fonctionnalisation et modification du c60

26
1 chapitre LES FULLERÈNES 11 F onctionnalisation et modification du C 60 Les fullerènes constituent la troisiè- me forme allotropique du carbone, avec le graphite et le diamant. Leur structure ori- ginale est en forme de cage vide et fermée. Le plus connu est le C 60 , semblable à un bal- lon de football. La molécule est constituée de 20 faces hexagonales et 12 faces penta- gonales. Chaque carbone est situé à l’un des 60 sommets du polyèdre. Cette structure est de haute symétrie. Cette forme sphérique confère à la molécule des propriétés spécifiques. En particulier, le C 60 est un bon accepteur d’électrons. Les réactions d’oxydoréduction sont nombreuses. Cette grande réactivité facilite l’élaboration de matériaux nouveaux dont l’architecture est originale. L’incorpo- ration des C 60 , soit au cœur, soit au nœud des polymères “modèles”, permet de réaliser des structures en colliers de perles, en étoiles et en réseaux… Les polymères acquièrent ainsi les propriétés magnétiques et électriques du fullerène. A l’aide des fullerènes, les chercheurs fabriquent des matériaux extrêmement durs. A température ambiante et à haute pres- sion (supérieure à 150 000 atmosphères), la structure en cage du C 60 s’effondre et le nou- veau matériau devient plus dur que le dia- mant. L’optimisation de ce procédé conduit à des grains de diamant cristallin de 100 Å qui composent à 95 % le matériau. Le C 60 se polymérise sous l’action de la pres- sion (5 000 atm) et de la température (jusqu’à 1 500 °C). Dans ces phases polymé- risées, les atomes de carbone ne sont plus équivalents, alors qu’ils le sont dans la molé- cule d’origine. Des propriétés physiques ori- ginales apparaissent. Des semi-conducteurs de fullerènes sont également élaborés. Le dopage s’effectue par implantation ionique sur des films cristallins de C 60 . L’irradiation doit être contrôlée. L’état semi-conducteur ne s’obtient qu’avec des paramètres d’implan- tation faibles. La greffe de fonctions acide carbo- xylique sur le C 60 donne des méthano- fullerènes. Ces molécules sont dans un état intermédiaire entre l’état amorphe et l’état cristallin, avec des propriétés amphiphiles (amphiphile : à la fois hydrophobe et hydro- phile). Les molécules s’organisent, sponta- nément ou sous une contrainte extérieure, pour former des films minces de Langmuir. Les méthanofullerènes associés à des grou- pements mésogènes devraient conduire aux premiers cristaux liquides. Des applications avec les dérivés des méthanofullerènes sont envisagées en optique (photophysique, lumi- nescence, effets non-linéaires,…). Si ces études sont au stade de la recherche fondamentale, certaines pour- raient déboucher prochainement sur des applications industrielles. La molécule de C 60 est par exemple un bon additif, antifriction et anti-usure, pour les huiles de moteur.

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Page 1: Fonctionnalisation et modification du C60

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L E S F U L L E R È N E S 11

Fonctionnalisationet modificationdu C60

Les fullerènes constituent la troisiè-me forme allotropique du carbone, avec legraphite et le diamant. Leur structure ori-ginale est en forme de cage vide et fermée.Le plus connu est le C60, semblable à un bal-lon de football. La molécule est constituéede 20 faces hexagonales et 12 faces penta-gonales. Chaque carbone est situé à l’un des60 sommets du polyèdre. Cette structureest de haute symétrie.

Cette forme sphérique confère à lamolécule des propriétés spécifiques. En particulier, le C60 est un bon accepteur d’électrons. Les réactions d’oxydoréductionsont nombreuses. Cette grande réactivitéfacilite l’élaboration de matériaux nouveauxdont l’architecture est originale. L’incorpo-ration des C60 , soit au cœur, soit au nœuddes polymères “modèles”, permet de réaliser des structures en colliers de perles,en étoiles et en réseaux… Les polymèresacquièrent ainsi les propriétés magnétiqueset électriques du fullerène.

A l’aide des fullerènes, les chercheursfabriquent des matériaux extrêmement durs.A température ambiante et à haute pres-sion (supérieure à 150 000 atmosphères), lastructure en cage du C60 s’effondre et le nou-veau matériau devient plus dur que le dia-mant. L’optimisation de ce procédé conduità des grains de diamant cristallin de 100 Åqui composent à 95 % le matériau.

Le C60 se polymérise sous l’action de la pres-sion (5 000 atm) et de la température

(jusqu’à 1500 °C). Dans ces phases polymé-risées, les atomes de carbone ne sont pluséquivalents, alors qu’ils le sont dans la molé-cule d’origine. Des propriétés physiques ori-ginales apparaissent.

Des semi-conducteurs de fullerènessont également élaborés. Le dopage s’effectue par implantation ionique sur desfilms cristallins de C60. L’irradiation doit êtrecontrôlée. L’état semi-conducteur ne s’obtient qu’avec des paramètres d’implan-tation faibles.

La greffe de fonctions acide carbo-xylique sur le C60 donne des méthano-fullerènes. Ces molécules sont dans un étatintermédiaire entre l’état amorphe et l’étatcristallin, avec des propriétés amphiphiles(amphiphile : à la fois hydrophobe et hydro-phile). Les molécules s’organisent, sponta-nément ou sous une contrainte extérieure,pour former des films minces de Langmuir.Les méthanofullerènes associés à des grou-pements mésogènes devraient conduire auxpremiers cristaux liquides. Des applicationsavec les dérivés des méthanofullerènes sontenvisagées en optique (photophysique, lumi-nescence, effets non-linéaires,…).

Si ces études sont au stade de larecherche fondamentale, certaines pour-raient déboucher prochainement sur desapplications industrielles. La moléculede C60 est par exemple un bon additif,antifriction et anti-usure, pour les huilesde moteur.

Page 2: Fonctionnalisation et modification du C60

SC

1chapitre Avant même l’article de “Nature”(1) qui a valu le

prix Nobel de Chimie 1996 à ses auteurs, les propriétés

de symétrie de la molécule de C60 avaient attiré l’at-

tention de théoriciens(2) qui avaient publié des calculs

de structure électronique.

Cette symétrie particulière a joué un rôle dans la

découverte des fullerènes et est en liaison directe avec

ses propriétés. C’est déjà la symétrie qui avait guidé

H. Kroto et R. Smalley dans leur construction de la

molécule et les souvenirs que H. Kroto avait des dômes

de Buckminster Fuller sont à l’origine du nom de

“Buckminsterfullerene”, mais bien évidemment les

propriétés des fullerènes et même du C60 ne sont pas

toutes directement liées à cette symétrie.

André RASSATClaude FABRE†

Virginie GREUGNY-LE BOULAIRELucien MARX

Stéphane ROUXProcessus d’activation moléculaire

URA CNRS 1679Département de chimie

École normale supérieure24, rue Lhomond

75231 Paris Cedex 05Tél. : 01 44 32 33 27Fax : 01 44 32 38 63

E-mail : André[email protected]

Christian COULOMBEAULaboratoire d’études dynamiques

et structurales de la sélectivité (LEDSS)UMR CNRS 5616

Université Joseph-Fourier, BP 5338041 Grenoble Cedex 9

SYMÉTRIEET SPECTROSCOPIEDE VIBRATIONS

La symétrie impose à une molé-

cule en C60 de symétrie Ih d’avoir un

spectre d’absorption infrarouge (IR) très

simple, avec seulement 4 bandes d’ab-

sorption et un spectre Raman de 10

bandes (le nombre de bandes augmente

quand la symétrie diminue, un isomè-

re sans aucun élément de symétrie ayant

174 bandes en IR comme en Raman).

C’est effectivement le spectre

IR (et l’effet isotopique du 13C) qui, en

1990, a permis à W. Krätschmer, K. Fos-

tiropoulos et D. R. Huffman d’établir

la symétrie de l’agrégat carboné pré-

sent dans la suie obtenue dans leur

laboratoire en observant les 4 fré-

quences IR dans la région attendue (3).

En 1987 (4), en “aveugle” (puis-

qu’avant la détermination expérimen-

tale de fréquences IR), nous avons étudié

les vibrations du C60 à l’aide d’un poten-

tiel “géométrique” qui ne dépend que

de la géométrie de la molécule étudiée

et qui permet des temps de calcul négli-

geables (5). Ce travail était la première

publication de la liste complète de fré-

quences de vibration et donnait le bon

ordre de grandeur des fréquences IR

expérimentales. Compte tenu de la sim-

plicité du modèle et du calcul, nos résul-

tats se comparaient favorablement à

ceux obtenus à partir de modèles plus

perfectionnés et de calculs plus longs.

Il faut cependant signaler que,

si le potentiel “géométrique” choisi

trouve bien la symétrie des vibrations

propres, il n’est pas destiné à calculer

les valeurs exactes des fréquences de

vibration, mais seulement leur ordre

de grandeur. C’est le cas pour les fré-

quences Raman où l’accord avec les

valeurs expérimentales est moins bon.

Le tableau 1 donne la compa-

raison des valeurs expérimentales et

des résultats des calculs faits “en

aveugle”, les calculs de fréquence posté-

rieurs à la publication des valeurs expé-

rimentales s’étant révélés meilleurs…

12 L E S F U L L E R È N E S

Symétrie et fullerènes

CHAPITRE 1 FONCTIONNALISATION ET MODIFICATION DU C60

Page 3: Fonctionnalisation et modification du C60

LES HAUTES SYMÉTRIES DE L’ESPACE À 3 D

L’objet le “plus symétrique” de notre espace est la sphère. Les 5 polyè-

dres réguliers (figure a) en conservent certains éléments de symétrie et

les sept groupes de “haute symétrie” en dérivent. On a ainsi les groupes

Td , Oh et Ih des opérations de symétrie qui laissent invariants respecti-

vement le tétraèdre régulier, l’octaèdre régulier (ou le cube) et l’ico-

saèdre (ou le dodécaèdre) régulier, les quatre autres groupes T, Th, O

et I dérivant de ces groupes ; T, O et I sont les groupes des rotations du

tétraèdre, de l’octaèdre et de l’icosaèdre réguliers et Th est formé du

groupe T augmenté d’un centre de symétrie.

Les 13 polyèdres semi-réguliers, obtenus par troncature des polyèdres

réguliers, sont également des objets de haute symétrie. Le ballon de

football et la molécule de C60 ont la structure de l’un d’entre eux, l’ico-

saèdre tronqué (figure b), qui a la symétrie Ih de son “parent”, l’ico-

saèdre.

Notons que le cube et l’octaèdre régulier sont duaux l’un de l’autre,

tout comme le dodécaèdre et l’icosaèdre réguliers : les sommets de l’un

sont les faces de l’autre. Le tétraèdre régulier est son propre dual.

LES POLYÈDRES

Pour tout polyèdre (de l’espace à 3 dimensions), il existe la relation

d’Euler(1) entre le nombre de sommets S, d’arêtes A et de faces F :

S - A + F = 2.

Dans tout polyèdre, les faces peuvent avoir un nombre quelconque

d’arêtes. Si Fn est le nombre de faces à n arêtes (n≥3), ∑n

Fn=F. De même,

chaque sommet a une coordinence m et si Sm est le nombre de som-

mets de coordinence m, S=∑m

Sm.

Pour les polyèdres de coordinence 3, où chaque sommet partage une

arête avec strictement trois voisins, S ≡S3 et S = 2N, N entier. Comme

chaque arête relie 2 sommets et que chaque sommet est commun à

3 arêtes, 3 S = 2A, et alors F3 +F4 +F5 =12+F7 +F8 +…; le nombre F6 de

faces hexagonales n’intervenant pas alors dans cette relation (il se trou-

ve que F6 ≠1).

Nous définissons (2) les sphéroarènes comme des molécules formées de

2N carbones trigonaux avec une condition qui, dans la plupart des cas,

revient à leur imposer une structure de polyèdre à sommets tricoordi-

nés. On peut donc définir, d’après H. Kroto (3), les fullerènes comme

étant ceux des sphéroarènes qui ont seulement des faces pentagonales

et hexagonales et donc exactement 12 faces pentagonales. On a alors

pour un fullerène : S=S3 =2N, A=3N, F6 =N-10, F5 =12.

Un dual de sphéroarène n’a que des faces triangulaires F≡F3. Un dual

de fullerène n’a que des sommets de coordinence 5 et 6, S5 =12 et S6

étant quelconque (mais S6 ≠1). De nombreux virus et la plupart des

dômes géodésiques de Buckminster Fuller ont la structure d’un dual

de fullerène (4). C’est ainsi que le virus de la mosaïque jaune du navet

ou le dôme de l’Institut Arctique de l’Ile Baffin (60 F3 , 12 S5 et 20 S6)

ont la forme du dual du C60 (60 S6 , 12 F5 et 20 F6) (5,6).

Récemment, la relation d’Euler a été généralisée en termes de

théorie des groupes (7).

RÉFÉRENCES1. (a) L. Euler, ElementaDoctrinae Solidorum, 1752, Opera Omnia, ser. 1, vol. 26, XIV-XVI.(b) A.F. Wells, The ThirdDimension in Chemistry, 1963, Clarendon, Oxford(c) H.M.S. Coxeter,Introduction to Geometry,1963, Wiley, New York.(d) Voir aussi “Geometry Junkyard” surhttp://www.ics.uci.edu ~eppstein/junkyard/euler.2. (a) C. Fabre, A. Rassat,“Découpages géométriques dufootballène C60 en fragmentsen C15, C30 et C45. “Coupe du roi” de l’icosaèdretronqué. Préparation demolécules voisines en C30 et C45”. C.R. Acad. Sci. Paris, 308,série II, 1223-1228, 1989.(b) A. Rassat, “Symmetry inspheroalcanes, fullerenes,tubules and other column-likeaggregates”. In G. Tsoucaris etal. (eds.), Crystallography ofSupramolecular Compounds,181-201. Kluwer AcademicPublishers, 1996.3. H.W. Kroto,“The stability of the fullerenesCn , with n = 24, 28, 32, 36,50, 60 and 70”. Nature, 1987, 329, 529-531.4. Buckminster Fuller, Ideasand Integrities, Prentice-Hall,Englewood Cliffs, 1963.5. H.M.S. Coxeter, VirusMacromolecules and GeodesicDomes in “Essays presented toH.G. Forder : A Spectrum ofMathematics”. J.C. ButcherEd. Auckland U.P. 1971, p. 95-107.6. D.L.D. Caspar, A. Klug,Physical principles in theconstruction of regular viruses,Cold Spring Harbor Symp.Quant. Biol. 27, 1962, 1-24.7. (a) A. Ceulemans, P.W. Fowler, “Extension ofEuler’s Theorem to SymmetryProperties of Polyhedra”, Nature(London), 1991, 353, 52.(b) P.W. Fowler, A. Rassat, A. Ceulemans,“Symmetrygeneralisation of the Euler-Schläfli theorem for multi-shellpolyhedra”, J. Chem. Soc., Faraday Trans.,1996, 92 (24), 4877-4884.

Figure aLES SOLIDES PLATONICIENS

LE TÉTRAÈDRELe Feu

L’OCTAÈDREL’Air

L’ICOSAÈDREL’Eau

LE CUBELa Terre

LE DODÉCAÈDREL’Univers

Figure bL’icosaèdre tronqué

L E S F U L L E R È N E S 13Symétrie et fullerènes

Page 4: Fonctionnalisation et modification du C60

CHAPITRE 1 FONCTIONNALISATION ET MODIFICATION DU C6014 L E S F U L L E R È N E S

SYMÉTRIE ET STRUCTURE ÉLECTRONIQUEPour le C60 , la symétrie suggère une formule de simples et doubles

liaisons localisées qui se trouve être en accord avec les propriétés phy-

siques et chimiques : sur 90 arêtes, 60(12x5)sont communes à un pen-

tagone et à un hexagone (A56) et 30 séparent 2 hexagones (A66).

La formule limite la plus symétrique s’obtient donc en plaçant les 30

doubles liaisons sur ces arêtes A66 , ce qui suggère un caractère de

double liaison pour ces liaisons en accord avec les propriétés physiques

et chimiques.

Ceci est confirmé par tout calcul quantique. Par la méthode de Hüc-

kel, on trouve (1), à partir des indices de liaison π, les distances

d(A56) = 1,433 Å et d(A66) = 1,411 Å à comparer aux valeurs expéri-

mentales mesurées plus tard 1,44 et 1,40Å (2).

La symétrie Ih est aussi à la base de propriétés physiques et chimiques.

Si la molécule était sphérique, les 60 électrons π s’organiseraient en

fonction de leur moment cinétique pour remplir (comme dans un

atome idéalisé) les 5 couches s, p, d, f et g, la dernière couche h étant

incomplète avec 10 électrons pour 11 “cases”.

Dans la symétrie Ih, il y a séparation des couches f, g et h, de dégé-

nérescence (figure) supérieure à 5, avec la corrélation suivante entre

la symétrie de la sphère et celle de l’icosaèdre :

s →ag , p →t1u , d →hg , f →t2u ⊕ gu , g →gg ⊕ hg , h →hu ⊕ t1u ⊕ t2u .

Le calcul montre que les niveaux qui proviennent du niveau h se clas-

sent dans l’ordre hu , t1u et t2u ce qui donne au C60 une structure de

couche complète, avec 10 électrons dans le niveau hu.

Du fait de leur origine commune, on attend donc une faible sépara-

tion entre ces niveaux. Ceci est vérifié pour les niveaux hu et t1u , avec

deux conséquences :

1) une faible fréquence de transition hu → t1u d’où une absorption

dans le visible, en accord avec la couleur magenta des solutions de

C60 dans le toluène;

2) une addition facile d’électrons dans le niveau T1u conduisant (contraire-

ment au graphite et au diamant) à un caractère oxydant du C60 , et

à des propriétés de “piège à radicaux”.

RÉFÉRENCES1. C. Coulombeau, A. Rassat,“Calculs de propriétés électroniques et des fréquences normales de vibrationd’agrégats carbonés formant des polyèdres réguliers et semi-réguliers”,J. Chem. Phys. 84, 875-882, 1987.2. C.S. Yannoni, P. Bernier, D.S. Bethune, G. Meijer and J.R. Salem,“An NMR determination of the bond lengths in C60”, J. Am. Chem. Soc. 113, 3190-3192, 1991.

2,618 (k)

(j)

(i)

h

d

p

s

f

g

t2g

t1g

t1u

gu

gg

ag

gu

gg

hu

hu

hg

hg

hg

t2u

t2u

t1u

2,562

2,000

1,6181,4381,303

0,382

0,139

-0,618

-1,000

-1,562

-1,820

-2,303

-2,757

-3,000

LES FULLERÈNESISOMÈRES DU C60

Si l’attribution, par H. Kroto et

R. Smalley, de la structure de l’icosaèdre

tronqué à la molécule responsable du

pic de 720 daltons s’est révélée exacte,

d’autres isomères sont cependant pos-

sibles. Les seuls fullerènes sont au

nombre de 1812 (6).

En 1986, en collaboration avec

C. Coulombeau (4), nous avons étudié

systématiquement, au niveau de l’ap-

proximation de Hückel, les propriétés

électroniques de 71 fullerènes obtenus

par la transformation dite de “Stone

Calc.Exp. 1428 1183 577 527(a) 1406 1049 676 416

(b) 1868 1462 618 478

(c) 1434 1119 618 472

(d) 1655 1374 551 491

(e) 1628 1353 719 577

(f) 1437 1212 637 544

(g) 1753 1405 776 574

(h) 1710 1321 809 577

(h) 1625 1130 719 478

Potentiel géométrique : (a) — C. Coulombeau, A. Rassat. “Calculs de propriétés électroniques etdes fréquences normales de vibration d’agrégats carbonés formant des polyèdres réguliers et semi-réguliers”. J. Chimie Phys. 84, 875-882, 1987.Potentiels empiriques : (b) — D.E. Weeks and W.G. Harter. “Vibrational frequencies and normal modes of buckminsterfullerene”. Chem. Phys. Lett. 144, 366-372, 1988. (c) — S.J. Cyvin, E. Brendsdal, B.N. Cyvin and J. Brunvoll. “Molecular vibrations of footballe-ne”. Chem. Phys. Lett. 143 (4), 377-80, 1988. E. Brendsdal, B.N. Cyvin, J. Brunvoll and S.J. Cyvin.“Normal coordinate analysis of footballene (C60)”. Spectrosc. Lett. 21 (4), 313-318, 1988. Potentiels empiriques (adaptés de calculs quantiques) ou quantiques (semi-empiriques) : (d) — Z.C. Wu, D.A. Jelski and T.F. George. “Vibrational motions of Buckminsterfullerene”.Chem. Phys. Lett. 137, 291, 1987. (e) — R. E. Stanton, M. D. Newton. “Normal vibrationalmodes of Buckminsterfullerene”. J. Phys. Chem. 92, 2141-2145, 1988. (f) — F. Negri, G. Orlandi and G. Zerbetto. “Quantum chemical investigation of Franck-Condon and Jahn-Telleractivity in the electronic spectra of Buckminsterfullerene”. Chem. Phys. Lett. 144 (1), 31-7, 1988.(g) — Z. Slanina, J. M. Rudzinski, M. Togasi, and E. Osawa,“Quantum-mechanically suppor-ted vibrational analysis of giant molecules: the C60 and C70 clusters,” J. Mol. Struct. (Theochem.) 202,169-176, 1989.Quantiques (ab initio) : (h) — J. M. Schulman, R.L. Disch, M. A. Miller and Rosalie G. Peck.“Symmetrical clusters of carbon atoms : the C24 and C60 molecules”. Chem. Phys. Lett. 141, 45-48, 1987.

Tableau 1Fréquences (en cm-1) de vibration activesen IR expérimentales(Exp.) et calculées (Calc.)

Page 5: Fonctionnalisation et modification du C60

Symétrie et fullerènes L E S F U L L E R È N E S 15

Figure 3Quand la purification des fullerènes était un problème…

AA BB

CC

DD

EE FF

GG

HH

Figure 1Transformation de Stone-Wales : passage de la forme (A) vers la forme (B) (ou inver-sement) par modification de la position des liaisons communes aux quatre cycles : la liaison centrale tourne de 90°

Figure 2A partir d’une molécule en C5 , on peut préparer des molécules en C15 , C30 et C45dont les squelettes se retrouvent dans le C60 .

O

O

et Wales” (figure 1) : la molécule de

symétrie Ih est nettement plus stable

que les 70 autres isomères considérés,

en accord avec les suggestions de

Kroto (7a) et de T.G. Schmalz (7 b) sur la

déstabilisation apportée par la présence

de cycles pentagonaux contigus : on

peut regrouper les énergies électro-

niques π(en unité β) selon la formule :

Eπ= 93,2 - 0,12p - 0,17t où p désigne le

nombre de paires contiguës de cycles

pentagonaux et t le nombre de triplets

de cycles pentagonaux (c’est-à-dire où

un cycle pentagonal, au moins, a 2 voi-

sins pentagonaux).

SYMÉTRIE, DÉCOUPAGESET SYNTHÈSES

En considérant des découpages

géométriques de l’icosaèdre tronqué,

nous avons été amenés à préparer des

molécules en C15, C30 (“2x15”) et en C45

(“3 x 15”) où les cycles ont une disposi-

tion relative comme dans le C60(8) (fig.2).

La création des liaisons C-C man-

quantes n’a pas été réalisée. D’autres

versions (“3x20”) sont à l’étude.

PRÉPARATION ETPURIFICATION DU C60

Dès le mois de février 1991,

nous avons obtenu un échantillon

d’“extrait” de fullerène de W. Krät-

schmer par l’intermédiaire de K. Fosti-

ropoulos, alors à l’université de Paris VI

chez A. Léger où il essayait sur ses échan-

tillons d’identifier les bandes des fameux

hydrocarbures polyaromatiques (PAH).

Nous avons obtenu du C60 et du C70 à

l’état pur ainsi que quelques milli-

grammes du mélange des C84. Les échan-

tillons remis à W. Krätschmer (figure 3)

ont été les premiers d’une longue série

que nous avons préparée à partir de

“suie” de fullerènes obtenue à Mont-

pellier chez Patrick Bernier ou ensuite

à l’École normale supérieure, avec le

soutien du CNRS et du Ministère de l’en-

seignement supérieur et de la recherche,

et dans le cadre du Groupement de

recherche C60 , GDR n° 1019. En colla-

boration avec les spécialistes du domai-

ne, ces échantillons nous ont permis

d’obtenir des données précises sur les

propriétés physiques de ces molécules (9).

RÉACTIVITÉ DU C60

Nous ne détaillerons pas ici

toutes les molécules préparées selon

des voies maintenant classiques (10), mais

seulement une réaction peu utilisée :

Nous avons étudié en détail (11)

les produits complexes obtenus par

alcoylation, grâce en particulier à une

collaboration avec plusieurs groupes

de spectroscopie de masse (principale-

ment l’IN2P3 à Orsay, et ROUSSEL-UCLAF

à Romainville) et en comparant des

résultats obtenus par des techniques

d’analyse différentes : par réaction du

C60 avec un excès de lithium en

présence de chlorure de t-butyle, dans

le tétrahydrofuranne, on obtient

des adduits de formule générale

C60Hn(t-Bu)qOx(thf)y , (où t-Bu et thf repré-

sentent respectivement un radical t-butyl

et un radical tétrahydrofuryl) avec

n ≤ 8,q + y ≤ 18 et x = 0, 1 ou 2, où le

degré d’addition moyen <q> est de

l’ordre de 6 avec un maximum pour q=18.

Cette réaction est intéressante

pour l’étude des additions radicalaires,

la présence d’adduits du radical thf

caractérisant une intervention de radi-

caux, mais les nombreuses positions

(A) (B)

Page 6: Fonctionnalisation et modification du C60

CHAPITRE 1 FONCTIONNALISATION ET MODIFICATION DU C6016 L E S F U L L E R È N E S

réactives sur le C60 entraînent la for-

mation d’un mélange complexe, peu

utilisable dans un but préparatif. Cepen-

dant, les molécules formées dans le

mélange ont une forme originale : elles

sont relativement sphériques et avec

un diamètre qui peut atteindre 15 Å.

Nous avons ensuite utilisé cette

réaction d’alcoylation dans les condi-

tions de la réaction de Barbier et sous

irradiation ultrasonore pour fabriquer

en plusieurs étapes à partir de poudre

de fullerènes, d’un halogénure d’al-

coyle et de lithium, un mélange de

molécules de type “oursins” par la suite

de réactions suivantes :

C60+Li+R-Br → C60Rq→ C60(C5H10CO2H)q

où R = -(CH2)nCB, avec n = 5 ou 7, et B

est un groupe protecteur de la fonc-

tion carboxyle.

Après hydrolyse et déprotec-

tion, on obtient un mélange de poly-

acides. Le produit de cette suite de

réactions est encore un mélange com-

plexe : par titrage acide-base et RMN,

on trouve une moyenne de 12 chaînes

Figure 5Coefficient de frottement d’un pion en laiton glissant sur un disque en acier à vitesse variable

par molécule. Ces polyacides sont

solubles dans un domaine de pH qui

va de 7 (où l’on observe un trouble

très léger) à 14. Des analyses chro-

matographiques, même poussées, ne

peuvent séparer tous les constituants

du mélange. D’après l’étude précé-

dente, des atomes d’hydrogène et des

molécules de tétrahydrofuranne ont

aussi été fixés, mais les produits obte-

nus ne résistent pas aux conditions

utilisées pour les analyses par spec-

trographie de masse.

Ces polyacides sont solubles

sous forme d’anions et on peut penser

que les répulsions électrostatiques entre

les carboxylates écartent les chaînes,

formant ainsi des molécules en forme

“d’oursins” d’environ 30 Å de diamètre,

avec un extérieur hydrophile et un

intérieur hydrophobe (figure 4). Par

estérification de ces “oursins” avec des

alcools gras, on obtient des molécules

hydrophobes et de forme quasi sphé-

rique, par exemple, l’ester “6-6”,

C60(C5H10CO2C6H13)q .

CO2H

CO2H

CO2H

CO2H

CO2H

HO2C

HO2C

HO2C

C60

O

O

O

O

O

O

OO

O

O

O

O

O

O

O O

C60

Figure 4Polyacide C6 (a) et polyester C6-C6 (b)

Huile de base 100NS (a)

Huile GL3 (b)

Huile de base+BCV (c)

Huile de base+PSLZ (d)

Huile de base+ 5% MoS2 (e)

Huile GL5 (f)

Huile de base+2,5% C60-ester (C6-C6) (g)

Huile de base+5% C60 (h)

Les courbes représentent le coefficient de frottement en fonction de lavitesse de glissement pour différentes huiles : (a) l’huile de base100NS,(b) et (f) huiles commerciales, (c), (d), (e) huiles de base addi-tivées, g) huile de base additivée avec de l’ester C6-C6, h) huile de baseadditivée avec du C60 “micronisé”.Le C60 , en suspension dans l’huile de base, n’est pas un additif possé-dant des propriétés anti-friction et anti-usure mais, par contre, ledérivé du C60 renfermant des fonctions esters se révèle, dans cet essai,comparable aux meilleurs additifs.

(a)

(b)

Page 7: Fonctionnalisation et modification du C60

Symétrie et fullerènes L E S F U L L E R È N E S 17

1. H.W. Kroto, J.R. Heath,S.C. O’Brien, R.F. Curl and R.E. Smalley, “C60 : Buckminsterfullerene”,Nature, 318, 162-163, 1985.2. (a) E. Osawa,“Supersymmetry” Kagaku(Kyoto), 25, 854-863, 1970.(b) D.E.H. Hones, The Inventions of Daedalus,(W.H. Freeman, Oxford andSan Francisco, p. 118-119,1982).(c) R.A. Davidson, “SpectralAnalysis of Graphs by CyclicAutomorphism Subgroups”,Theor. Chim. Acta, 58, 193-195, 1981.(d) J. Castells and F. Serratosa, “Goal! An excercise in IUPACNomenclature”, J. Chem.Education 60, 941, 1983.(e) A.D.J. Haymet, “C120 and C60 Archimedeansolids contructed from sp2

hybridized carbon atoms”,Chem. Phys. Lett. 122, 421-424, 1985.(f) A.D.J. Haymet,“Footballene : a theroreticalprediction for the stable,truncated icosahedralmolecule C60”, J. Am. Chem.Soc. 108, 319-321, 1986.3. W. Krätschmer, K. Fostiropoulos and D.R. Huffman, “The infrared and ultravioletabsorption spectra oflaboratory-produced carbondust : evidence for the presenceof the C60 molecule”, Chem.Phys. Lett. 170, 167, 1990.4. C. Coulombeau, A. Rassat, “Calculs depropriétés électroniques et desfréquences normales devibration d’agrégats carbonésformant des polyèdres régulierset semi-réguliers”, J. Chem. Phys. 84, 875-882, 1987.5. Y. Brunel, C. Coulombeau,A. Rassat, “Un potentiel simplifié pourl’étude vibrationnelle desmolécules”, J. Chim. Physique,78, 119-125, 1981.6. D.E. Manopoulos, P.W. Fowler, “A SpiralAlgorithm for FullereneCount”, Chem. Phys. Lett.204, 1993.

7. (a) H.W. Kroto, “The stability of the fullerenesCn, with n = 24, 28, 32, 36,50, 60 and 70”, Nature,1987, 329, 529-531.(b) T.G. Schmalz, W.A. Seitz, D. Klein, G.E. Hite, “Elemental Carbon Cages”,J. Amer. Chem. Soc., 110,1113-1127, 1988.8. C. Fabre, A. Rassat,“Découpages géométriques dufootballène C60 en fragmentsen C15, C30 et C45. “Coupe duroi” de l’icosaèdre tronqué.Préparation de moléculesvoisines en C30 et C45”, C.R.Acad. Sci. Paris, 308, série II,1223-1228, 1989.9. Voir le rapport d’activitédu GDR C60, septembre 1995.10. (a) The Chemistry of theFullerenes, Advanced Series inFullerenes, Ed. R. Taylor,World Scientific, Singapore.(b) A. Hirsch. The Chemistryof the Fullerenes, GeorgThieme Verl. Stuttgart, 1994. (c) Fullerene Chemistry, B. Smith, II, Ed., TetrahedronSymposia in print number 60,Tetrahedron, 4925-5262,1996.11. S. Bourcier, P. ChaurandC. Ciot, S. Della-Negra, C. Fabre, V. Greugny, L. Marx, A. Rassat, A. Rousseau, “Alkylation of C60. Reactionbetween C60 anions and tert-butyl chloride and massspectrometry analysis”,International Journal of MassSpectroscopy and Ion Processes,156, 85-101, 1996.12. S.E. Campbell, G. Luengo, V.I. Srdanov, F. Wudl, J.N. Israelachvili,“Very low viscosity at the solid-liquid interface induced byadsorbed C60 monolayers”,Nature, 382, 520-522, 1996.13. Nous remercions cessociétés et M. Slomka pourleur collaboration etl’attribution d’une bourseCIFRE à S. Roux.

BIBLIOGRAPHIELE C60 COMME ADDITIFPOUR HUILE DE MOTEUR

Nous avons utilisé ces mélanges

dans une application très particulière.

L’analogie du C60 avec le graphite a fré-

quemment suggéré l’idée que le C60

pouvait avoir des propriétés de lubri-

fiant : il paraissait intéressant d’exa-

miner la possibilité d’utiliser dans les

huiles de moteur les propriétés de piège

à radicaux libres que possède le C60.

Dans le domaine de la tribolo-

gie, le comportement du C60 a été étu-

dié à sec, sous forme de films déposés

ou implantés de façon covalente, ou

en suspension dans de l’huile. Très

récemment, J.N. Israelachvili (12) a mis

en évidence un effet de réduction du

frottement hydrodynamique entre un

liquide (le toluène) saturé en C60 et une

surface de mica sur laquelle était dépo-

sé un film de C60.

En collaboration avec IGOL Île-

de-France, IGOL CANDRA(13) et le labo-

ratoire de tribologie de l’ISMCM-CESTI,

nous nous sommes intéressés à la tri-

bologie du C60 en tant qu’additif anti-

friction, anti-usure ou extrême-pression

dans des huiles de moteurs.

Une étude préliminaire sur

machine quatre-billes ayant écarté

les propriétés extrême-pression, nous

avons entrepris des essais de friction et

d’usure avec du C60 micronisé en

suspension dans de l’huile minérale et

avec des dérivés du C60 du type

C60(CnH2nCO2CmH2m+1)q. Nous rappor-

tons ici deux exemples de mesure de

performance d’huiles additivées et

d’huile de moteur. Deux échantillons

ont été préparés à partir d’une huile

100 NS : une huile A contenant 5% en

poids d’un mélange C60/C70(85/15) micro-

nisé et B, contenant 2,5% en poids d’un

dérivé ester de type C6-C6, ayant en

moyenne 12 chaînes greffées. Des

mesures de coefficient de frottement

montrent que le C60 n’améliore pas,

dans les conditions des essais, la quali-

té lubrifiante de l’huile. Il se comporte

plutôt comme un abrasif. Par contre,

l’addition de l’ester 6-6 améliore dans

cet essai les performances d’une huile

100 NS pour les rendre comparables à

celles d’une des meilleures huiles (figu-

re 5). A noter que les performances

de cet échantillon sont aussi supérieures

à celles où l’additif est un ester gras

(C5H11CO2C6H13, par exemple). Ce résul-

tat, pour intéressant qu’il soit, reste très

théorique, le prix de revient d’un tel

additif, même sous forme de mélange,

étant très supérieur à celui des additifs

de performances comparables.

Ce travail n’aurait pas pu avoirlieu sans la contribution fon-damentale de Claude Fabre :sa compétence en chimie expé-rimenta le comme dans lesdomaines théoriques, saconnaissance approfondie del’énorme bibliographie de cesujet ainsi que son autoritéamicale en faisaient le moteuressentiel de l’équipe. Sonabsence est cruellement res-sentie par ses proches colla-borateurs comme par lacommunauté du GDR C60 .

Page 8: Fonctionnalisation et modification du C60

SC

1chapitre C60 est non seulement bon accepteur d’électrons, mais

ses propriétés d’oxydo-réduction sont modifiées de manière

importante par les liaisons covalentes qu’il peut

former avec des groupes fonctionnels. Quelques exemples

en sont cités ci-après. On observe ainsi que la thermo-

dynamique du transfert d’électron est modifiée - l’éner-

gie nécessaire à l’addition d’un électron à C60 peut

être augmentée de presque 1 électron-volt - mais éga-

lement le mécanisme des réactions rédox et la stabili-

té chimique des espèces résultantes. Les effets observés

de telles fonctionnalisations sur C60 dépendent de la

nature et du nombre des groupes fonctionnels liés à

C60 , ainsi que de la topographie des liaisons créées sur

la sphère C60 .

Maurice GROSSURA CNRS 405

Université Louis PasteurFaculté de chimie

4, rue Blaise PascalBP 296

67008 Strasbourg CedexTél. : 03 88 41 60 57Fax : 03 88 61 15 53

Depuis la première synthèse du

fullerène C60 par H. Kroto, R. Curl et

R. Smalley en 1985 (1) - qui leur vaut le

prix Nobel de chimie en 1996 - et la dis-

ponibilité de C60 en plus grandes quan-

tités par amélioration des procédés de

production en 1990 (2), les fullerènes ont

fait l’objet de très nombreuses études,

qui ont éclairé cet univers inconnu

qu’est la chimie d’une molécule sphé-

rique, hautement insaturée et creuse,

ne contenant que du carbone. En par-

ticulier, la polyfonctionnalisation de C60

a ouvert la voie à l’élaboration de maté-

riaux nouveaux et d’architectures molé-

culaires originales à partir de cette

troisième forme du carbone.

Compte tenu de leurs poten-

tialités comme nouveaux matériaux, de

nombreux produits d’addition ont déjà

été synthétisés tels les sels de fullerènes (4),

les dérivés organométalliques (5)ainsi que

les dérivés du fullerène obtenus par addi-

tions covalentes. Ce dernier aspect de

la chimie de ces composés a fait l’objet

de mises au point récentes (6, 7). Plusieurs

centaines d’articles scientifiques ont déjà

été publiées sur le sujet, surtout sur C60

et ses dérivés, essentiellement en rela-

tion avec trois champs disciplinaires :

chimie, physique et sciences de la vie.

Des études électrochimiques des

fullerènes ont été engagées dès la dis-

ponibilité de ces nouveaux composés (2)

et poursuivies ensuite de manière très

fine (3). Il a tout d’abord été montré que,

en accord avec l’existence des trois orbi-

tales LUMO dégénérées (tlu dans C60)(8),

la molécule C60 peut accepter jusqu’à

six électrons par étapes distinctes et élec-

trochimiquement réversibles. De même

C60 peut être oxydé ; une seule étape a

été observée vers + 1,35 V/Fc (9). Seuls

les deux premiers états réduits ont une

bonne stabilité chimique. Celle-ci décroît

rapidement ensuite. Les études des déri-

vés mono-fonctionnalisés sont fort nom-

breuses. Au contraire, les études

électrochimiques de C60 poly-fonction-

nalisés sont rares. Elles ont été enga-

gées depuis quelques années (10-13) par

18 L E S F U L L E R È N E S

Propriétés rédoxde fullerènes C60

fonctionnalisés

CHAPITRE 1 FONCTIONNALISATION ET MODIFICATION DU C60

* ULP StrasbourgJ.P. GISSELBRECHT, DR CNRS et C. BOUDON, Maître de ConférencesETH Zurich : Pr. F. DIEDERICH, Dr. L. ISAACS, Dr. H.L. ANDERSON, Dr. R. FAUST, Dr. F. CARDULLO, Dr. J.F. NIERENGARTEN

Page 9: Fonctionnalisation et modification du C60

Propriétés rédox de fullerènes C60 fonctionnalisés

une collaboration bilatérale entre un

laboratoire associé au CNRS, le labora-

toire d’électrochimie et physicochimie

des complexes et systèmes interfaciaux

(URA 405, ULP*, Strasbourg) et le labo-

ratoire de chimie organique de l’E.T.H.*

à Zurich. Cette collaboration est la seule,

à ma connaissance, qui comporte la

recherche de corrélations entre d’une

part la nature chimique, la topographie

et le nombre de substituants des fulle-

rènes, et d’autre part leur réactivité. Les

publications correspondantes sont, à ce

jour, les seules à étudier les caractéris-

tiques physicochimiques, notamment

électrochimiques, de séries de fullerènes

portant plus de deux substituants.

Quelques uns des résultats obte-

nus peuvent par exemple être illustrés

à partir de méthanofullerènes (figures

1 et 2), dans lesquels l’addition d’un

nucléophile sur une double liaison com-

mune à deux cycles hexagonaux - posi-

tions [6,6] - conduit à la formation d’un

cyclopropane.

Dans une telle série, par exem-

ple, l’énergie dépensée pour introduire

le premier électron dans l’orbitale tri-

plement dégénérée t1u, orbitale molé-

culaire vide la plus stable (LUMO),

s’accroît, comme le montrent les valeurs

ci-après du potentiel de première réduc-

tion (cf. tableau), à mesure que diminuent,

L E S F U L L E R È N E S 19

Énergie des transferts d’électrons dans C60 et ses adduitsPotentiels de réduction et d’oxydation de fullerènes substitués (en Volts /Fc) (cf. figures 1 et 2)

obtenus en milieu CH2Cl2+ 0,1MBu4NPF6 par voltampérométrie cyclique sur

électrode de platine et de carbone vitreux.

Potentiels de réduction a) Potentiels d’oxydation a)

E1 E2 E3 E1

1 b) -0,98 (59) -1,37 (61) -1,83 (60)

2 b) -1,02 (70) -1,40 (70) -1,92 c) d)

3 b) -1,00 (71) e) -1,38 c)

4 -0,99 c) d) -1,43 (52) -1,56 (63)

5 -1,06 (70) -1,45 (70) -1,94 (80) +1,22 c)

6 -1,18 (75) -1,56 (75) -2,20 c) +1,04 (120)

7 -1,29 (78) -1,67 (84) -2,33 c) +0,90 (92)

8 -1,53 (90) -1,63 (70) +0,98 (170)

9 -1,66 c) -2,20 c) +0,95 (100)

10 -1,57 c) -2,27 c) +0,99 (75)

11 -1,87 c) +0,99 (81)

RR

Si(i-Pr)3

4. (i-Pr)3Si2. R=(i-Pr)3Si3. R=SiMe3–C≡C

1. C60 2.,3.,4.,5. C60 mono-adduit

5. 6. C60 bis-adduit 7. C60 tris-adduit : X=Y=Z=––8. C60 tetra-adduit : X=(EtO2C)2C, Y=Z=––

9.,10. C60 penta-adduit :X=Y=(EtO2CCH2O2C)2C, Z=––X=Z=(EtO2CCH2O2C)2C, Y=––

11. C60 hexa-adduit : X=Y=Z=(EtO2C)2C

Figure 1Quelques exemplesde molécules encours d’étude.

Figure 2

O

O O

O OO CO2Me

Z

O OO

O

XY

a) entre parenthèses : ∆Ep en mV à 0,1V.s-1

b) réduction sur électrodede platine

c) transfert d’électronirréversible

d) réversible pour v>1V.s-1

e) v=10V.s-1

Page 10: Fonctionnalisation et modification du C60

OO O O

O

O

O

OO

O

O

OO

O

OMe OMeOMe

OMe

OMe

OMe

OMe

OMeOMe

OMe

OMe

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OMe

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OMe OMe

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O

O

OO

O

OO

O

OOO

O

O

O

OO

O

OO

O

O

OO

OO

O

O

O

O

parallèlement, la conjugaison du motif

C60 et la stabilité de LUMO. Simulta-

nément, l’orbitale cinq fois dégénérée

HOMO (hu dans C60) est légèrement

déstabilisée. Comme l’illustre notam-

ment cet exemple, l’énergie nécessai-

re pour ajouter ou soustraire un premier

électron à la molécule neutre C60 (240

électrons de valence dont 60 électrons π)

peut être modifiée sur un intervalle de

valeurs assez large par le seul effet des

groupes fonctionnels, appropriés en

nombre et en nature, portés par C60.

L’hexa-adduit de C60, à symé-

trie pseudo-octaédrique, possède un

chromophore résiduel de type “cyclo-

phane cubique” (figure 3) dans lequel

la conjugaison πest distribuée formel-

lement sur huit cycles benzéniques.

La stabilité chimique des formes

réduites décroît de C60 jusqu’au dérivé

hexa-adduit. A ce jour, il n’est pas éta-

bli que cette instabilité soit due à une

réaction chimique consécutive au trans-

fert d’électrons, ou à un réarrangement

intramoléculaire de la forme réduite.

Il est, en tous cas, d’ores et déjà démon-

tré que, par exemple pour le dianion

d’un C60 bifonctionnalisé, les 8 régio-

isomères définis par la position du

second groupe fonctionnel par rapport

au premier sont loin de posséder des

stabilités identiques.

20 L E S F U L L E R È N E S CHAPITRE 1 FONCTIONNALISATION ET MODIFICATION DU C60

Figure 3Chromophore résiduelde C60 hexa-adduit

Figure 4Production de films conducteurspar électro réduction de C60mono-adduit.

Figure 5Exemple de fullerène dendritique

0,4 µA

-1,4 -0,4

Ia

E [V]

Ic

SiMe3

Me3Si

Page 11: Fonctionnalisation et modification du C60

Propriétés rédox de fullerènes C60 fonctionnalisés L E S F U L L E R È N E S 21

1. H.W. Kroto, J.R. Heath, S.C. O’Brien,R.F. Curl, R.E. Smalley, Nature 318,(1985), 162-163.2. R.E. Haufler, J. Conceicao, L.P.F. Chibante, Y. Chai, N.E. Byrne, S. Flanagan, M.M. Haley, S.C. O’Brien,C. Pan, Z. Xiao, W.E. Billups, M.A. Ciufolini, R.H. Hauge, J.L. Margrave, L.J. Wilson, R.F. Curl, R.E. Smalley,J. Phys. Chem., 94, (1990), 8634-8636.3. Proceedings, The Electro-chemical Society(Fullerènes Group) Premier volume (1994):“Recent advances in the chemistry andphysics of fullerènes and related materials”,Editors : K.M. KADISH, R.S. RUOFF.Volumes 2 et 3 également parus depuis.4. R.C. Haddon,Acc. Chem. Res., 25, (1992), 127-133.5. P.J. Fagan, J.C. Calabrese, B. Malone,Acc. Chem. Res., 25, (1992), 132-142. 6. F. Diederich, L. Isaacs, D. Philp,Chem. Soc. Rev., (1994), 243-255.

7. A. Hirsch, Synthesis, (1995), 895-913.8. R.C. Haddon, L.E. Brus, K. Raghavachari, Chem. Phys. Letters, 125(5,6), (1986), 459-464.9. Q. Xie, E. Perez-Cordero, L. Echegoyen,J. Am. Chem. Soc., 114, (1992), 3978-3980.10. F. Cardullo, L. Isaacs, F. Diederich,J.P. Gisselbrecht, C. Boudon, M. Gross,Chem. Commun., (1996), 797-799.11. C. Boudon, J.P. Gisselbrecht, M. Gross, L. Isaacs, H.L. Anderson, R. Faust, F. Diederich,Helv. Chim. Acta, 78, (1995), 1334-1344.12. H.L. Anderson, C. Boudon, F. Diederich, J.P. Gisselbrecht, M. Gross,P. Seiler, Angew. Chem. Int. Ed. Engl., 33(15/16), (1994), 1628-1632.13. F. Cardullo, P. Seiler, L. Isaacs,J.F. Nierengarten, R.F. Haldimann,F. Diederich, T. Mordasini-Denti, W. Thiel,C. Boudon J.P. Gisselbrecht, M. Gross,Helv. Chim. Acta, 80 (1997) 343-371

cis 1

e

cis 2

cis 3

trans 1

trans 2

trans 4 trans 3

EtO2C CO2Et

CO2Et

CO2Et

O

HO

OHO

OO

EtO2C CO2Et

CO2Et

CO2Et

OOO

O

O OO O

OO

OO

n

O

OO

O

O

OEtO

OEtTIPS

O

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OEtO

OEt

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O

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O

O

OEtO

OEt

O

OO

O

O

OEtO

OEt

O

OO

O

O

OEtO

OEt

TIPSCette réactivité accrue des

formes réduites de C60, lorsque la sphè-

re est fonctionnalisée, peut être utilisée :

ainsi, des films superficiels, extrêmement

stables et bons conducteurs électriques

ont été obtenus (figure 4) à la surface

d’électrodes par électropolymérisation

réductive de C60 monofonctionnalisé (12).

Également, l’hypothèse d’un contrôle

de réactivité chimique par arborescences

(figure 5) fait l’objet de mesures pour le

dianion de cis-2 fullerènes. La figure 6

représente quelques autres exemples

BIBLIOGRAPHIE

de molécules à base de fullerènes étu-

diées actuellement.

Il ne fait aujourd’hui guère de

doute que leurs spécificités de taille,

de symétrie et de réactivité condui-

ront les fullerènes à entrer dans des

assemblages moléculaires encore

inédits (figure 7), dont on peut sou-

haiter que l’originalité des caracté-

ristiques physiques et chimiques

reflète l’esthétique intrinsèque de

cette troisième forme du carbone si

récemment découverte.

Figure 6Régioisomères possibleset exemples de bis- et tris-adduits

Figure 7Dérivés inédits de C60

Page 12: Fonctionnalisation et modification du C60

SC

1chapitre Depuis que le C60 est devenu facilement accessible, cette

petite molécule sphérique plurifonctionnelle est l’objet

d’une chimie en pleine expansion. Parmi les nombreux

développements possibles, son incorporation en tant que

cœur ou nœud réellement ponctuel dans des édifices

polymères bien contrôlés semble intéressante, puisque

l’on peut espérer introduire par ce biais certaines des

propriétés des fullerènes dans ces structures “modèles”.

Claude MATHISYannick EDERLÉRichard NUFFER

Institut Charles SadronUPR CNRS 22

6, rue Boussingault67083 Strasbourg Cedex

Tél. : 03 88 41 40 92Fax : 03 88 41 40 99

E-mail : [email protected]

Le domaine des fullerènes est

né avec la synthèse, en 1985, d’une molé-

cule sphérique formée uniquement de

60 atomes de carbone : le C60. La décou-

verte en 1990 par W. Krätschmer et al. (1)

d’une méthode de préparation simple

et capable de fournir des quantités

appréciables de produit a permis le déve-

loppement des recherches sur le C60 et

les fullerènes supérieurs (C70,C76 etc).

Des améliorations successives apportées

à ce mode de synthèse et les progrès

réalisés au niveau de la séparation des

divers fullerènes ont facilité l’accès à ces

nouvelles molécules, et la plus commu-

ne d’entre elles, le C60 , est devenue

aujourd’hui un réactif presque “ordi-

naire”. Depuis le début, l’engouement

du monde scientifique pour les pro-

priétés physiques et chimiques de cette

molécule a été exceptionnel.

Le C60 est un excellent accep-

teur d’électrons et 6 états de réduction

distincts et réversibles, correspondant

au remplissage de la plus basse orbita-

le inoccupée trois fois dégénérée, ont

été observés en solution (tableau 1). Du

point de vue de sa réactivité chimique,

cette petite coquille fermée (diamètre

≈ 10 Å) constituée de 20 hexagones et

de 12 pentagones – ces derniers étant

isolés les uns des autres – ne se com-

porte pas comme une molécule aro-

matique, mais plutôt comme un

polyalcène. En effet, bien que tous les

22 L E S F U L L E R È N E S

Greffagede polymères

sur le C60

CHAPITRE 1 FONCTIONNALISATION ET MODIFICATION DU C60

Électroréduction du C60 Potentiel Redox Potentiel Redoxdes polymères “vivants” d’ions-radicaux

C601- -0.5 (a)

C602- -1.2 (a)

PMMA- C60

3- -1.8 (b) Polyvinylpyridine-PS-1,1 diphényléthylène-

C604- -2.3 (b)

Polystyrène-C60

5- -2.6 (a) Naphtalène-K+ -2.5

C606- -2.8 (c)

(a) D. Dubois et al. J. Phys. Chem. 96 (1992) 7137 (b) Y. Chabre et al. J. Am. Chem.Soc. 114 (1992) 764 (c) Q. Xie et al. J. Am. Chem. Soc. 114 (1992) 3978

Tableau 1Valeurs (V vs SCE) des divers états de réduc-tion du C60 et potentiels redox des polymères“vivants”. (Les valeurs reportées pour lestétra-, penta- et hexa-anions sont certaine-ment trop négatives)

Page 13: Fonctionnalisation et modification du C60

atomes de carbone soient équivalents,

la structure comporte 2 types de liai-

sons : celles appartenant à un penta-

gone sont plus longues que les

30 liaisons inter-pentagones à caractè-

re de double liaison. L’addition sur ces

dernières a permis le développement

de toute une chimie de synthèse de

dérivés du C60(2-4). Si la cycloaddition a

été la plus employée, l’addition de radi-

caux, d’azides, d’amines, de nucléo-

philes chargés, etc. fait l’objet de

nombreuses publications.

L’ouverture de doubles liaisons

du fullerène par des carbanions est par-

ticulièrement bien adaptée pour incor-

porer des C60 en tant que cœurs ou

nœuds dans des structures polymères

“modèles” telles que colliers de perles,

étoiles, réseaux, etc. Pour la synthèse

et la caractérisation de telles structures,

il est nécessaire non seulement de

contrôler le nombre de chaînes gref-

fées sur le fullerène, mais aussi de pou-

voir ajuster la masse moléculaire des

chaînes polymères tout en maintenant

leur polymolécularité faible. Or, de

toutes les méthodes de préparation,

c’est la polymérisation anionique qui

remplit au mieux ces dernières condi-

tions et, de plus, elle conduit à des poly-

mères “vivants” dont le carbanion

terminal est susceptible de s’addition-

ner directement sur un fullerène. Afin

d’optimiser le contrôle du nombre de

chaînes greffées, une étude détaillée

de la réaction entre les composés carb-

anioniques et le C60 était cependant

nécessaire, et ceci en milieux apolaires

et polaires. En effet, si des polymères

anioniques monofonctionnels peuvent

être obtenus en milieu apolaire où le

C60 est soluble, les chaînes α -ω bicar-

banioniques requises pour la prépara-

tion de certaines des structures

proposées ne sont convenablement

obtenues qu’en milieu polaire où le ful-

lerène est insoluble. Le travail présen-

té ici ne concerne que la synthèse

d’étoiles bien définies, premier pas vers

la préparation de structures plus com-

plexes. Le but n’est pas seulement de

développer une nouvelle voie de syn-

thèse de structures polymères modèles

où les nœuds ou les cœurs C60 sont réel-

lement ponctuels, mais aussi de garder

à ces derniers les propriétés électro-

niques ou magnétiques du fullerène,

même si celles-ci diminuent lorsque le

nombre de doubles liaisons consom-

mées augmente.

RÉACTIONS EN MILIEUAPOLAIRE

Les premiers essais d’addition

de polymères “vivants” sur le C60 ont

été effectués dans le toluène, solvant

du fullerène où le polystyryllithium (PS-

Li) est facilement obtenu. Les résultats

reportés dans la littérature (5), ainsi que

nos propres travaux préliminaires, ont

montré la formation d’un mélange de

produits ayant plusieurs fois la masse

moléculaire du PS parent, donc de molé-

cules en étoile. L’utilisation d’excès

importants de PS-Li par C60 montre que

la masse de la fraction de plus fort poids

moléculaire atteint une limite, indi-

quant que seul un certain nombre de

doubles liaisons peut additionner un

carbanion. Cependant, l’obtention de

mélanges d’étoiles de fonctionnalités

différentes constitue une sévère limi-

tation pour la synthèse de produits que

l’on voudrait modèles.

Afin de vérifier si le mécanis-

me de réaction lui-même implique la

production de mélanges ou si ces der-

niers résultent de difficultés expéri-

mentales, nous avons travaillé sous haut

vide (technique des “joints fragiles”).

Une attention particulière a également

été portée à la purification des réac-

tifs, en particulier du C60. Un exemple

de produits obtenus dans ces conditions

de très grande pureté est donné dans

la figure 1. L’analyse par chromato-

graphie d’exclusion stérique (CES)

montre que seules des étoiles de forte

masse sont formées et la forme du pic

correspondant (Mw/Mnapparent = 1.18)

indique que la dispersion en fonction-

nalité est faible. Lorsque le rapport PS-

Li/C60 passe de 6 à 8, la masse molaire

de l’étoile reste strictement constante

et seule la proportion de chaînes non

greffées augmente, ce qui prouve l’exis-

tence d’un maximum pour le nombre

de greffons. De plus, les proportions

entre étoiles et PS non greffé détermi-

nées expérimentalement sont en très

bon accord avec les valeurs calculées

dans l’hypothèse de la formation d’une

étoile pure à 6 branches. Le fait que

seules 6 doubles liaisons du C60 peu-

vent être ouvertes par un carbanion

polystyryle est confirmé directement

par la détermination par diffusion

de la lumière (DDL) – seule capable de

fournir la masse molaire réelle d’une

L E S F U L L E R È N E S 23Greffage de polymères sur le C60

Figure 1Analyse par CES des produits formés lorsde l’addition de 6.5 (courbe 1), 7.4 (courbe 2)et 8.0 (courbe 3) PS-Li par C60.La courbe 4 correspond au PS de départ(Mw= 1500, Mn= 1400, I=1.07).

Figure 2Mise en évidencedirecte par couplageCES-DDL dela formationd’étoiles à 6branches lorsquel’on fait réagir8 PSLi(Mw=34000,Mn=32500,I=1.04) par C60 .La masse détermi-née par DDL(MwDDL =191000)est 6 fois celle duPS parent.

Un

ités

arb

itra

ires

Volume d’élution (ml)

Un

ités

arb

itra

ires

Volume d’élution (ml)

4

3

2

1

PS parent Réfracto.

PS parent UV320

Produit Réfracto.

Produit UV320

Mw=6500Mw=1500

Mw=34000

Mw=141500

20 24 28 32

28 32 36

Page 14: Fonctionnalisation et modification du C60

étoile – de la masse des produits pré-

parés dans les mêmes conditions avec

des PS-Li plus longs (figure 2). De plus,

l’analyse par CES en utilisant un détec-

teur UV à 320 nm, où seuls le C60 et ses

dérivés absorbent, montre que le ful-

lerène n’est présent que dans les molé-

cules en étoile. Nous disposons donc

d’une méthode simple et efficace pour

la synthèse de molécules en étoile

constituées d’un cœur C60 portant

6 chaînes, et suffisamment pures pour

ne pas nécessiter de fractionnement

ultérieur (6). Cette méthode peut être

utilisée avec des chaînes de masse éle-

vée et peut être étendue à d’autres

polymères : des étoiles à 6 branches

polyisoprène ont ainsi été préparées.

Par un contrôle stoechiomé-

trique (7), il est possible d’obtenir, dans

les mêmes conditions, des étoiles dont

le nombre de branches est respective-

ment 3, 4, ou 5 et ne contenant que

très peu de molécules ayant une autre

fonctionnalité. Par contre, il n’est pas

possible de préparer par cette voie des

dérivés mono- ou bifonctionnels purs ;

des mélanges de produits portant de

1 à 3 chaînes sont toujours obtenus. Il

semble que l’écart de réactivité (bais-

se de l’électrophilie) entre les doubles

liaisons du C60 ne devienne suffisam-

ment marqué pour pouvoir contrôler

l’addition qu’après consommation de

trois d’entre elles.

Devant les difficultés expéri-

mentales pour ajuster, sous vide, la

stoechiométrie avec toute la précision

requise, nous avons cherché à contrô-

ler le nombre maximum de greffons

en réduisant la réactivité du carba-

nion terminal de la chaîne polymère.

(schéma 1). Le nombre maximum de

chaînes fixées aux fullerènes est fonc-

tion de la réactivité du carbanion porté

par le polymère (4, 3, 0, et 0 respecti-

vement pour le PS-K, le PV2P-K, le

PSDPE-K et le POE-K). Le contrôle, par

la stoechiométrie, de fonctionnalités

inférieures s’avère possible dans ce cas,

même pour les monogreffés. Le cas du

PSDPE-K est, là aussi, particulier et tra-

duit probablement l’effet stérique des

2 phényles terminaux. En effet, aucu-

ne addition n’est observée avec ce pro-

duit, alors que dans le cas du PV2P-K,

dont le carbanion a une réactivité voi-

sine (tableau 1) mais un encombrement

stérique proche de celui du carbanion

styryle, il y a fixation de 3 chaînes.

L’existence de ce transfert élec-

tronique constitue une limitation impor-

tante à une extension éventuelle vers

la synthèse de réseaux. En effet, pour

la préparation de telles structures, il est

nécessaire de conserver intact le carac-

tère α -ω bicarbanionique des chaînes.

Or cela n’est pas le cas si une partie des

carbanions participe à un transfert élec-

tronique. Il était donc indispensable de

vérifier s’il est possible, en milieu polai-

re, de séparer le transfert de l’addition.

Nous avons démontré que cela est par-

faitement réalisé si l’on fait réagir le

polymère “vivant” non plus sur le C60

neutre mais sur son dianion C602 - (K+)2 .

Ce dernier, soluble dans le THF, est faci-

lement préparé par transfert électro-

nique à partir d’un ion-radical comme

celui dérivé du naphtalène. Cela devrait

permettre dans l’avenir de préparer des

réseaux dont chaque nœud fullerène

a une fonctionnalité de 4 tout en por-

tant 6 charges négatives.

Ceci peut être réalisé en augmentant

la délocalisation de la charge du car-

banion par addition d’un monomère

plus électrophile au PS-Li, par exemple

le 1,1 diphényléthylène (DPE). Dans

ce cas, et quel que soit l’excès de

PSDPE-Li, il n’y a que 3 chaînes qui

se fixent sur le C60. De plus, la présence

de deux phényles sur l’atome de

carbone fixé au fullerène introduit un

effet stérique supplémentaire qui se

traduit par des difficultés à addition-

ner des chaînes longues.

RÉACTIONSEN MILIEU POLAIRE

L’étude de la réaction entre un

polymère “vivant” et le C60 dans le THF,

malgré l’insolubilité du fullerène dans

ce solvant, est motivée par notre objec-

tif d’étendre ces travaux aux chaînes

α -ωbicarbanioniques. Dans ce solvant

polaire, la réaction ne se limite plus à

une simple addition de la chaîne “vivan-

te” sur une double liaison du fullerène;

un transfert d’électrons du carbanion

au C60 est également observé (7,8). Celui-

ci est facilement mis en évidence et suivi

quantitativement grâce aux absorp-

tions caractéristiques dans le proche

infrarouge des C60 réduits formés. Le

transfert conduit à des radicaux dont

l’existence est démontrée par l’analy-

se des produits de la réaction par SEC.

Des chaînes polymères portant des

carbanions de réactivité variée (poly-

styryl-K, polyvinyl-2-pyridyl-K, PSDPE-

K) ou des oxanions (polyoxyéthylène-K)

ont été utilisées. Dans tous les cas, le

transfert de 2 électrons au C60 est obser-

vé avant toute addition de chaîne car-

banionique sur le fullerène réduit

24 L E S F U L L E R È N E S CHAPITRE 1 FONCTIONNALISATION ET MODIFICATION DU C60

Schéma 1Mécanisme proposépour la réactionentre un polymèreanionique et le C60en milieu polaire.

2PS - K+ +C60THF

25°C 2PS • + C60

2- (K+)2THF

25°C PS - PS + C60

2- (K+)2

4PS - K+ +C602- (K+)2

THF

25°C(PS)4 C60

6- (K+)6

Page 15: Fonctionnalisation et modification du C60

Greffage de polymères sur le C60

RÉACTIVITÉ DES C60

“VIVANTS”Quel que soit le milieu, chaque

greffage d’une chaîne de polymère

“vivant” crée un carbanion sur le ful-

lerène. Il était intéressant de connaître

la réactivité de ces sites carbanioniques

en vue de leur utilisation pour des réac-

tions ultérieures. De même que le carac-

tère électrophile du C60 diminue lorsque

le nombre de greffons augmente, on

peut s’attendre à ce que la nucléophi-

lie d’un carbanion porté par le fulle-

rène augmente avec le nombre de

charges négatives présentes. Pour véri-

fier cela, nous avons essayé d’amorcer

la polymérisation anionique de deux

monomères de réactivité différente, le

styrène et le méthacrylate de méthyle

(MMA), avec des étoiles de C60

“vivantes” de fonctionnalité croissan-

te (schéma 2) (9). Seule une étoile dont

le cœur C60 porte 6 carbanions est

capable d’amorcer le styrène, et une

seule chaîne de polystyrène croît à par-

tir du cœur fullerène. Avec cette même

étoile “vivante”, la croissance de deux

chaînes de polyméthacrylate de méthy-

le est observée; il suffit donc que 5 car-

banions soient présents sur le C60 pour

que l’amorçage de ce monomère plus

électrophile soit possible. On peut

remarquer qu’il s’agit de la première

synthèse d’une hétéroétoile à cœur C60

portant 6 chaînes PS et 2 chaînes

PMMA. Cette première mesure de la

réactivité des carbanions portés par un

fullerène greffé confirme bien l’évo-

lution que l’on pouvait prévoir.

Il est intéressant de noter ici

que le potentiel redox des sels alca-

lins du C60 fortement réduit (tableau 1)

est suffisant pour amorcer la poly-

mérisation de monomères vinyliques.

Il est cependant prévisible que ces

sels se comporteront comme des ion-

radicaux, c’est-à-dire que l’amorça-

ge se fera par transfert électronique

au monomère, donc sans addition

du fullerène au polymère formé.

Nous avons vérifié cela dans le cas du

MMA. Les étoiles “vivantes” de C60

constituent donc le seul cas où l’amor-

çage d’une polymérisation anionique

par addition du monomère au fulle-

rène est possible.

ADDITION DE CHAÎNES PA AU C60

Grâce à l’utilisation d’un pré-

curseur du polyacétylène polymérisable

par voie anionique, le polyphényl-

vinylsulfoxyde (PPVS), il nous a été

possible d’additionner des chaînes

conjuguées sur le C60(10). En fait, pour

s’affranchir des problèmes liés à l’in-

solubilité d’une telle molécule (le PA

est insoluble et le C60 faiblement

soluble), nous avons greffé sur le C60

un copolymère à blocs PS-PPVS

“vivant”. Après conversion du bloc

PPVS en PA par simple chauffage

autour de 80°C sous vide dynamique,

une étoile à trois branches où le PA

est directement lié au cœur C60 a été

obtenue. Néanmoins, les propriétés

électroniques de cette molécule sont

entièrement déterminées par le PA,

aucune influence du cœur fullerène

n’a pu être détectée.

CONCLUSIONLe greffage de chaînes anio-

niques sur le C60 constitue une métho-

de de choix pour la construction

d’édifices macromoléculaires bien défi-

nis où le fullerène sera incorporé régu-

lièrement et d’une manière homogène.

En effet, cette méthode associe au bon

contrôle de la chaîne polymère offer-

te par la polymérisation anionique une

maîtrise raisonnable du nombre de

greffons fixés sur la molécule pluri-

fonctionnelle et quasi ponctuelle que

constitue le C60. La bonne connais-

sance des mécanismes réactionnels

ainsi que celle de la réactivité des sites

carbanioniques créés sur le fullerène

ouvre la voie à la synthèse d’une gran-

de variété de structures auxquelles la

présence de C60 conférera des pro-

priétés nouvelles.

L E S F U L L E R È N E S 25

BIBLIOGRAPHIE

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10. Y. Ederlé, D. Reibel, C. Mathis,Synth. Met., 77 (1996) 139

PS - Li + +

Li + C-Li +

Monomère

Schéma 2Greffage de polystyryllithium sur le C60 etamorçage de la polymérisation anioniqued’un monomère vinylique par les carbanionsainsi créés sur le fullerène. Une seule chaîneest représentée ici, mais il faut en greffer auminimum 5 pour que l’amorçage soit possible.

Page 16: Fonctionnalisation et modification du C60

CHAPITRE 1 FONCTIONNALISATION ET MODIFICATION DU C60

SP

M

1chapitre

26 L E S F U L L E R È N E S

La polymérisation à l’état

solide peut être induite par la lumiè-

re (phototransformation), la tempé-

rature, ou par l’application de hautes

pressions couplées ou non à des varia-

tions de température. Ces types de pro-

cessus peuvent conduire aux mêmes

produits polymérisés et sont des agents

de polymérisation particulièrement

efficaces dans le cas du C60.

La réactivité chimique dans les

solides moléculaires est contrôlée

principalement par la conformation

moléculaire et par l’empilement des

molécules dans la structure cristalline.

Dans le cas particulier des composés

organiques comme le C60, il peut exis-

ter, dans chaque molécule, des liaisons

C — C non-saturées qui vont devenir

les sites réactifs. En effet, sous l’action

des agents de polymérisation que nous

avons décrits, ces liaisons insaturées

vont réagir pour donner lieu soit à des

dimères, soit à des polymères. De fait,

Comme les autres molécules organiques non-saturées,

le C60 se polymérise sous l’action combinée de la pres-

sion qui, en rapprochant les molécules, permet une réac-

tion de cycloaddition, et de la température, qui génére

une polymérisation ordonnée à longue distance.

Nous obtenons ainsi de nouvelles formes de carbones,

basées sur le C60 , ayant des propriétés originales.

Jean-Louis HODEAULeonel MARQUES

Laboratoire de cristallographieUPR CNRS 5031

166X - 38042 GrenobleTél. : 04 76 88 11 42Fax : 04 76 88 10 38

E-mail : [email protected]

Manuel NÚÑEZ-REGUEIROEPM-Matformag & C.R.T.B.T.

166X - 38042 Grenoble

Les phasespolymères du C60

dans le C60 , les molécules peuvent,

par des mouvements de rotation

coopératifs, se mettre en position

correcte pour se lier à chaque molé-

cule voisine sans déplacement de leur

centre de masse.

PHOTOPOLYMÉRISATIONLes premières polymérisations

directes des molécules de C60 ont été

mises en évidence par des chercheurs

de l’université de Kentucky, aux USA,

dans des mesures de spectres Raman

sur des films de C60 dépourvus d’oxy-

gène. Au moment de la prise du

spectre, un nouveau pic, situé à

1458 cm-1, croît sous l’effet du rayon

laser d’excitation. Ce pic est dû à un

nouveau mode de vibration permis par

une polymérisation 2+2 des molécules

de C60 (figure 1a). Ce type de réaction

de polymérisation est bien connu.

L’exemple le plus simple en est la dimé-

risation de l’éthylène où l’absorption

d’un photon brise les doubles liaisons

et forme un carré planaire de liaisons

σ : le cyclobutane. Le matériau fulle-

rène photopolymérisé obtenu est, à la

différence du C60 monomère, inso-

luble dans du toluène.

ÉCHEC DELA POLYMÉRISATIONSOUS LE SEUL EFFETDE LA PRESSION

Dans le C60 pur, l’empilement

cubique face centrée est maintenu en

place par de faibles forces de Van der

Waals, et la distance la plus courte

entre les atomes de carbone des molé-

cules voisines est de l’ordre de celle

que nous trouvons entre des plans gra-

phitiques, ~ 3Å. Ceci en fait un solide

extrêmement compressible dont le

volume et la distance intermoléculai-

re diminuent rapidement sous l’effet

de la pression. Aussi, sous pression,

une polymérisation des molécules de

C60 devrait avoir lieu. Malheureuse-

ment, à température ambiante, cette

polymérisation est partielle et conduit

Page 17: Fonctionnalisation et modification du C60

Les phases polymères du C60

a

b

c

d

e

f

L E S F U L L E R È N E S 27

Figure 1a, b, c, d ,e, f Les phasespolymères du C60

10 15 20 25 302 théta

inte

nsi

té (

un

ités

arb

.)

d’

d”

c’

c”

b’

b”

*

à des produits amorphes, alors que

des pressions élevées peuvent condui-

re à l’écrasement des boules et à la

formation de diamant qui, quoi-

qu’intéressante en elle-même, n’est

pas la nouvelle phase polymérisée

recherchée.

LA TEMPÉRATURE PERMET UNEPOLYMÉRISATION DIRIGÉE

La raison de ce comportement

vient du fait que le rapprochement des

molécules de C60 facilite certes la for-

mation de liaisons 2+2, mais qu’en

même temps il empêche une rotation

libre des molécules. Ceci a lieu même

à des pressions très basses (~5000 atmo-

sphères) inférieures aux pressions

nécessaires pour la polymérisation. Fort

heureusement, nous pouvons mainte-

nir les oscillations des molécules en

leur fournissant de l’énergie par une

augmentation de la température.

Ce type d’expérience, hautes tempé-

ratures (jusqu’à 1200°C) et hautes pres-

sions (jusqu’à 80 000 atmosphères),

est possible sur des échantillons d’une

cinquantaine de milligrammes dans les

presses de type “belt” du laboratoire

de cristallographie. Nous avons donc

pu réaliser une étude systématique des

transformations du C60 dans cette

gamme de pressions et températures.

Les échantillons traités au-des-

sus de ~ 800°C se transforment com-

plètement, pour toutes les pressions,

en phase graphitique ; la structure

moléculaire du C60 est donc perdue.

Cependant, en-dessous de cette tem-

pérature, nous avons obtenu une mul-

tiplicité de nouvelles phases et de

mélanges de phases. Les échantillons

obtenus sont insolubles dans le toluè-

ne, comme le sont les phases photo-

polymérisées. Leur analyse aux rayons

X a montré que la structure en cage

du C60 est intacte mais que, plus impor-

tant, les distances inter-molécules sont

plus courtes.

Page 18: Fonctionnalisation et modification du C60

PHASES POLYMÈRES1D ET 2D

Il n’a pas été aussi simple d’iden-

tifier les indexations des raies de dif-

fraction X correspondant à chaque

phase, car, à cette étape de l’étude,

nous avons eu souvent affaire à des

mélanges de phases présentant des

réflexions très larges. Cependant, une

analyse des structures polymérisées com-

patibles avec la symétrie cubique face

centrée originale, et avec la disposition

face à face de doubles liaisons néces-

saires à des cycloadditions 2+2 entre

molécules C60, a permis de résoudre ce

casse-tête (1). Les structures obtenues

sont : a) une phase 1D de symétrie

orthorhombique formée de chaînes

linéaires de molécules polymérisées

(figure 1b) ; b) une phase 2D pseudo-

tétragonale formée de plans quadra-

tiques où chaque molécule est

connectée par des cycloadditions 2+2

aux quatre molécules premières voi-

sines dans le plan (100) cfc original

(figure 1c); et c) une phase 2D rhombo-

hédrique où chaque molécule établit

des liaisons avec ses six premières voi-

sines dans les plans de haute densité

(111) de la structure cfc de départ (figu-

re 1d). Une description des spectres de

rayons-X par ces trois structures nous

a permis d’interpréter tous les échan-

tillons que nous avons obtenus dans la

gamme Pression/Température étudiée.

Par la suite, nous avons établi

une collaboration avec le groupe théo-

rique de l’université Rice à Houston -

USA, où les fullerènes ont été décou-

verts. C.H. Xu et G. Scuseria ont claire-

ment montré l’existence des phases que

nous avions proposées. Ils nous ont four-

ni des positions atomiques individuelles

compatibles avec leurs calculs et nos

contraintes de symétrie. Ceci a permis

miné le diagramme pression-tempé-

rature du C60 dans la gamme permise

par nos installations (figure 2). Il est

intéressant de remarquer que c’est la

température qui permet les oscillations

des molécules et donc la possiblité

d’établir des réseaux ordonnés de C60

polymérisé. Elle joue donc un rôle pré-

pondérant dans la formation des

phases polymérisées, la pression étant

responsable du rapprochement des

molécules (3).

VERS DES PHASES 3D“ZÉOLITES DE CARBONE” ?

Ces phases sont-elles les seules

phases C60 polymérisées possibles? Cer-

tainement pas ! Si nous permettons

d’autres types de réactions d’addition,

telles que 2+4 ou encore des cycload-

ditions multiples sur le même hexago-

ne, nous pouvons obtenir un grand

nombre de phases possibles. Par

exemple, nous montrons sur la figure

1e (et figure1f) deux phases 3D déri-

vant de nos phases 2D pseudo-tétra-

gonales (et rhombohédriques) par le

rapprochement des plans quadratiques

(et hexagonaux). Des expériences

récentes semblent indiquer que de

telles phases ne pourraient être obte-

nues qu’à des pressions supérieures à

100 000 atmosphères. Il serait extrê-

mement intéressant de les synthétiser,

car des calculs théoriques prédisent

pour ces phases, “zéolites de carbone”,

des propriétés de dureté analogues à

celles du diamant.

une optimisation de la simulation de

nos spectres de diffraction X. Nos échan-

tillons ont aussi été analysés par A. Rao

et P. Eklund, de l’université de Kentucky,

au moyen du spectromètre Raman,

extrêmement sensible, qui avait détec-

té la photopolymérisation du C60 . De

nouvelles raies Raman signalant la poly-

mérisation des molécules de C60 ont ainsi

été mises en évidence.

Toutefois, il manquait toujours

ce qui, pour les chimistes, est la preu-

ve définitive : la mesure de raies de

Résonance Magnétique Nucléaire

(RMN). En effet, dans une molécule

libre de C60 (et c’est le cas dans la phase

solide cubique face centrée), tous les

atomes de carbone sont équivalents :

il ne doit donc y avoir qu’une seule

raie RMN pour un atome de C13.

La polymérisation, en déformant la

molécule, génère plusieurs atomes non

équivalents. Dans le cas de la phase

rhombohédrique (figure 1d) il y a

six types d’atome : un type correspond

aux 12 atomes qui établissent les

liaisons inter-moléculaires et qui ont

un caractères sp3 ; les cinq autres

correspondent aux atomes ayant un

caractère sp2. Les mesures effectuées

par C. Goze et F. Rachdi du Groupe de

dynamique des phases condensées de

l’université de Montpellier, au moyen

de la RMN avec rotation à l’angle

magique (2), ont donné ces mêmes rap-

ports d’atomes non équivalents sur les

échantillons rhombohédriques que

nous avions synthétisés avec du C60

enrichi en C13. Ces résultats ont per-

mis de confirmer sans ambiguïté la

polymérisation sous pression du C60.

La polymérisation pouvant être

1D (phase orthorhombique) ou

2D (phases pseudo-tétragonale et

rhombohédrique), nous avons déter-

28 L E S F U L L E R È N E S CHAPITRE 1 FONCTIONNALISATION ET MODIFICATION DU C60

BIBLIOGRAPHIE1. M. Núñez-Regueiro, L. Marques, J-L. Hodeau, O. Béthoux andM.Perroux,Phys. Rev. Lett. 74, 278(1995)2. C. Goze, F. Rachdi, L. Hajji, M. Núñez-Regueiro, L. Marques, J-L. Hodeau and M. Mehring, Phys. Rev. B54, R3676 (1996)3. L. Marques, J-L. Hodeau, M. Núñez-Regueiro et M. Perroux,Phys. Rev. B54, R12633 (1996)

pre

ssio

n (

Kb

ar)

température (°C)

C60

Graphite

Rhomb.

Tetra

Ortho.

80

70

60

50

40

0 200 400 600 800 1000

Figure 2 Diagramme de phase

Pression/Température

Page 19: Fonctionnalisation et modification du C60

SP

I

1 ch

ap

it

reA la différence du graphite, stable jusqu’à de très

hautes pressions à température ambiante, la compres-

sion non-hydrostatique des fullerènes provoque un effon-

drement de leur structure en cage et permet un

réarrangement des atomes de carbone dans la phase

carbonée stable à haute pression : le diamant. Selon

les conditions, nous pouvons obtenir soit un “amorphe”

sp3 massif soit des polycristaux de diamant cubique.

Manuel NÚÑEZ-REGUEIROEPM-Matformag & C.R.T.B.T.

166X - 38042 GrenobleTél. : 04 76 88 90 32Fax : 04 76 88 10 38

Jean-Louis HODEAULeonel MARQUES

Laboratoire de cristallographie166X - 38042 Grenoble

Les fullerènes constituent une

nouvelle forme allotropique du

carbone qui présente une hybridation

intermédiaire sp2-sp3. Les premières

expériences de pression ont été faites

sur le C60. Elles ont été motivées par la

prédiction que le C60 dense serait plus

dur que le diamant. Cette hypothèse

est basée sur le fait que les molécules

de C60 peuvent être considérées comme

du “graphite enroulé” ; la liaison car-

bone-carbone dans le graphite étant

la liaison la plus forte connue, il a été

postulé que les boules de C60 devraient

être très incompressibles. La pression

pourrait donc rapprocher ces molécules

à des distances suffisamment courtes,

permettant l’obtention d’un solide

extrêmement dur. De nombreuses

équipes se sont alors lancées dans cette

voie et les premiers résultats semblaient

contradictoires.

EFFONDREMENT DES CAGESDES FULLERÈNESSOUS PRESSION

Duclos et ses collaborateurs ont

montré la stabilité du C60 sous pression

hydrostatique, jusqu’à 200 000 atmo-

sphères. Par contre, l’application de

pression non-hydrostatique transfor-

me le C60 en une phase de plus basse

symétrie. Par des mesures de résistivi-

té électrique (1) sous pression, nous avons

trouvé que, après une augmentation

de la conductivité électrique due à un

meilleur recouvrement des orbitales

des molécules voisines, le C60 passait

dans une phase isolante. Pour permettre

des analyses cristallographiques de cette

nouvelle phase isolante, nous avons

modifié notre cellule de mesure de résis-

tivité sous pression afin d’obtenir des

quantités raisonnables d’échantillon

comprimé : la compression non-hydro-

statique du C60 au-dessus de 150 000

atmosphères a provoqué sa transfor-

mation en un matériau dur et trans-

parent. Les clichés de diffraction

électronique d’un échantillon typique

obtenu par cette méthode (figure 1) ainsi

L E S F U L L E R È N E S 29

Des fullerènesau diamant…

Nous savons depuis longtemps

que le carbone a deux formes allotro-

piques, graphite et diamant, liées à ses

deux hybridations sp2 et sp3. Tous les

stades intermédiaires entre ces deux

formes sont aussi possibles et conduisent

à d’innombrables phases plus ou moins

amorphes, aux propriétés intermédiaires.

Le graphite est un semi-métal ayant de

nombreuses applications comme lubri-

fiant; sa structure en feuillets permet aux

plans atomiques de glisser les uns par

rapport aux autres. Le diamant a des pro-

priétés encore plus remarquables : c’est

le matériau connu le plus dur; sa conduc-

tivité thermique à température ambian-

te est la plus élevée et il est très résistant

à la chaleur, aux acides et aux radiations.

C’est aussi un bon isolant électrique, mais,

dopé, il peut devenir semi-conducteur

de type p ou n ; il a une faible constante

diélectrique et présente une large mobi-

lité des trous . Enfin, il est transparent

aux rayonnements visible et infrarouge.

À LA RECHERCHEDU DIAMANT…

Ces propriétés impression-

nantes expliquent que, depuis toujours,

l’homme a cherché à transformer en

diamant toutes les autres formes de

carbone. De nos jours, la méthode

la plus utilisée reproduit la synthèse

naturelle du diamant existant dans les

profondeurs de la Terre : le graphite

est dissout dans un métal catalyseur à

l’état liquide à ~1300 °C et au-dessus

de 60 000 atmosphères ; la précipita-

tion de petits cristaux de diamant a

alors lieu. C’est de cette façon que sont

produits les diamants synthétiques dont

la part du marché, dans l’économie

mondiale, est de l’ordre de quelques

dizaines de milliards de francs. Une

deuxième méthode est utilisée pour

former des couches de faible épaisseur;

elle est basée sur la décomposition par

exemple du méthane à 2000°C en

présence d’hydrogène activé.

Page 20: Fonctionnalisation et modification du C60

que les spectres de rayons X ont mon-

tré (2) qu’il s’agissait de cristallites de dia-

mant cubique enrobés par un verre de

carbone amorphe. Les mesures de

spectre Raman faites par L. Abello et

G. Lucazeau au LIESG sur nos échan-

tillons ont montré que le pic caracté-

ristique du diamant cubique à 1331cm-1

est présent (insert de la figure 2). A tempé-

rature ambiante, les très fortes pressions

brisent donc les molécules avant l’ob-

tention de phases C60 denses. Donc, à

la différence du graphite, le C60 peut se

transformer en diamant à températu-

re ambiante, par la seule application

d’une pression non-hydrostatique.

“AMORPHE” SP3 ETDIAMANT CRISTALLISÉ

La méthode de choix pour

caractériser quantitativement l’ensemble

de nos échantillons a été la mesure du

spectre de diffusion/diffraction des

rayons X produits par rayonnement syn-

chrotron. En effet, nous avions besoin

d’une forte intensité de rayons X car à

l’origine nous n’obtenions que de très

petits échantillons minces (environ

50 microns d’épaisseur) et parce que le

pouvoir diffusant du carbone est faible.

Ces études ont été réalisées sur nos

différents échantillons au LURE, en

collaboration avec J.M. Tonnerre et

B. Bouchet- Favre. L’étude structurale a

été menée de deux façons, par l’analy-

dans certain cas ~10 fois supérieur à ceux

d’échantillons obtenus dans les cellules

primitives. Ces nouveaux échantillons

présentent une cristallisation plus impor-

tante et montrent toujours les raies de

diamant cubique par diffraction des

rayons X. Leur étude au rayonnement

synchrotron donne des spectres du type

de celui de la courbe (b) de la figure 1,

où ~95% de l’échantillon est constitué

par des grains de diamant cubique ayant

une taille moyenne de ~100Å. L’épau-

lement de la raie (111) est une consé-

quence de l’existence de défauts dus à

la compétition entre les empilements

de type ABC (configuration “chaise”,

diamant) et AB (configuration “bateau”,

lonsdaleite), le même type d’imperfec-

tions existant dans le C60 solide.

Postérieurement, une étude

réalisée au Japon par le groupe du Prof.

Hisako Hirai, en utilisant des ondes de

choc, a confirmé nos résultats en préci-

sant le seuil de transformation à 160000

atmosphères à 50°C. Quoique ces

auteurs n’aient pas réalisé de mesures

quantitatives aux rayons X, leurs carac-

térisations utilisant la diffraction élec-

tronique montrent la même dépendance

avec le volume de l’échantillon du taux

de diamant cubique/“amorphe” sp3.

EN CONCLUSIONNous avons montré que, à la

différence des autres formes de carbo-

ne (qui ont besoin de la pression et de

la température), le C60 se transforme

en “amorphe” sp3 massif ou en dia-

mant cubique cristallin par la seule appli-

cation de la pression. Un tel processus

pourrait être une voie de production

industriellement intéressante, bien que

les hautes pressions nécessaires soient

encore un handicap.

se des spectres de diffusion dans l’es-

pace réciproque avec la méthode Riet-

veld, mais aussi dans l’espace direct par

l’intermédiaire du calcul de la fonction

de distribution radiale. Elle montre clai-

rement que nous obtenions une phase

purement sp3, majoritairement amorphe,

ayant des nano-cristallites (3) (courbe (a)

de la figure 2). Leur très petite taille,

~ 30 Å, explique l’aspect amorphe du

diffractogramme et est compatible avec

la continuité de distribution de taille,

observée par microscopie électronique

en champ noir (figure 1). La fonction de

distribution radiale des distances C-C

montre également que les deux confi-

gurations du carbone sp3, “bateau” et

“chaise”, sont présentes dans la matri-

ce amorphe majoritaire, les plus gros

cristallites minoritaires étant “chaises”

c’est-à-dire diamant cubique. Il faut

noter que, par le passé, les phases de

carbone “amorphes” sp3 étaient obte-

nues sous forme de couches minces et

que, à partir du C60 , nous pouvons obte-

nir de telles phases massives aux carac-

téristiques proches de celles du silicium

amorphe.

OPTIMISATION DELA TRANSFORMATION

Nos premiers échantillons pré-

sentaient des proportions de 10% de

diamant cubique bien cristallisé, les 90%

restants correspondant à la phase

“amorphe” sp3 nano-cristallisée. Par la

suite, nous avons cherché à améliorer les

conditions de la transformation, pour

augmenter la proportion de diamant

cubique cristallisé. Dans ce but, nous

avons conçu et utilisé une cellule avec

une nouvelle géométrie permettant l’ob-

tention d’échantillons ayant une épais-

seur cinq fois supérieure et un volume

30 L E S F U L L E R È N E S CHAPITRE 1 FONCTIONNALISATION ET MODIFICATION DU C60

Figure 1Cliché de microscopie électro-nique en champnoir sur échantilloncaractéristique ;Encart : cliché de diffraction électronique correspondant

Figure 2

Inte

nsi

té (

un

it. a

rb.)

Inte

nsi

té (

un

it. a

rb.)

Fréquence (cm-1)

2 Theta

2000

1500

1000

500

020 30 40 50 60

(b)

(a)

(111)

(220)

(311)

(400)(331)

(422)

(511) (440)(531)

1550 1450 1350 1250 1150

BIBLIOGRAPHIE1. M. Núñez-Regueiro, P. Monceau, A. Rassat, P. Bernier and A. Zahab,Nature 354, 289 (1991)2. M. Núñez-Regueiro, P. Monceau and J-L. Hodeau,Nature 355, 237 (1992)3. J-L. Hodeau, J.M. Tonnerre, B. Bouchet-Fabre, M. Núñez-Regueiro,J.J. Capponi and M. Perroux,Phys. Rev. B50, 10311 (1994)

Page 21: Fonctionnalisation et modification du C60

SC

1 ch

ap

it

reLa découverte des fullerènes, et tout particulièrement

du C60 , a donné naissance à de nouvelles molécules

aux fonctionnalités variées. En particulier, des méthano-

fullerènes présentant des caractéristiques amphiphiles

et mésomorphes conduisent à des systèmes moléculaires

organisés à l’état massif ou sous forme de films de

Langmuir-Blodgett.

Cette approche permet ainsi l’élaboration de nouveaux

matériaux dotés de propriétés physiques prometteuses.

Pierre DELHAESChristophe MINGOTAUD

Serge RAVAINECentre de recherche Paul Pascal

UPR CNRS 8641Avenue Albert Schweitzer

33600 PessacTél. : 05 56 84 56 02Fax : 05 56 84 56 00

La découverte d’une quatriè-

me variété de carbone, baptisée

fullerène et constituée du C60 et de ses

homologues supérieurs, vient ajouter

une pierre au riche polymorphisme de

cet élément. Plusieurs phases solides

à l’état métastable étaient connues et

classées en graphite (la phase hexa-

gonale est la phase thermodynamique

stable sous pression et température

ambiantes), diamant et carbyne. Leur

origine est l’aptitude de l’atome

de carbone à former plusieurs types

de liaisons chimiques (orbitales molé-

culaires de type σ et π) associés à une

coordinance variable(1). Le passage

d’une variété allotropique à une autre

doit en principe s’effectuer de maniè-

re “renversable” ce qui, actuellement,

n’apparaît pas être le cas pour le C60 .

Il semble ainsi plus logique de consi-

dérer le C60 comme un corps pur

distinct : c’est un solide moléculaire

cousin des cycles aromatiques conden-

sés, en particulier plans.

À ce titre, il possède des carac-

téristiques moléculaires prometteuses,

avec une symétrie quasi-sphérique

et un cortège de soixante électrons πdisponibles, et constitue dès à présent

le point de départ d’une chimie de

synthèse novatrice dont l’enjeu est le

contrôle de sa mono ou polyfonc-

tionnalisation. Dans ce contexte,

il nous est apparu intéressant de

synthétiser de nouveaux dérivés du

C60 présentant d’autres caractéristiques

mésomorphes ou amphiphiles, afin

d’élaborer de nouveaux matériaux

possédant une organisation spontanée

ou induite par une contrainte exté-

rieure (film de Langmuir).

Pour ce faire, nous avons

préparé de nouveaux dérivés mono-

fonctionnalisés du C60, appelés méthano-

fullerènes, à partir d’un synthon

comprenant une fonction acide carbo-

xylique et permettant la synthèse aisée

d’esters aux groupements moléculaires

très diversifiés. Ce synthon est aisément

obtenu par une cycloaddition [3+2] d’un

L E S F U L L E R È N E S 31

Les méthanofullerènes, denouveaux systèmes

moléculaires organisés

Page 22: Fonctionnalisation et modification du C60

diazoalcane sur le C60 suivie d’une

isomérisation thermique donnant

quantitativement la forme la plus

stable du type méthanofullerène (struc-

ture 6-6 fermée) (2).

PHASES FLUIDESDE MÉTHANOFULLERÈNESAVEC DES GROUPEMENTSMÉSOGÈNES

Deux séries d’échantillons ont

été préparées à partir de plusieurs types

de cœurs mésogènes (3) : un exemple

est donné dans la figure 1. Au contrai-

re des dérivés classiques du C60 qui

sont toujours cristallins, nous avons

observé, pour chacun de ces compo-

sés “C60-groupes mésogènes”, un état

solide non-cristallin avec une tempé-

rature de fusion vers 100-200°C ; cette

fusion, inexistante dans le C60 cristal-

lin, conduit ici à une phase liquide par-

tiellement organisée. Nous avons mis

en évidence cette transition de phase

par analyse enthalpique différentiel-

le et diffraction des rayons X (voir

figure 1). La phase fluide est, en par-

ticulier, caractérisée par une structu-

re périodique qui devient égale à 63 Å.

Ainsi, ces nouvelles phases fluides pré-

sentent des organisations moléculaires

liées aux interactions π-πconflictuelles

des méthanofullerènes et des cycles

aromatiques présents, avec des ordres

partiels d’orientation et de position

qui doivent conduire aux premiers cris-

taux liquides de ce type.

occupée est de 20 Å2 alors que le cal-

cul géométrique fournit une aire

proche de 80-100 Å2 par molécule de

C60. La présence de ces agrégats à l’in-

terface est aisément confirmée par

spectroscopie UV-visible in situ dans la

cuve de Langmuir (4).

Afin d’accéder aux caractéris-

tiques intrinsèques de la molécule,

comme par exemple ses propriétés

d’oxydo-réduction, il s’est révélé inté-

ressant de contrôler son organisation

en couche monomoléculaire stable.

Deux stratégies ont alors été suivies (4) :

soit ajouter un fort caractère hydrophile

AGRÉGATS ET PROPRIÉTÉSINTERFACIALESDE MÉTHANOFULLERÈNESAMPHIPHILES

La tendance naturelle du C60

est de former des agrégats tridimen-

sionnels (ainsi un agrégat icosa-

hédrique (C60)13 a été observé en phase

vapeur). Épandu à la surface de l’eau

dans une cuve de Langmuir, le C60

forme spontanément de tels agrégats

comme en témoigne l’isotherme de

compression, relation entre la pression

superficielle (π) et l’aire moléculaire

(A) (figure 2). Ainsi, la surface moléculaire

32 L E S F U L L E R È N E S CHAPITRE 1 FONCTIONNALISATION ET MODIFICATION DU C60

O

O COO OOC

OC12H25

OC12H25

OC12H25

90 100 110 120

0.092

0.088

0.084

0.080130 0 40 80 120 180 200

ENDO

T (°C) T (°C)

q (

Å-1

)ENER

GIE

(u

.a.)

HO70

60

50

40

30

20

10

00

20 40 60 80

Aire (Å2/molécule)

∏ (

mN

/m)

100 120 140 160

OH

Figure 1Exemple d’unetransition de phaseobservée pour unméthanofullerènecomportant ungroupe mésogène. A gauche,thermogrammed’analyseenthalpiquedifférentielle, à droite, variationthermique duvecteur d’onde qcorrespondant aumaximum del’intensité diffusée.

Figure 2Isothermes de compression π(A) du C60 (trait continu) et d’un méthanofullerène (pointillés)présentant un fort caractère polaire.

Page 23: Fonctionnalisation et modification du C60

Les méthanofullerènes, de nouveaux systèmes moléculaires organisés

pour équilibrer la tendance naturelle

hydrophobe du C60 : c’est le cas du

biphénol méthanofullerène dont l’iso-

therme π(A) démontre clairement la

formation d’une monocouche à

l’interface gaz-eau (figure 2) ; soit

forcer la sphère du C60 à interagir avec

une matrice formant un film de

Langmuir et jouant le rôle d’écran vis-

à-vis des interactions π-π. Les meilleurs

résultats sont obtenus avec un couple

méthanofullerène matrice comprenant

un groupement mésomorphe ou des

chaînes perfluoroalkylées qui donnent

un caractère structurant à la mono-

couche (figure 3). En outre, cette secon-

de approche permet ultérieurement

de transférer les monocouches sur

un substrat solide (technique de

Langmuir-Blodgett) afin d’étudier les

propriétés physiques de ces films minces

organisés. Cette approche permet de

plus de faire interagir le C60 avec

d’autres groupements tels que les tétra-

thiofulvalènes (TTF) amphiphiles pour

réaliser des associations donneur-accep-

teur d’électron π (figure 3).

Afin de favoriser un transfert

de charge, même photo-induit, nous

avons tout récemment synthétisé, en

collaboration avec le laboratoire IMMO

(Ingénierie moléculaire et matériaux

organiques) de l’université d’Angers,

des molécules de type D - σ - A, telles

que celles données sur la figure 3, qui

présentent des potentiels d’oxydation

et de réduction voisins, observés en

voltamétrie cyclique (5). On doit s’at-

tendre à des transferts de charge intra-

moléculaires qui seront favorisés en

milieu orienté : c’est le but de notre

démarche actuelle.

CONCLUSIONLes fullerènes apparaissent

aujourd’hui comme des phases parti-

culières dans le monde des carbones.

Situé plutôt du côté de la chimie orga-

nique par rapport aux nanotubes, un

aspect des récents développements en

synthèse de nouvelles molécules de

type méthanofullerènes a été présen-

té ; de nombreuses extensions concer-

nent aussi les homologues supérieurs

du C60 et la formation d’oligomères et

polymères. Nous avons créé de nou-

veaux objets moléculaires polyfonc-

tionnels avec éventuellement un

caractère amphitropique (combinai-

son amphiphile et mésogène) ; cette

démarche conduit à de nouvelles

phases organisées originales. Parmi les

propriétés physiques intéressantes

attendues avec le développement de

ces matériaux moléculaires, le domai-

ne de l’optique (photophysique, lumi-

nescence, effets non linéaires…) semble

le plus prometteur.

L E S F U L L E R È N E S 33

BIBLIOGRAPHIE

1. a) M.S. Dresselhaus,G. Dresselhaus, P.C. Eklund “Science offullerenes and carbonnanotubes” (AcademicPress 1996).b) P. Bernier et S. LefrantEditeurs “Le carbone danstous ses états” (Gordonand Breach, sous presse,1997).

2. S. Ravaine, ThèseUniversité de Bordeaux I(1996).

3. a) S. Ravaine, F. Vicentini, M. Mauzac,P. Delhaes,New J. Chem. 19, 1-3(1995).b) S. Ravaine, V. Faye,H.T. N’Guyen, P. Delhaes,J. of Phys. and Chem. ofsolids, sous presse (1997).

4. a) S. Ravaine, F. Le Pecq, C. Mingotaud, P.Delhaes, J.C. Hummelen,F. Wudl, L.K. Patterson,J. Phys. Chem. 99, 9551-9557 (1995).b) S. Ravaine, C. Mingotaud, P. Delhaes, Thin solidfilms, 284-5, 76-9 (1997).

5. a) S. Ravaine, B. Agricole, C. Mingotaud, J. Cousseau, P. Delhaes,Chemical Physics Letters242, 478-482 (1995).b) S. Ravaine, P. Leriche, M. Salle, P. Delhaes,Synth. Metals, à paraître(1997).

O

OC10F21

C18H37

C6F13

C6F13

S

S

S

S S

S S

S

C18H37HO OOC

O

O

O

O COO

O

O

O

O

O

O

SS S

SS S S

S

O

O

O

O

SMeS

MeS

S

SS S

S

Figure 3a- Exemples d’associationsmoléculaires conduisant à des filmsde Langmuir mixtes(voir partiesupérieure).b - Nouvelles molécules donneur-accepteur d’électrons de type D-σ -A(voir partie inférieure).

a

b

Page 24: Fonctionnalisation et modification du C60

CHAPITRE 1 FONCTIONNALISATION ET MODIFICATION DU C60

ions brome/cm2). Le changement de

signe de S se produit dès une petite

fluence D en ions potassium (voisine

de 5x1013 ions/cm2), ce qui montre la

forte efficacité du rôle chimique du

potassium et l’aptitude au dopage n

des fullerites par cette technique.

Inversement, le changement de signe de

S à la suite d’un dopage initial n par des

ions potassium (avec E = 30 keV et

D=5x1014 ions/cm2) n’est obtenu que

pour des très fortes fluences en brome

(∼ 1016 ions/cm2); pour ces fortes fluences,

on pense en fait que c’est plutôt un effet

de dégradation qui apparaît.

LES LIMITES DEL’IMPLANTATION IONIQUE

Si on observe à nouveau la figu-

re 1, on constate que le changement

du signe de S se poursuit par un accrois-

sement du caractère négatif de S

(qui traduit l’efficacité du dopage n).

A partir de D = 5 x 1014 ions/cm2, il appa-

raît cependant une modification du

sens de variation de S : S diminue et

tend vers une valeur positive pour les

plus hautes fluences (D ∼ 1016 ions/cm2);

ce signe positif de S est en fait celui

observé lorsque seules les dégradations

sont produites, par exemple à l’aide

d’un faisceau d’ions de gaz rares qui

ne peuvent pas générer d’effets

chimiques. Une estimation théorique

de la fluence seuil Ds, à partir de laquel-

le l’accumulation des collisions élec-

troniques et nucléaires peut produire

une dégradation de la molécule boule

de C60 , a été effectuée : en utilisant

notamment les valeurs du pouvoir

d’arrêt électronique Se et nucléaire Sn

déterminées à l’aide du programme de

calcul TRIM 95 pour des ions potassium

de 30 keV (Se + Sn = 90 eV/A°), on a

obtenu Ds ≈ 5 x 1012 ions/cm2. Même si

cette valeur n’est qu’approximative, on

comprend mieux pourquoi seules des

fluences faibles sont capables d’assu-

rer le dopage ; au fur et à mesure de

l’augmentation de D, les deux effets

de dopage et d’endommagement se

UP

RES

1chapitre Le dopage de type n des couches de C60 peut être obte-

nu avec un faisceau d’ions d’énergie modérée (30 keV),

pourvu que la fluence reste inférieure à une valeur

seuil de l’ordre de 1013 ions/cm2. Au-delà, les phéno-

mènes de dégradation deviennent rapidement pré-

pondérants. Le respect de telles conditions a permis la

réalisation de structures MISFET, alors qu’une implan-

tation à température élevée peut conduire à une confi-

guration dans laquelle la couche dopée est suffisamment

enterrée pour être considérée à l’abri de l’air.

André MOLITONUnité de Microélectronique,

Optoélectronique et PolymèresFaculté des Sciences

123, Av. Albert Thomas87060 Limoges Cedex

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34 L E S F U L L E R È N E S

Le comportementdes fullerènes sous

faisceaux d’ionsRésultats actuels et perspectives

irradiations. Aussi, outre l’étude des pro-

priétés électriques des couches de C60

généralement dopées de type n à l’aide

d’alcalins (et appelées fullerides), une

attention toute particulière doit être

portée au contrôle de la structure finale.

LE DOPAGEPAR FAISCEAUX D’IONS

Nous avons utilisé l’étude du

signe du pouvoir thermoélectrique

(caractérisé par le coefficient Seebeck

S, négatif lors d’un dopage de type n

et positif avec un dopage p) pour

montrer de façon indiscutable la possi-

bilité du dopage des couches de C60 par

implantation ionique. Sur la figure 1,

nous présentons l’évolution de S en

fonction de la fluence en ions potas-

sium (d’énergie E = 30keV) d’un film

de C60 initialement de type p (obtenu

par implantation à 30keV de 5 x1014

Les calculs théoriques concer-

nant la structure de bande des molé-

cules de C60 (fullerènes) cristallisées dans

le système cubique à faces centrées

(réseau cfc correspondant à un solide

de Van der Waals appelé fullerite)

conduisent à une séparation énergé-

tique de l’ordre de 1,5 eV entre la bande

de valence pleine (HOMO) et la bande

de conduction vide (LUMO) : une telle

structure permet d’envisager l’utilisa-

tion des fullerites comme semiconduc-

teurs. Les films de fullerites sont

toutefois très isolants (conductivité infé-

rieure à 10-10 Ω-1 cm-1) et le contrôle

du dopage, difficile en phase gazeuse

(car non directement relié à la durée

de l’exposition aux vapeurs), a été envi-

sagé à partir de l’interaction avec un

faisceau d’ions. Cette technique néces-

site cependant une bonne résistance

de la structure moléculaire initiale aux

Page 25: Fonctionnalisation et modification du C60

Le comportement des fullerènes sous faisceux d’ions

2x10-7

10-7

00 5 10 15

Co

ura

nt

Dra

in-S

ou

rce

I d (

A)

Tension Drain-Source Vds (V)

Vg=10V

Vg=9V

Vg=8V

Vg=7VVg=6V

Vg=0V

superposent. Sur la courbe de la figure

2, la conductivité mesurée pour les plus

basses fluences est générée par le dopa-

ge alors que, aux plus hautes fluences,

c’est le mécanisme lié aux endomma-

gements qui prédomine pour conduire

à une valeur de saturation de

la conductivité σs ≈ 20 Ω-1 cm-1. Cette

valeur, inférieure à celle obtenue par

le dopage chimique σmax ≈300 Ω-1cm-1,

montre bien que le matériau conduc-

teur finalement obtenu est modifié.

Différentes hypothèses ont été émises,

notamment la formation de frag-

ments larges (sortes de molécules C60

éventrées ou polymérisées) préala-

blement à une amorphisation aux plus

hautes fluences.

RÉSULTATS ETPERSPECTIVES

Les observations spectro-

scopiques (et notamment Raman),

ajoutées aux caractérisations élec-

triques, nous ont montré que l’état

semiconducteur ne peut être obtenu

qu’avec des paramètres d’implantation

faibles. Nous avons confirmé cette

conclusion en montrant que les tran-

sistors à films minces (FET) à base de

fullerite ne présentent une améliora-

tion de leurs caractéristiques (et sur-

tout de la mobilité) à la suite d’un

dopage en potassium que pour des

fluences inférieures à 1010 ions/cm2. Sur

la figure 3, on présente les caractéris-

tiques d’un échantillon implanté avec

des ions potassium de 30 keV et une

fluence de 1010 ions/cm2 : compte tenu

du signe positif de la tension de grille,

on confirme le caractère n du dopage

du canal. Les mobilités µ obtenues ici

sont faibles, bien inférieures à celles

que l’on peut cependant espérer obte-

nir avec des techniques classiques opti-

misées (Haddon et al., Appl. Phys. Lett.,

67, 121, 1995, ont obtenu µ ≈ 0,08cm2/V

sec). Ce résultat relativement décevant

peut être expliqué par la présence

d’atomes résiduels oxygène ou azote

mis en évidence par SIMS dans la couche

L E S F U L L E R È N E S 35

10

5

0

-5

-10

-15

-20

-25

-301013 1014 1015 1016 1017

S(µ

V/K

)

Fluence D (ions/cm2)

1012

102

100

10-2

10-4

10-6

10141013 1015 1016 1017

σ(Ω

-1cm

-1)

Fluence D (ions/cm2)

Fullerite transforméen carbone amorphe

Interface zone dégradée - zonenon dégradée riche en oxygène

Fulleride enterré

Fullerite intact

implantée. Une étude des profils SIMS

de films de C60 implantés dans diffé-

rentes conditions nous a conduits à

proposer une structure favorable aux

applications. Cette configuration (figu-

re 4) pourrait être obtenue par implan-

tation d’ions alcalins à température

relativement élevée (560 K) et la couche

dopée serait suffisamment enterrée

(par diffusion) pour se retrouver fina-

lement à l’abri de l’oxygène extérieur.

Dans la couche immédiatement voisi-

ne du fulleride, l’oxygène serait piégé

dans une zone de défauts. Une inter-

prétation voisine a été également pro-

posée par Palmetshofer et al. (J. Appl.

Phys., 77, 1029, 1995). Cette structure

se rapprocherait de la configuration

familière du silicium protégé par sa

couche d’oxyde... Enfin, on ne doit pas

oublier le rêve du dopage endohè-

drique, que de nombreuses équipes

tentent de matérialiser : on peut espé-

rer que la voie des collisions contrôlées

entre boules de C60 et atomes dopants

sera la bonne.

Figure 1Transition de la semiconduction P→Nsous l’effet de l’implantation de K+

Figure 2Croissance puis saturation de la conductivitéen fonction de la fluence en ions K+

Figure 3Caractéristiques courant-tension d’une structureMISFET à base de C60 dopé à faible fluence en K+

Figure 4Configuration d’une structure C60implantée à 560K avec des ions alcalins

BIBLIOGRAPHIE

• P. Trouillas, B. Ratier, A. Moliton,M. Gauneau, P. Bernier,“Dopage de films de C60 par implantationionique”, Philosophical Mag. B., 70 (4), (1994), 893.

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