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Former à la paléographie aujourd’hui L’apport des didactiques et des sciences cognitives à l’apprentissage de la lecture d’archives : Identifier et évaluer les compétences Prévenir et réduire la charge cognitive Expliciter et favoriser le raisonnement Synthèse des notes de recherche 2009-2016 Aude Garnerin, archiviste, formateur, diplômée du master en archivistique de l’Université de Haute-Alsace [email protected]

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Former à la paléographie aujourd’hui

L’apport des didactiques et des sciences cognitives

à l’apprentissage de la lecture d’archives :

• Identifier et évaluer les compétences

• Prévenir et réduire la charge cognitive

• Expliciter et favoriser le raisonnement

Synthèse des notes de recherche 2009-2016

Aude Garnerin, archiviste, formateur, diplômée du master en archivistique

de l’Université de Haute-Alsace [email protected]

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 2

F O R M E R A L A P A L E O G R A P H I E A U J O U R D ’ H U I L ’ A P P O R T D E S D I D A C T I Q U E S E T D E S S C I E N C E S C O G N I T I V E S

A L ’ A P P R E N T I S S A G E D E L A L E C T U R E D ’ A R C H I V E S

S Y N T H E S E D E S N O T E S D E R E C H E R C H E 2 0 0 9 - 2 0 1 6

SOMMAIRE

Introduction

1. Identifier et évaluer les compétences paléographiques ................................................................. 5

1.1. Présentation de la recherche : comment faire progresser les étudiants en paléographie ?

1.2. Cadre théorique et méthodologique : pédagogie, formation professionnelle et didactique

1.3. La recherche : test d’un prototype de formation en ligne intégrant les apports de la lecture pour adultes

1.4. Résultats : cursus et prototype de formation validés, compétences paléographiques formalisées

1.5. Conclusion : la nouvelle formation autour de 5 compétences facilite les progrès en paléographie

2. Prévenir et réduire la charge cognitive en paléographie .............................................................. 25

2.1. Présentation de la recherche : comment faciliter le traitement de l’information paléographique ?

2.2. Cadre théorique et méthodologique : traitement de l’information, charge cognitive et complexité

2.3. La recherche : enseignement explicite et apprentissage en profondeur lors de formations en salle

2.4. Résultats : une charge cognitive réduite et 4 seuils d’apprentissage identifiés chez l’étudiant

2.5. Conclusion : de nouvelles méthodes de travail sécurisent le traitement de l’information paléographique

3. Expliciter et favoriser le raisonnement paléographique ............................................................... 44

3.1. Présentation de la recherche : comment apprendre à raisonner en paléographie ?

3.2. Cadre théorique et méthodologique : psychologie cognitive, didactiques professionnelle et des langues

3.3. La recherche : test d’outils d’observation et d’explicitation des techniques de raisonnement

3.4. Résultats : compréhension facilitée par la résolution de problème et par le traitement du vocabulaire

3.5. Conclusion : l’apprentissage explicite du raisonnement améliore la compréhension de l’étudiant

4. Conclusion générale ................................................................................................................... 68

5. Remerciements .......................................................................................................................... 69

6. Synthèse de la recherche (schémas, résumé général, liste des figures) ......................................... 70

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 3

I N T R O D U C T I O N

La paléographie est une science qui étudie l’évolution d’une langue écrite sur un support souple. Elle sert à déchiffrer des manuscrits anciens. Elle consiste concrètement à "transcrire", c’est-à-dire réécrire un texte ancien manuscrit dans une écriture et dans une langue d'aujourd'hui pour le rendre exploitable et compréhensible. Le résultat de ce travail est une "transcription". La paléographie est essentiellement pratiquée par les historiens, les archivistes ou les généalogistes. Archiviste et formateur occasionnel en paléographie depuis 2001 pour des publics professionnels, étudiants ou amateurs, j’ai constaté que : - de nombreux apprenants en paléographie abandonnent la formation ou stagnent dans leur

apprentissage, - malgré des évaluations positives, les formations animées ne permettent pas un apprentissage rapide ni

durable de la paléographie, - la formation à la paléographie est peu documentée et les pratiques, mal connues.

Une première recherche exploratoire a confirmé les limites actuelles de la formation paléographique :

La formation à la paléographie est marquée par deux nouvelles tendances :

- la demande de formations à la paléographie en France dépasse largement l’offre : La demande est en croissance exponentielle du fait de l’arrivée de millions d’internautes qui consultent en ligne les archives numérisées. Au contraire, l’offre de formation se stabilise ou se raréfie, car complexe, longue, coûteuse à assurer et concurrencée par des formations jugées prioritaires. - la formation semble éloignée des besoins pragmatiques des apprenants (rapidité, traitement de masse, travail informatisé….) qui ne sont plus les érudits du 19

e siècle.

Il n’existe pas de didactique de la paléographie qui permettrait de réfléchir aux difficultés rencontrées par les apprenants, à la structuration des contenus de formation, aux situations d’apprentissage et de travail ou aux modalités d’enseignement par exemple. La paléographie ne bénéfice pas non plus des apports des humanités numériques (traitement informatisé des données des sciences sociales et humaines), plus orientés sur les contenus et leur traitement que sur l’apprentissage. De même, les nouvelles découvertes issues des sciences cognitives sont inexploitées en paléographie, par exemple pour l’adaptation des modalités de formation ou d’évaluation.

Par conséquent, La formation à la paléographie est difficile. Les contenus sont considérables, peu familiers et abstraits. La formation dure plusieurs années. La formation à la paléographie reste rare, largement éclipsée par des formations plus d’actualité ou concernant plus de personnes, dans un milieu économique contraint. Majorité des besoins de formation à la paléographie sont soit non identifiés soit non pourvus. La compétence paléographique est peu reconnue, faute de référentiel de compétences, d’outils d’évaluation ou de prise de conscience des praticiens eux-mêmes. Il n’existe pas d’examen ou de test national ou international, comme en Anglais ou en orthographe, pour attester du niveau d’une personne. Ceux qui sont formés, en général à haut niveau (cadres), ne sont pas forcément ceux qui pratiquent (agents, amateurs).

Les enjeux de la formation à la paléographie sont pourtant importants,

car les difficultés individuelles à court terme de l’apprenant ou du formateur dissimulent des effets collectifs à long terme qui pourraient impacter :

- la professionnalisation de certains métiers, - la conservation et traitement des archives anciennes en France, - la pérennité de l’enseignement de la paléographie donc de l’histoire médiévale et moderne, - le droit et l’égalité d’accès au patrimoine, - la capitalisation et la diffusion des bonnes pratiques en formation à la paléographie, - la création d’une didactique de la paléographie.

Aussi, la recherche a eu pour but d’analyser et de documenter mes pratiques de formation à la paléographie dans le milieu archivistique, de les comparer aux apports récents des didactiques et des sciences cognitives et de trouver des solutions pour améliorer les formations.

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Les choix de recherche ont été principalement pragmatiques : améliorer les formations pour les archivistes en poste et les amateurs de généalogie, faciliter l’apprentissage, aider le formateur occasionnel en paléographie. Ils ont également dû tenir compte des contraintes budgétaires et des compétences disponibles forcément limitées dans un cadre de recherche menée à titre personnel. Par ailleurs, certains aspects auraient nécessité trop de temps ou des compétences pluridisciplinaires de haut niveau. Ils ont été écartés de cette recherche, comme par exemple, l’histoire de l’enseignement et de l’apprentissage de la paléographie française, l’évaluation des outils d’évaluation ou la réalisation du kit de formation de formateur. La recherche a combiné une démarche linéaire et une démarche itérative, grâce à :

- une analyse rétrospective des connaissances de terrain accumulées en 7 ans d’enseignement sur 4 niveaux,

- une comparaison avec les apports des sciences cognitives et des didactiques, - la conception puis la mise à l’épreuve de prototypes de formation en ligne ou en salle.

Rapidement, trois problèmes récurrents et fortement interdépendants sont apparus comme centraux dans les difficultés rencontrées par les apprenants en paléographie lors de l’apprentissage :

- une ingénierie de formation insuffisante, - une charge cognitive trop élevée chez l’apprenant l’empêchant d’apprendre et de progresser, - et un manque d’explicitation de la méthodologie de travail, notamment concernant le

raisonnement. Pourtant, les sciences cognitives et les didactiques s’intéressent à ces problèmes et proposent des solutions. Leur application à la paléographie, même partielle, permet d’attendre des évolutions significatives pour la formation à la paléographie, tant pour les archivistes que pour les publics amateurs :

- facilité et rapidité d’apprentissage, - gain d’autonomie en dehors les formations, - renforcement de la motivation et de la persévérance, - gain de temps et d’efficacité pour le formateur, - gains de temps et de fiabilité dans le traitement des archives manuscrites …

Ces éléments permettront peut-être également d’enclencher des changements de représentations sur l’apprentissage de la paléographie et d’aider à la reconnaissance professionnelle des acquis en lecture d’archives.

La méthode de recherche et les résultats sont présentés en 3 axes distincts afin de gagner en clarté de

présentation :

- identifier et évaluer les compétences paléographiques, - prévenir et réduire la charge cognitive présente dans l’apprentissage de la paléographie, - expliciter et favoriser le raisonnement paléographique :

Pour chacun des axes, j’ai expliqué la démarche de recherche puis ai tenté de décrire les processus observés, les enjeux, les freins et les aides à l’apprentissage en regard des concepts théoriques et méthodologiques choisis, et les perspectives pour la formation.

Avertissement Le terme « apprenant » ou « étudiant » a été retenu pour désigner une personne, homme ou femme, suivant une formation ou s’auto formant en paléographie. Il peut donc s’agir aussi bien d’un professionnel, d’un amateur, que d’un étudiant d’université.

Propriété intellectuelle Le contenu du présent document relève de la législation française sur la propriété intellectuelle. Il peut être consulté et reproduit sur support papier et numérique sous réserve d’usage personnel, scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale et en citant la provenance. Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l’auteur. Référence pour citation Aude Garnerin, Former à la paléographie aujourd’hui : l’apport des didactiques et des sciences cognitives à l’apprentissage de la lecture d’archives, 2017. Mis en ligne 2017 sur : www.doyoubuzz.com/aude-garnerin/paleographie

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1 . I D E N T I F I E R E T E V A L U E R L E S C O M P E T E N C E S P A L E O G R A P H I Q U E S

Création et test d’un cursus et d’un prototype de formation en ligne pour identifier les compétences fines de la lecture des documents manuscrits anciens rédigés en français. Mots clé Compétences / Référentiel de compétences / Curriculum de formation / Evaluation Apprentissage de la lecture pour les adultes / E-learning /ingénierie pédagogique

Résumé

De nombreux apprenants en paléographie, lecture de textes anciens, abandonnent la formation ou stagnent dans

leur apprentissage. Les formations semblent mal répondre à leurs besoins.

Pourtant, il est possible de renouveler l’offre de formation, grâce aux sciences cognitives, à la didactique et au e-

learning.

La recherche a pour objet d’identifier les difficultés des apprenants et d’y remédier.

Le dispositif combine :

- l’observation directe ou indirecte d’apprenants,

- la comparaison de la lecture paléographique avec de la lecture de textes chez les adultes,

- la conception d’un curriculum de formation et d’un outil d’évaluation,

- la création et le test d’un prototype de formation en ligne.

La recherche confirme que l’enseignement transmissif informel de contenus est inapproprié. L’apprenant a besoin

de connaissances structurées, explicites et pas seulement déclaratives (quoi apprendre) mais aussi procédurales

(comment faire).

Il est également nécessaire de formaliser les compétences paléographiques et de mieux les connaître.

La comparaison avec les techniques d’apprentissage de la lecture chez les adultes révèle la spécificité de la lecture

paléographique, autour de 5 compétences. Elle fournit aussi de nouvelles aides aux apprenants pour entrer dans un

texte, le déchiffrer et le comprendre.

L’outil d’évaluation permet au formateur de choisir des textes plus adaptés pour les exercices. Un prototype de

formation en ligne est conçu puis testé avec succès : les apprenants travaillent plus vite et plus rigoureusement. Ils

sont plus motivés et continuent leur formation. Les modalités d’apprentissage en ligne, seules ou combinées à du

présentiel (en salle), sont adaptées à la paléographie. La recherche se poursuivra autour des questions cognitives.

1.1. Présentation de la recherche : comment faire progresser les étudiants en paléographie ?

1.1.1. Contexte

Période de la recherche 2009-2013

Auteur Aude Garnerin. Archiviste. [email protected]

Contexte Cette recherche est née du bilan des formations animées entre 2000 et 2008 à la paléographie à raison de 1 à 4 cours de 32h par an pour les amateurs et professionnels essentiellement, dans le cadre de mes fonctions territoriales en Archives départementales, en vue de la conception de nouvelles formations.

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1.1.2. Présentation de la recherche

But Identifier les causes de la stagnation ou de l’abandon de formation chez les apprenants des formations en paléographie que j’anime et y remédier.

Objectifs de recherche - Déterminer les difficultés des apprenants du point de vue de l’apprenant. - Identifier les causes et les solutions possibles. - Créer et tester un prototype de formation en ligne intégrant les solutions. - Vérifier l’intérêt et la faisabilité d’une recherche plus importante en identifiant la ou les priorité(s) de

recherche le cas échéant.

Choix de la recherche Deux motivations principales expliquent cette recherche : Améliorer les formations à la paléographie pour l’apprenant

Je constate, pour les apprenants, chaque année : - des renoncements à entrer en formation, - un absentéisme important, - des abandons définitifs, - des nombreuses erreurs, une perte de temps, une stagnation voire une régression dans l’apprentissage

après 1 ou 2 ans, - le manque de ré exploitabilité des transcriptions faites, faute de rigueur, notamment chez les amateurs.

Ces signes de malaise sont constatés :

- sur différents types de public (formation initiale ou continue des professionnels, formation des amateurs),

- sur plusieurs lieux d’enseignement (Paris/grandes villes/monde rural), - par d’autres personnes animant ce type de formation.

Il serait nécessaire d’étendre ces recherches à toute la France et à d’autres pays et de vérifier si ces faits existent également en formation initiale dans les universités. Ces signaux viennent contredire des évaluations de satisfaction pourtant plutôt positives. Améliorer les formations à la paléographie pour le formateur

Par ailleurs, le formateur est souvent dans une situation insatisfaisante : - La préparation est lourde : le choix des documents futurs supports de cours et leur transcription lettre à

lettre sont exigeants en temps. Le formateur travaille seul, la mutualisation entre formateurs ne semble pas exister.

- Les contenus sont insuffisamment rentabilisés : le formateur change de textes pour s’adapter à la demande des groupes ou au contexte local.

- Le formateur porte seul la formation : la formation étant souvent d’ordre transmissif, le formateur est la ressource principale du cours. Cela exige de lui à la fois beaucoup de compétence, d’énergie et de temps, puisqu’il agit à la fois sur la forme et sur le fond de la formation. Ce mode de formation n’encourage pas l’apprenant à devenir autonome ni à transférer les connaissances dans ses propres situations.

- Le formateur est parfois lui-même bloqué dans son apprentissage paléographique et/ou de formation de formateur.

La méthode actuelle de formation semble donc éloignée des besoins. 1.1.3. Enjeux de la recherche

Enjeux théoriques Mieux comprendre les causes et les moyens de limiter ou de réduire les stagnations et les abandons de formation constatés chez les apprenants en paléographie. Formaliser les compétences et les difficultés de l’apprenant en paléographie. Corriger et/ou éviter des lacunes ou des erreurs de conception de formation qui mettent en difficulté les apprenants et/ou le formateur.

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Enjeux pratiques Capitaliser les bonnes pratiques en formation à la paléographie Disposer d’un prototype de formation réutilisable et adapté aux besoins Rendre la formation plus lisible et plus attractive pour l’apprenant Gagner du temps de conception et d’animation Disposer d’outils d’évaluation Progresser comme paléographe et comme formateur en paléographie

1.1.4. Questions initiales

Questions générales - Comment rendre la formation plus accessible aux publics, y compris à l’international ? - Comment utiliser les technologies avec une vraie valeur ajoutée pour les acteurs ? - Comment augmenter le nombre de formateurs en paléographie ? - Comment professionnaliser le formateur en paléographie ?

Questions spécifiques

- Quelles sont les difficultés rencontrées par les apprenants et les formateurs en paléographie ? - Comment faciliter l’apprentissage et surtout la mémorisation ? - Comment estimer le niveau d’un étudiant avant et/ou après la formation ? - Comment évaluer le niveau de difficulté d’un exercice ? - Comment savoir si l’ordre de présentation chronologique des textes est adapté à l’apprentissage ? - Comment réduire l’écart entre la paléographie enseignée et la paléographie utile sur le terrain ? - Comment faire progresser des apprenants déjà expérimentés ? - Comment gérer des groupes d’apprenants hétérogènes ? - Comment rendre les formations plus efficaces et donc plus attractives ?

1.2. Cadre théorique et méthodologique : pédagogie, formation professionnelle et didactique

1.2.1. Cadre théorique

Une approche pluridisciplinaire est nécessaire. Les 3 approches retenues sont les suivantes : Pédagogie La pédagogie regroupe « les méthodes et pratiques d'enseignement et d'éducation ainsi que toutes les qualités requises pour transmettre un savoir quelconque ». Il existe 3 principaux modèles pédagogiques qui donnent une place différente au formateur et à l’apprenant :

• Transmissif Ce modèle, le plus ancien, repose sur la communication d’un savoir par un enseignant à un apprenant. L’élève écoute, reçoit l’information puis s’entraîne. Ce type d’enseignement est rapide, bien adapté à des apprenants motivés et attentifs et à des contenus théoriques. Il ne favorise ni les échanges, ni le travail réflexif.

• Béhavioriste Ce modèle repose sur la construction d’une progression, marche par marche, de l’apprentissage, encadrée par le formateur. Une marche est un objectif évaluable, divisé en sous-objectifs, chacun correspondant à des exercices adaptés. La progression individuelle est encouragée, par réussites successives. Ce modèle est par exemple bien adapté à l’enseignement à distance, structuré en petits modules d’apprentissage. L’apprenant peut rencontrer des difficultés à réaliser la progression de manière autonome, surtout si la situation est complexe.

• (Socio)Constructiviste Ce modèle, le plus récent, repose sur l’apprentissage par l’action et par la modification des représentations.

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L’apprenant rencontre une situation dans laquelle il remet en cause ses représentations (conflit cognitif), lorsqu’il constate un écart entre ce qu’il sait et ce qu’il observe. L’écart peut être révélé par la situation elle-même ou par les échanges avec d’autres apprenants. L’étudiant construit lui-même ses connaissances grâce aux situations et aux exercices créés par l’enseignant. Ce modèle exige de plus de temps et de plus grandes compétences chez l’enseignant, notamment dans la conception des situations et dans l’accompagnement des apprenants s’ils sont déstabilisés. De plus, chacun des modèles considère l’erreur de façon très différente : Faute à sanctionner ou mauvaise écoute de l’apprenant pour le modèle transmissif, mauvais découpage des objectifs et sous-objectifs en pédagogie béhavioriste ou encore moyen d’apprentissage dans le modèle constructiviste.

Formation professionnelle

• Formation continue La loi du 5 mars 2014 a mis en place le compte personnel de formation (CPF) au 1er janvier 2015. Il permet tout au long de la vie professionnelle, de maintenir son niveau de qualification ou d’accéder à un niveau de qualification supérieure en disposant d’heures de formation, au prorata de l’activité salariée réalisée, financées par des organismes spécifiques selon le secteur d’emploi (public ou privé).

• Compétence Une compétence est « la mobilisation de ressources cognitives, affectives, motrices et conatives d’un individu pour faire face efficacement à des familles de situations professionnelles » (Parmentier et Paquet). Parmi les ressources, les connaissances sont dites « déclaratives » (quoi apprendre), « procédurales » (comment faire) et « conditionnelles » (quand le faire, avec quoi). Les compétences pour un domaine ou pour un métier sont présentées dans un document structuré, le référentiel de compétences. Il sert de référence pour :

- établir des fiches de poste/des annonces de recrutement - concevoir des formations et définir ses « objectifs pédagogiques », formulation des résultats à atteindre

par l’apprenant à l’issue de la formation, - rédiger un « curriculum de formation », document de synthèse présentant l’ensemble des contenus

d’une formation ou d’un enseignement, - construire un système d’accompagnement et d’évaluation de l’apprenant, de la formation et du

formateur, à toutes les étapes de la formation, - fournir des éléments à la reconnaissance professionnelle des acquis, pour les personnes n’ayant pas de

diplôme dans le domaine.

• Certification Ce terme officiel désigne des diplômes délivrés par l’Etat, des titres délivrés par certains organismes comme les chambres de commerce ou des certificats de qualification professionnelle (CQP) délivrés par les branches professionnelles. Une certification atteste officiellement qu’une personne est en mesure d’exercer une ou plusieurs activités professionnelles précises, avec un niveau de responsabilité et d’autonomie donné. Elle garantit que le titulaire possède les compétences nécessaires à la réalisation de ces activités. La certification peut donner des droits pour passer un concours, accéder à des formations, être embauché et exercer une activité professionnelle etc.

• Validation des acquis de l’expérience (VAE) La validation des acquis de l’expérience est un dispositif qui donne la possibilité à une personne d’obtenir totalité ou partie d’une certification professionnelle par équivalence, en faisant reconnaître officiellement les connaissances et les compétences acquises lors de sa pratique professionnelle et extra-professionnelle antérieure, grâce à un dossier proposé à l’évaluation d’un jury.

• Validation des acquis professionnels (VAP) La validation des acquis professionnels est un dispositif qui donne la possibilité à une personne de s’inscrire dans un cursus de formation de l’enseignement supérieur sans avoir le diplôme requis. Il ne concerne que les seuls diplômes et titres de l’enseignement supérieur. Ce dispositif ne permet pas l’obtention d’une certification mais d’accéder à une formation universitaire, au nom de sa pratique professionnelle antérieure.

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• Professionnalisation La professionnalisation peut être définie comme un « processus associant de façon problématique un rapport à l’expérience (inscrite dans les tâches et les situations de travail), des modes de construction des compétences, les perspectives de reconnaissance et de validation des acquis professionnels, les modes de qualification et les stratégies de formation qu’ils permettent d’envisager et de construire » (Champy-Remoussenard et al., 2000). Elle se présente donc :

- d’une part comme une démarche sociale, lorsqu’un groupe d’acteurs souhaite positionner ses compétences de façon plus officielle vis-à-vis d’autres acteurs,

- d’autre part, à une démarche plus individuelle, de formalisation de compétences pour les mieux les connaître, les évaluer ou les transmettre à d’autres.

C’est un « processus qui permet d’acquérir de l’expérience, c’est-à-dire une capacité à tirer des enseignements de la pratique et des éléments qui la nourrisse. Ces enseignements vont alimenter le potentiel d’expérience de chacun et contribuer de ce fait au développement d’une compétence à développer des compétences. L’ingénierie de professionnalisation nécessite sans doute de mettre en œuvre d’autres moyens, d’autres méthodes, d’autres outils que ceux de la formation puisqu’elle va s’intéresser à la genèse des connaissances et des compétences, ainsi qu’aux conditions sociales, techniques ou économiques favorisant leur émergence, leur développement ou leur transfert » La professionnalisation vise à renforcer/reconnaître le professionnalisme. Le professionnel sait exercer son activité, il est « à la fois compétent et à même de le prouver » et donc de le faire reconnaître :

- le travail réalisé (résultats obtenus, utilité), - le professionnel (manière d’accomplir son activité, de s’y engager).

Didactique

• La didactique disciplinaire La didactique des disciplines s’intéresse à l’enseignement et à l’apprentissage des contenus disciplinaires (biologie, français, mathématiques, mécanique, etc.). Elle a pour vocation d’étudier les processus de transmission et d’appropriation des connaissances au sein d’une discipline donnée, en vue de les améliorer. « Elle étudie ainsi les conditions dans lesquelles les sujets apprennent ou n’apprennent pas, en portant une attention particulière aux problèmes spécifiques que soulève le contenu des savoirs et des savoir-faire dont l’acquisition est visée » dans une discipline donnée. Solveig Fernagou-Oudet citant Gérard Vergnaud, « Qu’est-ce que la didactique ? » in Éducation

Permanente, n° 111, p. 19.

• La didactique des langues Elle est l’étude des techniques d’enseignement et d’apprentissage des langues. Elle porte notamment sur l’apprentissage de la lecture.

• La didactique professionnelle Elle se définit comme l'analyse du travail pour la formation (Philippe Clauzard, 2008). Elle analyse l’activité et l’activité d’apprentissage ou développement des compétences de l’apprenant. « La didactique professionnelle étudie les relations qui existent entre situations de travail et développement des compétences. Par l’intelligibilisation des situations de travail, elle vise la conceptualisation de l’action. » Solveig Fernagou-Oudet Elle se trouve au croisement de la didactique des disciplines, de l’enseignement professionnel, de la formation professionnelle et de l’ergonomie cognitive qui a fourni des méthodes de recueil de données issues de l’analyse du travail en vue de la formation. L’analyse du travail s’intéresse à la tâche en général et à la manière de réaliser la tâche spécifique à une personne. Elle a pour but de dégager la « structure type » de l’activité, composée d’une part invariable et d’une part variable et d’en déduire les compétences mises en œuvre. Le but de la didactique professionnelle est donc de développer des compétences plus générales que techniques, de développer des savoir-faire largement cognitifs qui ont pour fonction de savoir traiter de l’information, savoir raisonner, savoir comprendre, savoir analyser et donc de lire, comprendre, et réaliser le travail. Le développement de ces savoirs cognitifs se traduit par une plus grande capacité à résoudre les problèmes professionnels, par une

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capacité à prendre des distances avec l’action passée, présente ou à venir, à formaliser son expérience… et donc à développer de nombreux apprentissages en relation avec les différentes formes de savoirs que nous avons déjà évoqués plus en avant. Elle repose sur l’explicitation :

- des résultats effectifs ou attendus de l’action d’une opération ; - des règles d’action qui permettent de prévoir le résultat ; - des principes explicatifs sur lesquels reposent les règles d’action à mettre en œuvre ou mises en œuvre ; - et des relations de signification et/ou de détermination qui existent entre les différents éléments d’une

même situation. L’individu prend ainsi peu à peu conscience de ce qui guide et oriente son action, de ce dont il a besoin pour résoudre le problème qui se pose à lui (en termes de savoirs, d’outils, de relations, etc.). Il est ainsi amené à se détacher des situations contextuelles et circonstancielles, limitées et spécifiques, pour entrer peu à peu dans le monde des logiques d’action. La didactique permet donc aux individus d’acquérir de l’expérience professionnelle dans l’intelligence des situations et a toute sa place dans la mise en œuvre de processus de professionnalisation.

Solveig Fernagou-Oudet Ingénierie de professionnalisation et didactique professionnelle

RECHERCHE et FORMATION • N° 46 - 2004

1.2.2. Etat de la question

En formation à la paléographie : L’enseignement est transmissif et tourné vers les contenus Les constats sur le terrain du manque d’adaptation des formations à la paléographie aux nouveaux besoins sont nombreux. Des solutions existent comme le montre la revue des écrits, tant pour la formation en général que pour l’apprentissage de la lecture. Pourtant le problème reste méconnu et non traité en paléographie : Le déroulé classique d’un cours de paléographie est le suivant :

- L’enseignant sélectionne plus ou moins intuitivement des textes. - Il en prépare la transcription (déchiffrage lettre à lettre). - Il donne le texte à transcrire aux apprenants. - Chaque apprenant prépare le texte chez lui en le transcrivant ligne par ligne. - Au cours suivant, chaque apprenant lit 2 lignes (ou moins si le groupe est important) devant le groupe, en

suivant le texte projeté au tableau ou directement sur sa feuille. - L’enseignant corrige à l’oral, donne la correction écrite et fait quelques apports théoriques.

Par conséquent, l’apprentissage est lent et peu durable, les abandons, nombreux. Le formateur n’observe pas les apprenants en train de pratiquer. Le formateur ne connaît pas les difficultés réelles des apprenants. L’apprenant ne bénéficie pas des échanges avec les autres apprenants. L’apprenant se décourage stagne ou abandonne la formation.

L’ingénierie pédagogique est faible et les contenus, informels Le référentiel de compétences, le curriculum de formation et les objectifs pédagogiques n’existent pas en formation à la paléographie.

- Il n’existe pas de méthodologie de la paléographie ni de méthode globale d’apprentissage sérieuse, seulement des outils très spécialisés ou de grande vulgarisation.

- Les contenus sont non structurés, peu ré exploitables et peu pérennes. - Il n’existe pas de formation sur internet pour répondre à la dispersion géographique et à l’hétérogénéité

des publics. - L’évaluation est rare, lourde à mettre en œuvre et peu exploitable (nombre de fautes dans les

transcriptions).

Par conséquent, il est difficile à l’apprenant et au formateur de savoir ce qu’il y a à apprendre, aux institutions,

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 11

de (re)connaître ces compétences et à tous les acteurs, de communiquer sur la formation et entre eux. La didactique de la paléographie est inexistante

- La paléographie ne profite pas d’un nouvel intérêt pour la formation professionnelle, de l’apparition de didactiques professionnelles ou disciplinaires, des apports des sciences cognitives et des humanités numériques (technologies numériques appliquées aux sciences humaines et sociales), ni de l’intérêt croissant du public pour les archives.

- Il n’existe pas de formation de formateur à la paléographie. - La compétence paléographique n’est pas spécifiquement reconnue. - Les cours classiques et les manuels de paléographie des contenus (listes de lettres ou d’abréviations) mais

n’expliquent ni comment s’en servir ni comment les mémoriser ni comment élaborer des stratégies de résolution de problème.

Par conséquent, le formateur ne sait pas comment aider l’apprenant à progresser Les techniques de lecture sont non étudiées en paléographie donc la détection des difficultés et l’aide à l’apprenant sont donc impossibles. Le formateur ne sait pas comment enseigner les connaissances procédurales et conditionnelles, alors que leur combinaison différencie un apprenant en échec d’un apprenant en succès.

Il est donc nécessaire de rechercher comment la formation pourrait mieux s’adapter aux besoins des apprenants, pour former plus vite, plus facilement et plus durablement les professionnels et les amateurs à la paléographie.

1.2.3. Cadre méthodologique de la recherche Dans ce but, deux cadres complémentaires sont choisis pour construire la recherche : Apprentissage de la lecture chez des adultes Grâce aux apports récents des sciences cognitives, l’apprentissage de la lecture est bien documenté. Un lecteur adulte habile maîtrise plusieurs habiletés :

- la conscience phonologique : convertir les lettres en sons de la parole, opération assez difficile en Français car cette langue comporte des sons nombreux et proches,

- l’alphabet : différencier et reconnaître les lettres et les non lettres, - les chaînes de lettres : reconnaître les mots, - le vocabulaire oral : lier un mot oral à l’image du mot en entier, - le vocabulaire orthographique : reconnaître l’image du mot en entier et non lettre à lettre, - la grammaire et la compréhension : identifier le sens d’un mot, d’une phrase, d’un texte.

Plusieurs aides à la lecture sont nécessaires pour atteindre cette maîtrise : - Une stratégie d’apprentissage et de mobilisation des habiletés en lecture, un enseignement explicite et

un entraînement régulier et progressif, sous peine de régression de l’apprenant ou risque avéré d’abandon de formation.

- Des repères clairs sur les lettres et le vocabulaire. - Des méthodes de déchiffrage et de recherches d’indices pris dans le contexte, dans les liens entre les

mots ou dans l’ordre des mots.

Par conséquent, les compétences spécifiques de la lecture paléographique seront identifiées,

le curriculum et l’ingénierie pédagogique y prépareront.

En comparant les habiletés nécessaires et les aides à la lecture de textes avec celles de la lecture paléographique, il sera possible d’identifier la spécificité des textes manuscrits, les manques ou les limites de la lecture paléographique par rapport à la lecture classique et d’en déduire des compensations ou des solutions. Ainsi, l’apprenant sera mieux à même d’atteindre un niveau de lecture courante sur manuscrits. E-learning (formation en ligne) La formation en ligne est un dispositif de formation individuelle ou collective accessible à distance par téléphone et/ou internet consistant en un « agencement de ressources matérielles et humaines, de méthodes et de procédés, le tout structuré dans le temps et selon des options stratégiques, pour permettre l’acquisition par les individus de connaissances et/ou de compétences nouvelles » (d’après Léopold Paquay et alii). On parle de formation mixte ou de blended-learning quand le dispositif couple des activités à distance avec des

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 12

activités en salle ou présentiel. Par conséquent, les contenus de formation seront structurés dans un prototype de formation en ligne, ils seront

pérennes et diffusables facilement.

En utilisant les méthodes de l’ingénierie pédagogique propres au e-learning, il sera possible de fortement structurer les contenus de la formation à la paléographie et de proposer des aides à l’apprenant. En effet, le e-learning nécessite une ingénierie beaucoup plus structurée qu’en formation en présentiel. Les contenus doivent être organisés en « grains », unité la plus petite de formation acceptable, pour un apprentissage en ligne.

Il sera aussi plus aisé d’analyser les réponses et les évaluations de l’apprenant, ce qui permettra d’identifier les points forts et les points faibles du nouveau curriculum de formation, d’infirmer ou de confirmer la progression pédagogique proposée, d’améliorer le prototype. Il sera possible de mieux comprendre l’apprenant pour l’aider dans son apprentissage, soit par l’analyse de ses réponses propres soit par comparaisons de ses réponses avec celles des autres apprenants. Enfin, la formation sera plus facilement ré exploitable et distribuable.

1.2.4. Hypothèse de recherche

Si

des modalités de formation inadaptées, un curriculum de formation absent ou une méconnaissance des difficultés réelles rencontrées par les apprenants, notamment en lecture, contribuent à la stagnation de l’apprenant ou à l’abandon de formation chez l’apprenant, alors,

des modalités pédagogiques appropriées, la mise en œuvre d’un curriculum et l’identification des difficultés des apprenants permettront à l’apprenant de progresser et de persévérer dans son apprentissage.

1.3. La recherche : test d’un prototype de formation en ligne intégrant les apports de la lecture pour adultes

1.3.1. Méthode de recherche

Méthode Méthode de recherche essentiellement quantitative (enquêtes) Inductive (du terrain à la théorie) et déductive (de la théorie à la pratique)

Plan général de la recherche - Etude de marché de la formation paléographique en France - Analyse rétroactive de l’expérience d’apprenante et de formateur (1995-2008)

- Enquêtes nationales en ligne sur les besoins de formation- auprès de 250 amateurs et 350 professionnels archivistes, en 2009-2010, réalisées dans le cadre du Cafel, module 1 du diplôme universitaire de "Chef de projet - Apprentissage et Formation En Ligne" proposé par PREAU-CCI-Paris-IDF et l'Université Paris-Ouest Nanterre La Défense)

- Comparaison des pratiques actuelles de formation à la paléographie avec les apports de la revue des écrits

- Rédaction d’une liste des difficultés rencontrées. - Recherche des causes et des solutions. - Rédaction d’un cahier des charges de formation. - Formalisation d’un curriculum de formation, des objectifs pédagogiques, d’un déroulé pédagogique et

des outils d’évaluation. - Intégration des solutions dans un prototype de formation en ligne « méthodologie de la paléographie,

niveau 1 », de 50h environ. - Test du prototype, analyse des données collectées. - Validation ou infirmation des difficultés et des propositions pédagogiques liées. - Formalisation des difficultés des apprenants

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 13

- Formalisation d’un référentiel de compétences paléographiques

1.3.2. Collecte et milieux de test

Collecte des données - Etablissement d’une liste des difficultés déjà rencontrées sur le terrain en apprentissage et en

enseignement de la paléographie - Auto-observation des difficultés et méthodes de résolution en temps réel - Recherche de méthodes complémentaires de résolution par la pratique - Recherches des causes et de solutions par lecture des écrits sur des sujets comparables dans d’autres

domaines que celui de la paléographie - Formulaires d’enquête dans le pré-test et test du prototype de formation en ligne

Milieux de test et/ou populations Public Amateurs débutants ou continuants, principalement en généalogie. Formation en ligne : 70 testeurs français tous niveaux sur 1 à 5 modules, selon les personnes. Formation en présentiel : 1 amateur pratiquant débutant, 2 jours en face à face (2011). Corpus de textes Achat d’un lot de 150 documents d’archives 15e-18

e siècles, identification, analyse, classement et numérotation

des documents. Numérisation par un prestataire des documents. Nommage des photos numériques brutes. Transcriptions au moins partielle des documents. Repérage de leur utilité pédagogique. Repérage de l’utilité pédagogique des transcriptions des Archives départementales de l’Indre-et-Loire, disponibles sur leur site internet, avec leur aimable autorisation. Prototype de formation en ligne Réalisé entre 2009 et 2013 sur le logiciel Survey Monkey, il porte sur le niveau 1 de « Méthodologie de la paléographie », étapes du travail du paléographe et techniques de déchiffrage. Il représente 11 modules, soit environ 50h de formation en ligne.

1.3.3. Analyse des données

Relevé et analyse des données en provenance : - des réponses et des parcours sur le prototype de formation en ligne, - des commentaires et des suggestions des testeurs, - de travaux d’apprenants débutants ou expérimentés. - de la comparaison des techniques d’apprentissage de la lecture de manuscrits anciens avec les

techniques d’apprentissage de la lecture chez les adultes, Catégorisation des difficultés par grandes rubriques, comme lettres/combinaisons de lettre, abréviations/logique du texte/méthode de transcription/etc. Transformation de ces données en curriculum, fiches mémos, référentiel…

1.3.4. Explication des choix de méthodologie

Contraintes Plusieurs contraintes ont prévalu dans les choix :

- visée pragmatique privilégiée (améliorer les formations) - ressources financières et compétences informatiques ou paléographiques limitées - adaptation au monde professionnel - public géographiquement dispersé et de niveau très hétérogène - choix d’une formation en ligne plutôt linéaire (facile d’utilisation), par modules, pour compenser la

densité des contenus. -

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 14

Vérification des résultats La vérification des résultats a été réalisée par :

- Recoupement des difficultés des apprenants constatées, entre différents publics et différentes modalités pédagogiques sur plusieurs années.

- Test et validation de l’utilisabilité des techniques/solutions trouvées sur des textes de tous niveaux, de plusieurs origines géographiques et/ou institutionnelles et/ou de plusieurs périodes (12e-19e siècles).

- Comparaison des réactions et des résultats des apprenants ayant suivi une formation classique et celles des apprenants ayant suivi une formation sur le prototype en ligne.

Lorsque les difficultés ou les solutions sont restées identiques malgré les modifications de variables, elles ont été considérées comme des difficultés récurrentes et donc fiables.

1.4. Résultats : cursus et prototype de formation validés, compétences paléographiques formalisées

1.4.1. Impact sur l’hypothèse

L’hypothèse a été partiellement validée. Des modalités pédagogiques inadaptées et un curriculum de formation absent ou la méconnaissance des difficultés rencontrées par les apprenants contribuent à la stagnation ou l’abandon de formation chez les apprenants. La formalisation puis la correction du curriculum, l’identification et le traitement des difficultés des apprenants et l’adaptation des modalités de formation permettent la progression des apprenants et diminuent les abandons de formation. Toutefois, la cause originelle des difficultés constatées tant chez le formateur que chez l’apprenant est révélée par la recherche : la méconnaissance des compétences paléographiques. Elle explique l’absence de référentiel et entraîne des erreurs de conception ou l’absence d’objectifs pédagogiques et d’évaluation, eux-mêmes causes d’une ingénierie pédagogique inadaptée car tournée plus sur le contenu et le formateur que sur l’apprenant et les compétences à développer. 1.4.2. Constats

Constats génériques A l’issue de la recherche, il est confirmé que les modalités pédagogiques ne sont pas adaptées :

• La méthode d’enseignement/ de formation classique n’est plus adaptée aux besoins des apprenants

Elle souffre de plusieurs freins, variés et hétérogènes : - un manque d’ingénierie pédagogique qui se traduit par l’absence de/l’absence de formalisation de

curriculum, d’objectifs pédagogiques et d’outils d’évaluation, - des difficultés réelles des apprenants sous-estimées ou inconnues, - un manque de formation du formateur, - des représentations erronées ou dépassées (ex : enseignement transmissif efficace dans tous les cas,

compétences de lecture non observables, le travail sur textes par ordre chronologique), - et surtout une méconnaissance des compétences paléographiques,

• Les nouvelles modalités pédagogiques en ligne ont été testées avec succès

8 changements ont permis d’améliorer la formation, par passage de/du : - l’implicite à l’explicite, - linéaire au récursif, - transmissif à l’interactif, - subjectif à l’objectif, - visuel au « multimédia », - disciplinaire au pluridisciplinaire,

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 15

- décontextualisé au contextualisé, - l’impersonnel à l’individualisé.

Ils ont été concrétisés et expérimentés dans un prototype de formation en ligne de niveau 1, sur les techniques de déchiffrage d’une durée de 50h. Un niveau contient plusieurs sous-modules, découpés chacun en plusieurs parties. Chaque partie est découpée en chapitre d’environ 45mn à une heure. La partie alterne théorie, pratique et réflexion, textes et images. Le test du prototype auprès d’un groupe de primo-testeurs a confirmé son intérêt, sa facilité de prise en main, sa pertinence d’utilisation à distance et son efficacité.

Constats spécifiques La recherche confirme que le curriculum de formation ne tient pas assez compte des difficultés réelles des apprenants, principalement en lecture. En effet, la lecture sur manuscrits ne présente pas autant d’aides à la lecture que la lecture traditionnelle sur textes, ce qui complique son apprentissage.

Fig. 1. Les indices aidant la lecture sont parfois absents dans la lecture de textes anciens manuscrits en français, d’où les difficultés des paléographes.

Indices aidant la reconnaissance en

français

Situation en en paléographie française

7 caractéristiques de lettres Caractéristiques plus nombreuses

Initiale plus repérable que la finale Finale souvent plus repérable que l’initiale

Position fixe de la lettre dans le mot Position variable de la lettre dans le mot (lettres en plus ou en moins)

Accents Absence d’accents ou utilisation différente ou erronée

Signes spécifiques (cédille …)

Absence ou utilisation différente des signes spécifiques ou confusion avec signes d’abréviation

Lettres différenciées des chiffres Lettres servant de chiffres

Lettre ayant un seul usage Quelques lettres utilisées l’une pour l’autre

Il est donc nécessaire d’intégrer les techniques de lecture et les aides à la lecture dans la nouvelle formation pour limiter les lacunes actuelle de la formation, présentées ci-dessous :

• La formation classique n’apprend pas à l’apprenant à entrer dans le texte manuscrit

La lecture classique n’est pas efficace en paléographie. En effet, la lecture de haut en bas et de gauche à droite n’est plus efficace dans un contexte où le temps est compté : difficulté à entrer dans le texte, à le comprendre, perte de temps, erreurs de déchiffrage ou de compréhension. .

• La formation classique ne forme pas aux techniques de déchiffrage

Il existe plusieurs moyens de reconnaître un mot : par son image globale, à partir de quelques lettres notamment celle de début et de fin, ou encore lettre par lettre. Quand la forme globale du mot n’est pas reconnaissable, les techniques de déchiffrage, de repérage puis de reconstitution lettre par lettre sont nécessaires. En effet, les nombreuses variations de formes de lettres ou d’orthographe, le vocabulaire technique ou désuet, le non-respect de la ponctuation ou des blancs entre les mots ou encore la présence d’abréviations ne permettent pas toujours d’utiliser l’image globale du mot pour le reconnaître. Il convient donc de savoir déchiffrer des groupes de lettres ou des lettres. Il faut aussi savoir différencier les lettres des « non-lettres » (chiffres, abréviations…).

• La formation classique ne traite pas les difficultés de compréhension de l’apprenant

Déchiffrer en reconnaissant les caractéristiques des lettres est indispensable mais insuffisant pour lire. Il faut aussi comprendre ce qui est déchiffré, c’est-à-dire, trouver du sens.

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 16

Le paléographe devrait maîtriser plusieurs opérations mentales pour y parvenir mais celles-ci ne lui sont pas enseignées explicitement. De plus, certains indices d’aide à la lecture sont manquants ou moins fiables en lecture paléographique par rapport à la lecture classique. Par exemple, les lettres de début ou de fin de mots, en lecture paléographique, sont peu fiables et difficiles à reconnaître car de formes variables, ce qui ralentit la lecture et la compréhension de l’apprenant.

Fig. 2. Les indices aidant à la compréhension de la lecture sont souvent absents en paléographie, d’où les difficultés des paléographes.

Indices aidant la compréhension en

français

Situation en paléographie française

Voisinage orthographique freinant (mots presque identiques en forme, comme « râble »/ « câble »)

Voisinage orthographique aidant (possibilité de faire des hypothèses)

Coupures légales entre les mots Coupures illégales entre les mots

Mots concrets Mots souvent abstraits ou inconnus

Son (représentations phonologiques) Absence de son (déchiffrage caractère par caractère, en silence), diphtongue ou triphtongue inhabituelles en Français d’aujourd’hui (deux ou trois voyelles utilisées ensemble).

Contexte Contexte pas toujours connu

Sens donné par forme, ordre et fonction du mot

Forme du mot variable, ordre des mots parfois différent.

Ponctuation Absence de ponctuation ou usage différent

1.4.3. Nouveautés

La recherche a révélé plusieurs nouveautés : Les techniques d’apprentissage de lecture pour adultes facilitent l’apprentissage de la paléographie La comparaison avec les techniques d’apprentissage de la lecture pour les adultes a permis d’identifier et de catégoriser une cinquantaine de difficultés pour l’apprenant portant sur :

- le repérage et l’identification de lettres, - le repérage et l’identification d’abréviations, - la résolution de problèmes particuliers et différentes stratégies.

Certaines difficultés étaient sous-estimées par le formateur ou même invisibles. Chaque difficulté a donné lieu à une fiche comportant son nom, sa description, et dans la mesure du possible, des conseils ou une démarche de résolution. Par exemple, la création d’un module spécifique sur l’« examen préalable du document » aide l’apprenant à acquérir :

- les bases des techniques de lecture rapide, - les indices matériels pour émettre une hypothèse sur un texte avant sa transcription, - les informations clé à rechercher et leur emplacement fréquents dans les manuscrits anciens.

Quand l’apprenant sait ce qu’il cherche et où il peut le trouver, il gagne du temps et ne transcrit plus des textes ou des extraits de textes inutiles. « Par inversion », les difficultés constatées ont été transformées en compétences nécessaires à l’exercice de la paléographie puis organisées en référentiel de compétences : 5 compétences fondent le référentiel de compétences en paléographie Le référentiel de compétences a été rédigé autour de 5 compétences principales :

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 17

Fig. 3. Les 5 compétences nécessaires à la conduite d’un projet paléographique (vue générale)

Compétences en paléographie

Entrer

dans le texte

Rechercher des indices en procédant à un examen préalable avant lecture et en lisant en survol.

Déchiffrer Identifier le caractère tracé : lettre, chiffre, symbole, signe d’abréviation.

Comprendre Donner du sens aux caractères et les mots déchiffrés.

Restituer Permettre à soi-même ou à d’autres d’exploiter le résultat ultérieurement de façon fiable et confortable.

Piloter son projet Identifier et tenir compte de ses forces et de ses faiblesses. Gérer le temps. Faire face aux difficultés d’apprentissage et de pratique.

Fig. 4. Le référentiel de compétences permet de mieux identifier les contenus de formation

nécessaires à l’apprenant

Référentiel de compétences en paléographie

Compétences Savoir Savoir-faire Savoir-être

Entrer dans le texte (prise d’information)

Types d’écriture, supports, structures de textes et signes de validation, langue, signes d’abréviations, type de lectures, informations clés, localisation des informations clé, niveaux de difficultés de texte

Identifier des indices et en tirer des hypothèses Choisir un type de lecture selon son but Localiser des informations clé Dater une écriture Identifier le niveau de difficulté d’un texte

Curieux, motivé Observateur Persévérant

Déchiffrer

(traitement de l’information)

Types de signes graphiques Directions et variations des formes de signes graphiques Techniques de déchiffrage et de raisonnement

Appliquer les techniques de déchiffrage Percevoir les différences et similitudes graphiques Identifier la direction et la déformation/variation d’une lettre Faire des inductions et des déductions

Observateur Concentré Persévérant Méthodique Intuitif

Comprendre

(production de sens) Orthographe Grammaire Logique du texte Sciences connexes à la paléographie Outils d’aide à la recherche

Prendre des notes utiles Dessiner un schéma Faire un résumé Effectuer une recherche dans un outil papier ou informatique

Ouvert Créatif Eclectique

Restituer

(Enrichissement, valorisation et sauvegarde de l’information)

Normes de transcription Types de productions Technique de traitement de texte et d’images Principes de rédaction Norme de bibliographie Droit de la propriété intellectuelle

Identifier le niveau de normalisation utile Appliquer une norme de Transcription Rédiger Reformuler selon le public visé Utiliser les techniques de traitement de texte et d’images Rédiger une bibliographie Respecter le droit de la propriété intellectuelle

Pédagogue Clair Rigoureux Entreprenant Synthétique

Piloter

son projet

(détermination, mise en œuvre et contrôle des actions nécessaires à la réussite)

Etapes du travail paléographique Canaux d’apprentissage Conditions de réussite et contraintes de l’apprentissage Gestion de projet

Mettre en œuvre les étapes du travail paléographique Formuler une demande d’aide précise et pertinente Respecter les principes de gestion du temps Conduire un projet Gérer l’incertitude Réfléchir à son apprentissage ou à son action

Prévoyant Organisé Humble Diplomate Souple Analytique

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 18

Sur ces 5 grandes compétences, - deux compétences sont partiellement prises en compte dans les formations classiques et sont à

renforcer (« comprendre » et « restituer »), - une est surestimée, donc à réviser (« déchiffrer »), - deux sont inexistantes et sont donc à créer (« entrer dans le texte » et « piloter son projet »).

Fig.5. Décrire précisément la compétence « Déchiffrer » permet de mieux comprendre

les difficultés des apprenants en déchiffrage

Les opérations mentales fines nécessaires au déchiffrage des manuscrits anciens

Reconnaître la « photographie » d’un mot connu.

Identifier la forme d’un caractère graphique (chiffre, lettre, symbole, signe abréviatif)

Reconnaître les variantes d’un même caractère graphique.

Reconnaître un mot écrit avec des lettres en plus ou en moins par rapport à l’orthographe actuelle.

Repérer des indices de début ou de fin de mot.

Utiliser les blancs comme repère.

Utiliser les signes complémentaires (accent, cédille…) comme repère.

Utiliser la ponctuation comme repère.

Contrôler la cohérence de sens par rapport à la microstructure (phrase ou paragraphe) ou à la macrostructure (partie de texte, texte, texte extérieur, contexte).

Utiliser le son pour contrôler ou détecter une chaîne de caractères.

Repérer et résoudre une abréviation.

Le curriculum de formation organise les anciens et nouveaux contenus de formation de façon progressive Le nouveau cursus est progressif et récursif. Chaque niveau permet de réviser les précédents. Chaque niveau est suivi d’un exercice de consolidation.

Fig.6. Chaque strate du prototype correspond à des objectifs pédagogiques particuliers, exemple pour l’examen préalable du document.

BUT

Réaliser un examen préalable rapide du document (sans lecture) pour identifier son intérêt pour vous avant de l’identifier ensuite.

OBJECTIFS A la fin de cette formation, à l'aide des apports donnés et de votre réflexion personnelle, vous serez capable de : 1. Citer du plus ancien au plus récent au moins 3 supports souples de l'écriture 2. Indiquer en quoi la structure du document apporte des informations 3. Lister au moins 3 moyens de valider (donner un caractère officiel à) un document 4. Donner les caractéristiques des 3 écritures types utilisées entre 1200 et 1800 5. Citer au moins 3 facteurs de variation des écritures 6. Expliquer ce qu'est une abréviation et donner 5 exemples 7. Donner la langue ancienne dont est issu le français 8. Identifier la période probable d'un texte à l'aide des échantillons d'écriture types 9. Détecter des signes d'abréviation dans un extrait de document 12

e-18

e s.

DURÉE Cette partie est composée de 6 chapitres de 30 à 45 mn et d'une évaluation. Pour des vrais débutants, il faut donc compter 3 à 4 h avec les exercices. Il est conseillé de travailler par chapitre (1 par jour, 1 tous les 2 jours ou 1 par semaine par exemple)

Le niveau 1 est conçu pour donner des bases très fonctionnelles même si la personne ne peut suivre les autres

niveaux. Les 3 niveaux représenteront un environ 100 h de formation en ligne pour un vrai débutant.

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 19

Fig.7. Le prototype de formation a induit un découpage du contenu de formation en modules ou niveaux, et sous-modules, parties et chapitres

Fig.8. Contenu du prototype de formation à la Méthodologie de la paléographie

• Niveau 1 Techniques de déchiffrage : 30h, examen préalable du document, formes générales de lettres, formes particulières de lettres, langue et mots, abréviations.

• Niveau 2 Eléments clé : 30 h. Expressions types et caractéristiques des éléments essentiels à la compréhension d’un texte manuscrit (dates, lieux, argent, objets, personnes, action).

• Niveau 3 Types d’archives : 30 à 60 h selon centres d’intérêt. Méthode et entraînement au raisonnement. Caractéristiques des principales sources archivistiques (communales, notariales, judiciaires ; royales, ecclésiastiques, seigneuriales)

Ces différentes avancées présentent de nombreux avantages :

1.4.4. Bénéfices, limites et perspectives

Bénéfices globaux

• La nouvelle formation est plus mieux adaptée

Elle est plus compréhensible et donc plus motivante. Elle : - tient mieux compte du niveau de l’apprenant, - est utilisable avec des groupes hétérogènes, - est structurée et plus cohérente, - est plus facilement évaluable.

• Le curriculum et le référentiel donnent une vue d’ensemble du cursus

Ils se rendent mieux compte de leur niveau et des efforts à fournir sur le long terme. Le formateur est plus objectif et plus réactif, il évite les erreurs grossières de conception en s’assurant du niveau de difficulté des exemples choisis ou du non-cumul des difficultés au sein d’un même exemple. Les acteurs de la formation communiquent plus facilement autour de contenus organisés et de repères communs fiables.

Bénéfices spécifiques Les apprenants sont plus performants en déchiffrage grâce à une meilleure prise en compte le leurs difficultés

Découverte

Niv 1 Techniques de déchiffrage PROTOTYPE

en formation à distance

Niv 2 Eléments clé et expressions types

Niv 3 Typologies d’archives

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 20

réelles et à la création d’aides à la lecture appropriées.

Fig.9. Chaque difficulté fait désormais l’objet d’un mémo sur le « comment faire » comme celui-ci sur le déchiffrage des lettres à hampe dédoublée

Les hampes dédoublées

Quoi Hampe, trait vertical de certaines lettres (p, t, q) dédoublée (l’écrivain remonte ou descend sans lever sa plume).

Pourquoi Débloquer la lecture d’un texte parfois simple par ailleurs.

Comment Recherche en série sur le double trait vertical. Si lettre montante, alors t ou R majuscule barré en son milieu. Si lettre descendante, alors p (forme arrondie à droite), q (forme arrondie à gauche).

Quand Lettre « bizarre » montante ou descendante non identifiée.

Pour aller plus loin

Lettres à traverse.

Exemples (image)

Risques d’erreur

Confusion avec une abréviation ou avec un g.

(d’après le modèle de la grille de l’atelier.on.ca, 2007, version 2014)

La construction de ce curriculum m’a permis de progresser à titre personnel en paléographie, en acquérant les connaissances manquantes, sources de mes erreurs ou de mes impossibilités à déchiffrer les plus fréquentes : lecture des « revs », différenciation des p barrés d’abréviation, meilleure reconnaissance de l’abréviation « neuf tyronien », lecture des télescopages entre deux lettres, recherche d’indices pour rétablir les blancs entre les mots, par exemple. J’ai également progressé en techniques de recherche et en formation de formateur.

• Plusieurs outils d’évaluation sont créés et testés

La création de la formation et notamment du prototype en ligne a permis de créer et de tester plusieurs outils d’évaluation :

Fig.10. Jusqu’à présent, seule la satisfaction des apprenants était mesurée à l’oral, en fin de formation, faute d’outils et de savoir-faire.

Moment Formes d’évaluation 2009 2016

Avant la

formation

Déterminer la qualification du paléographe (du débutant à l’expert, 4 niveaux).

Déterminer le degré de difficulté de lecture d’un texte ancien manuscrit. Grille de critères sur 4 niveaux.

X

Permettre à l’apprenant de se positionner sur son niveau avant formation. X déchiffrage

Pendant

la

formation

Valider le niveau de l’exercice, la clarté de sa consigne, l’ergonomie du cadre de réponse, la pertinence de la correction.

X

Mobiliser des connaissances anciennes ou réviser. X

Obtenir des précisions ou des commentaires. Faire réfléchir l’apprenant sur sa pratique.

X

Obtenir des réponses rapidement exploitables et comparables (quantitatif). X

Prendre connaissance des réponses d’un apprenant ou de plusieurs apprenants X

Prendre connaissance des progrès réalisés par l’apprenant sur une certaine durée

Permettre au concepteur d’améliorer son dispositif

Après la

formation

Obtenir des réponses qualitatives. X

Mesurer la satisfaction des apprenants X X

Permettre à l’apprenant de mesurer ses progrès et ses limites.

Permettre au formateur d’identifier ses points forts et ses points faibles, de mesurer ses progrès.

X

Evaluer la cohérence, l’efficacité et la pertinence de la formation (notamment réutilisation des acquis)

Evaluer les outils d’évaluation

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 21

FIg.11. L'informatique favorise la comparaison des réponses des apprenants :

ici réponses à un exercice de repérage de lettres, ce qui permet d’évaluer la personne mais aussi la pertinence de l’exercice proposé

(Logiciel Survey Monkey, Techniques de déchiffrage, lettres particulières, mars 2014. apprenants, sans filtre)

De plus, une « grille de niveaux » a été conçue pour aider à déterminer le niveau d’un texte manuscrit et par correspondance, le niveau du paléographe.

Fig.12. Création d’une grille pour qualifier plus objectivement le niveau de difficulté d’un texte manuscrit ancien et donc du lecteur, grâce à 4 critères.

Elle est le résultat synthétique de 4 grilles détaillées, une pour chaque critère.

Critère/Niveau

1 Facile 2 Abordable 3 Difficile 4 Très difficile

Etat du support

Très satisfaisant

Satisfaisant Peu satisfaisant Très insatisfaisant

Structure/Longueur

Court/simple Long/moyen Très long/complexe

Très long/très complexe

Ecriture Très bien formée

Très lisible

Formée Lisible

Peu formée Peu lisible

Déformée Illisible

Langue Proche d’aujourd’hui

Un peu différente d’aujourd’hui

Différente d’aujourd’hui

Très différente d’aujourd’hui

Niveau du paléographe au

minimum nécessaire

Initiation

Pratique

Maîtrise

Expertise

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 22

Fig.13. La visualisation des difficultés probables d’un texte manuscrit permet au formateur de paléographie d’ordonner le choix de ses textes pour les cours, mais aussi de vérifier le (non) cumul des difficultés. Comparaison

d’un texte facile (niveau 1) avec un texte difficile (niveau 4)

Limites

• Les modalités de recherche et de formation sont à améliorer Les limites proviennent essentiellement de :

- ma subjectivité comme formateur-chercheur, - l’absence de validation des outils d’observation et de la taille des populations étudiées. - un prototype de formation en ligne devant être amélioré sur les aspects techniques et esthétiques. - des résistances inattendues, par exemple, à la pédagogie active. - La formation forme un débutant à utiliser une méthode linéaire sur les cas simples mais comment lui

faire apprendre des techniques de résolution multiples aux cas complexes ?

• Des difficultés cognitives persistent chez l’apprenant

La recherche a également révélé les limites des techniques de déchiffrage face à des contenus denses qui posent des difficultés cognitives à l‘apprenant (saturation, désorientation). En effet, à partir du niveau 2, je constate encore une sorte de stagnation. Les étudiants arrivent à déchiffrer des textes niveau 3 en cours mais perdent beaucoup de temps et ne parviennent pas toujours à reproduire leur réussite, hors des cours, en travail personnel. Il semble par ailleurs indispensable de mieux aider l’apprenant sur les points suivants :

- identifier sa position dans la formation - se déplacer dans les contenus de formations - produire (des réponses, des textes, des avis …) - comprendre - mémoriser - contrôler son travail - progresser - utiliser les connaissances après la formation - apprendre à choisir et à mobiliser les techniques, de façon efficace.

Perspectives Trois sujets d’études seront par conséquent privilégiés pour la poursuite de la recherche :

- Les aides à la mémorisation du nombre très important de connaissances à acquérir, aspect que l’informatique ne peut résoudre, - Le raisonnement chez les apprenants, démunis lorsque les techniques de déchiffrage échouent. - Les échanges entre les apprenants et le formateur, ou entre apprenants, ce qui nécessite un test en présentiel.

Texte 2

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Structure/longueur

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Langue

abordable

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très difficile

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 23

1.5. Conclusion : la nouvelle formation autour de 5 compétences facilite les progrès en paléographie

1.5.1. Rappel de la problématique

Le formateur ne connaît pas les difficultés réelles des apprenants en paléographie : - L’enseignement, sous forme de leçon transmissive, linéaire et sans accompagnement ni interaction,

semble contribuer à un apprentissage assez lent et peu durable et à des abandons ou des stagnations des apprenants.

- Le référentiel de compétences, le curriculum de formation et les objectifs pédagogiques n’existent pas en formation à la paléographie.

- Les contenus sont généralement informels ou tacites, non structurés ni progressifs. L’ordre de présentation chronologique des textes supports d’exercices est inadapté à l’apprentissage, car ne respectant pas les besoins en connaissances préalables des apprenants.

- La didactique de la paléographie est inexistante, aussi, seules les connaissances déclaratives sont enseignées.

De fait, la formation classique : - n’apprend pas à l’apprenant à entrer dans le texte manuscrit. - ne forme pas aux techniques de déchiffrage. - ne traite pas les difficultés de compréhension de l’apprenant.

Pourtant, la revue des écrits montre que :

- La didactique des langues peut permettre de mieux comprendre la spécificité de la lecture des textes manuscrits. Les techniques de l’apprentissage de la lecture chez des adultes semblent transférables en grande partie à la lecture de manuscrits pour aider l’apprenant dans sa lecture.

- La didactique professionnelle et l’ingénierie pédagogique peuvent permettre de créer un curriculum de formation organisé et progressif.

- Le E-learning, dispositif de formation individuelle ou collective accessible à distance par téléphone et/ou internet, est bien adapté à des contenus denses, structurables, de type savoir ou savoir-faire comme ceux de la paléographie, pour des populations géographiquement dispersées, très nombreuses, de niveaux hétérogènes et formées majoritairement à l’informatique comme celles de la paléographie.

La recherche a pour but d’identifier les causes de la stagnation ou de l’abandon de formation chez les apprenants des formations en paléographie puis d’améliorer ces formations. 1.5.2. Apports et nouveautés

Grâce : - à l’observation directe ou indirecte de difficultés et de méthodes de résolution chez des paléographes

débutants ou confirmés, - à la comparaison des aides à l’apprentissage de la lecture de textes chez les adultes avec celles de la

lecture de textes paléographiques, - au test d’un prototype de formation à la « Méthodologie de la paléographie, niveau 1 », en ligne d’une 50

h auprès d’un groupe de 70 utilisateurs, la recherche a permis :

- de confirmer que l’enseignement orienté contenus est inefficace et que la méconnaissance des compétences en paléographie explique l’absence de curriculum et de référentiel de compétences,

- d’identifier une cinquantaine de difficultés récurrentes de l’apprenant jusque-là soit inconnues soit sous-estimées par le formateur,

- de formaliser des aides pour faire face à ces difficultés avec méthode et plus facilement.

Les principales avancées de la recherche sont les suivantes : - L’application des techniques d’apprentissage de lecture pour adultes à celui de la paléographie révèle des

aides utiles à la lecture paléographique. - 5 compétences principales sont attendues chez le paléographe. - Le nouveau curriculum de formation organise la progression pédagogique des nouveaux et des anciens

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contenus de formation et inclut l’apprentissage des connaissances procédurales sur le « comment faire ». - L’ensemble a été testé avec succès : les apprenants progressent plus vite, font preuve de plus méthode,

de motivation et de persévérance. Les contenus sont ré exploitables pour d’autres formations, voire d’autres formateurs.

- Plusieurs outils d’évaluation ont été testés : grille de niveau, questionnaire écrit à froid, grille du formateur, questionnaires en ligne…

1.5.3. Implications pratiques

Il sera nécessaire d’améliorer le prototype de formation en ligne, notamment sur les plans ergonomique et esthétique. Le formateur devra se former à l’ingénierie pédagogique pour renforcer les aides à l’apprenant, notamment pour la mémorisation des nombreux contenus et méthodes. Les difficultés de lecture et de raisonnement seront à approfondir et à mieux traiter en formation, lors de la suite de la recherche.

1.5.4. Pour aller plus loin

Bibliographie sélective : - AAF, Référentiel métiers. La profession d’archiviste ou les métiers des archives, Paris, AAF, 2009. - Audisio Gabriel, Isabelle Rambaud, Lire le français d'hier : Manuel de paléographie moderne (XVe-XVIIIe

siècle), Paris, Armand Colin, 2008. - Delaby Anne, Créer un cours en ligne, Paris, Edition de l’organisation, 2008. - Desrochers Alain, Apprendre à lire à l’âge adulte, Ottawa, Coalition ontarienne de formation des adultes,

2009. - Hourst Bruno, Former sans ennuyer : Concevoir et réaliser des projets de formation et d'enseignement,

Paris, Eyrolles, 2008. - Licette Charline, Le guide de la lecture rapide et efficace, Paris, Studyrama, 2012. - Pastré Pierre, La didactique professionnelle, Paris, PUF, 2011. - Pottiez Jonathan, L'évaluation de la formation : piloter et maximiser l'efficacité des formations, Paris,

Dunod, 2013.

- Tricot André et alii, Utilité, utilisabilité, acceptabilité [critères d’évaluation des environnements informatiques pour l’apprentissage humain], Cerfi Midi Pyrénées, [sd].

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2 . P R E V E N I R E T R E D U I R E L A C H A R G E C O G N I T I V E E N P A L E O G R A P H I E

causes, effets, aides et perspectives

pour la formation à la lecture d'archives manuscrites en français

Mots clé Charge cognitive / Traitement de l’information / Registre de perception / Mémoire de travail / Mémoire de longue durée/ Complexité Résumé

Les apprenants en paléographie sont souvent « surchargés mentalement », l’apprentissage reste laborieux et

éphémère. En paléographie, la charge cognitive, effort mental nécessaire à l’apprentissage, n’est pas repérée et

encore moins traitée. Sa provenance est inconnue. Pourtant, il est possible d’étudier la charge cognitive à travers

le modèle de traitement de l’information ou celui de la complexité. La recherche a donc pour objet d’identifier

les causes, les effets et les traitements possibles de la charge cognitive chez l’apprenant en paléographie et

d’améliorer les formations en conséquence. Le dispositif combine :

- l’observation directe ou indirecte des apprenants,

- la conception et le test d’une formation en salle (présentiel),

- la comparaison des résultats de la nouvelle formation avec ceux des anciennes formations,

- et le recours à l’enseignement explicite et à l’apprentissage en profondeur.

La recherche montre la double origine de la charge cognitive en paléographie : charge intrinsèque ou interne,

quand elle provient de la complexité même de la discipline qui traite des informations non familières, très

nombreuses et incertaines, et charge extérieure inutile, quand les méthodes de travail du formateur ou de

l’apprenant sont inappropriées.

Cette double charge cognitive perturbe le traitement de l’information de l’apprenant : le registre de perceptions

sensorielles est saturé, la mémoire de travail et la mémoire à long terme sont peu efficaces, la mémorisation et la

remobilisation des informations sont difficiles.

Plusieurs moyens de réduire ces effets négatifs sont testés en formation collective en salle avec succès : les

étudiants participent plus activement à leur apprentissage, ils apprennent plus vite et plus durablement, sont

plus motivés et plus satisfaits.

Le formateur évite les erreurs majeures de conception de formation.

La recherche révèle également deux nouveautés :

- l’existence de 4 seuils conceptuels chez l’apprenant,

- et la nécessité d’augmenter la charge cognitive utile qui permet à l’apprenant de progresser, par

exemple en maîtrisant les techniques de résolution de problème.

La recherche sera poursuivie autour de la question du raisonnement paléographique et de son apprentissage.

2.1. Présentation de la recherche : comment faciliter le traitement de l’information paléographique ?

2.1.1. Contexte

Période de la recherche 2014

Auteur Aude Garnerin. Archiviste. [email protected]

Contexte Cette recherche bénéficie des résultats de la recherche précédente sur les compétences/ y a contribué (démarche

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itérative). Elle s’appuie sur les formations à la paléographie que je conçois et que j’anime dans le cadre de mes fonctions territoriales, en Archives départementales.

2.1.2. Présentation de la recherche

But Identifier les causes de saturation mentale (ou charge cognitive) chez les apprenants des formations en paléographie que j’anime et y remédier.

Objectifs de recherche

• Déterminer la ou les cause(s) de charge cognitive chez l’apprenant en paléographie.

• Identifier et quantifier les effets de cette charge cognitive sur l’apprenant.

• Trouver des solutions pour prévenir, limiter ou réduire les effets négatifs de cette charge cognitive.

Choix de la recherche Deux motivations principales expliquent cette recherche :

- Comprendre les causes de faible acquisition ou remobilisation des informations chez les apprenants débutants ou avancés pour améliorer mes formations.

En effet, je constate que l’apprentissage de la paléographie demeure souvent laborieux et long, malgré un curriculum de formation réorganisé entre 2009 et 2013 autour de 5 grandes compétences. Etourderies nombreuses, taux de rétention des informations très faible et mise en pratique autonome peu efficaces restent des difficultés courantes chez les étudiants.

- Progresser comme paléographe et comme formateur en paléographie.

2.1.3. Enjeux

Enjeux théoriques - Proposer une définition et des caractéristiques de la charge cognitive en paléographie. - Mieux comprendre effets de la charge cognitive sur l’apprenant lors de l’apprentissage de la paléographie. - Corriger et/ou éviter des erreurs de conception de formation qui mettent en difficultés les apprenants et/ou le

formateur.

Enjeux pratiques - Favoriser un gain de temps et d’efficience chez l’apprenant - Faciliter l’entrée de l’apprenant en formation - Faciliter le maintien de l’apprenant en formation en évitant sa désorientation et/ou son découragement - A durée égale, proposer une formation plus utile à l’apprenant - Progresser comme paléographe et comme formateur en paléographie

2.1.4. Questions initiales

Questions générales

• Quelles sont les caractéristiques de la charge cognitive dans l’apprentissage en paléographie ?

• Quels sont ses effets sur les apprenants et leur apprentissage ?

• Quelles sont leurs causes ?

• Comment réduire ou éviter la charge cognitive en paléographie ?

• Quelles en sont les implications pour la formation ? Questions spécifiques

• Quel est/ quels sont les traitement(s) de l’information le(s) plus perturbé(s) lors de l’apprentissage de la paléographie ?

• Les erreurs de conception de la formation sont-elles une cause de charge cognitive en paléographie ?

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• La complexité est-elle une cause de charge cognitive en paléographie ?

• L’étudiant contribue-t-il lui-même à une charge cognitive (trop) importante ?

• Y-a-t-il des différences de charge cognitive entre le débutant et l’apprenant avancé ?

2.2. Cadre théorique et méthodologique :

traitement de l’information, charge cognitive et complexité

2.2.1. Cadre théorique

Le cadre théorique emprunte 3 notions fondamentales à la psychologie cognitive, science qui étudie la cognition (ensemble des grandes fonctions permettant à l’organisme d’interagir avec le milieu – perception, mémoire, intelligence …Larousse) :

Traitement de l'information

• Les composants du système d’information

Pour simplifier, le traitement de l’information dans le cerveau est assuré par au moins trois composants : - le registre de perception sensorielle, mémoire ultra courte liée aux sens, - la mémoire à long terme, organisant et conservant les données à long terme, - et entre les deux, la mémoire de travail, mémoire d’assez courte durée et de faible capacité, qui récupère les

informations du registre de perception ou de la mémoire de longue durée, pour faire d’autres tâches.

Pour acquérir des informations (sélection et passage des informations depuis le registre de perceptions vers la mémoire de travail), il est nécessaire de bien choisir sa technique d'apprentissage, d'y passer le temps nécessaire, de choisir la bonne manière de maintenir l'information en mémoire de travail et de disposer d’un bon et large stockage en mémoire à long terme.

• Les indices pour faciliter le traitement de l’information

Il faut aussi donner explicitement des indices pour faciliter le traitement des informations en provenance du registre de perception : On distingue les indices :

- liés aux traits distinctifs : on se souvient mieux d'une information distinctive qui a des traits spécifiques. Par exemple, dans une histoire, on retient mieux les obstacles rencontrés par le héros que son quotidien.

- liés aux liens entre les traits distinctifs : les liens qui existent entre les traits distinctifs sont plus importants que les traits eux-mêmes.

- liés à la supériorité du mot : la reconnaissance d'une lettre est meilleure quand celle-ci est placée dans un mot, que lorsqu'elle est placée seule ou dans un non-mot, un mot inconnu est plus long à déchiffré qu'un mot connu, la reconnaissance d'un mot est plus aisée quand la lettre est à sa bonne place dans le mot, notamment la première.

Un indice de reconnaissance peut se présenter sous une forme positive (c'est ...) mais aussi négative (ce n'est pas ...). Un indice permet de trier l'abondance d'informations qui arrivent en registre de perception et de sélectionner ce qui est nous intéresse pour un premier traitement en mémoire de travail. L'entraînement, même court, améliore les capacités de perception et la performance par l'action et la répétition. L'expérience est nécessaire car elle fournit des données à la mémoire à long terme. Il faut donc aider la mémoire de travail et la mémoire à long terme à retenir :

• Les aides à la mémorisation

Trois moyens principaux permettent de limiter l'oubli et la dégradation des informations en mémoire de travail et d'améliorer la taille de la mémoire ou "empan de la mémoire" :

- la répétition de l’information, peu efficace, - l'organisation (en créant des unités de groupements, il est plus aidé de mémoriser plus longtemps plus

d'informations)

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- et le codage multimodal (en associant plusieurs modes sensoriels, il est plus facile de se souvenir de quelque chose).

Charge cognitive

• Définition

La charge cognitive est ce qui gêne la cognition, « activité mentale qui permet l’appropriation d’un savoir ». Elle se présente comme « l’intensité du traitement cognitif engagé par un individu pour réaliser une certaine tâche, d’une certaine manière, dans un certain environnement », un « niveau d’effort mental nécessaire à la réalisation d’une tâche donnée ». (Lucile Chanquoy, André Tricot, John Sweller, La charge cognitive, Armand Colin, 2007).

« Si la charge cognitive est trop intense, les ressources mentales sont insuffisantes pour réaliser la tâche facilement et avec succès, on constate alors une baisse de performance, l’apparition de fatigue, l’augmentation des risques d’incidents ou d’accidents ainsi qu’une insatisfaction accrue chez la personne qui réalise la tâche » (Sperando, La psychologie en ergonomie,

Puf, 1980). Tous les composants du système de traitement de l’information sont alors susceptibles de dysfonctionner, ensemble ou séparément.

• Moyens de réduite la charge cognitive

Aussi, il est important de limiter la charge cognitive pour améliorer l’apprentissage, par exemple : - en réduisant la charge cognitive inutile, liée à des méthodes d’enseignement inadaptées ou à des redondances, - en réduisant la charge cognitive intrinsèque à la discipline, par exemple en réduisant le nombre d’éléments à traiter, - et en développant la charge cognitive utile, c’est à dire en favorisant l’apprentissage des éléments nécessaires à l’apprentissage. André Tricot a démontré l’efficacité de plusieurs moyens pour limiter et réduire la charge cognitive, notamment : - le travail sur des problèmes résolus ou partiellement résolus, - l’insertion des légendes dans les schémas, - la diversification des moyens d’apprentissage (en s’adressant aux différents sens : audition, vision, mouvement etc.), - la simplification des informations par la création de schémas regroupant des éléments, - la différenciation des consignes et des exercices selon le niveau des apprenants, débutants ou experts. Complexité La complexité est le caractère de ce qui est complexe. Ce qui est complexe est composé d’éléments qui entretiennent des rapports nombreux, diversifiés, difficiles à saisir par l’esprit et présentant souvent des aspects différents (Centre national de

recherches textuelles et lexicales).

Fig.14. La tâche complexe combine des éléments plus imprévisibles que la tâche compliquée

La tâche complexe La tâche compliquée

Eléments connus, maîtrisés Eléments nouveaux, peu ou mal connus/maîtrisés

Eléments très nombreux Eléments peu nombreux

Ordre et méthode de traitement à concevoir, solution idéale inexistante

Ordre et méthode de traitement connus, solution idéale existante

Résultat non fini imprévisible Résultat fini prévisible

Fig. 15. Le Cafoc de Nantes distingue 4 niveaux de complexité d’une tâche

Facteurs de complexité Caractéristiques de la tâche complexe

du niveau 1 au niveau 4

Nature du contact de « familier restreint » à « non familier ouvert »,

Cadre spatio-temporel de « proximité immédiate sur des échelles courtes » à « non connus sur de larges échelles »,

Nature et le nombre d’informations d’« utiles, fiables et peu nombreuses » à « pas forcément utiles, peu fiables et

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à traiter nombreuses »,

Interactions avec l’environnement humain et matériel

de « très peu nombreuses » à « très nombreuses »,

Nombre d’aléas en cours de situation,

de « rare et peu conséquent », à « fréquent et conséquent »,

Importance de l’enjeu individuel et collectif

de « faible » à « fort ».

La complexité peut entraîner des difficultés de : - perception (prise d’informations par les sens). - interprétation (prise d’information par une forme symbolique ou conventionnelle). - représentation (prise d’information résultant d’une opération mentale pour rendre perceptible aux sens des concepts non perceptibles aux sens). Une tâche complexe créé une charge cognitive importante chez l’apprenant.

2.2.2. Etat de la question

Les constats sur le terrain des effets négatifs de la charge cognitive sur l’apprenant sont nombreux en paléographie. Des solutions existent comme le montre la revue des écrits. Pourtant le problème reste inconnu et non traité en paléographie :

La charge « mentale » supportée par un apprenant en paléographie et ses effets sont inconnus. Le traitement de l’information chez l’apprenant paléographe n’est pas étudié. Les dysfonctionnements du traitement de l’information et leur importance par composant du système ne sont pas identifiés. La part de la charge cognitive sur ces dysfonctionnements est méconnue. Les aides pour éviter ou réduire les effets de la charge cognitive sur le traitement de l’information ne sont pas connues. Par conséquent, les dysfonctionnements du système de traitement de l’information sont inconnus et il est impossible

d’y remédier.

Les apports théoriques sur la charge cognitive permettront d’identifier les effets de la charge cognitive sur le système de traitement de l’information en paléographie, de mieux en comprendre les dysfonctionnements et de formuler puis de tester les aides possibles pour éviter ou réduire les dysfonctionnements liés à la charge cognitive.

La complexité de la paléographie et donc son impact sur la charge cognitive ne sont pas établis. Une activité complexe provoque de la charge cognitive chez l’apprenant. La complexité de la paléographie et de son apprentissage n’est pas établie. Par conséquent, la spécificité du traitement de l’information en paléographie est peut-être cause de charge cognitive

intrinsèque.

Les apports sur la complexité permettront par comparaison de caractériser la paléographie comme activité complexe ou non complexe et d’évaluer si elle perturbe ou non le traitement de l’information par l’apprenant en provoquant une charge cognitive. Il sera ainsi possible au besoin de modifier le curriculum de formation ou les modalités pédagogiques pour limiter les effets de la complexité de la discipline.

Le formateur et l’apprenant ont très peu conscience de leur fonctionnement mental. Le travail réflexif est quasi inexistant. Le traitement de l’information est individuel et invisible. Le formateur n’explique pas comment il pense et agit. Le formateur n’est pas formé aux sciences cognitives et à la charge cognitive. L’apprenant ne parle pas de son apprentissage / ne connaît pas les différentes stratégies d’apprentissage.

Par conséquent, des méthodes de travail inappropriées sont peut-être cause de charge cognitive inutile. Le formateur et

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l’apprenant créent peut-être de la charge cognitive inutile par des méthodes de travail inadéquates.

2.2.3. Cadre méthodologique de la recherche

Deux cadres sont choisis pour mener la recherche :

L’enseignement explicite Cette théorie canadienne est élaborée par S. Bissonnette, M. Richard et C. Gauthier. L’enseignement explicite est une méthode structurée de travail utile au formateur pour faciliter l’apprentissage, grâce à une formalisation verbale et visuelle des raisonnements à apprendre et à une forte interaction entre les apprenants et le formateur. Il consiste à formaliser une stratégie d’enseignement de façon structurée, en trois étapes, comprenant : - la préparation et la planification de tout ce qui sera utile à l’apprentissage ((programme, matériel, consignes, idées maîtresses, révisions, soutien ou « étayage »…) - l’interaction avec les apprenants, comprenant une progression de la pratique guidée à la pratique autonome, - la consolidation : synthèse et clôture de la leçon, anticipation de la leçon suivante, planification de l’automatisation (devoirs, révisions, transfert en situations variées).

Fig. 16. L’enseignement explicite est une méthode d’enseignement structurée,

dans laquelle le formateur et les apprenants ont un rôle équilibré

Les 3 étapes de l’enseignement explicite

1. Préparation et planification 2. Interactions avec les apprenants 3. Consolidation

Objectifs pédagogiques, connaissances préalables, connaissances maîtresses, favorisant l’acquisition de tout le reste, alignement des contenus entre eux et avec les objectifs.

Modelage par le formateur, démonstration commentée du raisonnement : « je vous montre »

Objectivation : synthèse et questions

Préparation des démonstrations (ou « modelage »), élaboration des consignes, du soutien (ou « étayage »)

Pratique guidée, réalisation collective d’un même type d’exercice que dans la démonstration : « nous faisons ensemble

Prochaine leçon

Préparation et planification des évaluations, révisions, devoirs et transferts : - avec régularité, - du plus simple au plus complexe

Pratique autonome, réalisation individuelle d’un même type d’exercice, seul : « vous faites seuls »,

Planification des révisions et/ou devoirs favorisant la réussite

D’après S. Bissonnette, M. Richard et C. Gauthier

Par conséquent, le formateur choisira avec soin ses méthodes de formation et sera plus explicite. Il diminuera la charge cognitive inutile par des méthodes de travail appropriées et par des informations explicites pour les apprenants.

L’apprentissage en profondeur La théorie de l’apprentissage en profondeur ou en surface a été conçue par Marton et Säljö en 1976. La stratégie d’apprentissage correspond aux « pensées et comportements des étudiant[e]s qui se traduisent par des procédures, des actions utilisées de manière consciente intentionnelle flexible et orientée vers la réussite [académique] ». (Caroline Larue et

Mohamed Hrimech, « Analyse des stratégies d’apprentissage dans une méthode d’apprentissage par problèmes : le cas d’étudiantes en soins infirmiers », Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, [en ligne], 25-2, 2009).

Fig. 17. La stratégie d’apprentissage compte beaucoup dans le succès de l’apprentissage La stratégie d’apprentissage « en profondeur » est la plus efficace sur le long terme

Apprentissage en profondeur Exemples de pratiques

Traitement actif de l’information Vision globale

Informations essentielles

Recherche du sens Compréhension plus importante que solution exacte Formulation de questions

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Restructuration de l’information, mise en schémas ou cartes conceptuelles, liens valorisés Discussions

Engagement fort Utilisation forte des ressources disponibles

Motivation forte, comprendre pour utiliser, progresser

Métacognition forte

Effets forts Mémorisation à long terme

Acceptation des erreurs Capacité à faire des liens et à anticiper Réutilisation forte

L’apprentissage en profondeur est le plus rare, mais il est efficace à long terme. Il combine un traitement fort de l’information à un engagement fort de l’apprenant, contrairement à l’apprentissage en surface, le plus courant mais efficace qu’à court terme. La stratégie de l’apprentissage en profondeur est efficace mais n’est pas innée. Elle nécessite un enseignement. Elle ne doit pas être utilisée systématiquement. On parle d’apprentissage stratégique, quand l’apprenant sait de façon opportune combiner les deux formes d’apprentissage selon son but. Par conséquent, l’apprenant sera plus actif dans son traitement de l’information et dans la gestion de son

apprentissage Il contribuera à la réduction de la charge cognitive inutile par des méthodes de travail plus appropriées.

La complexité même de la paléographie et des méthodes pédagogiques inadaptées semblent expliquer la saturation mentale (ou « charge cognitive ») souvent constatée chez les apprenants ainsi freinés ou bloqués dans leur apprentissage. 2.2.4. Hypothèse de recherche

Si

la charge cognitive intrinsèque ou inutile est à l’origine d’un apprentissage lent et/ou peu durable chez l’apprenant en paléographie, Alors, la réduction de la charge cognitive par les méthodes pédagogiques adaptées et notamment par celles de l’enseignement explicite et de l’apprentissage en profondeur, devrait entraîner une réduction du temps d’apprentissage et/ou une reprise de l’apprentissage et des effets plus durables chez l’apprenant.

2.3. La recherche : enseignement explicite et apprentissage en profondeur lors de formations en salle

2.2.1. Méthode

Méthode Méthodes de recherche déductive et inductive.

Plan général de la recherche - Comparaison des pratiques actuelles de formation à la paléographie avec les apports de la revue des écrits sur le

traitement de l’information et sur la charge cognitive, déductions. - Analyse rétrospective des effets constatés lors de mes formations entre 2000 et 2008 et ma pratique. - Formulation du traitement de l’information appliqué à la paléographie, identification des causes de la charge

cognitive en paléographie, catégorisation des effets de la charge cognitive sur l’apprenant. - Vérification de la prise en charge des effets négatifs dans la formation actuelle ou proposition de prise en charge

(solutions de réduction ou de prévention). - Conception, pré-test et test d’un cycle en présentiel « Méthodologie de la paléographie, niveau 1 » sur l’examen

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 32

du manuscrit, les lettres générales, les lettres particulières, les abréviations, les variations de langue et l’orthographe

- Analyse des données collectées. - Déductions, corrections et amélioration des formations en présentiel du prototype en ligne. - Mise à jour du curriculum et des outils existants.

2.2.2. Collecte et milieux

Collecte des données

- Comparaison écrits/pratique - Observation directe ou indirecte des effets de la charge cognitive sur des paléographes débutants ou avancés. - Evaluations à chaud et à froid par le formateur et les apprenants à l’issue de la formation en présentiel.

Milieux de test et/ou populations Public Pré-test en présentiel de 2 stages de 3h (24 personnes). Test 98 personnes, amateurs de niveau très hétérogène, principalement en généalogie, sur un cycle de 5 stages en salle, en 2014, à raison d’un stage de 3h par mois soit 15h sur 5 mois. Chaque stage ayant été animé au moins deux fois sur des groupes différents, en général sur deux demi-journées de la même journée. Corpus de textes Lot de 150 documents d’archives 15e-18

e siècles et documents.

Exemples de transcriptions des Archives départementales de l’Indre-et-Loire, disponibles sur leur site internet, dossier pédagogique sur les écritures Archives départementales de la Haute-Vienne. Supports 5 supports de formation et leur corrections, issus du prototype de formation en ligne, en version papier + 5 présentation de type PowerPoint (examen préalable, lettres générales, lettres particulières, abréviations, langue et orthographe).

2.2.3. Analyse des données

Les réactions et résultats des apprenants ayant suivi une formation classique et celles des apprenants ayant suivi une formation de nouveau type ont été comparées.

2.3.4. Explication des choix de méthode

Contraintes Plusieurs contraintes ont prévalu dans les choix :

- Vidée pragmatique (améliorer les formations). - Apprentissage en profondeur et enseignement explicite bien adaptés à des contenus foisonnants, à la montée en

compétences des acteurs, au besoin de formalisation/explicitation d’une méthodologie.

Critères de vérification La vérification des résultats a été réalisée par :

- Recoupement des difficultés des apprenants constatées, entre différents publics et différentes modalités pédagogiques sur plusieurs années, confirmant les difficultés et donc par effet miroir, les compétences nécessaires à l’exercice de la paléographie.

- Comparaison des réactions et des résultats des apprenants ayant suivi une formation classique avec ceux des apprenants ayant suivi une formation sur le prototype en ligne.

- Comparaison des réponses des apprenants entre elles, ou entre les réponses de l’évaluation à chaud et celles de l’évaluation à froid.

- Convergence entre les écrits théoriques et les découvertes de terrain (sous réserve de biais toujours possible !). Lorsque les réponses sont représentatives et cohérentes entre elles, elles sont considérées comme fiables. Si les difficultés demeurent identiques malgré les modifications de variables, cela signifie qu’elles sont récurrentes et

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 33

plutôt fiables.

2.4. Résultats : une charge cognitive réduite et 4 seuils d’apprentissage identifiés chez l’étudiant

2.4.1. Impact sur l’hypothèse

• Hypothèse partiellement validée

En paléographie, la charge cognitive est fréquente, elle provient bien de la complexité de la discipline elle-même (charge cognitive intrinsèque) et de méthodes inappropriées d’enseignement ou d’apprentissage (charge cognitive inutile), par exemple si le formateur propose des exercices cumulant les difficultés ou si l’apprenant reste passif dans son apprentissage. La charge cognitive provoque erreurs, frustration et stagnation des apprenants, jusqu'à l’abandon de la formation. Traiter la charge cognitive est donc indispensable pour limiter ou éviter les effets mais n’est qu’un préalable.

• Un nouveau paramètre à prendre en compte

En effet, il est aussi nécessaire de traiter la charge cognitive utile à la formation, en faisant porter également les efforts mentaux de l’apprenant sur les apprentissages à haute rentabilité, indispensables à la réalisation de la tâche, comme le raisonnement. 2.4.2. Constats

Constats génériques Deux causes de charge cognitive chez l’apprenant en paléographie provoquent des effets négatifs sur l’apprenant… et sur le formateur :

• La charge cognitive en paléographie est à la fois interne et externe

Quand la charge cognitive est trop importante, elle ne laisse plus de ressources mentales disponibles pour l’apprentissage lui-même. Elle se traduit par une incapacité à catégoriser et à mémoriser des informations nouvelles ou à se souvenir des informations anciennes. La charge cognitive provient au moins de deux causes en paléographie : La paléographie est une activité complexe car elle traite d’informations non familières, très nombreuses et incertaines.

- Elle fait référence à domaines peu connus ou inconnus et à du vocabulaire souvent abstrait ou inconnu. - Elle traite des données foisonnantes qui nécessitent le recours simultané à de nombreuses ressources internes et externes. - Elle fait face à de nombreuses variations et à des exceptions fréquentes, imprévisibles.

Fig.18. Origine interne de la charge cognitive : la complexité de la paléographie La paléographie est une discipline non familière

donc plus difficile à apprendre

Facteurs du

caractère « non

familier »

Niveau 4

de complexité

Composants

Nature du contact

non familier

ouvert

Histoire ancienne (12e-18

e s.)

Ecrit et manuscrit (monde actuel tourné vers l’image et l’écriture dactylographiée) Ancien français et latin Discipline inutilisée dans la vie quotidienne

Cadre spatio-temporel

non connu,

sur de larges

échelles

Durées longues des contenus (12e-18

e siècles) et de l’apprentissage

Espaces non connus (France d’autrefois). Nécessité d’anticiper. Effet de Thorndike : un effet lointain est difficile à identifier et rend la réussite incertaine en situation complexe (or l’apprentissage dure plusieurs mois ou années)

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 34

Niveau conceptuel des informations à apprendre

Informations

abstraites,

imperceptibles

par les sens

Vocabulaire technique et juridique (ex : « hypothèque ») Noms de lieux, de personnes Termes désuets ou inconnus (ex : « andain ») Blancs entre les mots non respectés.

Source : Grille d’analyse du niveau de complexité d’après le Cafoc de Nantes,

dans « Développer les compétences-clé », Chronique sociale

Fig.19. La paléographie traite des informations multiples, grâce à des ressources simultanées, facteurs de complexité

Facteurs du

caractère

« multiple »

Niveau 4

de complexité

Composants

Nature et le nombre d’informations à traiter

pas forcément

utiles, peu fiables

et nombreuses

Alphabet à formes variables de lettres (plus d’une centaine de formes). Types d’archives très variés. Institutions concernées nombreuses et variables selon les époques. 150 km d’archives publiques anciennes en France Informations pas toujours pertinentes (redondances, formules types …).

Interactions avec l’environnement humain et matériel

très nombreuses Nécessaire combinaison des 5 compétences paléographiques. Nombreux recours à des connaissances antérieures. Recours à des sciences complémentaires, des dictionnaires, des experts, des outils informatiques.

Importance de l’enjeu individuel et collectif

fort Diversité des apprenants et de leur but. Défi personnel, utilité professionnelle. Utilité pour la société.

Fig.20. La paléographie traite des données incertaines et/ou variables

ce qui rend son apprentissage plus conséquent

Facteurs du

caractère

« incertain »

Niveau 4

de complexité

Composants

Nombre d’aléas en cours de situation

Fréquent et

conséquent

Nombreuses exceptions : oublis, erreurs, mauvais état du document, spécificité de l’écrivain… Apprentissage non linéaire : régression faute de pratique Résultat non prévisible, méthode de déchiffrage à construire pour chaque type de texte

Pluralité des interprétations

Sens équivoque Variabilité de la forme des lettres, ressemblance des lettres et des non lettres, utilisation de lettres pour les chiffres, utilisation d’une lettre pour une autre lettre, Usages différents des accents et la ponctuation par rapport à aujourd’hui. Sens (connoté) différent selon époque et lieu Parfois impossibilité de trancher entre deux solutions plausibles ou probables Certains éléments sont tacites ou implicites.

Existence de contradictions

Oui Etre généraliste pour se spécialiser (besoin de comparer pour apprendre) Apprentissage tacite ou implicite et individuel peu efficace, besoin d’un apprentissage explicite et collectif Temps de formation de plus en plus court mais contenus inchangés et temps d’intégration incompressible.

La complexité d’une tâche induit un effort mental important chez celui qui la réalise. Des méthodes inadaptées de travail provoquent également de la charge cognitive externe, inutile

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 35

La charge cognitive est actuellement ignorée tant par le formateur que les apprenants qui contribuent, par leurs méthodes de travail et d’apprentissage, à l’aggraver.

Fig. 21. Origine externe de la charge cognitive :

les méthodes de travail inappropriées, notamment chez l’apprenant qui a tendance à l’apprentissage « en surface »,

peu durable et mal adapté aux tâches complexes.

Apprentissage en surface Exemples de pratiques

Traitement passif de l’information Vision linéaire et détaillée

Toutes les informations

Mémorisation par cœur Solution exacte plus importante que compréhension

Copie à l’identique Souligné des informations

Ecoute des autres

Engagement faible Utilisation minimum des ressources disponibles.

Motivation faible, en faire le moins possible, réussir l’examen

Métacognition1 faible

Effets faibles Mémorisation à court terme

Peur de l’échec Incapacité à faire des liens avec connaissance antérieures

Réutilisation faible

• Les effets négatifs de la charge cognitive sur l’apprenant sont multiples et cumulatifs

Dans l’apprentissage classique de la paléographie, de multiples dysfonctionnements du traitement de l’information existent :

Fig.22. En situation normale sans charge cognitive, le système de traitement de l’information de l’étudiant fonctionne

Fig.23. En situation d’apprentissage de la paléographie en formation classique, le système de traitement de l’information de l’étudiant dysfonctionne souvent

1 Réflexion sur son apprentissage

Informations

captées par les 5 sens

Registre de

perception

Mémoire de

travail

Mémoire

de long terme

Informations

captées par les 5 sens

Registre de

perception

encombré

Mémoire de

travail

surchargée

Mémoire de

long terme sous-utilisée

Trop d’informations surtout visuelles

Informations non différenciées et non hiérarchisées

Enregistrement défectueux et rappel difficile ou impossible

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 36

Fig.24. Objectifs de la nouvelle formation : aider le système de traitement de l’information de l’étudiant en réduisant la

charge cognitive par des aides appropriées

Le registre de perceptions sensorielles est encombré d’informations :

- Les contenus sont très nombreux, peu différenciés, peu priorisés (surtout chez le débutant pour qui un caractère graphique ressemble à un autre). - Souvent, l’information privilégie un seul sens (audition ou vision), ce qui sature le canal correspondant d’acquisition de l’information surtout en cas de handicap sensoriel de l’apprenant. L’encombrement se manifeste par la sensation que « tout s’embrouille » dans le champ de vision, le non repérage de certains caractères graphiques, une fatigue (beaucoup plus rapide chez les débutants).

La mémoire de travail est parfois surchargée, La mémoire de travail est parfois surchargée, en paléographie : - Majorité du travail est silencieux et invisible, la collecte et la réception d’informations demandent des efforts d’attention. - En l’absence de modèles, l’obligation de faire tenir en mémoire de travail le modèle tout en traitant le reste des informations, rend la mémoire de travail peu performante. Les apprenants repèrent très bien les nouvelles acquisitions mais n’arrivent plus à se souvenir des anciennes. Le nombre d’éléments traité dans un cours est limité. Au-delà de 3 ou 4 éléments différents, les apprenants perdent leur attention, les erreurs d’étourderie se multiplient.

La mémoire à long terme est peu et/ou mal sollicitée : Les méthodes pédagogiques utilisées et le manque de temps limitent le retraitement de l’information et sa répétition, interdisant ainsi un stockage durable. Une difficulté paléographique, pourtant rencontrée à plusieurs reprises, n’est pas repérée et/ou traitée par les apprenants. Les apprenants ne font pas de lien entre les anciennes connaissances et les nouvelles. Les apprenants se servent peu de leurs acquis.

Ces dysfonctionnements entraînent un apprentissage lent, fragmenté, éphémère et peu réutilisable. - La fatigue et la confusion peuvent engendrer de l’agressivité chez l’apprenant et/ou développer un sentiment d’échec et/ou d’impuissance. Les apprenants stagnent voire régressent et peuvent renoncer à se former ou à pratiquer. - Les apprenants deviennent trop dépendants du formateur, « mémoire » du groupe. - Le formateur peut se décourager et renoncer à faire cours ou se montrer agressif ou méprisant envers ces apprenants « qui ne retiennent rien ».

Constats spécifiques Les découvertes pressenties sur les difficultés de lecture chez l’apprenant adulte se confirment et sont approfondies par la

recherche sur la charge cognitive :

Aide à la perception et limitation de la quantité

Aide à la différenciation et à la hiérarchisation

Aide à l’enregistrement et au rappel automatisé

Informations

captées par les 5 sens

Registre de

perception

Mémoire de

travail

Mémoire de

long terme

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 37

Face à un texte manuscrit, le système de traitement de l'information chez un apprenant débutant est particulièrement encombré. L’étudiant est confronté à un nombre important d'informations dont beaucoup sont non familières. Voici les principales difficultés repérées, souvent causées par un manque de méthodologie de travail :

• La charge cognitive gêne l’apprentissage des lettres

Les lettres manuscrites des époques anciennes sont différentes de celles d’aujourd’hui et varient beaucoup plus, ce qui génère de nombreuses difficultés d’apprentissage :

- La gestion des différences de formes de lettres est insuffisante. - La gestion de la variabilité des lettres est inconnue. - Le formateur ne voit pas ou sous-estime des difficultés des apprenants.

Concrètement, les fins de mot ne sont pas déchiffrées ou sont erronées. Certaines lettres, notamment en début de mot, ne sont pas déchiffrées ou sont prises pour d'autres. L'apprenant ne fait pas la différence entre une majuscule, une minuscule ou une capitale et bloque sur les formes de lettres différentes de celles d’aujourd’hui. Des lettres connues, quand elles sont combinées à certaines autres lettres, ne sont pas reconnues.

• La charge cognitive gêne l’apprentissage des abréviations

L’abréviation est la forme courte d’un mot. Les systèmes abréviatifs existent dès l’Antiquité, utilisés pour gagner temps, place et confidentialité. L’apprenant a donc à apprendre de nombreuses abréviations. Les abréviations dans les textes anciens à déchiffrer sont considérées comme des "obstacles majeurs", tant par les pédagogues du 19e siècle que les praticiens d'aujourd'hui. Pourtant, les abréviations sont souvent stables, récurrentes et assez aisées à repérer surtout quand elles portent un signe abréviatif. De fait, l'apprenant a des difficultés à mémoriser les abréviations, à les repérer dans un texte puis à les déchiffrer. Ses difficultés liées à cet apprentissage sont les suivantes :

- L’acquisition des abréviations est laborieuse. - La mémorisation des abréviations est lente et incomplète. - La réutilisation des connaissances en abréviations est partielle.

Concrètement, les apprenants font des erreurs de transcription, hésitent, mélangent les abréviations entre elles. Ils sont frustrés face à certaines abréviations non résolues et tendent à se démotiver.

• La charge cognitive gêne l’apprentissage des variations de langue

Le déchiffrage des lettres et des non-lettres (chiffres, abréviations …) ne suffisent pas. En effet, le sens et donc la compréhension de la langue sont importants. Ils nécessitent de comprendre la logique des évolutions de la langue, de l'orthographe et de la syntaxe, au moins dans leur grands principes, car le français des manuscrits est différent de celui d’aujourd’hui. La formation classique fait découvrir les variations de langue, de façon implicite, au fur et à mesure des textes. Les apprenants ne sont pas forcément les liens entre les connaissances d'un texte à l'autre et ne capitalisent que très peu leurs découvertes sur les variations de la langue ou de l’écriture au fil des siècles. Les variations leur paraissent illogiques, aléatoires, difficiles à comprendre et à mémoriser, ce qui les découragent parfois/souvent. Aussi, les principales difficultés sont les suivantes :

- L’ajout de lettres dans un mot n’est pas compris ni attendu alors que c’est une pratique régulière avant le 19e siècle,

- La séparation des mots des mots liés est difficile à rétablir. - La logique du texte est sous-utilisée pour en comprendre le sens et résoudre des passages.

Concrètement, les apprenants : - sont perdus face à un mot connu mais dont la forme est plus longue ou différente de celles d'aujourd'hui. - ont l'impression qu'autrefois "on écrit n'importe comment" avec beaucoup de fautes et se sentent impuissants à

apprendre autant de variations perçues comme illogiques. - ne trouvent pas le mot dans le dictionnaire car ne le cherchent pas sous sa bonne forme orthographique.

2.4.3. Nouveautés

Le manque d’indices en lecture paléographique augmente la charge cognitive L’apprenant manque d’indices explicites pour traiter plus facilement l’information paléographique :

- Les traits distinctifs des lettres ou des autres signes graphiques sont parfois absents ou variables.

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 38

- le lien entre les traits distinctifs notamment entre les segments de lettres (qui facilite la reconnaissance de la forme) est parfois absent. Certaines lettres sont dites "éclatées" car l’écrivain a levé sa plume entre les segments de la lettre. Elles sont les plus difficiles à reconnaître sans apprentissage, comme dans le e ou le s éclaté en deux ou plusieurs segments indépendants.

- la supériorité du mot est peu utilisable en paléographie : Le mot ancien est rarement conforme à l'image que nous nous faisons du mot, stockée en mémoire à long terme puisqu’il peut y avoir des lettres en plus, en moins, différents ou variables. Par exemple, le mot emffenz ne correspond pas à l'image du mot que nous avons du mot enfants, il sera plus difficile à trouver. De même, un mot inconnu est plus long à déchiffré qu'un mot connu. Enfin, il a également été démontré que la reconnaissance d'un mot est plus aisée quand la lettre est à sa bonne place dans le mot, notamment la première. Le mot huit sera par exemple plus facile à déchiffrer que sa forme ancienne uit.

La création d’une formation en salle intègre les moyens de limiter la charge cognitive inutile et intrinsèque et fait émerger de nouvelles pratiques Plusieurs aides génériques sont expérimentées avec succès pour limiter la charge cognitive :

- le travail sur des problèmes résolus ou partiellement résolus, - la présentation des légende dans les schémas plutôt que au-dessus ou au-dessous de schémas, - la diversification des moyens d’apprentissage, utilisation des canaux d’apprentissage (en s’adressant aux

différents sens : audition, vision, mouvement etc.) et de moyens mnémotechniques, - l’aide à la perception : usage de la couleur, recherche en série ('exemple des abréviations), regroupement par

catégorie et par traits distinctifs, amorçage (utilisation de modèles), - la priorisation des contenus, des exercices et des méthodes, travail sur exercices corrigés. - la simplification par la création de schémas regroupant des éléments, - la dissociation de la forme et du fond, notamment dans le traitement des abréviations. - la réduction du nombre d'informations : recherche sur des extraits courts, modèle de datation des écritures…, - l’enseignement explicite des techniques et incitation à l’apprentissage en profondeur.

De nouvelles manières de travailler émergent tant pour le formateur que pour l’apprenant : - La participation des étudiants aux corrections, - L'explicitation du raisonnement, l'apprentissage des variations et de la gestion des incertitudes, - La différenciation des consignes et des exercices selon le niveau des apprenants, débutants (pas à pas progressif)

ou experts (par thématiques spécialisées), - L'observation des erreurs réelles à titre individuel, - La proposition de travail individualisé d’application, - L'aide des autres apprenants.

Le passage de 4 seuils conceptuels par l’apprenant n’est actuellement pas accompagné par le formateur 4 seuils ou paliers conceptuels ont été identifiés chez les apprenants pendant l'apprentissage, contrairement à l’idée initiale d’un « plafond de verre » entre le niveau 2 et le niveau 3, lié plutôt au manque de techniques de déchiffrage. Le seuil conceptuel ou d’apprentissage est « un pallier dont le franchissement est strictement nécessaire au développement d’une nouvelle manière d’envisager les monde ou de l’interpréter », un moment charnière ou de rupture. Les connaissances sont dérangeantes, il n’y a pas de retour en arrière possible mais vrai changement. 4 seuils en paléographie semblent exister. Ces passages, pas forcément conscientisés par l’apprenant, peuvent être invisibles ou au contraire exprimés spontanément à l’oral par l’apprenant :

Fig.25. 4 seuils conceptuels à franchir pour l’étudiant en paléographie

Seuil Description du seuil Nouvelle représentation à acquérir

Seuil A

« C’est différent » Passage du niveau 0 (ignorance) à 1 (découverte)

La langue française et les écritures d'hier sont différentes de celles d'aujourd'hui.

Seuil B

« Faut s’investir »

Passage du niveau 1 (découverte) à 2 (pratique)

La paléographie est accessible mais demande du temps, de la technique, donc de l'engagement personnel et la persévérance dans l'apprentissage et de la régularité dans la pratique.

Seuil C

« Faut être malin »

Passage du niveau 2 (pratique) à 3 (maîtrise)

La paléographie demande de la stratégie pour choisir et coordonner les techniques à bon escient et du raisonnement afin de résoudre des problèmes variés et inédits et de progresser.

Seuil D

« Faut rentabiliser »

Passage du niveau 3 (maîtrise) à 4 (expertise)

La paléographie demande une posture de chercheur-transmetteur, produisant des résultants ré exploitables et durables.

(d’après Marianne Frenay et alii, « Construire un projet de recherche appliquée en éducation »)

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 39

Le passage des seuils a des conséquences sur les étudiants : - Tant qu’ils n’ont pas acquis un seuil - et les moyens d’agir qu’il induit -, les apprenants semblent bloqués au niveau correspondant, comme si le passage du seuil déterminait l’accès à un raisonnement supérieur.

- Ils stagnent ainsi plusieurs années, voire peuvent régresser. L’accompagnement du passage d’un seuil est donc nécessaire quand l’apprenant rencontre des blocages, une impression de tourner en rond et/ou l’envie d’abandonner la formation.

2.4.4. Bénéfices, limites et perspectives

Bénéfices globaux

• La nouvelle formation améliore surtout la perception et la mémoire à long terme, ce qui permet à la mémoire de travail d'être plus performante.

Fig.26. Efficacité constatée de la nouvelle formation :

plus de méthode et plus d’aisance, d’après les apprenants

Critères Résultats majoritaires sur 19 réponses exploitables Observations

Progrès constatés OUI

Meilleure reconnaissance des lettres et des mots Prise en charge des variations des lettres Reconnaissance plus facile, plus rapide Lecture plus fluide, plus « efficace » Acquisition de techniques spécifiques (lecture de petits mots ou séparation des lettres d’un mot par exemple)

2 personnes indiquent ne pas avoir progressé, mais n’ont suivi qu’un stage et ont confirmé avoir été peu disponibles

• Les temps d’apprentissage et ceux de traitement d’un document manuscrit diminuent tant chez les débutants que les avancés. Les étudiants discriminent en effet mieux les lettres manuscrites anciennes, les abréviations et les variations de langue en différencient les traits de surface, variables, et ceux de structure, persistants.

• Le formateur évolue dans ses représentations :

- Accepter un rôle de formateur moins important mais plus efficace. - Vouloir faire réussir les apprenants. - Favoriser l’autoformation ou la formation mixte des apprenants plutôt que la formation.

Bénéfices spécifiques

La recherche apporte un cadre d’apprentissage plus confortable et plus efficace donc plus motivant que celui de la formation classique :

• L’apprentissage des lettres est plus sécurisant

Les bénéfices sont certains : - L'apprenant dispose d'une vue d'ensemble simplifiée sur les ressemblances et les différences entre les lettres

d'autrefois et celles d'aujourd'hui, de façon explicite et progressive. Ainsi, il est moins déstabilisé dans son déchiffrage et peut progresser, quel que soit son niveau.

- Le formateur prend plus conscience des difficultés récurrentes, souvent bloquantes, des apprenants et peut les aider à les surmonter. Il créé des exercices spécialisés pour ce faire.

- Ces nouveautés répondent bien besoins de terrain, s'adaptent aux niveaux des apprenants et incitent l'apprenant à l’apprentissage en profondeur.

La nouvelle formation permet, d'abord à partir de textes dactylographiés puis de textes manuscrits, de : - catégoriser les variations en ensembles mnémotechniques, - aborder les ajouts de lettres et les remplacements de lettres par d'autres, - reconstituer les mots qui n'ont pas été coupés au bon endroit lors du tracé manuscrit, - utiliser les mots placés à proximité d’un mot pour deviner ce mot.

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 40

• L’apprentissage des abréviations est plus rapide

La nouvelle méthode se révèle efficace : - Elle rend un débutant très rapidement capable de repérer des abréviations dans toutes sortes de textes de

niveau 1 à 3. - Elle débloque les apprenants avancés sur le déchiffrage des textes de niveau 3. - Elle abaisse de manière significative les délais d’apprentissage. - Elle renforce la motivation des apprenants. - Elle révèle d’autres difficultés moins visibles mais tout autant fondamentales, comme le traitement des lettres

particulières ou des variations de la langue. La charge cognitive peut donc être limitée ou retardée notamment en :

- faisant des liens entre les informations, - organisant la progression, - sacrifiant/ou en retardant l'apport des noms scientifiques au profit de termes plus simples et surtout plus

opérationnels, - faisant réaliser par l'apprenant des synthèses régulières des apprentissages.

Dans ces conditions, résoudre une abréviation apparaît comme une difficulté réelle, visible mais moins insurmontable.

• L’apprentissage des variations de langue prépare au raisonnement

Les nouveaux apports et leurs exercices respectifs par série progressive permettent aux apprenants : - d'anticiper les variations de langue et d'orthographe, - de mieux supporter l’incertitude (considérée comme normale), - et de rétablir plus facilement et plus sûrement la forme actuelle du mot déchiffré. Les débutants y gagnent en motivation et les apprenants continuants se sentent mieux armés pour se confronter à des textes plus difficiles (fin de niveau 2 et 3). Ils font des liens et des analogies entre les différentes connaissances, ce qui était rare en formation classique, preuve d’une meilleure mémorisation à long terme.

Limites

• Les limites générales de la recherche

Les limites générales de la recherche proviennent essentiellement de : - ma subjectivité comme formateur-chercheur, - la nécessité de créer des outils d’observation, de mémorisation et de comparaison des informations collectées, - l’absence de validation des outils d’observation, - la taille des populations étudiées, - des résistances inattendues (à la pédagogie active par exemple).

• L’apprentissage de la coordination des techniques est nécessaire

Le déchiffrage des lettres est essentiel mais pas isolément. Il reste plus efficace s'il est lié à d'autres connaissances, historiques et linguistiques notamment. Par ailleurs, si les contenus et les méthodes sont utiles, leurs modalités d'acquisition et de réutilisation chez les apprenants sont à améliorer. L’apprentissage des abréviations seul est insuffisant à garantir les progrès et la qualité du paléographe, quelle que soit la méthode d’apprentissage. Des prérequis sont nécessaires : - la maîtrise des lettres, chiffres, principales différences de langue, vocabulaire ; - le recours à une stratégie qui elle aussi a besoin d’être apprise, comprise, mobilisée. Il est donc important de poursuivre la réflexion sur les prérequis et la progression entre les niveaux de formation. Pour les variations de langue, les contenus sont encore très importants en nombre et leur apprentissage nécessite un temps (incompressible) et de l’entraînement. L’apprentissage de vocabulaire est à renforcer, car un mot connu est beaucoup plus facile donc plus rapide à identifier. La formation gagnerait de plus à séparer en deux modules ce qui relève des variations de langue de ce qui dépend du raisonnement logique.

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 41

Perspectives

• Le formateur devra se former à l’enseignement explicite et à l’accompagnement

Il lui faut faire particulièrement attention à : - rendre visibles les caractéristiques des caractères et des mots, - rendre explicites les stratégies possibles et leurs critères de choix, - faire connaître la « normalité », l’’incertitude et les exceptions, - transformer les difficultés courantes en repères faciles, - modifier et enrichir les modalités pédagogiques en ce sens.

• A l’avenir, le franchissement des seuils conceptuels devra être accompagné

Ce qui suppose de : - les confirmer par une étude et des outils adaptés, - se former aux méthodes d’accompagnement, - modifier éventuellement le curriculum de formation et les modalités pédagogiques, - retravailler le découpage des niveaux de formation paléographique initiaux et les outils d’évaluation, en tenant

compte des seuils, - s’interroger sur des seuils conceptuels éventuels chez le formateur.

• Le niveau 1 devra être mieux articulé avec les niveaux 2 et 3 de formation

Seul le niveau 1 a été construit et testé. Les niveaux 2 et 3 sont seulement esquissés. - Il est désormais certain que, tel que prévu, le niveau 3 supportera une charge cognitive bien trop importante par

rapport aux constats effectués dans cette recherche. Le niveau 2 est donc à repenser : il devra intégrer les révisions du niveau 1 et les apports du niveau 2 mais aussi préparer l’acquisition des méthodes de travail utilisées au niveau 3.

- Le constat des problèmes de perception et de charge cognitive intrinsèque notamment sur les télescopages et déformations de lettres invite à diviser le module de « Techniques de déchiffrages lettres particulières » en 2 modules, l’un pour les lettres, l’autre pour les assemblages de lettres.

• La charge cognitive utile en paléographie sera à développer chez l’apprenant.

Les techniques de déchiffrage seules ne suffisent pas à la résolution de tous les problèmes. Il est nécessaire d’augmenter la charge cognitive utile, ici le raisonnement, indispensable à la résolution de nombreux cas. Le raisonnement paléographique est actuellement peu connu. De plus, l’apprenant peut consacrer plus d’effort à la gestion de son projet d’apprentissage et de son projet paléographique, en apprenant à :

- être curieux, - mémoriser de nombreux contenus et ressources, - repérer des caractéristiques, ressemblances ou différences, - utiliser des méthodes de recherche, d’analyse, de synthèse et de raisonnement par hypothèses, se doter de

critères de choix et de priorisation, - combiner les méthodes et les ressources, - gérer l’incertitude, - être persévérant.

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 42

2.5. Conclusion : de nouvelles méthodes de travail sécurisent le traitement de l’information

paléographique

2.5.1. Rappel problématique

Pour répondre à une demande croissante de formation paléographique, il convient de former plus vite, plus facilement et plus durablement à la paléographie. Malgré les améliorations importantes apportées entre 2009 et 2013 aux formations (curriculum de formation, nouvelles modalités pédagogique, recours aux technologies…), l’apprentissage demeure long et laborieux, avec des effets peu durables. Les apprenants sont souvent « surchargés mentalement », par une charge cognitive de provenance inconnue. Elle créé un ralentissement ou un dysfonctionnement partiel ou total du système de traitement de l’information, jusqu’à parfois contribuer à l’échec de l’apprenant…et à celui du formateur. La charge cognitive chez l’apprenant n’est pas repérée par le formateur qui n’est pas formé à cette question. Les causes, les effets et les moyens d’évitement ou de traitement de cette charge cognitive lui sont inconnus. Pourtant, la revue des écrits montre qu’il est possible d’étudier les effets de la charge cognitive à travers le modèle de traitement de l’information ou de celui de la complexité, et de proposer des remèdes, en utilisant par exemple l’enseignement explicite et l’apprentissage en profondeur. L’origine de la charge cognitive peut être intrinsèque et/ou inutile, provenir du la discipline elle-même, du formateur ou de l’apprenant. Les dysfonctionnements du système de traitement de l’information peuvent être liés à un seul ou plusieurs composants du système. Il est peut-être plus facile d’éviter ou de diminuer les effets négatifs de la charge cognitive plutôt que de les rectifier. La recherche a donc pour objet d’identifier les causes, les effets et les traitements possibles de la charge cognitive chez l’apprenant en paléographie et d’améliorer les formations en conséquence. 2.5.2. Apports et nouveautés de la recherche

Grâce : - à l’observation directe ou indirecte des effets de la charge sur des paléographes débutants ou confirmés, - à la conception et au test d’une formation à la « Méthodologie de la paléographie, niveau 1 », en salle sous forme

d’un cycle de 15 h (5 x 3 h) auprès d’un groupe de 98 personnes intégrant des moyens de réduire la charge cognitive,

- à la comparaison des comportements et des résultats des apprenants ayant suivi l’ancienne avec ceux des apprenants ayant suivi la nouvelle formation en présentiel,

- et au recours aux apports des techniques d’enseignement explicite et d’apprentissage en profondeur, la recherche montre que la charge cognitive qui bloque ou gêne l’apprenant dans son apprentissage provient de deux origines :

- un excès de charge liée à la complexité de la discipline, ou charge intrinsèque. La paléographie est une activité complexe car elle traite d’informations non familières, très nombreuses et incertaines. Cette complexité génère une charge cognitive qui perturbe, ralentit ou fait dysfonctionner le traitement de l’information chez l’apprenant.

- un excès de charge inutile, générée par des méthodes ou des contenus inappropriés (ex : progression absente, choix de textes trop difficiles),

Les apprenants en paléographie ont donc de grandes difficultés à différencier les multiples formes de signes graphiques existants dans les textes anciens et à anticiper leurs variations possibles. Cette charge d'informations, principalement visuelles, sature le registre de perceptions sensorielles. Elle empêche ensuite le traitement de l'information, d'abord en mémoire de travail puis en mémoire à long terme. Plusieurs moyens de réduire la charge cognitive sont testés dans une nouvelle formation collective en salle, en provenance de l’enseignement explicite et de l’apprentissage en profondeur. Ils se révèlent très efficaces : les apprenants progressent plus vite, font preuve de plus méthode, de techniques et de motivation et sont plus satisfaits.

La recherche révèle également de nouvelles perspectives : - 4 seuils conceptuels semblent exister chez l’apprenant, qu’il conviendra de confirmer, de caractériser et de

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 43

prendre en compte dans l’ingénierie pédagogique et de formation. - de nouvelles manières de travailler (d’apprendre ou d’enseigner), voire, de se représenter la formation

paléographique, émergent. - un manque de charge cognitive utile pourtant nécessaire pour progresser (ex : apprendre les techniques de

résolution de problème).

2.5.3. Implications pratiques et théoriques

Il est donc indispensable de limiter la cognitive externe ou interne et de favoriser la charge cognitive utile, en aidant les apprenants à mieux traiter l'information c'est-à-dire, à percevoir les informations (acquisition) puis à les mémoriser (maintien) et à les remobiliser quand besoin (rappel). La recherche montre également la nécessité d’aider le formateur à :

- ne pas aggraver la charge cognitive, - évoluer dans ses pratiques et ses représentations de formateur, - tenir compte/traiter des résistances inattendues et des limites prévisibles.

Il semble aussi important de permettre à l’apprenant de : - développer la charge cognitive utile comme celle induite par le raisonnement, indispensable en paléographie. - se familiariser avec l'approche en profondeur, travailler encore plus explicitement sur la langue et sur

l'orthographe, pour un engagement et une réussite plus importants et plus durables.

2.5.4. Pour en savoir plus

Bibliographie sélective : - Cafoc de Nantes, « Développer les compétences-clé » Chronique sociale, [sd, grille d’analyse de la complexité]. - Chanquoy Lucile, Sweller John, Tricot André, La charge cognitive : théories et applications. Armand Colin,

2008. Partiellement en ligne. - Christian Puren, Méthodologie de la recherche en didactique des langues, notamment chapitre sur la complexité,

mise en ligne sur http://www.christianpuren.com/ - Marc SMITH, ressources utiles à la paléographie, dont bibliographie sur les abréviations,

http://www.menestrel.fr/spip.php?rubrique727. 4 février 2012 | 23 septembre 2009, site Ménestrel, consulté le 13 juillet 2014.

- Tricot André, Charge cognitive et apprentissage : Une présentation des travaux de John Sweller, in Revue de Psychologie de l'Education (1998), 1, 37 - 64, consulté en ligne sur le site andre.tricot.pagesperso-orange.fr/tricotRPE.pdf, juillet 2014.

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 44

3 . E X P L I C I T E R E T F A V O R I S E R L E R A I S O N N E M E N T P A L E O G R A P H I Q U E

Processus, enjeux, freins, aides, apprentissage

et perspectives pour la formation à la lecture d'archives manuscrites en français

Mots clé Raisonnement / Résolution de problème / Expertise / Automatisme / Vocabulaire Résumé

De nombreux apprenants raisonnent en paléographie souvent de façon insuffisante, incomplète ou erronée. Le

formateur n’a lui-même que peu conscience de son raisonnement et ne dispose pas d’outils ni de situation pour

recueillir, observer et enseigner le raisonnement.

Pourtant, il est possible d’observer, d’expliciter et de faire apprendre le raisonnement, comme le montrent la

psychologie cognitive, la didactique professionnelle et la didactique des langues.

La recherche a pour objet d’identifier les difficultés des apprenants en raisonnement et d’y remédier. Le dispositif

combine :

- l’auto-observation de raisonnements,

- la conception et le test d’un outil d’observation/évaluation du raisonnement,

- l’identification et la formalisation de routines de raisonnement,

- l’adaptation et le test de méthodes de traitement actif de l’information.

Les résultats de recherche convergent pour démontrer l'existence et l'importance du raisonnement en paléographie,

la pertinence et la nécessité de son apprentissage, pour l'apprenant. Levier technique mais aussi puissant levier de

motivation, l’apprentissage du raisonnement a des effets particulièrement bénéfiques : l'étudiant peut résoudre plus

de problèmes et plus rapidement. Il comprend mieux quand il traite lui-même le sens des mots, en s'aidant d'outils

appropriés et en s'exerçant à utiliser le vocabulaire.

L'évaluation paléographique s’en trouve modifiée : il est plus pertinent d’évaluer la compréhension d'un texte ancien

manuscrit, grâce à des raisonnements corrects, que le nombre de fautes de transcription…

De plus, la recherche a mis à jour et formalisé des "schèmes" ou routines utiles à l’automatisation du raisonnement,

notamment en résolution de problème et en traitement du vocabulaire. Elle a montré l'importance des

connaissances procédurales mais aussi conditionnelles, et celle du "co-raisonnement", raisonnement à deux ou en

groupe. Enfin, une définition du raisonnement est avancée :

" Ensemble des processus de pensée et de prise de décision qui permettent en paléographie au lecteur de prendre les

actions les plus appropriées dans un contexte spécifique de résolution de problème concernant le repérage de

l'information, le déchiffrage, la compréhension - et la restitution des informations d'un texte manuscrit ancien et de

piloter son projet d'apprentissage ou de réalisation/production paléographique".

Le curriculum de formation devra en tenir compte. Il sera aussi nécessaire de mieux accompagner l'apprenant et le

formateur à ces nouvelles pratiques.

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 45

3.1. Présentation de la recherche : comment apprendre à raisonner en paléographie ?

3.1.1. Contexte

Période de la recherche 2015-2016

Auteur Aude Garnerin. Archiviste. [email protected] Forme à la paléographie dans le cadre de ses fonctions territoriales, en Archives départementales depuis 2000, sur 3 niveaux (amateurs et professionnels essentiellement).

Contexte Une précédente recherche sur la charge cognitive présente dans l’apprentissage de la paléographie a montré que la charge cognitive utile pouvait être augmentée chez l’apprenant. Concrètement, la formation doit permettre à l’apprenant de privilégier les efforts pour les opérations mentales utiles à l’apprentissage, et particulièrement pour le raisonnement. L’apprenant en paléographie semble en effet manquer de raisonnement, celui-ci n’étant pas enseigné.

3.1.2. Présentation de la recherche

But Identifier les processus de raisonnement utiles au paléographe pour les faire ensuite acquérir aux apprenants des formations en paléographie que j’anime.

Objectifs de recherche - Concevoir, tester et faire évoluer des outils pour observer les traces du raisonnement paléographique, - Identifier et catégoriser les processus de raisonnement paléographique, - Identifier les aides et les freins au raisonnement et à l'apprentissage du raisonnement paléographique, - Concevoir, tester et faire évoluer des interventions et des supports pédagogiques facilitant l'apprentissage du

raisonnement paléographique, - Concevoir des outils facilitant l'évaluation du raisonnement en paléographie chez l'apprenant débutant ou

continuant.

Choix de la recherche Deux motivations principales expliquent cette recherche :

- Comprendre les causes et trouver les remèdes au blocage qui est constaté quand les techniques de déchiffrage se suffisent plus à l’apprenant mais que celui-ci ne dispose pas de techniques de raisonnement.

- Progresser comme paléographe et comme formateur en paléographie.

3.1.3. Enjeux

Enjeux théoriques - Proposer une définition et des caractéristiques du raisonnement en paléographie. - Mieux comprendre le système du traitement de l’information en paléographie. - Corriger et/ou éviter des erreurs de conception de formation qui mettent en difficulté les apprenants et/ou le

formateur.

Enjeux pratiques - Gains de temps, d'efficience et de motivation chez l'apprenant et le pratiquant. - Production de transcriptions plus rigoureuses, donc plus fiables et mieux ré exploitables. - Création de supports plus adaptés aux besoins d’apprentissage. - Facilitation de remédiation auprès de l’étudiant pour éviter les erreurs récurrentes conscientes ou

inconscientes de raisonnement

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 46

- Progrès personnels comme paléographe et comme formateur en paléographie

3.1.4. Questions initiales

Questions générales

- Quand et comment raisonne-t-on en paléographie ? - Le raisonnement paléographique peut-il s'apprendre ? Comment ? - Quels sont les freins/aides au raisonnement paléographique et à son apprentissage ? - Quels sont les enjeux et les perspectives de l'apprentissage du raisonnement en paléographie pour la

formation ? Questions spécifiques

- Le raisonnement paléographique est-il actuellement vraiment si faible chez les apprenants de tous niveaux ou seulement invisible ?

- Y-a-t-il des différences de charge cognitive entre le débutant et l’apprenant avancé ?

3.2. Cadre théorique et méthodologique : psychologie cognitive, didactiques professionnelle et des

langues

3.2.1. Cadre théorique

Une approche pluridisciplinaire est choisie, en voici une présentation succincte.

La psychologie cognitive La psychologie cognitive s’intéresse à la cognition (ensemble des grandes fonctions permettant à l’organisme d’interagir avec le milieu – perception, mémoire, intelligence …Larousse).

• Le raisonnement

Plus particulièrement, les travaux sur le raisonnement se multiplient ces dernières années. Ceux sur le raisonnement clinique pour les infirmières montrent, par exemple, que le raisonnement est observable, enseignable et perfectible. Au sens général, raisonner consiste en une "mise en œuvre d'une opération mentale de traitement de l'information aboutissant à un comportement de réponse adaptée à un problème" (Katy Le Neurès, Carole Siebert, Raisonnement, démarche

clinique et projet de soins, Paris, Elsevier Masson, 2013). Le raisonnement appartient à la mémoire de travail, mémoire située après le registre de perceptions sensorielles et avant la mémoire à long terme. Raisonner utilise la mémoire de travail et la mémoire à long terme, qui par conséquent sont plus lentes et moins disponibles pour les autres tâches. Il est donc utile :

- d’apprendre à raisonner et de s’entraîner à raisonner, - de regrouper l’information et d’utiliser des mémos pour soulager au moins la mémoire de travail,

d’automatiser certaines opérations. L'automatisme est "la transformation d'un traitement qui requiert des ressources attentionnelles en un traitement qui en requiert peu ou pas du tout". (Dictionnaire des sciences cognitives, Guy Tiberghien dir, Armand Colin, 2002).

• L’expertise

C’est notamment l’automatisation du raisonnement qui différencie un expert d’un débutant : L'expert est capable de repérer le problème clé d'une situation, de restreindre l'espace problème, de mobiliser des automatismes et de décider très vite. L’expertise est "la capacité d'appréciation et l'activité qui reposent sur une maîtrise des compétences hors du commun dans un domaine particulier de connaissances" (Dictionnaire des sciences cognitives, 2002).

L'expert se différencie ainsi d'un débutant par son expérience, ses connaissances déclaratives générales et spécifiques dans un domaine donné, ses nombreuses connaissances procédurales en résolution de problème, sa capacité à choisir une stratégie de résolution générale ou spécifique, un temps de préparation à la résolution plus long, sa capacité à

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détecter les similarités de structures et les inférences (informations sous-entendues ou manquantes). Il se distingue également d'un débutant par son automatisation des étapes intermédiaires de résolution, un contrôle fréquent de ses actions et la capitalisation des bonnes pratiques.

• La résolution de problèmes

Le raisonnement sert la résolution de problème : résoudre un problème consiste à trouver un moyen de sortir d'une difficulté, de contourner une difficulté ou d'atteindre un but initialement peu clair. On parle aussi de réduire l'écart entre une situation donnée et la situation recherchée. Deux types de problèmes sont courants :

- Les problèmes d'agencement Ce type de problème consiste à réorganiser des objets selon un critère. Souvent, de nombreux essais et erreurs sont nécessaires pour y réussir. Il s'agit de produire des possibilités et d'écarter les mauvaises, de récupérer des informations en mémoire à long terme, de découvrir les relations qui existent entre les objets, d'éviter les solutions les plus improbables.

- Les problèmes de transformation Ce type de problème consiste à trouver une solution par le passage d'un état initial à un état visé, par une série d'étapes appropriées. Les moyens sont adaptés à la fin. La résolution de problème est facilitée par : - la familiarité du domaine dans lequel se produit le problème, - la capacité à percevoir sous les traits de surface les structures sous-jacentes, - la capacité à restreindre ou à augmenter l'espace de recherche, c'est-à-dire l'ensemble des choix à chaque étape de résolution, - le choix de la stratégie de résolution. De nombreuses méthodes de résolution existent comme :

- l'analyse fin/moyens qui consiste à réduire l'écart entre l'état initial et l'état, en repérant les obstacles et les manques et en y remédiant ; - les sous-buts qui cherchent à réduire l'espace de recherche en divisant le problème en éléments plus petits ; - l'analogie qui utilise la solution d'un problème similaire déjà rencontré ; - la spatialisation qui permet par des représentations graphiques de résoudre plus vite des situations faisant l'objet de nombreuses contraintes ; - la méthode arborescente qui travaille par éliminations successives - ou la créativité qui combine associations d'idées non structurées souvent inconscientes, exploration de multiples pistes même originales, prise de risque, persévérance, boucles fréquentes de rétrocontrôle et capitalisation sur le long terme.

La didactique professionnelle Des automatismes de raisonnement sont le signe d’une expertise.

• Les schèmes ou routines automatisables

Les schèmes ou « routines » facilitent les automatismes. Les schèmes sont des actions structurées, généralisables d'une situation à d'autres (Jean Piaget).Tout schème s'appuie sur des invariants opératoires (qui ne changent pas) comprenant un ensemble structuré de variables (qui changent). Par leur structure et leur familiarité, les schèmes sont facilement assimilables, mobilisables et donc automatisables. Ils sont donc indispensables à la formation, notamment professionnelle.

• Les textes procéduraux

Si les schèmes apportent le fond de l’apprentissage, la théorie des textes procéduraux apporte la forme des consignes à donner aux apprenants pour effectuer une tâche, par exemple de raisonnement. Les textes procéduraux sont des instructions procédurales qui ont pour but de faire agir et non de faire comprendre ou d'informer (Franck Ganier, Les apports de la psychologie cognitive à la conception d'instructions procédurales, 2004). La didactique des langues

• Le vocabulaire

Pour simplifier, le lexique peut être défini comme l’ensemble des mots d’une langue. Le vocabulaire, lui, concerne plutôt les mots d’un individu ou d’un texte. En fait, il existe plusieurs types de « mots » ou unités lexicales pour un spécialiste :

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- Le signe linguistique est une forme graphique séparée par des espaces, il associe souvent une forme, un sens et des propriétés combinatoires (par ex : un chat est masculin et ne s’utilise pas avec une).

- Le lexème est un concept qui peut avoir plusieurs formes (allez et irait sont les formes de aller). - L’expression idiomatique, ou locution, possède une forme, un sens et des formes combinatoires restreintes. Le

sens de chaque terme ne s’additionne pas (ex : cheval-d’arçon). Un bon raisonnement est facilité par la maîtrise du vocabulaire. Les processus mentaux de traitement du vocabulaire sont enseignés par la pédagogie du vocabulaire et le vocabulaire s’enseigne de manière spécifique, séparément de la lecture ou de l’écriture.

• La mémorisation et les erreurs de mémorisation du vocabulaire

Les études montrent que l'organisation des mots et la création de liens logiques entre les mots permettent une mémorisation forte et un rappel facile et rapide en mémoire de travail depuis la mémoire à long terme. La mémoire à long terme serait composée de trois mémoires différentes mais complémentaires : - la mémoire épisodique gère les événements vécus par la personne (lieu/temps), les souvenirs liés à un contexte, assez faciles à oublier, - la mémoire sémantique est une sorte de base de données des connaissances générales, sans contexte, de type encyclopédique, faciles à oublier, - la mémoire procédurale enregistre les actions et les opérations, les compétences motrices (faire du vélo,...), très bien mémorisées. Nombreuses erreurs proviennent d’un mauvais stockage ou d’un mauvais rappel en mémoire de travail car les données factuelles de la mémoire épisodique et de la mémoire sémantique s'oublient vite. Ceci qui explique que le vocabulaire passif (mots connus mais pas utilisés) soit beaucoup plus important que le vocabulaire actif (mots connus et utilisés). Il existe des moyens de collecter les erreurs lexicales les plus fréquentes afin de les analyser et d’y remédier.

• Les aides à la mémorisation du vocabulaire

Pour mémoriser un mot et le reconnaître ensuite, il faut aussi être capable de savoir où commence et où se termine un mot. Les regroupements d'informations ou l'indication des liens logiques entre les informations sont des bons moyens de soulager la mémoire de travail et alimenter la mémoire à long terme. Les regroupements dans le domaine du vocabulaire s’opèrent par :

- hiérarchisation, consistant à organiser le vocabulaire par niveaux hiérarchiques : chat est le mot de base ou intermédiaire, félins est le mot supérieur ou générique et siamois le mot spécifique.

- catégorisation, consistant à regrouper les termes qui ont en commun au moins un critère, comme un concept (tous les objets qui se nomment couteau), par catégories naturelles réelles (les petits couteaux et les grands couteaux), par usage ou but...(les couteaux à viande et les couteaux à beurre).

- typicalité, capacité d'un terme à représenter sa catégorie car il en partage de nombreux traits (pour un occidental, le chat est plus représentatif que le tigre blanc dans la catégorie félin).

- prototype, moyenne de la forme de la catégorie, il a de nombreuses similitudes avec le niveau intermédiaire. Ainsi, nous reconnaissons un chat qu’il soit gris ou noir, petit ou grand, car nous l'avons en représentation "moyenne" dans la tête.

La catégorisation est aisée et rapide chez l'expert, qui reconnaît rapidement les traits d'un terme et sait à quelle catégorie il appartient ou inversement. Il analyse également les liens existants entre les termes, et pas seulement leurs traits. Au contraire, la catégorisation est lente et limitée chez l'apprenant débutant. Le regroupement aiderait la mémorisation et le rappel des mots car il correspondrait à l’organisation des mots dans le cerveau sous forme de réseau sémantique, sorte de diagramme composé de nœuds (un nœud par concept) reliés par des lignes relationnelles. La théorie de la propagation de l'activation du réseau indique que l'activation se fait de terme en terme, qu'elle est plus rapide quand il y a proximité sémantique et qu'il n'y a pas d'autre activation simultanée (par exemple, quand un mot a plusieurs sens possibles). La place d'un terme dans un réseau sémantique indiqué par le contexte permet de trouver le sens d'un mot, de reconnaître le mot comme probable ou possible et de différencier des mots ambigus ou polysémiques. Par exemple, mineur associé à mine et charbon possède un sens différent de mineur associé à conduite, majorité, vote.

3.2.2. Etat de la question

Les constats sur le terrain révèlent en paléographie le manque ou la faiblesse de raisonnement des apprenants, de tous

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niveaux. La revue des écrits montre que des solutions existent pour faire apprendre le raisonnement. Pourtant le problème reste méconnu et non traité en paléographie :

Fig.27. Le manque de connaissances et/ou de pratique limite le raisonnement de l’apprenant … et du formateur

Chez le débutant L'apprenant raisonne de façon inconsciente, sans savoir ce qu'il fait.

Le débutant manque à la fois de pratique et de connaissances, il ne peut faire appel à des connaissances antérieures et à des automatismes de pensée. La charge cognitive gène le raisonnement. Le raisonnement est peut-être bloqué par des représentations (erronées) chez l’apprenant L’apprenant n’a jamais appris à raisonner en paléographie, or ce n’est pas inné

Chez le pratiquant

Le pratiquant possède souvent une certaine pratique mais pas forcément de connaissances bien enracinées dans la mémoire à long terme. Son raisonnement peut être erroné et surtout inconscient. Il est alors difficile de le lui en faire prendre conscience et de lui en faire changer.

Chez le formateur

L’absence de connaissances fines sur le raisonnement des apprenants gêne certainement le raisonnement du formateur lui-même et le choix de situations d’apprentissage de raisonnement adaptées aux apprenants. Les outils d’observation manquent. Les traces ne sont pas assez observées et/ou observables ou les observations sont fausses ou insuffisantes. Le raisonnement est peut-être bloqué par des actions ou des représentations du formateur Le formateur ne montre pas / pas suffisamment son raisonnement et/ou les techniques de raisonnement ou impose un raisonnement qui ne convient pas à l’apprenant. Les outils pour faire apprendre le raisonnement sont inexistants, non pertinents ou insuffisants.

Le raisonnement en paléographie n’est ni observé ni décrit. Les outils d’observation du raisonnement ou d’évaluation du raisonnement sont inexistants. Le raisonnement, silencieux et individuel, est peu visible, il est donc impossible de dire s’il est invisible mais correct ou incomplet, incorrect ou inexistant chez l'apprenant. Le formateur et l’apprenant ont très peu conscience de leur raisonnement. Les différences de raisonnement entre experts et débutants sont inconnues et non prises en compte dans la formation. Les freins ou les aides à l'apprentissage du raisonnement sont inconnus.

Par conséquent, il est impossible au formateur de détecter les erreurs de raisonnement chez l’apprenant.

Les travaux sur l’expertise devrait permettre de savoir si l’apprenant débutant a déjà les mêmes raisonnements que l’expert mais à moindre niveau ou si son raisonnement diffère, et d’adapter la formation en conséquence.

Le raisonnement paléographique n’est ni appris ni exploité en formation. De nombreuses erreurs paléographiques sont liées à un raisonnement erroné, limité ou à une absence de raisonnement. Le raisonnement n’est pas enseigné en paléographie alors qu’il n’est pas inné. Les techniques de résolution de problème ne se sont pas utilisées, chacun procède en « devinant » ou par tâtonnement, ce qui est incertain et lent.

Par conséquent, le raisonnement n’est pas automatisé, ce qui accroît la charge cognitive inutile chez l’apprenant.

L’apprentissage du raisonnement permettra au formateur comme à l’apprenant d’avoir plus conscience de leur raisonnement, d’acquérir et d’utiliser des outils de raisonnement. Ces techniques - et l’apprentissage de leur usage pertinent - permettront aux apprenants de transcrire des textes plus difficiles, plus rapidement et plus rigoureusement et de gagner en autonomie de travail hors formation.

L’importance du traitement du vocabulaire pour le raisonnement paléographique est largement sous-estimée L’importance du traitement du vocabulaire pour le raisonnement paléographique est inconnue tout comme la nécessité de son apprentissage.

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Le traitement du vocabulaire n’est pas intégré à la formation classique car la pédagogie du vocabulaire est inconnue en paléographie De plus, il n’existe pas d’exercices spécifiques au vocabulaire, dans l’actuelle formation à la paléographie.

Par conséquent, sans connaissances préalables en vocabulaire, l’apprenant peine à raisonner et subit une très forte

charge cognitive.

La pédagogie du vocabulaire donnera un cadre et des outils pour le traitement du vocabulaire en paléographie. Elle devrait fournir des d’exemples exercices variés et progressifs adaptables à la paléographie. Ses apports permettront un gain de temps et de fiabilité important pour un formateur qui n’est pas spécialiste des questions lexicales. Il est donc nécessaire de rechercher comment un apprenant, débutant ou avancé raisonne, d’identifier les aides et les freins au raisonnement et d’améliorer la formation paléographique en conséquence. 3.2.3. Cadre méthodologique de la recherche

Plusieurs techniques sont empruntées à la sociologie, à la didactique des langues et à la psychologie cognitive pour construire le cadre de la recherche :

Des outils d’observation du raisonnement

• L'entretien d'explicitation est un entretien avec le formateur pendant lequel l'apprenant explique ses méthodes de travail et ses étapes de raisonnement a posteriori, prenant ainsi conscience de ses forces et de ses faiblesses, et ajustant au fur et à mesure sa stratégie d'apprentissage.

Il est emprunté à la sociologie, présenté par Armelle Bales-Chanel dans « L’entretien d’explicitation : accompagner l’apprenant vers

la métacognition explicite », Recherche et éducation n°1, 2e semestre 2002. Il permet de compléter une grille d’observation du raisonnement créée à cette occasion :

Fig. 28. Création d’une grille d’observation du raisonnement paléographique

Actions de l’apprenant Types de traces en paléographie

Repérer les éléments de la situation Décrit Dessine Montre Nomme Signes de surprise et de satisfaction

Hiérarchiser les éléments de la situation selon leur pertinence

Utilise des critères de choix Compare, écarte, rassemble, souligne, entoure Etablit des liens Fait une synthèse orale ou écrite des éléments retenus Signes de surprise et de satisfaction

Se questionner sur la présence d’un problème

Note une impossibilité, une incohérence, une étrangeté, une méconnaissance ou une absence, un excès Donne des éléments sur les risques, les conséquences Recherche des causes Signe d’hésitation, de perplexité.

Enquêter (transformer une situation indéterminée en situation déterminée)

Cite et/ou compare à son expérience ou à des connaissances antérieures Consulte une source d’information ou un tiers Se pose des questions, détermine ce qui n’est pas connu Donne du sens, explique, reformule à sa manière Vérifier si le résultat est possible/cohérent Etudie les contraintes Résume, fait un schéma Formule des hypothèses Analyse, précise, clarifie les choses Conclut

Faire preuve de réflexivité/ Se transformer

Donne son but ou intention Evolue dans son discours ou son comportement S’adapte aux situations

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Comprend ce qu’il fait/dit Justifie ses choix Indique ce qui est important pour lui Identifie ses points forts et ses points faibles Dit ce qu’il aimerait faire/améliorer Ecoute, interroge, reformule avec le tiers Prend conscience de ses comportements Parle de son ressenti, dit « je » Prend du recul

• Le "portfolio" est un travail écrit et plastique, témoin de l’apprentissage sur la longue durée. Le "portfolio" est

une production personnelle à réaliser pendant une formation longue, plutôt par des apprenants continuants. Il sert à montrer les progrès à l'apprenant qui les réalise, sources de motivation.

Par conséquent, grâce aux outils d’observation, le formateur pourra découvrir le raisonnement des apprenants et

l’apprenant pourra suivre et évaluer ses progrès en raisonnement.

L’entretien d’explicitation appliqué à la paléographie recueillera à l’oral le raisonnement de l’apprenant, après un travail de transcription ou un exercice de paléographie ciblé. Il permettra de mieux comprendre les stratégies de raisonnement utilisées, leur efficacité et/ou leurs limites et d’en tenir compte dans l’accompagnement de l’apprenant. Le portfolio appliqué à la paléographie pourrait recueillir les productions et les traces de raisonnement de l’apprenant. Il permettra de mieux comprendre les stratégies de raisonnement utilisées, leur efficacité et/ou leurs limites et d’en tenir compte dans l’accompagnement de l’apprenant. Il permettra également de développer la réflexivité de l’apprenant, condition de la progression vers l’expertise et/ou de l’apprentissage en profondeur.

La collocation ou proximité probable des mots entre eux - La collocation est la proximité probable ou association habituelle des mots. Elle permet de trouver, à partir de l'ordre des mots ou d'un mot déclencheur, les termes non déchiffrés, probables. Il s'agit donc d'une sorte de règle ou de routine qui permet de reconnaître, de mémoriser et de remobiliser des connaissances. Elle est donc moins coûteuse en effort mental que le déchiffrage lettre à lettre.

Par conséquent, les schèmes de reconnaissance du vocabulaire aideront l’apprenant à raisonner.

En identifiant les schèmes liés au traitement du vocabulaire, et notamment sous forme de collocations, le formateur pourra formaliser des méthodes et des exercices pour que l’apprenant puisse acquérir ces schèmes et les réutiliser ensuite en autonomie. Il est également nécessaire de trouver la forme la plus appropriée de consignes pour les apprenants puissent les apprendre et les utiliser. Les apports sur les textes procéduraux permettront au formateur de donner une forme plus facilement mémorisable aux schèmes.

Les techniques de traitement actif de l’information La compréhension et la mémorisation s'avèrent supérieures lorsque l'apprenant traite lui-même le sens des mots, en s'aidant d'outils appropriés et en s'exerçant à utiliser ce vocabulaire par :

• des productions personnelles : reformulation, résumé, recherche de titres ou de « chapôs », classement de mots et visualisation des liens entre les mots, si possible en contexte.

• des questionnements : le questionnement de type "Quintilien", bilan des points principaux, le

questionnement de type "coaching", qui permet d'identifier un problème et sa solution, le questionnement de type "langue" qui aide l'apprenant à formuler sa compréhension d'un texte.

• des schémas résumant le contenu d’un texte.

Par conséquent, l’entraînement de l’apprenant au traitement actif de l’information l’aidera à raisonner, à résoudre

et à comprendre.

L’introduction d’une part de productions personnelles autres que la transcription classique permettra à l’apprenant de

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traiter activement le vocabulaire et de mieux comprendre ce qu’il a transcrit. Ces traitements pourraient s’automatiser à l’avenir dans la formation, pour devenir des schèmes, réducteurs de charge cognitive. Par ailleurs, il sera possible de savoir si ces productions pourront servir d’outils d’observation et/ou d’évaluation plus simples et plus pertinents que la correction traditionnelle des « fautes » de transcription.

3.2.4. Hypothèse de recherche

S’il

est possible d’identifier les schèmes du raisonnement et du traitement du vocabulaire en paléographie, et de les transformer en procédures à apprendre par les apprenants pour raisonner et traiter le vocabulaire, Alors

ces schèmes rendront le raisonnement plus facilement assimilable et mobilisable, les apprenants devraient être capables de transcrire des textes plus difficiles, plus rapidement et plus rigoureusement, et d’utiliser les outils et les méthodes de raisonnement même seuls, en dehors des cours.

3.3. La recherche : test d’outils d’observation et d’explicitation des techniques de raisonnement

3.3.1. Méthode

Méthode Méthode de recherche qualitative, dite aussi d'analyse qualitative, avec analyse par l’écriture notamment.

Plan général de la recherche La recherche a suivi le déroulé suivant en 2015-2016 :

- comparaison des pratiques actuelles de formation à la paléographie avec les apports de la revue des écrits et déductions,

- recueil de données par analyses rétrospectives et exploitation des apports théoriques, - déductions, formalisation des questions de recherche, - création, test et amélioration d'outils d'observation du raisonnement, en formation individuelle en ligne ou en

salle, - expérimentation et amélioration des outils d'observation en formations collectives, - analyse des données recueillies, interprétation et présentations des résultats, - conception, test et amélioration d'aides et d'exercices d'apprentissage, - déductions, adaptation et harmonisation du curriculum, du prototype de formation, des supports d'aide, du

référentiel de compétences et des outils d'évaluation.

3.3.2. Collecte et milieux

Collecte des données Plusieurs moyens ont contribué à la collecte de données entre 2014 et 2015 :

• Analyse rétrospective de mon expérience de formatrice

J’ai analysé a posteriori deux types de formations que j’ai animées : - Cours de niveau 1 à 4, conçus et animés entre 2001 et 2006 aux Archives départementales de l'Essonne (soit

32 h par an pour chaque niveau, cours tous les 15 jours), concernant une soixantaine d'apprenants. - 15 stages de 3h, conçus et animés en 2014, aux Archives départementales de Charente-Maritime (45 h),

concernant une centaine d'apprenants (niveau 1, parcours de 5 stages).

• Observations indirectes

Les traces de raisonnement ont été recherchées dans les transcriptions établies par des pratiquants débutants ou avancés.

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• L'auto observation et la création d’outils d’aide au raisonnement

L'auto observation a concerné les raisonnements simples. Elle a permis d'identifier plusieurs processus de raisonnement, de les formaliser sous formes d'outils puis de les auto-expérimenter avant de les tester sur un ou des apprenants et de les améliorer : La conception d’outils d’aide aux raisonnements complexes, elle, a porté sur les outils suivants :

- Les représentations graphiques en résolution de problèmes, schémas, plutôt qualitatifs que quantitatifs. - Les productions de l'apprenant en traitement de vocabulaire, exercices qui favorisent le traitement actif de

l'information par l'apprenant. - Les mémos stratégiques, supports formalisant des macro processus de raisonnement, pour combiner des

raisonnements. Après expérimentation, les outils ont été améliorés et standardisés, des conseils d'utilisation et des critères d'évaluation ont été rédigés, les conséquences pour la formation ont été envisagées. Ces outils seront ensuite testés à petite et grande échelles.

Ces observations ou déductions ont été complétées par celles réalisées dans un dispositif de formation continue : Milieux de test et/ou populations

• Observation directe en face à face individuel en formation

La formation concerne une archiviste professionnelle en formation continue, débutant en paléographie. Elle s’est déroulée sur le temps de travail, à raison d'environ 3h par semaine, du 15 janvier au 15 mai 2015, en face à face d’un à deux heures, soit une quarantaine d'heures au total.

• Corpus de textes

Lot de 150 documents d’archives 15e-18e siècles, déjà utilisé dans le prototype de formation.

Textes des fonds judiciaires et notariaux d’ancien régime ou du 19e siècle des Archives départementales de la Charente-

Maritime.

3.3.3. Analyse des données

Les données collectées sur le raisonnement sont très nombreuses, aussi une nouvelle méthode de travail a vite été nécessaire pour les traiter :

• Codage

Dans un premier temps, les données sont codées et/ou catégorisées par expérience menée pour obtenir : d'une part des ensembles homogènes, cohérents et simplifiés, et d'autre part des irrégularités ou des contradictions. Par exemple, l'accompagnement individuel d'une apprenante professionnelle fait l'objet d'un journal de bord, dont les données sont codées par des couleurs. Ces données ont été ensuite réparties dans la grille d'observation des processus de raisonnement quand il y en a ou dans le plan d'expérimentations/actions du formateur.

• Analyse

Ensuite, les données font l'objet de synthèses régulières inter-expériences. Parallèlement, les données importantes en quantité ou trop complexes ou nécessitant des approfondissements/vérification sont transformées en figures (tableau, matrice, schéma ...) pour mieux en comprendre les relations, les catégories ou les manques... et complétées si besoin par des expériences supplémentaires.

• Synthèse

Ensuite, les données sont compilées dans les notes de recherche et donnent lieu à des conclusions ou à des conceptualisations.

3.3.4. Explication des choix

Contraintes Plusieurs contraintes ont prévalu dans le choix méthodologique :

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 54

- Visée pragmatique (amélioration de la formation). - Compatibilité avec l'environnement de recherche, notamment le monde professionnel. - Prise en compte de l'aspect linguistique de la paléographie, qui est avant tout l'étude d'une langue, même si

celle-ci est majoritairement écrite.

Critères de vérification La vérification des résultats a été réalisée par :

- recoupement des difficultés des apprenants constatées, entre différents publics et différentes modalités pédagogiques sur plusieurs années, confirmant les difficultés.

Si les difficultés sont identiques malgré les modifications de variables, cela signifie qu’elles sont récurrentes et fiables. - utilisation des outils d’abord à petite échelle, analyse, corrections, puis utilisation à plus grande échelle.

La validité des conclusions est notamment vérifiée par la cohérence de résultats.

3.4. Résultats : compréhension facilitée par la résolution de problème et par le traitement du

vocabulaire

3.4.1. Impact sur l’hypothèse

• L’hypothèse est validée.

Il est possible d’identifier les schèmes du raisonnement et du traitement du vocabulaire en paléographie et de les transformer en procédures à apprendre par les apprenants pour raisonner et traiter le vocabulaire.

• Ces schèmes rendent le raisonnement plus facilement assimilable et mobilisable, les étudiants deviennent capables de transcrire des textes plus difficiles, plus rapidement et plus rigoureusement, et d’utiliser les outils et les méthodes de raisonnement seuls en dehors des formations. 3.4.2. Constats

Constats génériques

• Le raisonnement est indispensable à l’apprenant en paléographie

Le raisonnement paléographique est difficile à observer car peu visible et peu conscient. Le raisonnement est pourtant omniprésent en paléographie et participe à la réalisation des 5 grandes compétences paléographiques. De plus, le raisonnement favorise le transfert et la remobilisation des techniques sur des cas variés. Il conditionne ainsi l'autonomie de l'apprenant ou du pratiquant en lui permettant de s'autocontrôler et de se corriger. L'insuffisance de raisonnement paléographique entrave la progression de l'étudiant : En effet, parfois ou souvent, l'apprenant ou le pratiquant :

- Ne repère pas les éléments de la situation. - Ne hiérarchise pas les éléments de la situation. - Ne se questionne pas sur l'existence d'un problème. - N'enquête pas (ne transforme pas une situation indéterminée en situation déterminée). - N'est pas réflexif. - N'a qu'une seule stratégie, n'adapte pas son raisonnement à la situation. - Compte sur le formateur pour raisonner à sa place et lui fournir la solution. - N’arrive pas à dépasser un certain seuil de difficultés de problèmes, surtout en dehors des formations.

• Le raisonnement paléographique peut s'observer et être décrit

L’utilisation de la grille d’observation des raisonnements et des outils créés pour observer les traces du raisonnement rendent visible le raisonnement à toutes les étapes du travail de paléographie. Les raisonnements peuvent être catégorisés selon leur but : déchiffrage, résolution de problème, compréhension...

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 55

mais aussi par type d'action : identification, ajout, suppression, modification, combinaison, comparaison ou sélection d'informations. Trois niveaux de raisonnement sont identifiés :

- Micro-raisonnement : raisonnement limité en qualité/quantité, ponctuel, permettant de résoudre un problème simple.

- Macro-raisonnement : généraliste, combine plusieurs micro raisonnements ou agit/porte sur un niveau supérieur ou sur la globalité des éléments de la situation.

- Méta-raisonnement : raisonnement sur le raisonnement, stratégie ou choix de raisonnement conscient pour parvenir à un but.

Le raisonnement paléographique pourrait être défini de la manière suivante, par analogie au raisonnement du diagnostic clinique : " Ensemble des processus de pensée et de prise de décision qui permettent en paléographie au lecteur : - de prendre les actions les plus appropriées dans un contexte spécifique de résolution de problème concernant le repérage de l'information, le déchiffrage, la compréhension et la restitution des informations d'un texte manuscrit ancien - et de piloter son projet d'apprentissage ou de réalisation/production paléographique".

[d'après Higgs et Jones, cf. le raisonnement infirmier page 47, Claude Belpaume, Accompagner l'apprentissage du raisonnement clinique en soins infirmiers,

Recherche en soins infirmiers, 2009, n°99, p43-74, consulté le 10 juin 2014].

• Le raisonnement paléographique doit s'apprendre et être exploité

Le raisonnement en paléographie, comme ailleurs, n’est pas inné. Il s’apprend. - Ce raisonnement peut s'apprendre, grâce à un enseignement explicite, des entraînements et des supports de

mémorisation/des aides. - Le raisonnement est différent d'une personne à l'autre, d'un niveau à l'autre, il est nécessaire de proposer

plusieurs solutions de raisonnement pour que chacun prenne celle qui lui convient. - Il est également nécessaire d'apprendre à choisir son raisonnement en fonction de la situation (connaissances

conditionnelles). - Le « co-raisonnement », raisonnement à deux ou à plusieurs, permet de prendre conscience de son propre

raisonnement et de le faire évoluer/de l’enrichir si besoin. Pour être appris puis réutilisé, le raisonnement a besoin de mémos. La forme et la rédaction de ces mémos doivent être soignées pour garantir leur efficacité. Les textes procéduraux apportent des techniques utiles à la rédaction à la conception de supports mnémotechniques ou de tutoriels d’apprentissage pour le raisonnement paléographique. Elles limitent la charge cognitive qui pourrait par exemple provenir de l’usage de textes (les consignes) sur du texte (le manuscrit et sa transcription).

Constats spécifiques

• Les techniques de résolution de problème sont transférables à la paléographie

Fig. 29. 4 exemples d’outils pour la résolution de problèmes paléographiques

La résolution par étapes pour les problèmes simples La résolution de problème par étape fonctionne bien sur des cas simples, aux combinaisons limitées, sur : - les problèmes d'agencement qui nécessitent d'organiser des éléments selon un critère. Par exemple, à partir d'un ensemble de lettres en forme de traits verticaux, il s'agit de définir quelles sont les lettres, à choisir parmi le m, i, n, u, v. - les problèmes de transformation qui nécessitent une résolution par étapes, pour conduire d'un état initial à un état visé. Par exemple, faire abstraction de variations de surface (les variations d'écriture) pour retrouver la forme habituelle (d’aujourd’hui) de la lettre.

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 56

La résolution par étapes par arborescence L'arborescence prend la forme d’embranchements de sélection ou de non-sélection de l’information. Elle permet de traiter de nombreuses combinaisons possibles. Elle s'avère ainsi un outil puissant de résolution dans le domaine du déchiffrage pour : - déchiffrer un mot inconnu rédigé en écriture lisible, - déchiffrer un mot illisible, mal formé.

La résolution de problème complexe par la spatialisation (ou schéma) Il s’agit de présenter le contenu d’un texte en schémas, c’est-à-dire par quelques mots, des formes géométriques et des traits de relations. A des fins pédagogiques, les schémas ont été catégorisés en deux types : - les schémas de personnes, plus orientés vers les relations familiales, et qui répondent à la question "qui est qui ?" dans ce texte. - les schémas d'actions, plus orientés vers les actions et événements, et qui répondent à la question "qui fait quoi", "que se passe-t-il ?" dans ce texte. De plus, des conseils de rédaction et de présentation ont été formalisés.

Résolution de problème complexe par la stratégie (méta raisonnement)

La stratégie de résolution consiste, face à un problème complexe, - à choisir et à combiner plusieurs moyens de résolution, - à choisir la technique de résolution adaptée au cas, sans passer par les procédures trop générales ou inutiles qui sont des pertes de temps (résolution par tâtonnement ou essai/erreurs). Ce sont des connaissances conditionnelles, qui complètent les connaissances procédurales.

Exemple de stratégie par combinaison de raisonnements pour trouver un passage manquant :

- 1ère étape : est-il vraiment nécessaire de trouver ce mot ?

- 2è étape : qu’est-ce que nous cherchons ? = récolter les indices existants

- 3è étape : y-a-t-il un ou plusieurs mots ?

- 4è étape : comment ça se prononce, comment ça pourrait s’écrire ?

• Le raisonnement paléographie est conditionné par l’apprentissage du vocabulaire.

La pédagogie du vocabulaire est à inventer en paléographie. Au regard des découvertes récentes en didactique des langues qui démontrent la nécessité d'un apprentissage spécifique du vocabulaire, l'absence de l'enseignement du vocabulaire en paléographie est manifeste :

- Le formateur ne traite pas spécifiquement l'apprentissage du vocabulaire, qui a lieu de façon aléatoire au fil des textes étudiés.

- Il ne dispose pas d'outils pour mesurer les difficultés ou les progrès des apprenants en vocabulaire. - Il ne différencie pas les difficultés des débutants et celles des apprenants avancés en traitement de

vocabulaire. - Il se contente au mieux de fournir ou de faire établir un lexique alphabétique à l'apprenant. Ce type de lexique

est contre-productif : il n'aide guère la mémorisation du vocabulaire et encore moins sa remobilisation. Cette absence de traitement spécifique du vocabulaire génère des difficultés de raisonnement chez les étudiants :

- Raisonner sans disposer des termes appropriés freine la personne dans son apprentissage et dans son raisonnement.

- L'usage du dictionnaire se révèle vite insuffisant, même après apprentissage de cet usage quand il n'est pas connu.

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 57

- Ses définitions, souvent difficiles à comprendre pour un débutant. Elles ne font que surcharger la mémoire de travail sans pour autant aider la compréhension, le plus souvent.

Fig. 30. Essai de catégorisation des difficultés rencontrées en vocabulaire

lors de l’apprentissage de la paléographie

Type de difficultés Exemples tirés du texte

1772-27 (archives privées)

Commentaires

Vocabulaire nouveau /

inconnu car technique,

juridique, soutenu, rare,

désuet

assigner, bailliage présidial, cédullante, chancellerie, siège présidial, collationné, comparaître, conclusions, curateur, domicile, étude, lieutenant général, mineure, ordonnance, parlement, procureur, relevée, requête, sieur... subjonctif

En justice notamment, l'apprenant débutant rencontre des mots nouveaux et souvent abstraits, ce qui les rend plus difficiles à mémoriser.

Variation

orthographe/prononciation

comparoir = comparaître (oi = ai) laditte = ladite

Les variations orthographiques sont déconcertantes pour l'apprenant débutant, qui ne reconnaît pas le mot en encore moins la règle utilisée.

Polysémie/faux amis conclusions (décision du juge/la fin de quelque chose) délivré (donné à/à qui on a rendu la liberté) domicile (juridique/personnel) étude (notariale/scolaire) hôtel (de justice/pour dormir) lettres (document officiel ici du roi/ correspondance) lieutenant (général du roi/grade militaire) ordonnance (judiciaire/médicale) requête (demande officielle/demande) siège (bâtiment du tribunal/la chaise)...

L'apprenant rencontre des mots connus qui ont un sens différent de celui qu'il connaît habituellement ou plus précis. Il peut donc ressentir de la confusion, ce qui le retarde dans sa compréhension, voire l'amène à faire un contre-sens en choisissant une signification erronée.

Expression, formule procédant en tant que de besoin de l'autorité de faire élection de domicile cette partie constituée lettres d'émancipation visées et scellées et sur telles autres conclusions Fait toutes réserves. Donc acte. extrait baptistaire afin que du tout il ne puisse prétendre d'ignorance...

Les formules sont fréquentes dans les actes. Certaines sont assez figées, d'autres peuvent être employées partiellement ou avec des variantes, voire être abrégées ou remplacées par un symbole. Les formules juridiques sont parfois très abstraites, quasi incompréhensibles pour un non-juriste. Le débutant ne reconnaît pas la présence de formules, qu'il traduit mot à mot sans avoir identifié qu'il s'agit d'une formule, tant qu'il ne l'a pas rencontrée plusieurs fois.

Fig31. Essai de catégorisation des difficultés rencontrées en syntaxe et compréhension lors de l’apprentissage de la paléographie

Type de difficultés Exemples tirés du texte

1772-27 (archives privées)

Commentaires

Montage

grammatical de la

phrase (ex sujet et

verbe séparés,

inversion, style

indirect...)

laquelle fait élection de domicile en sa résidence audit lieu et encore en celle et étude de maître Jean Godard, procureur aux bailliage, chancellerie et siège présidial de laditte ville, le sien. copie soit donnée audit Jacques Durandin (style indirect)

Ici, il est difficile de dire à quoi se rapporte "le sien". Une formule directe, "que Jacques Durandin reçoive copie" serait plus clair

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 58

pour un débutant, car plus concrète et de construction grammaticale classique.

Eléments

perturbateurs

mots en plus (rature) mentions d'actes antérieurs avec leur date et le nom du rédacteur

La rature est parfois pas vue par l'apprenant, qui de fait, la transcrit et n'y comprend plus rien. Il peut aussi s'agir de commentaires du rédacteur, lus dans la continuité du texte, par erreur, par l'apprenant. A contrario, l'apprenant peut ne pas voir qu'il manque des mots, ni le signe d'insertion indiquant que les mots manquants sont à aller chercher en marge ou en bas de page ou en fin de document.

Mot de renvoi ou de

remplacement

Mot de renvoi ou de

remplacement loin

du mot concerné

afin que du tout [se rapporte à quoi ?] il ne puisse prétendre d'ignorance ledit, ladite, mondit, audit, ... et par même moyen [lequel ?] cette part constituée [laquelle], requiert qu’avec les présentes [quoi ?], copie soit donnée audit Jacques Durandin de l’ordonnance en marge d’icelle [quoi ?] dument scellée à Dijon par Bonnart [qui ?],

Afin de comprendre le texte, il convient de remplacer le mot de renvoi ou de remplacement avec le bon terme ou la bonne expression, qui peut être explicite ou implicite, proche ou éloigné. Si le mot est implicite ou éloigné, il est beaucoup plus difficile pour l'apprenant de rétablir le sens.

Inférence (faire des

déductions et des

propositions sur ce

qui est implicite ou

manquant)

fille mineure, a un curateur et faire agir la justice pour informer son père. Déductions : la fille a moins de 25 ans, a dû perdre sa mère et en hériter. Suite au décès de sa mère, il y a eu un conseil de famille pour lui nommer un curateur. Donc soit ses intérêts sont en conflit avec ceux de son père (par exemple le père a revendiqué l'héritage), soit son père était trop éloigné géographiquement ou incapable juridiquement, mentalement ou physiquement, de s'occuper de sa fille.

Ce genre d'inférence est quasi impossible chez un débutant, puisqu'elle suppose la maîtrise du sens du vocabulaire, la formulation de ce qui n'est pas dit et l'examen critique de l'hypothèse, par rapport au contexte historique et juridique du texte.

Par conséquent, de nouvelles solutions sont donc à inventer et à mettre en œuvre pour aider l'apprenant à :

- adopter des stratégies d'acquisition de vocabulaire, - acquérir de nombreux nouveaux mots ou des sens nouveaux pour des mots connus (pour éviter les

contresens), - remobiliser du vocabulaire dans en situation proche ou différente de celles rencontrées, - en utilisant si besoin des supports mémo qui allègeront la part de charge cognitive en mémoire de travail liée

au vocabulaire.

• Les techniques du traitement du vocabulaire sont transférables à la paléographie

Le raisonnement lié au traitement du vocabulaire en paléographie est intégré dans le parcours de formation sous forme de 3 activités servant à acquérir 3 routines de raisonnement :

Fig.32. Utiliser la collocation ou proximité probable des mots

La collocation est la proximité probable des mots. Elle consiste à trouver, à partir de l'ordre des mots ou d'un mot déclencheur, les termes à proximité non déchiffrés, probables. Il s'agit donc d'une sorte de routine automatisée qui permet de reconnaître, de mémoriser et de remobiliser des connaissances. Plusieurs collocations ont été formalisées en paléographie : description type de date, action, personne, lieu, objet et argent pour les principales. Le test a porté sur la routine de « description type des personnes » (déclinée sous forme d'informations identitaires, sociales, légales et personnelles).

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 59

Fig33. La collocation ou « proximité probable des mots » est très utile en paléographie pour faciliter la résolution d’expressions types et pour autocontrôler son travail,

exemple sur la description-type d’une personne

Ordre probable des informations invariantes composant la structure d’une description-type d’une personne

qualificatif prénom/

nom/surnom

présent métier

ou

fonction

ou titre

domicile

/seigneurie

âge relations familiales

autres

informations

Fig34. La collocation combine des informations invariantes et des informations variables. Savoir repérer les invariants différencie l’expert du débutant,

exemple sur la description-type de personne

Avantages de la collocation

Identifier les actions de

l’apprenant

Règles d'actions servant à la prise d'informations, ce qu'on fait concrètement pour trouver les données pertinentes

Identifier les invariants à trouver

prioritairement

types d’informations qui restent semblables en profondeur malgré des changements en surface, aident l’apprenant à repérer l’information essentielle pour lui

Identifier les variables à prendre

en compte

Variations possibles dans une structure type, selon les contextes rencontrés. Servent à mieux catégoriser la description type pour la rendre plus facilement mémorisable et compréhensible

vérifier les informations présentes, absentes, sûres, incertaines, incohérentes, redondantes

1. Informations personnelles, pour tous : (= qui est personne ?)

prénom, nom, surnom, domicile, âge, relations familiales.

le sexe de la personne

éliminer les impossibles 2. Les informations sociales, surtout pour les hommes :

(= quelle est l'activité de la personne, son occupation ?)

métier (roturiers), fonction et/ou titre (nobles et clergé), qualificatif en rapport avec le titre,

le métier ou la fonction, seigneurie en complément du

domicile pour le noble.

l'appartenance à un ordre social privilégié ou non, avant la Révolution

française

chercher le voisinage le plus probable par rapport aux descriptions habituelles

3. Les informations légales ou juridiques : (= a-t-elle le droit de faire ce qu'elle fait dans

le document ?) présence, absence, capacité juridique, majorité, procuration, représentation.

la capacité juridique de la personne

relier les informations à des connaissances existantes ou à une ressource extérieure à consulter

4. Les autres informations, plus rares : religion, nationalité, caractère, physique,

langage, éducation ... grandes variantes possibles.

la date de l'acte écrit

faire des hypothèses sur les personnes citées dans un document en s'aidant de l'ordre habituel des informations pour deviner le type

d'information recherché

le type de document écrit, à visée générale ou détaillée

vérifier le résultat obtenu (possible, probable, certain, impossible).

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 60

Fig.35. La mise en réseau du vocabulaire sous forme de carte lexicale permet de hiérarchiser les mots et de bien les mémoriser

.

Fig.36. Utiliser le questionnement et l'autoquestionnement

Le questionnement consiste à entrer dans un texte et à le comprendre de plus en plus finement grâce à des questions posées par autrui, fournies par un mémo préétabli ou autoconstruites. Plusieurs types de questionnements sont adaptés à la pratique de la paléographie puis testés : - le questionnement de type "Quintilien", pertinent pour la lecture d'archives et assez facile à utiliser même pour un débutant ou sa version archivistique DAPAOL (date, action, personne, argent, objet, lieu), - le questionnement de type "coaching", permet d'identifier le problème exposé dans le texte et sa solution, - le question de type "langue" qui aide l'apprenant à formuler sa compréhension d'un texte mais suppose plus de préparation de la part du formateur. Les 3 questionnements sont utiles et complémentaires.

Fig.37. Aide au raisonnement et à la compréhension par les techniques de questionnement Exemple du type de questionnement « langue » (texte 1735-93) :

Quel est le lien entre Jacques Nicollas le Vallois et le meunier de Saint-Jean ? Jacques Nicollas le Vallois est le propriétaire du moulin mis à disposition du meunier. A qui s'oppose Jacques Nicollas le Vallois, en justice ? Aux riverains de la rivière du bourg de Mellereault, envasée, mais qui ne veulent pas payer les frais de curage. Pourquoi le moulin est-il au chômage ? la vase empêche la roue du moulin de tourner, faute d'assez d'eau. Citez au moins 4 mots qui montrent qu'il s'agit d'une affaire de justice : bailliage, ordonnance, faire appeler, mandement, condamner, justice, procès. Donnez la bonne réponse et justifiez-vous : tout le monde est opposé à payer les frais de curage/ tout le monde est opposé sauf le sieur du Rocher Marie/ tout le monde est opposé surtout le sieur du Rocher Marie. Tout le monde est opposé surtout le sieur du Rocher Marie qui a refusé malgré plusieurs demandes (cf lignes 21 "mauvaise volonté des riverains", 29-33).

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Fig.38. Favoriser la production écrite ou orale de l'apprenant

Il s’agit de faire produire du texte et/ou de l'information orale à l'apprenant lui-même à partir du texte manuscrit et/ou de sa transcription. Toute production est très importante dans la mémorisation des données. En effet, seul le traitement actif de l'information permet de la mémoriser à long terme. Le choix du type de textes est également fondamental. Les textes concrets, avec une histoire et des enchaînements logiques sont plus motivants et mieux compris des étudiants.

Fig. 39. Aide au raisonnement et à la compréhension par la mise en espace de l’information,

exemple de schéma réalisé d’après une transcription

Fig. 40. Aide au raisonnement et à la compréhension par les productions d’écrits Exemple de rédaction du contenu d’une transcription en français d’aujourd’hui (1772-27).

Claudine Durandin, fille de moins de 25 ans de Jacques Durandin, marchand à Dijon, autorisée à aller en justice par Ponel, professeur de grammaire à Dijon, chargé par la justice de prendre soin d’elle et de ses biens, a choisi d’élire domicile juridique dans sa maison habituelle et dans le bureau de Godard, représentant du roi au tribunal royal de Dijon. Venue en personne au tribunal royal de Dijon, elle demande : - que soit remis en mains propres à son père ce document accompagné de :

1. son extrait de naissance en date du 28/03/1755, délivré le 24/09/1672, qui a été certifié conforme à l’original, 2. l’autorisation du tribunal royal de Dijon de disposer de ses biens avant ses vingt-cinq ans, en date du

24/01/1671, vérifié conforme à l’original et certifié authentique, 3. la demande qu’elle a faite au bureau du responsable du tribunal royal de Dijon, le 18/02 dernier et de la

décision royale signée Bonnart, afin que son père ne puisse pas prétendre qu’il ne savait pas que sa fille a demandé à disposer de ses biens avant ses 25 ans ;

- que son père et ses proches soient convoqués devant le responsable du tribunal royal, à 14h, le 21 décembre [1772], pour entendre les décisions du tribunal. Le document est fait sous réserve de dispositions juridiques contraires. Ce document a été rédigé pour indiquer tout cela.

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3.4.3. Nouveautés

• Evolution de l’évaluation en paléographie

L'intégration du raisonnement, et notamment de la résolution de problème et du traitement de vocabulaire dans la formation, change considérablement la manière de concevoir la compétence et l'évaluation paléographiques. Il ne s'agit plus d'évaluer ou de n'évaluer que le déchiffrage et la rigueur de la transcription. Il s’agit désormais d’évaluer la compréhension d'un texte ancien manuscrit, voire la capacité de la personne à en restituer le contenu grâce à des raisonnements corrects. Une échelle de 5 niveaux de compréhension est envisageable, à l’instar des pratiques en évaluation de langue étrangère :

Fig.41. Grille d’évaluation de la compréhension d’un texte paléographique

Niveau Compréhension du texte

manuscrit

Marqueurs de la compréhension (sur 10 points)

0 La personne n'a pas compris le document.

Le thème ou sujet n'est pas identifié. Le candidat n'a repéré que quelques mots isolés sans établir de liens entre eux. (1 point)

1 La personne n’a compris le document que de façon superficielle ou partielle.

Le candidat a repéré des indices visuels, des mots transparents, les idées les plus simples. (3 points)

2 La personne a une compréhension encore partielle.

Le candidat a su identifier le thème du texte, a repéré en partie le contexte et certaines informations. (5 points)

3 La personne a une compréhension satisfaisante.

Le candidat a su identifier la nature du document, son contexte et les informations essentielles. (8 points)

4 La personne a une compréhension fine. Le candidat a compris et restitué le contenu informatif, les détails et a présenté clairement le contenu. Il est capable d'en exprimer les limites ou les manques. (10 points)

d'après grille d'évaluation d'Annabac 2015 Espagnol Terminale par Jean Yves Kerzulec et Tania Saen,

Malesherbes, Hatier, 2014 transposée à la paléographie

Les schémas, les questionnements et les productions personnelles de l’apprenant, outils d’apprentissage du raisonnement, peuvent aussi devenir des outils d’évaluation. Les résultats obtenus seront certainement plus facilement et plus rapidement évaluables que les transcriptions classiques, fastidieuses à corriger et peu exploitables pédagogiquement. Ils donneront une image du niveau général de l’apprenant certainement plus juste. 3.4.4. Bénéfices, limites et perspectives

Bénéfices globaux

L'apprentissage du raisonnement a des effets particulièrement bénéfiques pour l'apprenant, quel que soit son niveau car il est un puissant levier de motivation chez l'apprenant débutant ou pratiquant. L'apprenant résout plus de problèmes et plus rapidement. Il comprend mieux quand il traite lui-même le sens des mots, en s'aidant d'outils appropriés et en s'exerçant à utiliser ce vocabulaire. Le raisonnement paléographique permet au paléographe débutant ou pratiquant de travailler plus en conscience, avec plus de souplesse et plus de créativité pour s'adapter et faire face à la diversité des cas rencontrés. La recherche a révélé également, de façon assez imprévue, que l'intégration du raisonnement à la formation paléographique modifie aussi les pratiques et les représentations du formateur :

- découvrir les difficultés des apprenants en raisonnement permet au formateur d'intervenir de façon plus pertinente,

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 63

- intégrer le raisonnement dans le curriculum et la formation oblige le formateur à formaliser son propre raisonnement.

Les outils d'apprentissage du raisonnement pourront être adaptés en outils d'évaluation du raisonnement chez l'apprenant, ce qui aidera le formateur à mieux accompagner l'apprenant. Le raisonnement participera aussi à la professionnalisation des acteurs de la formation à la paléographie puisqu’il permet à un professionnel d’avoir conscience de ses choix, de mobiliser et d’adapter ses compétences et ses ressources à la situation rencontrée. Enfin, les schémas, les questionnements ou les productions personnelles permettront au paléographe de faire reconnaître son droit d’auteur, par la création d’une œuvre originale de l’esprit. En effet, la transcription qui n’est pas considérée en droit français comme une œuvre de l’esprit, suivant une récente jurisprudence…

Bénéfices spécifiques

• Les bénéfices de la résolution de problème pour le raisonnement

- Les avantages de techniques sur les cas simples Une fois acquises, les techniques de résolution de cas simples s'automatisent et permettent de résoudre, par leur combinaison, des problèmes plus complexes.

- Les avantages de techniques sur les cas complexes Contrairement aux représentations initiales sur le sujet, le schéma s'avère beaucoup plus bénéfique tant pour l'apprenant que pour le formateur qu'une simple prise de note visuelle, c'est presque un raisonnement "graphique" : - Pour l'apprenant, le schéma lui permet de traiter activement l'information en la catégorisant grâce à une mise en espace, à des formes, à des couleurs ou à des liens hiérarchiques, d'association ou d'opposition. Ce qui en facilite la compréhension et la mémorisation en mémoire à long terme. De plus, le schéma aide l'apprenant à inférer, en lui permettant de repérer et de formuler les manques et les incertitudes dans le texte ou dans sa compréhension. - Pour le formateur, le schéma l'aide à préparer ses cours, à améliorer la détection des difficultés des apprenants, à adapter sa remédiation en conséquence. Le schéma pourrait également à terme devenir un outil de correction et un outil d'évaluation pertinent, bien adapté aux contraintes de temps de chacun et plus représentatif du niveau des apprenants et/ou encore une sorte de document à vocation procédurale c'est-à-dire "qui incite celui qui le construit ou celui qui le lit à agir" (ex s'autocontrôler, compléter le schéma, se poser des questions ...). La coordination des techniques de résolution, elle, est particulièrement utile pour : - déchiffrer un mot inconnu en écriture lisible, - déchiffrer des mots illisibles, mal formés, - déchiffrer des mots écrits dans une langue différente de la nôtre.

• Les bénéfices du traitement du vocabulaire pour le raisonnement

- Les avantages de la collocation Pour l’apprenant, la collocation s’avère un outil de détection, de résolution, d'autocontrôle et de partage des informations de personnes. Il complète efficacement les techniques de déchiffrage classique. Il sert également de support à l'apprentissage d'un vocabulaire grâce aux réseaux sémantiques, indispensables à l'apprenant, quand on sait qu'un mot connu est beaucoup plus facilement et rapidement déchiffré qu'un mot inconnu. Pour le formateur, la routine de raisonnement, en résolution de problème ou en traitement de vocabulaire, fournit un support modèle et libère ainsi de la mémoire de travail chez l'apprenant, alors disponible pour l'apprentissage. Elle limite l'incertitude pour l'apprenant, en montrant les possibles, les probables, les impossibles, met à jour l'implicite (ce qui est absent par opposition à ce qui est présent) et s'adapte à différents niveaux d'apprenants.

- Les avantages du questionnement Le questionnement : - favorise l'inférence, capacité à déduire, à partir des informations présentes dans un texte, les informations implicites ou absentes du texte. - aide l'apprenant à comprendre un texte. Il favorise une lecture ciblée, rapide, de qualité, et permet de trouver les

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informations essentielles sous forme ré exploitable car fiables, sélectionnées et triées par thèmes (grille de lecture = grille de restitution). Il fonctionne à l'oral comme à l'écrit. Le questionnement de type coaching a fonctionné aussi, ce qui est surprenant et serait à tester sur un plus grand nombre de textes. Bien sûr, l'usage de tous types de questionnements serait une charge cognitive trop importante et inutile chez l'apprenant, un ou deux sont à utiliser au maximum par texte.

• Les avantages de la production par l’apprenant La production orale ou écrite par l'apprenant comme activité d'apprentissage a de nombreux avantages : - Sens beaucoup plus clair et compréhension plus fine du document par le rétablissement des inférences. - Obligation de dégager l'essentiel et d'être concis. - Détection facilitée des erreurs de sens de l'apprenant. - Action/discours de l'apprenant lui permettant une meilleure mémorisation et de la réflexivité.

Fig.42. Avantages du schéma réalisé à partir d’un texte ou d’une transcription

"Moins de texte sur le texte" : moins de charge cognitive car répartitions des entrées d'information sur plusieurs canaux

Evolutif et souple, suit la lecture pas forcément linéaire

Synthétique, réunit des éléments souvent séparés

Hiérarchise naturellement l'information

Plusieurs entrées possibles en fonction de ses centres d'intérêt ou facilités de compréhension

Facilite la visualisation d'une chronologie, pas toujours linéaire dans un texte

Aide à la compréhension, à la mémorisation et à la restitution

Exploitable longtemps après sa réalisation

Participatif, chacun peut ajouter des informations,

Aide les profils visuel et kinesthésique

Plus attractif à faire ou à lire pour des personnes en situation de handicap ou peu à l'aide avec la rédaction

Permet d'identifier des informations manquantes, soit oubliées soit non indiquées dans le texte (inférences à faire)

Permet au formateur de suivre le raisonnement de l'apprenant qui le matérialise

Recadre des interprétations douteuses voire abusives

Limites L'enseignement et l'apprentissage du raisonnement rencontrent plusieurs limites :

• Limites des techniques de résolution

- Sur les cas simples Il reste cependant difficile : - d'écrire du texte sur du texte (production d'une charge cognitive élevée pour l'apprenant). Il sera donc nécessaire, à terme, de transformer les fiches en tutoriels vidéo ou en diaporamas commentés de type "comment faire pour...". - de faire comprendre à l'apprenant débutant l'intérêt de la méthode... et la rigueur attendue dans son utilisation pour en garantir l'efficacité. Il préfère souvent "deviner" ! La résolution par étapes reste limitée aux problèmes simples, à une seule inconnue. Pour les problèmes à plusieurs inconnues, mieux vaut choisir d'autres techniques de résolution.

- Sur les cas complexes Indispensable en formation de niveau 3, la résolution de problème par spatialisation devra être abordée dans le curriculum de formation dès le niveau 2 pour éviter la charge cognitive en niveau 3, déjà alourdie par l'apprentissage de vocabulaire. Le raisonnement, même accompagné d'une aide procédurale, n'est accessible qu'à des personnes de niveau continuant, maîtrisant déjà les différents raisonnements composant le méta-raisonnement. Il suppose de plus une ingénierie pédagogique bien étudiée pour le faire acquérir et le faire remobiliser ensuite sans formateur. Très personnelle, la combinaison de techniques de résolution, proposée par le formateur, peut ne pas convenir à l'apprenant.

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 65

• Limites du traitement du vocabulaire

- Sur la collocation La résistance de l'apprenant face à la description type, peu « parlante », et qui n'en voit pas l'intérêt, surtout sur des textes difficiles. La description type n'est pas qu'une série de cases à remplir mécaniquement, elle demande intention, attention et réflexion. La description type ne peut être apprise en une seule fois, elle nécessite une progression d'apprentissage sous peine de surcharge cognitive, surtout chez le débutant. Le formateur a besoin, avant de l’enseigner, de bien s'approprier la collocation, son usage et son explicitation.

- Sur le questionnement Les questionnements s'adaptent mal à des textes manuscrits non transcrits ou à des transcriptions contenant beaucoup de détails pour lesquels d'autres productions sont plus efficaces. Une question sur le producteur du document manque souvent, notamment en vue d'une analyse archivistique. Il peut y avoir redondance entre les questionnements. Le type de questionnement choisit doit correspondre à la finalité/l'étape du travail du paléographe. Dans ces deux derniers cas, il faut apprendre donc apprendre à (faire) choisir le questionnement adéquat. La collocation ou le questionnement sont importants tant pour la préparation d'une leçon par le formateur que pour faciliter la compréhension et la mémorisation par l'apprenant. Néanmoins, ils restent insuffisants, face à des problèmes de syntaxe et de compréhension globale des textes.

- Sur les productions écrites ou orales de l'apprenant Pour le formateur Le formateur a intérêt : - à vérifier la pertinence de cette modalité pédagogique, et à ne la choisir que si le texte et le but visé le méritent et que si l'apprenant est capable de la réaliser, - hiérarchiser absolument les textes supports d'exercices (concret vs abstrait, court vs long), sous peine de découragement et d'échec de l'apprenant, - éviter l’utilisation sur un texte très dense et/ou contenant des informations très hétérogènes ou peu structurées (dans ce cas, faire rayer au préalable tout ce qui ne sert pas pour faciliter la perception de l'essentiel, processus par élimination), - accompagner les activités. Pour l'apprenant - risque de contre-sens, - risque de charge cognitive (texte sur le texte, nombreux points de détail incertains ou confus), - résistance à un exercice (un peu) artificiel, demandant des efforts intellectuels certains, - besoin de consignes et d'entraînements progressifs, - risque d'échec si les connaissances préalables sont insuffisantes.

• Des résistances au raisonnement chez les apprenants et chez le formateur

De manière générale, la nécessaire modification des représentations à propos de l'enseignement et de l'apprentissage du raisonnement entraînent des résistances chez les apprenants et chez le formateur, à évaluer et à traiter lors de prochaines formations. La formation ne peut se limiter à enseigner les connaissances déclaratives (savoirs). Les apprenants ont également besoin de connaissances procédurales (comment faire) et de connaissances conditionnelles (choisir quand et comment faire), ce qui modifie leurs habitudes et demande plus d'effort de leur part. Le formateur a besoin de se former pour enseigner/accompagner dans ce domaine, et pour dépasser sa méfiance ou son rejet liés à la maladresse créée par l'usage d'outils et de méthodes nouvelles, qui exigent par ailleurs des tâtonnements par essais-erreurs, souvent fastidieux.

• Un manque de compétences spécialisées et/ou pluridisciplinaires pour la recherche

La poursuite du projet nécessiterait une approche pluridisciplinaire. La didactique des langues, par exemple, pourrait contribuer à une meilleure compréhension des phénomènes en jeu. Il aurait été utile de bénéficier d'outils validés et de techniques spécifiques de collecte et d'analyse de donnés qualitatives. Par exemple, l'entretien d'explicitation ou le

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 66

suivi du mouvement des yeux en lecture pourraient être révélateurs des stratégies fines de raisonnement chez les apprenants et confirmer/infirmer/enrichir celles formalisées dans cette recherche. Il sera également nécessaire d'accompagner l'acquisition et la remobilisation des connaissances conditionnelles et pas seulement procédurales. Les liens entre les résultats des recherches sur le raisonnement (déchiffrage, résolution de problème, traitement du vocabulaire) ou avec ceux de la recherche sur la charge cognitive devaient être plus étudiés.

Perspectives

• Mettre à jour du curriculum de formation

- la poursuite du travail de formalisation et de tests pour le traitement du vocabulaire, - le test à grande échelle des aides et corrections, hiérarchisation des aides entre elles, formalisation de l'aide à

l'utilisation des aides, - la poursuite de la création des niveaux 2 et 3 de la formation, - la ré harmonisation des niveaux du curriculum.

Les découvertes liées au raisonnement ont permis de modifier le parcours pour gagner en cohérence et limiter la charge cognitive chez l'apprenant :

- Le niveau 1 traitera les techniques liées uniquement au raisonnement en déchiffrage (micro-raisonnements), - Le niveau 2 préparera désormais à l'acquisition des routines de raisonnement en résolution de problème et en

traitement du vocabulaire sur des exercices simples et courts, - Le niveau 3 permettra d'acquérir, d'automatiser et de combiner les routines sur les trois types de

raisonnement (macro-raisonnements), grâce à des exercices plus longs et plus complexes. - Un quatrième niveau sera à étudier, en cas de charge cognitive trop importante en niveau 3.

• Mieux accompagner et mieux évaluer l'apprenant et le formateur

L'individualisation de la formation (chaque apprenant a son propre raisonnement/des facilités spécifiques de raisonnement) sera à étudier. Un soin particulier devra être apporté pour faciliter l’autonomie de l’apprenant en dehors des formations. L’évaluation en paléographie s’orientera vers une évaluation de la compréhension du texte par l'apprenant, devra plus chercher à mesurer une progression et faciliter une remédiation régulière qu'à établir un niveau à un moment T et une note. Le changement du rôle du formateur en matière d’accompagnement au raisonnement est si important qu’il est nécessaire d’envisager : la création d'une formation de formateurs/d'une formation à l'enseignement explicite, la création et le test d'un kit de formation pour formateurs, pour transmettre les méthodes et les contenus de formation.

3.5. Conclusion : l’apprentissage explicite du raisonnement améliore la compréhension de l’étudiant

3.5.1. Rappel de la problématique

Le paléographe passe une grande partie de son temps à raisonner pour déchiffrer, résoudre les problèmes, comprendre, restituer ce qu'il a lu, autoréguler son apprentissage ou contrôler sa pratique... Or, paradoxalement, en formation à la paléographie, le raisonnement n'est ni évoqué ni traité. Il est même très peu connu. Les apprenants rencontrent de grandes difficultés à raisonner, ils commettent de nombreuses erreurs ou restent bloqués faute de technique de résolution adaptées au problème rencontré. La revue des écrits montre que la formation paléographique doit intégrer l’apprentissage du raisonnement, grâce aux apports des sciences cognitives qui ont prouvé que le raisonnement s'apprend car non inné. La recherche a donc pour objet de créer des outils d’observation du raisonnement en paléographie, d’identifier les mécanismes du raisonnement paléographique, de formaliser des routines de raisonnement et des aides au raisonnement.

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 67

3.5.2. Apports et nouveautés

Grâce à la création d’outils et des situations d’observation du raisonnement en paléographie, l’accompagnement individuel d’un professionnel débutant sur 6 mois et le test de méthodes d'apprentissage du raisonnement, la recherche a permis :

- d'identifier et de formaliser plusieurs processus de raisonnement, de confirmer l'importance du raisonnement. Cette importance était jusqu’à présent sous-estimée soit par les pratiquants et les formateurs qui raisonnent de façon automatisée donc inconsciente, soit par les débutants qui manquent de connaissances préalables et de techniques pour raisonner,

- d'établir la nécessité de l'apprentissage du raisonnement et qui est actuellement faible et incomplet, voire erroné, chez les apprenants même très expérimentés,

- de proposer une nouvelle technique/représentation de l'évaluation et de l'accompagnement de l'apprenant en paléographie, intégrant le raisonnement,

- d'initier une réflexion sur la place du raisonnement dans la professionnalisation des acteurs.

La recherche a contribué à une meilleure connaissance du raisonnement. Elle a : - formalisé les freins au raisonnement (invisibilité du raisonnement, automatisme du raisonnement chez les

acteurs, manque de connaissances préalables et de techniques de raisonnement chez le débutant, non formation au raisonnement),

- formalisé les différences de besoins et de limites du raisonnement chez le débutant et chez le pratiquant, - créé des outils et de situations d’observations du raisonnement, - montré l'efficacité de l'enseignement explicite pour faciliter l'acquisition du raisonnement, - créé un prototype de formation au raisonnement en déchiffrage et en résolution de problème, - validé des pistes de formation sur le raisonnement lié au traitement du vocabulaire et sur les connaissances

conditionnelles, qui seront à tester à plus grande échelle. Elle m’a également permis de fortement progresser et de modifier mes représentations en paléographie, en conception/animation de formations et en méthode de recherche.

Au final, les résultats convergent pour démontrer l'existence et l'importance du raisonnement en paléographie, la pertinence et la nécessité de son apprentissage, tant pour l'apprenant ... que pour le formateur. De plus, la recherche a mis à jour et formalisé des "schèmes" ou routines utiles au raisonnement en résolution de problème et en traitement du vocabulaire. Elle a également montré l'importance des connaissances procédurales mais aussi conditionnelles et celle du "co-raisonnement", raisonnement à deux ou en groupe.

3.5.3. Implications pratiques et théoriques

Intégrer le raisonnement à la formation suppose une ingénierie pédagogique et une préparation plus importantes de la part du formateur, une mise à jour du curriculum de formation et un meilleur accompagnement/évaluation de l'apprenant et du formateur. La formation devra aussi intégrer l’apprentissage du traitement du vocabulaire, une des clés du raisonnement, à tous les niveaux de formation. 3.5.4. Pour en savoir plus

Bibliographie sélective : Belpaume Claude, « Accompagner l'apprentissage du raisonnement clinique en soins infirmiers », in Recherche en soins infirmiers, 2009/4 N° 99, p. 43-74. Consulté le 10 juin 2014. Courtillon Janine, Elaborer un cours de FLE [Français langue étrangère], Paris, Hachette, 2003. [traitement du vocabulaire]. Gérad Hoffbeck et Jacques Walter, Prendre des notes vite et bien, Paris, Dunod, 2002. (opposition structurante = résolution en arborescence). Gineste Marie-Dominique, Le Ny Jean-François, Psychologie cognitive du langage, Paris, Dunod, 2002. Huberman A. M. et Miles M.B., Analyse des données qualitatives : recueil de nouvelles méthodes, Bruxelles, De Boeck-Wesmael, 1991. Ripoll Thierry et Tricot André, Quelques points de repères sur l’évolution de l’étude du raisonnement en psychologie cognitive, in Cahiers pédagogiques, 344-345, n° spécial « Apprendre à raisonner », p. 37-40, 1996 Vermersch Pierre, L'entretien d'explicitation, Paris, ESF, 2011.

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 68

4 . C O N C L U S I O N G E N E R A L E

La paléographie est une science qui étudie l’évolution d’une langue écrite sur un support souple. Elle sert à déchiffrer des manuscrits anciens. De nombreux apprenants en paléographie abandonnent la formation (longue et difficile) ou stagnent dans leur apprentissage. De plus, la compétence paléographique est mal connue et peu reconnue faute de didactique, de référentiel de compétences, d’outils d’évaluation ou de prise de conscience des praticiens. Le formateur est donc démuni pour réunir des conditions plus favorables aux apprenants. Pourtant les enjeux sont importants, comme :

- la professionnalisation de certains métiers, - la conservation et traitement des archives anciennes en France, - la pérennité de l’enseignement de la paléographie donc de l’histoire médiévale et moderne, - la capitalisation et la diffusion des bonnes pratiques en formation à la paléographie.

Afin de tenter d’adapter la formation aux nouveaux besoins (rapidité d’apprentissage, fiabilité des travaux, autonomie), les choix de recherche, principalement pragmatiques (obtenir des gains de temps et de fiabilité dans la formation et dans le traitement des archives), ont combiné une démarche linéaire et une démarche itérative, grâce à :

- l’analyse rétrospective des formations animées entre 2001 et 2008 sur 4 niveaux, - une comparaison avec les apports des sciences cognitives et des didactiques, - la conception puis la mise à l’épreuve de prototypes de formation en ligne ou en salle.

La recherche a pris pour hypothèse trois causes de difficultés d’apprentissage de la paléographie : - ingénierie de formation insuffisante, - charge cognitive trop élevée chez l’apprenant l’empêchant d’apprendre et de progresser, - manque d’explicitation de la méthodologie de travail, notamment concernant le raisonnement.

La recherche et ses résultats sont présentés en 3 axes distincts afin de gagner en clarté de présentation :

- identifier et formaliser les compétences paléographiques, - prévenir et réduire la charge cognitive présente dans l’apprentissage de la paléographie, - favoriser le raisonnement paléographique chez l’apprenant.

Pour chacun des axes, j’ai expliqué la démarche de recherche et les résultats. Les principales découvertes ont révélé que :

- L’apprenant a besoin de connaissances structurées, explicites et pas seulement déclaratives (quoi apprendre) mais aussi procédurales et conditionnelles (quand et comment agir) c’est-à-dire méthodologiques.

- Les techniques d’apprentissage de la lecture chez les adultes révèlent la spécificité de la lecture paléographique, organisée autour de 5 compétences, sources d’un nouveau curriculum de formation.

- Le prototype de formation de niveau 1 est efficace : les apprenants travaillent plus vite et plus rigoureusement. Ils sont plus motivés et continuent leur formation.

- Le raisonnement, levier technique mais aussi motivationnel, est indispensable au paléographe mais a besoin d’être appris de façon explicite.

- La compréhension du vocabulaire est un préalable indispensable au raisonnement. Elle suppose un entraînement à l’automatisation du traitement du vocabulaire.

- L'évaluation paléographique en est transformée : elle porte désormais plus sur la compréhension d'un texte ancien manuscrit que sur le nombre de fautes de transcription commis… et dispose de nouveaux outils.

La recherche a permis de mieux connaître la pratique paléographique, les difficultés des apprenants … et celles du formateur. Elle a généré un nouveau cursus de formation et des outils, certes perfectibles mais d’ores-et-déjà opérationnels, permettant un apprentissage beaucoup plus fiable et plus rapide. La recherche pourrait se poursuivre, par exemple, par l’approfondissement du présent mémoire par des professionnels pluridisciplinaires, une enquête sur les représentations en paléographie, la validation des outils d’évaluation, un accompagnement plus adapté pour l’apprenant, la mise en ligne de la formation de niveau 1 et des futurs prototypes de niveaux 2 et 3, la réalisation de tutoriels vidéo, la conception d’une formation de formateurs…

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 69

5 . R E M E R C I E M E N T S

A M. du Pouget, conservateur, archiviste-paléographe, qui a donné l’autorisation d’utiliser les reproductions de textes et les transcriptions réalisées pour les Archives départementales de l’Indre, à titre expérimental. Aux 200 paléographes débutants et continuants de toute la France et particulièrement de l’Essonne et de la Charente-Maritime qui ont bien voulu suivre les cours et les stages ou tester le prototype de formation en ligne et en salle et faire part de leurs remarques et de leurs encouragements. A Sylvie L., archiviste, qui a suivi avec motivation et brio 6 mois de formation en face à face et m’a aidée à formaliser supports et réflexion sur le raisonnement et le vocabulaire en paléographie.

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 70

6 . S Y N T H E S E D E L A R E C H E R C H E

6.1. Schémas de la recherche

Recherche Former à la paléographie aujourd’hui

Objectifs

2. Adapter les contenus et les modalités de formation

1. Découvrir les freins et les aides à

l’apprentissage

3. Contribuer à la didactique de la paléographie

But

Faire progresser les étudiants débutants ou avancés en paléographie

Porteur de projet Aude Garnerin, archiviste et formateur

à la paléographie, en collectivité territoriale

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 71

Résultats

2. Référentiel de compétences + fiches méthodologiques

1. Constat de manque

de référentiel et de méthodologie

3. Nouveau cursus de formation sur 3 niveaux

Moyens

1. Enquêtes et analyse rétrospective de

formations

2. Création d’outils d’observation et

d’évaluation

3. Test de la nouvelle formation prototype, à distance et en salle

4. Suivi individuel d’un débutant en face à face

5. Notes de recherche

4. Moyens de réduire la charge

cognitive

5. Moyens de faire acquérir le

raisonnement

Recherche Former à la paléographie aujourd’hui

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 72

Impacts de la nouvelle formation à la paléographie

Etudiant

2. Résolution de textes + difficiles

et + variés

1. + de motivation

et de

persévérance

3. Evolution des représentations

Formateur

1. Modification des représentations

2. Evolution des pratiques

3. Modification de l’évaluation

4. Formation de formateur nécessaire

5. Poursuite de la recherche nécessaire

4. Apprentissage + rapide et

effets + durables

5. Méthodes transposables hors

formation

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 73

6.2. Résumé général de la recherche

Former à la paléographie aujourd’hui

L’apport des didactiques et des sciences cognitives à l’apprentissage de la lecture d’archives :

• Identifier et évaluer les compétences

• Prévenir et réduire la charge cognitive

• Expliciter et favoriser le raisonnement

Archiviste et formateur occasionnel en paléographie lecture de textes anciens depuis 2000-2001 pour des publics professionnels, étudiants ou amateurs, j’ai constaté que :

- de nombreux apprenants en paléographie abandonnent la formation ou stagnent dans leur apprentissage, - les formations animées, malgré des évaluations positives, ne permettent pas un apprentissage rapide et

durable de la paléographie, - la formation à la paléographie est peu documentée et les pratiques, mal connues.

Aussi, la recherche, menée à titre personnel entre 2009 et 2016, a eu pour but d’analyser et de documenter mes pratiques de formation à la paléographie dans le milieu archivistique, de les comparer aux apports récents des didactiques et des sciences cognitives et de trouver des solutions pour améliorer les formations. Trois hypothèses de recherche ont été retenues : les difficultés des étudiants proviennent d’une ingénierie de formation insuffisante, d’une charge cognitive trop élevée et/ou d’un manque de méthodologie explicite, notamment concernant le raisonnement. Aussi, la recherche s’est organisée autour de 3 axes complémentaires : identifier et évaluer les compétences paléographiques, prévenir et réduire la charge cognitive en paléographie et expliciter et favoriser le raisonnement paléographique chez l’apprenant : Identifier et évaluer les compétences paléographiques

Les formations semblent mal adaptées aux besoins réels des apprenants. Le formateur ne connaît pas les difficultés réelles des apprenants en paléographie :

- L’enseignement, sous forme de leçon transmissive, linéaire et sans accompagnement ni interaction. - Le référentiel de compétences, le curriculum de formation, les objectifs pédagogiques ou les outils

d’évaluation sont restreints ou inexistants en formation à la paléographie. - Les contenus sont généralement informels ou tacites, non structurés ni progressifs. L’ordre de présentation

chronologique des textes supports d’exercices est inadapté à l’apprentissage, car ne respectant pas les besoins en connaissances préalables des apprenants.

- La didactique de la paléographie est inexistante ou informelle, aussi, seules les connaissances déclaratives sont enseignées.

De fait, la formation classique : - n’apprend pas à l’apprenant à entrer dans le texte manuscrit. - ne forme pas explicitement aux techniques de déchiffrage. - ne traite pas les difficultés de compréhension de l’apprenant.

Pourtant, la revue des écrits montre que :

- La didactique des langues peut permettre de mieux comprendre la spécificité de la lecture des textes manuscrits. Les techniques de l’apprentissage de la lecture chez des adultes semblent transférables en grande partie à la paléographie.

- La didactique professionnelle et l’ingénierie pédagogique peuvent permettre de créer un curriculum de formation organisé et progressif.

- Le e-learning, dispositif de formation individuelle ou collective accessible à distance par téléphone et/ou internet, est bien adapté à des contenus denses, structurables, de type savoir ou savoir-faire comme ceux de la paléographie, pour des populations géographiquement dispersées, très nombreuses, de niveaux hétérogènes et formées majoritairement à l’informatique comme celles de la paléographie.

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 74

La recherche a pour objet d’identifier les difficultés de formation des apprenants et d’y remédier. Le dispositif combine :

- l’observation directe ou indirecte d’apprenants, - la comparaison de la lecture de textes chez les adultes avec la lecture paléographique, - la conception d’un curriculum de formation et d’outils d’observation et d’évaluation, - la création et le test d’un prototype de formation en ligne.

La recherche confirme que l’enseignement transmissif informel de contenus est inapproprié. L’apprenant a besoin de connaissances structurées, explicites et pas seulement déclaratives mais aussi procédurales. Pour former non plus à la paléographie mais à la méthodologie de la paléographie, il est nécessaire au préalable de formaliser les compétences paléographiques. La comparaison avec les techniques d’apprentissage de la lecture chez les adultes montre la spécificité de la lecture paléographique, organisée autour de 5 compétences. La recherche fournit aussi de nouvelles aides aux apprenants pour entrer dans un texte, le déchiffrer et le comprendre. Un prototype de formation en ligne est conçu puis testé avec succès : les apprenants travaillent plus vite et plus rigoureusement. Ils sont plus motivés et continuent leur formation. Les modalités d’apprentissage en ligne seules ou combinées à du présentiel en salle sont par ailleurs bien adaptées à la paléographie. Malgré tout, le nombre de contenus très important rend l’apprentissage difficile. Il convient de former plus vite, plus facilement et plus durablement à la paléographie. Aussi, la recherche se poursuit autour des questions cognitives : Prévenir et réduire la charge cognitive lors de l’apprentissage

Malgré les améliorations importantes apportées entre 2009 et 2013 aux formations (curriculum de formation, nouvelles modalités pédagogique, recours aux technologies…), l’apprentissage demeure long et laborieux, avec des effets peu durables. Les apprenants sont souvent « surchargés mentalement », par une charge cognitive de provenance inconnue. Elle créé un ralentissement ou un dysfonctionnement partiel ou total du système de traitement de l’information, jusqu’à parfois contribuer à l’échec de l’apprenant…et à celui du formateur. La charge cognitive chez l’apprenant n’est pas repérée par le formateur qui n’est pas formé à cette question. Les causes, les effets et les moyens d’évitement ou de traitement de cette charge cognitive lui sont inconnus. Pourtant, la revue des écrits indique qu’il est possible d’étudier les effets de la charge cognitive à travers le modèle de traitement de l’information ou de celui de la complexité, et de proposer des remèdes, en utilisant par exemple l’enseignement explicite et l’apprentissage en profondeur. L’origine de la charge cognitive peut être intrinsèque et/ou inutile, provenir du la discipline elle-même, du formateur ou de l’apprenant. Les dysfonctionnements du système de traitement de l’information peuvent être liés à un seul ou plusieurs composants du système. Il est peut-être plus facile d’éviter ou de diminuer les effets négatifs de la charge cognitive plutôt que de les rectifier. La recherche a donc pour objet d’identifier les causes, les effets et les traitements possibles de la charge cognitive chez l’apprenant en paléographie et d’améliorer les formations en conséquence. Le dispositif de recherche combine :

- l’observation directe ou indirecte des apprenants, - la conception et le test d’une formation collective en salle, - la comparaison des résultats de la nouvelle formation avec ceux des anciennes formations, - et le recours à l’enseignement explicite et à l’apprentissage en profondeur.

La recherche révèle la double origine de la charge cognitive en paléographie : - charge interne, quand elle provient de la complexité même de la discipline qui traite des informations non

familières, très nombreuses et incertaines, - et charge externe, quand les méthodes de travail du formateur ou de l’apprenant sont inappropriées.

La double charge cognitive perturbe le traitement de l’information de l’apprenant : - le registre de perceptions sensorielles est saturé, - la mémoire de travail et la mémoire à long terme sont peu efficaces, - la mémorisation et la remobilisation des informations sont difficiles.

Plusieurs moyens de réduire ces effets négatifs sont testés en formation collective en salle avec succès : les apprenants participent plus activement à leur apprentissage, ils apprennent plus vite, plus, plus durablement et sont plus motivés et plus satisfaits. Le formateur évite de son côté les erreurs majeures de conception de formation. La recherche révèle également deux nouveautés :

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 75

- l’existence de 4 seuils conceptuels chez l’apprenant, - et la nécessité d’augmenter la charge cognitive utile qui permet à l’apprenant de progresser, par exemple

en maîtrisant les techniques de résolution de problème. La recherche se poursuit donc autour de la question du raisonnement paléographique et de son apprentissage : Expliciter et favoriser le raisonnement paléographique

Le paléographe passe une grande partie de son temps à raisonner, pour déchiffrer, résoudre les problèmes, comprendre, restituer ce qu'il a lu, autoréguler son apprentissage ou contrôler sa pratique... Or, paradoxalement, actuellement, en formation à la paléographie, le raisonnement n'est ni évoqué ni traité. Il est même très peu connu. Le formateur n’a lui-même que peu conscience de son raisonnement et ne dispose pas d’outils ni de situation pour recueillir, observer et faire apprendre le raisonnement. Les apprenants rencontrent alors des difficultés pour raisonner. Ils commettent de nombreuses erreurs de déchiffrage ou de logique qu’ils pourraient facilement éviter. Ils restent bloqués faute de disposer de techniques de résolution adaptées au problème rencontré. La revue des écrits montre que la formation paléographique doit intégrer l’apprentissage du raisonnement, grâce aux apports des sciences cognitives qui ont prouvé que le raisonnement s'apprend et n’est pas inné. En effet, il est possible d’observer, d’expliciter et de faire apprendre le raisonnement, comme l’indiquent les travaux en psychologie cognitive, en didactique professionnelle et en didactique des langues. La recherche a pour objet d’identifier les difficultés des apprenants en raisonnement et d’y remédier, notamment en créant des outils d’observation, en identifiant les mécanismes et en formalisant des routines et des aides au raisonnement paléographique. Le dispositif de recherche combine :

- l’auto-observation de raisonnements, - la conception et le test d’un outil d’observation du raisonnement, - la conception et le test de routines utiles à l’automatisation du raisonnement, - l’adaptation et le test de méthodes de traitement actif de l’information.

Les résultats de recherche convergent pour démontrer l'importance du raisonnement en paléographie, la pertinence et la nécessité de son apprentissage pour l'apprenant. Levier technique mais aussi puissant levier de motivation, l’apprentissage du raisonnement a des effets particulièrement bénéfiques : l'apprenant résout plus de problèmes et plus rapidement. L’apprentissage du vocabulaire est cependant indispensable au raisonnement : l’apprenant comprend mieux quand il traite lui-même le sens des mots, en s'aidant d'outils appropriés et en s'exerçant à utiliser ce vocabulaire, ce qui suppose des exercices bien spécifiques et adaptés. L'évaluation paléographique s’en trouve modifiée : évaluer la compréhension d'un texte ancien manuscrit, grâce à des raisonnements corrects, devient plus important que d’évaluer le nombre de fautes de transcription… De plus, la recherche a mis à jour et formalisé des "schèmes" ou routines, notamment en résolution de problème et en traitement du vocabulaire, principalement pour l’identification des personnes, des dates, de l’argent, des lieux et des objets. La recherche a ainsi montré l'importance des connaissances procédurales mais aussi conditionnelles, et celle du "co-raisonnement", raisonnement à deux ou en groupe. Enfin, une définition du raisonnement est proposée : " Ensemble des processus de pensée et de prise de décision qui permettent en paléographie au lecteur

- de prendre les actions les plus appropriées dans un contexte spécifique de résolution de problème concernant le repérage de l'information, le déchiffrage, la compréhension et la restitution des informations d'un texte manuscrit ancien

- et de piloter son projet d'apprentissage et/ou de production paléographique". Le curriculum de formation devra tenir compte de ces résultats. Il sera aussi nécessaire de mieux accompagner l'apprenant et le formateur à ces nouvelles pratiques. Cette recherche, menée sous trois axes fortement complémentaires - compétences, charge cognitive et raisonnement - a permis de mieux connaître la pratique paléographique et les difficultés des apprenants … et celles du formateur. Elle a abouti à la création d’un référentiel de compétences en paléographie, à l’actualisation du curriculum de formation ou encore à la conception de nouvelles aides pour l’apprenant et pour le formateur.

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 76

La recherche pourrait se poursuivre, par exemple, par :

- une enquête sur les représentations des formateurs et des apprenants en paléographie, - l’amélioration et la validation des outils d’évaluation en paléographie, - la conception d’un accompagnement plus adapté de l’apprenant, notamment par l’utilisation du portfolio

et par l’explicitation, - la mise en ligne de la formation de niveau 1 à la méthodologie de la paléographie sur une plateforme de e-

learning, - la création et le test des prototypes de formation en ligne de niveau 2 et de niveau 3, - la mise en forme des fiches méthodologiques en présentations type PowerPoint ou en tutoriel vidéo...

6.3. Liste des figures

Fig. 1. Les indices aidant la lecture sont parfois absents dans la lecture de textes anciens manuscrits en français, d’où les difficultés des paléographes. Fig. 2. Les indices aidant à la compréhension de la lecture sont souvent absents en paléographie, d’où les difficultés des paléographes. Fig. 3. Les 5 compétences nécessaires à la conduite d’un projet paléographique (vue générale) Fig. 4. Le référentiel de compétences permet de mieux identifier les contenus de formation nécessaires à l’apprenant Fig.5. Décrire précisément la compétence « Déchiffrer » permet de mieux comprendre les difficultés des apprenants en déchiffrage Fig.6. Chaque strate du prototype correspond à des objectifs pédagogiques particuliers, exemple pour l’examen préalable du document. Fig.7. Le prototype de formation a induit un découpage du contenu de formation en modules ou niveaux, et sous

modules, parties et chapitres Fig.8. Contenu du prototype de formation à la Méthodologie de la paléographie Fig.9. Chaque difficulté fait désormais l’objet d’un mémo sur le « comment faire » comme celui-ci sur le déchiffrage des lettres à hampe dédoublée Fig.10. Jusqu’à présent, seule la satisfaction des apprenants était mesurée à l’oral, en fin de formation, faute d’outils et de savoir-faire. FIg.11. L'informatique favorise la comparaison des réponses des apprenants : ici réponses à un exercice de repérage de lettres, ce qui permet d’évaluer la personne mais aussi la pertinence de l’exercice proposé Fig.12. Création d’une grille pour qualifier plus objectivement le niveau de difficulté d’un texte manuscrit ancien et donc du lecteur, grâce à 4 critères. Elle est le résultat synthétique de 4 grilles détaillées, une pour chaque critère. Fig.13. La visualisation des difficultés probables d’un texte manuscrit permet au formateur de paléographie d’ordonner le choix de ses textes pour les cours, mais aussi de vérifier le (non) cumul des difficultés. Comparaison d’un texte facile (niveau 1) avec un texte difficile (niveau 4). Fig.14. La tâche complexe combine des éléments plus imprévisibles que la tâche compliquée. Fig. 15. Le Cafoc de Nantes distingue 4 niveaux de complexité d’une tâche. Fig. 16. L’enseignement explicite est une méthode d’enseignement structurée, dans laquelle le formateur et les apprenants ont un rôle équilibré Fig. 17. La stratégie d’apprentissage compte beaucoup dans le succès de l’apprentissage. La stratégie d’apprentissage « en profondeur » est la plus efficace sur le long terme Fig.18. Origine interne de la charge cognitive : la complexité de la paléographie. La paléographie est une discipline

non familière donc plus difficile à apprendre Fig.19. La paléographie traite des informations multiples, grâce à des ressources simultanées, facteurs de complexité Fig.20. La paléographie traite des données incertaines et/ou variables ce qui rend son apprentissage plus

conséquent Fig. 21. Origine externe de la charge cognitive : les méthodes de travail inappropriées, notamment chez l’apprenant

qui a tendance à l’apprentissage « en surface », peu durable et mal adapté aux tâches complexes.

Former à la paléographie aujourd’hui - Notes de recherches 2009-2016 - Aude Garnerin 77

Fig.22. En situation normale sans charge cognitive, le système de traitement de l’information de l’étudiant fonctionne Fig.23. En situation d’apprentissage de la paléographie en formation classique, le système de traitement de l’information de l’étudiant dysfonctionne souvent Fig.24. Objectifs de la nouvelle formation : aider le système de traitement de l’information de l’étudiant en réduisant la charge cognitive par des aides appropriées Fig.25. 4 seuils conceptuels à franchir pour l’étudiant en paléographie Fig.26. Efficacité constatée de la nouvelle formation : plus de méthode et plus d’aisance, d’après les apprenants Fig.27. Le manque de connaissances et/ou de pratique limite le raisonnement de l’apprenant … et du formateur Fig. 28. Création d’une grille d’observation du raisonnement paléographique Fig. 29. 4 exemples d’outils pour la résolution de problèmes paléographiques Fig. 30. Essai de catégorisation des difficultés rencontrées en vocabulaire lors de l’apprentissage de la paléographie Fig31. Essai de catégorisation des difficultés rencontrées en syntaxe et compréhension lors de l’apprentissage de la paléographie Fig.32. Utiliser la collocation ou proximité probable des mots Fig33. La collocation ou « proximité probable des mots » est très utile en paléographie pour faciliter la résolution

d’expressions types et pour autocontrôler son travail, exemple sur la description-type d’une personne Fig34. La collocation combine des informations invariantes et des informations variables. Savoir repérer les invariants différencie l’expert du débutant, exemple sur la description-type de personne Fig.35. La mise en réseau du vocabulaire sous forme de carte lexicale permet de hiérarchiser les mots et de bien les mémoriser Fig.36. Utiliser le questionnement et l'autoquestionnement Fig.37. Aide au raisonnement et à la compréhension par les techniques de questionnement Fig.38. Favoriser la production écrite ou orale de l'apprenant Fig. 39. Aide au raisonnement et à la compréhension par la mise en espace de l’information, exemple de schéma réalisé d’après une transcription Fig. 40. Aide au raisonnement et à la compréhension par les productions d’écrits Fig.41. Grille d’évaluation de la compréhension d’un texte paléographique Fig.42. Avantages du schéma réalisé à partir d’un texte ou d’une transcription