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Formation professionnelle et pratique enseignante de l’instituteur débutant Renée Solange NKECK BIDIAS Faculté de Sciences de l’Education de Yaoundé 1, [email protected] RÉSUMÉ Au Cameroun, la formation de l’enseignant d’école primaire ou maternelle se fait dans les Ecoles Normales des Instituteurs de l’Enseignement Général (ENIEG) de manière alternée (théorique et pratique) avec des connaissances propositionnelles curriculaires. Dans le cadre de son activité débutante, on attend de lui qu’il fasse recours à des pratiques d’enseignement efficaces. La présente étude vise à déterminer le rapport entre la formation professionnelle acquise en formation initiale et l’efficacité de la pratique enseignante de l’instituteur débutant dans sa classe. Sur la base d’un échantillonnage à choix raisonné, six enseignants de l’Arrondissement de Mbalmayo ont consentis à des entretiens et observations des pratiques de classe. Les résultats montrent qu’il existe un rapport d’effet entre la formation reçue à l’ENIEG et la pratique d’enseignement de l’instituteur débutant, et ce rapport ne porte que sur les pratiques enseignantes observées ou exercées pendant les stages pratiques en formation initiale ou les pratiques acquises sur le terrain lors des conseils d’enseignement ou des journées pédagogiques. Mots-clés : Formation professionnelle, pratique enseignante efficace, instituteur débutant, aire didactique, aire psychopédagogique. ABSTRACT In Cameroon, the training of primary and nursery school teachers is done in General Teachers College (GTC) in an alternating manner (theoretical and practical) with a knowledge propositional curriculum. In its fledgling business expected to make use of effective teaching practices. This study aims to determine the relationship between vocational training acquired in initial training and the effectiveness of teaching practice of a starting teacher in its class. On the basis of purposive sampling, six teachers of the Mbalmayo District have made interviews and observations of their teaching practices. The results show that there is a relation between the professional training received at the GTTC and Renée Solange NKECK BIDIAS, Formation professionnelle et pratique enseignante de l’instituteur débutant, J educ Res Afr 2015;7: 125-143.

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Formation professionnelle et pratique enseignante de l’instituteur débutant

Renée Solange Nkeck BIDIAS

Faculté de Sciences de l’Education de Yaoundé 1, [email protected]

RéSuméAu Cameroun, la formation de l’enseignant d’école primaire ou maternelle se fait

dans les Ecoles Normales des Instituteurs de l’Enseignement Général (ENIEG) de manière alternée (théorique et pratique) avec des connaissances propositionnelles curriculaires. Dans le cadre de son activité débutante, on attend de lui qu’il fasse recours à des pratiques d’enseignement efficaces.

La présente étude vise à déterminer le rapport entre la formation professionnelle acquise en formation initiale et l’efficacité de la pratique enseignante de l’instituteur débutant dans sa classe.

Sur la base d’un échantillonnage à choix raisonné, six enseignants de l’Arrondissement de Mbalmayo ont consentis à des entretiens et observations des pratiques de classe. Les résultats montrent qu’il existe un rapport d’effet entre la formation reçue à l’ENIEG et la pratique d’enseignement de l’instituteur débutant, et ce rapport ne porte que sur les pratiques enseignantes observées ou exercées pendant les stages pratiques en formation initiale ou les pratiques acquises sur le terrain lors des conseils d’enseignement ou des journées pédagogiques.

Mots-clés : Formation professionnelle, pratique enseignante efficace, instituteur débutant, aire didactique, aire psychopédagogique.

AbstrActIn Cameroon, the training of primary and nursery school teachers is done in

General Teachers College (GTC) in an alternating manner (theoretical and practical) with a knowledge propositional curriculum. In its fledgling business expected to make use of effective teaching practices.

This study aims to determine the relationship between vocational training acquired in initial training and the effectiveness of teaching practice of a starting teacher in its class.

On the basis of purposive sampling, six teachers of the Mbalmayo District have made interviews and observations of their teaching practices. The results show that there is a relation between the professional training received at the GTTC and

Renée Solange Nkeck BIDIAS, Formation professionnelle et pratique enseignante de l’instituteur débutant, J educ Res Afr 2015;7: 125-143.

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teaching practices of the novice teacher, and this report focuses on teaching practices observed or performed during the Practicum in pre-service or practices acquired on the ground when the Board of education or pedagogical days animations.

Keywords: Professional Training, Efficient Teaching Practice, Novice Teacher, Didactical area, Psycho pedagogical area.

INtRoDuctIoN

Aujourd’hui, la tendance est que la formation à l’enseignement se développe dans une optique de professionnalisation, dans une optique d’approche culturelle de l’enseignement, à partir d’une approche par compétences professionnelles, et, elle s’organise par une maîtrise d’œuvre unique assurée par les sciences de l’éducation alliant recherche, formation et profession (Gauthier et alii., 2001). La tendance est aussi que l’enseignant professionnel formé, quel que soit son niveau et son ordre d’enseignement, poursuit le but nonuple suivant : (i) enseigner des choses, (ii) enseigner à faire des choses, (iii) enseigner à voir des choses, (iv) transmettre, (v) transformer, (vi) former le jugement (vii) aider à se former,(viii) aider à se transformer et (ix) éduquer au choix(Lenoir, 2004 :9-31 ; Fabre et Fleury, 2006 :1-2 ; Auteure, 2013 : 24).

Les productions statistiques du Ministère de l’Education de Base et de l’Institut National de la Statistique (2011-2012) du Cameroun, affichent une population écolière de 4 650 000 élèves en croissance moyenne annuelle de 3,1%,108 ENIEG publiques et privées et 22 500 enseignants formés par an. Compte tenu du nombre croissant d’instituteurs concernés, il y aurait lieu de s’interroger si de

manière qualitative les connaissances proposit ionnel les dispensées et les savoirs pratiques prescrits au cours de la formation professionnelle alternée (cours théoriques et stages pratiques) sont en rapport d’effet avec l’activité efficace liée à la pratique d’enseignement de l’instituteur débutant. Aussi pour y répondre, un contexte et la problématique sous-jacente sont invoqués. Les assises conceptuelles du travail et la méthodologie qui suit aussitôt permettent l’analyse, l’interprétation des données et la discussion des résultats en vue d’une conclusion.

1- coNtexte et pRoBlémAtIque

Le modèle du système des pratiques professionnelles des enseignants des cycles primaire et maternel se décline en deux grandes composantes : les pratiques professionnelles dans l’école (les corrections, les préparations, la formation continue, les animations pédagogiques, les activités syndicales, le militantisme pédagogique, etc.), et celles hors de l’école (les pratiques de direction, de situations formalisées, d’enseignement et des temps dits interstitiels (Marcel, 2002,2003 ; Bru 1991, 2002).

L’enseignant débutant est la personnalité centrale visée par le présent propos. D’une par t au

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cours de sa formation, il intègre des connaissances propositionnelles, des pratiques sociales de références et des savoirs d’expérience sous-jacents (Martinand, 1986). Cette absorption se fait en alternance (cours théoriques, simulations diverses, stages pratiques par l’observation participante, stage en responsabil i té). D’autre part, l’ instituteur débutant déploie son activité en salle de classe en faisant recours à l’autodidactie autant que faire se peut, dans un environnement où le besoin global de l’enseignant appelle notamment (i) le renforcement de ses capacités réflexives par des séminaires de recyclage ou de formation continue ; (ii) le développement de la mise à disposition des infrastructures informationnelles ; (iii) des offres de significations afférentes à des dispositifs robustes incitant à l’utilisation du matériel didactique fabriqués à partir des matériaux locaux ou de récupération ; (iv) la création d’espaces virtuels d’échanges entre enseignants.

Depuis 1990, à la faveur de la conférence de JOMTIEN sur l’Education Pour Tous (EPT),un accent est mis sur la professionnalisation des enseignements dans les institutions de formation à l’enseignement. Ce qui implique que les enseignants de tous niveaux du système national de formations à l’enseignement doivent faire face à des sollicitations et des exigences plus complexes, tout en accordant beaucoup d’intérêt à l’atteinte des objectifs du millénaire retenus par les Nations Unies et surtout en s’efforçant de mettre en œuvre la réforme curriculaire qui adopte l’entrée par les compétences aux

niveaux des enseignements primaire et secondaire. Dès lors, l’efficacité de la pratique enseignante qui est l’un des principaux aspects dont l’éducation s’occupe ne cesse de constituer un épineux problème dans le monde entier. L’enseignant est ainsi interpelé de façon individuelle face à sa tâche et contraint aux rendements que lui imposent non seulement le système éducatif, mais la société toute entière.

Mais, au-delà de tout problème contextuel, on attend de lui une activité de classe empreinte de pratiques d’enseignement efficaces sur la base qu’il est polyvalent de par sa formation professionnelle. Or, une analyse des rapports et recherches effectuées sur la formation dispensée dans les ENIEG au Cameroun fait état de nombreux problèmes qui sont relevés : programmes non opérationnalisés sous forme de listes de contenus, notions, définitions, concepts et sans objectifs visés; absence d’équipements et nombre d’enseignants limité dans les didactiques des disciplines; les connaissances présentées sous l’intitulé « Didactiques» touffues, trop chargées et indigestes où on retrouve un mélange de tout, des concepts, des techniques mais pas de véritables didactiques des disciplines à proprement parlé; des séances de stages de courte durée et pas de véritable stage en responsabilité (Auteure 2004; Altet, 2011). Ce constat semble être partagé par les experts du DSSEF1 qui concluent de la manière suivante : la formation initiale dans les ENIEG n’apporte qu’un modeste

1- Document de stratégies du Secteur de l’Education et de la Formation (2013-2020)

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surplus d’acquisitions par rapport aux enseignants n’ayant eu aucune formation spécifique. On peut donc poser la question de l’efficacité de la formation dans les ENIEG.

Par ailleurs, Nombre d’enseignants vivent des problèmes assez majeurs en début de carrière. Altet (2011), les identifie par la non maîtrise des contenus et des canevas des leçons, des méthodes d’enseignement et d’évaluation, de la gestion de la classe; l’inaptitude à former des enfants aptes à résoudre les problèmes de la vie courante, difficultés à motiver les élèves, à gérer les conflits, à instaurer la discipline dans la classe, à atteindre les objectifs qui leur sont assignés à temps; incapacité à analyser des situations complexes, à choisir le matériel didactique approprié, à analyser de façon critique leurs actions et leurs résultats.

En définitive, on peut s’interroger sur l’adéquation entre la formation professionnelle reçue par l’instituteur débutant et sa pratique d’enseignement pendant son act iv i té lors de la préaction, l’interaction et la postaction. En d’autres termes mais dans le champ restreint aux effectuations en classe, il est question de savoir si l’instituteur débutant met en œuvre des pratiques enseignantes inspirées de la formation professionnelle qu’il a reçue.

2- ASSISeS coNceptuelleS

T r o i s n o t i o n s p e r m e t t e n t d e c o n c e p t u a l i s e r l ’ é t u d e : l ’ instituteur débutant, la pratique enseignante efficace et la formation professionnelle.

2.1- Instituteur débutant

L’instituteur débutant est une personne au commencement de sa carrière professionnelle, dans le corps de métiers d’enseignants, exerçant dans une école primaire ou maternelle. On attend de lui, comme de tout enseignant, une posture équitable accompagnée d’activités d’enseignement efficaces pour l’apprentissage des notions et la réussite scolaire des élèves. L’enseignant équitable a la conscience de l’équité (Equity Counsciousness); il est celui qui reste cohérent dans l’application des règles et qui prend des mesures disciplinaires appropriées exprimant justice et équité (Skrla, McKenzie et Scheurich, 2009).

2.2- Pratique enseignante efficace

La pratique enseignante renvoie aux façons de faire de l’enseignant sous toutes formes d’actions, gestes, stratégies et procédures marquées par une préaction, une interaction et une postaction avec pour but 1’apprentissage des apprenants, l’action professionnalisante, collaborative ou évaluative (Marcel, 2001; Bru et Talbot, 2001; Altet, 2002; Lenoir, Larose Deaudelin, Kalubi et Roy, 2002; Lefebvre, 2005 ; Maubant, Roger, Jemel et Chouinard, 2007).La pratique enseignante est synonyme de la pratique d’enseignement quand il s’agit de l’exercice professionnel de l’enseignant en contexte scolaire, dans le but que les élèves s’engagent ou poursuivent leur activité apprenante en vue de l’apprentissage (Legendre, 2005 ;Maubant, 2010).Le cadre conceptuel de son analyse en contexte et dans sa complexité est

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fondé sur les concepts de l’intervention éducative et la médiation (Lenoir,2009).Les pratiques d’enseignement efficaces sont de natures processurales, temporelles et procédurales identifiables en neuf classes selon Talbot (2012 :129-141). 1. Les activités d’enseignement directes, explicites, systématiques ou instructionnistes (Dubé, Bessette, et Dorval, 2011; Feyfant, 2011; Bissonnette, Richard et Gauthier, 2005) qui se structurent en quatre phases : un temps de démonstration, un temps des questions guidées d’apprentissage, un temps des exercices d’application en vue d’évaluer les performances des élèves et leur proposer des retours sur expérience et enfin, le temps des révisions régulières et répétitives. 2. Les pratiques qui suivent une évaluation continuelle des progrès réalisés dans l’accompagnement des tâches. 3. Les pratiques au cours desquelles les élèves faibles ou moyens progressent et les écarts de performances entre les élèves forts et les élèves faibles se réduisent (cas de l’APC). 4. Les pratiques pour lesquelles les maîtres construisent des représentations de l’apprentissage éloignées des théories fixistes et innéistes. 5. Les pratiques qui restent centrées sur le contenu d’enseignement, sur les tâches et les activités données aux élèves. Il s’agit notamment du travail par projet interdisciplinaire à thématique du curriculum scolaire qui consiste en une organisation des activités éducatives autour d’un thème, d’une idée, de les distribuer selon les étapes de la démarche pédagogique, tout en rencontrant les exigences des différents programmes d’études. (Boix Mansilla, Feller et Gardner,

2006 : 70). 6. Les pratiques qui consistent en cours dialogué pendant lequel les compliments se font à bon escient (Briquet-Duhazé, 2012), permettant aux élèves de vivre une autonomie dans la prise de décision concernant leurs besoins personnels et méthodologiques. 7. Les pratiques dont les activités didactiques et pédagogiques des maîtres varient selon les contextes rencontrés (Duguet et Morlaix, 2012). 8. Les pratiques pour lesquelles les enseignants, très organisés, fins planificateurs, prenant en compte une multitude de facteurs liés à l’avancée des apprentissages ainsi que des éléments contextuels, se montrent capables, en tant que de nécessité, de modifier leurs stratégies en fonction des progrès ou non des élèves qui leurs sont confiés. 9.Les pratiques d’enseignement pour lesquelles les enseignants offrent clarté de la présentation des tâches et des consignes à accomplir par les élèves.

2.3- Formation professionnelle

Le concept de formation professionnelle dans le présent propos se confond avec la notion de formation à l’enseignement. La notion de formation peut désigner soit un processus ou un objectif global, soit des activités spécifiques. La formation peut être représentée par une construction à la fois empirique et scientifique, évolutive et adaptative, étroitement articulée à une analyse de l’activité (Leblanc, Ria, Dieumegard, Serres et Durand, 2008 :59).La formation initiale au métier d’enseignant est de nature professionnelle. Elle doit être complétée et réajustée par des activités de formation en cours de service (formation continue ou continuée).

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Les ENIEG assurent la formation professionnelle des préposés au métier d’enseignant dans les écoles primaires et maternelles. La formation des élèves maîtres intègre les trois volets, psychopédagogique, disciplinaire et pratique, sans formation scientifique particulière au départ. Les élèves maîtres reçoivent une formation d’une durée de un à trois ans au plus en fonction du niveau de base de leur réussite au concours d’entrée dans les ENIEG (Baccalauréat, Certificat de Probation, BEPC2 respectivement). A l’issue de la formation, il leur est délivré le CAPIEMP3.

Les grilles des formations des élèves maîtres dans les ENIEG du Cameroun présentent deux parties.1. En ce qui concerne les connaissances disciplinaires, interdisciplinaires et didactiques, chaque enseignant formateur, intervenant disciplinaire à l’ENIEG, prévoit notamment des contenus suivants : (i) la définition du champ théorique de la didactique disciplinaire liée à la matière scolaire concernée ; (ii) l’élaboration des objectifs d’apprentissage et des objectifs opérationnels ; (iii) la conception et élaboration des matériaux et matériels pour concrétiser les leçons ; (iv) le processus d’enseignement apprentissage ; (v) pratique par simulation ; (vi) l’évaluation formative au cours et à la fin d’une leçon ; (vii) les pratiques d’enseignement ou pratiques enseignantes ; (viii) les méthodes de développement des niveaux de pensée : mémoire, compréhension, application analyse, 2- BEPC : Brevet d’Etudes du Premier Cycle3- CAPIEMP : Certificat d’Aptitude Pédagogique d’Instituteur de l’Enseignement Maternel et Primaire

synthèse et évaluation ; (ix) les méthodes de canalisation de l’attention pendant la présentation des leçons ; (x) la méthode expérimentale en pédagogie (application lors de la préparation et la présentation des leçons) ; (xi) les modes de raisonnement en préaction, interaction et postaction; (xii) la critique d’une leçon. (xiii) l’exercice aux pratiques d’enseignement par des simulations prévues dans en salle de classe de l’ENIEG sans aucune recommandation officielle sur les pratiques ni sur leurs nuances quant à leur efficacité. 2. L’instituteur en formation suit trois types de stages d’observations participantes :(i) Le stage de sensibilisation au cours duquel l’élève maître assiste à des réunions de maîtres, des préparations de leçons, des présentations de leçons, des activités culturelles de l’établissement scolaire en vue de produire une monographie de l’école incluant notamment la localisation et les constructions en rapport avec les normes et la carte scolaires ; (ii) le stage en tutelle au cours duquel, sous la supervision d’un tuteur de stage, l’élève maître pratique deux cliniques : la première clinique de l’apprendre à apprendre un message qui se réfère à la conception générale de la transmission des messages en éducation, la seconde clinique consiste en l’application des pratiques d’enseignement et des techniques d’apprentissage efficaces ; (iii) le stage en responsabilité au cours duquel l’élève enseignant assume toutes les activités de préaction l’instituteur titulaire en vue de son effectuation en classe, pendant un mois.

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3- méthoDologIe et lImIteS Du tRAvAIl

Sur une période de quatre mois, une enquête de terrain de type socio-anthropologique (Olivier de Sardan, 2008 ; Paillé et Mucchielli, 2012) est menée auprès de six enseignants. Quatre méthodes de production de données qualitatives sont utilisées : 1) la collecte de documents curriculaires et didactiques, 2) l’entretien biographique (Demazière, 2003) visant à saisir les rapports aux savoirs des enseignants, 3) l’entretien d’explicitation (Vermersch,2006,2011) permettant d’interroger le vécu de l’action didactique, et 4) l’observation des pratiques d’enseignement (Beaud et Weber, 2010) permettant de produire des données relatives aux interactions entre les enseignants et les élèves. L’entretien d’explicitation et l’observation des pratiques sont liés en ce sens qu’ils concernent les mêmes leçons pour un même maître. Les observations des enseignants en effectuation en classe (interaction) sont une opérationnalisation partielle du modèle de la situation d’enseignement/apprentissage par aires d’actions basée sur une analyse de la profession enseignante dans le but de lier ces observations à la formation professionnelle de l’instituteur débutant. Normalement, le modèle utilisé ici doit être envisagé dans un cadre systémique incluant notamment les politiques éducatives, les orientations curriculaires, les valeurs véhiculées ou encore un ancrage socioculturel lesquels, s’ils ont une influence non négligeable sur les situations d’enseignement/apprentissage, ne peuvent être directement influencés par l’intervention de l’instituteur. Mais seuls

les facteurs sur lesquels l’enseignant peut avoir une influence directe sont retenus.

Une situation d’enseignement/apprentissage se concrétise et prend une forme observable dans un dispositif d’enseignement par l’intégration de deux médiations : le processus d’enseignement ou médiation pédagogicodidactique et le processus d’apprentissage ou médiation cognitive (Lenoir, Larose, Deaudelin, Kalubi & Roy, 2002 ; Lenoir, Maubant, Hasni, Lebrun, Zaid, Habboub et McConnel, 2007 ; Lenoir, 2009). L’approche théorique privilégiée ici est celle de la prise en compte des relations entre l’apprentissage à l’enseignement qui mobilise les savoirs pour enseigner et la pratique enseignante qui mobilise les savoirs à enseigner.

Le corpus de données est analysé à l’aide de la méthode par catégories conceptualisantes dans la tradition de la grounded theory (Glaser et Strauss, 2010). L’analyse permet de nommer des pratiques enseignantes didactiques dans le contexte local.

La méthodologie utilisée consiste en une approche de recherche à visée heuristique, qui cherche à décrire les pratiques enseignantes pour comprendre le sens qu’elles ont pour les acteurs à base d’un paradigme compréhensif prenant la forme d’une enquête de terrain qualitative soutenant un raisonnement hypothético-déductif (Dupin de Saint-André, Montésionos-Gelet et Morin, 2010). Le présent travail s’inscrit ainsi dans le mouvement de la recherche qualitative, ouvrant la voie à « une avenue méthodologique sensée, au sens traversant les expériences », proche des personnes et des logiques contextuelles bien ancrées dans les terrains (Paillé, 2006 :6).

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La population d’étude se rapporte aux instituteurs débutants des écoles d’enseignement primaire et maternel des écoles public, privé du Cameroun. Le plus grand effectif se dénombrant dans le secteur public, la population parente est celle des instituteurs débutants dans l’enseignement primaire publique. La population cible par un choix raisonné se constitue de l’ensemble des instituteurs débutants dans les écoles primaires publiques du département administratif du Nyong et So’o. La population accessible est l’ensemble des instituteurs débutants, ayant une expérience professionnelle de moins de 2 ans et exerçant dans les écoles primaires publiques de l’arrondissement administratif de Mbalmayo. Selon les statistiques de l’IAEPM4, cet arrondissement compte 20 écoles publiques d’où l’on dénombre 6 instituteurs débutants qui exercent leur métier depuis moins de 2 ans dans 3 écoles différentes (voir tableau IV ci-après). Des formulaires de consentement éclairé ont été soumis à l’IAEPM et aux enseignants.Tableau I : épartition de l’échantillon des instituteurs débutants

Ecoles Effectifs Symbolisation des enseignants

Ecole publique de New Town, groupe II

3 I1, I2, I3

Ecole publique d’Obeck, groupe I

1 I4

Ecole publique de Nkong-si 2 I5, I6

Total 6

4- IAEPM : Inspection d’Arrondissement pour l’Enseignement Primaire et Maternel

4- RéSultAtS, ANAlySeS et INteRpRétAtIoNS

4.1- La collecte des documents curriculaires et didactiques a permis l’accès aux (i) contenus des programmes de formation des instituteurs de l’enseignement général, (ii) contenus des programmes d’enseignement à l’école primaire au Cameroun, (iii) Guide pédagogique de l’éducation à la vie familiale, en matière de population et au VIH et Sida (EVF/EMP/VIH et SIDA), (iv) document sur l’Enseignement des activités pratiques et EPS dans les écoles maternelles et primaires, (v) Canevas de planification des situations d’apprentissage et d’évaluation par discipline, (vi) fiches de préparation de leçons.

4.2- Les entretiens biographiques auprès des enseignants débutants permettent de saisir les informations biographiques, les caractéristiques sociodémographiques et le rapport à la formation professionnelle théorique et pratique qu’ils ont reçue à l’ENIEG. Il est question de collecter les matériaux dans les conditions les plus favorables possibles, pour tenter de comprendre et de décrire les manières dont les membres d’une même catégorie sociale […] racontent une période de leur vie, exposent leur situation, anticipent leur avenir (Demazière, 2003 :76). Les conditions favorables se rapportent ici aux entretiens réalisés délibérément, au gré du maître, dans le milieu de travail, immédiatement après la journée d’enseignement.

L’échantillon se compose de quatre institutrices et deux instituteurs âgés de 29 à 33 ans, tous titulaires du CAPIEMP.

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En ce qui concerne la solde, trois enseignants sont pris en charge par les associations des parents d’apprenants des établissements scolaires concernés et les autres sont sous contrat avec l’administration de l’Etat.

Les classes de CE1, CE2 et CM1 sont affectées aux différents enseignants de l’échantillon.

Le milieu d’enseignement est socio économiquement faible ou modeste, multiethnique et les apprenants sont issus de communautés du Cameroun ou de l’Afrique centrale.

Dans le récit de vie portant sur le rapport aux connaissances des enseignants, il ressort que l’instituteur débutant vie une situation paradoxale depuis le temps de sa formation.

(i)L’enseignement des didactiques des disciplines qui ont été proposées à l’ENIEG laisse des représentations confusionnelles. L’enseignant I5 indique « Non je ne saurai vraiment vous dire que ma formation à l’ENIEG m’a permis de maîtriser l’enseignement d’une discipline donnée. Car, on ne nous a pas donné les canevas des leçons ». L’enseignant I1 répond « Moi je me débrouille comme je peux mais pour tout dire, à l’ENIEG, on ne nous a donné aucune technique, aucune méthode pour maîtriser l’enseignement d’une leçon si oui seulement en didactique de français ». L’enseignant I3réagit en disant « Vous parlez même de quoi ? car, je ne peux pas vous dire exactement les objectifs qu’il fallait atteindre en didactique des disciplines puisque tout était confus ».

(ii)Les deux pratiques enseignantes promues relèvent de la pédagogie par objectifs et de l’approche par compétences. Mais elles ne sont pas pratiquées et leur complémentarité n’est pas ressortie. Le stage en responsabilité n’est pas vécu comme le recommande les textes officiels.4.3- Dans l’entretien d’explicitation

par lequel on interroge le vécu de l’action didactique de l’instituteur débutant sont interpellées, la mémoire sensorielle et la capacité de l’enseignant à évoquer ce qu’il fait et comment il le fait au moment où il se représente en action dans une situation donnée ; c’est le réfléchissement dont parle Vermersch (2006,2011, ibid.).De temps en temps, l ’enseignant nous prodiguait les conseils, nous donnait les expériences du métier mais n’avait pas suffisamment de temps pour observer chacune de nos prestations (enseignant I2).L’entretien d’explicitation de chaque instituteur débutant est en lien avec l’observation de ses pratiques enseignantes, en ce sens que l’entretien se limite aux leçons qui font l’objet des observations lors de ses effectuations en classe.

Compte tenu des emplois du temps journaliers des six instituteurs répartis dans les trois écoles, la chercheure a choisi deux disciplines scolaires par enseignant dans le but de l’observer pendant ses effectuations en classe. Il en découle que douze matières scolaires feront l’objet des observations. Ainsi, l’instituteur I1connaît un entretien d’explicitation sur et des observations pendant ses leçons d’orthographe et de Mathématiques en classe de CE2.

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Pour l’enseignante I2, il en est de manière analogique pour ses leçons d’Anglais et de Sciences et Éducation à l’Environnement en classe de CM1. La maîtresse I3vivra l’expérience pour ses leçons de Français (Conjugaison) et d’Hygiène pratique et Education à la Santé en classe de CE2. L’institutrice I4est concernée pour ses leçons d’Education à l’Environnement et d’Histoire en classe de CM1.L’instituteur I5procède par analogie pour ses leçons de Récitation et Chant et d’Activités pratiques en classe de CE1.La maîtresse I6participe au travail de recherche pour ses leçons d’Education Civique et Morale et Education à la Citoyenneté et de Dessin en classe de CE1.

En annexe 2, les micro-récits phénoménologiques présentent les logiques de planification des apprentissages propres à chacun des six enseignants participant à l’étude. La mise en forme proposée introduit à la compréhension du monde vécu par l’acteur à travers l’éclairage mutuel des ressorts internes de l’expérience et de l’action (Paillé et Muchuelli, 2012, 149). Dans tous les cas il s’agit des entretiens biographiques complétés par des explicitations sur l’intention de l’action didactique des maîtres et maîtresses concernés.

En généra l les ense ignants ignorent le champ lexical afférant à la nature (processurale, temporelle ou procédurale) ou à la classe d’une pratique enseignante. Mais ils sont soucieux et structurés dans le rapport à la paire de disciplines scolaires (ou sous-disciplines) pour lesquelles chacun est par la suite objet d’observations

en classe. On peut présumer une régulation des effectuations en classe résultant des réunions de maîtres et des conseils pédagogiques qui se tiennent au sein de leurs établissements scolaires respectifs.

4.4- L’observation exploratoire de quelques périodes d’enseignement vise à ressortir des données relatives aux interactions entre le maître et les élèves qui lui sont confiés en rapport avec les paires de disciplines (ou sous disciplines) délibérément choisies par la chercheure pour observer chacun des enseignants pendant ses effectuations en classe.

La grille d’observation est conçue selon le modèle de la si tuation d’enseignement/apprentissage par aires d’actions basées sur une analyse de la pratique enseignante dans le but de lier ces observations à la formation professionnelle de l’instituteur débutant. Elle comprend les deux aspects majeurs de l’enseignement : l’aire didactique et l’aire psychopédagogique. Compte tenu des limites du travail, il s’agit d’une adaptation de la grille construite sur la base du modèle théorique. Les modalités d’actions gestuelles ou de données situationnelles nécessitant des précisions sont expliquées. En ce qui concerne les actes de langage, des adaptations sont inspirées de la grille de De Landsheere et Bayer (1974).

4.4.1- L’aire didactique englobe toute action liée à un objet d’enseignement/apprentissage référé ou référable à une matière scolaire, excluant alors l’étude des contenus proprement d i t s ( c ’es t -à -d i re , l ’ é tude des mathématiques pour leur intérêt propre,

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sans tenir compte de l’enseignement et de l’apprentissage) ainsi que les actions indépendantes de ces objets d’enseignement/apprentissage (Reuter, 2007). L’aire didactique recouvre les caractéristiques exclusivement liées à l’objet d’apprentissage. Pour la définir, les indicateurs retenus sont : total des contenus abordés (Aeby & de Pietro, 2003), choix et organisation des contenus (Bru, 1991), activités sur les contenus (Anderson, 2004 ; Bru, 1991 ; Doyle cité par Anderson, 2004), fonction du cours ou de la séquence (Anderson, 2004). L’aire didactique comprend les actions gestuelles/non verbales, les actes de langage et les données situationnelles.

4.4.2- L’aire psychopédagogiqueIl s’agit ici de la considérer selon

Reuter (2007 : 163) comme :un mode d’approche des faits d’enseignement et d’apprentissage qui ne prend pas spécifiquement en compte les contenus disciplinaires mais s ’at tache à comprendre les d imensions généra les ou transversales des situations qu’elle analyse et qui sont liées aux relations entre enseignant et apprenants et entre les apprenants eux-mêmes, aux formes de pouvoi r et de communication dans la classe ou les groupes d’apprenants, au choix des modes de travail et des dispositifs, au choix des moyens, des méthodes et des techniques d’enseignement et d’évaluation.

L’aire psychopédagogique englobe donc l’ensemble des caractéristiques liées aux climats affectif et relationnel de la classe, ainsi que les composantes

pédagog iques de l a s i t ua t i on d’enseignement-apprentissage. Il s’agit de caractériser les actes de l’enseignant tels que la dynamique corporelle (Marlair & Dufays, 2008), les expressions vocales (Marlair & Dufays,Ibid.), l’attractivité, le registre de la communication (Bru, 1991), la guidance de l’enseignant (Aeby et de Pietro, 2003).

Lorsqu’on prend l’exemple de la grille d’observation de l’instituteur I1, enseignant en classe de CE2 pour une première leçon de 15 minutes en Français, (orthographe, le son c/qu) et pour une seconde leçon de 20 minutes en Mathématiques (les mesures sur le volume, la capacité ou la contenance), il y a lieu de faire deux remarques. 1. L’instituteur I1 enseigne l’orthographe en situation ;il cherche à se faire comprendre et place la leçon observée dans un projet global d’écriture, de lecture pour une bonne prononciation des sons, de vocabulaire et de grammaire intégrés, ainsi que de production d’écrit à partir d’un texte lacunaire accompagné d’une correction collective. A ce stade de l’observation, il y a lieu de relever que l’enseignant I1 a fait des choix qu’il convient de discuter : il a proposé un texte lacunaire alors qu’il pouvait aussi proposer une dictée et il a proposé une correction collective du texte lacunaire. La raison d’être de l’orthographe est la production ou la lecture de textes. Au cours d’une dictée, un élève est invité à transformer un matériau phonique en un matériau graphique, c’est-à-dire qu’il doit faire correspondre des sons et à une succession de lettres. Cet exercice

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très spécifique n›aide pas un scripteur à maitriser l›orthographe quand il est en situation de production d’écrit. Or ce qui fait la compétence orthographique d›un élève de CE2, c›est la capacité de celui-là à gérer des problèmes en situation de production écrite et cela s’apprend en écr ivant et en décomposant les différents temps de cet acte complexe qui consiste en l’organisation pédagogique de différents temps du processus d’écriture inspiré du modèle aux phases récursives planification/rédaction/révision: les mises en forme d›un texte, son orthographe proprement dite, sa réécriture, etc. (Turgeon et Bédard, 1997 ;Jaffré, 2004). 2. En ce qui concerne la séquence relative aux mesures, l’instituteur I1enseigne la leçon portant sur « le volume, la capacité». La suggestion didactique qui permettrait de communiquer la notion de volume est celle de la sériation d’objets divers en fonction de la place qu’ils occupent dans l’espace. La sériation s’ordonne par la relation « est plus volumineux que » ou « prend plus de place dans l’espace que ». La place occupée dans l’espace peut être matérialisée par des cubes de emboîtés, une quantité d’eau qui fait déborder l’objet quand celui-là est plongé dans un récipient plein à ras bords, ou encore par l’augmentation du niveau d’eau dans un récipient gradué rempli partiellement d’eau ou d’un liquide coloré. Il est bien entendu que la validité des manipulations avec de l’eau n’est assurée que pour des objets non poreux et qui ne flottent pas. La précaution à prendre pour les manipulations évoquées est d’éviter de choisir des solides qui sont des

récipients dont les élèves confondraient volume et capacité (Roegiers, 1998). La suggestion didactique qui permettrait de communiquer une vision concrète des unités de capacité va plus loin que celle de transformer une mesure exprimée en litres en une mesure exprimée en centilitres : il faudrait surtout que l’élève ou l’immense majorité des apprenants de la classe de CE2, puisse se représenter un litre, un centilitre, et puisse choisir l’unité adéquate lorsqu’il est amené à effectuer une mesure. Par ailleurs, l’utilisation des récipients gradués constitue une étape ultime dans l’ensemble de l’apprentissage. La manipulation d’un instrument gradué de mesure de capacité fait recours à un procédé qui permet d’éviter le comptage. La correspondance entre unités de capacité et de volume s’expérimente d’abord concrètement avant d’être consignée dans un tableau.

Dans l’ensemble, tous les six instituteurs débutants appliquent par mimétisme les pratiques enseignantes orthodoxes dont les sources d’inspiration sont notamment leurs maîtres de stages de formation initiale, les conseils d’enseignement de l’école et les journées pédagogiques par bassins dans laquelle ils exercent le métier, parce qu’on peut apprendre une pratique en y étant immergé (Rey, 2005 :99). Les connaissances théoriques qui leur ont été proposées pendant leur formation, d’après leurs affirmations, ne sont pas en adéquation avec la pratique du métier. En effet, le verbatim sur le rapport aux connaissances professionnelles théoriques et pratiques en annexes 1, laisse ressortir que les notions clés sont

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soit ignorées soit accompagnées de représentations pleines de confusion.

Il faut retenir que la variété des représentations et des applications en classe demeure très grande autant pour l’enseignant en formation que pour l’enseignant en activité. Tant que les formateurs d’enseignants et les produits du système national de formations à l’enseignement ne sont pas avisés et ne se sont pas exercés sur le cadre conceptuel de la pratique enseignante, ils se sentiraient toujours tiraillés entre diverses options provenant de différentes sources.

La seconde leçon à retenir des résultats de recherches en question est que l’approche pseudo interdisciplinaire fondée sur le recours aux thèmes à curricula scolaires est une tendance causée par la préoccupation des enseignants à stimuler l’intérêt de leurs élèves. Cinq raisons, entre autres, pourraient amener les enseignants de l’école primaire à faire recours à des pratiques éclectiques et non rationnellement fondées sur des bases scientifiques : (i) la demande sociale s’exprimant à partir du discours social, de celui des parents d’apprenants ou de celui du pouvoir administratif pour une augmentation du temps et de l’attention accordée aux objectifs d’apprentissage des programmes de français et de mathématiques ; (ii) l’incompréhension des fondements des curriculums d’enseignement et de leur opérationnalisation; (iii) les carences des formations disciplinaires; leurs représentations épistémologiques du savoir et de ses processus d’acquisition; (iv) le poids de la tradition pédagogique;

et (v) une logique de l’action qui opère dans l’urgence et qui est fondée sur le sens commun et l’intuition et non sur une analyse réflexive de la tâche (curriculum, prescription, contraintes, etc.) et de la pratique.

La tendance des enseignants de niveau III du primaire (CMI et CMII) est de prioriser l’approche hégémonique dans l’enseignement. L’approche holistique, fondée sur le refus à toute spécificité des matières au nom de l’existence d’une démarche naturelle, est l’apanage des enseignants qui adhèrent aux conceptions pédagogiques privilégiant une pédagogie ouverte et active centrée sur les intérêts des élèves.

Pour l’enseignement des arts, des sciences et Education à l’Environnement, des sciences humaines (histoire et géographie), les quatre approches sont utilisées par les enseignants dont l’objectif principal est d’atteindre les exigences curriculaires d’un point de vue strictement administratif. Les enseignants pratiquent par mimétisme de leurs prédécesseurs ou plus anciens et ils s’instruisent lors des Conseils de maîtres, des journées pédagogiques (Lenoir, Larose, Grenon et Hasni, 2000).

DIScuSSIoN

L’enseignement des disciplines scolaires de l’école primaire et la formation professionnelle de l’instituteur débutant sont en situation paradoxale : les connaissances propositionnelles reçues à l’ENIEG par le maître diplômé ne sont pas articulées et intégrées à sa pratique professionnelle d’enseignement des leçons (structuration des contenus, gestion des contenus et leur mise en

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œuvre). Cela est essentiellement dû au fait que les enseignants formateurs qui dispensent les didactiques des disciplines à l’ENIEG ne sont pas pour la plupart des didacticiens diplômés des instituts de formation des formateurs. Or, on ne peut pas enseigner la didactique d’une discipline sans maîtrise des savoirs de la discipline objet d’enseignement. Dans la formation en Sciences de l’Education aujourd’hui, les institutions de formation à l’enseignement primaire et maternel tendent à ne plus former les maîtres à appliquer une méthode orthodoxe mais à construire leur enseignement en s’appuyant certes sur une connaissance des méthodes et dispositifs de formation reconnus, mais surtout en se fondant sur une analyse des besoins, des intérêts, des attitudes, du niveau de leurs apprenants, aussi bien que des conditions de travail, des contraintes et des ressources qu’offre un établissement particulier dans un environnement particulier. Il s’avère nécessaire que la formation professionnelle actuelle dans les ENIEG obéisse à cette tendance. Il est aussi nécessaire de qualifier les enseignants formateurs sortant des ENS aux didactiques des disciplines.

coNcluSIoN

La conception du rapport entre la formation professionnelle reçue et la pratique d’enseignement de l’instituteur débutant repose sur les pratiques enseignantes observées ou exercées par l’enseignant pendant les stages de formation professionnelle ou celles retenues par ce dernier lors des conseils d’enseignement ou lors des

journées pédagogiques. L’instituteur ignore la théorisation qui est rattachée aux pratiques enseignantes de l’école primaire et de l’école maternelle. Les enseignants débutants auraient besoin de se faire des représentations claires de la nature et des classes relevant des pratiques enseignantes efficaces lors de leur formation professionnelle à l’ENIEG en même temps qu’ils s’exercent ou simulent les méthodes rattachées à ces pratiques d’enseignement.

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