droit commercial international on retiendra : la « Loi modèlesur le commerce électronique » de la CNUDCI (1996); les « Digital Guidelines » del’American Bar Association (1996); les « Cryptography Guidelines » de l’OCDE(1997); la Directive européenne sur la signature électronique (1999).

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qu’en prouvant qu’il est faux, il possède une force intrinsèque et nepeut être réfuté. Par conséquent, ouvrir la voie à l’établissementd’actes électroniques « solennels » dépasse l’adaptation aux nou-velles technologies, c’est au cœur du système des preuves que l’ons’attaque. La controverse est ouverte, il s’agit de savoir si les ques-tions à résoudre sont « simplement » techniques ou si les questions àrésoudre sont essentiellement technologiques, donc complexes,mêlant pratiques, techniques et valeurs.

Quelques mots sur l’authenticité, centrale pour notre propos. Lanotion d’authenticité a été échafaudée dans les chancelleries royales,les juridictions locales, les offices des notaires, les greffes de tribu-naux. Elle suppose une longue pratique du parchemin puis dupapier; une organisation hiérarchisée des écrits en haut de laquellese trouve l’original ou minute, pièce unique et source de toute unechaîne de reproduction des actes; elle implique le maniement répétédes minutes, des copies, des dossiers et leur archivage; elle résulted’une lente évolution des signes de validation dont la signature auto-graphe est issue. Tous ces éléments, solidaires entre eux, définissentà leur façon une culture institutionnelle. Or, les notions d’« écrit » ausens d’écrit papier, de « signature » et d’« original », sont précisémentles notions qui avaient été repérées depuis plusieurs décenniescomme les obstacles principaux à l’acceptation des documents élec-troniques par les juges. On s’est arrangé, dans un premier temps,pour les contourner. Mais la possibilité d’établir des actes authen-tiques électroniques met le juriste au pied du mur: il faut remaniertoutes les pratiques d’écriture juridique en profondeur. Les actesconcernés sont de nature diverse: actes notariés, actes d’état civil,actes d’huissier, lois et décrets, actes de juridiction notamment. Ilsrelèvent de professions et d’univers de travail très différents. Leursusages sont tout à fait variés: entre le registre d’état civil consultableà tout moment et le testament notarié tenu secret jusqu’à la mort deson auteur, il n’y a, semble-t-il, aucun rapport. Et pourtant, ces deuxactes sont des actes authentiques, émanant d’un même culture tech-nique et conceptuelle.

Il y a plus: que l’on considère la macro ou la micro normativité, letexte constitutionnel ou le règlement d’atelier, ce sont les écrits quidonnent consistance aux normes, les rendent visibles et lisibles, en

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assurent la diffusion. Encore récemment, le texte de la charte desdroits fondamentaux de l’Union européenne a été affiché dans nosgares et autres lieux publics (Cayla 2002). L’affichage est aussi unprincipe fondé sur le support papier, il est souvent obligatoire. Lapublicité des textes devra sans doute être redéfinie en vue d’une dif-fusion électronique, ce qui ne manquera pas d’affecter la nature del’espace public.

C’est pourquoi nous pensons que la loi portant sur la signatureélectronique pourrait marquer une date dans l’histoire juridique denotre pays. C’est en fait tout un pan de notre système de validationet d’authentification des écrits qui se transforme entraînant la mise ànu de soubassements culturels séculaires.

Les enjeux théoriques d’une recherche interdisciplinaire La question centrale qui anime notre recherche est celle des relationsentre l’écriture et l’action: « en quoi nos pratiques d’écriture consti-tuent-elles des actes de langage?, comment nos pratiques d’écriturenous permettent-elles d’agir? ». D’un point de vue linguistique, ils’agit de poursuivre une réflexion et des travaux portant sur la prag-matique de l’écrit, la signature et les écrits d’action (Fraenkel 1992,2001c). On sait comment Austin, partant du constat qu’il existe dessituations dans lesquelles « dire, c’est faire », qualifie de « performa-tif » un certain nombre d’usages réglés, réglementés – pour ne pasdire cérémoniels – de la langue. On se souvient que, cherchant à défi-nir formellement le performatif en l’opposant au constatif2, il échouemais « découvre » la force illocutoire de tout énoncé, force qu’il arti-cule au locutoire et au perlocutoire. Les développements ultérieursde la théorie, chez les linguistes, concernent l’analyse de l’illocutoire,

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2. L’abandon du problème de la performativité posé par Austin dans sa premièreconférence a également des conséquences sur l’analyse des pratiques langagièresjuridiques: « Ce qui n’est guère contestable est que le bénéfice que la philosophiedu droit peut retirer de la référence à une théorie générale des actes de langage,dans laquelle le cas des énonciations juridiques n’a rien de privilégié ou d’exem-plaire, n’est pas le même que celui qu’elle aurait pu attendre d’une théorie de la per-formativité au sens fort (celui des premiers exemples analysés par Austin) danslaquelle le discours juridique aurait servi en quelque sorte de modèle, si l’idée d’unethéorie de ce genre n’avait pas été immédiatement ruinée par les objections qu’ilavait lui-même formulé contre sa propre distinction. » (Bouveresse 1986 : 12).

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l’identification et la classification des actes de parole notamment.Parallèlement, la théorie de l’énonciation avancée par Benveniste,explicite quelles sont les ressources linguistiques fondamentales quirendent possibles l’action langagière: la présence dans les languesd’un appareil formel de l’énonciation permettant au sujet de s’appro-prier sa langue dans les situations d’interlocution inhérente à l’acti-vité langagière (Benveniste 1969).

La notion de performatif, pourtant délaissée par Austin, n’en n’apas moins connu une carrière fulgurante comme si la théorie desactes de langage en rendait complètement compte.

Cette situation fait que le terme « performatif » sert aujourd’hui àdésigner un ensemble relativement hétéroclite de phénomènes, engros tous les cas où une certaine « efficacité » du langage est attestée.Associée implicitement à la notion moderne et post-moderne de« performance », la performativité intéresse tout autant les juristesque les artistes, les ethnologues que les critiques littéraires. Le termeest un bon exemple de « concept migrant », autour duquel peuvents’organiser des dialogues interdisciplinaires.

Or, les usages du langage dans les situations sociales évoquées parAustin, de type baptême, mariage, ouverture de séance, inaugura-tion officielle etc., ces usages typiques de la performativité restent àmoitié traités. Un cadre d’analyse est pourtant plus qu’ébauché dansHow to do Things with Words. Austin a identifié ce qui fait que, dansune situation donnée, l’action est réussie, soit les conditions de féli-cité requises. L’ensemble de ces conditions forme une grille d’analy-se de situations qui peut être appliquée à la description de toute céré-monie, de tout protocole.

Pourtant, un pan entier de la situation d’énonciation, en particuliersa dimension sociologique et historique, demeure dans l’ombre. Pourqu’une parole (ou un écrit) soit performative il faut qu’elle prenneplace dans un ensemble de procédures réglées par des institutions.L’idée que parmi les institutions principales des sociétés, certaines met-tent en œuvre plus massivement que d’autres des cérémonies, desrites, des procédures spécifiques dans lesquels le langage déploie sonpotentiel performatif, est largement traitée d’un point de vue histo-rique et ethnologique (Malinowski 1974). Les deux volumes queBenveniste a consacrés au vocabulaire des institutions indo-euro-

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péennes, donnent de solides arguments pour faire de la religion(Rosier 1994) et du droit, les domaines traditionnellement privilégiésoù s’exercent la force des formules et plus généralement le formalisme.

Constituer les pratiques d’écriture juridique en objet de recherchesuppose que l’on pose plusieurs hypothèses: – que la langue écritepeut être utilisée comme langue opératoire distincte de la langueorale et mise en œuvre selon ses propres caractéristiques, matériellesen particulier; – que la notion d’acte d’écriture doit être élaborée ettrouve dans l’acte juridique 3 un prototype. Notre choix d’étudierl’acte juridique répond à la conviction qu’il est à la fois le résidu depratiques langagières anciennes, le centre de l’efficacité juridiquemoderne 4 et le modèle plus ou moins apparent de tout écritd’action 5; – que la diffusion intense de l’écrit dans nos sociétés, qua-lifiée parfois de bureaucratisation, fait que, non seulement une insti-tution comme celle du droit (et bien d’autres) est construite par lespratiques d’écriture mais que cette institution définit et régule depuisdes siècles la force de l’écrit; – enfin, que nous sommes des « per-sonnes » et des sujets de droit en tant qu’auteurs d’actes juridiquesécrits et lecteurs supposés de textes normatifs valides (nul n’est censéignorer la loi). Cette disposition à agir par l’écrit s’étend à tous lesdomaines possibles de la vie sociale et recouvre une large gammed’actions (aussi hétérogènes que faire une liste ou écrire un journal).

Notre démarche relève aussi d’une approche sociologique, repré-sentée par un courant dit de « l’action située ». Attentifs aux manièresdont l’action est inscrite dans un environnement tant social que gra-phique, nous considérons que les personnes sont face à descontraintes situationnelles mais qu’elles ont simultanément les capa-cités d’y faire face par des initiatives (Dodier 1993). Une rechercheprécédente portant sur les publications scientifiques et notammentsur les pratiques de signature nous avait conduit à formuler des

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3. « Étymologiquement l’acte authentique est celui qui se suffit à lui-même, qui agitpar lui même » affirme le Traité général du notariat, tome VI, fsc. Notaires/notariat,p2912-70, n° 2.

4. « Le discours juridique est une parole créatrice, qui fait exister ce qu'elle énonce. Elleest la limite vers laquelle prétendent tous les énoncés performatifs… » (Bourdieu1982 : 21).

5. Sur la notion d’écrit d’action cf. Fraenkel (2001b).

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questions peu communes: parmi le collectif qui s’engage dans unerecherche quelles sont les personnes qui signent les textes? Quellessont celles qui figurent dans les remerciements? Quelles tâches sontconsidérées essentielles pour faire partie de la liste des signataires?(Pontille 2001, 2002). Il s’agissait de rendre compte des actions ren-dues possibles par certaines pratiques d’écriture en les soumettant àl’épreuve des situations concrètes. Ici encore, l’enjeu est de montrerl’épaisseur de ces pratiques, de mettre en évidence les gestes qui lesaccompagnent, et de saisir leur efficience in situ. Cette postureconçoit l’action comme une suite de moments par lesquels passentles personnes pour agir; elle suppose donc de les suivre dans leursdéplacements, de les observer précisément. Elle puise ainsi sessources dans une pragmatique sociologique qui se focalise moins surles qualités des personnes, leur portrait sociologique fixé par l’agré-gation de variables, que sur leurs régimes d’engagements dans leursactivités concrètes (Thévenot 1994, 2000). L’enquête vise la constitu-tion de cas singuliers qui prennent sens les uns par rapport auxautres au sein d’un corpus de données issues de sources hétéroclites(Dodier et Baszanger 1997).

Nous appuierons notre analyse sur deux types de données: d’unepart un ensemble de textes formant le dossier législatif, c’est à direles textes normatifs eux-mêmes (loi et décrets) et le « dossier » pré-paratoire du projet de loi (rapports des groupes de travail 6, compterendus de réunions et de manifestations, compte rendus des séancesau Sénat et à l’Assemblée nationale) et d’autre part un ensemble desdonnées issues d’une enquête en cours portant sur la mise en œuvrede la signature électronique par les huissiers de justice 7. Deuxgrandes parties organisent cette réflexion: la première s’attache à uneanalyse conceptuelle du dossier législatif, la seconde expose les pre-miers résultats de l’enquête de terrain.

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6. Nous avons bénéficié d’un entretien avec I. de Lamberterie qui nous a été fort utile,qu’elle en soit ici remerciée.

7. Cette recherche intitulée « Pratiques juridiques et écrit électronique: la signatureélectronique dans la société de l’information » s’inscrit dans le programme « Sociétéde l’information » animé par J.-L. Lebrave (CNRS SHS-STIC, appel à projets 2001).

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2. APPROCHE CONCEPTUELLE :

L’ÉCRIT COMME ESSENCE ET COMME PROCESSUS

Une définition « légale » de l’écritLa loi du 13 mars 2000 modifie le Code Civil sur plusieurs points. Elleajoute au texte la définition de ce qu’il faut entendre par « preuveécrite »:

La preuve littérale, ou preuve par écrit, résulte d’une suite de lettres, decaractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une signifi-cation intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités de transmis-sion.

Pourquoi définir la preuve écrite? En fait c’est d’abord l’écrit qu’ils’agit de définir et non la preuve écrite. Le groupe de travail réunipour préparer le projet de loi avait constaté qu’aucune définition del’écrit et de la signature n’existait dans le Code civil, ces deux notions,trop évidentes, demeuraient implicites et souvent présupposaient unécrit papier.

Mais, par ailleurs, en France, et en dehors du Code Civil, tous lestextes réglementant les pratiques d’écriture juridiques des profes-sionnels du droit sont pensés explicitement du point de vue du sup-port papier. Ainsi les actes notariés doivent être « établis de façonlisible et indélébile sur un papier d’une qualité offrant toute garantiede conservation » 8 ; les actes de procédures émanent de la mêmeculture: le nouveau code de procédure civile stipule que les conclu-sions de l’avocat doivent être revêtus de sa signature manuscrite;quant à l’huissier de justice il doit remettre « à la personne » la copiede l’acte, revêtue de sa signature manuscrite, qui lui est destinée. etc.Par conséquent, un changement législatif affectant les actes « authen-tiques » entraîne une cascade de problèmes touchant l’ensemble destextes réglementaires 9 et des pratiques. C’est toute la culture juri-

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8. Texte du 26 novembre 1971, article 7, actuellement en vigueur.9. Les textes principaux qui organisent les professions juridiques sont à reprendre,

l’Ordonnance du 2 nov 1945 relative au statut du notariat et celle relative à la pro-fession d’huissier, le décret du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par lesnotaires; et tout le droit processuel en particulier le Code de Procédure pénale, leNouveau Code de procédure civile.

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dique et parajuridique qui se trouverait déstabilisée par l’extensionde l’écrit électronique à ces professions.

La définition de l’écrit allait être conçue comme une arme. Définirl’écrit revenait à combler un manque mais surtout à préparer uncadre conceptuel propice à conforter l’option retenue par les experts:faire de la preuve électronique l’équivalent de la preuve papier. C’estpourquoi la définition légale de l’écrit s’efforce de prendre de la hau-teur par rapport à la matérialité de l’écrit, de dégager la notion d’écritde celle de son support, sa « matière subjective » selon le terme clas-sique en diplomatique 10. Les linguistes cherchent en général à défi-nir la langue écrite (Vachek 1939, Catach 1988), la notion d’écriture(Harris 1993), plus spécifiquement celle de graphème ou d’idéo-gramme, mais l’« écrit » n’est pas vraiment l’objet d’une élaborationconceptuelle. La définition proposée par les juristes paraît originalede ce point de vue, mais le contenu choisi « suite de lettres, de carac-tères, de chiffres ou de tous autres signes et de symboles » surprendcar il renvoie à l’idée d’une écriture « code » largement dépassée dansnos disciplines. L’orientation théorique de la définition est, parailleurs, contraire à la plupart des travaux historiques et ethnogra-phiques de ces dernières années qui ont insisté sur la place centralede la matérialité de l’écrit dans la production du sens et en particu-lier des supports (Mc Kenzie 1986, Chartier 2001).

Enfin, et c’est peut être le point principal, cette définition ne per-met pas de distinguer entre signes écrits et gestuels et pourquoi pasvocaux, dans le cas d’un enregistrement par exemple, aucune réfé-rence n’étant faite au caractère spécifiquement visuel ou graphiquede l’écrit. Est considéré comme écrit, curieusement, toute manifes-tation d’un code. Toute idée de substance est évacuée, les lettres etles caractères ne correspondent à aucun signifiant, n’importe quelsigne ou symbole peut faire l’affaire, du moment qu’il y a une suitede « quelque chose » dotée d’une signification intelligible. L’acte de

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10. C’est avec le De re Diplomatica que Mabillon fonde en 1681 la science diplomatique(Barret-Kriegel 1988) en proposant une méthode d’observation, de description etd’analyse des actes authentiques. La distinction entre caractères externes (supports,format, mise en page, écriture, signes de validation) et internes (langue, analyse dutexte) posée par Mabillon organise toujours la diplomatique moderne (Guyotjeaninet al. 1993).

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lecture ou d’écriture dans tout ce qu’il implique d’activité graphiqueou lexique est détaché de cet « écrit ».

Si bien que l’on a le sentiment d’être passé d’une situation de défi-nition implicite où l’écrit était pensé à l’intérieur d’une culture pro-fessionnelle graphique, technique, selon une logique de l’expérienceet du savoir pratique à une situation de définition ad hoc, fabriquéeen vue d’une stratégie argumentative factuelle où l’écrit est réduit àl’état d’un jeu de signes. Or, la définition 11 ne se présente pas commeune stipulation, proposant un sens spécifique du terme « écrit »propre au droit, mais comme une définition de portée générale, quiloin de restreindre le sens du terme, lui donne une extension si largequ’elle finit par perdre l’objet qu’elle prétendait mieux saisir.

Si cette définition s’inscrit parfaitement dans l’histoire déjà longuedes théories idéalistes de l’écriture, elle nous paraît établir une rup-ture dans la réflexion savante qui s’est surtout attachée à penser ladiversité des systèmes d’écriture. La suite classique, pictogramme –idéogramme – alphabet, a alimenté les spéculations classiques deCondillac à Vendryès et de bien d’autres. On sait que cette approchede l’écriture conduit souvent à en occulter les formes, chaque type desystème n’étant qu’une étape vers l’alphabet grec, où s’accompliraitl’économie ultime de la notation, vocation supposée de l’écrit. D’unpoint de vue philosophique, la tradition platonicienne qui fait de toutécrit un orphelin, un discours coupé de la présence de son père énon-ciateur, est demeurée également prégnante12. Par un souci d’idéali-sation du langage et du texte, on subsume tous les systèmes d’écri-ture sous l’indicatif de l’absence, l’absence de la voix, l’absence dulocuteur, on les pense non seulement tous équivalents mais encoretous inertes vis à vis du sens13.

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11. La notion de définition en droit est loin de faire l’unanimité des analystes qui se sontpeu intéressés à l’analyse des situations dans lesquelles on définit. Cette question aété discutée dans le séminaire « Force de l’écrit » animé par B. Fraenkel et O. Caylaà l’EHESS (Centre d’Étude des Normes Juridiques), l’analyse présentée ici en abénéficié.

12. Théorie exposée dans le Phèdre dont J. Derrida a fait un commentaire célèbre, « laPharmacie de Platon » (Derrida 1968).

13. Il faut reconnaître cependant que, contrairement au législateur, les théoriciens les plusréducteurs ont toujours reconnu la nature graphique du signe écrit. Cf. la synthèsedes théories de l’écriture faite par J.-J. Glassner (2000).

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En revanche, penser l’écriture du point de vue de la mutation dessupports, comme le fait le Code, est un parti pris récent. Mais le gested’idéalisation reste le même. À la thématique de l’absence, le Codesubstitue celle de l’immatérialité, également marquée par la négati-vité. Il ne s’agit plus d’affirmer que ce qui est écrit dans tout écrit estl’absence de la voix, mais d’affirmer que l’écriture n’a « essentielle-ment » aucun support, n’a aucun fond, qu’elle existe comme puresuite de signes dotée de signification.

Électroniser ou dématérialiser?Cette orientation correspond bien à l’idée rebattue qu’en électroni-sant on dématérialise. Une lecture fine des débats au Sénat lors de ladiscussion du projet de loi montre toute l’ambiguïté de la situationvécue par les intervenants, grands commis de l’État, tous pétris deculture juridique. Que sont-ils en train de faire, ce 8 février 2000? Unedéfinition positive de la situation est proposée par D. Vaillant14:

…l’heure est venue de reconnaître la valeur juridique des outils utilisés dansle nouveau monde virtuel pour réaliser des transactions électroniques: le docu-ment et la signature électronique

mais il y a aussi une définition plus réservée de la situation où leterme « dématérialisation » apparaît fréquemment.

… il faut donc veiller à ce que sa dématérialisation ne remette pas en causeles garanties de son authenticité… (D. Vaillant col. 46)

Le fait que les données électroniques ne soient pas matérielles inquiétait noscitoyens… (Bret, col. 54)

Il s’agit dans cet article de lever un obstacle à la dématérialisation des docu-ments. (E. Guigou, col 73).

D’un coté l’écrit « électronique » ou « sous forme électronique » ouencore le « support électronique » sont présentés comme de simplesavatars modernes de l’écrit en général, cet écrit idéal qui mérite qu’onl’extraie de son enveloppe de cellulose:

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14. Compte rendu des débats au Sénat, mardi 8 février 2000, col 40.

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Une confusion s’est créée au fil du temps entre l’écrit et son support tradi-tionnel qu’est le papier, mais je vous exhorte à ne pas rester rivés sur cette confu-sion… Le support n’est pas un acte juridique (col 63 Lambert).

Mais d’un autre coté, lorsque la discussion roule sur l’acte authen-tique, toute la culture matérielle fait retour, la prudence avec elle.

La commission des lois ayant décidé d’étendre aux actes authen-tiques l’égalité des supports papier/électronique, décision souventqualifiée d’« audace technologique », les sénateurs et les députés setrouvent pris dans une situation imprévue. Le projet de loi qu’ils vontadopter, après avoir défini l’écrit, affirme (art 1316-1):

L’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écritsur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personnedont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à engarantir l’intégrité.

et, à l’article 1317 qui définit depuis toujours l’acte authentique:

L’acte authentique est celui qui a été reçu par les officiers publics ayant ledroit d’instrumenter dans le lieu où l’acte est rédigé avec les solennités requises.

Il ajoute un alinéa :

Il peut être dressé sur support électronique s’il est établi et conservé dans desconditions fixées par décret en Conseil d’État.

Les conséquences de cette audace technologique ne sont pas enco-re maîtrisées, la loi a largement anticipé sur les pratiques et s’en remetau Conseil d’État pour la rendre applicable.

Or l’essentiel des difficultés à la création d’actes authentiques élec-troniques tient précisément, non pas à la dématérialisation de cesactes, mais à leur électronisation. C’est-à-dire que, ce qui résiste, c’estla matière électronique, la substance si l’on veut, cette matière para-doxale qui peut être décrite comme non matière.

Ce hiatus, le fait qu’une double attitude apparaît peut être inter-prété aussi par rapport aux régimes d’action: l’effort législatif estguidé par la doctrine, on cherche à traiter des concepts, à définirl’écrit comme une essence; l’horizon des pratiques est éloigné mais ilest néanmoins présent car l’authenticité appartient aux domaines dudroit processuel, elle est définie par les Codes de procédure civile et

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pénale. Pour comprendre ce qu’est l’écrit en droit, on peut s’enremettre à la doctrine ou aux usages. L’approche pragmatique qui estla nôtre nous porte à l’étude des usages, sachant qu’en droit commeen toute activité laborieuse, les usages ont un versant prescriptif –détaillé et dispersé dans les codes de procédure – et un versant opé-ratoire, réalité d’actions individuelles, accomplies au cas par cas,situées, toujours décalées par rapport aux prescriptions.

L’authenticité : un mode de fabricationRegardons de près la nouvelle définition donnée à l’article 1317 duCode civil. Le Code attire l’attention sur les acteurs, les lieux, lesformes, mais il faut préciser et compléter cette description du pointde vue de l’acte lui-même, des critères matériels auxquels il est sou-mis tout en ne perdant pas de vue que l’acte écrit n’est qu’un élémentd’une procédure plus large, c’est à dire d’« un ensemble d’actes juri-diquement ordonnés » (Brenner 2001 : 7).

Nous insisterons d’abord sur les impératifs liés au support écritet très peu sur les normes textuelles, ici hors de propos. Nous cher-chons ainsi à comprendre la notion d’authenticité en tant qu’elles’appuie sur une culture technique traditionnelle et largement« incorporée ».

Comme tout écrit doté d’une force probatoire, l’acte authentiquerépond à certaines conditions15 : il doit être lisible, durable et fiable.

1) La lisibilité évoquée est conçue du point de vue de la percep-tion, l’écrit doit être aisé à déchiffrer, ce qui implique le contrôle gra-phique et typographique du message. La notion de lisibilité a faitl’objet de débats entre juristes centrés sur l’accessibilité de l’écrit. Cepoint nous semble tout à fait important: un écrit papier est directe-ment lisible par rapport à un écrit électronique qui suppose la miseen marche d’une machine et d’un logiciel, la présence d’un écran. Cesdifférences d’accès entraînent des modes de présence différents,continue d’un coté, discontinue de l’autre. Mais l’écrit papier se pré-sente aussi en une gamme étendue d’objets: fichier, cahier, fiche,tableau etc. Ce polymorphisme guide des usages contrastés, on a pu

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15. Nous nous appuyons ici sur l’analyse du concept d'authenticité en droit positif pro-posée par I. de Lamberterie (2000 : 123).

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parler d’écrits ouverts ou fermés par exemple, ouvert quand il est missous nos yeux et exposé, fermé quand on doit, pour le lire, ouvrir uneboîte, un dossier etc. (Grosjean Lacoste 1998). Entre ces deux pôles onpeut repérer des écrits semi-ouverts (présents mais pas affichés parexemple) ou semi fermés. L’obligation faite au notaire de lire l’acteauthentique aux contractants ou encore l’obligation faite aux huis-siers de remettre en main propre une signification, d’afficher un pla-card de vente aux enchères, se ramènent à offrir différents régimesde lisibilité, incarnés dans différents supports papier, chargés d’uneefficacité spécifique à chaque action.

À cette culture d’objets de l’écrit correspond, dans l’univers élec-tronique, un ensemble de codages qui vont de l’encodage binaire debase aux encodages plus évolués des applications, permettant au« fichier » d’exister. Or, le format d’encodage choisi a des consé-quences sur l’établissement de l’acte, sur sa signature, sur sa conser-vation. La lisibilité d’un écrit électronique en dépend directement.« Le simple affichage d’une lettre à l’écran est le fruit d’une interac-tion touffue de ces encodages: encodage de caractères (ASCII, uni-code), police de caractères (postscript, truetype), structuration del’information sous forme d’un document (word, wordperfect), struc-turation de l’information (XML, etc.), couleur, modèle d’imagerie. »(Blanchette 2002 : 142-143). À cet ensemble s’adjoint un autreensemble, logiciel et machine, conçu pour interpréter et afficher àl’écran. Mais si l’on conçoit la lisibilité du point de vue d’une chaînedont l’ultime machine est l’imprimante et l’ultime produit l’écritimprimé, alors tous les choix sont à reconsidérer. La lisibilité électro-nique apparaît comme le résultat d’une chaîne de codages méconnusdont nous ne maîtrisons ni la sélection ni les critères de choix16.

2) La durabilité d’un écrit papier est relative et ne peut être supé-rieure, a priori, à un écrit électronique. Les actes authentiques doi-vent être conservé de manière quasi illimitée, et si les supports dis-quettes ou CD-Rom actuellement disponibles assurent une longuevie aux messages, rien ne garantit leur lisibilité à long terme. Les

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16. Un expert comme J.-F. Blanchette penche pour le format XML pour toutes les phasesde traitement de l’acte, bien qu’il ne fixe pas la forme visuelle du document(Blanchette 2002 p. 161).

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chaînes d’encodage que nous avons évoquées sont autant de dispo-sitifs techniques (logiciels, formats, machine) dont on connaît la rapi-de obsolescence. Conserver pendant 30 ans, pendant 100 ans un écritélectronique lisible est une gageure. Il faut donc imaginer des migra-tions régulières permettant d’actualiser les fichiers et les formats etpour certains actes, comme les actes d’état civil, il convient de pré-voir leur « exploitation » (communication de copies ou d’extraits). Lagestion de la durabilité implique donc des prises de risque, chaquemigration17 pouvant entraîner des pertes d’informations, et desinvestissements technologiques importants. La stabilité de l’écritdevient, dans ce nouvel environnement, incertaine.

Le problème se complique lorsque l’on combine les exigences delisibilité, de durabilité et de fiabilité.

3) La fiabilité repose tout d’abord sur l’intégrité que l’on peutgarantir à l’acte tant du point de vue de son contenu, on parlerad’immutabilité, que de son support, c’est l’inaltérabilité qui doit êtreassurée.

L’intégrité du texte juridique est un problème ancien, résolu parun ensemble de pratiques supposées répondre à la même question:« Comment clore un texte? ». Les réponses les plus anciennes visentà figer un document une fois pour toute, en exploitant les ressourcesmatérielles qui lui sont propres. On sait que les tablettes cunéiformesétaient cuites, ce qui permettait à la fois de les conserver et d’en figerle message. Mais on a aussi joué sur le maniement des enveloppes:on protégeait la tablette en l’enveloppant d’une couche d’argile surlaquelle on recopiait le texte. Il y a là une lointaine idée d’original,d’un texte incarné par un support unique, prenant consistance dansun « objet sémiotique » qui est le lieu où réside sa force spécifique.Le testament romain, fait de tablettes de cire scellées ensemble, dontil faut rompre l’attache pour l’ouvrir et le lire, relève aussi d’un arti-sanat sémiotique. Dans le cas des objets ouverts que sont les actesauthentiques sur parchemins et papiers, le contrôle de l’intégrité

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17. Une expérience menée à Strasbourg montre qu’une opération simple comme cellede la resaisie effectuée pour électroniser les registres d’état civil, pose déjà des pro-blèmes: il faut vérifier systématiquement tous les actes, presque mot à mot, et créerles conditions de confidentialité requises. À Nantes, on a choisi de scanériser lesactes évitant les erreurs de saisie.

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s’appuie sur l’examen de l’écriture et du support. Les falsifications sefont par grattage, surcharge, ajouts, rature, procédés qui laissent destraces dans la matière chimique du papier. C’est pourquoi lorsqu’il abesoin d’ajouter, de biffer, de raturer, l’officier public doit respecterdes règles strictes: accompagner chaque intervention de mentionmarginale et signer. Les marges sont des lieux d’inscription étroite-ment surveillées par les codes de procédures et les règlements pro-fessionnels.

La meilleure façon de s’assurer de l’immutabilité d’un documentélectronique, est de le conserver sous un format image, mais ce for-mat ne supporte pas toujours les migrations et l’on prend conscien-ce à lire la littérature technique d’une certaine opposition entre lisi-bilité, durabilité et intégrité.

4) L’imputabilité, enfin, achève de décrire les conditions mini-mum nécessaires à l’authenticité et avec cette notion nous entronsdans la problématique de la signature, en particulier de la signaturede l’officier public. Garantir l’imputabilité revient à faire en sorte queles auteurs de l’acte soient identifiés de façon certaine et à créer entrel’acte et la signature un lien indissociable: celui qui a signé est bienl’auteur de l’acte, l’attribution de l’acte à l’auteur est certaine.

On peut traiter cette question du point de vue du support. Lasignature s’y prête parfaitement, elle est le résultat d’une histoire destechniques de validation où s’imbriquent histoire des signes del’identité, histoire des pratiques juridiques et histoire de l’écriture. Enreconstituant la genèse de ce signe, il est facile de mettre en éviden-ce que l’opposition entre le sceau et la signature, deux signes de vali-dation concurrents jusqu’au XVIe siècle, est aussi une opposition entreun signe, le sceau, qui est ajouté à l’acte alors que la signature lui estincorporé. Au Moyen Âge, le sceau de cire est attaché au parcheminpar un lien18 fragile (un lacs de soie en général), dont la rupture privele document de sa validité. La signature manuscrite répond mieuxque le sceau au critère d’indissociabilité: elle est en tous points homo-gène au support écrit, tracée, comme le texte, à l’encre et à la plume,elle ne peut se détacher du parchemin ou du papier.

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18. Les actes établis dans les chancelleries du Haut Moyen Âge mérovingien et caro-lingien, étaient plaqués sur le document. Ils s’en détachaient facilement.

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Les différentes signatures électroniques proposées actuellementsont plus ou moins indissociables du support électronique de l’acte,mais surtout le lien texte/signature se pose d’une toute autre façon.Prenons par exemple la signature cryptographique dite signature à clefpublique identifiée par Blanchette (Blanchette 2002 : 174) comme cellequi établit le mieux l’indissociabilité entre signature et document. Cettesignature trouve son origine non plus dans les pratiques de chancelle-ries mais dans le cadre conceptuel de la cryptographie militaire. Lasignature est associée à la notion de double « clef », une clef qui per-met au scripteur de chiffrer un message et une autre de le signer, et,pour le lecteur de le déchiffrer et d’identifier son signataire 19. Cetteperspective donne à la question soulevée plus haut « Comment cloreun texte? » une dimension nouvelle car clore c’est non seulementfiger le texte mais c’est aussi le cacher. Par le même geste techniqueon signe et on crypte, on clôt et on cache, et d’une certaine façon onrevient à l’idée d’un écrit fermé, mais doublement fermé, en tantqu’objet et en tant que texte.

Sans entrer plus avant dans les détails techniques, il convient decompléter cette présentation par un commentaire plus général: lasignature traditionnelle a été élaborée dans un milieu de profes-sionnels voués à l’administration de l’État, l’institution juridiqueapparaissant comme le garant ultime de tous les actes. La signaturecryptographique a été pensée à partir de l’hypothèse d’un environ-nement hostile, où les écrits sont espionnés par un ennemi très astu-cieux. Dans un cas, il s’agit de fonder la confiance de tous envers lamachine étatique, celle-ci étant elle-même soucieuse de se montrerà la hauteur de sa tâche, et il est vrai qu’une sorte de croyance par-tagée structure les relations entre citoyens et professionnels, suppo-sés, les uns et les autres, dignes de confiance. Dans le cas de la cryp-tographie, ces notions sont non seulement annulées mais inversées:ce sont la méfiance et le doute qui dominent l’architecture technique.L’adoption de la signature cryptographique est donc beaucoup plusqu’un choix technique, c’est aussi le choix d’un procédé entraînant

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19. Chaque individu dispose de deux clefs, l’une privée, connue de lui seul, l’autrepublique, publiée dans un annuaire. Pour envoyer un message, j’utilise la clefpublique de mon destinataire et ma clef privée; pour lire mon message, mon desti-nataire utilisera sa clef privée et ma clef publique.

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un point de vue sur l’écrit quasiment incompatible avec ses usagesjuridiques.

L’article 1316-4 de la loi du 13 mars confirme explicitement l’atta-chement du législateur à ces valeurs:

… Lorsqu’elle est électronique, elle (la signature) consiste en l’usage d’unprocédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elles’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve du contraire,lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée etl’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseild’État.

La signature: un mode d’énonciationLa signature, d’un point de vue général, permet non seulement demarquer un support, mais aussi d’identifier un individu et de s’assu-rer de sa volonté. L’article 1316-4 propose cette définition de la signa-ture, définition absente du Code civil jusque-là, qui reprend les prin-cipaux éléments dégagés par la doctrine:

Art. 1316-4. – La signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique iden-tifie celui qui l’appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obliga-tions qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public,elle confère l’authenticité à l’acte.

La signature traditionnelle s’appuie sur le nom propre pour rem-plir la fonction d’identification et sur un mode particulier d’écriture:on signe de sa main. La signature est à la fois manuscrite et auto-graphe. La facture manuscrite a longtemps caractérisé et l’écriture dutexte et celle du signe, les actes notariés par exemple étaient écrits àla main par les clercs et signés à la main par le notaire et les contrac-tants. Cette homogénéité a lentement disparu et l’informatisation desétudes et des tribunaux donne au rapport texte/signature une nou-velle pertinence. Le manuscrit contraste fortement avec l’imprimé, lasignature y trouve une accentuation de sa nature de trace.

Mais l’efficacité véritable du signe vient de la conceptualisation dece caractère manuscrit, a priori purement technique, sous le termed’autographie ou écriture de soi-même. L’idée que dans l’écrit, cha-cun s’inscrit en tant que « soi-même » implique que l’écriture soit unopérateur d’individualisation. Le signe graphique est alors chargé

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d’un statut d’empreinte 20 alors qu’il était avant tout considéré,jusqu’à l’invention et la diffusion de l’imprimerie 21, comme un signeiconique, plus ou moins conforme à des canons calligraphiques.Historiquement, un nouveau regard se développe sur l’écriture quidevient, en tant que trace, un objet savant scruté par les premiersdiplomatistes à la fin du XVIIe siècle 22 mais aussi un objet de spécu-lation psychologique, un miroir de l’âme du scripteur (Fraenkel1992). On sait que la graphologie s’est installée dans cette nouvelle« niche » herméneutique.

Quelle que soit l’adhésion des scripteurs à ces spéculations psy-chographiques, il faut reconnaître que la croyance qu’en signant onexprime son consentement à un acte, que l’on s’engage soi-même, quel’on réalise un acte d’écriture est largement partagée. L’autographieest devenue un mode d’énonciation qui introduit dans la productionmanuscrite de tout un chacun, un régime d’action spécifique, celuid’une écriture sur soi-même, qui suppose que le scripteur adopte unenouvelle attitude face à son texte. Le moment de la signature crée unerupture du cours d’action graphique et suggère ainsi qu’une certainedistance doit être prise par le scripteur qui considère son écrit nonplus de l’intérieur, en suivant le fil de sa plume, mais en surplomb.

La posture est alors méta-énonciative, on souscrit à ce qu’on vientd’écrire. La possibilité offerte par la signature d’une inscription de soi-même dans son propre écrit, cette fameuse « souscription », est pen-sée dans le droit comme le moment où l’auteur manifeste sa volonté.Si les juristes ont refusé de donner à l’empreinte digitale le statut designe de validation, c’est précisément parce qu’elle ne contient pasune séquence caractérisée par un véritable tracé, la réalisation d’unductus supposé intentionnel. C’est pourquoi aussi, parmi les signa-tures électroniques, celles qui se fondent sur la reconnaissance de l’iris,

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20. Au sens de l’indice de Peirce (1978), c’est-à-dire comme signe lié à la présence dusignataire.

21. Eisenstein (1983) a particulièrement bien analysé cet apparent paradoxe: c’est avecla diffusion de l’imprimerie que les caractéristiques individuelles de l’écrituremanuscrite deviennent plus saillantes car toutes les petites différences sont mieuxperçues lorsque la reproduction mécanique de l’écriture impose une nouvelle mesu-re de ce que peuvent être deux écritures identiques.

22. Cf. note 10.

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de la rétine, de la parole du signataire sont inacceptables bien qu’ellesseules permettent une identification sûre et certaine.

La signature électronique: quelques auteurs souris et une montagne d’actants La présence nécessaire du signataire lors de l’acte de signature estaussi une conséquence du concept d’autographie. La signature exigede réunir les personnages de l’action juridique: l’officier de justice, leou les auteurs de l’action. Dès lors, une mise en scène s’impose: pos-tures des acteurs, déclarations ritualisées, heure de la journée, lieuadéquat. Signer est un spectacle, un rituel politique qui scelle la find’une guerre, un rituel civique qui ponctue les grandes étapes d’unevie: enregistrement d’un nouveau né à l’état civil, mariage, vote,décès etc., un rituel médiatique qui accompagne le contrat du siècle.

Tous ces éléments de la mise en scène énonciative, qualifiés endroit positif de « solennités requises » peuvent être plus ou moinsconservées selon le type de signature électronique choisi. La compa-rution a été distinguée par la loi comme une solennité nécessaire. Lesignataire d’un acte authentique doit être présent pour signer, ainsique l’officier public. La mise en scène ne paraît donc pas changer, onen modifierait simplement un accessoire, la technique de signature.

Rien n’est plus faux, car la signature électronique, loin de simpli-fier la procédure d’établissement d’un acte authentique, la com-plexifie considérablement en introduisant une nouvelle chaîned’actants.

Il faut en effet tirer les conséquences ultimes de l’électronisationde l’écrit sur la culture juridique et plus largement sur notre culturede l’écrit. La signature électronique, contrairement à la signature tra-ditionnelle, est détachée des auteurs, elle n’est plus ce signe auto-graphe fabriqué à la main par le scripteur présent. Elle est une tech-nique de validation garantie par un prestataire, une sociétéspécialisée, elle même sous contrôle de l’État.

Les deux décrets d’application de la loi du 13 mars 2000, celui du30 mars 2001 relatif à la signature électronique et celui du 19 avril2002 relatif à l’évaluation et à la certification de la sécurité offerte parles produits et les systèmes des technologies de l’information, orga-nisent le nouvel univers des signes. Le premier décret distingue deux

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signatures, la signature électronique et la signature électronique sécu-risée, introduisant une hiérarchie entre les signes et, par la mêmeoccasion, une différence à l’intérieur de l’acte de signer: signer entoute sécurité ou en moindre sécurité.

La notion inédite de signature électronique sécurisée, sorte desuper signature, ajoute à la description analysée plus haut les élé-ments suivants:

Art. 1er –2. « Signature électronique sécurisée »: une signature électroniquequi satisfait, en outre, aux exigences suivantes:

– être propre au signataire;– être créée par des moyens que le signataire puisse garder sous son contrôle

exclusif;– garantir avec l’acte auquel elle s’attache un lien tel que toute modification

ultérieure de l’acte soit détectable.23

La signature ici décrite est sans doute inspirée par la signaturecryptographique qui suppose, en coulisses, une organisation coû-teuse. Le décret précise le statut des prestataires de services qui serontresponsables de la sécurité de cette super signature et délivreront des« certificats électroniques qualifiés ». Ces prestataires devront eux-mêmes être évalués et qualifiés « par un comité directeur de certifi-cation, institué auprès du Premier Ministre » (art. 4). Par ailleurs, unefois la signature créée, des vérificateurs doivent « pouvoir, si néces-saire, déterminer avec certitude le contenu des données signées »(art. 5). Le décret du 19 avril 2002 précise les contours de la nouvelleentité, officiellement « le comité directeur de la certification en sécu-rité des technologies de l’information », qui est présidé par le secré-taire général de la défense nationale ou son représentant. Ce comitéréuni treize représentants, un de chaque ministère, et:

Lorsque le comité directeur examine des questions concernant les dispositifsde création et de vérification de signature électronique, tels que définis à l’article1er du décret du 30 mars 2001 susvisé, il comprend en outre douze personnali-tés qualifiées nommées pour trois ans par arrêté du Premier ministre. (art.16) 24

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23. Décret n° 2001-272 du 30 mars 2001 pris pour l’application de l’article 1316-4 ducode civil et relatif à la signature électronique.

24. Décret n° 2002-535 du 18 avril 2002 relatif à l’évaluation et à la certification de lasécurité offerte par les produits et les systèmes des technologies de l’information.

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Récapitulons. L’action de signer un acte de vente dans l’étude d’unnotaire pourra bientôt être effectuée de deux manières. Soit le signa-taire signe de sa main l’acte papier à l’aide de son stylo, le notaire faitde même, soit le signataire utilise sa signature électronique sécurisée,sans doute cryptographique, signature créée pour lui par un presta-taire de service lui-même qualifié par un comité directeur composéde 26 membres institué auprès du Premier ministre. Cette chaîne estelle-même connectée à d’autres chaînes de certification et de valida-tion concernant tous les éléments du dispositifs techniques (logiciels,clés cryptographiques privées et publiques, matériel divers).

Qui signe finalement dans un tel montage? Comment situer cesnouveaux actants, garants de la sécurité? L’acte authentique juridiquetraditionnel fonde sa performativité sur un modèle d’auteur originalet subtil (Fraenkel 2001a). Il s’agit d’un auteur à deux têtes et à deuxmains: l’officier public est auteur de l’acte écrit, car il garantit ledocument, cette pièce unique que nous avons amplement commen-tée; le disposant est auteur de l’action juridique car c’est lui qui, parsa volonté, la crée (il vend, il teste, etc.). Ce modèle lie le fabricant del’acte et son énonciateur, et ce lien ne fait que donner consistance auxdeux aspects fondamentaux de l’authenticité que nous venons dedégager, l’authenticité comme mode de fabrication et comme moded’énonciation. Les deux signatures, celle du disposant et de l’officierpublic, valident l’acte et crée l’action. La signature électronique exter-nalise curieusement l’ensemble de la procédure, comme si désor-mais, nous allions devoir sous-traiter notre signature car nos compé-tences élémentaires de signataires, savoir écrire, ne suffisent plus.Notons que l’officier public lui-même n’est plus compétent, il doits’en remettre à un monde d’experts dont le moins qu’on puisse direest qu’ils n’inspirent pas toute confiance au Conseil d’État qui les aplacés sous le contrôle d’un vaste comité et du Premier ministre.Cette situation crée un sentiment paradoxal d’insécurité, les expertsont cessé depuis longtemps de nous rassurer, la méconnaissance desnouvelles technologies entoure d’un brouillard opaque le nouveausigne signature. Comment signer sans comprendre ce que signer veutdire? Le problème cognitif est loin d’être secondaire.

Pour conclure cette première partie centrée sur l’analyse concep-tuelle de l’écrit, de l’authenticité et de la signature, revenons à nos

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premières questions: comment agit-on par l’écrit? Quelles sont nospratiques d’écriture performative? Quels sont nos actes d’écriture?Nous espérons avoir montré qu’à toutes ces questions des réponsesnouvelles étaient en train d’être imaginées d’une très étrange façon:dans le déni de la langue écrite, dans l’illusion de la dématérialisation,et dans l’inquiétude suscitée par la méconnaissance profonde de l’élec-tronique. Les concepts définitoires de l’authenticité se révèlent tous,après examen, fortement ancrés dans une tradition opérative gouver-née par le support papier. L’acte d’écriture par excellence, la signature,peut être remplacé par d’autres actes, non linguistiques d’ailleurs,dont la lourdeur ergonomique et technologique est patente.

Il reste à examiner d’un point de vue empirique, le travail réel desprofessionnels de l’écrit juridique, à faire le point sur l’intrication desécrits, papier et électronique, et sur la plurisémioticité – c’est à dire lemixage de l’oral, de l’écrit, du gestuel, du graphique – mise en œuvreactuellement dans les études, les tribunaux, les mairies, les greffes etc.

3. APPROCHES EMPIRIQUES : LE TRAVAIL DES HUISSIERS

Pour illustrer les activités d’écriture engagées dans le métier d’huis-sier, nous rendrons compte ici d’un cas particulier, la procédured’expulsion, en insistant sur certains aspects documentaires. De nom-breuses dimensions du travail seront donc laissées de côté dans l’ana-lyse, y compris des documents écrits. L’attention se concentreraessentiellement sur les supports d’énonciation que mobilise l’huis-sier et par lesquels passe l’élaboration des actes tant physiques quedocumentaires.

Le cas d’une procédure d’expulsionCe dispositif juridique est mobilisé dans les situations de non paie-ment de loyers par des locataires soit d’un local affecté à l’habitationprincipale, soit d’un local commercial. Il suppose la possession d’untitre exécutoire (le commandement de quitter les lieux délivré par lejuge de l’exécution du Tribunal de Grande Instance), un déplacementde l’huissier en ce lieu, l’enlèvement de la totalité des biens meubles,et la reprise du local par remplacement des serrures. Le débiteur peutrécupérer ses biens sous un délai d’un mois. Passé ce délai, le juge de

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l’exécution statue sur le sort des biens en vue de les vendre ou de lesdétruire selon leur valeur. Voilà brièvement résumée la procédured’expulsion. Sur le terrain, les choses sont cependant plus complexeset le travail d’écriture plus visible.

La figure 1 propose une vision d’ensemble de cette complexité. Ellemontre notamment que la production des actes authentiques supposedes déplacements dans plusieurs lieux, l’agencement de différentssupports d’écriture (manuscrite, électronique, imprimée), et la mobi-lisation de divers dispositifs techniques (dictaphone, ordinateur, logi-ciel, imprimante, photocopieuse, stylos, tampons, agrafeuse…).

FIGURE 1La fabrication des actes dans une procédure d’expulsion

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Sur les lieux de l’expulsionPour procéder à l’expulsion, l’huissier est accompagné d’autres per-sonnes indispensables à la procédure: un commissaire de police (oudes gendarmes), un serrurier, et des déménageurs. C’est cependantlui qui connaît le dossier et qui dirige les opérations. Il montre audébiteur le titre exécutoire en vertu duquel il agit pour l’informer audébut des opérations. Après qu’il lui a expliqué le déroulement de laprocédure et qu’il l’a informé de ses droits, une véritable chorégra-phie se met en place. L’huissier sort son dictaphone et énumèrel’ensemble des objets qui se trouve dans la maison, pièce par pièce.Équipés de cartons et de rouleaux de scotch, les déménageurs empor-tent dans le camion tout ce que l’huissier désigne, jusqu’à ce que lelocal soit complètement vide. Pendant ce temps, le serrurier changele barillet de la porte d’entrée et s’assure que toutes les fenêtres se fer-ment correctement de l’intérieur. De son côté, le commissaire de poli-ce reste avec l’huissier et observe. Son rôle d’accompagnement viseà garantir le bon déroulement de la procédure en évitant que d’éven-tuels conflits dégénèrent verbalement ou physiquement et entraventle travail de l’huissier ou de ses assistants. Lorsque la totalité desobjets sont déménagés et les serrures changées, l’huissier sort le der-nier du local.

C’est seulement une fois que cette chorégraphie cesse que les res-sources documentaires sont mobilisées. Plusieurs actes s’enchaînentpour clôturer la procédure: le serrurier remet les nouvelles clés àl’huissier qui ferme la porte et les volets; l’huissier affiche ensuite surla porte et les fenêtres un avis d’expulsion stipulant que l’entrée dansles lieux est strictement interdite et passible de poursuites judiciaires;enfin, l’huissier fait signer le procès verbal d’expulsion à l’ensembledes personnes présentes sur les lieux: débiteur(s), commissaire depolice, serrurier, déménageurs.

Ces trois actions – remise des clefs, affichage, signatures des pré-sents – terminent la marche de la procédure du point de vue de l’énon-ciation orale et des interactions physiques entre les personnes, qui seretirent puisque la circulation dans les lieux est dorénavant impossible.Elles marquent également la fin de l’énonciation écrite des documentset initient ainsi un moment particulier: celui de la validation. La signa-ture des personnes atteste de leur présence lors des événements et

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garantit l’huissier contre d’éventuels imputations en responsabilité encas de perte ou de vol des biens après leur déplacement. En apposantensuite sa propre signature en bas du document sur le tampon quifigure son sceau, l’huissier confère au procès-verbal d’expulsion sonauthenticité et complète définitivement cette étape de la procédure. Sises agissements introductifs sont décisifs dès l’entrée dans les lieuxpour définir la situation et informer le débiteur, ils sont aussi essentielspour clore le cours des activités possibles, mettre fin aux interactionstout en gardant des traces orales (dictaphone), visuelles (photogra-phies) et écrites (le procès verbal) de leur présence25.

Saisir les objets un à unIl arrive aussi que la procédure d’expulsion engage une activitéd’écriture avant la fin des opérations, comme dans ce cas où la quan-tité d’objets de valeur présents dans la maison est telle qu’il décide deprocéder en parallèle à une saisie vente avec déplacement immédiat:

Eu égard au volume très important que nous découvrons dans les lieux etqui va devoir être enlevé au cours de cette journée, eu égard à la carence desdébiteurs et au montant important des sommes à recouvrer, je décide sur-le-champ de compléter la saisie conservatoire qui avait été diligenté par acte deMaître Huissier [son associé] et de dresser une nouvelle saisie vente26. (entre-tien avec l’huissier, le 12.2.2003)

L’enlèvement des objets s’effectue alors selon deux listes diffé-rentes:• La liste des objets déplacés dans la procédure d’expulsion, qui res-tent un mois sous la garde du déménageur. Le débiteur peut les récu-pérer à ses frais. L’huissier dicte l’ensemble des objets qui composecette liste dans son dictaphone.

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25. Cette compétence de gate-keeper, c’est-à-dire de gardien de l’ouverture et de la fermetu-re (des portes ou de l’énonciation), est d’ailleurs inscrite dans l’étymologie du mot huis-sier, où « huis » désigne soit la porte, soit la pièce de métal qui la soutient sur un pivot.

26. Le caractère « écrit » de cet extrait d’entretien peut surprendre : il provient de sonmode de passation. Familier du dictaphone, l’huissier maniait lui-même la fonctionenregistrement. Son récit de l’historique de la procédure d’expulsion, qu’il avait réa-lisé en notre présence deux mois auparavant, alternait des phases enregistrées dedescription en langage circonspect et des commentaires en style plus libre qu’iln’enregistrait pas. Cette alternance renforce la dimension solennelle de la paroleamenée à être fixée par écrit.

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• La liste, plus restreinte, des objets « saisis ». Ces objets, d’une plusgrande valeur, ne peuvent pas être récupérés par le débiteur. Passé lemois de délai en dépôt chez le déménageur, ils sont vendus.

Pour la seconde liste, l’huissier n’utilise pas son dictaphone. Iltranscrit à la main la description de l’ensemble des objets composantcette liste sur un « procès verbal de saisie vente ».

L’écriture est engagée dès le début de l’expulsion pour ouvrir uneprocédure qui n’était pas prévue avant d’être sur les lieux. La présencede l’huissier, indispensable pour ouvrir et fermer la procédure « surle terrain », s’avère ici primordiale pour déployer un dispositif dontla pertinence et la consistance ne prennent sens qu’en situation. Pourréaliser la saisie vente, l’huissier ne peut qu’être sur les lieux: il doitmobiliser ses sens (regarder, toucher, prendre les choses) pourcomposer la liste des objets qui sont, comme la formule le dit préci-sément, « saisis »27. L’inventaire des objets se faisant pièce par pièce,c’est seulement face à eux que l’huissier prend la décision de lesinclure dans l’une ou l’autre liste. En usant séparément du dictapho-ne et de l’écriture manuscrite, l’huissier joue sur différents supportset peut ainsi sélectionner parmi l’ensemble des objets ceux qui sont« expulsés » et ceux qui sont définitivement « saisis ». L’usage del’oral dans un cas et de l’écrit dans l’autre permet de dresser deuxlistes distinctes. Cet agencement est le moyen d’effectuer deux pro-cédures qui se superposent dans la séquentialité de l’action: la pro-cédure d’expulsion et la procédure de saisie vente avec enlèvementimmédiat (cf. figure 2 page suivante).

La production de l’authenticitéLe procès-verbal d’expulsion, en vertu duquel l’huissier agit et qu’ilfait signer aux personnes, est préalablement fabriqué à l’étude. Enrevanche, le procès-verbal de saisie vente se compose d’un formu-laire imprimé 28, que l’huissier renseigne sur les lieux en complétantdifférents champs: notamment la date, le nom des débiteurs, et la

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27. Pour une analyse, centrée sur la notion de « prise », des formes de présence engagéesdans les épreuves d’authentification des objets, voir Bessy et Chateauraynaud (1995).

28. L’huissier est constamment équipé d’un bloc relié de nombreux exemplaires de ceformulaire de saisie vente qu’il emmène toujours avec lui lors de ses tournées etdont il peut disposer à tout moment.

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liste des objets saisis. Après cette préparation du formulaire, l’huis-sier le fait signer à chaque personne présente. Cette séance de signa-tures s’effectue sur plusieurs exemplaires destinés au débiteur, au

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FIGURE 2

Extraits des deux listes d’objets

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créancier, et au dossier conservé à l’étude. De même que pour le pro-cès verbal d’expulsion, l’huissier signe en bas à droite sur son sceau.Mais au lieu d’être inscrit par l’intermédiaire d’un tampon, ce sceaufait ici partie de la texture du formulaire: il y est imprimé avec lamême encre et stipule les noms des deux huissiers détenteurs del’étude (la société civile professionnelle). Pour identifier quel huissierde l’étude a établi le procès verbal, celui qui signe se livre ici à uneinscription supplémentaire. En plus de sa signature, il écrit son nompropre en lettres majuscules: « c’est la jurisprudence, comme on a unsceau commun pour l’étude, comme je n’ai pas de sceau personnel,je dois identifier ma signature » (l’huissier). La clôture de l’énoncia-tion écrite s’effectue donc par la superposition de plusieurs signes devalidation en ce même lieu graphique: le sceau de la profession inté-gré au document, la signature de l’huissier, et son nom propre.

Dans l’étudeDe retour à l’étude, le travail d’authentification se poursuit. Il consisteà mettre à jour les avancements que le dossier a subis sur les lieux del’exécution. Pour cela, plusieurs activités sont menées successive-ment.

La transcriptionÉmanant de supports différents, les deux listes donnent lieu à destraitements séparés. Le formulaire du procès-verbal de saisie venteest conservé dans le dossier. Le procès-verbal d’expulsion encoreincomplet va être achevé. La liste enregistrée dans le dictaphone seratranscrite par écrit et intégrée dans le corps de l’acte. Ce travail estpris en charge soit par une secrétaire à l’étude, soit sous-traité à uneentreprise de secrétariat qui l’envoie par courrier électronique. Latranscription s’effectue ici par l’intermédiaire de l’ordinateur. Elle faitainsi intervenir l’écriture électronique comme support de fabricationdu document. Quand tout est prêt s’enclenche une activité de relec-ture qui associe énonciation orale et écrite: face à l’écran avec sa secré-taire, l’huissier lui dicte certaines modifications à faire au texte (ici laliste des objets décrits sur les lieux de l’exécution). L’objectif estd’ajuster la transcription effectuée hors des lieux et par une autre per-sonne que l’huissier à la chronologie de la description précise faite

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sur place. Une fois que le texte est fixé dans une version qui convientà l’huissier, celui-ci retourne à d’autres dossiers.

La mise au point du textePendant ce temps, tout un ensemble d’opérations s’enchaîne àl’étude. Une secrétaire prend en charge le dossier. Elle dispose simul-tanément des versions papier et électronique respectivementouvertes sur son bureau et sur l’ordinateur. Ses activités consistent àmettre à jour l’état d’avancement de la procédure d’expulsion en inté-grant la liste des objets au fichier informatique du procès verbal. Lelogiciel de traitement des procédures contient une banque de lettreset d’actes types qui accélère la gestion des dossiers, mais permet aussiune autre forme de conservation et de manipulation des écrits:

avec ce nouveau logiciel on bouge moins de papiers. Avant on faisait touten photocopie, tout en double. Avec ce logiciel ça permet de garder en mémoi-re, et on bouge moins les dossiers [sous-entendus les dossiers papiers]. (unesecrétaire)

En permettant le passage d’un mode liste (où la secrétaire ren-seigne des champs prédéfinis: nom, adresse, type de procédure,créancier/débiteur) à un mode tabulaire sous forme de traitement detexte, il assure une gestion automatique des procédures. Bien plusque la fonction de « copier-coller », ce logiciel « intègre et fusionne »les informations renseignées dans un document déjà mis en forme:chaque information se voit distribuée automatiquement dans l’espa-ce de la feuille qui articule au sein du texte les articles juridiques ducode de procédure au cas singulier traité dans l’instant de la situa-tion. Seuls quelques ajustements sont nécessaires pour achever lamise en conformité de l’acte: la précision de la date d’élaboration dudocument et quelques reformulations de phrases types pour qu’ellessoient conformes aux caractéristiques singulières du cas. Cette éla-boration documentaire qui associe mise en page et mise en texte estensuite fixée par la fonction d’enregistrement informatique du fichier.

La chaîne d’écritureMais le travail ne s’arrête pas là. La version électronique n’est qu’uneétape dans ce parcours où le papier tient une place essentielle. Le

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fichier du procès verbal d’expulsion mis à jour et complété de la listedes objets expulsés prend ensuite une autre forme. Il est transcrit parun médiateur supplémentaire: l’imprimante. Ce déplacement estimportant à plusieurs égards. D’une part, parce que la version impri-mée fixe la version électronique, sujette à de multiples et incessantsremaniements potentiels. D’autre part, parce que la version impri-mée ne fait pas l’objet de plusieurs exemplaires. Après la relecture del’acte par l’huissier, elle peut être réaménagée sur l’ordinateur et ànouveau imprimée selon un cycle répétable plusieurs fois (cf. fi-gure 1). Mais une fois stabilisée, elle est considérée comme l’exem-plaire source à partir duquel sont réalisées plusieurs photocopies.L’articulation des supports est ici manifeste. Quand l’écrit électro-nique est utilisé pour garder en mémoire une version du dossier quiest appelé à changer tout au long de la procédure, l’écrit impriméarrête les modifications possibles en figeant l’acte dans une matéria-lité immuable. L’écriture se fixe alors et le texte peut prendre uneforme délimitée et inaltérable, devenir un tout indissociable, un objetreproductible par la photocopieuse et transportable dans différentslieux (pour l’exécution, la signification aux personnes engagées dansle dossier, et sa conservation dans l’étude). Dans ce passage se joueainsi l’immutabilité et l’intégrité de l’acte documentaire.

Une autre opération est néanmoins nécessaire pour qu’il atteigneson caractère d’authenticité et sa capacité d’action. Une fois impriméet photocopié en différents exemplaires, l’acte subit une transforma-tion substantielle. La version électronique du document, stabilisée parl’imprimé, est à son tour travaillée par des inscriptions manuscritesqui touchent tant aux marges qu’à la teneur du texte. Les tamponsestampillent l’imprimé pour identifier sa provenance (le nom deshuissiers et l’adresse de la société civile professionnelle en haut àgauche) et désigner son statut dans l’ordre de production (« minute »,« second original », « copie » en haut à droite), mais aussi pour confé-rer authenticité à son contenu (« l’immatricule » dans le corps du texteet le « sceau » en bas à droite). L’apposition de ses différentes marquestransforme les feuilles imprimées, objets reproductibles, en des« pièces » revêtant les caractéristiques indexicales de la singularité(noms propres, adresses, date…).

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La mise en dossierCette transformation implique cependant une opération supplé-mentaire qui n’engage ni la mise en page, ni la mise en texte. Il s’agitd’un travail d'assemblage. Les exemplaires de chaque document sontdisposés sur le bureau et composent différentes piles en fonction deleur statut conféré par les tampons (« second original », « copie »,« minute »). Les éléments de chacune des piles sont ensuite accrochésentre eux. Les agrafes effectuent une mise en liasse qui donne corpsà chaque acte documentaire. En attachant les parties descriptives (lesnoms, adresses des parties…), juridiques (les articles en vertu des-quels l’acte est dressé, les formules…), et prescriptives (les décisionset les actions attendues) de l’acte, elles assurent sa cohérence interneet participent de sa consistance. C’est à cette étape que la liste desobjets expulsés est intégrée au procès verbal d’expulsion.

La recognitionUne ultime opération de transsubstantiation intervient alors pourfaire tenir cet assemblage d’écrits électroniques, imprimés, manuscrits,

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FIGURE 3

Les tampons

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de tampons et d’agrafes. L’huissier procède à une relecture attenti-ve de la tenue et de la teneur des actes. Engageant sa responsabilitédans l’établissement des actes, il porte une attention particulière àl’ensemble des formules et des signes qui composent le document.Lorsqu’il estime que celui-ci se tient convenablement, il porte undernier geste qui parachève l’ensemble: il appose sa signature surson sceau tamponné. Le parcours de fabrication des actes est alorsclôturé et l’authentification obtenue. Commençant par le tamponidentifiant le nom propre des huissiers de la société civile profes-sionnelle en haut à gauche de la première page et se terminant parle sceau et la signature de l’huissier en bas à droite de la dernière,l’acte est bouclé. Il peut désormais être mis en circulation dans dif-férents réseaux de diffusion (auprès des personnes engagées dans ledossier) et de conservation (dans le dossier, puis les boîtes à archivesde l’étude).

Authenticité des actes et présence de l’huissierCette incursion dans les activités de professionnels met en évidencela chaîne d’écriture engagée dans la transformation progressive desdocuments écrits en actes authentiques. La production de l’authenti-ficité repose sur des dispositifs techniques qui agencent plusieurstypes d’écrit: électronique, imprimé, manuscrit. Ces supports enga-gent différentes fonctions d’élaboration, de circulation et de conser-vation des textes. En concevant l’écrit en dehors de toute matérialité,la loi sur la signature électronique pose une équivalence entre lepapier et l’électronique qui est loin d’être effective dans les activitésconcrètes. Mettre le papier et l’électronique sur le même plan en éva-cuant la question du support, c’est faire comme si la différence n’étaitque technique, c’est négliger la longue tradition culturelle qui fondela conception de l’authenticité dans un univers où gouverne le sup-port papier. Le cas des huissiers de justice montre pourtant la placeprépondérante qu’occupent les imprimés et les mentions manus-crites dans la transformation des textes en « pièces » efficaces. S’ilillustre l’introduction de l’écrit électronique dans la chaîne de fabri-cation des actes, il révèle surtout la prégnance du papier dans les pra-tiques réelles et tout particulièrement dans les étapes de validation:apposition des tampons et de la signature.

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L’entrée par l’observation du travail réel permet également deprendre la mesure de la présence de l’huissier. Indispensable pourinitier et clôturer les procédures sur les lieux de l’exécution, cette pré-sence se manifeste à chacune des épreuves d’authenticité des actestant physiques que documentaires, même si certaines phases deconception sont effectuées par ses assistants (secrétaires, clercs).Personne charnière – comme l’indique son nom – l’huissier s’engageen personne soit corporellement sur le terrain, soit scripturalementsur les documents. Cet engagement s’exprime d’ailleurs avec plus deforce à certains moments: au début et à la fin des procédures. Sil’huissier suit continuellement l’avancement des dossiers, il ne mani-pule pas directement l’écrit au cours du travail de transformation. Sesinterventions dans la teneur des actes s’effectuent à l’oral, en dictantà ses secrétaires les modifications. Lorsqu’il intervient par écrit dansla matière textuelle du document, c’est pour y imprimer une qualitéqui lui appartient en propre: la capacité de validation par sa signa-ture. Cette présence est indispensable à l’authenticité des actes. Elleest également décisive pour assurer leur performativité sur les lieuxqu’ils désignent et auprès des personnes qu’ils impliquent: l’huissierest le médiateur qui convertit, par ses activités, les actes prescrits dansles documents en actions effectives. Tout décret d’application de laloi de mars 2000 viendrait donc inévitablement bouleverser en pro-fondeur les formes d’exercice de ce métier.

4. CONCLUSION:

LES SUPPORTS DE L’AUTHENTICITÉ, CELLULOSE VS ÉLECTRON

Au terme de ce parcours, l’analyse conceptuelle de l’écrit et del’authenticité comme l’examen des pratiques concrètes de profes-sionnels rendent un trait de l’authenticité particulièrement saillant:le rôle essentiel des supports.

Le suivi de différents dispositifs techniques et textuels dans lafabrication des actes permet d’en saisir une première dimension. Lessupports électroniques et papier servent de points d’appui pourmanipuler l’écrit. Ils en permettent la confection et garantissent samise en forme: l’écrit électronique permet une souplesse et une mal-léabilité du texte, l’écrit imprimé garantit au document son caractère

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stable et immuable, l’écrit manuscrit par lequel sont apposés lessignes de validation confère authenticité et caractère exécutoire auxactes. Assurant la transformation progressive des documents en actesdoués d’une force performative, le support confère à l’écrit sa dimen-sion d’objet manipulable et transportable dans différents lieux: resti-tution aux personnes sur les lieux d’exercice, envoi au juge, conser-vation dans le dossier, etc.

La consistance du support ne se réduit cependant pas à cettecaractéristique. En tant qu’objet, il définit également une surface surlaquelle sont inscrits les signes graphiques: les caractères, la ponc-tuation, les formules, etc. Le support assume une fonction de répar-tition des repères informationnels qui composent l’écrit. Il engage différentes formes de perception, et met ainsi en jeu plusieurs opéra-tions cognitives (visualiser, lire, communiquer, déchiffrer, trier, mémo-riser…). Les marques apposées sur la feuille renseignent sur la portée opératoire de l’acte (le « second original » étant supérieur à la« copie »), mais aussi sur les usages différenciés du document qui enrésultent. En même temps qu’elle sollicite la cognition dans la miseen forme de l’information, la matérialité du support est intimementliée à l’action (Fraenkel 2001a).

Pour agir il est nécessaire de disposer d’un fonds stabilisé derepères conventionnels, d’entités matérielles et de valeurs partagéescollectivement sans lesquelles l’action n’aurait aucun guide pours’accomplir, ni aucune efficience attestée, aucune fiabilité. Or, l’avè-nement de l’écrit électronique rompt cette stabilité. L’articulation desdispositifs d’écriture électronique et papier, au stade de la fabricationdes actes mais aussi de leur validation, brouille la répartition clas-sique entre l’original et l’authentique, introduit un doute sur l’inté-grité, l’immutabilité et la fiabilité des actes authentiques, amène unensemble de valeurs propres à l’univers d’origine de la signatureélectronique, la cryptographie militaire. La matérialité du support semanifeste sur un plan bien particulier ici: son esprit même. En pas-sant de la cellulose à l’électron, l’écrit électronique introduit une rup-ture d’un tout autre ordre que celui engendré par l’imprimerie(Chartier 1996; Eisenstein 1983) mais d’une portée comparable. Entouchant à la matière du support, c’est l’ensemble des conventionscollectives de l’authenticité qui est mis en jeu.

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ANNEXERésumé des étapes documentaires de la procédure d’expulsion29

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