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12-16 mai 2015 Retrouvez l’actualité du VIIème Forum Foncier Mondial sur www.flammedafrique.org Presse écrite Radio Vidéos Photos Internet Multimédia VOS RÉACTIONS NOUS INTÉRESSENT Parce que les voix de chacun comptent, nous vous invitons à prendre part aux échanges d’idées en rejoignant les groupes de discussions sur le site de Flamme d’Afrique. Postez vos commentaires et réagissez de vive voix aux débats !!! www.flammedafrique.org FORUM FONCIER MONDIAL - ACCES A LA TERRE Les autres voix de l’Afrique « FLAMME D'AFRIQUE » : une réalisation de l'Institut Panos Afrique de l'Ouest FAITES ENTENDRE VOTRE VOIX ET VOS IDÉES ! C M J N Les défis et les obstacles Le combat d’une femme pour la terre Une vocation à hauts risques en Amérique Latine Les gages d’une économie africaine inclusive Des ministres en quête de coexistence pacifique Des Etats cupides, des populations spoliées

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Page 1: FORUM FONCIER MONDIAL - ACCES A LA TERRE Les ......Forum foncier mondial. Ministre dʼEtat malgache en charge des Projets présidentiels, de lʼAménagement du territoire et de lʼEquipement,

12-16 mai 2015 Retrouvez l’actualité du VIIème Forum Foncier Mondial sur www.flammedafrique.org

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InternetMultimédia

VOS RÉACTIONS NOUS INTÉRESSENT

Parce que les voix de chacun comptent, nous vous invitons à prendre part aux échanges d’idées en rejoignant les groupesde discussions sur le site de Flamme d’Afrique. Postez vos commentaires et réagissez de vive voix aux débats !!!

www.flammedafrique.org

FORUM FONCIER MONDIAL - ACCES A LA TERRE

Les autres voix de l’Afrique

« FLAMME D'AFRIQUE » : une réalisation de l'Institut Panos Afrique de l'Ouest

FAITES ENTENDRE VOTRE VOIX ET VOS IDÉES !

C M J N

Les défis et les obstaclesLe combat

d’une femmepour la terre

Une vocationà hauts risquesen Amérique Latine

Les gagesd’une économieafricaine inclusive

Des ministresen quête de coexistence pacifique

Des Etats cupides, des populations spoliées

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Les autres voix de l’Afrique

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Elles représentent 43% de la force ou-vrière dans lʼagriculture en Afrique. Par-lant toujours des femmes, elles

cons tituent 80% des acteurs de la chaîne deproduction alimentaire. Dès lors, la place quileur revient dans lʼagriculture est aussi para-doxale que ridicule. Il sʼagit même dʼune in-justice dʼautant plus criarde que lʼégalité desdroits dans lʼaccès au foncier sʼaffiche dansles instruments juridiques nationaux, confor-tés par les con ventions internationales. Ainsi,entre les textes et les réalités sur le terrain,le fossé est énorme.

En Afrique, moins de 2% des terres revien-nent aux femmes. Ce que le droit moderneleur donne dʼune main, le droit coutumier leleur arrache de lʼautre. Car dans nombreuxpays africains, cʼest la capacité même de lafemme à fructifier la terre qui lui est niée. Unargument qui cache surtout une volonté dʼac-caparement dʼune ressource qui renforce lepouvoir des hommes.

Lʼignorance des lois par les populations«perpétue le déni du droit dʼaccès, ducontrôle et de la propriété sur la terre pour lafemme», selon la chargée de programmesau niveau du Réseau Femmes, droits et dé-veloppement en Afrique, Kafui Kuwonu.

Les conséquences de cette absence dereconnaissance du droit dʼaccès de lafemme à la terre sont nombreuses. «Seul 1%des crédits destinés à lʼagriculture leur sontaccordés et cette faiblesse des revenus lesempêche de moderniser leurs techniquesagricoles et dʼavoir plus de rendements»,

souligne Soyata Maiga, rapporteur spécialsur les droits de la femme en Afrique pour laCommission africaine des droits de lʼHommeet des peuples (Cadhp). Elle croit aussi queles mariages précoces dans le monde ruraldénient à la femme «sa capacité à participerau développement agricole puisquʼelles sontsouvent dépourvues de droits successo-

raux». Pour changer cette donne, lʼUnionafricaine (Ua) a déclaré 2015, année de ren-forcement de la capacité des femmes pourleur permettre de jouir de leurs droits dʼaccèsà la terre.

Mais le problème est plus sociologiqueque politique. Un travail à la base avec leschefs coutumiers est aussi à promouvoir

pour surmonter certaines croyances cultu-relles qui font de la terre un bien strictementdestiné à lʼhomme.

Lʼacceptation, par les sociétés, du droit dela femme dʼaccéder à la terre, peut faciliterlʼeffectivité de la loi qui nʼest pas discrimina-toire, pour une égalité des chances dʼaccèsà la terre. n

DROITS FONCIERS DES FEMMES

Birame FAYE

Les coutumes, principal obstacle à leur accès à la terre

Les droits fonciers des fem mes enAfrique ont fait lʼobjet dʼune plénièreau Forum foncier mondial. Il en res-sort que la situation commune à tousles pays africains reste le difficileaccès de la femme à la terre à causedes réalités coutumières.

ACCES DES FEMMES ET DES JEUNES A LA TERRE

Les gages d’une économie africaine inclusiveLes chiffres de croissance ont beau augmenter, la lutte contre la pauvreté

en Afrique ne pourra aboutir au mieux-être pour tous tant que lʼaccès à laterre ne sera pas une réalité dont pourront jouir les jeunes et aux femmes.

Le développement de lʼAfrique aurait pudépendre grandement de ses impor-tantes potentialités de terre cultivables.

Mais autant ce facteur de production est dé-terminant, autant sa mise en valeur souffre dufait quʼune bonne frange de la population y aun faible accès. Notamment les jeunes et lesfemmes. Les obstacles ne sont pas juridiques.Sur ce plan rien ne sʼy oppose. Les barrièressont plutôt culturelles et sociales qui fondentla logique dʼexclusion.

Lʼimportance de cette question en a fait unpoint central de la table ronde interministé-rielle tenue le mardi 12 mai, lors de la Journéede lʼAfrique qui a été le point de départ duForum foncier mondial.

Ministre dʼEtat malgache en charge desProjets présidentiels, de lʼAménagement duterritoire et de lʼEquipement, Rivo Rakotovao,se montre formel : «La logique économique,la recherche dʼune croissance inclusive vou-drait que les femmes et les jeunes accèdentà la terre. Mais ce nʼest pas gagné.» Et cʼenest une grosse perte pour le continent, car laproduction agricole africaine repose essentiel-lement sur les femmes et les jeunes qui ex-ploitent les domaines familiaux.

Une discrimination positive en faveur deces couches aurait pu induire des situationsplus favorables. Mais orientations politiquesne tendent pas vers de telles approches.

Une des conséquences est que sans pers-pective dʼinsertion socioprofessionnelle ras-surante, nombre de jeunes sont attirés par

lʼémigration irrégulière.

DISCRIMINATION POSITIVELe Sénégal cherche une voie plus progres-

sive dans ce sens, en sʼappuyant notammentsur la loi sur la parité dans les fonctions élec-tives qui donne plus de parole et de visibilitéaux femmes dans lʼespace publique et dansles secteurs de décision. Président de laCommission nationale de réforme foncière,Moustapha Sourang, souligne que cette loisur la parité devra être traduite dans le nou-veau dispositif juridique relatif au foncier.Dans les faits, cela pourrait aider à la créationde domaines agricoles communautaires ré-servés aux femmes paysannes et dotés dʼun«statut inaliénable».

Des évolutions se font aussi sentir au Ca-meroun où, selon le ministre des Domaines,du Cadastre et des Affaires foncières, Jacque-line Koung, le Conseil national des chefs tra-ditionnels a fait des recommandations enfaveur des femmes. Un projet de loi, ajoute-t-elle, sera bientôt soumis à lʼAssemblée natio-nale. Cette question foncière tient ce pendantde lʼurgence, sur un continent dont la crois-sance démographique importante fait queplus de 60% de la population sont constituésde jeunes. Une telle pression exige des auto-rités une gestion rationnelle des réserves fon-cières pour que les générations futurespuissent en bénéficier.

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Une coopérative agricole de femmes en République démocratique du Congo : dans toute lʼAfrique, les femmes sʼoccupent de la plus grande partiedes cultures mais disposent rarement de titres de propriété à leur nom. Photo : Panos / Giacomo Pirozzi

L'accès à la terre, un frein à l'émancipation des femmes rurales. Photo : PNUD Togo

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Les autres voix de l’Afrique

Commentaire

Que la société civilese détermine

Le Sénégal a souvent été cité en exempleparmi les pays réputés champions en ma-tière dʼélaboration de bons textes. Mais, à

bien des égards, dans les faits, lʼapplicabilitédes dispositions pose problème. Pris sous lʼan-gle de la réforme foncière, il est difficile de dé-mentir une telle réalité. Dès les premièresannées dʼindépendance, en 1964, le Sénégala eu à mettre en place la première réforme fon-cière en Afrique noire francophone, à travers laLoi sur le domaine national. Cinquante ansaprès, voilà ce pays encore penché sur le dos-sier du foncier, avec la mise en place une Com-mission nationale de réforme foncière (Cnrf).

La vision que le gouvernement en a, le mi-nistre de lʼAgriculture lʼa déclinée au premierjour du Forum. Le discours avait la convictiondu politique. Mais faudrait-il fermer les yeux etapplaudir des paroles auxquels servirontdʼécho ceux du président de la Commission dela réforme foncière ? Les faits du passé ne doi-vent-ils pas pousser à plus de prudence ?

La boulimie foncière au niveau des terres delʼaéroport Léopold Senghor et les plaies cau-sées par lʼaccaparement des terres de Fanayeainsi que de Mbane, sans que lʼEtat puisse yapporter des remèdes idoines, continuent dʼen-tretenir des conflits avec les populations. Sansoublier la non application de certains volets dela Loi sur le domaine national comme la notionde résidence et de mise en valeur, par lʼautoritéadministrative.

Au regard de cette situation, la société civilene devrait-elle pas avoir une analyse critique etsans complaisance du discours servi par lesautorités, jouant ainsi son rôle de veille etdʼalerte ? Cʼest bien de se féliciter de la visionde lʼEtat en matière foncière incarnée par le mi-nistre de lʼAgriculture, mais cʼest encore mieuxde se poser en sentinelle et ne pas se limiter àdes propos du genre : «Cʼest un bons discourset on attend les actes.» Faudrait-il attendre àce que des décisions soient prises pour ruerdans les brancards ?

Cʼest en ce moment où le processus sur laréforme foncière est dite inclusive, comme onlʼannonce urbi et orbi, que les axes doivent êtrebien définis et les repères posés, au lieu de selimiter à de simples recommandations en atten-dant la décision finale qui pourrait être fatale.

Pour jouer ce rôle, il faudrait aussi que la so-ciété civile reste dans son domaine de défini-tion. Sinon comment comprendre que certainsexperts fonciers, membres de cette même so-ciété civile, puissent accepter dʼêtre les consul-tants de cette la Commission de réforme pourensuite changer de costume pour défendre lesintérêts des communautés qui peuvent être àlʼopposé ?

Cette double identité peut gêner et nuire auregard critique que devraient avoir ces mem-bres de la société civile dans le processus encours. De toute façon il nʼest pas encore troptard pour bien faire et ce forum offre une véri-table opportunité aussi bien pour lʼEtat que lasociété civile pour poser les vrais débats sur laréforme foncière au Sénégal. Honni soit qui maly pense. n

EXPLOITATIONS FAMILIALES

Les oubliées des politiques foncièresLes politiques publiques ne favorisent pas toujours lʼagriculture

familiale, le cadre légal non plus. Dès lors, un peu partout en Afriquela situation des petits producteurs ne cesse de dégrader.

Lʼexemple du Mali dans le domainedes exploitations familiales est édi-fiant en matière de reniement poli-

tique. En 2005, les organisationspay sannes de ce pays saluaient la poli-tique dʼun gouvernement décidé à lesécouter et à tenir compte de leurs avispour la définition dʼune politique agricole.Selon la Coordination nationale des orga-nisations paysannes (Cnop) dont un desmembres a participé à une plénière duForum sur lʼavenir des systèmes agri-coles de petite échelle. Il a suffit dequelques années pour que le même gou-vernement change de braquet et revoit sapolitique en procédant à une cessionmassive de terres à des in vestisseursétrangers. Un déplacement de milliers devillageois sʼen suivit

Le cas du Mali nʼest pas isolé. Un peupartout en Afrique la situation des petitsproducteurs ne cesse de dégrader. Dé-possédés de leurs terres pour des raisonsde sécurité alimentaire, les investisseursétrangers qui en héritent pour constituerde grands espaces nʼont dʼintérêt quepour lʼagro business. Les populations deszones où sont implantés les projets necessent de se mobiliser pour contester,révoltées par la situation de pauvretédans laquelle elles sʼenfoncent parce queprivées de leurs terres.

A Ndiael, dans le nord du pays, 20 000hectares ont été octroyés à Senhuile-Se-néthanol. Lʼopposition des populations àlʼaccaparement de leurs terres et leursmarches de protestations nʼont pas em-pêché le déroulement du projet. Les in-vestisseurs sont devenus des ennemisdes populations, là où les vrais accapa-reurs de terres sont les Etats qui cèdentdes milliers et des milliers dʼhectares.

Le cadre légal qui encadre la cessionde terre existe dans les dispositifs juri-diques, mais leur application fait défaut.Les clauses des contrats restent secrèteset pourtant les entreprises étrangères nesont pas les seuls investisseurs privés.Les agriculteurs dans les exploitations fa-miliales sont également des investisseursprivés, mais il manque des politiques pro-tectrices alors que le paysan a lui aussibesoin de sécurité. Cʼest un droit légitime,puisque 70% des produits agricoles pro-viennent des exploitations agricoles depetite échelle.

Les politiques publiques ne favorisentpas toujours lʼagriculture familiale, lecadre légal non plus. Il faut donc des po-litiques pour accompagner les agricul-teurs nationaux dans leurs initiatives afinque leurs investissements soient «plusimportants, efficaces et durables avecmoins de risques», suggère Auxtin Ortizdu Forum rural mondial. Lʼagriculture fa-miliale à petite échelle a un potentiel et

peut être développée à grande échelle,avec la mise en œuvre de plans de déve-loppement agricole porté sur les exploita-tions familiales.

On ne parle pas assez du potentiel desexploitations familiales. Les soutenir est«un choix économique qui a un impactsurtout sur la lutte contre le chômage»,soutient le vice-président du Fonds inter-national pour le développement agricole(Fida), Michel Mordasini.

Dʼautres défis sont aussi à relever enAfrique, comme la lutte contre la pau-vreté, la préservation des ressources etlʼoccupation dʼune nombreuse maindʼœuvre. Lʼagriculture familiale peut jouerun rôle important à condition quʼon entienne compte quand on élabore les poli-tiques foncières. Mais les exploitants agri-coles devraient aussi avoir despro ductions diversifiées allant du maraî-chage à lʼaquaculture, en passant parlʼaviculture pour multiplier leurs opportu-nités. n

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Au rythme où lʼagrobusiness accapare lesterres, les perspectives qui se dessinent destinentles populations rurales, notamment les jeunes, àun avenir dʼouvriers agricoles. Le fait commencemême à sʼancrer dans les réalités. Au Sénégal, unrapport récemment publié par le Conseil des Ongdʼappui au développement renseigne que «80%des femmes nʼont pas un accès direct au foncieret 24% lʼutilisent à travers les petites exploitationsfamiliales». Selon cette étude, 18% des femmessʼadonnent à la location de terres. De même, 77%des jeunes nʼont pas un accès direct au foncier et54% dʼentre eux exploitent la terre à travers leschamps familiaux. Des disparités à corriger silʼEtat veut développer une économie inclusive. n

B. FAYE

Aminatou AHNE

AGROBUSINESS ET EXPLOITATIONS FAMILIALES EN AFRIQUE

Des ministres en quête de coexistence pacifiqueLes réformes en cours dans plusieurs pays africains ne peuvent manquer de préoccuper des communautés

locales. Avec lʼencouragement de bailleurs de fonds, nombre de gouvernements laissent apparaitre une volontéde promouvoir lʼagrobusiness dont le développement est plutôt asphyxiant pour les exploitations familiales.

Entre ministres sénégalais, malawite,camerounais et malgache en chargedes questions foncières, lʼobjectif des

réformes ne prête pas à équivoque. Cespays ont entrepris des processus de révi-sion du droit foncier pour deux raisons : sé-curiser mais surtout faire place àlʼagrobusiness. La table ronde qui a mar-qué la première journée du Forum fonciermondial dédiée à lʼAfrique, a été lʼoccasionpour les gouvernements invités de parta-ger leurs expériences de gouvernance desterres.

Secrétaire dʼEtat à lʼAgriculture, Mous-tapha Lô Diatta a rejoint ses homologuesafricains dans la quête en cours dʼune«cohabitation et dʼune complémentarité»entre les exploitations familiales et lʼagri-culture industrielle. Tout comme la Banquemondiale appuie le Programme de déve-loppement inclusif et durable dʼagrobusi-ness au Sénégal (Pdidas), elle soutient laréforme en cours au Malawi. Lʼinstitutionfinancière nʼest pas non plus insensible àce qui se passe au Madagascar, où le mi-nistre en charge de lʼAménagement duterritoire, Rivo Rakatovao, annonce ledépôt dʼun projet de loi à lʼAssemblée na-tionale dans les prochains jours. Ce payssouffre toutefois dʼune centralisation de lagouvernance foncière au moment où il estla risée des promoteurs de lʼagriculture in-dustrielle. Les investisseurs étrangers, re-

connait Rakatavao, ne sont pas indiffé-rents aux «10% de terres cultivables» deterritoire malgache.

QUETE D’UNE APPROCHE ADEQUATESi ces ministres sʼaccordent à dire

quʼune bonne gouvernance foncière estun facteur de développement, ils recon-naissent par ailleurs que lʼapproche quiprendrait en charge, dans une même dy-namique, les préoccupations des popula-tions et de lʼagriculture commerciale nʼestpas encore bien définie.

Dans les faits, les grands investisseursagricoles ne se préoccupent guère du défide la souveraineté, ou tout au moins de lasécurité alimentaire, qui restent des défisque les pays africains déclarent vouloir re-lever depuis les indépendances. Ils préfè-rent investir dans des productions à fortevaleur ajoutée sur les marchés des paysoccidentaux, mais éloignés des habitudesalimentaires locales, et les exporter.

Ministre camerounais des Domaines,du Cadastre et des Affaires foncières, Jac-queline Koung à Bessike propose la défi-nition dʼun espace vital pour les villages,où les paysans pourront habiter et exercerleurs activités de production.

Président de la Commission nationalede réforme foncière, Moustapha Sourang,lui veut agir en amont en permettant auxcollectivités locales de signer des «con -

ventions de partenariat gagnant-gagnant»avec les investisseurs. Cette démarchevise à amener lʼindustriel à sʼengagerdans des réalisations sociales et environ-nementales en échange de la parcelle quelʼautorité locale va lui affecter «sous formede bail», un titre sécurisant.

Toutefois, ce mode de gouvernance,une fois validé, peut encourager la ruéedes promoteurs agricoles étrangers enAfrique. Or à lʼéchelle mondiale, les chif-fres peuvent inquiéter. Selon un documentrendu public par Action Aid International,qui cite lʼorganisme Land Matrix, les États-Unis sont à lʼorigine de la plupart des in-vestissements conclus, avec 7,09 millionsdʼhectares. Ils sont suivis par la Malaisie(3,35 millions ha), les Émirats Arabes Unis(2,82 millions ha), le Royaume Uni (2,96millions ha), lʼInde (1,99 millions ha), Sin-gapour (1,88 millions ha), les Pays-Bas(1,68 millions ha), lʼArabie saoudite (1,57millions ha), le Brésil (1,37 millions ha), etla Chine (1,34 millions ha)».

Une autre étude menée par la DeutscheBank Research met en lumière lʼexistencede trois grands groupes dʼacteurs écono-miques impliqués dans le secteur desterres agricoles. Il sʼagit des gouverne-ments cherchant à acquérir de la terre àlʼétranger, dʼentreprises agricoles et desinvestisseurs financiers. n

B. FAYE

Marthe Nzabakurana,membre dʼune associa-tion de cultivatrices auRwanda : le gouverne-ment a adopté une loi quiaccorde aux femmes lesmêmes droits quʼauxhommes en matière dʼhé-ritage de terres et dʼau-tres biens, contrairementaux traditions qui privilé-giaient les hommes.Ph.: Panos / Crispin Hughes

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Découvrir que lʼEurope nʼest pasen réalité «un exemple phare» debonne gouvernance foncière,

peut surprendre plus dʼun. Mais nonseulement le «vieux continent» connaîtune forte concentration foncière, lʼac-caparement des terres y progresse,surtout dans sa partie orientale, si lʼonse fie à Mathieu Perdrio, chargé du dé-veloppement et des projets de lʼasso-ciation Amélioration de la gouvernancedes terres, de lʼeau et des ressourcesnaturelles (Agter).

Basée à Paris, Agter cherche àcontribuer à lʼélaboration de proposi-tions de réponses avec des Ong, des

organisations de producteurs et desacteurs institutionnels. Ce qui a motivésa réaction, cʼest le fait quʼil ait étéconstaté une accélération des proces-sus relativement anciens qui se démul-tiplient aujourdʼhui, avec lescon centrations des droits sur les res-sources naturelles et sur les terres.

En Europe de lʼest, la chute du blocsoviétique a entrainé un transfert desdroits des ouvriers et des unités collec-tives de travail. Des acteurs privés sontalors arrivés et ont pu mettre la mainsur des ensembles fonciers de plu-sieurs dizaines de milliers dʼhectares.Les ouvriers nʼétant pas en mesure de

cultiver ces espaces, ils nʼont pu faireautrement que de donner leur droitdʼusage aux plus offrants.

Cʼest ainsi que de gros financiers etdes acteurs de lʼagri-business ont com-mencé à passer des contrats de bailavec des centaines de milliers de dé-tenteurs de titres dépourvus de toutmoyen pour mettre en valeur leursterres.

Dans la lutte contre cette forme dʼac-caparement de terres, Agter essaie dedéconstruire le mythe de la plusgrande efficacité de lʼagriculture sala-riale à grande échelle.

Au prochain forum qui portera surlʼaccès à la terre, Mathieu Perdrio con -fie que lʼAgter mettra sur la table cettequestion pour voir comment allier agri-business et exploitation familiale. n

A. AHNE

Dès quʼon parle dʼaccaparement de terres, tous les esprits se tour-nent vers les pays du Sud, en particulier vers le continent africain.Pourtant, le phénomène nʼépargne pas lʼEurope, notamment lespays de lʼEst.

Enjeu décisif pour l’implication des acteurs locaux dans la gestion des terres

Les autres voix de l’Afrique

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C M J N

DEVELOPPEMENT ET POLITIQUE FONCIERE EN AFRIQUE

Jouant un rôle primordial dans lespolitiques publiques en Afrique, lefoncier fait lʼobjet dʼune convoitise

sans commune mesure. Les agricul-teurs vivant dans le monde rural voienten la terre le moyen de survie suscep-tible dʼêtre transmis dʼune génération àune autre. Dès lors, se pose la ques-tion de sa sécurisation par tous les ac-teurs qui dʼhabitude se le disputent.

Les réformes en cours en Afrique seprésentent comme une réponse à ap-porter aux nombreux différends qui op-posent investisseurs étrangers etproducteurs locaux, ou encore Etat etautorités locales. la promotion dʼun en-semble de mesures est lancée afin desécuriser les terres avec le respect detous les droits. Chef traditionnel auGhana, Awulae Amihere Kpanyili IIIsʼinscrit dans cette dynamique. Lepanel sur «les politiques foncières etles collectivités locales», tenu mardi 13

mai, dans le cadre du Forum, a étépour lui lʼoccasion dʼun plaidoyer envue dʼune implication des acteurs tradi-tionnels dans la gestion foncière, sur-tout en milieu rural.

Un plaidoyer qui apparait légitime silʼon sait que dans certaines zones oùse déroulent des exploitations minières,par exemple, les populations ainsi queles autorités locales sont presque tou-jours mises devant le fait accompli.Elles ne reçoivent presque jamais dʼin-formations avant lʼimplantation dʼunesociété dans leur zone. Cʼest pour met-tre fin à de telles pratiques quʼau Ca-meroun, note une des panelistes,lʼimplication des populations est jugéeprimordiale avant la réalisation dʼunquelconque projet. Il sʼagit ainsi de pré-venir des hostilités qui finissent par de-venir dramatiques sur le long terme.Mieux, les investissements arrivent àse réaliser sur en partenariat avec les

populations. Des efforts doivent continuer dʼêtre

consentis pour que des telles politiquessoient effectives et continues. La miseen place dʼune Commission nationalede réforme foncière, rattachée directe-ment à la présidence de la République,dénote dʼune implication au plus niveausur la question. Toutefois, lʼEtat doit êtreplus vigilant pour la garantie réelle dʼunéquilibre social autour du foncier. Laterre est toujours source de conflit, sur-tout quand les limites ne sont pas biendéfinies entre lʼagraire et le pastora-lisme.

Au Niger, apprend-on du secrétairepermanent du Code rural, la situationest des plus confuse. Non seulementles zones ne sont pas délimitées, maisles chevauchements dʼinstitutions et detextes conduisent à un mélange entrele niveau local et le niveau central, sou-ligne Alhou Abey Bazou. n

Il est difficile de saisir ce sur quoi se fondent les approches par rapportà la gestion du foncier en Afrique. Nombre de pays ont entrepris des ré-formes, mais la place qui revient aux autorités locales et populations au-

tochtones ne répond pas toujours aux attentes de ces dernières. Alors quʼelles sont au cœur de la question.

Aminatou AHNE

De beaux discours en attendant les actes

Le Sénégal est-il en phase de réussir la réforme fon-cière amorcée depuis lʼaccession à la magistraturesuprême du président Macky Sall ? A écouter les dis-

cours du président de la Commission de réforme fon-cière, le professeur Moustapha Sourang et du ministre delʼAgriculture Pape Abdoulaye Seck, lors du Forum fonciermondial tenu à Dakar, on peut, à prime abord, dire que lavoix est bien tracée. Reste le «mais»…

Dʼabord cʼest Pr Moustapha Sourang qui donne le tonpour dégager tout soupçon, en parlant de « démarche in-clusive » dans le processus de la réforme foncière. En-suite cʼest autour du ministre de lʼAgriculture qui leconforte dans ses propos et donne lʼassurance quʼ«ici auSénégal nous ne sommes pas pour un marché foncierrural assimilable à un accaparement des terres». Etdʼajouter que «les questions des gouvernances foncièresdoivent tenir compte des jeunes, des femmes des handi-capés mais aussi des éleveurs qui ont besoin dʼespace».

Devrait-on se limiter à ces belles déclarations pour endéduire que le combat est déjà gagné, si lʼon sait que laquasi-totalité des réformes politiques foncières annon-cées par les différents gouvernements ont toujoursétaient remises aux calendres grecques ? En tout cas

Une chose est sûre. Les faits qui se sont succédés de-puis des années en terme dʼaccaparement des terres etde boulimie foncière voudraient quʼon soit circonspect parrapport à de telles déclarations. Surtout au regard destragédies causées, dans certaines zones, par le non ap-plication de certaines dispositions de la Loi sur le do-maine national de 1964 concernant les notions derésidence et de mise en valeur. Lʼexemple des terres deFanay et de Ourour pour ne citer que, celles-là, prouve àsuffisance.

A cause du non-respect de ces dispositions, les popu-lations se sont soulevées contre lʼagression de lʼagrobu-siness rendue possible par lʼaffectation de 20  000hectares des terres de Fanay à la multinationale Senhe-tanol et contre lʼaffectation de 750 hectares des terres deOurour donnés à la société African National Oil Corpora-tion (Anoc) pour la culture du jatropha. Des conflits auxconséquences douloureuses, avec morts dʼhommes, ontlaissé des traces indélébiles dans la mémoire des com-munautés.

Cʼest fort de ces expériences quʼune partie de la so-ciété civile, sʼest voulue prudente - même si certains deses membres qui participent au Forum ont applaudi – de-vant les propos du ministre de lʼAgriculture pour déclinerla «vision» du gouvernement sur le processus de la ré-forme foncière amorcé. Cʼest le cas de Thierno Cissé, as-sistant du coordonnateur du Conseil national deconcertation des ruraux (Cncr), qui, bien que appréciantle discours du ministre tel que formulé, souhaiterait que«la mise en œuvre puisse être discutée pour voir la meil-leure formule permettant dʼintégrer les deux types dʼagri-culture. Et éviter que lʼagrobusiness soit un prétexte pourlʼaccaparement définitivement des terres au Sénégal».

Une préoccupation partagée par Amadou Kanouté, di-recteur exécutif de lʼInstitut panafricain pour la citoyen-neté, les consommateurs et le développement (Cicodev),coordonnateur du comité dʼorganisation du Forum, quidéclare en plus que «cʼest très beau dʼentendre que nousnʼaccepterons pas un marché foncier rural, mais il fautquʼon sʼassure que ce qui est dit colle à la réalité».

Eu égard à toutes ces considérations, il reste évidentque la réforme foncière au Sénégal est devenue plusquʼune nécessité. Mais une chose est sûre : quelle quesoit la politique foncière et la loi foncière qui doit sortir duprocessus de réforme en cours, il est important de garderle contrôle de la terre. n

REFORME FONCIERE AU SENEGAL

Jacques Ngor SARR

Quand le Mur de Berlin s’effondra…ACCAPAREMENT DE TERRES EN EUROPE

Une réunion de lʼObservatoire du Foncier tenue à Addis Abeba du 11 au 14 Novembre 2014 avec comme thème :«Les politiques foncières en Afrique au cours de la prochaine décennie : assurer le développement agricole et lacroissance inclusive».

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Les autres voix de l’Afrique

C M J N

Des Etats cupides, des populations spoliéesLʼappel aux investisseurs étrangers devient une porte ouverte à tout. Dans certains cas, la pertinence

des investissements est non seulement douteuse, mais visiblement préjudiciables aux populations etaux autorités locales.

Les politiques des ajustementsstructurels imposés aux pays afri-cains et la libéralisation des mar-

chés au début des années 1980 ontbouleversé les économies sur le conti-nent pendant des décennies. Devantles situations de crise qui se sont ins-tallées, la course recherche effrénéedʼinvestisseurs a poussé les gouverne-ments à tailler leurs lois à la juste me-sure des appétits privés étrangers. Laterre nʼy a pas échappé. Non seule-ment chaque pays facilite les investis-sements aux plus offrants, mais fait deson mieux pour être plus attractif queson voisin.

Pour analyser ce phénomène et sesimpacts sur les ressources du conti-nent, au cours du panel portant sur « laterre et lʼinvestissement en Afrique»,

Amadou C. Kanouté, directeur de Cico-dev, sʼest appuyé sur lʼexemple diffé-rents codes miniers lancés dans lacourse à lʼattractivité, dʼun pays à unautre. Et les multinationales bénéfi-ciaires de ces cadres propices à leursinvestissements, bafouent les droitsdes populations autochtones. Unexemple parlant est celui du village deKhoudia Diène, à quelque 70 kilomè-tres de Dakar. Une étude montre quedes exploitations minières présentesdans cette zone ont été installées sansétude dʼimpact en viron nemental. Cʼestseulement deux ans après leur implan-tation que les entreprises se sont sou-mises à cette exigence qui devait êtreun préalable.

Dans dʼautres localités où prospèrentdes industries extractives, cʼest le mon-tant des indemnités de compensationsversées aux populations pour leursterres perdues qui est tellement déri-

soire que les révoltes finissent par sʼensuivre. Ce fut le cas à Diogo, dans larégion de Thiès, avec lʼexploitation duzircon. Ou encore à Ourour, dans la ré-gion de Kaolack, où la société AfricaNational Oil Corporation a payé 20 000F par hectare aux paysans, pour entreren possession de 720 hectares en vuede produire de lʼhuile de jatropha.

Cʼest fort de ces constats que lesgouvernants africains sont exhortés àmettre en place des mécanismes poursécuriser les terres, mais aussi à impo-ser la transparence aux investisseursétrangers.

Détenant 50% des terres arables dumonde, lʼAfrique devrait privilégier lespropriétaires de ces terres afin quʼilspuissent devenir investisseurs, soutien-nent les acteurs de la société civile.Cʼest le préalable pour sʼassurer unesouveraineté alimentaire à courteéchéance. n

INVESTISSEMENTS ETRANGERS EN AFRIQUE

Aminatou AHNE

«Sans le travail des médias la réforme foncière ne pourrait aboutir au Sénégal»

Quel est lʼintérêt de collaboreravec les médias dans un pro-jet sur la gouvernance fon-

cière ? Libasse Hanne  : Dans le cadre

dʼun partenariat que nous avons aveclʼUnion européenne, lʼInstitut Panosavait initié un projet intitulé «Médiasfemmes et jeunes : Coopérer pour undébat critique et inclusif sur la gouver-nance du foncier au Sénégal». Ilsʼagissait de sʼappuyer sur les médiaspour ouvrir un débat qui permettraitaux femmes et aux jeunes de donnerde la voix afin dʼêtre pris en comptedans le processus de la réforme fon-cière qui est en cours au Sénégal.

Il faudrait que certaines couchesmarginalisées dans la gestion foncièrepuissent se faire entendre par le biaisde lʼinformation et de la communica-tion. Cʼest pour cela que nous avonscherché à utiliser les capacités of-fertes par les médias pour les connec-ter avec les acteurs de la réforme, afindʼamplifier leurs voix pour quʼellespuissent être entendues des déci-deurs quand il sʼagira de définir desaxes de la réforme.

Quels enseignements peut-ontirer de ce travail avec les médiasaprès des années de collabora-tion ?

Sans le travail des médias, la ré-forme foncière ne pourrait aboutir auSénégal. Nous avons cherché à poserdʼabord un débat au niveau local enformant les médias à utiliser des for-mats simples et innovants commelʼutilisation du témoignage oral. Cʼest

une méthodologie de recherche enaction sociale quʼon a adaptée à laradio pour produire des magazines etdocumentaires qui permettent dʼinfor-mer, dans les langues locales, les po-pulations, sur les grands enjeuxfonciers et les problèmes vécus parles populations. Cʼétait aussi pourcombler le vide informationnel danscertaines localités.

Sur le plan de lʼinvestigation, nousavons travaillé avec les médiasmainstream, qui, à partir de lʼinvesti-gation journalistique, ont pu éclairer lalanterne des citoyens sur les vérita-bles enjeux qui se cachent derrièrelʼaccaparement des terres et sur le fai-ble accès des femmes et des jeunesà la terre. Ces investigations ont com-mencé à régler des problèmes extra-ordinaires au Sénégal.

Y a-t-il dʼautres formats que lʼIns-titut Panos utilise dans le cadre dece travail ?

Il y a également les débats en radio.Cʼest pour permettre aux communau-tés, affectées par des phénomènescomme lʼaccaparement des terresliées à la mal gouvernance foncière,de sʼasseoir autour dʼune table avecdes décideurs et dʼautres acteurs pourfaire prévaloir leurs préoccupationsdans le cadre dʼéchanges interactifs.

La démarche de concertation initiéepar ceux qui sont chargés de piloterce projet est classique. On se déplacedans les localités, on regroupe les lea-ders dans le cadre de fora qui ne peu-vent mobiliser plus de cent personnes.Or une simple émission à la radio peutpermettre de toucher dans la localité30 à 40 000 personnes. La puissanceque les médias peuvent apporter danslʼinformation entre décideurs et admi-nistrés est énorme.

Je pense que le rôle dʼintermédia-tion social des médias doit être pris ausérieux par ceux qui pilotent le pro-cessus de réforme foncière au Séné-gal parce que sans les médias quijouent le rôle de transmetteurs de lʼin-formation, je ne suis pas sûr que leprocessus puisse trouver un aboutis-sement consensuel

Lʼautre format non moins important

cʼest la mise en place de clubs radiocitoyens avec lʼappui des organisa-tions communautaires de base qui ontdes problèmes fonciers.

Dans une approche de résolutiondes problèmes, on a initié une métho-dologie qui permet, dans un cycle quicomporte beaucoup dʼémissions, departir de lʼidentification dʼun problème,de faire réagir les membres du club etde créer un processus qui mène à undébat de clarification, afin de trouverune solution avec les décideurs pourenfin terminer par une émission debouclage qui fait lʼhistorique du pro-blème. Nous avons appliqué cetteméthodologie dans beaucoup de loca-lités au Sénégal.

Quʼest-ce que des rencontrescomme le Forum foncier mondialqui se déroule à Dakar peuvent-elles apporter de plus à ce travaildont lʼobjectif est la bonne gouver-nance foncière ?

Nous avons des expériences dʼor-ganisation de débats publics sur desquestions dʼenjeux fonciers mais leSénégal à beaucoup à gagner en re-cevant ce forum, parce quʼil y a despays très en avance qui ont dépasséle stade de discussions pour aboutir àune réforme foncière consensuelle.Le Sénégal pourrait beaucoup ap-prendre de ces expériences.

Et quʼest-ce que le Sénégal peutapporter aux autres pays partici-pants puisquʼon parle dʼéchangesdʼexpériences ?

Notre pays a des expériences queles pays qui ont participé à ce forumpourraient capitaliser pour voir com-ment, en utilisant simplement les mé-dias, on pourrait identifier un problèmeet le résoudre sans effusion de sang.Il serait important que les autres paysessaient de voir comment les journa-listes sénégalais, même si cʼest unnombre assez restreint, ont pu fairepour mener une démarche dʼinvesti-gation grâce à la technique de lʼen-quête par hypothèse pour aboutir àune nationalisation de problèmes lo-caux.

Ces rencontres sont des occasionsde confrontations dʼexpériences et jepense que toutes les parties ont à ga-gner. n

LIBASSE HANNE - Chargé des Programmes Bonne gouvernance à l’Institut Panos Afrique de l’Ouest

Propos recueillis par Yacine CISSE

LʼInstitut Panos Afrique delʼOuest anime depuis quelquesannées un projet de bonne gou-vernance foncière. En sʼap-puyant sur les médias, il sʼagitdʼinformer et de faire lʼintermé-diation entre décideurs et po-pulations autour des questionsfoncières. Son chargé des pro-grammes revient sur le rôlecentral des médias dans laveille pour la bonne gestion desressources publiques.

Le Malawi est cité en exemple dans la façon dontlʼEtat mène la politique foncière, pouvez-vousnous dire les actes posés par votre pays ?

Emmanuel Laka : Le gouvernement du Malawi a com-mencé la réforme foncière avant que lʼUnion africaine nemette en place une politique visant la réforme foncièredans les pays africains. Ainsi la collecte et la rechercheimpliquant tous les acteurs du foncier avait été lancée.Dès lors, une politique dʼinformation consistant à revoirla politique de la réforme foncière a été envisagée pourvoir les terres dont certains avaient héritées de leurs an-cêtres. Lʼautre point était de voir comment lʼEtat utilisaitles terres et comment le gouvernement les gérait et lesdistribuait. Après cela, le président de la Républiquenomma une personne pour diriger cette réforme foncière.Celui qui a dirigé ces réformes présenta son rapport en2000, approuvé en 2002.

Comment les populations ont-elles accueilli cettedémarche ?

Après lʼapprobation du rapport par le cabinet présiden-tiel, le ministre de la Justice a été saisi pour faire de cesrésultats une loi parlementaire. La société civile voulaiten sus un large consensus sur son propre rôle, celui deschefs traditionnels ainsi que des propriétaires des terres.La loi a été portée à lʼAssemblée pour la première fois en2006, mais elle a été rejetée par les parlementaires quiavaient décelé des manquements et des failles. Elle estrevenue à lʼAssemblée en 2013, mais des amendementsont été faits. Du coup elle nʼa pas pu être votée. Elle re-viendra toutefois à lʼAssemblée au mois de novembre etpourra certainement être votée par la majorité des parle-mentaires.

En fait, les parlementaires nʼont pas adopté la loi quandelle a été amenée à lʼAssemblée parce que des pro-blèmes majeurs restaient sans réponses. Les députés sedemandaient si la faisabilité et la durabilité prévues suffi-ront pour appliquer la loi. La domanialité est aussi un pro-blème à résoudre ainsi que les enregistrements quedoivent effectuer ceux qui ont des terres. Cela demeureune obligation si on hérite dʼune terre.

Toutefois, il faut relever un souci non négligeable à sa-voir la perte que vont enregistrer les chefs traditionnels.Quand la loi sera votée, ils nʼauront plus de terre et cʼestla raison pour laquelle il faut trouver une réponse à cettesituation.

Quʼest-ce que les autres pays africains peuvent ap-prendre de votre pays en matière de gouvernancefoncière?

Le Malawi a réussi à mettre en place un climat apaiséen adoptant une démarche inclusive dans la gestion fon-cière. Il a impliqué la société civile dans la réforme fon-cière et a également réussi à éviter des conflits entre lesdifférents acteurs. n

EMMANUEL LAKACoordonnateur national du foncier au Malawi

«On a pu avoir un climat apaiségrâce à une démarche inclusive»

Propos recueillis par A. AHNE

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En cette matinée de mai, lʼentréeprincipale du King Fahd Palaceoù se tient le Forum foncier

mondial fourmille de monde. Deshommes et des femmes venus detous les continents sont réunis letemps dʼune pause café.

Autour des tables, des conversa-tions naissent et des liens se tissententre des personnes qui ne seconnaissaient pas encore quelquesjours auparavant. « Jʼai eu à échan-ger avec des personnes venues desquatre coins du monde. Cʼest uneexpérience fort enrichissante pourmoi», se réjouit Amalia, une gha-néenne. En effet, le pari de la diver-sité semble avoir été remporté.

Plusieurs nationalités sont repré-sentées. A travers leur habillement,certains participants constituent unevitrine pour leur culture. Cependant,la diversité linguistique ne facilite

pas toujours les échanges. «I donʼtspeak french, sorry» est la réponsela plus courante lorsque lʼon essaiedʼentrer en communication. La lan -gue de Shakespeare semble lʼem-porter sur toutes les autres. Mais laconvivialité et la bonne humeur arri-vent à triompher de cette barrière lin-guistique. Certains essayent tantbien que mal de se faire compren-dre. Cʼest dans un français dé-brouillé mais correct que TomGoodfellow nous apprend quʼil estprofesseur de Géographie Interna-tionale à lʼUniversité Sheffiled en An-gleterre. Avec ses sept étudiants quilʼaccompagnent, il compte assurerune couverture médiatique duForum fon cier mondial (Ffm) dansles réseaux sociaux. «Pour eux cʼestune occasion de faire des décou-vertes. Et en même temps ils vontpartager ces découvertes grâce àFacebook et twitter», explique-t-ilavec un accent britannique.

Haingo Randrianomenjanaharyespère lui aussi découvrir et appren-dre. Ce Malgache est le président deSolidarité des intervenants sur lefoncier, une organisation qui vient ensoutien aux paysans. «Ici je côtoiedes personnes venues du mondeentier et les échanges sont fruc-tueuses. Jʼespère en apprendreassez pour mieux faire face aux pro-blèmes liés au foncier dans monpays», laisse-t-il entendre avec hu-milité. Il déplore lʼinjustice dont sontvictimes les plus démunis dans lʼat-tribution des terres. «Madagascarpossède dʼimmenses réserves fon-cières, mais elles profitent davan-tage aux riches investisseurs quʼauxhumbles paysans», regrette-t-il.

Une indignation que partage JeanFrançois Mombia. Ce Congolais dela Rdc fait de la lutte contre lʼacca-parement des terres un combat per-sonnel. Sa motivation vient dʼunconstat : au Congo, 2/3 des terres

sont attribués aux investisseurs.Une situation quʼil juge ré vol -tante,  compte tenu de la misèredans laquelle croupit une bonne par-tie de la population. «La terre estlʼunique source de revenus de cer-taines populations. Quand onconfisque la terre, on confisque lavie », sʼindigne-t-il.

Selon lui, cette injustice est res-ponsable de la pauvreté quicontraint des milliers de jeunes Afri-cains à risquer leur vie pour se ren-dre en Europe. «Ces jeunes nʼontaucun espoir dʼavoir des conditionsde vie décentes dans leur proprepays. Voilà pourquoi ils tiennent àpartir à tout prix. Malheureusementlʼissue est souvent dramatique».Une situation quʼil juge dʼautant plusinacceptable que lʼAfrique a toutesles potentialités pour retenir ses fils

et leur offre une vie convenable. Ilestime que le rôle du Forum fonciermondial ne devrait pas se limiter àémettre des recommandations.«Des textes existent. Le problèmecʼest comment pousser les Etats àles appliquer pour mieux protégerles populations vulnérables».

Le Forum se poursuit jusquʼau 16mai. Au-delà des discussions nour-ries sur des sujets liés au foncier,cette rencontre internationale per-met à certains participants de dé-couvrir le Sénégal pour la premièrefois. «Cʼest un pays qui a unegrande renommée et je suis heu-reux dʼy séjourner», se réjouit WirsiyEmmanuel. Venu du Cameroun, lejeune homme semble conquis. Il es-père profiter des visites de terrainprévues pour la dernière journéepour mieux connaître le Sénégal. n

Les autres voix de l’Afrique

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TémoignageNDIOUCK MBAYE

Elle passe plus inaperçuedans la région de Kao-lack du fait de son com-

bat pour lʼaccès des femmesà la terre. Elle, cʼest NdiouckLy Ndao Mbaye. Présidentede la Fédération nationaledes associations fémininesdu Sénégal, elle préside

aussi la Fédération des femmes rurales du Sénégal,tout comem elle fait office de conseillère municipaleet de conseillère économique social et environne-mental. Autant de responsabilités qui découlent dedétermination à conscientiser les femmes sur leursdroits, mais aussi un engagement qui lui a valu, dela part de certains villageois dans la zone du Saloum,dʼêtre lʼobjet de vindicte et même de menaces demort. Ceux qui ont failli la lyncher un jour «pensentque la terre ne doit appartenir quʼaux hommes». EtMme Mbaye témoigner :

«Jʼai eu une expérience malheureuse dans le dé-partement de Nioro, au village de Ndjigane Sérère.Un jour une femme qui avait perdu son mari estvenue se confier à moi pour ce qui concerne lʼhéri-tage foncier laissé par son époux. Elle mʼa expliquéque la famille de son mari sʼétait réunie et que la dé-cision finale était que ni elle, ni ses enfants ne pou-vaient prétendre à un lopin de terre. Je lʼaiconscientisée sur ses droits dʼaccès à la terre et luiai proposé dʼaller avec elle en justice.

«Il sʼest trouvé que le mari avait fait son testamentavant de mourir, dans lequel il a écrit quʼil cédait sesterres à ses frères et non à ses enfants puisque quela femme nʼavait que des filles. Mis devant le fait ac-compli, les parents de la femme ont protesté et sesont battus avec ceux de son mari au tribunal. Au fi-nish elle a perdu le procès.

«Nous sommes retournés dans son village pourcontinuer le combat. Jʼai appelé la majeure partie desfemmes du village pour leur dire de refuser le diktatdes hommes, car elles aussi ont droit à la terre. Cʼestlorsque certaines ont commencé à se rebeller queles attaques verbales et physiques se sont abattuessur moi. Certains mʼont menacé de mort, si jamais jeremettais les pieds dans ce village. Mais jʼai réussi àchanger la mentalité des femmes sur les questionsfoncières. Jʼai quitté le village tout en leur disant queje reviendrai et que tant quʼil me restera un souffle jedirai aux femmes quʼelles ont le droit hériter de laterre». n Jacques Ngor SARR

Le combat d’une femme pourla terre, au péril de sa vie

DROIT DES COMMUNAUTES AUTOCTHONES A LA TERRE

L’Uefa au secours des pygméesConsidérée comme autochtone, la communauté pygmée

est victime de lʼaffectation de ses terres ancestrales à desfirmes étrangères du bois, par gouvernement de la Ré-

publique démocratique du Congo. Selon le rapportJackson&Lattimer publié en 2004, elle fait environ 250 000personnes qui vivent essentiellement dans les régions delʼEquateur, des Nord et Sud Kivu. Créée en 1998, lʼUnion pourlʼémancipation des femmes autochtones (Uefa) travaille pourla reconnaissance des droits socio-économiques de ce peuplede forêt.

En partageant son expérience mercredi 13 mai, sa prési-dente Espérance Sonya a affirmé que les pygmées ont été dé-placés de leurs espaces forestières à «coups de matraque».Ils ont été expropriés alors quʼils vivent de chasse et de cueil-lette. Ceci à cause de la loi du 20 juillet 1973 qui a conféré àlʼEtat congolais la gestion des ressources foncières du pays.

LʼUefa a pris lʼinitiative de rencontrer les chefs coutumiers,

mais aussi de louer et dʼacheter des terres avec lʼappui departenaires. «Nous avons acheté 4 ha et construit 10 maisonspour les femmes pygmées grâce à Sonia, une fondation ita-lienne», témoigne-t-elle. Vu que la sédentarité est devenueinévitable à cause de déforestation galopante, lʼassociationest parvenue à louer 18 ha grâce au ministère des Affairesétrangères belges et lʼorganisation Cordaid, depuis six ans.Durant les trois dernières années, précise Espérance Sonya,ce loyer est assuré par lʼorganisme Diakonia.

De nos jours, lʼUefa plaide pour lʼadoption dʼune propositionde loi qui reconnait les droits fonciers des peuples autoch-tones de la Rdc. Dʼoù lʼappel quʼelle a lancé à lʼendroit des or-ganisations qui militent pour le respect des droits humains.

Dans sa démarche, lʼUefa ne défend pas de droits indivi-duels, mais collectifs de la communauté en question car «lesviolations sont subies collectivement». n

B. FAYE

VIIÈME EDTION DU FORUM FONCIER MONDIAL

Le monde sʼest donné rendez-vous à Dakar pour la VIIème édition du Forum Foncier Mon-dial. Des personnes venues des quatre coins du monde se penchent sur les questions liéesau foncier et tentent de proposer des solutions. Ils en profitent également pour tisser des re-lations et découvrir de nouvelles cultures.

Marlyatou DIALLO

Quand la terre réunit le monde

Un campement de pygmées en République démocratique du Congo.

Photo de famille du Forum.

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Dans les pays dʼAmérique latine, les leaders sociaux quisʼactivent contre lʼacquisition de terres à grande échellerisquent leurs vies. Lorsque les intérêts des compa-

gnies sont sérieusement compromis, ces dernières ont re-cours à la violence pour les éliminer. LʼObservatoire pour laprotection des défenseurs des Droits de lʼhomme, partenairede la Fédération internationale des ligues de droits delʼhomme et de lʼOrganisation mondiale contre la torture a re-censé «106 cas de harcèlement à lʼencontre de 282 défen-seurs des droits à la terre et de 19 Ong. Quelque 112agressions ou menaces dʼagression physique ont été no-tées.

Le rapport de 2014 publié par cette organisation renseigneque «les menaces et atteintes physiques peu -vent aller jusquʼà la disparition forcée et le meurtre». Dʼaprèscet observatoire, «les exécutions sont fréquentes, notam-ment en Amérique latine et en Asie». De 2011 à nos jours, il

a répertorié 43 morts dans le monde. Les assassinats sontparticulièrement répandus en  Colombie, au  Guatemala,au Honduras, au Mexique et aux Philippines.

Selon Juan Pablo Chumacero, de lʼInstitut pour le déve-loppement rural de lʼAmérique latine, les activistes de cetterégion sʼélèvent surtout contre «le manque dʼéquité» qui ca-ractérise les affectations des ressources foncières. «Vousrencontrez un paysan qui a du mal à disposer de 4 ha ; làaussi une compagnie étrangère parvient de décrocher300 000 voire 600 000 ha au Brésil, en Argentine, en Colom-bie, etc. Ces firmes exploitent lʼhuile de palme, le jatropha,la canne à sucre ou le soja. Elles sont très puissantes.Quand des personnes menacent leurs projets, elles cher-chent parfois à sʼen débarrasser avec lʼaide de mercenaires.Ces cas de meurtres sont fréquents au Brésil et au Para-guay», confirme ce chercheur.

Ce Bolivien qui prend part au Forum foncier mondial àDakar prend comme repères les «latifundia» pour lesquellesla superficie autorisée est de 5 000 ha.

Au-delà, il peut parler dʼaccaparement de terres. Membredu Mouvement régional pour la terre, M Chumacero souligneque les mouvements sociaux sont assez bien organisésdans cette partie du monde, malgré les assassinats dont cer-tains leaders sont victimes. Parmi les plus célèbres per-sonnes assassinées, il y a lʼactiviste brésilien Nisio Gomestué en novembre 2011. n Birame FAYE

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Les autres voix de l’Afrique

LUTTE CONTRE LES ACQUISITIONS À GRANDE ÉCHELLE

Une vocation à hauts risques en Amérique latineLes leaders sociaux qui luttent pour la défense

des terres des paysans en Amérique latine viventavec la psychose de lʼassassinat. Les investis-seurs nʼhésitent à faire appel à des mercenairespour éteindre des voix qui compromettent leursintérêts. Plus de 40 morts ont été enregistrés dansle monde ces quatre dernières années.

CULTURE D’UN PRODUIT IMPROPRE A LA CONSOMMATION

Mali Biocarburant réussit à sauvegarder la sécurité alimentaireSelon le coordonnateur régional de Mali Biocarburant Sa, son entreprise privée qui sʼactive dans le

business a réussi à faciliter la cohabitation de deux cultures que tout oppose.

Depuis son introduction en Afrique,afin de résorber les problèmesénergétiques, le jatropha curcas

nʼa pas tout le temps donné les résul-tats escomptés. A Ourour par exemple,lʼimplantation de ladite culture en 2008a été néfaste pour les populations quinʼavaient plus de terres où développerleurs cultures vivrières. Alors que, pen-dant près de 7 ans, la société AfricanNational Oil Corporation (Anoc) qui ydéveloppait le jatropha nʼa pas produitun litre dʼhuile. Cependant, cette mau-vaise expérience du jatropha vécue parles habitants de Ourour au Sénégal estbien loin de celle que vit actuellementles Maliens, si lʼon en croit Bara Kas-sambara, coordonnateur régional deMali Biocarburant Sa.

En prenant la parole mercredi auForum foncier mondial, à un panel por-tant sur « durabilité, droits fonciers etgestion environnementale», M. Kas-

sambara a révélé que son entreprisequi fait du business, focalise certes sesactivités sur le biocarburant, mais aréussi à garantir la sécurité alimentaire.Il déclare en sus que la culture du jatro-pha ne compromet pas la culture vi-vrière ou encore la sécurité alimentaire.

Ce pari semble avoir été gagné grâceà une démarche concertée avec lesproducteurs des cultures à haut rende-ments telles que le maïs ou encore lesorgho. Donc, sur le même sol, lʼentre-prise peut avoir du jatropha et des cul-tures vivrières. Lʼexpérience de MaliBiocarburant montre quelque part quela réflexion sur un investissement via-ble est plus que nécessaire pour mieuxgarantir la soutenabilité ou encore ladurabilité des activités des entreprisesdans des zones où la sécurité alimen-taire est menacée.

Conscient que le développement esttout dʼabord global et intégré et quʼil nʼy

a pas de développement séparé, lʼen-treprise privée malienne a su faire desproducteurs des actionnaires sur leurspropres terres.

La transparence prônée dans leurdémarche, a pu faciliter la communica-tion de la base au sommet. Selon M.Kassambara, Mali Biocarburant essaiedʼallier «pertinence, adaptabilité et op-portunité». Ce qui fait que les droitsfonciers et les droits coutumiers des lo-caux sont respectés. Les femmes peu-vent faire du jatropha à travers leshaies vives et ceux qui ont leurs pro-priétés peuvent le faire en plein champ.

Le Coordonnateur de Mali Biocarbu-rant souhaiterait en outre que chaquecitoyen de chaque pays ait un numérodʼidentification nationale par rapport àla terre, pour contribuer à résoudre defaçon significative de nombreux pro-blèmes. n

Aminatou AHNE

«De nouvelles normes de gouvernance pour les in-vestissements du secteur privé dans le foncier»,cʼest le thème de lʼatelier qui a mobilisé jeudi 14

mai lʼOng Oxfam. Selon Chloé Christian, la campagne deplaidoyer mis en œuvre à lʼéchelle internationale a fait quedes compagnies commencent à respecter des droits des po-pulations à la terre. En revanche, pour certaines industriesalimentaires, Il revient aux fournisseurs agricoles de prendreen compte les droits des communautés qui habitent leurszones de production. Ce combat nʼest pas encore gagné. «Ilfaudra beaucoup de temps pour que les producteurs respec-tent le droit des communautés», a reconnu cet agent dʼOx-fam. Des firmes comme Nestlé et Coca Cola, se réjouit-elle,«ne tolèrent plus» des violations des droits sociaux des com-munautés là où elles sont implantées. Dʼoù lʼintérêt pour leReprésentant dʼOxfam Sénégal, Bastiaan Kluft, de maintenirle poursuivre le plaidoyer au niveau mondial. n

RESPECT DES DROITS DES COMMUNAUTES

Oxfam indexe la responsabilitésociétale des firmes

En matière dʼaccaparement des terres dans le monde,on nʼindexe pas le plus souvent la responsabilité descollectivités locales. Le Directeur du Millenium Chal-

lenge Account (Mca) en charge du foncier a déclaré, jeudi14 mai, que «80%» des affectations de terres sont le faitdʼélus locaux. «Donc,  quand on parle dʼaccaparement desterres, il faut parler de responsabilité partagée. Les élus lo-caux affectent des terres à leurs corps défendant peut-être,parce quʼils ne sont ni assistés et ni encadrés», estime M.Diouf. Ce dernier qui partageait lʼexpérience que Mca-Séné-gal à Ngalinka (nord du pays) assure que plusieurs cas dʼaf-fectations massives ont été également faits au profit denationaux dont la capacité de mise en valeur nʼest pas évi-dente. Selon lui, il faut cinq millions de francs Cfa pour amé-nager et irriguer un hectare. Il lui reste à savoir les motifsqui ont guidé des personnes à acquérir 100 à 1000 ha, si cenʼest une volonté de sʼaccaparer de terres. n

ALAIN DIOUF de MCA sur l’acaparement des terres

«80% des affectations sontle fait d’élus locaux»

Une firme comme Nestlé et Coca Cola ne tolèrent plusles violations des droits sociaux des communautés làoù elles sont implantées.

Faire des producteurs des actionnaires sur leurs propres terres.

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Lʼaccès de la femme à la terre est-elleréellement garantie en Côte dʼIvoire ?

Depuis 1998, la Cote dʼIvoire sʼest dotéedʼune loi relative au foncier rural. Elle régitaujourdʼhui la question de la terre. Cette loien son article 1 donne la possibilité à toutepersonne physique ivoirienne de bénéficierdʼun droit de propriété dans le domaine dufoncier rural. Homme comme femme peu-vent bénéficier dʼun titre de propriété. Main-tenant, dans les faits, il faut relever que la loisʼappuie sur le droit coutumier pour gérer laquestion de la terre. Or le droit coutumierdans certaines régions du pays ne favorisepas lʼaccès de la femme à la terre.

Dans beaucoup de communautés en Côte

dʼIvoire, la terre est gérée par les hommes.Cependant, dans certaines régions commeà lʼEst, les exigences coutumières sont en-core plus souples. Des femmes sont déten-trices de terre. Mais il reste que dans larégion du Nord, Ouest, Sud-ouest, etc., lagestion de la terre est une affaire dʼhommes.Malgré nos campagnes de sensibilisation leslignes peinent à bouger.

Y a-t-il des chances que les choseschangent en faveur des femmes ?

Oui, bien sûr. Car il y a une porte qui estouverte par la loi. Le problème se situe au ni-veau de la coutume. Dans certaines cou-tumes, les gardiens de la tradition nous fontsavoir que la terre, cʼest une affairedʼhommes. La femme, pour avoir un lopin deterre, doit faire référence à son mari, sonfrère qui peut lui en conférer pour justelʼusage. Mais pas pour avoir un titre de pro-priété. Sinon la loi ne fait pas de distinctionentre les hommes et les femmes sur la ques-tion.

Selon vous, quelles sont les consé-quences de cette «exclusion» desfemmes ?

Les conséquences sont nombreuses surle plan socio-économique, culturel, politique,etc. La santé financière de la femme dépendde son activité agricole. Et si la terre sur la-quelle elle mène cette activité nʼest pas sé-

curisée, il va sʼen dire quʼelle ne peut pas enjouir dans le long terme. Cette situation ex-clut la femme des activités économiques etsociales. Elle est obligée dʼêtre dépendantede son mari ou dʼun de ses frères parcequʼelle ne gère pas une propriété de façondurable.

A qui incombent les responsabilités?Lʼautorité a sa part de responsabilité, dans

la mesure où la loi quʼelle a prise, rien nʼestfait pour la faire appliquer effectivement surle terrain. Il appartient à lʼEtat de faire com-prendre aux usagers que la femme a lesmêmes droits que lʼhomme sur la terre en

dépit des règles coutumières. Ce sont deshabitudes, des comportements multisécu-laires difficiles à changer. Cʼest pourquoi ilfaut beaucoup de sensibilisation. Ce qui nʼapas été fait. Lʼerreur également a été desʼappuyer sur le droit coutumier. Les initia-teurs nous ont fait comprendre quʼil sʼagissaitdʼavoir un certain équilibre entre droit coutu-mier et moderne. Mais nous avons des mo-tifs de satisfaction car dans certains endroitsoù nous sommes passés, des femmes ontinitié des procédures dʼimmatriculation deleurs terres. n

Entretien réalisé par A. TRAORE

Les autres voix de l’Afrique

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VICTOR NACLAN TOURE - Président par intérim du Club Union Africaine

«Le gouvernant a fait l’erreur de s’appuyer sur le droit coutumier»

C M J N

Editeur :Institut Panos Afrique de lʼOuest

n Editorialiste : Tidiane KASSE

n Rédaction : Aminatou AHNE - Yacine CISSE

Marlyatou DIALLO - Birame FAYE

Fatoumata KANTE - Jacques Ngor

SARR

THIAM Mamadou - Abou TRAORE

n Maquette - Mise en page : Alioune KASSE

n Réalisation : UEMM-IPAO

AMADOU KANOUTE

«L’objectif du Forum est atteint, mais notrerôle en tant que société civile demeure»

Après trois jours de travail, pouvez-vous nous faire le bilan à mis par-court du forum foncier mondial

Amadou C. Kanouté : Dʼabord cʼest lapremière fois, à la 7e édition du Forum fon-cier mondial, que nous avons pu réunir autantde personnes. Au total nous avons accueilli740 personnes et 80 pays sont présents.Donc au niveau mondial, nous pouvons direque ce Forum a un caractère représentatif.Deuxièmement, cʼest la présence des minis-tres africains en charge de lʼaménagementdu territoire, de lʼhabitat, de lʼagriculture dufoncier. On a eu six ministres accompagnésde fortes délégations. Cela montre tout lʼen-jeu que représente le foncier aujourdʼhui enAfrique. Cʼest un acquis et on peut dire quela question foncière est devenue un enjeucontinental.

Mais au-delà de cette représentativité,est ce que lʼobjectif a été atteint ?

Au niveau global, certainement oui. Cʼest àce niveau que nous avons pu poser la ques-tion consistant à dire quʼil faut que tout lemonde sʼaccorde pour une gouvernance fon-cière qui soit inclusive. Toutes les sessionsque nous avons eu sʼaccordent à dire quʼau-jourdʼhui que si on veut aller vers la sécuritéalimentaire, si on veut éviter les conflits, si onveut nous assurer que la terre réponde auxbesoins des citoyens africains, il faut quenous puissions ensemble nous entendre surune gestion foncière qui soit inclusive, parti-cipative.

Les gens se sont entendus aussi sur letemps de lʼaction. Quand les gens disent queles cadres normatifs sont clairs, ça veut direquʼils sont prêts à lʼaction. Mais notre rôle en

tant que société civile demeure. Que le mi-nistre sénégalais dise que nous nʼaccepte-rons pas au Sénégal un marché foncier rural,cʼest un gros acquis pour la société civile sé-négalaise. Que le gouvernement dise quenous ne souhaitons pas que les gens les plusriches puissent venir pour acheter des terreschez nous, parce que après ça sera lʼexclu-sion de la paysannerie, des exploitations fa-miliales, je pense que cʼétait un de nosobjectifs.

Mais tout nʼa pas été rose, quelles sontles insuffisances que vous avez notés ?

On a besoin dʼentendre ça. Mais jusque-làtous ceux qui sont venus vers nous, avant

même lʼévaluation écrite, ont trouvé que surle plan du contenu des débats, sur le plan or-ganisationnel ils étaient très satisfaits. Cer-taines sessions on les avait vouluinteractives, où le modérateur pousse lesgens à sʼexprimer sur des questions spéci-fiques. Et nous avons voulu, dans chacunede ces sessions, prendre quelquʼun qui fasseune communication qui défie les autres dupanel. Vous avez entendu la communicationde Ibrahima Coulibaly où il disait quʼon nepeut pas nous battre contre lʼaccaparementdes terres et demander à nos décideurs detrouver une solution alors que cʼest eux-mêmes qui sont les accaparateurs. Nous

avons voulu que les panelistes réagissent àcela. Mais on nʼa pas toujours pu avoir uneréaction spécifique. Le modérateur étaitobligé chaque fois de leur rappeler la ques-tion. Les gens étaient plutôt braqués sur lacommunication quʼils avaient préparé et quʼilsvoulaient absolument lire. Cʼest un aspect surlequel on était resté sur notre faim. Mais entermes dʼéchanges dʼexpériences, en termesdʼoutils pour rendre la gouvernance foncièreinclusive, équitable, participative, je crois quepersonne ne peut sortir de cette session pourdire je ne sais pas comment mʼy prendre pourfaire en sorte que le processus de réformefoncière ne soit pas inclusive. n

Le président du comité dʼorganisa-tion du forum foncier mondial, Ama-dou C. Kanouté est loin dʼêtre déçupar le déroulement de la rencontre.Après trois jours de travaux, il a faitun bilan à mi-parcours.

Propos recueillis par Jacques Ngor SARR