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Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Fleurs d'adultère / parAurélien Scholl

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Scholl, Aurélien (1833-1902). Auteur du texte. Fleurs d'adultère /par Aurélien Scholl. 1880.

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Couverture inf^tic.'ie rr.jfiqi>aote

IXbut d'une série de doccim.-rusen couleur

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LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DES GENS DE LETTRES

PAUIS-ROIAl. 15-17-19, «AI.KftIE D'oRttAN»

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FLEURS

D'ADULTERE

PAR

/ÀUMUEN SCHOLL

PARISE. DENTU, ÉDITEUR

LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DES GENS DE LETTRESPALAIS-ROYAL, 15-17-19, GALERIE D'ORLÉANS

1880Tous droits rcisci viis.

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FLEURS D'ADULTERE

LE MIRACLE DE MONTARGIS

Nous devions déjà à cette jolie petite ville duLoiret un chien célèbre et un ministre des pos-tes. Ce n'était pas assez, paraît-il. La providencea voulu favoriser Montargis une fois de plus. eny plaçant le théâtre d'une apparition qui nepeut manquer de toucher bien des coeurs.

A cette époque de scepticisme ou d'indiffé-rence religieuse, nous ne devons rien négligerde ce qui doit ramener dans le droit sentier lesbrebis égarées.

Il est d'abord nécessaire de résumer les faits.Une femme qui a dirigé longtemps et avec

succès une des congrégations les plus autori-

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se'cs, la Farcy, puisqu'il faut l'appeler par sonnom, s'est réfugiée, après fortune faite, dans unemaison de campagne, le château du Chesnoy,près Montargis. Depuis l'effondrement de laféodalité, les châteaux, appartenant au plus of-frant et dernier enchérisseur, sont torn^'s auxmains des spéculateurs habiles, des négociantsheureux et des financiers que n'a pas réclamesle bagne. Madame Farcy devait prendre sa placedans cette aristocratie nouvelle; si elle ne remon-tait pas aux croisades, elle remontait aux croise-ments. A chacun son heure, à chacun ses titres.

La châtelaine du Chesnoy, touchée par lacontemplation de la nature, ne tarda pas à tom-ber dans la dévotion. Elle lut l'histoire de sainteElisabeth de Hongrie, qui léchai, les plaies desmalades, et, dans son for intérieur, elle ne trouvapas une différence sensible entre ces pratiquesreligieuses et celles qui avaient fait sa fortune.

La Farcy expira laissant par testament40,000 francs à l'hospice de Montargis; à laville, 20,000 francs pour fonder une salle d'a-sile 3o,o'oo francs à la commune d'Arrnilly,pour établir deux écoles chrétiennes; enfin,20,000 francsaux sœurs de Montargis 1 2,000 fr.à l'église de Saint-Firmin, et une forte somme àla fabrique de Sainte-Marie-Madeleine, pourqu'on y dit des messes destinées à assurer le re-pos Je son âme.

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C'est là ce qu'on appelle faire une bonne mort.Si une âme n'était pas tranquillequand on lui ap.iyé cinq mille messes, il faudrait renoncer à

toute conciliation avec l'autre monde. La Farcy

mourut donc paisiblement étendue sur le dos,3 1 bouche entr'ouverte en un dernier sourire

et elle fut enterrée avec pompe.La population rurale – qui l'estimait ne

fit aucun chabanaisautour de son cercueil.

Les legs de la sainte femme furent contestes

par un neveu sans pudeur, mais les tribunauxmirent bon ordre à ses prétentions.

11 y avait bien, dans le pays, quelques mau-vaises langues qui jasaient de l'aventure; maisles gens bien pensants répondaient que la fa-brique de Sainte-Marie-Madeleine, reconnais-sant que la défunte avait été touchée par lagrâce, ne pouvait refuser une donation qui luiarrivait parce canal.

Un véritable miracle vient de lever tous lesdoutes à cet égard.

Dans une modeste maison des environsd'Ar-milly habitait, depuis quelques jours, un ecclé-

siastique en congé. Ce digne homme était venude Putanges pour passer un mois chez des pa-rents.

Dimanche, à six heures du soir, il s'apprêtaità se mettre à table pour prendre son modeste re.

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pas. Il venait à peine de terminer son Benedi-cite quand on frappa à la porte.

Une vieille servante s'empressa d'aller ouvrir.C'étaient deux petits enfants du pays, Ambro-sine Martin" et François Lécailleu, qui deman-daient à parler au père Fessard (de Putanges).

Qu'y a-t-il, mes enfants? demanda le dignehomme.

Monsieur l'abbé, répondit la petite Am-brosine Martin, nous étions, François et moi,assis sous un arbre, près de la mare aux canards,quand nous avons eu une apparition.

– Oui, m'sieu, ajouta François.– Et qu'avez-vousvu?– Une dame vêtue d'un peignoir de soie

bleue, entr'ouvert sur la poitrine. Elle avaitdes bas rouges et de petits souliers de satin avecde hauts talons. Mes enfants, a-t-elle dit, jesuis au ciel. Vous êtes trop jeunes pour que je

vous propose de monter, mais votre témoignage

est nécessaire à ma mémoire.L'abbé de Putanges leva les yeux au plafond.

– Continuez,dit-il.– Alors, reprit Ambrosine Martin, la dame

descendit et nous embrassa, en disant Je suisla dame du Chesnoy, celle que, de son vivant,

on appelait la Farcy. Après une vie agitée, j'aicompris que les joies de ce monde ne laissentaprès elles que des cendres; j'ai fait pénitence,

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jeme suis frappée de verges, et il m'est enfin

permis d'aflirmer que les chameaux peuventréellement passer par le trou d'une aiguille!

L'abbé de Putanges était tout ému.11 interrogea FrançoisLécailleu

Mon enfant, ce que vient de dire ta petitecamarade est-il bien exact?1

Oui, m'sieu, répondit François. La dame

a même ajouté en m'embrassant L'endroit oùje suis est fort beau. Il y a une chambre deglaces sur la porte de laquelle on lit Aime\-voits les uns les autres. et toutes les âmes sontau salon. Vous serez homme un jour. Songezalors à la dame au peignoir bleu. Rappelez-vousqu'il y a deux chemins,l'un qui mène en paradis,l'autre qui mène en enfer. faites votre choix!

Quand cette dame t'a embrassé, tu n'asrien remarqué?

Non, monsieur, elle sentait fort bon.c'était comme qui dirait du musc ou bien decet-.e poudre blanche que le barbier met sur lafigure de M. le baron.

– Est-elle restée longtemps avec vous?Un grand moment.Et après?

– Elle a jeté deux asperges qu'elle tenaitdans les mains, puis elle a disparu dans les nua-ges et nous avons entendu comme un bruit depièces d'argent dans son bas.

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C'est bien, fit l'abbé. Je vais écrire votrerécit, et, quand le moment sera venu, j'aurairecours à votre témoignage.

II donna une pièce de cinquante centimes àchacun des enfants, qui se retirèrent enchantéspour aller rapporter à leurs parents ce qu'ilsavaient vu.

Un puits a été aussitôt creusé l'endroit oùest apparue la Farcy. L'eau a. jailU d'elle-mêmeet s'étend dans une cuvette qui s'est formée de-vant la source, comme pour en faciliter l'écou-lement.

Madame de B. qui souffrait depuis long-temps d'une maladie des yeux, s'est lavée aveccette eau et elle a été guérie.

Un enfant d'Armilly, que les médecins déses-péraient de sauver, a été plongé par sa mèredans la cuvette miraculeuse – et il est aussitôtrevenu à la santé.

Un paralytique, le sieur H. avait perdu de-puis longtemps l'usage de ses membres. L'eaude la Farcy lui a si bien rendu ses forces qu'ilest rentré chez lui à pied.

Un militaire, qui avait la goutte, s'est égale-

ment trouvé guéri.

Le bruit de ces cures prodigieuses s'est déjàrépandu dans tout le pays, et l'on voit de toutes

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parts des paysans qui arrivent sur leurs h'klcts.Une jeune femme a été placée en surveillance

auprès de la source. Elle est chargée de recevoirles offrandes des pèlerins. Dès qu'on aura réuni

une somme suffisante, un monument sera élevé

sur le lieu même de l'apparition.Et, chose étrange, si quelqu'unoublie de lais-

ser son obole sur la margelle, une voix mysté-ricuse se fait entendre et dit

« N'oubliez pas la petite bonne 1 »

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PATERNITÉ LÉGALE

M. Gontier, avocat renommé d une grandeville de province, habitait avec sa fille unique,Marie, un de ces hôtels entrecour et jardinqu'ontlaissés les vieilles familles disparues ou ruinées.M. Gonticr était le type de l'honneur bourgeois

et de l'austéritébienveillante. La morale pour luiétait simple; il ne connaissaitque deux princi-pes le bien, qu'il faut aimer et pratiquer; lemal qu'il faut éviter et haïr. Il avait,horreur dessceptiques, et il eût préféré un franc malfaiteur.à un hypocrite.

•Levé à sept heures en toute saison, M. Gon-

tier s'asseyait à son bureau et n'en sortait quepour se rendre au Palais, où il avait obtenu devéritables triomphes,tant dans de grosses affairesciviles que dans quelques procès criminels dont leretentissement avait été universel.

L'avocat s'était marié à trente ans avec une

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demoiselle de Saint-Expilly, qui sortait du cou-vent. Kn luidonnantsafille,M.deSaint-Expilly,

ami de l'évéché, payait une dette de reconnais-sance. Il devait à M. Gontier, à son talent, à sondesintéressement, quelques débris d'une grandefortune singulièrement ébréchée par une mau-vaise administration, autant que par l'avidité etla mauvaise foi de quelques parents.

A peine eut-elle entrevu le monde que la jeunemariée, pensionnairede la veille, eut comme unéblouissement. Elle était de toutes les fêtes, detoutes les parties. L'approched'un bal la rendaitfo!le,|elle n'en dormait pas de plusieurs jours, nes'occupait que de ses toilettes. Sa journée se pas-sait en visites aux mondaines de la ville; elleavaitsa loge aux deux théâtres et n'eût manqué à au-cun prix une représentation. Non qu'elle aimâtla musique et le spectacle, mais il lui fallait le

mouvement, le bruit, les petits coups frappés àla porte de sa loge, les complimentsbanaux desjeunes gens de la ville.

On la cita bientôt comme le type le plus com-plet de la coquetterie et de la légèreté. M. Gon-tier fit quelques représentations, mais sa femme

ne lui répondait que par des larmes, regrettant,lui dit-elle un jour, que son père eût consenti à

une mésalliance.Gontier froissé, ne répondit mot et reprit son

travail avec ardeur.

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Apres quatre ans de mariage, mademoiselledeSaint-Kx'pilly disparut avec un bellàtre à favorisfrisés, un vicomte quelconque qui chantait desromances au piano et passait pour le plus élégantcavalier de la ville. Un mot laissé à son maridisait La vie commune m'est insupportable.Je pars pour l'étranger, vous n'entendrez plusparler de moi. »

Et elle était partie en effet, emportant avec sesbijoux tout ce qu'elle avait pu amasser à la hâteen vidant la caisse et les tiroirs de son mari.

Gontier restait seul avec une petite fille de qua-torze mois.

Personne dans la ville n'eut une moquerie;pas une ironie, pas un sourire ne vinrent offen-ser l'honnête homme frappe* au coeur. On le s.iluaavec plus de giavitéqu'avantson malheur,commeon salue ceux qui portent un deuil récent. Cefut tout.

Gontier garda l'enfant chez lui. Le matin ense levant, il courait au berceau et contemplaitlesommeil de -la petite Marie. Dès son retour duPalais, prenant à peine le temps de remettre se»dossiers sur un meuble, il entrait dans la cham.bre de l'erfant, jouait avec elle, la faisait sautersur ses genoux, tout heureux quand elle riait enbattant des mains et disait Encore encore!

Il fut la fois le père et la mère de sa fille. Ledimanche il prenait une voiture, se faisait con-

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il .lire à LI campagne et la gardait quelquesheures

pour lui tout seul, ramassant sa balle et la jetanta vi loin, portant la poupée sur son bras quand lapetite courait. C'étaient ses meilleurs moments.

Marie cut à subir les maladies de l'enfance, lacoqueluche d'abord, puis une fièvre de croissance

et enfin une fluxion de poitrine.Gontier donna l'ordre de placer le lit de la pe-

tite à côté du sien; il se levait pour lui faireprendre ses remèdes, faisait chauffer la tisane etla goûtait pour qu'elle ne fût pas trop chaude ou.trop sucrée.

A dix-huitans, Marie était une jolie personne,bonne, dévouée, affectueuse. Elle adorait sonpcre, lui rendant les deux amours qu'elle avaitreçus de lui.

De madame Gontier, personne n'avait entenduparler depuis sa fugue. Un voyageur de com-merce prétendait l'avoir vue à Naples, puisa.Rome, où elle passait pour une femme galante.Le ravisseur était mort de la poitrine,et madameGontier avait usé à tort et à travers de la libertécomplète que lui laissait la mort de son amantaprès sa rupture avec son mari.

La fête de M. Gontier approchait et Marie vou-lait lui faire une surprise. Elle avait acquis uncertain talent sur la peinture et elle travaillait en.secret au portrait de son père.

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Pour cela, elle s'était installée dans un petitcabinet attenant à celui de M. Gontier. Là setrouvaient le chevalet, la palette et les pinceaux.

Pendant que M. Gontier, absorbé par le tra-vail, était penché sur son bureau, Marie ébau-chait le portrait.

L'ouvrage était presque terminé quand le do-mestique annonça un monsieur qui voulait par-ler à l'avocat. Marie referma doucement la porte.

Monsieur, dit le visiteur, je suis l'hommed'affaires de madame Gontier.

En entendant ce nom, Marie, qui s'apprêtaità quitter sa cachette, se sentit clouée sur place.« Madame Gontier? sa mère! On lui avait ditqu'elle était morte. Toutes ses questions à ce su-jet étaient restées sans réponse, et, un jour, l'ins-titutrice qui faisait son éducation lui avait dit

Mademoiselle, ne parlez jamais à votre pèrede madame Gontier, cela le tuerait. II y avaitdonc un mystère là-dessous; quel était-il? »

Madame Gontier! s'écria l'avocat; soitez,monsieur, il n'y a pas de madame Gontier.

– Permettez, reprit l'homme d'affaires, je mesuis muni d'une procuration en règle, et je nesortirai d'ici que pour me rendre chez un avoué.

Pourquoi faire?Pour obtenir de vous la pension à laquelle

elle a droit.

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– Ah! c'est cela?Madame Gontier a aujourd'hui quarante-

deux ans. Elle est à Paris, sans ressources,dansun petit logement qu'elle a loué aux Batignolles.Lorsque madame Gontier a quitté la maisonconjugale, vous avez voulu faire le silence au-tour de cette rupture. Il vous a répugné de de-au tribunal une séparationqui vous eûtcertainementété accordée.

En effet, monsieur, j'ai songé qu'il me res-tait un enfant et j'ai tâché de lui garder un nomintact.

Eh bien en votre qualité d'avocat, vous nepouvez ignorer quelle est la situation légale quevous crée cette omission volontaire, et vous nesere? pas étonné que madame Gontier réclamede vous une pension annuelle de quinze millefrancs.

Je n'ai pas quinze mille francs de rente, ré-

pondit l'avocat. Mademoisellede Saint-Expillyaemporté avec elle le double de sa dot, et c'est unebrèche qu'il m'a fallu réparer. Toutefois je con-sens à lui servir une pension de cinq cents francspar mois.

Il faut quinze mille francs, reprit l'hommed'affaires, sans quoi madame Goutier réclamera

sa fille.Sa fille! s'écria violemment l'avocat, une

enfant qu'elle a abandonnéequand elle était en-

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core en nourrice I une entant qu'elle ne connaîtmême pas! Prenez garde, monsieur. J'ai souffert

en silence, menant une vie de travail et de deuil,cachant ma blessure à tous les regards; mais cescandale que j'ai évité, je ne le crains pas, et, s'ils'agit de défendre ma fille contre une femme per-due, j'accepterai le combat et je le ferai terrible.

Marie, appuyée sur le chevalet où se trouvaitle portrait commencé, sentait son cœur défaillir.Ses tempes battaient violemment, sa gorge étaitdevenue sèche; elle respirait péniblement,effarée, F

la bouche grande ouverte, l'oeil hagard.Heure sinistre pour la jeune fille, qui appre-

nait en même temps que sa mère vivait et quec'était une de ces femmes auxquelles on refusejustement le respect, une de celles que la famillerenie et que le monde repousse.

Des larmes de martyre coulaient silencieuse-ment sur son visage pâli elle sentait que quel-

que chose se brisait de l'autre côté du mur; à l'al-tération de sa voix, elle comprenait tout ce quedevait souffrir son père.

Monsieur, reprit l'homme d'affaires, je mesuis chargé d'une mission pénible, mais je doish remplir jusqu'au bout.

Faites, monsieur, faites 1 répondit M. Gontier, mon parti est pris. J'expliqueraimoi-mêmeles faits au tribunal, la séparation sera prononcée

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et je ferai à mademoiselle de Saint-Expilly unepension alimentaireque fixera le jugement. Puisje quitterai la, ville, j'irai m'ensevelir au fond dequelque campagne; mais je sauverai ma fille desatteintes de la méprisable créature qui ose me ladisputer.

Il y eut un instant de silence.Dans ce cas, continua le messager de

madame Gontier, ma cliente sera contrainte derecourir au seul moyen qui lui sera laissé.

– Que voulez vous dire?(– Affichant elle-même sa honte, elle avouera

que l'enfant né dans le mariage est la fille d'unautre.

Marie, fit l'avocat d'unevoix e'trangle'e,Ma-rie n'est pas ma fille? C'est là ce que vous dites?

Elle est votre fille d'après un axiome dedroit bien connu. Mais il y a dans le dossier dzmadame Gontierune série de lettres qui prouventque, au moment de la naissance.

-– Taisez-vous 1 dit à mi-voix M. Gontier,quelqu'un pourrait vous entendre. Et si ja-mais cette enfant apprenait le secret de sa nais-sance, elle en mourrait. Il se peut que je ne sois

pas son père, mais elle n'en sera pas moins mafille. Je l'ai faite mienne. Sans moi, elle seraitmorte dix fois. et je la garde! Retirez-vous.

Marie se traîna chancelante jusqu'àsa ebam- `

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bre, et, tombant à genoux devant une petite cha-pelle ménagée dans une encoignure, elle pleuraabondamment. Il y avait dans les paroles qu'ellevenait d'entendre bien des points obscurs, biendes détails qui lui échappaient. Ce qu'elle avaitbien compris, c'est qu'elle n'était qu'une étran-gère dans cette maison qui l'avait vue naître Cethomme si bon, si affectueux, si dévoué, qu'ellerevoyait penché sur son berceau, puis la portantdans ses bras quand elle était fatigue'e; cet hommequi était toute sa vie, elle lui avait volé sa ten-d "esse.Elle était une étrangère pour lui. Le quit-ter ? partir? Lui rendre la petite montre qu'il luiavait donnée Je jour de sa première communion,ce bracelet à son chiffre, ses parures de jeunefille. Aller quelque part gagner sa vie commeouvrière, comme servante. C'estcela qu'il fallait.Mais où se réfugier? à qui demander un abri?Sa mère? Ce nom si doux ne lui inspirait quede l'effroi. C'est cette femme qu'il s'agissait d'é-viter avant tout. Mais il n'y avait pas de tempsà perdre. M. Gontier allait la chasser sansdoute. Comment pourrait-ellesupporter ses re-gards ?

Tandis qu'elle s'abîmaitdans les réflexions lesplus incohérentes, côtoyant la folie, se levant

pour se précipiterau dehors, puis retombantsansforce sur sa chaise, on frappa doucement à laporte.

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Elle voulut crier mais un son rauque vintseul expirer sur ses lèvres.

La porte s'entr'ouvrit et M. Gontier parut.– Es-tu souffrante? demanda-t-ilavec bonté.– Oui. un peu. j'ai eu un tournement de

tete.Viens m'embrasser.

Il la serra longuementdans ses bras.– Je vais chercher le médecin, ajouta-t-il.--Oh! non, merci, c'est inutile. Cela va

mieux.Mon enfant, reprit M. Gontier, tu vas par-

tir pour la campagne dès ce soir. L'air de la villeest mauvais pour toi. J'ai une petite affaire à ré-glcr ici, j'irai te rejoindre après-demainet nouspasserons un mois, tout un mois, au milieu de

nos marronniers.Cela te va-t-H?– Oh! oui.– Tes robes sont-elles faites?– Oh je n'en n'ai pas besoin1

• –Commentcela?

• –J'ai réfle'chi que je vous occasionnais beau-

coup de dépenses. j'ai été un peu folle parfois.nais cela "n'arriveraplus. Vous travaillez trop,ct je me sens tout affligée quand je songe quec'est pour moi que vous vous donnez tant demal.

M. Gontier sourit tristement et, après l'avoirembrasséede nouveau, il sortit.

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Quand il rentra pour dîner, il paraissait pius:alme.

C'est à peine si Marie osa manger quelquesbouchées de pain. Il lui semblait qu'elle volaitcelui qu'elle avait toujours pris pour son père.

Après dîner, elle monta en voiture avec l'ins-Jtutrice et la bonne qui l'avait élevée, et en uneicure elle se trouva sous les arbres de la propriétéde M. Gontier, tout étonnée de ce qui se pas-sait. Comment I au lieu de la chasser, il la gar-lait chez lui, il s'inquiétait de sa santé? Ellesentait redoubler son amour filial et s'endormit;n murmurant

Oh! si, c'est mon père.

Quand l'homme d'affaires de madame Gontierje présenta de nouveau chez lui, l'avocat lui dit

Monsieur,le dossierque vous avez remis à'avoué qui s'est chargé des intérêts de madamejontier est maintenant chez le juge d'instruc-:ion.

L'homme d'affaires pâlit.L'opération dont vous vous êtes chargé,

:ontinua Gontier, est un simple chantage. Leavisseur qu'a suivi mademoiselle de Saint-Ex-pilly n'est arrivé dans cette ville qu'après la nais-sance de Marie, et les lettres que vous avez ap-portées comme pièces de conviction ont étéantidatées. Ce sont de simples faux. Je reconnais-

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bien là, du reste, l'œuvre de l'infàmc créaturequi porte légalement mon nom. Mais ce n'est

pas tout, monsieur; vous êtes son complice?C'est elle qui a tout fait, monsieur, ne me

perdez pas1

Soit; mais vous allez reconnaitre les, faits.Ecrivez.

Et M. Gontier dicta l'aveu de la fraude, quel'homme d'affaires signa d'une main tremblante.

Dites à cette femme, ajouta l'avocat, qu'elle

recevra chaque mois, à l'adresse que voici, la

somme nécessaire à son existence. Et, mainte-nant, que je ne vous revoie plus 1

Mais. le dossier?Je vais le reprendre moi-même en retirant

ma plainte et je le garde.

M. Gontier, passant par le cabinet où s'étaittenue sa fille, vit le portrait auquel elle travail-lait et comprit tout.

Il partit pour la campagne, fit asseoir Marie

sur un banc à côté de lui et, mettant la déclara-tion de l'homme d'affaires entre ses mains

Lis, ma fille 1 lui dit-il, puisque tôt ou tardtu devais apprendrece que je t'ai caché jusqu'à

présent.Marie lut à travers ses larmes et, se laissant

glisser par terre, elle couvrit de baisers les genouxde M. Gontier.

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– Ahl non! fit celui-ci, dans mes bras.dont nul ne peut t'arracher!

La paternité légale n'est qu'un leurre. Elleimposeà la famille les enfants adultérins,et c'esttout. Le maraudeur, celui qui se tient en dehorsdu mariage, échappera toujours à la loi. Qu'ilsoit le séducteur d'une jeune fille sans défense,

nqu'il soit l'homme à bonnes fortunes, amantd'une femme mariée, il n'y a pas de toi qui puissedonner un coeur à celui qui n'en a pas.

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FLEUR D'ADULTÈRE

Si MM. Chivot et Duru ont besoin d'un sujetd'opérette, je leur recommande l'adultère de laprincesse de X. tel qu'il ést solennisé par leGaulois. Jamais, je crois, rien de plus bouffon

ne s'est dissimulé sous les apparences d'une pc-dantesque grandeur.

Le lecteur n'ignore pas qu'à côté de l'écolenaturaliste, brutale et implacable dans ses récits,il s'est formé un genre de littérature à la gommedont le précieux Fervacques fut l'inventeur. Cinqou six chroniqueurs musqués, parlant et écri-

vant pointu, la bouche et le gilet en cœur, ontproduit l'article Veloutine, l'anecdote au pat-chouli, le courrier écussonné. Il y est questionde la petite marquiseet du désopilant vicomte;c'est une littérature qui s'étend, comme unetoile d'araignée, de la tourelle du château féodal

au clocher de Sainte-Clotilde. Le chroniqueur

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mondain y marche sur la pointe du pied, allant,suivant les circonstances, du bidet au bénitier,du boudoir de Léonie à l'oratoirede la duchesse.On trouve un peu de tout, dans ses articles, il ya de l'hostie et du poil.

« Vous vous rappelez, n'est ce pas, (c'est leGaulois qui parle) cette scène terrible que nousavons racontée il y a trois mois? Un mari, unprince, portant un fier et vieux nom, proprié-taire d'un château surgissant avec ses tourelleset ses cheminées ouvre'és, du milieu d'une petiteville du Midi. Le mari, souffrant, disait-on, mal-gre' de robustesapparences,délaissant sa femme,chc\ laquelle il ne pénétrait pas. »

(« Chez laquelle » est un chef-d'oeuvre.« II nepénétrait pas » en est un autre.)

Partez pour Lourdes, dit un jour la prin-cesse à son mari. Vous trouverez là-bas guérisonà mes maux et vous reviendrez un homme.

Le prince partit. En route, il reçutde son vieilintendant un télégramme « Revenez vite. » Ilfit chauffer un train spécial et revint,

bESCRIPTION

Le parc était tranquille, le château dormaitsous le ciel pâle. ('7rc")o/o h l'orchcstre.)

t. Nous avions la source jaillissante; nous aurons d<5-

sjrmai» le chiiteau surgissant.

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EXPOSITION

Le cœur battant, les tempes serrées, le prince

se dirigea vers l'appartement de sa femme. Avecla lame d'un couteau il fit sauter la serrure, et ilentra.

CONTRASTE

Un demi-jour tiède et parfumé flottait dans lachambre.

(Un demi-jour qui flotte?. Enfin!)

DRAMEF

Tout à coup, du lit dressé au fond, un hommese leva dans la surprise débraillée d'un brusqueréveil, tandis qu'une voix de femme poussait uncri d'effroi. Le prince est brave. Il s'élança, foude colère, sur cet homme qui était là, lui volantso-y honneur.

(Il paraît que le prince était arrivé justeij

DIVERSION

Mais, en même temps, la princesse s'étaitlevée.

(Elle-mé\rie?)Elle prit deux pistolets qui se trouvaient sur

un guéridon.

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(Les restes du souper, sans doute?)les donna à son amant et, se jetant sur son

mari, avec une force que la haine et le dangerdécuplaient,elle parvint à le maîtriser. Puis, setournant vers l'amant, avec des yeux où se li-saient en même temps toutes les rancunes de lafemme délaissée et toutes les adorations recon-naissantes de la maîtresse

Tue-le! s'écria-t-elle, mais tue-le doncl1(Voilà une princesse qui n'aime pas qu'on la

dérange.)Épouvante', l'amant laissa tomber les pistolets

et s'enfuit.Telle est l'histoire.Mais le dénouement?(Ah 1 oui, nous demandons le dénouement 1)

C'est ici que l'intervention de MM. Chivot etDuru est nécessaire.Le Gaulois continue

« Le prince aurait pu chasser sa femme. »(Évidemment,mais la chasse est fermée.)

« 11 aurait pu la tuer. »(A moins de la rater; cela s'est vu.)

« 11 ne fit rien. »(Comme avant son voyage à Lourdes?)

« II resta au château. La princesse aussi.C'était un supplice pour eux que cette vie côte àcôte. »

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(II me semble, au contraire, que leurs côtes secôtoyaient rarement I)

« Ils eussent préféré se séparer, mais ils crai-gnaient le scandale. Que faire?

» Le malheureux mari alla se jeter aux piedsde sa mère, demandant une consolation, implo-rant un pardon. Une grande et sévère figure quecelle de cette mère, la femmeimpeccabledans lestraditionsde la race. »

(Vous allez la voir, la tradition de la race!)1)

« La mère réfléchit pendantquelques instants;puis, d'une voix grave et vibrante

(Elle avait pris des leçons de Fargueil!)» Vous pouvezpardonner, mon fils, dit-elle.» Quand, dans notre familla, quelqu'un a

failli, on le chasse, à moins qu'il ne consente àvenir, à genoux et mains jointes, confesser safaute et demander pardon devant TOUTE LA mai-son ASSEMBLÉE.

» C'était dans les traditions solennelles de lamaison princière. Il n'y avait pas d'objection àfaire. »

II paraît que c'est une maison où on plaçaitsouvent des lapins. Au fait, il n'y a guère de:hâteau sans parc et de parc sans garenne.

Restait à consulter la princesse.Consentirait-elle à s'agenouiller devant les do-

nestiques assemblés?

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La princesseaccepta.A moi, Chivot et Durul Lccocq, prépare ton

luth1

ÉPILOGUE

« L'autre jour, dans le salon d'honneur duchâteau. »

(Pourquoipas dans le r salon du déshonneur? »)« Le prince se tenait très pâle, aux côtés de sa

mère, tous deux vêtus de noir, comme pour un,deuil. Derrière eux, en grande livrée, les domes-tiques, les gardes en uniforme, la carabine aupied; les piqueurs, la trompe enroulée sur lapoitrine. »

(C'est la trompe de la princesse que j'auraisvoulu voir.)

« La princesse entra. Arrivée devant son mari,elle s'agenouilla et, les mains tendues vers lui. »

(Sans pistolets, cette fois?)

« Elle murmura d'une voix faible -J'aiou-tragé la maison de mon mari. J'avoue ma faute.Ilumblement et repentante, je viens implorervotre pardon.

» Le prince s'avança vers sa femme.» Vous êtes pardonnèe, princesse. Relevez-

vousAPOTHÉOSE

Le soir même, le prince et la princesse par-taient pour l'Italie.

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Pour un bon sujet d'opérette, voilà un bonsujet d'opérette.

Cette façon discrète d'assembler tous les do-mestiques pour pardonner à une épouse coupa-ble sans l'humilier est le comble du Fervac-quisme.

Quelle grande tradition de famille1Un simple bourgeois, s'il avait pris la resolu-

tion de pardonner à son épouse, eût commencé

par changer les domestiques, afin que la femmecoupable n'eût pas à rougir devant eux. Maiscesgens-là ne sont pas dans la tradition.

Le prince, qui veut éviter le scandale, assem-ble ses piqueurs. Pourquoi pas la meute? Voyez-

vous la princesse agenouillée à la grande stupé-faction des chiens courants? Quel beau momentque celui où, le prince relevant son épouse, tousles chiens se seraient mis à remuer la queue!

Le blason eût ainsi reconquis tout son éclat.

Voici donc le prince et la princesse en Italie.(L'Italie est le refuge des grands désespoirs. Dans

les romans de i83o, quand on n'entrait pas aucouvent, on partait pour l'Italie, Le rideau peuttoujours baisser sur un départ. Mais le princepourra-t-il en faire autant? Il est resté bien peude (emps à Lourdes; la cure ne saurait êtrecomplète.

C:tte princesse est évidemment une nature

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ardente. Que va-t-il advenir? La contemplationdu Vc'suve n'est point un antispasmodique.

Le prince, d'autre part, a pardonné trop tôt.Qui lui a dit que l'homme qui s'est enfui n'apas laissé un petit souvenir dans les bras de samaîtresse? Et si, dans neuf mois, un prince inat-tendu venait à sortir du ndant, que faudrait-ilen faire?

La mère impeccable exigerait-elle que le petitse mît à genoux devant les domestiques assem-blés et devant les piqueurs la trompe enroulée?

Est-ce aussi dans les traditions de la famille?

Pauvre princesse! je voudrais la voir en Italie,détournant les yeux de tous les tableaux où l'onreprésente des gens agenouillés, et jetant des re-gards amis sur les pâtres de la campagne romaine1

Ma foi 1 si le cœur lui démange, elle sait main-tenant ce qu'il en coûte.

Alphonse Karr a raconté l'histoire d'un petitchien qui s'oubliait souvent dans son cabinet.Karr se levait, prenait le chien par le collet. luimettait le ne\ dedans.

Un jour que le chien avait sali un petit coinde l'appartement, il alla au-devant de la puni-tion. Tirant son maître par le pan de son habit,il l'amena devant le corps du délit. Une fois là,sans attendre qu'on l'y forçât, il se mit lui-mêmele nez dedans.

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Kb bien! si la princesse succombe encore àJa tentation, qu'elle n'attende pas l'avis de sabelle-mère. Qu'elle convoque elle-même tous lesdomestiques, puis, s'agenouillant devant sonmari étonné, qu'elle continue les traditionsde lafamille, en disant de nouveau

J'ai outragé l'honneur de la maison. J'avouema faute.

Au bout de cinq ou six fois, la belle-mèreet lemari en auront assez.

La mère impeccable s'écriera C'est une sciel

et le voyage en Italie sera supprimé..Songez-y, Chivot; pensez-y, Cantin. Judic

demandantpardon à la fin de chaque acte devantles piqueurs assemblés, l'effet est sûr.

C'est si beau, la tradition!

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LES DEUX NOCESÉTUDE NATURALISTE

I

Sous le hangar, à côté de la charrette, Barras-

son, étendu sur la paille, la tête appuyée sur unsac d'avoine, dormait à poings fermés. La bou-che entr'ouverte laissait voir des dents larges etfortes qui avaient gardé, par endroits, des bri-bes d'une sardine grillée que le robuste paysanavait mangée le matin avec une demi-livre depain noir. Barrassou avait fait ses quatre sillonsde vigne, en plein soleil. Sa chemise de toilebrune était ouverte sur sa poitrine velue quesoulevait une respiration puissante; au milieudu bouquet de poil étaient restés deux ou troisfétus de paille d'avoine et un petit caillou ter-reux que la pioche avait fait sauter jusque-là.

A la commissure des lèvres, la salive s'écou-lait lentement, formant une petite mousse d'é-

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cume d'où s'échappait de temps en temps unegoutte qui tombait sur le sol.

Les mouches se jouaient sur sa figure sans ré-vcillcr le robuste garçon; elles allaient de la ria-»rine à l'oreille, s'envolaient tout à coup; puis,décrivant un cercle rapide, elles revenaient seposer sur son front ou sur sa bouche, s'enivrantde sueur et d'aigreurhumaine.

Un sabot de Barrassou était resté au piedgauche; le sabot de droite avait glissé, et le pied

nu du garçon de ferme se dessinait, fortementestompé, sur la poussière grise. Ce pied avaitcinq doigts un orteil énorme avec un ongle decorne de cheval, bordé d'un large liseré noir, lesautres doigts bien alignés, n'ayant aucune, deces torsions causées par la pression des chaussu-res. Au-dessous de la cheville, une ligne blancheressortait comme si on l'avait tracée à la craie

sur une ardoise c'était le résultat d'un coup defaucille qui s'était trompé. La blessure fut vitefenr.de et il n'en restait que cette trace.

Il

De la lucarne du grenier à foin, un énormederrière jaillit tout à coup, croupe puissante dela Busotte, qui avait fini de ranger la paille etqui sortait en faisant face à la grange.

Son pied sortit de dessous le jupon et chercha

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e premier échelon; l'autre pied suivit; puis lepremier pied s'appuya sur le deuxième échelon.,le deuxième pied sur le troisième, et la Busottearriva bientôt à terre.

C'était un beau brin de fille; ses seins, commedeux moitiés de melon fortement vissées sur lapoitrine, étalaient au soleil deux frambroisesénormes.

ni

La Busotte s'approcha de Barrassou, et, ap-puyée sur la fourche de bois qu'elle avait des-cendue du grenier, elle contempla l'homme en-dormi. En face, les poules s'ébattaient sur unépais fumier où les bouses de vache mûrissaientau soleil. Un ruisseau d'un beau roux foncé sor-tait de l'étable et venait se perdre sous le fumier,emplissant l'air d'âcres émanations. Les vachespaissaient dans la prairie voisine et avaient laisséle ruisseau en repos. Des flaques blanchâtres lemarbraient çà et là, et on y voyait comme desfantômesd'épongés, madréporesdelà pourriture.

Un beau gars tout de même! murmura laBusotte.

A ce moment, une grosse puce noire quittabrusquement la poitrine de Barrassou, et, sau-tant sur le bras de la Busotte, disparut joyeuse-ment sous son aisselle, qui exhalait des senteursd'artichaut.

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La Busotte eut une idée, elle ramassa un tro-gnon de chou et le jeta à la figure de Barrassou.Celui-ci se réveilla et ouvrit des yeux effarés. LaBusotte se mit à rire aux éclats.

– Tu m'as fait une farce? s'écria Barrassou.– Tu dormais trop bien, dit la Busotte-- Encore, continua le garçon de ferme, si.

c'éxc- it pour medireque nous allons nous marier,^a me ferait plaisir.– Se marier? dit la Busotte, quand on n'aque quatorze sous par jour, ça ne promet riende bon.

J'aurai le champ de l'oncle Bibard! fit Bar-rassou.

Eh bien! quand l'oncle Bibard sera mortet que t'auras le champ. nous verrons.

Moi, je suis pour tout de suitel dit Bar-rassou; et, se dressant tout à coup, il empoignala Bjsotte par la taille.

Elle lui allongea un vigoureux soufflet, au-quel Barrassou répondit par un coup de poingdans le dos, qui retentit comme s'ilavait jeté unepierre sur un tambour.

La nature parlait en eux; un vague désir lespoussait l'un vers l'autre, mais, quand la Bu-sotte réfléchissait, elle avait peur de la misère.

A côté de ces deux êtres, toutes les forces dela nature s'étalaient dans leur splendeur. Latreille montait au mur en spirales bizarres, les

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pigeons roucoulaient, les mouches faisaient en-tendre leur bourdonnementartolé.

Dans le potager, les choux poussaient, ca-chant un cœur d'un blanc bleuâtre au milieud'un bouquet d'énormes feuilles vertes.

IV

Au fond de la basse-cour un coin était ré-servé, une sorte de réduit à pan coupé fermé parun treillage en bois, Les barreaux pourris étaientmaintenus en deux ou trois endroits par un lilde fer ou par un bout de corde solidement noué.Là se trouvait le toit à porcs une maçonneriegrossière, recouverte de tuiles à moitié briséesque la main d'un paysan avait ramassées dansles démolitionsde la ville voisine, Un gros ver-rou, tout rouillé, fermait la porte, et, sur le côté,

une ouverture garnie de deux barreaux de ferlaissait tout juste au groin l'espace nécessaire,

pour arriver à l'auge de pierre. Là, vivaientThomas, jeune porc âgé de dix mois, et Clau-dine, petite truie au mufle rose.

Le coeur de Thomas n'avait pas encore parlé;il avait vccu jusqu'à ce jour sans songer à autrechose qu'à l'eau de son, aux côtes de melon etaux cosses de fèves qu'on lui apportaitdeux fois

par jour. Quand il entendait tirer le verrou, ilapprochaitavec un grognement joyeux, et son.

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groin frétait dans l'auge le groin de Claudine,sns qu'il trouvât aucun charme à cette promis-cuité. Au contraire, il trouvait Claudine partrop goulue, et, plus d'une fois, il lui avait en-levé une pomme verte ou un morceau de bette-

ra-ie sur lesquels la jeune truie avait déjà jeté

son dc'volu. Elle était surtout friande de pruneset d'abricots; et Thomas était obligé de faire va-loir les droits du plus fort.

(Claudine, du reste, était fort gentille; elle avait

deax longues dents qui s'allongeaient sur salèvre inférieure, et les petits trous dont étaitpercé son groin avaient je ne sais quoi de mutinet de gracieux. Sa queue se contournait en vrilleavec des frémissements de panache quand elleprenait un temps de galop, et ses longues oreillesretombaient coquettement sur ses petits yeuxronds. Quand Claudine, repue, se couchait surla litière adoucie par les excréments onctueuxqui lui donnaient la caresse du velours, elle éta-lait un ventre rose, sans poils et orné de six pe-tites tétines sur lesquelles se jouaient les grâceset les ris.

Parvenu à l'âge de dix mois, Thomas sentaitvaguement qu'il avait des devoirs à remplir au-près de sa compagne. Il la cherchait le soir,quand le soleil était couché, et se sentait toutheureuxde sentir à côté de lui quelque chose detiède.

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V

Barbassou et la Busotte s'étaient rapprochédu toit à porcs. En les apercevant, Thomas eutcomme un éclair de divination.

La diik'rence des sexes, qui, jusque-là, avarété un mystère pour lui, se révéla soudainement.Il se jeta sur Claudine et lui appliqua des baisersfuribonds.

Ah mamzelle Busotte, soupira Barrassou,cet exemple ne vous dit donc rien?

Taisez-vous,murmura la Busotte, les bêtessont des innocentes.

Thomas est plus heureux que moi! sou-pira Barrassou en soufflant comme un souffte:de forge.

La Busotte, troublée, lui lança un grand coupde pied dans le ventre.– Toujours des farces 1 fit le garçon de ferme.

VI

Quelques semaines après, Claudine mit bas.En voyant ces petits pourceaux si gentils, sirieurs, courant autour de Claudine, la Busottedevint rêveuse.

C'est la famille, ça lui dit Barrassou.Vous aussi, la Busotte, vous auriez, si vous

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LES DEUX NOCES 377

vouliez, des petits autour de vous. la lait nevous coûterait pas cher pour les nourrir, et,plus tard, quand nous serions devenus vieux,ils iraient aux champs pour nous.

La Busotte ne répondait pas; elle contem-plait les petits cochons et son coeur battait à-rompre sa poitrine.

VII

La nuit était tiède.Tout dormait dans la campagne.

Un homme descendit prudemment du gre-nier à fourrages; il traversa la cour, et, soule-vant le loquet de la porte de la buanderie, ilmarcha vers le fond, où reposait la Busotte surun matelas; de paille de maïs.

1 lui mit brusquementla main sur la bouche,

en lui disant

– Tais-toil– T'es bcte! murmura la Busotte, je t'atten-

dais tu seras mon homme!Un mois plus tard, on publia leurs bans. A la

vills, on eût commencé par là; mais c'est sur-tout à la campagne qu'on met souvent la char-

rue avant les bœufs.

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FRIAND DE LA LAME

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tendant tes joueurs heureux à la porte tics tu-pots qui se décorent volontiers aujourd'hui du

nom de cercles.Il n'y avait plus rien à faire pour lui avec les

garçons; il les avait tous tapés et retapés; mais

aucun ne lui en voulait,et en apprenant sa mort,deux ou trois ont murmuré

Ce pauvre Rocaltierl Si j'avais su, je lui au-rais bien encore donné vingt francs. 11 n'étaitpas :1er, après tout, et il avait un beau nom 1

Hubert de Rocaltier guettait les jeunes â'barques de province à leur arrivéeParis. ilsarrivent tous avec un petit sac, et dans les pre-

( micis jours, ils ont le billet de banque facile.Hubert faisait passer sa carte; il portait« d'azurà la fasce d'or, chargée de trois merlettes desable, accompagnée de trois croissants du se-cond émail. Couronne de comte; comme sup-port deux lévriers. » C'est peut-être pour celaqu'il aimait tant le civet?

Ces armoiries éblouissaient les jeunes gens;on invitait Hubert à déjeuner et à dîner. Lui,suivait fidèlement sur le chemin de l'honneurle panache blanc de Rœderer. Le panache vertde la Suisse ne lui était pas davantage indiffé-

rent; si bien que M. de Rocaltier avait son pana-che à toute heure de la journée.

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M. de Rothschild ne peut s'imaginer combienil est difficile, à Paris, de mener la grande vie

avec une pension de 800 francs par an.C'est le problème qu'avait résolu Hubert.Tous les moyens lui étaient bons le rire,

l'effusion, la bonhomie, d'abord; la colère, lamenace, l'intimidation ensuite.

Il tirait l'épie comme tout le monde, mais ils'enhardissaitde l'idée qu'on ne va guère sur leterrain qu'une fois sur cinq.

Ce que cet homme a usé de témoins est vrai-ment incroyable. Quand on l'apercevait seul àune table de café entre trois et six heures, etqu'on lui demandait Qu'est-ce que vous faiteslà? w

Il répondait invariablementJ'attends mes témoins.Vous vous battez ?7

Demain matin, j'espère.Tantôt un « monsieur» l'avait regardé de tra-

vers.Tantôt un « voyou » l'avait coudoyé.Le plus souvent, un ami lui avait refusé vingt

francs.Des témoins! toujours des témoins! – On est

friand de la lame ou on ne l'est pas.

Un soir, au café de la Paix, Hubert s'étaitpris de bocK avec un voisin de table.

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Cin-i minutes après, une paire de témoins,d'autant plus gravesqu'ils étaientobligesde s'ap-puyer l'un sur l'autre pour ne pas tomber, entre-prenaient d'amener sur le terrain le plus paisi-ble des consommateurs.

Hubert attendait dignement, dans un autrecafi, le résultat de l'entrevue.

Kntre un ancien camarade, marié, riche, quisortait du théâtre.

– Hep! Bellefontaine!

–Tiens Rocaltierl qu'est-ce que tu fais làr

– Je viens d'envoyer des témoins à un indi-vidu qui a voulu faire le malin avec moi.

Où vous battez-vous?Je n'en sais rien.Eh bien 1 venez vous battre au Vésinet.

J'ai achetéune maison de campagne. Tu la ver-ras.

Au Vésinet?– Tiens! voici l'adresse exacte. Je prends le

train de minuit, je vais vous commander un dé-jeuner. je ne te dis que ça!

– Avec du champagne, hein?

– Chateau-Laffîtte, Latour-Blanche, Mou-lin-à-Vent et veuve Clicquot!

– Cela va I A demain, midi 1

– A demain 1

Le monsieur part; les témoins reviennent.L'affaire est arrangée.

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– Comment, arrangée? s'écrie Hubert.– II a fait des excuses.– Mais je les veux par écrit.

Elles sont par écrit.Je les exige absolument plates.– Klles sont plates.– Mais, sapristi! nous avons un déjeuner

chez Bellefontaine. au Vésinet, quelque chosed'exquis. Nous ne pouvons pas décemment aller

nous mettre à table comme cela. Il faut unealfaire! retournez auprès du monsieur.

– Il a filé.– Bellefontaineva croire que je suis un pique-

assiette.Commentfaire?Suivez-moi. Nous allons aller de cafj en

cifé jusqu'à ce que j'aie de'c roche un duel.Ce ne fut qu'au boulevard Poissonnière que

Rocaltier put mettre la main sur un homme debonne volonté.

Unconsommateursortait tranquillementd'unebrasserie. Hubert le poussa.

Faites donc attention 1

-'Attention vous-même 1

– Vous êtes un polisson!1– Et vous un drôle 1

Pift Rocaltier reçoit une jçifle.

– 0 bonheur murmurc-t-il.Les témoins interviennent; le monsieurcon-

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sent et, le lendemain, Rocaltier, le bras enécîiarpc, viciait les flacons de son ami Bellefon-tainc.

Quand un tailleur lui présentait sa note, Ro-•cnliier se prétendait offensé et envoyait des té-moins au tailleur.

Il usait de soixante-dixà quatre-vingts témoins

par an.11 se vantait, du reste, d'être un homme d'or-

dre, légitimiste et clérical.Quand il sentit venir sa dernière heure, il ré-

clama les secours de la religion.Le piètre lui fit des remontrances sur l'existence

décousue qu'il avait menée et lui exprima le dé-sir de trouver en lui un repentir plus complet..

Quand il fut sorti, Rocakierditau garçon dutaudis où il logeait en garni

Prends l'adresse de cet ecclésiastique. Ilm'a parlé sur un ton qui ne me convient pas. Sije ne remets. je lui enverrai des témoins.

Et il mourut.

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L'INFANTICIDE

IMPRESSIONS DU PETIT

I

J'ai chaud. Toutefois cette chaleur à laquelleje suis habitué, qui est ma seule sensation, quiconstitue mon essence même, cette chaleur neme suffit plus. Replié sur moi-mêmedepuis urrtemps que je ne puis fixer, j'éprouve le besoin deme détendre. Mes membres inférieurs s'agitent;il me semble qu'un état nouveau est proche –et qu'il va se passer quelquechose.

J'entends des cris étouffés au-dessus de moi.Il y a je ne sais quoi qui se brise; les liens quime retenaient sont rompus, il faut que je sortede cette impasse. De l'air! de l'airl deux mainsme saisissent et me tirent à elles. Je suis aumonde.

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Une voix dit C'est un garçon. Qu'est-ce quecela peut être qu'un garçon ? Je me le demande.

Je viens d'éprouversubitement une sensationde fraîcheur; c'est mon âme qui a envahi noncorps. Elle attendait sur la fenêtre le moment defaire son entrée; elle est absolumentfroide. Elles'installe, elle prend possession de mon corps, et,sans le faire exprès, elle m'enrhume.

M1

Je me trouve dans un état bizarre. Mes organesne peuvent encore me servir. Le présent m'é-chappe et it ne me reste aucun souvenir du passé.Il y a en moi comme un désir ardent de con-naître. La curiosité domine tout autre senti-ment. Je fais aller mes petites jambes, je remuemes petits doigts. Une femme celle qui m'atiré par la tête me plonge dans l'eau tiède;e[[e me lave. Le fait est que j'avais besoin de cebout de toilette; je ne sais où j'ai marché maisj'avais tous les membres recouverts d'une matièrequi reste au fond de la cuvette.

J'ai ouvert les yeux; j'entendsdes sons. Pour-rai-je les imiter! Ma foi! tant pis, je crie.

Cela n'a pas réussi; la femme me secoue. Jec< le de plus belle. On approche de mes tevres unensse remplie d'eau sucrée. Ce n'est pas mauvaisdu tout. Quand j'en voudrai, je crierai encore.

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K~ me couche à côté d'une autre femmeétendue sur un lit. On n'y est pas mal. Quellepeut être cette femme? elle est malade, elle a lafièvre. Cela doit être ma mère. Je la regarderaidemain; mes yeux sont encore trop faibles pourque je puisse me rendre compte de son physique.Je t'ai trouvée fort bien à l'intérieur; je puismcme direqu~clie est confortable; reste à savoirsi l'extérieur répond à ce que je connais d'elle.

HtC'est donc cela la vie 1 Pourquoi, comment

ai-je été tiré du néant?Tout ce que je vois se grave dans mon cerveau.

Que d'explications j~aurai à demander plus tard r

Les idées m'arrivent en foule, mais trahi par mesorganes, il m'est impossible de les exprimer. Jecomprends tout et je ne puis rien dire. H me fau-dra un lent développement, un stage de plusieursmois avant de pouvoir seulement dire maman.

Mais, j'y pense, où est donc papa? n'y a pasd'homme ici. Ma naissance cacherait-elle unmystère? Suis-je riche? suis-je titré? ou bien,enfant du hasard, me faudra-t-il lutter en mêmetemps contre le préjugé et contre les besoins ma-tériels de la vie?

Ecoutons sans en avoir l'air.

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IV

M~ M!RH. – Vous lui avc~ bien porte lesjj.trcs?

L\SA~R-Ft.MaE.-–Jelui ai remis la dernièreajui-tiicme.

M~ Mn<E, <!rcc un profond ~o!~)'r. – Etqu'a-t-it répondu?

LA S~GE-Ft;MMH. – !t a teve les épaules et ilm'a dit Cela ne me regarde pas. Tant pis pourciïe!

M~ MfRR. – H n'a pas même voulu votr son.enfant?

L\ SACE-FEMME. – Je l'ai pr! supp!ie~ rienn Y a fait. Il m'a repoussée en disant qu'u~ petitemployé à douze cents francs était plus pauvrequ'une femme de chambre. Que vous n'aviezqu'à mettre votre enfant en nourrice et à tâcher<~e vous replacer. Vous n'avez rien à espcrer decet homme-la.

MA MtRE. – Il me disait qu'il m'a!ma!t. Ilm'avait promis d~ m'épouser!

LA SAGn FuMME. – C'est toujours la mêmehistoire~ ma pauvre fille.

MA MpRK. – Que vais-je devenir?LA SAGE-FEMMK. – Ne vous faites pas de cha-grin en ce moment, cela ne vous vaudrait rien.Je suis payée pour huit jours; ainsi vous avez

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encore cinq jours de bons. On vous trouveraune place et, avec de l'économie, vous élèverezle petit.

Ma mère ne répond pas. Des larmes sortent deses yeux. Je fais un mouvement pour me rap-procher d'elle, mais elle me repousse. Que nepuis-je la consoler, la serrer dans mes bras1

Elle ne m'a pas embrassé. pas la moindrecaresse. Elle souffre doublement,au physique etau moral. Mais je n'y suis pour rien. Lui ai-jedemandé de me mettre au jour? Est-ce ma fautesi elle s'en est laisse conter par un employéde ma-gasin ? Si elle avait été plus habile, elle m'auraitdonné pour père un homme riche et généreux.

Elle m'a jeté un regard de haine. Dissimulons,car je crois que je file un mauvais coton.

V

La nuit a été assez bonne. La sage-femmevient d'entrer.

!I faut donner le sein au petit, dit-elle.Qu'est-ce que c'est que cela? Elle me place la

bouche sur une boule. Je crève de faim. Mafoi, tant pis, je me risque.

Tiens! mais c'est très-bon. Allons-y gaiement.La sage-femme me retire et me couche. Un

peu plus j'allais me griser. Je sais où c'est main-tenant, j'y reviendrai.

Ma faim est passée, dormons. `

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VI

Le huitième jour est arrivé. H faut partir. Onm'a enveloppédans une vieille chemise recou-verte d'un morceau de tapis. Ma mère me portesur ses bras, nous voici dans la rue.

Dieu 1 que c'est curieux! tous ces gens qui vontet viennent,cesgrandes caisses qui roulent, traî-nées par des animaux vigoureux qui s'appuientsur leurs bras, tandis que leurs jambes s'agitentpour les pousser. Quel bruit, quel mouvement!1.

Passe une longue boite noire sur une espècede voiture. Tout le monde ôte son chapeau. J'en-tends dire « C'est un mort! x Un mort c'est

un ancien enfant qui s'en retourne d'où il estve/tu. Ma mère marche, marche toujours. Nousarrivons devant une sorte de boutique Bureaude placement. Je ne sais pas lire, mais je

devine. C'est mon aine qui a la connaissance deschoses. !1 va falloir apprendre péniblementtoutce que je savais avant de venir au monde.

Ma mère cause avec un homme qui a des che-

veux gris et des morceaux de verre sur les yeux.Débarrassez-vous d'abord du petit, dit-i!-Ou y a-t-il un bureau de nourrices? de-

mande ma mère.Dans la rue à côté au numéro y.

La vue des nourrices me réjouit. Tous ces

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restaurants ont vraiment bon air. Deux ou troisont d.'j.\ mis le couvert, des enfants tètent avecardeur. Aucun d'eux ne m'invite à déjeuner. Vilcfdsme

v 11IVU

On discute les prix. Pas m~ins de vingt francs

par mois; on parte de trousseau. Ma mère ditqu'e))e ne peut pas et me voilà de nouveau dansla rue.

J'ai faim, je crie. Ma mère s'assied sur unbanc et me donne je sein.

K))e a t'air farouche; elle murmure des parolesincohérentes.

Je sens que je suis de trop; mais qu'y faire?KUe se lève et continue sa route; je m'endors.

VIIIQuand je rouvre les yeux, il fait sombre. Nous

sommes au bord d'un canal. Deux ou trois fois,je sens que ma mère fait un mouvement pourm'y jeter. Heureusement,un passant succède à

un autre. On la verrait. je suis sauvé 1

Elle semble prendre une résolution elle mar-che d'un pas décidé.

//<~t'/ ~!rH<. 0/! ~0~6 à la nuit.

Elle entre. On lui donne une lumière, nousmontons nous montons toujours.

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Une petite chambre; une couchette et deuxch.nscs.

Ma mère me dépose sur le matelas 'qui mescm'~c dur. Que va-t-il m'arr!vcr?

f.cs heures se suivent.Tout à coup, ma mère me saisit; elle me met

une main sur la bouche et me frappe la tcte surle carreau. Ses yeux expriment la terreur, elleregarde du côté de la porte et me serre le coupour que cela finisse plus vite.

J'ai horriblement souffert, puis la séparationde Famé et du corps s'est faite. Je suis mort.Mon âme me regarde et ne m'abandonne point.

C'est elle qui termine ce mémoire.Ma mère m'enveloppe dans un châte; elle va

au bout du corridor et me jette dans une sortede cuvette qui est l'orifice d'un long tuyau. Jedescends, je descends. Quel horrible séjour!Ayant perdu l'odorat, je souffrecependant moins

que je l'ai craint un instant.Mais je m'ennuie horriblement; il y a bien à

droite et à gauche quelques pages déchirées des

romans à la mode, mais je suis trop triste pourm'adonner à la lecture.

!X

Le temps s'écoule. Mon âme deva't demeurerau.)chée~ pour une durée de soixante-cinq ans,

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au corps qu'avait foutni ma mère. Malgré la vio-lente séparation qui a eu lieu, la loi reste lamême; l'âme aura soixante-cinqannées à resterA côte de mon cadavre d'abord, de t.ion squeletteensuite.

Des coups de pioche. L'air et la lumière pénè-trent jusqu'à mes restes mortels. On les étale augrand jour.

Ma mère est en prison; elle doit répondre ducrime qu'elle a commis en me privant de l'exis-tence.

Nous voici en cour d'assises. Ma mère est entredeux gendarmes. Quant à moi, je suis divisé.Mon corps est dans un bocal et mon âme sur lecouvercle.

On interroge ma mère. Elle avoue tout.Un homme se lève et demande contre elle une

punition exemplaire.Puis son avocat prend la parole.Dieu que cet individu parle malt Ah 1 si je

pouvais prendre la parole pour la défendre!Pauvre femme!

Elle est condamnée à cinq ans de réclusion.Quant à mon père, il n'est pas venu à l'au-

dience. Au moment même où on entraînaitmaman dans la prison, il prenait un verre debière sur le boulevard Ornano.

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.Je vois maintenant ce qui serait arrivé sij'avais vécu. Après avoir traîne une existencemisc'tjble jusqu'à l'âge de vingt-huit ans, j'au-rais tué ma mère d'un coup de couteau pourlui prendrequatre-vingtsfrancs dans son armoire.On m'eût coupé la tête quelque temps après.J'aime autant avoir été arrêté au seuil de la vie.

Mon corps renaîtra sans cesse, la première fois

sous la forme de chicorée, puis sous ceUe de choude Bruxelles. H sera tour à tour fruit et légumejusqu'à l'extinction des siectes. Quant à monâme, comme il lui est dû une compensation,dans quetques années cite animera le corps d'uanouveau directeur de l'Opcra.

x

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L'ORANG-OUTANG

Il se passe en ce moment, à Paris, un faitinouï, d'autant plus odieux qu'il s'étale in)pu-demment en pleine civilisationcomme la chosedu monde la plus simple. Comment ne pas si-;;nalcr l'indignationpublique un cas de déten-tion arbitraire que la police et l'autorité semblentencourager par une coupable indifférence? Tou;esclave qui touche le sol de la France est libre.Tout étranger qui se trouve, volontairementounon, sur notre territoire, doit y trouver aide e~protection. Eh bien un père et son enfant, unbébé de trois ou quatre ans, sont enfermés dansune cage en fer, privM d'air et de lumière, ayantà peine l'espace nécessaire pour se retourner sureux-mêmes.

On les a pris par trahison le père, la mère etl'enfant. Ils étaient libres, heureux, ne devantrien à personne, quand une troupe d'aventuriers

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s'cst avi~'e Je creuser une chausse-trapc devanthabitationde cette famille. Le père y est tombé,

<;t~ comme on craignait sa colère et son indigna-tion, on l'a réduit par la famine. Il est resté làcinq jours et cinq nuits, sans boire ni manger.Quand il parut suffisamment affaibli, on le lia{-otidement avec des cordes et on lui fit prendrequc!ques aliments, juste ce qu'il en fallait pouri'cmpccher de mourir. Lui captif, on avait eu fa-

citement raison de la mère et du petit. Tous troisfurent embarques, et le navire fit voile vers laI~rance.

La jeune mère succomba pendant la traversée.Les émotions violentes qu'elle avait subies, ledcscspoir de son époux avaient troublé sa raison

et ruiné sa santé. Son corps fut jeté à la mer sousles yeux mêmes de son enfant.

Après les Lapons, les Groe.itandais, les Gau-chos et les Nubiens, M. Geoffroy Saint-Hilaire

a voulu montrer su pub!ic parisien l'Aon'ne desbois et son fils, le bcbj des bois.

Je suis a.He voir ces descendants des Trog!o-dytes. Jamais spectacle plus navrant n'a été of-fert en pâture à lacuriositJ inconsciente. Pourceux qui. comprennent,c'est un drame épouvan-table qui s'agite dans une cellule de fer.

L'homme des bois est assis ou étendu sur deux

loutres qui lui servent de siège. Son attitude est

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celle d'un morne désespoir; le front entre lesmains, il songe, il médite. Use rappelle cettecompagne qui n'a pu supporter les horreurs dela captivité; il évoque par le souvenir les grandessolitudes qui l'ont vu naître, la foret profondequi a été le berceau de son enfant. Tout jeune,il s'est trouvé en face de la nature, sous les épaisfeuillages qui l'abritaient des rayons du soteil.Oh les beUes nuits étoilées sous le ciel transpa-rent où la lune jette un tel éclat que les fleursapparaissent avec toute la vivacité de leurs cou-leurs 1 L'homme des bois revoit les grands lacs

et les ibis roses, les plantes'des tropiques, do.ttles feuilles s'étalentcomme des dômes; les arbresgigantesques, ces clochers de la solitude; tes ro-chers d'où l'eau retombe en cascade, et le fleuverapide où il se jouait le matin. OU sont les oi-seaux aux ailes rouges et au ventre bleu quichantaient au-dessus de sa tête? Où sont les ga-zelles qu'il voyait courir devant sa hutte? et lesfruits savoureux qu'il cueillait en étendant lamain?

L'hommedes bois regarde autour de lui unbouge obscur, des barres de fer, une odeur nau-séabonde et, à ses pieds, des singes bizarrementaccoutréequi ont donné vingt sous pour assisterà son humiliation et à sa douleurl

Les mâles ont sur la tète une coiffure inexpli-cable, semblable a une rondelle coupée dans une

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branche d'ebenier; les femelles portent des es-paces de champignons prétentieusement poséssur)ccôté.

– OU suis-je?pense le troglodyte. Où m'a-t-onconduit? D'un. revers de ma large main, je ren-verserais cette troupe de curieux et d'insulteurs,mais je ne puis rien contre ces barres de fer.Suis-je à tout jamais perdu? Mon fils doit-ilvivrs et mourir dans l'esclavage?

Alors, cet être fond en larmes! De vraies lar-mes coulent de ses yeux. Et le petit arrive toutdoucement, lui passe un bras autour du cou etd'embrasse pour le consoler. L'hommedes bois

serre son enfant contre son cœur, il le caresse,puis il le repousse doucement et, laissant de nou-veau tomber son front entre ses mains, il reprend

ses méditations.

Pour distraire le petit, on lui a donné un singe

avec lequel il joue. Ce singe, c'est son nègre, àlui. Il le saisit, lui fait faire l'exercice, lui donnedes ordres. C'est le jeu du petit châtelain avec lefils du paysan, l'égalité provisoire. Les petitscréoles s'amusent ainsi des négrillons. Le singen'est pas sans avoir saisi la différencequi existe~ntre lui et le jeune orang. Dans la forêt, le singeest peuple, l'orangestbourgeoisougentilhomme.

Le père est descendu. H a pris une couverture

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jetée sur la paille. !t h déploie lentement, h se-coue pour en faire tomber les brins de paille etla poussière; puis il la plie en deux d'abord,puis en quatre. H l'ëtend avec précaution,y cou-che son enfant et le recouvre soigneusement. IL

le regarde un instant, lui prend un baiser sur lefront et, s'étendant à côté de lui, il se frappe lapoitrine, comme pour dire Est-ce possible? Ertsuis-)e réduit !â pour toujours?

Je vous le jure, ce désespoir est navrant.

« C'est une belle cause a plaider au tribuna!de la philanthropie, a dit Méry, que celte des

orangs-outangs. fOn trouve des traces de cette race sauvage à

toutes les époques de l'histoire. Hannon, le ccte-

bre amiral carthaginois, raconta qu'au cours de

son exploration en Afrique il avait rencontre desfemmes velues. Aucun des mates ne put êtrecapturé, mais on tua trois de ces femmes, dontles peaux furent suspendues dans le temple de·

Junon.Le gorille se trouvait en Scncgambic et se ren-

contre encore dans l'Afrique équatoriate.L'orang-outang habite Bornéo; il recherche

les forets et le bord des fleuves. Là seu!ement il

peut se mettre à l'abri de la persécution del'homme.

Les orangs et les gorilles sont plus ingemeux

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que certaines tribus reconnues pour appartenir.tala race humaine. Ainsi, les Feugiens, ou habi-

tants de la Terre de Feu, ne savent pas se cons-truire des abris. ils gîtent. L'orang et le gorille,

au contraire, fabriquentdes hamacs attachés p.u-dcs fiancs. Us y couchent quand il fait beau;

dans la saison des ptuics, ils s'abritent dans des.

huttes coniques, faites de branches et recouvertesd'ccorccs d'arbre. Non-seulementils ont un do-micite et un lit, mais ils se font des couverturesde feuilles et d'herbe sèche.

Faut du Chaillu, dans son voyage au Gabon,déclare que l'agonie du gorille rappelle d'unemanière effrayante celle de l'homme. « Je n'ai ja-mais, dit-il, éprouvé, après avoir tué un gorille,

cette demi-indifférenceou ce moment de triom-phe d'un chasseur qui a réussi son coup defusil.

Dans un autre passage, it avoue que, devant le

goriiïe expirant, il a été obligé de détourner tes

yeux.C'est que la voix sëvëre de la nature lui disait

nettement qu'il venaitde commettre unassassinat.

« Tuer un Arabe, c'est tuer un singe, f m'adit un zouave. Singe est bientôt dit.

L'hjmanite a commencé par habiter les ça-

vernes. Le souvenir en est reste; cette époques'appelle l'âge de pierre. !t n'est pas déjà si t'toi-gnë de nous.

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Troglodyte est le nom d'un ancien peupled'Afrique qui vivait dans les cavernes. Qu'estdevenu ce peuple? N'est-ce pas lui qu'on re-trouve au Gabon et ailleurs, dispersé par la per-sécution ?

L'orang marche debout; la plupart du. tempsil s'appuie sur un bâton. De ce que ce b~ton n'apas une pomme d'or, faut-il en conclure que cen'est pas une canne? L'orang a son che, lui. M

a le sentimentde la famille, On ne rencontre ja-mais deux adultes mâles sous le même toit; doncil est jaloux, il a l'idée de l'adultère et il veille àla sûreté de sa maison.

Le petit n'a presque pas de poils. Ce n'est queplus tard que la nature supplée le chemisier et le

tailleur.La Genèse nous apprend que les descendants

de Caïn épousèrent des guenons du pays de Ned.Leurs descendants expient encore un fratri-

cide pour lequel il y a prescription.Donnez doncune Indienne, une femme quelconque à unorang; continuez le croisement pendantdeux outrois générations et vous verrez le résultat.

Les mains démesuréesde l'orang s'expliquentpar la nécessité où il se trouve de monter aux ar-

.bres et de gravir des cimes. Un jeune orang,élevé dans un séminaire, aura les mains plus'petites. A la troisième génération, il pourra met.tre des gants. Qu'on lui coupe les cheveux et

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qu'on lui fasse la barbe; qu'on l'habille dans unmagasin de confection et qu'on lui mette desbo.tes.vousaurezKM monsieur tout comme unau:re.

Un orang-outang, élevé par Jeffries, se lavait

tous les matins les mains et la figure; puis il pre-nait une éponge et lavait le parquet de sa cage.

Un autre se montrait très aimable envers tous .T

ceux qui lui parlaient avec douceur. Il embras-sait son maître et son gardien comme le ferait UIlhomme. H mangeait avec une cuiller et unefourchette et buvait dans un verre.

ï Ces animaux, disent les naturalistes, nepeuvent pas vivre longtemps en Europe; lanhthisietesemporte.*Jt

Ainsi donc, le sort du prisonnier de M. Geof-

froy Saint-Hilaire est connu d'avance. II mourrade phthisie, et son fils ne tardera pas à le suivredans la tombe.

AHez donc voir ce pauvre innocent verser sesdernières larmes! Assistez à cette douleurmuettequi a quelque chose d'effrayant1

Bien audacieux celui qui, en sortant, dira Ce

ne sont pas des hommes Et vous, prêtres, quiavez baptisé le petit Mortara, regardez bien cesétrangers, ce père et cet enfant, et dites-moi si

votre conscience n'est pas troublée quand vous

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faites une ditKrence entre les hommes des bois etles hommes des villes.

Puissent ces lignes tomber sous les yeux del'insulaire qui gJmit au Jardmd'acd!mat.u!on!Qu'i! sache bien qu'il n'aura point passé parmi

nous sans que son malheur ait au moins éveilléque)qucs sympathies!

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UN PRÊTRE MARIÉ

Apres avoir longtemps lutté contre t'aiguittonde la chair, M. l'abbé Vidal, vicaire d'une églisede province, s'aperçut qu'il n'était pas le plus fort.Contrarie dans sa profession par des insomniespleines d'agitation, troublé dans son ministèrepar les regards des jeunes personnes, t'abb: Vidalse demanda comment il pourrait sortir convena-Mcmcnt d'une situation par trop périlleuse.

Désireux de rester fidèle à ses vœux, il absorbades quantités prodigieuses de camphre et de né-nuphar it s'astreignità faire chaque jour quatreiiejes à pied, et, comme cet exercice ne suffisaitpas à le protéger des embûches du démon, il eutle courage de se lever tous les matins à cinqheures et de se mettre à fendre du bois.

Efforts inutiles 1 vaines précautions! t'abbécontinua d'être hantépar des visions impures. Illisait presque chaque jour dans les journaux

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qu'un prêtre s'était enfui après une aventuregalante qui venait de scandaliser toute une ville,ou qu'un frère venait d'êtrccondamnépour avoiroffensé la pudeur de quelques enfants confiésàses soins.

Le pauvre Vidal tremblait de tous ses mem-bres je dis de tous en lisant ces désolanteshistoires.

!t se jeta dans l'étude, et, ayant repassé lesPères de l'Eglise et les ouvrages anciens, il recon-nut que les prêtres de la Grèce et de l'Asie-Mi-neure étaient mariés. Une seule classe de prêtresobservaitlecélibat, les prêtres de Cybèle, mais ilsse muti!aienteux-mêmespar attusion au supplicequ'on avait fait subir au malheureux Attys.

En étudiant l'Ancien Testament, l'abbé Vidât.n'y trouva pas un seul exemplede chasteté abso-lue. Enoch, Abraham Isaac, Jacob, Moïse,Aaron, Samuel et tous les Nazaréens étaient

maries.

Saint Paul, le seul des apôtres qui prêcha lesdoctrines ascétiques, ne défendit cependant lemariage ni aux évêques ni aux diacres. De sonaveu même, quand il conseille le célibat, il n'apas d'ordrede Dieu.

La questionde droit était établie le christta-nisme primitif ne défend pas le mariage auxprêtres.

Lorsque la Révolution de 1789 renversa l'an-

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c!cncdificesocia),unefou!edepretrescatho)iquesa

se marinent; le pape, quelque temps après, necassa pas les mariages conclus, mais défendit

pour l'avenir tout essai de ce genre.

L'abbc Vidal, convaincu qu'il ne commettait kJ

point un péché mortel, mais une simple deso-bci~sance, se rendit chez une dame veuve, saperitente depuis quelque temps, et lui demanda L

sa main.MadameveuveRotin étaituneagréable bour- `

gcoise, âgée de trente-quatre ans à peine, et enpossession d'une modeste fortune.

<

Elle fit d'abord quelques difficultés; maisi'abbe Vidal leva bientôt ses scrupules en luicommuniquant les textes, et ils allèrent semariera l'étranger pour éviter le bruit.

Quand M. et madame Vidal furent rentrés enFrance, l'abbé ouvrit une chapelle libre dans

un des faubourgs d'unegrandeville et fit annon-cerqu'il se chargeait de bénir toutes les unionsrepousséespar les évêques, telles que catholiqueet israélite, bouddhisteet protestant, arménien etmahométan, etc., etc. qu'il acceptait égalementd'accorder les dernières prières et l'enterrementreligieux aux comédiens et aux suicidés. L'abMprêchait assez bien; il était d'une humeur bien-veillante, et une certaine clientèle suivit ses ser-mons et ses offices avec une assiduité que be&

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coup de ses anciens collègues eussent dc'sirë voirà leurs fidèles.

La première année, le ménage fut excédentmadame veuve Rotin, devenue madame Vidal,semblait se trouver parfaitoncnt heureuse avecl'époux de son choix; mais, peu à peu, son ca-ractcre sembla s'aigrir, elle devint jalous- et semit faire des scènes à son mari.

Voici quelle fut la conversation de M. et ma-dame Vidal dans la matinée du !5 février 1880

MADAME VfDAi.. – Tu sors, mon ami?L'Acné.–Oui.Tu sais bienque j'ai un bap-

tême à neuf heures et une messe d'enterrementà dix heures et demie.

MADAME V)D\L. – Tu t'absentes beaucoupdepuis quelque temps.

L'ÂBBÉ. Le devoir avant tout 1

MADAME VfDAL, ~7-OMn! – Le devoir, ledevoir est-ce bien sûr?2

L'ABBK. – Que voulez-vous dire?MtDAME VIDAL. Qu'est-ce que c'est que

cette femme btonde que j'ai vue deux ou trois foisde suite au confessionnal ?2

L'ÂBB~. – C'est une de mes pénitentes.MADAME ViDAL. Elle se confesse bien sou-

vent. pour une femme honnête1

L'AtBÉ. !t ne m'appartient pas de l'éloignerdu saint tribunal,

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MADAME V)DAL. – Depuis quecette dame vousa pris pour confesseur, vous avez souvent desdistractions.

L'AaeÉ.–Moi, ma chère amie?MADAME V)DAL. –Oui, vous. Voici deuxsoirs

de suite que vous m'avez refusé de faire une par- .y, ?tièdebesigue.t

L'ABp.É.–Jepréparais un sermon.MADAME V'DAt.. Hier, quand j'ai voulu

sortir, vous avez refuse de m'accompagner.f/ABBE. -J'avais à lire mon bréviaire. Je ne

p:)ispasiiremonbréviaireavecunefemmeaubras.(Un silence.)MADAME VIDAL. – Feu M. Rotin n'était pas

ainsi.L'ABBH. – C'est qu'il n'avait pas les mêmes

obligationsque moi.MADAME ViDAL. Il me conduisait souvent

authcatret1L'ABB~. –Jenepuisvraimentdonnerl'exem-

ple de la fréquentation de ces antres du péché.

MADAME ViDAL, <'r!<~Mcm< Adolphe!L'ABBE. Chère amie?MADAMHV'DAL.–Dis-moi ce que te raconte

celte dame blonde au confessionnal?L'Aa' Ce sont là des secrets que je ne puis

trahir.~!ADA~~E V)DAL. – Un bon mari ne doit rien

avoir de carhj pour sa femmeI

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L'Axct' !.cs confidences s arrêtent ou le~aintministerecommencc.

MADAME V'DAL, ~<? /6)'(ÏH~ C~ lui passant(7;<~OKr du co!<. Mon gros loulou, je t'en prie,dis-moi ce qu'elle te raconte.

L'ABBÉ. C'est impossible.MADAME V)DAL. –Je suis sûre qu'elle te fait

des potins sur mon compte 1

L'AsEÉ. Elle ne te connaît pas 1

MAnAME VIDAL. -Si tu devenais veuf, l'épou-serais-tu ?(

L'Acsi' Mais elle a un mari 1

MADAME V'u'.L. – Alors pourquoi vient-elleraconter ses affaires au mari d'une autre femme?

L'AaBÉ. C'est pour mettre sa conscience

en repos.MADAME VIDAL. Elle en a donc besoin?L'ABBH. Ma chère amie, je t'en supplie, ne

me fais pas parler!1MADAME YjDAL. Te rappelles-tu, Adolphe,

quand j'allais me confesser et que tu me faisaisla cour?

L'AcBÉ, avec dignité. C'était pour le bonmotif.

MADAME ViDAL. Mon chéri, je ne veux plusque tu confesses cette dame.

L'ABBE. Quelle singulière idée Tu m'asdéjà fait perdre deux enterrementsla semainedernière et un mariage lundi passe. Ce n'est pas

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en agissant ainsi que nous pourrons faire aller lepot-au-feu.

MADAME VtDAL, d'un ton gracieux. Si lebon chéri à sa petite femme veut !m raconterl'histoirede la dame blonde, la petite femme serabiengentille.

t/ABBR. -C'est la curiosité qui a perdu notrem~re Eve!1

MADAME VIDAL. Dis-moi tout. et je te

donnerai un bon baiser sur ta tonsure 1

L'ABBÉ. Ne me tente pas, serpentIMADAME VIDAL. Non, vois-tu, Adolphe, si

tu me trompais, j'en deviendrais folle 1

L'ABB~. -Chasse ces idées, Mélanie.MADAME VtDAL. Je ne te quitte plus, je vais

à ce baptême avec toi. puis je resterai assiseauprès du confessionnal. `

L'ABBÉ. Cela peut éloigner certaines per-sonnes.

MADAME VIDAL. -Tant pis 1

L'ABB~. – Tu me feras perdre toute ma clien-tèle.

MADAME V)DAL. Eh bien 1 nous irons nousétablir à Paris.

L'ABBR. Et, d'ailleurs, tu t'ennuieras de

passer toute la journée dans le templeMADAME VfDAL. -J'emporterai un ouvrage de

tapisserie (~e met son chapeau.)

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L'AcBK. Je t'assure, Mctanie, que ce çapriée nous fera le plus grand tort.

MADAME VfDAL, d'un ton r~o/M. Votre bras,mo~ ami.

L'ABBÉ. Ah 1 pourquoi me suis-je marié?Mu~AMH VtDAL.–Taisez-vous.dcfroq'jet1

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GUIBOLLARD

Chaque homme a son heure. Après Zola, Gui-bollard. Le moment est venu de tracer le portraitdu personnagequi est si rapidement devenu popu-)a!rc. Les journaux anglais et américains citentsouvent des traits de sir Guibollard; les jour-naux espagnols mêmes se sont occupés de ~MC!<~o//jr~o. Son nom est, à la même heure,jeté à la foule dans les quatre parties du monde.H est temps de rcc)amer Guibollard nous appar-tient, GuiboHardest Français.

Au physique, figurez-vous l'acteur Pradeauhabim avec la dernière étegance; redingotepuceà coUet de vctours soigneusement boutonnée,.pan:alon gr!s-p.e, chapeau toujours frais. Nesortant jamais sans avoir vingt-cinq louis dans

sa poche et un billet de mille francs dans sonportefeuiHe.

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Au moral, le bon sens de Joseph Prudhommegreffe sur la naïveté de Calino.

La première fois que je le rencontrai, c'était

au pavillon d'Armenonville.

– Apres vous le journal, monsieur, me<<:t-il.

C'était le Siècle, que j'avais trouvé sur unetable en arrivant. Je m'empressai de le lui faire

passer.Vous excusez mon indiscrétion? reprit-il

avec un sourire des plus aimables.– Commentdonc, monsieuri– Je lis indifféremment tous les journaux,

continua Guibollard.Peu vous importeFopinion'qu'iisrepresen-

tent?Absolumentégal. Ay nt des idées arrêtées,

rien ne me fera dévier de /oie que j'ai adoptée.

– Monsieur est legitimis c ?

Pas précisément.Orléaniste?

– Je ne le suis plus.Républicain?

– Presque.– Ma! alors?Guibollar~se rengorgeaet laissa retomber ces

mots, qu'il scandait avec solennitéJ'appartiens au groupe de la masse flot-

<<!HfC/

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A partir de ce jour, je m'attachai à ce brave-hoi)me, exploitantimpitoyablementle filon quej'avais découvert. Je fus le ~'r~ccr de cette mined'or.

Une après-midi, le t6 décembre, Guibollardvirt me chercher avec son coupe. I,e thermomètremarquait onze degrés au-dessous de M. Chesne-long. I.cs roues sautiHaient sur le pavé glacéavecdes sonor!tcs de chaudron.Guibo!)ard ouvraitde

temps en temps un carreau pour donner desorcres à son cocher,

Sapristi 1 lui dis-je, vous me faites geler.Comment faire? Il faut bien que je dise à

Jean que! chemin il doit prendre.Vous devriez faire poser un tuyau acous-

tique dans votre voiture.Qu'est-ce que c'est que ça?C'est un tuyau en caoutchouc, recouvert

de soie, qui pend a côte de vous comme un cor-don de sonnette. Il communiqueavec le siège ducocher~ et vous lui donnezvos ordres sans avoirbesoin d'ouvrir le carreau et de vous pencher audehors.

Kst ce~o~J?–J'en ai déjà vu plusieurs.Deux jours après, Guibollard revint triom-

phant.Ça y est, me dit-il.

– Quoi?

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Le cornet. Vite, en voiture, vous allez voir1A peine installes, il siffle dans le tuyau. Le

cocher répond Monsieur?GuiboUard reprend, d'une grosse voix qu'il

croyait peut-être conforme à la circonstance:Vous irez à la Cascade, en passant par la

porte MaiHot.

– Bien, monsieur.Cuibo!)ard laisse retomber le tuyau et s'écrie

avec admirationQue c'est beau i'c<<'<1

Au printemps.

–* Je suis venu vous prendre pour étrenner

mon ïandau.Merci, je suis à vous.

Rendus au BoisQuelle splendidc journée t Les arbres sont

en fleurs. ces lacs, ces petites allées, c'est vrai-ment délicieux.6K<?co)M~<?Z.OM<~r6.maisquelle différence avec Paris 1

GuiboUardtcmoindans un duel.Bien, messieurs, tout est convenu. A dix

heures, au Vésinet; l'arme choisie est le pis-tolet.

Entendu, monsieur.Fausse sortie.Guibollard,revenant

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A propos, qui est-ce qui bandera les yeuxdcsadvcrsaires?

-–Quevou!ex-vousdire?–Unduet au pistolet 1

Eh bien1– Les adversaires doivent avoir les yeux ban-

des.--Mais pas dutout.– Comment 1 vousvoulezqu'ils tirent comme

cela l'un sur l'autre?Sans doute.

– Pardon, c'est un assassinat; alors?. Je re-fused'etretJmoin!1

–D'où venez-vous donc, si tard?J'arrive de Versaittes. J'ai entendu parler

X. Grand orateur, mon cher!1Allons donc, un braillard tout au plus.Beaucoupde talent 1

– !t ne stit seulement pas le français.Guibollard, haussant lesépaules

Qu'est-ce que cela fait? Cicéron non plus

ne savait pas un motds français. et cependant,c'é'.ait un grand orateur 1

Guibollard philosophe.La religion s'en va, et cela s'explique. Jésus-

Christ n'a pas toujours été sérieux.-Comment cela?

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Pour ne citer qu'un fait, quelle drôle d'idéede changer l'eau en vin 1

AdJjeuner.G~ ));OLL\RD. Comment trouvez-vous ces

côtelettes?~~o~. Pas fameuses. K))es sont dures, mal

couples. ce n'est pas de la bonne viande.Gt'n.of.nno. Cependant, j'ai un cxcctLnt

bouclier.Mo!. Ce n'est pas mon avis.Gnr.oit.ARD. Où donc me conseillez-vous

de me servir?Mot, ~M~~iC~. – ChezPanurge.GtitiOt.uRD.–Qu'est-ce que c'est que ça, Pa-

nur~c?Mot. C'est !a renommée des moutons.

Vous avez bien entendu parier des moutons deP~ur~c?..

Gt.!non.U!D, ~~<«!<éclairé. Mais oui,au fait, vous avez raison. (6'o/~M/:fM CH~i~rc.)Madeleine 1 je vous défends de prendre votreviandeà droite et à gauche. Côtelettes, rognons,pigot, je veux qu'à l'avenir il n'y ait sur ma table

que du mouton de Panurge! 1

Regardant un album.Vue de Venise. 1 Tiens itya des bjtcaux

dans !cs rues?

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U.)), on se promené sur acs canaux.–Voitaceque c'est I,cs Parisiens se p!ai–

gncnt, quand il a plu pendant deux ou troisjours, d'avoir de l'eau jusqu'à la cheville, et ilspartent de Venise! Qu'est-cequ'itsdiraientdoncia-bas? ~?'

Mon neveu est arrivé de Nantes, je vous'!e présenterai.

Vous me ferez plaisir.– C'est un garçon qui a reçu une excellente

éducation. !t parle l'anglaiscomme le français.(~r~c/?e.ri'oH.) peut-être mieux, car, ne sa-chant pas l'anglais, il m'est impossible d'en ju-

ger.

Quct âge a-t-il?

–. Vingt-deuxans.habite à tousics exercicesdu corps. il monte parfaitement achevât et il

est de première force à i'ëpce.'– De première force, c'est beaucoup dire.–Mais pas du tout. je n'exagère pas. il tire

l'épée. comme Damoctes t

A cinq heures, chez Tortoni.J'ai achcté un très beau rubis d'occasion

pour t'offrir à madame Guibollard, le jour de safctC.

Est-ce que vous l'avez là?

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Non, je l'ai porté à la monture ce matin.Cela me coûtera mille francs, mais it sera entouréde pertes.

Vous auriez mieux fait de le faire entourerde brillants.

Pourquoi cela?Parce que les perles n'ont pas d'éclat ce!a

sera un peu triste.

– Voustrouvezque les perlesn'ont pas d'éclat ?

– Certainement.– Mais celles qu'on a pesées devant moi

avaient beaucoup de feu.Alors, vous vous trompez, on a pesé des

brillants.Ma foi c'est bien possible.

Un soupçon traverse mon esprit. Je demandeà Guibollard

Savex-vous ce que c'est que des perles?Certainement,ce sont de petites boules.

J'ajoute machinalement

–qu'on trouve dans des coquilles d'huître.

.GuiboDardJse lève majestueux

– Mon cher monsieur, dit-il sévèrement, je

n'aime pas qu'on se moque de moi 1

– Mais je ne me moque pas.– U faut que vous me trouviez bien bête pour

essayer de me faire croire qu'on trouve les perles

dans les coquilles d'huître ?Mais je vous donne ma parole d'honneur.

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--Lcpjr)ure,~ma!ntenant?Désespérant de convaincre mon homme, ren-

voie un garçon chercher un dictionnaire à la li-brairievoisine.Je l'ouvre à la lettre P, et disà

.Gu!bo!)ard Lisez vous-même 1 (Il /r.)< Perte, substantif féminin. Matière d'un

bbnc nacré, dure, sphérique, qui provient de la

substance de certaines coquilles dans l'intérieurdcsqjcHcscUe se développe. Les huîtres de Pa-

nama en fournissent de fort belles.»Guibollard pâlit et laisse retomber le diction-

naire.Qui est-ce qui aurait pu croire ça? s'écrie-

t-il. Tout le monde l'ignore.c'est surprenant

Enfin, on s'instruit à tout âge.Le lendemain,nous nous arrêtons au café de

la Cascade. Deux actrices de mes amies, assises

sous un bosquet, trempaient des biscuits dans unverre de madère. Je leur présente MonsieurGuibollard, un de mes bons amis 1

Ah t mademoiselle,s'écrie Guibollard, vousavez là un bien beau bracelet 1

Oui, monsieur, il est assez joli.– Qu'est-ce que c'est que cette pierre, au

milieu?C'est une turquoise. entourée de brillants.

Nous nous asseyons, on nous sert.GuiboUarJ, avec importance

– Les brillants sont superbes. Qui est-ce

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qui dirait que ça se trouve dans les co~!«//<~<iM~C?

le brave homme étant prisde tourncmentsdetête, on lui conseille d'habiter un rez-de-chaus-scc.

La, au moins, vous n'aurez pas le vertige.On vient lui proposer un petit hôtel aux en-

virons du parc Monceau.--Très bien, monsieur, répond Guibollard,

cet hôtel me conviendrait parfaitement, mais.est-il au rez-de-chaussée?

Son frère est au plus mal.Je voudrais lui serrer la main, dit Guibol-

lard.Le médecin le lui permet.– Entrez doucement dans sa chambre, mais,

surtout, ne lui dites rien qui puisse lui faire en-tendre que son état est désespère.

Soyez tranquille.H entre, va droit au lit et, regardant son frère

en pleurant, II tui ditKh bien! tu veux donc MOM~ ~<r?

Madame Guibollard a auprès d'elle une jeunebjnne honnête et dévouée. On la traite commel'enfant de la maison.

–Vousctcs bien tombé, dis-je à Guibollard,

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n-ais vous serez causeque Louise sera matheu-reusep!')snrd.

-Pourquoi cela-– Parce que vous la gâtez. Votre femme luii

donne des robes de soie, vous la menez au th6i-tre en pré.r;iere loge.e)!e a vingt-trois an'voussoixante-deux~oH voûtez-vousqu'ette serveâpres vous? i~

Guiboitard~ stupéfait:Commenta après moi? Mais elle peut ~tre

tranquille, elle mourra à mon service 1

Guibollard indisposé.Comment vous trouvex-vous?

-Je vais mieux, mais ne prenez jamais ledocteur Vcrapoixi. En voilà un anima!On me l'avait recommandé comme un excellentmédecin. Je tuiexptique mon affaire la tête unpeu lourde, pas d'appétit. H me fait tirer la lan-

gue, il me tâte le pouls, puis il me dit Celan'est rien. H faut prendre. (Cherchant ~'M sa)H~)!0/) comment a-t-il appelé ça, déjà?. ilfaut prendre.aht 1 j'y suis. un vomitif 1. H

fait une ordonnance, je l'envoie chez le pharma-cien, et on me rapporte une petite no!e. Je l'a-valede confiance. Ah) mon ami, cinq minutes

après, je rendais tout ce que j'avaisdans le corps.Fiez-vous donc aux médecins ) 1

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Guibolbrd songeant à la postérité.-– J'ai un conseil à vous demander.

Nevous gênez pas.– H m'est pénible de penser que tout périra

avec moi, je voudrais laisser mon buste à mafamille.

Rien de plus naturel.Combien cela mecoûtera-t-it?

– Le vouiez-vous en marbre ou en bronze?

– Cda dépendra du prix.– Vous pouvez avoir votre buste en bronze

pour deux mille francs; en marbre, pour quatreou cinq mille.

Eh bien comme je ne veux pas mettre plusde trois mi!!c cinq cents francs, je le ferai faire~:0; /'H)!, M0!'f!~ <

Guibolhrd condamne par les médecins.Je ne crains pas la mort. Seulement, je

trouve que la providencea mal arrangé les choses.Ainsi, je préféreraisde beaucoup qu'on enterrât

mon âme et que mon corps fût immortel 1

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FRAISES AU CHAMPAGNE

Il avait l'air vraiment malheureux; je luidonnai une pièce de cinquante centimes.

Merci, monsieur, me dit-il. Et il ajoutaJe ne sais si je vais me servir de votre aumônepour vivre un jour de plus ou en finir tout desuite. Depuis hier, je voulais me tuer, et mesmoyens ne me l'ont pas permis.

Comment ccta?– !1 n'y a qu'un genre de mort qui ne coûte

rien, la royade. Mais, avec le froid qu'il fait, onne peut se résoudre à se jeter à l'eau. 5e faireccras:r par un omnibus?C'est très difficile en cemoment, ils vont au pas. Du poison? cela coûtede t'argcnt. J'ai songé à me pendre. J'ai mendiéeune corde qu'on m'a refusée. Et encore, si j'avais

eu la corde, il m'eût manqué le clou, le marteaupour l'enfoncer et même le mur où le placer.

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Il m'aurait fa!)u aller jusqu'au bois de Boulognepour me pendre à une branche.

Ce malheureux était évidemmentun philoso-phe. Mais songe-t-on à ce qu'il y a d'cpouvantedans cette situation ne rien avoir, rien? Unhomme soustrayait sans asile, quand Paris estdevenu une Sibc'rie; devant lui, deux enfants enhaillons, deux innocents, pa)cs, maigres, gretot-tants, affamas. Autour d'eux, la mort sous tousses aspects', l'abandon au milieu d'une cité po-pu!euse, la faim à deux pas d'un boulanger, lefroid intense entre mille cheminées qui fument.Kt ne pas avoir la chance de devenir enragé pourmordre au moins les passants1 f

Les hôpitauxsont encombrés. H y a des mori-bonds par terre dans les corridors. On refuse for-cement cent mourants par jour. Sept mille cinqcents demandes d'admission à l'hôpital ne peu-vent même pas être examinées. Il ne reste plusun strapontin dans l'antichambre de la salle dedissection.

On a placé des maldes jusque dans les locauxde l'ancien Hôtct-Dieu, condamnas comme in-salubres; cette insalubrité est encore !e salutpour un certain nombre!

La charité privée fait des mirac)es, mais tousces secours éparpillés ne font qu'apporterun sou-lagement passager à des torturessans nom.

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Kncore une fois, pourquoi nepaspcuptert'At-gJneavcc le trop-plein de la population? Dixbatc.jux feraient p!us de bien que cinquante hô-pitaux Kt ce n'est pas l'exil; la France est lA-bas

com!!te ici. Ce ne serait peut-être pas la suppres-sion, mais, au moins, la ~K~c'o/! du paupé-risme.

On verrait plus tard.Tant qu'il y aura de la terre habitableà défri-

cher, personne ne doit mourir de faim.

H n'y a pas de société qui ne voie, chaque an-nce, un certain nombre de ses membres tomberdans l'indigence. La vieillesse, la maladie, !e&

accidents viennent surprendreau milieu de leurcarrière ceux qui, n'ayant d'autre ressource queleur travai), ont néglige de prévoir les mauvaisjours. Bcaucoupd'industriessubissent l'influencedes saisons; une fluctuation danscertainesbran-rhes du commerce suffit à affamer toute une po-pulation ouvrière. Trois jours de pluie ou deneige imposent de dures privations à tous les pe-tits marchands ambulants.

Si à ces causes inévitables de misère on ajouteles conséquences ordinaires de l'inconduite oudu vice, on verra le fond du problème social.

Il y a encore une classe très nombreuse qui nevit que de hasard, chanteurs ambulants, joueursd'orgue, saltimbanques, ouvreurs de portières.

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Les maux inhérents à l'agglomération de la po-pulation sont entretenus et aggravéspar une im-migration continuelle des provinces, qui versentsur la capitale ce qu'elles ont de plus mauvais.Sans le sou, sans asile, ces vagabonds ne comp-tent que sur le hasard, la mendicité ou le vol.

Les habitations dans lesquelles est entassée laplus grande partie de la population indigentesont une honte pour l'humanité.

Il y a cependant une classe d'exploiteurscon-tre lesquels !e public ne saurait trop être mis engarde c'est celle de ces mendiants d'un ordresupérieur qui écrivent ou se présentent eux-m~-mes chez les gens qu'ils veulent exploiter. Cesimposteurs savent, en général, si bien jouer leurrôle; ils portent l'art de l'imitation à un teldegré, que la plupart réussiraient au théâtre.Toutes les variétés de fiction ont été essayées.Inventeurs ruinés, ecclésiastiquesdans l'embar-ras, Polonais d'illustre naissance, sous-officierscompromis pour de petites sommes ce sont làles travestissements les plus ordinaires.

Si l'on veut connaître la véritable conditiondes pauvres d'une grande ville, c'est à domicilequ'il faut les visiter. Au milieu de la populationindigente, en proie aux plus affreuses privations,

on rencontrerades familles jadis dans l'aisanceet qui n'osent même pas demander.

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H faut prendra garde, cependant, et se défierdes démonstrationsqui ne sont pas appuyées de

preuves~ il est un certain jargon religieux queles pauvres apprennent très vite, lorsqu'ils sa-vent que c'est un moyen d'obtenir de l'argent.

Indépendammentdes enfants qui vagabondentpar les rues, parce que leurs parents sont troppauvres pour les élever, et trop occupés ou tropné~Hgents pour les surveiller, Paris voit pullu-icr une muhitudedepetits malheureux qui n'ontni famille pour les protéger, ni éducation pourles éclairer. La plupart sont orphelins ou aban-donnes quelques-uns se sont soustraits par !afui~e à de mauvais traitements habituelsou à unchâtiment mérite.

C'est pour cette catégorie que Londres a in-ver.te les écoles déguenillées. L'idée est bonne,mais le titre est mauvais. Tous les petits malheu-reux ne pouvant y être admis faute de place, ona vu les élevés faire entre eux des collectes decroûtes, économisées sur leur modeste ration,pour nourrir leurs petits camarades affamés.

On a aussi établi, à Londres, certains refugespénitentiaires où le malfaiteur de professionpeutentrer sur sa demande, s'il veut venir à résipis-cence. Comme gage de sincérité, on exige de luiune retraite de probation de quinze jours au pain

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et l'eau. Ccne retraite n'est pointunemprison-ncment, car il n'a qu'à lever un loquet pour êtrelibre. Un nommé t.ëvt Harwood, assassin deM. Ilollest, avait sollicité à plusieurs reprisesson admission dans un de ces établissements.Refusé faute de place, il commit un vol à mainarmée et fut condamne à mort. Cette fois encore,c'est à la société que le crime incombait

Le jour ou l'Ktat ouvrira lui-même un nom-bre suffisant de ces maisons d'asile, la. reformesociale aura commence.

Apres un an ou deux, pendant lesquels ondonne aux pensionnaires un enseignement in-dustriel, on leur procure des places dans le paysou on leur fournit les moyens d'émigrer.

Si nous cherchons à établir que notre devoircoïncide avec notre intérêt, ce n'est pas Fourabaisser la valeur des considérations morales,mais pour arriver à prouver non-seulement queles plans de réforme sont praticables, mais que,même au p~int de vue financier, ils méritentl'attention des gouvernements.

La perpétuité de la misère entraîne la perpé-tuité du vol et du crime, et naturellementla per-pétuité de la repression.

On est pris de fureur quand on considère les

moyens employésdans notre état social, si bril-lant en apparence, si barbare dans le fond.

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Kn )86S, un riche propriétaire des environsdcSc~rë s'a perçut que ses cochonsn'engraissaient

pas. Il s'en prit à ses domestiques, quidcctarc-rent que chaque jour ils servaient aux pourceauxune copieuse nourriture.

Le maître voulut s'assurer du fait.Use cacha et vit, en effet, ses gens verser dans

les auges des paniers de débris du ménage, bat-.tus en bouillie.

Mais à peine s'ctaient-Hs cioigncs que !e maî-tre vit un homme apparaître,enjamber le mur etremplir sa blouse de l'immonde pâture qu'onvenait de jeter. H suivit le voleur et le vit dispa-raître, au bout d'un petit chemin, dans unesorte de masure abandonnée, au toit à demi de-foncé.

Le propriétaire entra et vit une jeune femmeétendue mourante dans un coin, et cinq petitsenfants qui, aussitôt que le contenu de la blouse(ut répandu sur le sol, se précipitèrent pourmanger!

Ah c'est toi qui voles la bouillie de mescochons?dit le maître.

H requit un garde-champêtre, fit dresscr pro-cès-vcrbal et monstruosité sans pareiUe! – il

se trouva un tribunal pour condamnetcet hommeà six H!0! de prisonl

La mère mourut peu après; que devinrent les

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enfants? Le sous-préfet de la localité n'a pas pume le dire.

Tel est l'ordre qu'on défend contre nous. Onne le défendra plus longtemps.

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UN DRAME DANS UNE CAGE

Une voii~re sans serins est comme un théâtresans choristes. Le serin fait sa partie en toutesa!son. L'hiver, alors que les oiseaux étrangersne poussent plus qu'un petit cri plaintif, quandla mue paralyse les chanteurs les plus gais d'or-dinaire et les plus vaillants, le serin continueson ariette et ses trilles aigus; il excite ses voi-sins par l'exemple, il occupe la scène et remplitles entr'actes.

En dehors de cette incontestable utilité, leserin, tout commun qu'il soit, a des qualitésdont il faut tt'l savoir gré. U salue son maîtrequand il entre, il répond à la voix humaine etse confond en politesses des qu'on lui adressequelque compliment. ·

C'est pour cela que, parmi les paddas blancsau bec rouge, les mozambiques, les bouvreuils,les combassous, les oiseaux bleus du 'Brésil, les

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capucins et les nonnes, rcprcscmant toutes !cscouleurs de la pa!ctte et toutes les nuances dufifre et de l'harmonica, j'ai toujours maintenutrois ou quatre serins.

Quand la volière reçoit un hôte nouveau, dontle plumage, entrevu chez un tiarchand d'oi-seaux, m'a semblé manquer à ma troupe, c'estun serin qui lui fait accueil et semble lui direVous ctes chez vous Le nouveau venu estembarrassé; il se tient immobitesur un bout debâton et cherche une contenance. Le serin lesalue, lui fait des avances; il le conduit à tamangeoire, grignotet'cchaude;enfin~ it se baignepour montrer à son petit camarade qu'il peutjouir d'une liberté relative et qu'il ne manquerade rien.

Il y a quelques jours, ma bonne me dit« Monsieur, le petit huppé à tête noire vientd'avoir deux ans.

–Eh bien?– il n'a pas encore eu de petits; je crois qu'il

faudrait lui donner une femelle.Vous avez bien fait d'y songer. Achetez-lui

une jeune serine, de formes élégantes, et procé-dez à l'installation du jeune ménage.

Le soir même, le petit huppé à tête noire occu-pait une~cage particulière en compagnie d'unepetite serine qui semblait bien un peu évaporée,

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mais sur JaqucUe on ne pouvait avoir encore uneopinion arrêtée.

Le nid était attaché à l'angle de la cage; unt.ipis de mouron recouvrait le parquet; dans le

fond, une auge de porcelaine représentait lebassin de tous !es)ardinsdel'0rient.

Le petit huppé contemplait sa compagne avecdes airs de langueur; il était évident qu'il cher-chait à lui p!aire. t.a serine accueHIait ces hom-

jmqcs sans empressement, mais sans pruderie;tout s'annonçait bien et l'on aurait pu croire à

un avenir de bonheur pour ces intéressantsépoux. c,

Mais le lendemain,quel réveillQuand j'entrai dans la chambre, le petit huppe

cta~t sombre, nerveux; il se tenait à l'écart, évî-

tint de regarder du côté de madame.Celle-ci, instaDde dans le nid, les ailes à demi

étendues, gardait un silence dédaigneux.Le petit huppé alla droit sur elle; il la fit lever

d'un coup de bec, et, se tournant vers moi, il mefit voir qu'il y avait. un ceuf.

Déjà! semblait-ildire.Ht il avait au coin du bec comme un sourire

sarJonique.Il n'y avait rien à répondre; le fait était patent,

la preuve irrécusable. Mariée de la veille, laserine avait pondu. Evidemment,chez le mar-chand d'oiseaux, perdue dans la foule, eUe avait

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écouté un séducteur, le premier sans doute quilui eût fait entendre des paroles d'amour. Puis,on l'avait vendue comme une Géorgienne sur lemarché de Constantinople.Séparée violemmentde celui qu'elle aimait, elle comptait sur l'épouxL.'gitime pour couvrir tes suites de sa faute.

Mais le petit huppé ne semblait point l'enten-dre de cette oreille.

Cette aventure,qui rappelle cette de M. Magre,de Toulouse, paraissait l'affecter profondément.

H me regardait avec sévérité, ayant l'air dedire Vous m'avez fait épouser une drôlesse.Jeune, confiant, j'ai pris celle qu'on me don-nait. et me voilà couvert de ridicule, déshonoré,flétri!

Ne sachant que répondre, je me retirai, n'ayantplus d'espoir qu'en Dieu.

Le lendemain, nouvel œuf, et ainsi de suite,jusqu'à quatre.

Le petit huppé, que les bonnes n'appelaientplus que M. Magre était absolument atterré. H

regardait les ceufs d'un air à la fois stupéfait etindigné.

C'est pourtant vrai, semblait-il dire. L'illu-sion est irnpossible. Les œufs sont là. Ce sontbien des oeufs, et cependant, mes souvenirs sontprécis, c'est à peine si j'ai osé lever les yeux sur

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cette aventurière, à peine si j'ai effleuré le boutde son aile! Nos becs se sont rencontrés une fois

en un chaste baiser~ chaste de mon côté dumoins. Comme elle dissimulaitt Avec quelleperfidie elle recevait mes compliments!Eile estentrée sous le grillage conjugal, chaude encoredes caresses d'un autre. eHe a apporté la hontedans ce nid, espoir de ma jeunesse et de ma viri-lité).

!1 sautait de bâton en bâton, cherchant uneissue pour s'enfuir.

Il était facile de voir qu'il eût voulu courirchez un avoué et signer une demande en désa-

veu de paternité.L'idée me vint de lui lire le discours de

M. Naquet sur le divorce, mais un simple rai-sonnement me fit aussitôt renoncer à ce projet.

Cependant l'épouse coupable, dominée par''instinct de la maternité, restait, impassible etmuette~ sur ses ceufs illégitimes. Prête à lesdcfcidre au besoin, elle ne perdait pas un seuldes mouvements de l'époux outragé.

Jusque-là~ elle était descendue pour piquerquelques grains à la hâte ou aspirer une goutted'eau; mais ce qui était possible au commence-ment de la ponte pouvait désormais mettre lacouvée en péril. Il arrive un moment où la mère

ne doit plus s'éloigner. Un refroidissement suf-

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Hmit à empêcher la vie de se développerà l'intc-ricurdc la coquille.

ï.a serine, peut-être plus malheureuse que cou-pable,poussait de petitscrisplaintifs.EHe deman-dait a manger.Monsieur faisait !a sourde oreiiïe,prenait des airs distraits et indifférents.

La bonne disait « Il fait celui qui ~e co~i-~'<?t/ ~t!

La serine insistait,persuadéesansdoute qu'elleavait droit à une pension alimentaire. Cris etsupplications venaient se briser contre l'impla-cable indifférencede monsieur. La pauvre fille-mère se décidait enfin à quitter !e nid;elleprenaità ia hâte un peu de nourriture et revenait vite àson poste.

– Monsieur, reprit !a bonne, cette situation nepeut se prolonger. Ce serin est irrité,cela se voit,et il ne pardonnera pas. S'il avait déjà été père,peut-être n'abandonnerait-itpas la nichée, mais,{tant toujours resté garçon, il sera !mpitoyab)e.

–Q~uefaire,a!ors?L'enlever d'ici et le remplacer par un serin

expérimente, et qui, ayant beaucoup vécu, seradisposé à l'indulgence. Le concierge du 10 en aun dont les petits viennent de se hasarder surles bâtons. Leur mère sufnra maintenant à leuréducation; je vais aller emprunter cet oiseau, etpeut-être arriverons-nousà sauver la nichée.

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!n ettet, le petit huppé tête noire fut remisdans !t votiere; et le voisin, très au courant deshabitudes du ménage, va se remplir le bec demillet et de jaune d'ccuf; puis il vient donner la

patcc à la couveuse, qui le remercie par de petitscris joycux. Il m'a même semble lire dans sesyejx un sentimentplus vif que celui de la recon-naissance. D'ici peu, elle aura oub!ie son pre-mier amour, et, le sentiment du devoir aidant,c)!Epou)tadcvenirur'e€x''r'!entemë)edefamH)e.

Ah!n'insu)tezjamais!ascrinequitombe!1

Qd sait sous quel fardeau sa pauvre âme succombe)

Tout est maintenant pour le mieux dans lamciiteure des cages. Un seul détail m'anecie. Levoisin, ce brave homme de serin qui nourrit !a

mère et nourrira bientôt les petits; ce serin dévouequi a si généreusement accepté ce rôle de pèreputatif, ce cœur d'élite enfin n'a pu échapper à

la raillerie. ·

La femme de chambre du second l'appellesaint Joseph!

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JOURNÉE D'ÉTÉ

11 n'y a plus que les malades qui aillent auxeaux. Vichy, ContrexéviHe, Compicgne, les Py-rénées ne connaissentplus les Hancurs. On y vasoigner son foie, sa rate, sa gorge, et l'on re-part au galop.

Les bains de mer mêmes ne gardent plus !ss

amateurs qu'une quinzaine de jours.On s'est enfin aperçu que Paris est encore le

plus agréable séjour d'été, celui qui offre le plusde distractions, et où les soirées sont tantôt tiè-dcs, tantôt fraîches, ~ans qu'on ait à redoutercette humidité redoutable qui, de neuf heures àcinq heures du matin, fait de tous les arbres de

nos ciimats autant de mancenilliers.Les malheureux qui ont des maisons de cam-

pngne se croient obligés d'y faire un séjour dedeux ou trois mois. Ils en reviennentla mâchoiredcsarticutce par les baiHements. Une soirée à la

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campagne est interminable; si on laisse les fenè-trcs ouvertes, on est dévoré de moustiques et deconservateurs à trompes qui vous dévorent toutvivants; et si on laisse les fenêtres fermées, ce'

n'est pas la peine d'être à la campagne pour yétouffer. <*

Le jour, impossible de sortir; dans la plaine,un so!;it implacable; sous bois, des mouches detoutes dimensions et des bourdons qui viennentvous i isulter jusque dans le tuyau de l'oreille.

A Paris, vous trouvez l'ombre partout, et lemoustique n'ose même pas y affronter les ténè-bres, depuis qu'un moustique, arrêté à onzeheures et demie sur le boulevard,a été condamnéà huit jours de prison par la 6* chambre.

L'impossibilité de résider aux champs est sibien démontrée qu'il n'y a pas moins de soixantemille maisons de campagne, châteaux ou villas àvendre rien que dans Seine-et-Oise, Seine-et-Marne et le Loiret.

Le propriétaire d'une maison entourée d'hec-tares re trouve plus à s'en débarrasser.

J'ai montré hier aux habitués de Bignon uneannonce que tout le monde a pu lire à la qua-trième page des journaux

CHATEAU LOUIS XIII `

en très bon état. Quinze chambres de maître,deux salons, vaste salle à manger, salle de bil-

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lard, salle de bains. Jardin d'agrément, magnitt-quc potager. Vignes, terres arables. Sources vi-ves. La propriété est bordée par une rivière trèspoissonneuse. Bellechasse. Parc de t3o hecta-res. Prix: io,coo francs.

C'est pour rien, sans doute; mais que faire? Serésigner à habiter là? Tout homme qui peut dis-

poser de dix mille francs préfère de beaucoup le

passage de la Madeleine, les Champs-Etysécs~leCirque~l'Alcazar, la Cascade.

C'est fini, la campagne; on n'en veut plus.

Ferdinand me disait hierJe viens de passer huit jours en Norman-

die.Au bord de la mer?Non, près de Bayeux, chez madame T.Comment passiez-vous le temps?Le matin de huit à onze heures, nous pre-

nions une tasse de lait qu'on tirait devant nous:de onze heures à midi, le déjeuner; de midi àcinq heures, la sieste; à cinq heures, autre tassede lait qu'on tirait devant nous, puis promenade

en poussière. De six heures et demie à huit heu-

res, dîner; puis le besigue jusqu'à minuit; à mi-nuit, une tasse de lait qu'on tirait devant nous.

La tab!e était bonne?Toujours du poulet et des lapins, on n'a

pas la viande de boucherie comme on veut. Un

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soir, cependant nous avons fait venir un gigotde C:)cn. C'a été une vraie noce.

Kh b!c!t que! est le département qui peut lut-t:ravecIcsIfaHes?

!t y a tout dans l'espace compris entre larue Montmartre et la rue Turbigo l'Océan,Manche, la Méditerranée; poisson de Seine et duHhin, écrevisses de la Meuse, tout. Et quel po-tjger! quels fruits, quels légumes! Cinquante,parcs, vingt forêts, mille basses-cours y envoientleurs produits la voilat, la campagne, la vraie,

NEL~' HLURHS Lu MAUN. Monsieur a sonne?Ouvrez la fenêtre et laissez les voletsà moi-

tic fermes pour que l'air puisse entrer et nonles regards. C'est bien. Mes journaux!l

– Voit. monsieur.Un verre de xérès, un biscuit et un cigare.

Monsieur est servi.

Dfx:nKLnr:s.EntrJcd'unami.– Je viens te demander à déjeuner.

C'est très gentil de ta part, mais tu auraispu venir une heure plus tard.

Si tu as quelque chose à faire, je reviendrai.Es-tu ait~ au Bois ce matin?

–Oui. Beaucoup d'amazones. Je me suisarreteauPréCate!anetj'yaipris.

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Une tasse de lait qu'on a tirée devant toi?-–Juste.– H n'y a donc pas besoin d'aller à la cam-

pagne1

Que sais-tu de neuf?–Pas grand' chose.

Commentva Guibollard?Guibollard est allé faire un tour au Jardin

d'acclimatation, Ennanant,ilavise~dansuncoin où l'on construit, des tas de moellons quiattendent le maçon.

Oh oh s~écrie-t-i!~ ou essaie d'acclimaterdes mocHons?

(~t'CC dédain.)Ça ne prendra pas1

Le soir, chez Bignon, Guibollarddemande àHennequ!n

Connaissez-vous Evrcux?!!ennequin qui n'y est jamais allé, répond

hardiment Oui.Eh bien 1 dit Guibollard (qui doute de l'af-

~rmation), faites-moi la description d'Evreux.–Evreux! reprend Hennequin, jolie petite

ville du dcpattement de l'Eure. préfecture,ëvcché. jardin botanique.

A quel hôtel êtes-vous descendu?A i hôt<:l qui est là. dans la grande rue.L'hôtel de la Cloche?

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Oui.–Etoùcstlacathedrate?

–Lacathedra!e?àgauche!1Guibollard triomphant

Non, elle est à droite.Pardon, elle est à droite en montant, mais

eUe c.t à gauche en descendant.--C'est vrai, murmura Guibollard.Mais, conservant encore des soupçons

Qu'avcz-vous vu dans la ville?J'ai vu un boulanger, qui fait le coin ou à

peu près. une boutique de mercerie. puis, lebureau de poste!

C'est bien cela.– Si vous voulez des détails, il y a une boîte

aux lettres.– Parfaitementexact.– Un débit de tabac dans un quartier, et un

autre débit de tabac dans l'autre quartier.Oui!Et, en continuant toujours, je me suis

trouvé dans la campagne.Eh bien! dit Guibollard, le doute n'est plus

permis. mais je croyais que vous n'étiez jamaisa))Jà.Evreux!1

Retour de Poissy, nous allons prendre unetasse de thé chez madame X.

On n'a pas oublié ce mot charmant de M. Du-

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pantoup « Il faut croire aux miracles, mais nepas en inventer.o

A propos de Lourdes et de Saint-Paray-le-Mo-nia)~ on cause des apparitions modernes dans lesalon où nous tombons à l'improviste.

La comtesse X. est confite en dévotion, cequi ne l'empêche pas de sacrifierencore à Vénus.Quelqu'un a dit de cette mondaine t qu'onpourrait compter le nombre de ses. péchés parcelui des cierges qu'elle fait brûler. e

En effet, elle a pour habitudede racheter cha-cune de ses fautes par quelques livres de cire.

Croyez-vous à ces apparitions? demanda-t-elle au vieux marquis de T.

Moi, repondit le bonhomme, je trouvequ'il ne faut croire à rien ou qu'il faut croire àtout. Si on analyse, on est perdu; donc, recrois.

C'est égal, soupire un jeune gommeux desacristie, si la sainte Vierge, au lieu d'apparaîtreen rase campagne, se montrait seulement unefois à la Chambre, c'est ça qui retournerait lamajorité 1

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t.A FABRIQUE D'ESTROPIÉS

La ligne d'Orléans a été envahie cette se-infine par d'innombrables troupes de pèlerinsqui se rendent à Lourdes. H a fallu faire jusquetrois trains supplémentaires dans une seule jour-née. L'Afrique a les invasions de sauterelles, la.France les invasions de pèlerins. Le Nord, lesFlandres, la Belgique versent beaucoup du côtéde Lourdes. Le clergébelge use de son innuence,toujours très grande dans les campagnes, pourenrichir les augures des Pyrénées. Je pense queces messieurs font comme les médecins qui en-voient des malades à leurs confrères des villesd'eaux, ctqu'Hspartagent ioyatcment les benénces.Le docteurX. de Vichy, paye cinquante francspar tcte de malade à ceux des médecins de Parisqu: lui adressent une bonnegoutteouunesérieusemaladie de foie. C'est à lui de faire suer le clientau-dessus de la prime.

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Le hasard m'avait conduit à la gare du Nordau moment de l'arrivée d'un train. Les pèlerinsdéfibrent devant moi. Ce sont presque tous des

gens d'un aspect malingre et souffreteux.On voitqu'ils se sont mis en route en désespoir de lamédecine. Quejques-uns cependant paraissententraînés par la foi, mais ceux-là pourraient bienn'être que des meneurs. Ils donnent le signaldes cantiques, et toute la bande entonne après

eux un de ces airs pleurards sur lesquets des sé-minaristes hystériques ont greffe des poésies quiferaient évanouir un confiseur.

Comme je contemplais avec une curiositépleine de défiance ces pauvres attardés, rebellesà l'étude, réfractaires du bon sens, la figure del'un d'eux fit naître en moi certains souvenirs

encore récents. C'était un solide gaillard, quimarchait les yeux baissés. !I avait au cou unesorte d'amulette attachée par un galon noir.

Je le regardai fixement; il détourna la tête etparut visiblement embarrassé.

Kernussec t

H tressaillit; c'était bien lui, le fils d'un fer-mier d'un petit village du Morbihan où j'avaispassé un mois en 1869.

– Où vas-tu comme cela ?

– A Lourdes.– Dans quel but?1

Dame pour faire commetout le monde.

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A queile heure le départ?--A huit heures, par l'Orléans.– Eh bien t je t'offre à dîner.

Si j'étais sûr de ne pas manquer le train?– Je te conduirai en voiture et je réponds de

tout.A ce moment, je m'aperçus qu'il était amputé

d'une main.Tu as attrapé ce coup-là en Italie?

-Oui, monsieur. quand j'étais dans les

zouaves pontificaux.Mais j'ai vu ton père depuis cette époque et

il ne m'en a rien dit.Je vous expliquera! cela en dînant.Enfin, d'où viens-tu présentement?

Kcinussecjetaun regard déliant autour delui et répondit à voix basse

Je sors de la fabrique des faux estropiés..pourmirac!es.

Qudques instants après nous étions attablésdans )e coin d'un restaurant. Une bouteille debourgogne devait délier la langue de mon Bre-ton et Kernussec me conta ses aventures sansfaire trop de façons.

Quand le pap2 eut des histoires avec Gari-baldi, le curé de chez nous annonça, après leprône, que mademoiselle de Roscoët-Keatquen,une vieille dévote du pays, voulait payer une

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tournée de six hommes au saint-père. Mademoi-selle de Roscoct se chargeait de t'habittement,dutransport, et, nu retour, chacun de ces hommesde bonne volonté devait toucher une somme dedeux mille francs. Je me laissai tenter. Avecdeux mille francs, chez nous, on peut s'établir,on est un monsieur. Six jeunes gens, dont j'étais,entrèrent ainsi dans les zouaves pontificaux.

On se battit comme on put, p-is trop mal, jepuis le dire, mais vous savez l'histoire et il estinutile d'y insister. Il y eut trois morts parmi

nous; les gars se fircnt tuer bravement pourgagner les deux mille francs et aussi un petitcoin du paradis. Voitaque je reviens au paysavectesdeux autres. La vieille dévote était morte.Nous allons chez le curé, qui nous dit « Mesenfants, madcmoiseHede Roscoët n'a pas fait de

testament mais l'engagement qu'e!);; avait pris

est connu de tout !e monde. Il faut vous adres-

ser aux héritiers; c'est une affaire de bonne foi

de leur part. Moi, je ne puis rien pour vous faire

payer.Les héritiers répondirentque, du moment que

nous n'avions pas de papier, il ne nous était riendu. Pas moyen leur tirer un sou. Les cama-.rades ne dirent pas grand'chose moi, c'est diffé-

rât, je me mis à déblatérer contre le curé, contreh vieille dévote, contre les héritiers et toute labout) ~uc. Si bien que le cu:'e me dit un jour

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a Kernussec, tu es le scandale du pays; mais,commetu as eu réellement à te plaindre, je memis occupé de toi. Voici cent francs pour fairele voyage de Belgique. Va-t'en trouveravec cettelettre le père Angelus des Saintes-Varices, àTripendeghem, près Gand, et ce digne ecclé-siastique t'assureraune bonne position.»

Je dis merci, je pars et je vais sonner à laportedu père Angelus des Saintes-Varices.C'étaitcomme une espèce de couvent où se trouvaientreunis des individus de tout âge et de toute con-dition..

Le père Angelus prit connaissance de la lettrede mon cure et me dit tranquillement

Mon fils, si vous avez le courage de vousimposer quelques souffrancespour la Foi, ilvoussera facile de vous faire une très jolie position.Je suis régisseur gênera! des pèlerinages fla-nands et luxembourgeois. Vous avez sans douteentendu parler des eaux de Lourdes?

Oui, mon père.Ces eaux, ou peut-être simplement la Foi,

cnt guéri un grand nombre de malades; mais.toutes-puissantes sur les maladies nerveuses,t hystérie, les tics; souvent efficaces dans Jes casde paralysie, elles sont malheureusement sanseffet dans un grand nombre de cas. Ainsi, onn'a pas encore vu de manchot revenir avec deuxbras, on n'a pas vu de bossu revenir avec le dos

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plat. Dans le prochain convoi, par exemple, setrouve un fidèle qui a un ceit de verre. H penseque Dieu, cédant à ses prières, voudra bienprendre cet ce!! en pitié et lui rendre la vie. Aparler franchement, je n'ose l'espérer. Dieu, quiavait donné deux yeux à cet homme, pourraitsans doute lui en donnerun troisième s'il le vou-hit mais il ne le voudra pas. Dans l'intérêt denotre sainte religion~ nous sommes obligés de

pousser un peu à la roue, et j'ai eu l'idée d'installerau fond de notre jardin une école, ou plutôt unefabrique ~<!M. ~r/'op~~OMr M~c/c~ avecapprobation de monseigneur l'archevêque deByzance. Les impies trouveraientpeu~être à re-dire à cette façon d'agir, mais, puisque plusieurssortes de maladiessont guéries paries pèlerinages,il est de l'intérêt général de ne pas laisser lapiété se refroidir. Aussi ai-je entrepris tous les

cas où la Providence refuse d'intervenir directe-ment. La troup3 de Paray-le-Monial est partieavec un bossu qui sort de ma fabrique; 'sa bossetombera le neuvième jour. J'ai obtenu, l'annéedernière, un magnifique succès à Verdellet. Unenfant, préparé par mes soins, avait une jambeplus courte que l'autre; il ne pouvait marcherqu'avec des béquilles. Après deux neuvaines etdix-huit ablutions, il a jeté ses béquilles, sajambe avait repousse et il s'est mis à courir encriant Gloire à Dieu /~<M<M)M/: AoMKM/</

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–Monpcre, dis-je à l'abbe des Saintes-Varices,si vous ne me demandez rien de trop difficile, etsi vous me faites de bonnes conditions, je suisprêt à vous servir.

Eh 1 bien, me dit-il, je puis vous donnerunfi xe de douze cents francs par an, plus trois centsfrancs par infirmité, voyage payé. Nous com-mencerons par un moignonartificiel.

Comment l'entendez-vous?La main repliée, soigneusement liée au

poignet pendant quelques jours. H se produiraune enf!ure. Nous trotterons la partie malade

avec de l'huile essentielle de noix d'acajou, cequi fera de votre extrémité une énorme boulerubt'nJe.

Mais cela me fera souffrir?11 faut savoir souffrir pour la Foi. et pour

trois cents francs, répondit gravement le pèreAngelus.

– Et cela durera longtemps?Une huitaine de jours. En arrivant à

Lourdes, vous cesserez l'huile de noix d'acajou,voustremperezdeuxoutrois jours votremoignondans l'eau miraculeuse. L'enflure disparaîtrarapidement et vous recouvrerez l'usage de lamain.

Et c'est pour cela que tu vas à Lourdes?dis-je à Kernussec.

11 faut bien gagner sa vie.

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– Et ensuite?– Dans deux mois, je dois partir comme

jambe de bois pour la Salette. A la fin de l'an-née, on compte sur moi pour faire le borgne àParay-le-Monial. Puis. à la grâce de Dieu 1

– Et tu t'accommodes de cette existencet– Pourquoi pas? On est bien nourri. Le père

Angélus des Saintes-Varicesest un bon homme.et puis on éprouve toujours une certaine satis-faction à se dire qu'on fait son salut.

La fabrique du père Angelus a-t-elle fournibeaucoup de sujetsà ce convoi?

Trois ou quatre. Je suis parti avec un an-cien sous-préfetde l'ordre moral qui a ;un cancerpostiche. et un ex-substitut de l'empire qui joueles plaies vives dans le dos. C'est horrible à voir,et il sera guéri en quarante-huit heures.

Le père Angelus est un homme de génie,fis-je en riant aux éclats.

Et un malin aussi, ajouta Kernussec. Lesdévotes donnent beaucoup; Ja maison est riche.Il y a même un banquier de Paris qui lui a pro-posé de la mettre en actions à un capital énorme.

– Et qu'a-t-il répondu?– Ha a répondu Et ne nos inducas in tenta-

!ionemQuand j'eus déposé Kernussecsur la marche de

la gare d'Orléans, il me dit d'un ton gourméVeuillez m'excuser si je ne vous tends pas

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la main. Dans quinze jours, en repassant parPar:s, j'espère que mes prières étant exaucées,i'inf]rmité qui m'afflige aura complétement dis-paru.

Je l'espère aussi, répondis-je.H se mêla à la troupe des pèlerins, qui entonna

tout à coup

Esprit sa!nt, descendez en nous 1

Fmbraseznotre coeurDe vos feux, de vos feux les plus doux1

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PLUS DE MÉDECINE

Qui donc a dit qu~it n'y avait plus un seulmiracle coMM~Mrc? Jamais époque ne futplus fertile que la nôtre. Les miracles se multi-plient avec une abbndance qui fait honneur àl'imagination des exploiteurs de la crédulitépublique. L'esprit s'égare au milieu de tant deprodiges; et, à force d'enrubanner une religionqui n'y peut mais, on en éloigne ceux qui voientau-dessus de l'humanité autre chose qu'un esca-moteur faisant des tours de gobelets sacrés ets'efforçant de stupéfier les foules avec des béni-tiers à double fond.

La poste m'apporte une petite brochure à cou-verture bleue comme le ciel et intitulée

LE CORDON DE SAINT-JOSEPHRelation inédite de guérisons et de protections extra-

ordinaires.par le R. P. Huguet, mariste.

(Htnr: Briquet, éditeur 4 Saint t)iz!er.)

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A cet envoi est joint un petit cordon blanca\cc une rosette à chaque bout.

« La dévotion du cordon de Saint-Joseph, ditle pcre Huguet, a pris naissance dans !a villed'Anvers en 1659, à la suite d'une guérison opé-rée par /e~or~ de cette précieuse livrée. J

(On pourrait donc l'appeler le port d'An-~r~?)

<t A cette époque vivait à Anvers une religieusea'jgustine d'une grande piété, nommée soeur Eli-sabeth~ qui souffrait depuis trois ans de douleursatroces, causées par la maladie connue sous le

ncm de la pierre. Les hommes de l'art décla-raient sa mort inevitab'e et prochaine. Ayantperdu tout espoir, la soeur s'adressa au ciel. Ellefit bénir un cordon en l'honneur de saint Joseph,le mit autour .d'elle, et, quelques jours après, elle

se trouva délivrée de toute douleur. La guérisonfut déclarée miraculeuse.

t Un acte authentique fut rédigé par-devantnotaire,etun médecin hérétique ne put lui-mêmes'empêcher d'en proclamer la vérité.

Voilà le cordon de Saint-Joseph posé; il guéritde la pierre.

Après un mûr examen, la congrégation desRites en permit l'usage solennel et privé.

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GRACES ATTACHÉES AU PORT DU CORDON DE

SAtNT JOSEPH

t" Une protection spéciale du saint,i2"Lapuretëdel'âme;3° La grâce de la chasteté selon son état;i

La persévérance finale.Suivent les exemples de guérison, nombreux

et authentiques, qui prouvent que le cordon desaint Joseph s'annoncecomme une sérieusecon-currence à la Cr~M~c~rc DM~rr~

BUIRONFESSE, 13 juillet !8yt.(Buironfesse?. 11 y a des noms de localités

vraiment surprenants. Enfin, va pour Bui-ronfesse 1)

« Depuis plusieurs jours, je souffrais d'uneentorse au poignet, qui me mettait dans l'im-possibilité de travailler sans éprouver de grandesdouleurs; après avoir essayé vainement d'unbandage pour comprimer la grosseur, il me vintla pensée de mettre un cordon bénit de saintJoseph autour du poignet, et de le publier dansle Propagateur, s'il me guérissait.

B Je l'avais à peine depuis trois jours, quel'effort disparut complétement.

'G.J.*»

Voyez-vous saint Joseph se laissant tenter parla publicité du Propagateur?

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Oh) ia force de l'annonce 1 Elle opère jusquedansicciel.

CouvKNffKS URSULINES d'Avranches, t~mars)86~. « Ma-)ameB.âgce de soixante-douze

ans, fut affligée, en mars dernier, d'un anthraxdes plux dangereux; à deux reprises on lui fit

une incision de cinq centimètresde proondeursur dix de largeur. e

(Le canal de Suez, quoi 1)

« La pauvre malade fut bientôt à l'extrémité.Une dame de ses amies eut alors l'idée de placer

sur sa plaie le cordon de saint Joseph, promet-tant, si elle guérissait, de l'écrire au Propaga-teur. Le mieux se fit sentir des que le saint cor-don fut mis.

» SŒUR SAINTE-MARIE, ursuline.

Que serait-ce donc si, au lieu de promettre àsaint Joseph de parler de lui dans le Propaga-ffM~, on faisait reluire à ses yeux la publicité de

la Revue des DfM.f Mondes et du Petit Journal?P11 n'y aurait plus de maladies.

On écrit de Nandax – « A mon retour deLyon, j'ai trouvé quatre de mes pensionnairesatteintes de la petite vérole. Je m'empressai aus-sitct de leur faire prendre le cordon de saintJossph. Le lendemain, toutes ces enfants étaient

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convalescentes,et, trois jours après, parfaitementguéries.

» S(EUR SVMPHOR];

Le docteur Bouchut est enfonce.

N.29 février t868.

(Pourquoi ce mystère? N. seulement? Quelintérêt y a-t-il à cacher le nom du lieu où a étéperpétré le miracle qui suit?)

« N. Une mère avait placé son jeuneenfant de cinq ans sur un siège devant un poêletrès-chaud; à peine y est-il, qu'il fait un mou-vement et tombe. Pour se garantir la figure, ilavance une main vers le poêle, se la brûle, etjette des' cris épouvantables. La jeune mère semet en devoir de chercher des remèdes pour sonenfant.

(Etait-elleassez betet)

<t Pendant ce temps, une personne qui portele cordon de saint Joseph vient voir l'enfant etlui met son cordon.

L'enfant s'apaise; la mère LUI APPLIQUE UN

REMÈDE – et il guérit.

Cette fois, je comprends. La mère applique unremède. et saint Joseph fait le reste.

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C'est ma devise depuis longtemps Fais tout,le ciel t'aidera?

Mais voici qui est plus fort:

x3 AVR)L 1868. (Cette fois, la locaiitg n'est pasmcme désignée par une initiale.)

< Hier, une famille entière était dans l'anxiétéla plus profonde motivée par le tirage au sortd'un de ses membres. Aujourd'hui, grâce à lapuissante protection de saint Joseph, elle estdans la joie. La veille de ce jour redoute, la

pieuse mère eut recours à l'Avocat des MK~~J~c//<?~ t

Cet Avocat avec A majuscule, s'il vous plaît!c'est encore saint Joseph. Tantôt médecin, tan-tôt avocat, et avocat des causes ~~c<M.

x Après avoir fait ceindre à son fils le cordonde saint Joseph, elle promit, s'il apportait unbon numéro, de publier cette grâce. Commetoujours, saint Joseph a justifié la confiancequ'onavait mise en lui; le numéro a été un des meil-leurs du canton.

» SŒUR MAR!E. »

Que serait devenue l'armée française, si tousles jeunes gens avaient endossé le cordon desaint Joseph avant d'aller tirer au sort?

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MAt BEUGE, couvent de Notre-Dame,< Au

mois de septembre, une de nos soeurs d'Avesncs,à qui on avait fait l'amputation d'une jambe,souffrait beaucoup de son moignon, qui étaithorriblement enflé. Elle eut la bonne pensée dele ceindre du cordon de saint Joseph. Le lende-main, elle était guérie.

Sapristi! pourquoi ne pas l'avoir mis avantr<!M~Mfj~'OM? la sœur d'Avesnes eût certaine-ment sauvé sa jambe, surtout si elle avait prisl'engagement de publier le fait dans le Propaga-teur, dans la Lune et dans le ~e~/

On a vu saint Joseph médecin, saint Josephavocat, voici maintenant saint Joseph notaire.

BRUGES, 2! novembre t868. « 11 y avaitenviron quinze mois que je désirais me défaired'une propriété; mais quoi que je fisse pour arri-ver à mon but, mes ~démarches restèrent toutessans succès. J'étais presque découragé, lorsqu'unzélé serviteur de saint Joseph me remit le cordonbénit et m'engagea à promettre à ce grand saintde vous écrire si, au bout d'un mois, il m'obte-nait la faveur tant désirée.

Quinze jours plus tard, une personne se'présente qui, après avoir examiné ma maison,se décide à l'acheter. Que saint Joseph en soitloue!?n

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Saint Joseph tenant un cabinet ~'<r~y.vent': de propriétés!

Sr;C<XXS DAM UN ACCIDENT DE CHEM!t< DE FER.

Saint Joseph empêche la rencontre de deuxtrains.

SECOURS DANS UK CHOC DE HACRES<

Le timon d'une voiture de place, conduite parun cocher ivre, défonce la portière d'un autrefiacre et ne crève qu'un étui à chapeau.

Enfin

Bf-LGtQUE. Buvrines, 20 novembre t852. –

< Un de mes neveux, âgé de trois ans, souffraitcruellement d'une inHammation d'intestins. »

(Eh quoi même les intestins?)

< Le médecin disait qu'il en avait au moins

pour d~x jours à souffrir.

» La deuxième nuit, ses douleurs augmen-taient tellement que je croyais qu'il ne lapasserait pas, lorsque j'eus recours au cordonbénit de saint Joseph.

» Négligeant l'ordonnance du médecin, je

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laissai le cordon pour seul remède. Aussitôt monp.tit demanda à manger. <

(Voyez-vous ce cordon qui creuse?)

« Depuis lors il est mieux portant que jamais.

« ADÉLAÏDE BURG. X

Ce dernier trait est fait pour plaire aux per-sonnes constipées, telles que Comparet, curé; lamarquise de Brehan et le duc de Pluskow, quin'ont qu'à tacher la Crevalescière pour prendrele cordon de saint Joscph,

Concurrence à Lachaud,Concurrence à Ricord,Concurrence au chocolat purgatif,Concurrence au chirurgien Labbé.Le cordon de saint Joseph supprime tout inter-

médiaire. Bien plus, il débarrassera les nationsdes armées permanentes, comme l'indique l'his-toire du jeune homme qui a tiré un bon numéro.

H ne reste plus qu'à appliquer le cordon deSlint Joseph aux prochaines élections; on n'auraque des députés de la droite. Ils se mettront les

uns sur les autres plutôtque de siéger à gauche.

LE PROPAGATEUR,

bulletin mensuel, ne coûte que 2 fr. 5o par ar.J'écris par ce courrier même à Saint-Dizier, pour

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prendre un abonnement sous le nom de mabonne.

Quant au cordon, il est vraiment pour rien

En coton, la douzaine. y5 centimesle cent. 5 francs

Kn fil, la douzaine. t franc 40le cent. to francs.

Je vais m'occuper d'en faire venir quelques-uns; ct~ comme je ne suis pas égoïste, j'en don-nerai un en coton à Vacquerie, un autre en filà Vioor Hugo.

Si ces cordons produisent un effet quelconque;je prends l'engagement de l'écrire au Propa-~~u/

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LE1 BEDEAU

Les bonnes fortunes ne sont point le privitégeexclusifde l'emploi de ténor ou de jeune premier.lisufnt d'être en vue d'une façon quelconque,de porter du galon, un tricorne ou un sabre,

pour attirer l'attention de coeurs qui ne deman-dent qu'à parler.

Un employé du gaz, regardant passer un ré-giment de hussards, disait à son voisin « J'aimeautant ma tunique que celle-là; elle est moinsbrillante, mais on a l'air moins poseur. Unjeune croque-mort déclarait être attaché à sonmétier à cause du prestige attaché à l'uni-forme.

Aussi favorisé sur les dalles de l'église que leténor en vogue sur les planches du théâtre, pluscouru parce qu'il est discret par profession, lebedeau n'a pas à redouter la concurrence du bari-ton et de la basse-chantante.

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Regardez un dimanche à l'église, ce belhomme qui domine le clergé de toute sa hauteur,H porte un chapeau à plumes, un uniformeà lafois imposant et brillant; un splendide baudriers'étale sur sa poitrine. Il avance, marquant cha-

cun de ses pas d'un coup de pique sur le marbre.Tantôt, il est seul, arpentant l'église comme unma'.ue; tantôt, il est suivi d'un prêtre qu'ilscn':b)e protéger de son autorité. Le bedeau estle seigneur, !e vicaire qui le suit a l'air d'être sondomestique.

Pour les pauvres 1 °

Pour le denier de Saint-Pierre!1Pour les besoins de l'Eglise1

C'est sa voix qui rompt le silence solennel.Le bedeau seul a le droit de parler haut et sa

voix résonne sous les voûtes sonores.

Jacques Flasquelle est bedeau de Notre-Dame-des-Sommiers~ une église Renaissance à laquelledeux clochers à jour s'élevant au-dessus d'unecorniche dentelée donnent un aspect italien. Lacolonnade est grêle, élancée; les chapiteaux etles feuilles d'acanthe attirent le regard du con-naisseur par une élégance particulière.

C'est du haut'de la dernière marche que Flas-quelle, en grande tenue, attend la mariée ou lecercuei); c'est lui qui mène le cortège. SaintPierre n'est qu'un simple concierge Flasquelle

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est l'introducteur des ambassadeurs, le grandmaître des cérémonies.

Les grisettes du quartier l'admirent de toutela naïveté de leurs grands yeux noirs ou bleus;les femmes de chambre soupirent en le regar-dant, et les cuisinières en raffolent.

Il a le teint coloré, les yeux ronds; il se dresseet se meut avec des majestés de gendarme.

M. le curé lui dit quelquefois Flasquelle,vous êtes un bien bel homme! 1je vous ordonnede ne pas approcher du confessionnal quand jereçois des pensionnats de demoiselles. Vous êtesune cause de distractionet je dois vous t'appelerque je vous ai engagé pour le service de Dieu.

Un jour, une dame de la paroisse demanda àparler à M. le curé. Celui-ci la recu~ aussitôt avecsa bienveillance accoutumée.

La dame parla longuement à voix basse; le curéparaissait consterné.

H fit appe!er Flasquelle et lui arracha l'aveud'une faute. Cette faute, il fallait la réparer ouperdre sa place.

C'est ainsi que Flasquelle épousa une Bour-guignonne, cuisinière dans le quartier, laquelleétait enceinte de ses œuvres. Elle n'en prit pasmoins la fleurd'oranger,pavillon qui couvre tantde marchandises.

Flasquelle alla bravement au feu. La cuisi-

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nicte, petite personne sentimentale, mourut debonheur après deux ans de mariage, laissant unenfant qui ne pouvait manquer d'être bedeau àson tour. H est bon qu'une charge se transmettede père en fils dans une famille. C'est par cemoyen qu'on consolide les sociétés.

Mais pour être veuf, Flasquelle n'en était pasmoins beau. On s'occupa beaucoup de lui dansles loges de concierges,chez la fruitière et chez leboucher. It ne pouvait rester seul; il lui fallaitquelqu'un pour élever son enfant. Il y avait dansle voisinageune petite femmede chambre, blondeet paie, un peu boulotte, une orpheline des en-virons de Lisieux. Joséphineétait entrée au ser-vice d'un couple clérical, mari et femme sansenfants, très dévots et ne donnant jamais un souà un pauvre. Ils avaient même interdit par unordre formel donné au concierge de jamaislaisser entrer les chanteurs, aveugles, vieillards

ou mendiantsde quelque espèce que ce fût dansla cour de la maison dont ils étaient proprié-taires. Joséphine avait dix-sept ans. Sa conditionn'était pas très brillante 35 francs par mois etune bouteille de vin par semaine; mais elleCOtrptait apprendreàcoifferet trouver par la suiteune condition meilleure.

Le bedeau avait remarqué Joséphine; son at-titude à l'église l'avait impressionné. Elle avait

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une manière de joindre les mains, une façon delever les yeux au ciel qui eussent frappé l'hommele plus insensible. Puis, quand Joséphineappro-chait du tribunal de la pénitence, sa confessionne durait jamais plus de cinq minutes. Elle avaitdonc peu de chose à dire; son âme était purecomme son visage; et~ comme elle se signaitavec grâce et componction C'était un signe decroix particulier, à la fois langoureux et pas-sionné, l'ut des signes de croix.

Flasquelletournad'abord autour de Joséphine.Il lui faisait des petits saluts de tête pleins debienveillance; il l'attendait au bénitier et luiprésentait l'eau bénite au bout de ses doigts.

La première fois, Joséphine devint touterouge.

Enfin, Flasquelle l'aborda dans la rue et semit à lui faire une cour en règle.

On les vit souvent ensemble, causant le soirsous une porte-cochèreou sous le péristylemêmede l'église.

Un soir, plusieurs personnes étaient réuniesdans la cuisine du premier, au n" 3z de larue X.

11 y avait la cuisinière du second et celle dutroisième, la femme de chambre d'en face et leconcierge du 29, qui aimait beaucoup à can-caner.

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Tu crois que Flasquelle t'épousera? de-manda la cuisinière.

– H me l'a promis, répondit Joséphine.Promis, promis 1 il Fa promis à bien d'au-

tres.– Cependant, ~c'est un homme sérieux puis-

qu'il s'est marié une première fois.Il s'est marié parce que le curé l'y a forcé,

fit observer!econcierge.

– Enfin, continua Joséphine, il lui faut unefemme pour garder son enfant.

– !t mettra son enfant en maison et ne s'en

occupera plus.Moi, dit la femme de chambre d'en face, je

n'aimerais pas à épouser un homme veuf.Tous les hommes sont plus ou moins veufs,

fit observer le portier.Lt Cu[S)N)f;RE. Je ne crois pas, Joséphine,

que le bedeau ait l'idée de te prendre pourfemme.

JosEpH~E. – Pourquoi ça?Lt Cu)s;siÈRE. Parce que tu n'as rien, pas

!e moindre sac à la caisse d'épargnes. Et puis,

tu ne sais pas même faire la soupe. Qui est-cequi lui fera son dîner à cet homme?

Le PORTIER. C'est un Suoorneur. H a joué!e tour à la grande Anna du 5, rue de. et à lablanchisseuse du n, et à bien d'autres.

Jo$M'H)NE. !1 ne m'a jamais rien demandé.

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LA CUISINIÈRE. Parce qu'il sait que tu esinnocente, il attend le moment. et le momentvient toujours.

LE PORTIER. Faut le forcer de s'expliquer.LA CutSf~jKRE. – Oui, faut qu'il s'explique.

Quand il aura fixé une époque, on verra bien s'iltient parole.

LA Ft-MMK DE CHAMBRE. – ~Quoique ça soi:drôle tout de même d'épouser un bedeau.

JosËpHt~E. Pas plus drôle qu'autre chose.LE PORTIER. – C'est une profession qui s'en

va. Les bedeaux sont les derniers représentant:.d'institutions vieillies.

H faut croire que Joséphine mit Flasquelle aupied du mur, car !e lendemain, on remarquaqu'elle avait les yeux rouges.

Eh bien? lui demanda la cuisinière.Pour toute réponse, la petite blonde fondit en

larmes.

Peu de jours apr~s, Joséphine demanda soncompte et quitta la maison.

Elle fut rencontrée aux Folies-Bergère, auskating de la rue Blanche. Puis quelqu'un l'a-perçut au Bois dans une voiture de maître –qu'on pensa être une voiture de maîtresse.

Elle était lancée. Au bout d'un an, on la con-naissait dans le monde galant sous le nom de

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madame de Blavigny. Un comte juif faisait desfolies pour elle.

Quelle idJelu! prit un dimanche matin? Ellearriva au milieu de la messe dans l'église deNotrs-Dame-des-Sommiers.Flasquelle présidaità la quête. !i donnait de grands coups de halle-bardc et chacun mettait la main à la poche.

Joséphine le regarda bien en face et mit osten-siblement cinq billets de cent francs dans i'au-môniëre. ·

Ft~squeUe devint pâle comme la mort et le vi-caire s'inclina humblement devant la généreuse

personne qui venait de faire une si belle au-mône.

Quand madame de ~avignysortit, le bedeau

la contemp!a par une des portes de côte.Il la vit monter dans un coupé qui s'éloigna

rapidement, ramenant au tourbilloncelle que lui,Flasquelle, avait dédaignée.

Le bedeau rentra la tête basse, la hallebarde

sous h bras, et le diable eût pu l'entendre mur-murer:N. d. D.tj'a! fait une boulette1

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LA

SOURCE DE SAINT-VESCENT

Quel est le curé de campagne, le vicaire ou ledesservant qui n'a pas rêvé d'une source miracu-leuse La source est le gros lot du tirage clérical,le quine de la loterie catholique. Si les évoqueslaissaient faire, chaque village aurait son appa-rition, et battraitmonnaieavec l'eau de ses puits;mais par ces temps d'incrédulité, on n'autoriseque rarement la sainte Vierge à se manifester.Les villes lui sont interdites, les villages mêmen'ont pas le droit de contempler sa face lumi-neuse. On ne lui permet que la rase campagne,un seul témoin, deux au plus. Leur affirmationdoit suffire à entretenir la foi. Quant à ceux quine veulent pas croire, ils brûleront dans l'autremonde âpres avoir eu froid dans celui-ci.

Gustave Droz a raconté toutes les intrigues,pieuses et galantes, qui se croisent autour d'une

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source. La légende de Lourdes, réduite à sesproportions historiques, ne donnerait qu'unedemi-page des Aventures de T~M~/j~ – dans le

ventre de la baleine. Veuillot le sait bien, desHoux ne l'ignorepas, -et ces nouveauxauguresévitent de se rencontrer pour ne pas se mettre àrire.

Depuis un voyage qu'il avait fait à la Salette-Fallavaux, le curé de Saint-Vescent était devenusongeur. L'année suivante, il poussa jusqu'àLourdes,et, tout ébloui des richesses qu'il avaitvues, des entassements de chapelets, de scapu-laires, de médailles, de la foule des visiteursquise pressaient dans les hôtelleries, le pauvre curérevint en soupirant dans son misérable village.

Saint-Vescent ne compte que six cent trente-trois âmes. Une longue ruebordéede petites mai-

sons irrégulières, dont la plus haute n'a qu'unétage et demi, deux ruelles et une impasse, c'esttout Saint-Vescent.

L'église est au bout, une pauvre église bâtie enmoellonsavec une charpente recouverte de tuiles;le ptesbytëre a été bâti tout à côté. 11 est agré-menté d'un bout de jardin attenant au cimetière.

Tout autour, la campagne, c'est-à-dire deschamps et des v!gnes basses, une campagne plateet rase sur laquelle s'appuie le ciel comme unecuvette renversée.

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Huit cents francs paran,quatrecents francs decasuel, du beurre, des fruits, quelques volaille;et quelques bouteilles de vin, telle était la pré-bende du pauvre curé.

H eût fallu un miracle pour changer sa situa-tion il y songeait souvent, sans oser espérer quele ciel fît jamais descendre pour lui l'imageradieuse de la Vierge ou seulement d'un de;saints du paradis.

On le voyait souvent agenouillé devant unestatuette de plâtre colorié qui/placéeentre deuxchandeliers sur un petit autel, à droite du chœur,faisait l'effet d'une garniture de cheminée. H n'ymanquait que le cadran de la pendule; mais onsait que les cadrans sont presque toujours chezles horlogers.

Le cure le prenait sur tous les tons avec sastatuette. Tantôt il la suppliait de se montrer enchair et en os à quelqu'un de ses paroissiens, luiindiquant les endroits favorables, soit le petitbosquet sur la route de R. soit la Roche tarie,à la sortie du village. Tantôt il lui démontrait,par une série de raisonnements, qu'elle avait toutintérêt à ne pas se faire solliciter plus long-temps.

Le bedeau prétendait même que, certain jour,après un copieux déjeuner chez le notaire de lalocalité, il avait entendu le bon curé s'écrier, enapostrophant la statuette

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Ah! ça, veux-tu apparaître, vieille entêtée?Il y a assez de temps que tu me fais poser).

Sur ces entrefaites, la sœur du curé de Saint-Vescent, veuved'un sous-officier, tomba au pres-bytère, avec sa fille Caroline. La veuve avaitobtenu l'autorisation d'ouvrir un débit de tabacà Saint-Vescent; mais, comme la vente du capo-ral et des cigares d'un sou n'eût pas sum à lafaire vivre avec sa fille, elle avait eu l'idée d'yjoindre un petit commerce de mercerie.

Il fut décide qu'on lui aménageraitune bou-tique et qu'en attendant elle demeurerait au pres-bytère. Caroline avait vingt ans, et son appétitterrinait le curé et sa domestique, une vieillepaysanne qui savait faire le pot-au-feu avec unmanche à gigot et une tête de canard.

Pour se tenir à la hauteur des circonstances,!e cure se résigna à entamer ses économies, unesomme de centsoixante-troisflancs, péniblementamassée et serrée au fond d'un tiroir, sous lesgilets de naneHe.

H poussait des soupirs à fendre du bois et, plusque jamais, rêvait d'un miracle qui lui assureraitune douce aisance.

Le );ndemain de l'arrivée de ces dames, dansl'après-midi; la veuve était occupée f.e son ins-tallation, et le curé, resté seul au presbytère,jetait des regards mélancoliques autour de lui,.

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quand il vit arriver deux enfants qui couraientles pieds nus dans la poussièredu chemin; c'étaitle petit Levrault, fils du charron, et MadelineBouscarin, qui, du matin au soir, un vieuxbaquet au bras et une pelle à la main, ramas-saient le crottin de cheval etla bouse de vache,ces dons du Seigneur que chacun peut glaner surles routes.

M'sieu le curé m'sieu le curé 1

Ils étaient rouges et tout esseulésLe curé de Saint-Vescent tressaillit.

– Qu'y a-t-il, mes enfants?La Roche tarieI

Eh bien?

– ![ y a de l'eaul

De l'eau 1 de l'eau! etcit-cepossible? On disaitbien qu'il y avait eu là, autrefois, une sourcejaillissante, mais le filet s'était desséché depuissi longtemps que les villageoisavaient renoncé àl'espoir de s'y désaltérer jamais.

Vous êtes sûrs~ mes enfants, d'avoir vu unfilet d'eau?

Oui, m'sieu le curé) s'écria Madeline, et labelle dame nous a dit Voilà de l'eau, mesenfantsl

QueHe belle dame?– Oh!pour sûr, c'était celle dont vous avez

parlé dimanche.Notre Dame?

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Oui, m'sieu le curé, répéta le petit Levrault;p

vous savez bien ce que vous avez dit. qu'onl'avait vue à Lourdes et à la Salette!

Le curé fut pris d'un tremblementnerveux. !1

se leva tout d'une pièce et remercia le ciel.Scs vœux étaient exaucés, il avait sa source.

Et quel miraclel le nom seul du lieu choisi, laRoche tarie, indiquait une intervention provi-dentielle.

Il irait des le lendemain porter la bonne nou-velle à Mgr Hilarion, évêquede R. Les pèlerinsaltaient accourir. On bâtifait une magnifiqueéglise au-dessus de la Roche tarie, avec deux clo-chers aux neches élancées.Demagnifiques vitrauxtamiseraient une lumière rouge et bleue sur lespiliers. Un autel doré, un splendide ostensoir,

une lampe qui ne s'éteindrait jamais, des béni-tiers de marbre blanc, des tableaux de sainteté,

un confessionnal en chêne sculpté, des orgues

aux roulementssolennels portant la terreur dans

tous les coeurs il voyait passer toutes ces mer-veiUes comme dans le champ d'une lanternemagique.

Saint-Vescent prenait tout à coup une impor-

tance inattendue. Dix, vingt hôtels se bâtissaient

pour recevoir la foule. Devant l'église s'ouvrait

une longue avenue qu'on plantait de platanes,

et, de chaque côté de l'avenue, de petites bouti-ques s'installaient. On y vendait des images de

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Notre-Dame de Saint-Vescent, des chapelets, desmédailles bénites, et lui régnait sur tout cela 1

Son coeur se gonnait de joie. H jeta un regardméprisant sur la maçonnerie en ruine qui avaitporté jusque-!â le nom d'église. Qu'en ferait-on?Fa))ait-it la démotir ou y établir une succursale?Les étrangers aimeraient peut-être à visiter cettebicoque. Elle ferait contraste avec la nouvellebasilique. Mieux valait la conserver, mais ensurveillant soigneusement le vicaire qu'on nemanquerait pas d'y placer.

Revenant à la réalité, le curé de Saint-Vescent

se mit à questionnerles enfants. H revenait tou-jours, dans son allocution dominicale, aux appa-ritions miraculeuses de la Salette; il avait souventd-'pcint à son auditoire le costume de mademoi-selle de la Merlière, une robe jauneet un bonneten pain de sucre.

Souvent aussi les paysans de Saint-Vescentavaient entendu répéter les paroles de cette pseu-do-Vierge de la Sa!ette « La main de mon fils

est !ourde, et je n'ai plus la force de la retenir;elle s'appesantira sur mon peuple. Ils jurent

comme des charretiers qui conduisentleurs char-

rettes. Il va venir une grande famine. Les pom-mes de terre vont pourrir et le blé sera mangé

par les bêtes.Notons que mademoiselle Constance Saint-

Ferréol de la Mer)iere a manqué de nez dans

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cette circonstance. Si elle avait prédit le phyllo-

xera, le miracle eût été mieux réussi.Comment était cette dame? demanda le

<uré de Saint-Vescênt.Elle était jeune.Pas d'enfant sur les bras?Non.

– Pas de cercle d'or sur la tête?– Non~ elle avait un chapeau de paille.– Et vous avez vu l'eau couler?– Oht pour ça, il y en avait toute une rigole.– U faut y aller voir dit le curé en prenant

son chapeau.Tout à coup, Madeline poussa un cri.

Ah t c'est elle t

Qui, elle?La dame de la Roche tarie.Oui 1 oui répéta Levrault.

Le curé pâlit.Mais. c'est ma nièce, murmura-t-il.

Et, comme Caroline approchait, il lui de-manda

– D'ou viens-tu?– De la promenade.– Mais tu t'es arrêtée?– Un instant. }

–Ouceta?– A la Roche tarie.– Mais ces enfants ont vu de l'eau?. i

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!~0 FLEUM DADULThRB

Mademoiselle Caroline rougit jusqu'au blancdes yeux.

Je me croyais seule, dit-elle, et, commej'étais prise d'un petit besoin.

Oh ma source! ma source! 1 s'écria le curéde Saint-Vescent en retombant sur sa chaise.

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FANTAISIE CLÉRICALE

En !83y, Stendhal parcourait la France à pe-tites journées, observant et notant tout ce qu'iltrouvait de curieux ou d'intéressant autour delui. Je vJrine, écrivait-il alors, que la Francerecevrait avec reconnaissance une réforme rai-sonnable du culte catholique. Si M. de Lamen-nais avait trente ans et une bonne poitrine,il pourrait se créer un rôle flatteur pour l'amour-propre. A l'avenir, chaque curé aurait suivi unpetit cours d'agriculture, et le péché de voler levoisin serait plus grand que celui de manquer lamesse le dimanche.

Depuis cette époque, l'esprit public n'a faitde progrès que dans les villes. Une grande moitiéde la population suit avec intérêt la discussion

sur le traitement des évêques. 11 ne peut y avoirde religion sans ministres, et encore faut-il queces ministres puissent s'habiller convenablement.

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Pourquoi une re!igion? demandentceux quisavent s'en passer.

il faut poser la question à tous les autres; ilsrépondront.

Un type qui tend à disparaître et que laRépublique n'encouragerait certainement pas à

coupe de budget, c'est celui du prélat galant. Lamitre a eu ses Aramis, ses éveques musqués, etles modernes Madeleinesont eu plus d'une occa-sion de se repentir.

Voici un fait dont je garantis l'authenti-cité

C'était il y a une quinzained'années, dans unecapitale aussi grande, aussi mouvementée, aussipleine d'imprévuque Paris. Dans cetteville vivaitune femme d'esprit qui, retirée de la galanterieavec une certaine fortune, s'était fait un petitcercle de grands seigneurs, de gens de lettres etde comédiennesà la mode. Son salon était connu.On y trouvait un ou deux ambassadeurs, que!*

ques princes russes et les éternellement jeunesdupays, comme l'était à Paris Nestor Roqueplan,comme J'est encore Emile de Girardin.

Cette femme,qu'onavait surnommée la lionne,secouait encore sa crinière grise dans les soupersgalants et dans les fêtes demi-mondaines.Elleavait, paraît-il, laissé une famille en province,

car, un beau jour, une lettre lui annonça l'arrivée

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d'un2 ni~ce devenue orpheline. La nièce devait

trouver chez sa tante un refuge naturel.f~ lionne attendit de pied ferme. le lende-

main, un fiacre déposait à sa porte une jeuneprov;r.cialededix-huit ans, à l'airtimideet niais,qui demanda les yeux baisses Ma tante, s'il vous

p!a!t?Ah! c'est toi? dit la lionne, en toisant duLI

regard ce paquet que lui jetait la province.Oui, ma tante, j-: suis Dorothée.

Et II nièce ouvrit les bras pour l'embrasser.C'est bon, c'est bon, fit la tante en la repous-

sant. Conduisez cette petite à sa chambre!1La jeune fille avait été élevée à la campagne

par des sœurs de Saint-Joseph; elle était confite

en dévotion, faisait le signe de la croix toutes lescinq minutes et passait la moitié de ses journées

à l'église.Dans le réduit plus que modeste qui lui avait

Jtc dJsignë, à côté des chambres de domestiques,

elle accrocha au mur un grand crucifix au-dessusd'une petite chapelle, agrémentée de deux vasesgarnis de fleurs artificielles,devantlesquelss'agé-nouillaient deux ?nges en plâtre. Une statuettede la Vierge tenant son petit Jésus sur les bras.

une branche de buis bénit à la tête du lit et unpetit bénitier de porcelaine où la jeune fillemoui)!ait ses doigts matin et soir donnaient àlachambiCtte un aspect monacal. Vainement la

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lionne fit asseoir la petite à sa table, en joyeusecompagnie, avec des robes décolletées;la nièce re-gimbait au vice. Elle jetait un col de mousselinesur ses épaules et se mettait à pleurer quandquelqu'un des convives la 'prenaitpar la taille.

H n'y a rien à faire de cette petite, pensa lalionne.

Et elle cessa de s'occuper de sa nièce autre-ment que pour la traiter de dinde ou d'idiote.

La nièce allait tous les jours à l'église et ypassait deux ou trois heures.

Un jour vint où la lionne trouva que la petitecampagnarde avait un je ne sais quoi qu'elle nelui connaissait pas. Ses façons étaient plus dé-gagées, elle regardait les gens en face sa dé-marche même était devenue légère. La lionneconclut qu'il s'était passé quelque chose.

Elle se rendit dans la chambre de sa nièce etferma la porte en dedans.

La petite pâlit, comprenant que le momentétait solennel.

Aux premiers mots que lui dit sa tante, elle sejeta à ses pieds et lui fit sa confession.

Elle avait rencontré à l'église un personnagequi semblait suivre avec intérêt ses dévotions. Cetinconnu la saluait habituellementavec bienveil-lance. Un jour, il lui adressa la parole, s'informade sa situation. IJ tressaillit en apprenant qu'elle

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êmit !) ni~ce de la lionne, dont la réputationct.'it arrivée jusqu'à lui.

I.a jeune fille prit l'habitude de causer avec ceprotecteur providentiel,qui finit par lui dire queleur amitié pourrait être mal interprétée.

Le monde est méchant,et, pouréchapper à sescritiques, l'inconnu avait loué un petit apparte-nient dans une rue éloignée.

C'est là que Dorothée se rendait chaque jourau lieu d'aller à l'église, comme précédemment;c'est ià aussi que, dans un doux cantiqued'amour,elle s'était oubliée dans les bras du saint homme.

C'est bien, dit la lionne. Je saurai à qui tuas affaire.

Elle attendit en voiture à la porte de la maisonoù avaient lieu les rendez-vous. Un homme vêtude noir en sortit. H monta dans une voiture deplace qui l'attendait au coin de la rue et dont lecocher fila sans demander où il fallait aller.

La lionne suivit dans son fiacre.

La voiture s'arrêta devant un hôtel de belleapparence. Le monsieur descendit et disparutsous la voûte.

La lionne emboîta le pas, mais un conciergelui barra la route endisant:

– Monseigneur ne reçoit pas aujourd'hui.Comment 1 < Monseigneur?« fit la lionne;

où suis-je donc ?79

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– Chez M~rt'archevcquedeX.La lionne se retira rêveuse.

Petite, dit-elle en rentrant à sa nièce, avecton air bête, tu as aussi bien travaillé qu'uneautre. Ta fortune est faite.

Dorothée ouvrit de grands yeux.Ma fortune?i'Devine quel est ton protecteur?

– Je n'en ai aucune idée.– Vrai, tu ne te doutes de rien?– De rien.

Kh bien c'est l'archevêque de X. I

KtcHe nomma la capitale de ce pays-là.Ah 1 mon Dieu s'écria Dorothée en tom-

bant évanouie.

Le lendemain matin, la tante lui fit lalecon.

Tu vas aller à ton rendez-vous comme decoutume, dit-elle. Puis, à un moment donné,quand tu le croiras opportun, tu diras à Monsei-

gneur que tu voudrais bien savoir quel estl'homme que tu aimes de tout ton cœur.

– Oui, ma tante.– As-tu lu l'histoire de l'~woKr Psyché,

que je t'ai donnée hier soir?Ou), ma tante, Je t'ai lue deux fois.

– C'est bien tu lui rappelleras cette histoire.Tu ajouteras que tu ne serais pas aussi folle que

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Psyché. et ennn tu finiras par avouer que tusais tout.

--Bien, ma tante.–Surtout sois aussi aimable que timide,

aussi tendre que circonspecte. Nous verrons cequ'iîdira.

Dorothcc aUa au rendez-vous, mais unedemi-heure après elle était de retour.

Que s'est-il passé? demanda fiévreusementla lionne.

Ah t ma tante 1 il m'a repoussée. Il a pris

son chapeau et il s'est échappé en me disant queje ne le reverrais jamais 1

Maladroite Comment donc t'y es-tu prise?– Ah! ma tante, quand je t'ai vu. sachant

qui il était, je me suis sentie complètement trou-ble.

-Ato.s?--A)ors,jeme suis jetée à ses pieds, endisant:

Monseigneur, je vous prie de me donner votrebénédiction!

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UN HOMME PROVIDENTIEL

TYPE DE PROVINCE

Une petite ville de l'Ouest,don~ la population

ne dépasse pas seize mille âmes, fut un matinmise en émoi par la disparition d'un des négo-

ciants les plus honorablementconnus de la lo-calité. Un homme de cinquanteans, riche, ayantlongtemps occupa des fonctions municipales,M. Bourimel, attendu pour dîner par sa famille,n'était pas rentré chez lui. Trois jours se passèrentsans qu'il fût possible de savoir ce qu'il étaitdevenu. Les conjectures allaient leur train. Onparlait de ruine, de suicide! mais le notaireprouva que jamais la situation de M. Bourimeln'avait été meilleure.

Dans la ville habitait un jeune homme abso-lument insignifiante M. Anténor Dujardin.C'était un petit gommeux, niais, poseur, quiportait des vestons trop courts et des petits cha-

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peaux aux bords presque invisibles, Fils d'unancien avoué, il avait dû renoncer, pour caused'incapacité, à succéder à son père; du produitde )a vente de l'étude et des économiesde l'officierministérie) décédé, un conseil de famille avaitconstitué à Anténor huit ou neuf mille francs de

rente, qui suffisaient à entretenir son oisiveté.On le voyait, de midi à trois heures et de huitheures à minuit, faisant tranquillementsa partiede piquet dans le petit salon du café militaire. H

y prenait deux fois par jour sa demi-tasse, fumantsa pipe d'écume de mer, noire comme l'ébène,et n'élevant la voix de temps à autre que pour direà son chien Co~c~ là, ~<!w&r/

Rambler baillait de toute la largeur de sagueute, s'étirait lentement sur ses quatre pattes,poussait un gémissement comme pour dire qu'ils'embêtait ferme, et, finalement allait se coucher

sous la banquette.

Peu après la disparition de M. Bourimel, An-ténor Dujardin, muni de son permis de chasse,parcourait des terrains marécageux situés àproximité de la ville, quand, tout à coup,Rambler se mit à humer le vent et tomba enarrêt.

– Ici, Ramblert cria Anténor.Mais le chien lanca un aboiement aigu et sac-

cadé.

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Quelle pistea-t-iléventée? se demanda Du-jardin.

Hamb)er répondit avec des cris plaintifs.Décidément, il y a quelque chose.

Et Antcnor s'avança avec précaution jusqu'à

un bouquet de joncs qui poussait au bord d'unfosse. U aperçut alors dans l'eau boueuseun ca-davre, à moitié submergé, et, malgré une horribloblessure à la tête, il n'eut pas de peine à recon-naître M. Bourimel.

Pareille émotion n'avait pas encore troubtél'existence monotone d'Amener. H prit sa coursevers la ville, et arriva tout essoufflé chez le pro-cureur impérial, auquel il lit part de sa décou-

verte.Une heure après, toute h ville était en mou-

vement. La justice se transportasur le lieu où setrouvait le cadavre de M. Bourimel, qui fut ra-mené dans une voiture. Une enquête fut ou-verte.

Monsieur~ dit le juge d'instruction à Anté-nor Dujardin, vous allez être premier et peut-êtreunique témoin dan*-cetteaffaire.

– Je le sais, répondit Dujardin d'un ton qui,déjà, laissait percerune certaine importance.

La justice compte sur voustElle peut y compter.

A partir de ce jour, Anténordevint le héros de

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LNHOMMKr'ROViDM~~L t5tI

h \i))e. Tout !c mon Je 1 abordait pour !e presserde questions.

Comment le cadavre etait-it place?La tcte c'ait presque sous l'eau, n'est ce

pas?f.cs hnbits étaient en désordre?

Il y a eu une lutte sans doute entre M. Bou-rir-iicl et l'assassin?

!)s et tient peut-être plusieurs?– Un si brave homme!

Un pcre de famille!!.cs questionset les exclamations se pressaient

dru com'DC grc)e. Anténor répétait du matin' ausoir la même histoire, sans jamais se lasser.

J'étais parti le matin pour tirer des bécas-sines. Arrivé au mardis de la poudrière~ je memis à côtoyer le Fosse-Renaud, quand, tout à

coup Ramblcr tomba en arrêt au bord de la

mare. Je l'appelle; il n'obéit pas. Je m'avance.et figurez-vous mon émotion.

– Ah) 1 monsieur Anténor1

– Ce pauvre M. Bourimel, les jambes raides,la tête fendue.

Quelle horreur 1

Je suis revenu en courant à la ville.Vous avez bien fait.Et j'espère qu'on finira par découvrir tes

assassins.Depuis ce ~W mémorable, on~ne désigna plus

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Anténor Dujardin que comme < !e monsieur quia découvert le cadavre du Fossé-Renaud ».

La police arrêta peu après, dans un cabaretborgne, deux matelots espagnols en état d'i-vresse. On trouva sur l'un d'eux la montre deM. Bourimel. Se voyant pris, ils avouèrent que,ayant rencontré sur la route un bourgeois quilcur parut calé, ils l'avaient attaqué pour le dé-pouiller. Ils s'étaient partagé une somme de centtrente francs dont M. Bourimel était porteur,plus sa montre, sa chaîne et deux anneaux; puisils avaient traîné le corps de la victime jusqu'àla mare oh T~w~/er l'avait dépisté sous lesjoncs.

Les assassins comparurent devant la courd'assises de X.

Le journal de la ville fit un portrait soignédu témoin cité à la requête du,ministère pu-blic.

Le rédacteur disaitt M. Anténor Dujardin, dont la déposition

doit peser si lourdement sur les accusés, est unjeune homme d'une grande distinction. <

A l'appel de son nom, un frémissement par-court tout l'auditoire.

M. Dujardin, entièrementvêtu de noir, prêteserment ave.; une grande dignité et raconte lesfaits relatésdans l'acte d'accusation.

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Le président lui dit avec bontéLa cour vous félicite, monsieur, du sang-

froid et de l'énergie dont vous avez fait preuvedans cette circonstance. Sans vous, sans votreintervention presque providentielle, nous au-rions peut-être un chapitre de plus à ajouter àl'histoire des crimes impunis. Vous avez renduservice a la société, monsieur, et la société vousremercie.

Les deux matelots furent condamnés, l'un àmort, l'autre aux travaux forcés. A la sortie dupalais, une foule sympathique et émue s'ouvritrespectueusement pour livrer passage à AnténorDujardin.

!i fut nommé vice-président du cercle de laville et président honoraire de la Société dessauveteurs.

Les dames et les demoiselles se l'arrachèrent;et, un beau matin, maître Rognonet, notaire, leprit à part et lui lit entendre qu'il pouvait de-mander sans encourir le risque d'un refus, lamain demademoiseUe Prépotin de JambenviHe;trais cent mille francs de dot e;! r<'r/

Quelques châtelains du voisinage s'émurentdevoir une .n'c devenir simplement ma-dame Dujardin, mais le cure leur répondit enlevant les yeux au ciel

C'est lui qui a découvert le cadavre de9

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M. Bourimel. La Providence l'a choisi pour sonœuvre de justice.

Et tout le monde s'inclina.Une fois riche et pcre de famille,Dujardinde-

vint rapidement adjoint du maire; il n'y eut pasde concours d'orphéons, pas de régates, pas decomice agricole, sans que Dujardin fût commis-saire ou, au moins, membre du jury.

H se trouva ehnn un préfet qui demanda lacroix pour Anténor. Sa lettre se terminaitainsi:

M. Dujardin est une des hautes notabititesdu département. Il jouit de l'estime de tous sescompatriotes et de la considération générale.C'estun de ces citoyens modesteset consciencieuxqui honorent le pays où ils ont vu le jour. Dansune affaire qui eut jadis un grand retentisse-ment, M. Anténor Dujardin a joué un rôle desplus honorables. C'est lui qui a découvert le ca-davre du ~'0~(!M~/

Chaque fois qu'un étranger traversait la ville,on lui montrait la cathédrale, la tour Saint-Fir-min, le nouveau bassin et Anténor Du-jardin.

Vous voyez bien ce monsieur-là, qui sepromène sur le cours?

Oui.Vous ne devinez pas qui cela peut être?

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--Mafoiinon.Kh b!en! c'cst M. Dujardin.Qu'est ce que c'est que cela, Dujardin?

Vous ne vous rappelez 'pas t'artaire Bouri-mctP. Cet hc.mme assassiné par deux matelotscspagno)s. il y a une quinzaine d'années?

-Ahl oui, je me rappelle vaguement.Kh bien)1 ce monsieurqui a découvert

!c c.idavrc 1

Anténor porte sa gloire avec dignité. se saiti))ustre et ne triomphe pas outre mesure de la si-tuation. Madame Dujardin a toujoursfait mettresur ses cartes de visite HCC~-A~M~u'Ce rappel de médaille suffit à son juste orgueil.Kt)c adore son mari, qu'elle regarde commeun hcros, et il la traite avec les plus grandségards.

Elle va de temps en temps passer quelquesjours à Nantes, chez une de ses tantes, et à Bor-deaux, .chez son beau-frère. Là, on peut l'en-tendre quelquefois dire à ce public nouveau« Mon mari était parti pour allertirerdes bécas-

sines. Tout à coup, son chien se mit à hurler.M. Dujardin s'avança résolument, et alors. lescheveux s'en dressent sur la tête, il aperçut uncadavre horriblement mut)!ë, la figure couvertede sang, les jambes raides.

Ah madame! quel tableau1

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La bonne Jambenville est toujoursfière de sonpetit effet.

aAnténor est chevalier de!a Légion d'honneur,

maire de X. entouré des respects de la popula-tion, et le pauvre Ramblers'estéteint sur un peude paille dans un coin de la remise.

C'cst pourtant lui qui avait découvert le ca-davfet1

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LA GUERRE

/)t!~ le V~M~OMr~ ~'<i<-G~HM~

DE LA BÉNtHÈRE,L'ABBÉ ALFRED

L'AnBÉ ÂLtKFD. – Bénissez Dieu, monsieurle marquis. Les'infidèles vont se déchirer en-tre eux Schismatiquesdu Nord, mahométansdu Midi joncheront bientôt le sol de leurs cada-vres.

LE MARQUIS DE LA Bt'MTfERE. Frappez tou-)ours, Dieu connaîtra les siens t

L'ABBÉ ALFRED.Trois mille pèlerins marchentsur Rome. Les pétitions circulent chez tousles marchands de vin et sont couvertes de signa-tures. Vainement un pouvoir impie refuse decompliquer la situation. Nous lui forcerons lamain.

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LE MARQUts. J'ai presque envie d'aller <1

Lourdes.L'Anal ÂLtRKD. – Allez-y, cela ne peut pas

faire de mal mais n'oubticz pas !e denier de.S.unt-Piore.

LH MARQUIS. J'ai déjà donné vingt m!Hefrancs.

L'AmtK ALFRED. Qu'est-ce que vingt millefrancs par rapport à la vie éternelle ?2

LE MARQtjfs. Je ne m'cn rends pas biencompte; mais, dans la vie courante c'est unejolie somme.

L'Ar'.BH ALFRED. – Un denier t rien qu'undenier 1

LE MARQu's. – Qui seso!depardesm!)))ons.L'ABBÉ An.Rt.:)). – Rendez à César ce qui ap-

.ptrticnt à César 1

LE MARQu)s. – Je n'ai rien à lui.L'A~BÉ ALFRED. – Marquis, vous avez besoin

d'être n'ortifict (/M< ~o/c un .~K~7~.)t.E MARQ).s. – Alfred, vous vous oubliez.L'AMK ALFRED. Tendez l'autre joue tLa MAf~ufS. H faut que vous soyez bien

SL)r de votr.: affaire pour être si insolent?L'ABBÉ An.RKD. Oui, notre jour est proche.

La France, terrasséepar une coalition, courberaie front sous le sceptre de son roi légitime.Don Carlos s~ra nommé présidentde la cour decassation, et !e prince de Joinville directeur des

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Gobc'ins. H est question de canoniser le géné-ral Changarnicr et d'élever M. Chesnelong à ladignité de cardinal laïque.

J.H MARQu's. Et moi?1/AnHH ALFRKc. – Le roi verra à récompenser

vos rrcritcs.LE MARQUIS. A quand ce beau jou~.L'AME AtFRKD. Aussitôt après trois ou

quatre défaites.LE M~~<Qu~s.–Et si les Français n'étaient

pastx.ttus?L'AB~É An.RHD. Ce serait bien malheu-

re uxt1LE MARQUIS. Que pense monseigneur !e

comte deChambord?7L'ABBÉ ALFRED. Monseigneura consuhe

don Carlos. et il attend sa réponse.t,E MARQUIS. – Don Carlos s'est montré à

l'Expositionhippique?L'AuttÉALFRHD. Oui. mais il est plus près

de Madrid que jamais.LE MARQUfs. Et monseigneur ?L'AM)!: AtFRED. – Monseigneur est toujours

à Frohsdorf. mais son esprit est aux Tuile-tics. Des que nous aurons suffisamment irritét'!ta!ic, douze cent mille Allemands vont noustomber dessus.

Lu MARQUIS. Nous perdrons encore cinq ousix provinces ?'t

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L'AMH ALmED. – Qu'importe? H vaut mieuxn'avoir qu'un département, et que la foi y règne t

LE MARQUIS. Votre patrie est aux cieuxL'ABBÉ At.tRED. Vous t'avex dit, marquis,

et, dans le ciel, ce n'est pas le canon qui fait lesconquêtes.

Ls MARQUIS. Vous avez vu que LucienUrun vient d'être nommé grand-oflicier de G-goire le Grand ?7

L'ABBÉ At.FRRD.– Juste recompense de sachrétienne obstination!1

Dans un ~OM~9!r

BLANCHE DE FORTE-ALCOVE,JOSHPiUNK, sa /enMKe de c~~rf.

MADAMH DE FORTE-ALCOVE, en ~HO?'r dumatin. Le skating me tuera. J'ai de la rai-deur dans les jambes et des douleurs dans te bas-ventre.

Jos~putNE. -Madame devrai: faire attention.MADAME DE FoRTE~ALcovH.–'H faut bien sui-

vre les modes. Qu'est-ce qu'on penserait d'unefemme qui ne patinerait pas? Autrefois on tai-sait de t'œii, maintenant on fait du pied.

1Jost'pHiNE. Voici les lettres de madame.MADAME DE FORTE-ALCOVE. Voyons

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< Mon petitange vert,

x Les !ouis sont montés au ciel et lcs roublesIcsont suivis.

Rappelé au service par mon gouvernement,je ne puis satisfaire à ton désir. Je pars ce soir etje rejoindrai mon corps dans les Balkans avantla fin de la semaine. JI

Joshpm~H.–C'estte Russe??MADAME DE FORTE-ALCOVE. – Oui. le colo-

ncIRostoupoff.Jost'.pH)~E. Ha a plus de chance que Biltoir~

tout de même.MACAMH DE FûRTE-ALCovE. – En quoi donc?Jos~f'H'sE.– Puisqu'il va rejoindre son corps.

MADAME DE FoRTE-ALCovE. C'est vrai, je n'ypensais pas.(CoM~'HtMK~ sa /~c~<re) «.dansles Balkans. Si je ne suis pas tué en défendant nosfrères chrétiens de l'Orient.

JOSEPHINE.–Comment, ses frères? il disait

qu'il était fils unique 1

MADAME DE FORTE-ÂLCOVE. – « Si je ne suis

pas tué, je t'apporterai les 5oo francs que tu medemandes, ainsi que toutes les turquoises que je

pourraienleveraux Turcs.t Mille baisers sur ton faux chignon.

Colonel RosTOuroFf,

» C/;<M!M~H A~. du Qucsnel, colonel du)'))!c)~ des garde-malades c/tc~~y. »

JosÉpHiNE. – Madame est roulée.

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MAmMM M Fo)ir~At,covK. – Voyons l'autre.Je reconnais l'écriture. C'est de Scara-Bey.un homme chic,cetui-!à.(/e/)

<(Ktoi)edeiaruePiga))e,oLe commandeurdes croyants, mon illustre

m~utre, a oublie de payer nos appointonentsdepuis trois ans. Je n'ai pour fortune que deuxcents lots turcs et un sabre enrichi de pierreriesfausses. Je suis donc dans la doutoureuse néces-t-itcdevous prier d'attendre un nouvel empruntonoman pour payer votre terme. Si votre pro-priJtaire~ dans un de ces accès de férocité si com-muns à bourgeoisie française, résistait auxsupplications de vos beaux yeux, n'hésitez pas

une minute. Faitcs-!e coudre dans un sac et pré-cipiter dans le Bosphore Saint-Martin.

f Je suis, astre de ma vie, etince)antë houri,"Votreadorateurdevouc

» SCARA-BKY.M

Josn'mnH. – !1 n'est rien mouche ce Ture-)a!1

MADAME LE FoRTt-ALcovE. H n'y a plus

que mon AHemandqui puisse régaler. La troi-sicmc)ettrcsera)a bonne.

Josn'in~E. Lecomte Meyer von Uh!anpen~dulstein. Voilà un homme chic!1

MADAMH D! FoHH:-ALCOVH, OKM't!M~ la /C~C.

– <t Ma bctite C/;K/<<?. B

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Jo6h)'n)~p. – Tiens! c'est donc d'Offenbach >

MtDAMHDKFoRTE-ALCovE. – Non. j'imitela prononciation de ce cher comte. (Co/HHj~f).«. Pas !e sou à la maison. Tout pour le trésorde guerre, rien pour le trésor de mon cœur. Ilme reste à peine un double frédéric pour fairevivre ma femme et mes enfants pendant un an;riiais, pour te prouver mon amour, je te donne-rai pour tes étrennes un obus de campagne. ))

Jo~f'm~H.' Un obus ?2MADAME DE FoRTE-ÂLcovE.– De campagne..JoshpHf!<E. J'aimerais mieux une maison.

de m~me qualité.MADAME DE FoRTE-ÂLCOVE.– Joséphine,nous

sommes rasées 1

Josn'HfKH. Que faire ?2MADAME DE FORTE-ALCOVE. U faut nous

venger. Va m'acheter trois fioles d'acide suifuri-quet.

C/ le /?OKr~co~

GUtriOLLARD, MADAME GUmoi-f.ARD

Gu)co[.t.AR~ /M/i~ le Co~Kr!'o~Me/. – < LesRussescontinuent de se concentrer sur Ga)atz.7,

MtDAMH GUIBOLLARD. – Ou cela peut-il &rcGalatz?

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Gu)f!Ot.t.At<D. Regarde sur la carte que nousavons reçue en prime.

MADAMK GutBOt.t.ARD,après avoir minutieuse-MCH~<c/–Çan'y est pas.

GufBOLt.ARD. Tu en es sûre, Eulalie ?1MADAME GutbOLt.ARD. Absolument.GUI13OLT,ARD, continuant sa /<'C<W< <. Ils

semblent menacer la Dobroudja.))

MADAME GutBOLLARD. De quel côté CSt-Ce~laDobroudja?1

GufBOLLARD. – Regarde sur la carte 1

MADAME GriBOLLARD. Ça n'y est pas.GnBOLLARD. Je me demande pourquoi ils

m'ont envoyé cette carte. (Continuant.) « Cemouvement offensifa pour but de déplacer lesforces postées à Roustchouk. x

MADAME GutBOLLARD. – Attends un peu. queje cherche Roustchouk.

GuiBOLLARD. Ça y est-il ?1MADAME GutBOLLARD. – Non.GutBOLLARD. Qu'est-ce qu'ils ont donc pu

mettre sur cette carte ?1MADAME GuiBOLLARD. – Ils ont mis Prime

exceptionnenedeHvrée aux abonnésdu Bon sens?M~'o/!< Paris, Fripouillard, éditeur. iSyy.

GUIBOLLARD. Et les noms des pays?MADAME GnBOLLARD. Ils ont mis Russie,

Serbie, Monténégro, Turquie mer Noire, merMéditerranée.

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C~DiOLLARD.–C'CSttout?MADAME GuicoLURD. – Et. chaîne des

BatkanstlCutBOtf.ARD. Cela vaut mieux que rien.

mais ce sont des renseignements bien vagues.MADAMH GnBOLURD. !t est toujours natteur

d'avoir unecarte.Gu)HOLLARD. Nous y p!anteLons des e~pin-

gles au hasard, quand il viendra du monde. (Ilcontinue sa lecture.) « Les Russes veulent fran-chi: !e Danube à Ktadova. x Cherche Ktadova..?

MADAME GnBOLLARf.–Kiadova. Kladova. ~~`:

!tr:'yapasdeK!adovat 1

GUIBOLLARD. C'est agaçant. <t En Asie,on signate un engagement à Tchuruk-Sou. »

MADAME Gt'iBOLLA~D,cherchant. Tchuruk-Sou.Ça n'y est pas.

GutBOf.LARD.<[ H y a de l'artillerie entre

Erzcroum et Batoum. » Trouves-tu ?MADAME Gu;son,ARD. Erzeroum. et Ba-

tou.T). On ne les a pas mis sur notre carte.GUIBOLLARD, découragé. – C'est embêtant, à

la fin 1

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ÎHGH-LIF~

Un procès intenté à mademoiselle Fanny Ro-bert par une couturièrequi lui réclame 3o,ooofrancs, me confirme dans une idée que l'étudeapprofondie des bizarreries parisiennes avaitdéjà soulevéechez les observateurs sérieux. L'ex-périence démontre une fois de plus que ce sont,en réa!ité, les fournisseursqui entretiennent lesjolics femmes.

On voit poindre une petite étoile à l'horizondes skating-rinck; elle accomplit son évolution,et, après avoir traversé le ciel de carton d'un théâ-tre de genre, elle se couche derrière les arbresdu boulevard Haussmann, pour reparaître letendemain et les jours suivants.

Les astronomes lui ont donné un nom, elle

est désormais classée. Dans notre monde où onne connaît d'autre règle que le caprice, les étoiles

ont un avancement rapide. La nébuleuse d'hier

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peut devenir subitement un astre de premièregrandeur.

La petite Bretonne ou l'ingénue de Marseilleoui sortant de la gare son paquet à la main, s'estfait conduire dans un hôtel meubte du quartierdes Martyrs, peut, tout aussi bien qu'une autre,mettre la main sur le classique prince russe ousur le fameux directeur d'une banque de crédit.C'est une affaire de chance.

Il a tap~ dans l'mille,Hmi)e,

Rmi)c est un malin.H a tapé dans l'mille,

Kmite,Hmi)e est un lapin.

Tel est le refrain qui se chante tous lessoirs dans les cafcs-concefts. Ce qui est arrivépour Hmite peut parfaitement se présenter pourKmitic. U s'agit de taper dans le mille.

Les fournisseurs parisiens songent continuel-lement à ouvrir des débouchés. Qui donc achè-terait les chemises de douze cents francs, lespan-talons de satin rouge, les colliers de perles, lesdimants? Qui donc porterait tes flèches en bril-iants, les insectes au corps d'émeraude et auxyeux de rubis? Quelques femmes riches apparte-nant à la haute société financière ou nobiliaire.

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Mais leur nombre est limité. D'autre part, cesdames mêmes ont besoin d'être entraînées.

Quand elles aperçoivent dans les avant-scènesdes principaux théâtres ces rivales redoutablesqu'on appelle des cocottes et qu'elles nommentdcsfilles; quand, du bout de leurs lorgnettes,eiïcs étudient la toilette et comptent les bijoux deces brillantes créatures qui leur prennent tour àtour leur fiancé, leur mari et leurs amants, el!essentent qu'il faut lutter, lutter par tous lesmoyens; et le plus simple bon sens indique qu'ilserait imprudent de laisser à ces demoiselleshprivilége de la toilette, des diamants, des bou-quets, des parfums.

Hnlevex du jour au lendemain les équipagesdes cocottes, et vous verrez les femmes du monderenoncer aux voitures de luxe. Qu'il ne se trouveplus d'amateurs généreux pour vider les vitrinesde la rue de la Paix au bénéfice de la 'gorge et dupoignet des actrices et des chanteuses, aussitôtles mondaines renonceront à leur écrin. Elles

ne tiennent aux superfluités que pour ne pasêtre éclipsées. La cocotte est parfumée, la com-tesse de X. veut l'être aussi. La prima donades Bouffes, des Variétés ou des Folies, étale une

parure de diamants, la baronne de Z. veut enavoir de plus beaux.

Qu'ont donc ces femmes-là d'extraordi-naire ?

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C'est la question que posent toutes les mon-daines à ceux qui soupirent à leurs genoux,après avoir embrassé le pied d'une ballerine oud'une marchandede roulades.

MademoiselleJ. a un collier de trois centmille francs 1

– J'en aurai un de quatre cent mille t

Mademoiselle C. a un attelage de vingtmiiïc franc-

J'en veux un de quarante 1

MadameT. porte des chemises de batistesi fins que les mouches passent à travers.

H me faut une batiste plus fine encore.MademoiseHe Fanny Robert a des panta-

lons de soie rouge.-J'en commanderai demain.– Des jarretièresà fermoir de platine.– J'aurai des fermoir de platine enrichis de

brillants.Grâce à cette émulation, les grandes coutu-

rières peuvent faire fortune, les marchands decuriosités arrivent à vendre un bibelot vingtmille francs; il y a des bouquets de vingt-cinqlouis, des arbustes de six mille francs et des plan-tes grasses qu'on paye au poids de l'or.

L'oiseleur qui veut prendre des alouettescom-menceparen attacherquatre ou cinq par la patte;i! !es fait sauter au moyen d'une ficelle et fait

manoeuvrer le miroir Les alouettes,qui voient

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qu'on s'amuse et qu'elles n'en sont pas, accou-rent alors par douzaines et tombent dans lesfdets.

Le fournisseur parisien est audacieux. C'estd'abord un tapissier qui se risque une femmequi est dans ses mcubles a tout de suite un cer-tain crédit. Puis, viennent tour tour la coutu-rière, la modiste, !e joaillier, le fa r'cant de voi-tures, le marchandde chevaux.

<t Madame Anita resterachezelletous les joursjusqu'à quatre heures.»

Ce sont les fournisseurs qui ont versé la com-mandite en nature, avec l'espoir, il est vrai,d'être remboursas avec bénéfice.

Au bout d'un certain temps, ils essaient de lasaisie; mais la saisie n'est qu'un moyen d'ëmo-tion. Que saisiraient-ils? Ce qui leur appar-tient et n'appartient qu'à eux.

La petite dame a no je quelques relations; ils'agit de tater les amis, de voir quel sacrifice onpeut attendre de chacun d'eux. Le papier timbréest la pierre de touche du dévouement.

Le procès de Fanny Robert montreclairementle fond des choses.

Deux gentilshommes ont fait des billets pourgagner du temps. La couturière est provisoire-ment payée; elle ne cesse de t'être que le jour del'échéance.

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Cette fois, eHc demande de l'argent; et on ~-noffreencoredesbiUets.

<f Voûtez-vous, lui écrit tnademoiseUe Robert,dctxrniUecinqcentsfrancsdebiUetsd'unmon-sieur très solvable? Mais ne /M:<<He ,<c'c.0!<t~ MHeMO~it dirait que vouspouvez bien attendreque j'aie de l'argent.

Au jeu des billets comme nous le voyons pra–

tique dans cette affaire, mademoise)!e Robertrisque d'attendre longtemps et la couturièreaussi.

Sans doute, chacune de ces demoiselles reçoitde te nps en temps un billet de cinq cents ou demille francs, mais, au fond, le véritable entre-teneur, c'est le fournisseur.

Oui, H ya eu un prince russe qui a donna untniHi~n à une actrice des Variétés;

H y a un gëncrt de même nationalité quidonne cinq à six: mH'e francs par mois à unebonne fille qui l'a fait rire autrefois;

On connaît un des administrateursd'une So-ciété financière qui a couvert de diamants unepetite dame de théâtre exotique;

On cite un notaire qui s'est ruiné pour une'courusanc r~cdiocre;

Un'Mnquierqui adonné à sa favorite un hô-tel, des voitures et des chevaux qui brillent au-trement que par l'avoine.

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Mais ce sont là des exceptions.Dans la vie courante, sept ou huit tapissiers

fournissent des mobiliers que la couturière faitvendre. Tous les créanciers touchent 6 du cent;– et d'autres fournisseurs recommencent.

Ce sont des actionnaires incorrigibles. Ils sedisent sans doute que leur argent est encoremieux placé sur les épaules fragilesde ces rieusesenfants que sur la Sublime-Porte ou sur la foidu khédive. Peut-être ont-its raison.

H n'en est pas moins vrai que tous ces e)e-

gants des cercles de Paris, et ces Anglais qu'at-tire l'opérette, et ces Allemandsqui laissent leurprincipauté au vestiaire, ne font que vivre sur lefonds commun et profitent impudemmentd'unluxe qui ne doit rien à )eur générosité.

Les plus prodigues ne donnent que des à-com-ptes les autres font des billets et filent. Ils onttoujours eu trois mois de bon.

En somme, les gommeux de tout ordre et detoute provenance ne sont que de simples jardi-niers qui arrosent plus ou moins les fleurs qued'autres ont plantées.

Ce sont les fournisseursqui entretiennent lesfemmes. Chacune d'elles devrait appeler son ta-pissier « Monseigneur €t sa modiste

<Votre

Majesté!

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LA VtSin-; D'UN SOUVERAIN

Dangcau était d'avis qu'il ne faut rien laisserp:rdre. Beaucoup de gens vivent des miettes del'histoire. A ce compte, il est indispensable detirer de l'ombre un des épisodes les plus grotes-ques du scjour à Paris d'une altesse royale con-nue sous le nom de schah de Perse. J'entendsparler de la visite que fit aux bureaux du Figaroce souverain exotique.

Je n'assistais pas à la scène, cela va sans le dire,mais le récit m'en a été exactement rapporté,avec les inflexions de voix, même les gestes, parun des principauxacteurs de cette bouffonnerie,qji ne pouvant la raconter lui-même, a cepen-dant voulu qu'elle ne fut pas perdue pour l'his-toire.

On sait combien feu Villemessantétait friandde tout ce qui pouvait faire quelque bruit autourdj journal qui a été l'oeuvre de toute sa vie. Du

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même air d'importancequ'on prend en provincepour dire, en parlant d'une soirée Nous auronsle gcncrat ) 1 Villemessant tenait à se targuerdu discutable honneur d'avoir reçu un grandnombre d'altesses et de souverains.

Il y avait là une bonne matière à réclames; la

presse françaiseet étrangère ne pouvait manquerde tenir ses lecteurs au courant des faitset gestesdu schah de Perse, dn prince de Galles ou du roide Siam, toujours attendu. D'autre part, c'étaitun moyen simple et peu coûteux de jeter de lapoudre aux yeux d'un public entiché de roya-tisme, hobereaux abonnés au prix .fort, curés de

campagne abonnes à moitié prix au numéro dulendemain, dit BouiDon-Duva!.

Le schah de Perse représente, avec le roi deDahomey, le plus haut degré du pouvoir despo-tique en ce monde. A côté du schah de Perse, levice-roi d'Egypte et le sultan de Zanzibar sontdes souverains constitutionnels. Le schah a droitde vie et de mort sur tous ses sujets, mais il n'usejamais que du dernier. L'histoire de la monar-chie persane n'est qu'une longue suite d'assassi-

nats et d'atrocités; les dynasties s'y succèdentdans le sang.

On n'a pas oublié la grande boucherie qui se6t à Téhéran, au commencement du règne du

souverain actuel. U s'agissait d'écraser une secte

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rcti~icuse, )a secte inotfensivede ces doux rêveursqu'on appctait des babistcs.

Ce jour-)a,)our terrible, on vit s'avancercntre" `:

les bourreaux des enfants et des femmes, leschairs ouvertes sur tout le corps, avec des mèches

aUumccs, tombantes, fichées dans les blessures.Les soldats traînaient les victimes par des cordes

et les faisaient marcher à coups de fouet.Quand un des suppliciés tombait, on le forçait

à se relever à coups de baïonnette.Plusieurs des enfants expirèrent pendant le

trajet. Les bourreaux jetèrent tours corps sous lespieds de leurs pc'res et de leurs soeurs. Le bour-reau coupa la gorge à deux enfants sur la poi-trine de leurpère, qui servit de billot.

La nuit tomba sur un amas de chairs infor-mes, et les chiens des faubourgs firent bombance

toute la nuit.

C'est le père de ce peuple, qui devait faire v!-she aux bureauxdu Figaro, journal dévoue à laroyautésous toutes ses formes et dans tous iespays.

Tout avait été disposé dans le petit hôtel de la

rue Drouotpour une réception somptueuseOn avait mêmeemprunteà Offenbachie grand

fauteuil en carton dotequi servait de trône a Ju-piter dans Or~e ~:<.v e~<.

A neuf heures du soir, on annonça Son AI-

tcssc Royaic le schah de Perse.

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Villemessant, pour faire honneur au visiteur,s'était parédu grand cordon du Lion et du Soleil.Un large ruban vert le séparait en deux partiesdistinctes, et un gros chou s'étalait au-dessousde sa hanche gauche; ça lui allait comme deschaussettes à un canard.

Le schah, accompagnede quelques personnes,fit son entrée dans )e vestibule.

Villemessant, très ému, s'avançapourïe recevoir.Sire, lui dit-il d'une voix émue, c'est un

grand honneur pour le/ro.– MARCHE) interrompit impérieusement le

schah.– Mais, sire.

Marche!tEvidemment le schah n'aimait pas le discours.

Son geste était plein de colère, et Villemessantcomprit qu'il ne fallait pas embêter son altesseroyale. H marcha.

Après une inspection assez détaillée, Nasser-Kddin fut conduit aux machines. On y arrive

par un escalier assez étroit.Au momentou le schah mit le pied sur la pre-

mière marche, un jet de lumière électrique, des-tiné à augmenter la pompe du cérémonial,vintle frapper en plein visage.

Le schah recula vivement il avait cru à unattentat, mais, n'entendant aucune détonation,il se contenta de s'écrier:

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Chaud, chaud1 'u'Puis il descendit.'I.cs machines furent mises en mouvement et

!e souverain persan parut prendre beaucoup deplaisir à voir !cs numéros sortir tout imprimésdu cylindre.

Il voulut en prendre un, mais il devait lui en

cuire, car il reçut un bon coup de tampon surla main.

tl se frotta comme un simple mortel pour cal-mer la douleur, et ce ne fut qu'au bout de quel-,

qucs instants qu'il continua sa tournée.Le chef machiniste du Figaro est, paraït-i),

un royaHste plein de foi. H croit aux rois, il vc-nère les rois. Villemessant était un Robespierreà côté de son chefmachiniste..

Ce chouan de la dernière heure ouvrait de -`

grands yeux pour mieux voir une altesse royale

la présence du schah apportait évidemment ungrand trouble dans son âme.

Que fut-ce quand le souverain lui adressa laparole. tt resta confondu de tant d'honneur, ia

bouche entr'ouverte, le regard fixe et absolumentelfari.

Le schah fut troublé de voir deux yeux ainsibraqués sur lui; il se tourna vers son ambassa-deur, comme pour lui demander'ce quecela si-gnifiait, et celui-ci s'empressa de dire au chefmachiniste.

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– Le regard plus doux pour Sa Majesté 1

Commer.t fit le machiniste pour adoucir subi-tement son regard, c'est un secret entre Dieu etlui.

On remonta dans le grand salon. Le schat.s'assit avec satisfaction dans le fauteuild'O/y/M~aux enfers; mais il ne goûta pas précisément leconcert, car au bout de quelques instants, il l'in-terrompiten se levant brusquement.

Villemessant, qui transpirait abondammentsous son large ruban vert, emboîta le pas, suivide sa rédaction.

Dans le vestibule, un peu avant de remonteren voiture, le schah, qui tenait à être gracieux,prcsenta à Villemessantun personnage muet quifaisait partie de sa suite. La paro!c scandée, cha-que syllabe faisant l'effet d'un coup de marteau,il dit, en désignant l'individu

Rédacteur! cheft. journal 1. Téhé-ran)..

Villemessants'inclina sous son ruban vert.Et le schah ajouta d'une voix forte:

Camarade à toi )1

C'était fini. Le Figaro avait obtenu l'insignehonneur d'une visite de Son Altesse Royale leschah de Perse.

Le lendemain, le journal parisien onrait se<

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)ccteurs ébahis une demi-colonne !mpr!mc'ecnc.<rac<~res arabes. C'était le compliment queVit'emcssant n'avait pu faire au schah, ayantrcçu l'ordre de M~r<<?r.

Js parierais volontiers que les abonnes deChâ-tc))crau!t sont persuades que l'ex-rédacteur enchcfdu /'Y~~ro parlait et écrivait le persan dansh dernièreperfection.

:y,

~'i

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FAIBLESSE HUMAINE

H est incontestable que la folie s'étend chaque'ejour davantage sur la race humaine; c'est uneépidémie aux formes innombrables qui eMeurecelui-ci, touche celui-iâ, met à l'envers c euidoit être à Fendroit, saisit une pensée droite etla tord en spirale. Les médecins et les avocatsabusent peut-être un peu de la situation; si bienqu'à un moment donné la folie ne pourra plusêtre considérée comme un cas d'irresponsabilité.La société contient une muhitude d'êtres privésd'une partie de leur raison, et qui néanmoinsjouissentde l'indépendance de leurs actes. Acertaines époques, on est tout étonné de voir cesmonomanies cachées se décider et prendre uneforme. Certains crimes deviennent populaires,certaines habitudes déréglées se répandent dansla masse; des goûts étranges envahissent des po-pulations tout entières. H y a comme un m a-

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gâtisme de folie ou de forfaits, quelquefois de'vertus ou de dévouements; la force de t'exemp!ccstvraimentcontagieuse.

Sous la Terreur les condamnes marchaient ài )noft sans presque y penser. Sous Louis XtV,

on empoisonnait; sous la Régence, on faisaitdoit débauche, comme plus tard on a fait du 'P

chic. Certaines époques ont vu la manie du duel; `'dans un certain temps, on incendiait; le toutpar mode. Et qu'était-ce que cette mode, sinonun nagnetismc exerce sur la masse par quelquesexemples isolés, mais frappants f

L'histoire de la folie et des affections qui s'yrattachent serait la plus curieuse de toutes !cshistoires; elle reproduirait, un peu charges sansdoute, les travers qui, à toutes les époques, ontplus ou moins dominé les sociétés, travers dontles écrivains politiques ne font pas mention, etqui occupent cependant un grand espace dans lavie de t'homme. On ne saurait, dit le docteurPougens, se faire une idée des mille bizarreriesauxqueHes l'esprit de l'homme est en proie lors-qu'il se trouve sous l'influencemorbide. J'ai vuun maniaque s'imaginer qu'il portait le ciel surle bojt du doigt; aussi Je tenait-il constammentc'cvc, de peur qu'il ne vînt à tonner et qu'iln'écrasât l'univers. Un autre, persuadequ'il avait~té métamorphose en cruche de terre, n'osait se

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montrer, de peur d'être b:!s~ au moindre choc.Un troisième se croyait s~ms tete~ on le guériten lui app!iquant une calottede plomb, dont lepoids le fit revenir de son erreur. Un quatrième,*e croyant mort, ~refusait de prendre aucunenourriture,disant que les morts ne mangeaientpas. Un de ses amis s'avisa, pour le tirer decetterêverie, de faire le mort. On le mit dans'un cer-cueil devant )e meIancoHque,et quelques instantsaprès, on lui porta à dîner. Le prétendu mort,voyant manger son voisin, suivit son exemple etfut gucri. x

La publicité, qui offre tant d'avantages, n'estpas sans inconvénients à ce sujet. Les tribunauxde Londres ont vu un exempte singulier de l'in-fluence pernicieuse que les Journaux peuventexercer sur un peuple.

Plusieurs m~faiteurs, par un retour à demeilleurs sentiments,s'étaient avisés, il y a quel-quesannées, d'un genre d'hJroïsmenouveau ilss'étaient accusés spontanément de crimes qu'ilsavaient commis. D'autres trouvèrent égalementbeau de s'imputer des crimes imaginaires. Missmmes, domestique chez un petit marchand dela Cité, disparut un matin. Son maître, hommede mauvaises moeurs et presque toujours ivre,ctia se constituer prisonnier et se dénoncercomme meurtrierde miss Eimes. Il donna tous

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!cs dc'taits du meurtre; il circonstancia minu-tieusement son crime. Quclqucs jours après,miss ~tmcs se retrouva; elle déclara avoir quittéjt maison de son maître parcequ'eUe ne s'y trou-vai! pas bien traitée. L'histoire de son assassinatn'était qu'une fabje. On interrogea celui quis'était dénoncé. D'abord il persista dans sa pre-mière déclaration; mais, pressé de questions;<f Ce sont, dit-il, ces maudits journaux qui m'ontperdu. A force d'y trouver des récits de meurtreset des confessions de meurtriers, le désir m'est\'enu de figurer aussi dans les papiers publics, etje me suis mis dans la fâcheuse situation où je

me trouve. Pardonnez-moi, et je vous prometsde ne plus lire les journaux.s

C'est chose assez plaisante que la confessiondece pauvre homme, qui ne se repent ni de sesvices ni de son ivrognerie habituelle, mais uni-quement de la lecture des gazettes.

En !832, lorsque l'incendie des fermes an-glaises répandait la terreur dans les campagnes,plusieurs paysans s'accusèrent d'avoir mis le feuaux granges de leurs voisins, et il fut prouve pardes alibis incontestables qu'ils n'avaient pas pucomniettre le crime dont ils s'accusaient.

A mesure qu'on étudie l'espèce humaine, 0.1est étonné de la débilite de cette intelligence siii~re et de cette raison si triomphante.

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Un Hongroisde mes amis, poète à ses heures,soldat aux heures de sa patrie, un amoureux dubeau Dt!HH~e bleu, me disait un jour que l'unedes idées les plus poétiquesdu christianismeétaitcelle qui donne à chaque être humain un pro-tecteur invisible, l'ange gardien, et qu'il s'éton-nait que, merr en regardant cette pensée commeune fiction, les poètes modernes n'en eussent pasdéveloppé les conséquencesnaturellementpathé-tiques.

il y a, ajoutait-il, une expression singulièreetque je crois propre à mon pays.

On y dit communément que chacun de nousa 'des heures qui ne sont pas gardées. Alorsl'ange quitte son poste, notre faiblesse est aban-donnée à elle-même. Je me souviens d'un évé-nement extraordinaire dont j'ai été le témoin.C'était dans un petit village où une coutumeantique, respectée encore aujourd'hui, veut que,tous les dix-neuf ans, le juge chargé de faire satournée tienne ses assises à Panigstein, en pleinair, sous une vieille croix en ruine et couverte demousse, qui fait face à une église gothique, aucoin d'une bruyère inculte. Ce lieu a-t-il été lethéâtre d'un martyre à une époque reculée? Jel'ignore; mais une terreur superstitieuse y estattachée. Le matin decejourLo!ennel, un crieurpublic parcourt les rues du village et convoqueles habitants au pied de la croix.

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C'est !à qu'en face du ciel, au nom de Dieu, lemagistrat du district remet au juge la liste descoupables et appc!)e les témoins par leurs nomsLa liste des prévenus est ~un secret entre le jugeet le chef du district. Cette liste fatale est doncremplie de terreurs inconnues. H y a, dans lesjugements qui vont avoir lieu, je ne sais quoi demystérieux qui attire et qui effraie le peuple.

Dans le cas ;dont je vous parle, on s'étonnaitde voir la potence dressée. Depuis dix-neuf ansaucun acte de violence n'avait été commis dansle pays. Mais dix-neufans, jour pour jour, avantl'époque des assises, il y avait eu un meurtre; onn'avait pu découvrir aucun indice qui mît sur la

trace de l'auteur du crime. Le bourgmestrechargé de l'instruction, et qui avait eu pour do-mestique l'hommeassassiné, parut profondémentaffecté; mais ses efforts furent sans résultat.

Le crime était resté mystérieux; la victimeJ~ait un homme pauvre, honnête, estimé; per-sonne ne s'expliquait un meurtre :qui paraissait

sans motif et sans but. Le temps en 'avait feSacele souvenir dans tous les esprits.

Les assises commencèrent. Le juge se leva,déroula le papier et lut d'une voixgrave « Au-cun, crime n'a été commis.

La veuvedu domestique assassinés'écria d'unevoix furieuse

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-Ce papier ment! Mon mari a été assas-sine!1

Cette femme était vieille, couverte de haillonset promenait sur l'assistance êtes regards ef-farc?.

Cet'e femme a raison, dit le magistrat,mais il s'est passé beaucoup de temps depuiscette époque. Peut-être l'heure fatale est-elle ar-rivée ?

La foule répéta machinalement l'heure fa-tale1

La veuve tendit le doigt vers le bourgmestreau service duquel était son mari.

Voilà le meurtrier! 1 dit-elle.

Cette femmeest devenue folle, dit le bourg-mestre avec douceur, il faut l'éloigner.

Alors la folle, avec une logique surprenante,cita des coïncidences sans nombre, des faits quin'étaient pas des preuves, mais qui offraient des'

probabilités, des observations qui pouvaientservir de fondement aux soupçons.

Le juge avait écouté ta vieille femme avec at-tention, l'accusé était calme et immobile.

Le juge demandaDe quelle couleur étaient les cheveux de

votre mari?Noirs.Que! chapeau portait-il?Un chapeau plat avec une ganse d'or.

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--Kt son habit?–B!cu.f.ejugc ~demanda alors au bourgmestre d'un

ton indiffèrent, et comme pour la forme, s'il sereconnaissait coupaMedu crime dont on l'accu-sait.

it répondit paisiHement Non.Il faut que toutes les formalités soient rem-

plies, ajouta le juge. Que la trompette sonne--et qu'on appelle les témoins, s'il y en a.

La trompette sonna.– Que le témoin paraisse! dit gravement le

juge.– Le voilà le voità! 1 s'écria la folle.

Où? fit le bourgmestre éperdu, la gorgeserrée.

Cet homme en habit bleu, avec un bonnetplat à ganse d'or. Faites place! H revient, il re-vient! t

L'accusé s'évanouit. 'f

Quand il reprit ses sens :– C'est la colère qui

a tout fait, dit-il; un coup porte par la violence,et non un meurtre volontaire et prémédite. J'aiassez souffcrt, assez cxpié l'heure fatale, uneheure dans ma vie. Finissons-en.

Il y a quoique temps, en Suisse, un de ces bo-hémiens qui rétament les casseroles s'était arrêtédans un village des environs de Lausanne.

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Un paysan, voulant faire une farce, profita dumoment où le bohémien était occupé dans unemaison pour éteindre son fourneau.

Quandcelui-ci sortit, il vit le paysan qui riait:– Tu me payeras ça, lui dit-il.

Le lendemain, il trouva le mauvais farceur dela veille endormi sous un arbre au bord du che-min. !1 s'approcha de lui et le soir on letrouva mort; le paysan ne s'était même pas ré-veillé.

Le bohémien fut arrêté, mais il fut impossiblede lui arracher aucun aveu. D'autre part, le ca-davre ne portait aucune trace de violence.

Le rétameurcomparut devant la cour, et sonavocat réclamait son acquittement, qui allaitêtre prononcé, quand le président s'aperçut quel'accusé riait entre ses mains.

– De quoi riez-vous? lui demanda-t-il.– Je ne puis m'empêcher de rire, répondit le

bohémien, toutes les fois que je pense à la gri-mace qu'il a faite quand je lui ai versé du plombfondu dans l'oreille 1

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UN PIED DANS LE CRIME

Le prince Lubomirski vient d'être le hérosd'une effroyable aventure. Le sympathiqueécri-vain qui a su se faire une placeentreMichelet etPonson du Terrail, mais plus près de ce dernier,passait tranquillement dans la rue d'Astorg àhuit heures du soir. H pleuvait et l'auteur deChaste et T~y~ieabritait son gcnie sous un para-pluie marron.

Un inconnu, vêtu avec élégance, s'approchadu gracieux écrivain.

-Pardon, monsieur, lui dit-ilavec uneexquise'politesse, vous êtes bien le prince Joseph Lubo-mirski ?

Oui, monsieur~ répondit l'auteur de Pureet Coc/iO/M~.

J'aurais un mot à vous dire.Vous me trouverez chez moi, demain, de

deux à quatre.!t.

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Oh! il s'agit d'un simple renssign .<.nt.L'inconnu tira de sa poche un petit papier

plié en quatre, ct s'abritant dans le large corri-dor d'une maison de belle apparence, il invitaLubomirski à prendre connaissance du papierqu'it lui tendait.

L'auteur de F~ cf~oc/c se p!a~a sousun bec de gaz, mais avant qu'il ait eu le tempsde lire une seule ligne, les portes se fermèrent

avec fracas, le gaz s\!te!gn!t, et Lubomirski sesentit entraîne par des mains vigoureuses. Uvoulut crier, mais sa voix fut étouffée par le bruitd'un morceau de piano avec accompagnement devioloncelle. Il se rappela l'orgue de Fuatdcs et semit àtrcmb)er de tous ses membres.

L'inconnu le rassura en lui disant tout bas:un cri, un mot, et vous êtes mort 1

Le prince avançait dans l'obscurité.H y a un escalier, soufHa un de ses mysté-

rieux compagnons.Et Lubomirski se mit à descendre une spirale

de pierres. 11 compta quatre-vingt-dix marches.Tout à<oup il se trouva dans une salle voû-

tée, éclairée par une lampe suspendue à la cor-niche. Dans cette salle s'agitait une nombreuseassemblée des personnages d'un aspect so!ennc),

portant tous un masque de vetours noir. Ilsétaient vingt-cinq ou trente.

Monsieur le président,dit l'inconnu, je vous

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amène l'individuqui a été inscrit dans la séancedhier.

Ce!uiqu'on avait désigne sous le nom de prc-s!dcmprit!aparo!e:

–Prince Joseph Lubomirski, avez-vous en-tendu par!'r des nihilistes?

'–Certa)n°.ment, balbutia Lubomirski, toutjemondeenacntenduparler.

–I,e nihitism"a des ramifications dans toutes!e; parties du monde. Vous avez parlé de cette re-doutable association dans un ouvrage intitulé~f~ et Boyards, et vous connaissez toute sapuissance. Vous êtes ici dans les mains du co-mité de Paris.

Messieurs, dit Lubomirski, je n'ai rien hitqui puisse m'attirer votre colère. Fixé à Paris de-puis plusieurs années, je vise modestement ù unfauteuil d'académicien et ne m'occupe point depolitique.

Un long murmure se fitentendre; les masqueseurent des gestes menaçants; et Lubomirski nepouvant plus pâlir, prit le parti de devenir vertpomme.

LE PRKStDE~T. N'avez-vous pas publié brsde la conspirationdu 2z). mai une brochure enfaveur du comte de Chambord?

L~BOMiRSKt. C'est la faute de Frédéric Bé-chard qui m'avait donnéde mauvaisconsells.devient t~'O/CfJ

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!,H PxpstDKNT. Qui n'est pas avec nous estcontre nous. Voulez-vousprêter le serment?

LtBOM)RSKt. – Je prêterai tout ce que vousvoudrez, mais ne me faites pas de mal.

Le PRESIDAT. Vous jurez d'aider à la déli-

vrance de vos frères par tous les moyens, le fer,)c feu, le poison?

LuBOM)RSxt. Je le jure. (Il ~ft~e~ ~/CMjLE PREs~DE~T. De ne jamais trahir les se-

crets de l'association?L~BOM)RSK).–Jclejure.Lu Px[':sfDENT. – Le gouvernement national

occu!tecompte deux cent quatre-vingtsmembresà Paris. 11 y a deux cent quatre-vingts numérosdans la corbeille. Que chacun de vous tire unde ces numéros 1 (La formalitéest <!c<'o~)

LuBOMfRSKt. Mais qu'est-ce qu'on tire?LE Pi<EstDF.!<T. Le sort va designer celui des

membres qui doit frapper. Numéro 22!LuBO\nRSKf.– 23? C'est précisément le nom-

bre que je viens de tirer.LE PxKSfDENT avec solennité. C'est donc

vous qui devez porter le coup mortel au princeAlexandre Galitzin.

LmoMtRSKt. – Pas possible ?LE PRÉSIDENT. Faute d'obcir au gouverne-

ment occulte, vous serez frappé vous-même; laplus petite désobéissanceest punie de mortl

LuBOMtRSKf, les larmes aux yeux. Mais,

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messieurs, je connais beaucoup Alexandre Galit-zin. H n'a jamais fait de mal à personne.Pourvu qu'il ait son fauteuil à toutes les pre-rrieres, il est satisfait. Demandez à Sohégef.

LE PKf~.siDKNT. – Joseph Lubomirski, quandle sort parle, vous devez vous taire. L'assemblées& retire pour délibérer sur plusieurs questionsinportahtes.Vous avez unedemi-heure pour ré-f!echir!1

(Les ~OM!wc.! HM~~M~ se rc~i'y' ~MfCH:c~LuBOMfRSKt, ~M/. Quelle effroyable aven-

ture!Commentévhercettepénible obligation?!t me semble déjà voir Galitzinnxer sur moi sonceH mourant! Brrrl je frissonne à cette idéelRépandre le sang. le sang humain. moi quine puis regarder sans émotion un homme quisaigne du nez?. L'essentiel est de sortir d'ici.Je courrai à la préfecture de police.oui, maisie~ nihilistes sauront me repincer. Pourquoi nesuis-je pas né Portugais? on n'aurait pas songéà moi pour frapper un Russe. Si je tue Galitzin',on ne me recevrajamais de l'Académie française.Mais si je ne le tue pas, je serai frappé moi-mêmeet j'aurai encore moins de chance d'entrer à l'A-cadémie. (Prenant son parti.) Ma foi tant pispourGalitzin 1 je lui ferai son affaire. Je vaisarriver tout doucement derrière lui. et v'Ian 1

je lui enfoncerai le poignard dans le dos jusqu'àla garde. Comme cela it n'aura pas le temps de

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me reconnaître. ApKS tout puisqu'i) est con-damne, autant qu'il meure de ma main que deh main d'un autre! Hcst même plus flatteurpour lui d'être frappé par un homme titré. QuellesinguHcre chose que la vie. Qui m'eût dit hierque j'allais devenir assassin? Le mieux est d'enrire. Maintenant que c'est décidé, il me tarde devoir la tête que f~ra Galitzinen recevant le coupdu lapin 1. Elle est bien bonne1

L'assemblée rentra sotenneUement dans lasalle.

LE PKÉsfDrNT. – Prince Joseph Lubomirski,acceptez-vous le mandat que le sort vous a im-posé ?

LtjBOMfRSKf. – Oui, frère.LR PRÉsfDE~T. Demain, a\ant la nuit, le

condamnédoit avoir cessé de vivre.LucoMfRSKt. C'est entendu.LE Pf<KS)[)[.:NT. Si vous préveniez la police

française de ce qui vient de se passer ici, vousseriez condamné vous-même.

LLBOMtpSKt. Pas si bête!LE PxKSjDMT. –On va vous reconduire.

~D~H~ personnages masqués bandent les yeuxde Lubomirski. On /!«/ rCMM~C~ l'esca-lier. t/MC~orfcse rc/ërMe l'auteur de PcDt-QUE ET )-< CARTE se trouve sur le boulevard Ma-l esherbes.)

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Le lendemain, à deux heures, Lubomirski ca-chant un long stylet sous sa jaquette, se diri-geait vers le domicile du prince Alexandre,quand, au coin de la rue Delaborde, il aperçutcelui qu'il cherchait.

Lubomirski s'arrêtahésitant. Le princeGalitzinavait lui-même opéré un mouvement de recul.Tovs deux se regardaientavec une défiance mar.quée.

Enfin, Galitzin fit un pas; Lubomirski en fit',autant. Quand ils se trouvèrent face à face, leprince Alexandre découvrit un poignard qu'iltenait dans la main Lubomirski découvrit aus-sitôt son stylet.

– Que faites-vous?s'écria le Russe.– Et vous-même riposta le Polonais.– J'ai reçu l'ordre de vous frapper.

Moi aussi I

– Les nihilistes m'ont fait jurer que, dès cesoir, vous seriez rayé de la liste des vivants.

Ils ont exigé de moi le même serment.Lubomirskiréfléchit un instant.

C'est peut-être une farce?Mauvaise farce! murmura la prince Ga-

litzin.J'ai eu le cauchemar toute la nuit.Et mot une transpiration de tous les diables.Il faut découvir les auteursde cette mysti-

fication1

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– Et nous venger.– Mais comment nous vengerons-nous?– En leur lisant Chaste et Infâme jusqu'à ce

que mort s'ensuive.C'est convenu.

Et ils continuèrent leur promenade, bras des-sus bras dessous, en chantant la chanson à lamode

musiq/je de Vaucorbcil.

Voici venir les hommes sombres,Amis, on peut compter sur nous!A nos pieds mettons les décombresEt les tyrans à nos genoux.Accourez, joyeux nihilistes,Pleins de verve et remplis d'entrain,Pour cori iger les égoïstesEt les flanquer dans le pétrin.

sVoilà les nihil,Au joli profil,Au regard subtil,Et peu formaliste?.

Voilà les nihil,Gare à ton nombril IAmis du péril,Ils bravent l'exilLes vrais nihilistes!

– C'est égal, murmura le prince Galltzin,vous avez eu un pied dans le crime ?

Allons donc 1 répondit Lubomirski, vousvoulez dire un pied de nez. dans le crimet

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LE CODE DU CŒUR

On s'agite beaucoup depuis quelque tempsdans le clan féminin. La question du droit desfcr.imes prend tout doucementune petite impor-tance. Le mouvement est venu d'Amérique; il

a provoqué une certaine émotion en Angleterre,et quelques Parisiennes s'occupent aujourd'huisérieusement de la question de l'e'mancipationdes femmes.

On peut se demander avec étonnementpour-quoi l'ordre social a éloigné le beau sexe d'unemultitude de professions pour lesquelles il a aumoins autant d'aptitude que le sexe mâle.

11 y a déjà un certain nombre de femmes-mé-decins pourquoi n'y aurait-il pas des femmes-notaires, pharmaciennes, employées de ministèreou d'administration?i'

L'ordre social a placé les femmes dans cettesituation terrible qu'elles ne peuvent vivre de

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leur travail. La machine à coudre est venue leurporter le dernier coup et la profession de femmegalante est tellementenvahie que, à part quelquesexceptions, il vaut mieux gratter la terre avec lesongles que le boulevard avec des robes à queue.

Il est cependant un emploi que les femmesrempliraient plus mal peut-être encore queles hommes, c'est l'emploi de magistrat et unefonction dans laquelle elles seraient impossibles,celle de juré.

Supposezun tribunal correctionnel ainsi com-posé Madame Eveline Durantin présidente,mesdames Berthe Durand et Mathilde Bronson,juges.

Un jeune homme est sur le banc des prévenus.LA Présidente. M. Julien Darcours, vous

avez pénétré la nuit dans l'appartement occupépar les époux Bonnivard?

L'Accusé. Oui, madame.LA Présidente. Le sieur Bonnivardvous a

surpris au moment où vous portiez la main surle collier de sa femme2

L'Accusé. Ce n'est pas sur son collier queje portais la main, c'est sur un cou d'albâtre queje me plaisais à caresser.

LA Pkésidf.nte. Vous avez tenté, dit l'accu-sation, de mordre cette jeune femme à la lèvre?

L'Accusé. Un baiser, ma présidente, unsimple baiser1

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Lk Président* – Trouble dans vos projets,vous e"tes tombe à bras raccourcis sur le sieurBonnivard et vous lui avez porté plusieurscoups ?

L'Accusé.' – Madame la présidente n'ignorepas qu'un mari est bien souvent gênant.

l.n. Présidente. C'est vrai 1

L'Accusé. J'aimais depuis longtemps ma-dame Bonnivard. La correspondance qu'on asaisie le prouve suffisamment.

La Présidente. Bonnivard prétend quevous aviez l'intention de commettre un vol ?

L'Accusé. Vengeance de mari 1

La Présidente. Vous avez formé uneplainte reconventionnelle ?

L'Accuse. – Oui, madame.La Présidente. La cause est entendue.(Cinq minutes de délibération.)Le tribunal, attendu que le sieur Darcours

s'est introduit dans l'appartementdes époux Bon

nivard avec des intentionsqu'on ne peut blâmer•Attendu qu'il aimait et se croyait aimé

Que le sieur Bonnivard est intervenu d'unefaçon odieuse entre sa femme et ce jeune homme;

Attendu, d'autre part, qu'il n'a pas craint deporter contre Darcours une accusation qui est denature à lui causer le plus grand tort

Renvoie Julien Darcours des fins de la plainte,sans dépens

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Condamne Bonnivard à payer à Darcours la

somme de cinq cents francs, à titre de domma-ges-intérêts. »

Appelez l'affaire Palmérin 1

LA Présidente.– Auguste Palmérin, vous

avez déposé une plainte en adultère contre lafemme Palmérin, votre épouse?

LE Plaignant. – Oui, madame.L\ Présidente. Etes-vous sûr de votre

affaire?LE PLAIGNANT. Il y avait flagrant délit.La Présidente. Comment avez-vous fait

pour le constater?LE PLAIGNANT. Je me suis caché derrière un

rideau.LA Présidente. -Cette conduite est celle d'un

lâche.LE PLAIGNANT. Puis, j'ai. envoyé chercher le

commissairede police.La Présidente. – C'est d'une platitude révol-

tante. L'attitude des prévenus ne laissait-elleplace à aucun doute?

LE PLAIGNANT. A aucun.LA Présidente. – Femme Palmérin, vous

aviez un amant?La Prévenue. Non, madame.LA Présidente. Que faisait donc chez vous

le sieur Gaston d'Emporté- Pièce?

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l.k Prévenue. – lime prenait mesure d'uncorset.

1,4 Pu i-si dente. – Vous étiez en chemise?L\ Prévenue. Naturellement.La Présidente. Et le jeune Gaston vous t:

serrait dans ses bras? .?1.4 Prévenue. 11 avait oublié son mètre et

il prenait mesure d'une autre manière.LA Présidente. –

Le tribunal,Attendu que les faits ne sont pas suffisamment

prouvés,Renvoie des fins de la plainte la femme Pal-

merin et le sieur Gaston d'Emporte-Pièce.

COUR D'ASSISES DE LA SEINE.

Présidence de madame de Lamotte-Grise,conseillère à la cour.

La greffiére donne lecture de l'acte d'accusa-tion.

Le 7 février 1 879, M. de la Prunelle négociantà Paris, fut trouvé mort dans son lit. Le bruitcourait qu'il avait été empoisonné et la rumeurpublique désignait, comme auteur du crime, lapropre épouse du défunt, assistée du sieurErnest Duchénard, son amant.

Une perquisition fit découvrir dans l'armoireà glace de la dame de la Prunelle une boîte ren-

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fermant encore une certaine quantité d'arsenic,et l'analyse faite après l'autopsie prouve que lesieur de la Prunelle avait absorbé quatre kilosde cette substance.

La cotrespondance du sieur Duchc'nard avecsa maîtresse fournit à l'accusation des argumentsterribles.

En décembre 1878, madame de la Prunelleécrit à Duchénard « II faut que tu m'aides à medébarrasser du vieux singe. »

Duchénard lui répond « Patience dans peude jours, le vieux singe aura cessé de vivre.

La mort de M. de la Prunelle a été horrible.J usqu'au dernier moment, il n'a cessé de deman-der à boire; il avait les entrailles en feu. L'em-poisonnement, mesdames,est incontestable. Cettefaçon de consommer la séparation de corps estprévue par la loi, etc., etc.

Madame Lachaude est assise au banc de ladéfense.

Après l'interrogatoiredes accusés, la célèbreblagueuse prend la parole en ces termes:

« Mesdamesde la cour, mesdames les jurées,

cpouse d'un homme vulgaire et commun, ma-dame de la Prunelle a supporté longtemps le

contact impur de son mari. Egoïste, il la réveil-lait au milieu de la nuit pour lui infliger desbaisers qui lui causaient une forte répugnance;iavare, il lui refusait les toilettes dont elle aimait

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à se. parer. Cette jeune et malheureuse femmeavait fait une note de vingt mille francs chez sacouturiêre M. de la Prunelle eut la petitesse de

payer cette somme par à-comptes de deux millefrancs. L'année dernière, il refusait 4 sa femmeune voiture au mois qui lui avait été ordonnée

par son médecin. Au risque de la tuer en la pri-vant de sa promenade favorite autour du lac, cethomme sans cœur, ce mari sans entrailles réalisade ce fait une mesquine économie de sept centsfrancs par mois.

Elevée aux Oiseaux, madame de la Prunelleaimc.it à recevoir des artistes.

Au lieu de l'encouragerdans cette voie, M. dela Prunelle refusait d'inviter MM. Capoul,Gail.ard et Talazac à passer une partie de l'étédans sa maison de campagne, à Chatou.

La jeune épouse, profondement blessée, refou-lait ses larmes.

C'est alors qu'elle rencontra Duchénard queles hasards du canotage amenaient sur sa route.Elle ne songeait pas à mal; il lui offrit son amitié,elle t'accepta.

Peu à peu, une de ces passions romanesques,comme on n'en trouve plus, hélas! même souslapljmedes écrivains naturalistes, s'empara deces jeunes âmes. De doux aveux furent échangés,

une correspondance s'ensuivit rien de plus.L'accusation veut voir une menace dans cette

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phrase si naturelle :« Débarrassons-nous du vieuxsinge. » Mais il faut tout savoir. Il y avait unsinge chez le jardinier de M. de la Prunelle, etce singe était vieux. 11 gênait les entrevues de

nos amoureux, et ils lui vouèrent une haineméritée. M. Duchénard le tua,non parlepoison,qui est l'arme des lâches, mais d'un coup de re-volver.

L'arsenic qu'on a trouvé dans l'armoire àglace avait été acheté par ordre du médecin. Ma-dame de la Prunelle suivait un régime bien

connu, qui éclaircit le teint et donne à la peauune transparencepoétique.

Si M. dela Prunelle a été empoisonné, c'est safaute. Cet homme avait la manie de manger lapoudre de riz de sa femme. Trouvantcette pou-dre blanche, il l'avalait sans songer que, par sonimprudence, il pouvait exposer aux plus gravessoupçons celle qui avait accepté d'être la compa-gne de sa vie.

Regardez Duchénard, mesdames, il est beau,il est jeune, ilaime.

Regardez aussi cette jeune veuve, si poétique

au milieu de ses larmes. Tout dans sa douleur

vous dit qu'ellebrûle de se remarier.Duchénard l'épouserait-il s'il croyait qu'elle a

empoisonné son premier mari ? L'épouserait-elles'il avait été son complice?

Les faits parlent d'eux-mêmes.

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Vous acquitterez les accusés, mesdames ets'il y a eu une broche faite à la société par la mortaccidentelle de M. de la Prunelle, les jeunesépoux, qui vous devront leur bonheur, se hâte-

ront de la réparer en fournissant à la France dejeunes citoyens qui vous béniront! »

\& jury se retire pour délibérer.La réponse de mesdames les jurées sur toutes

les questions, est non, les accusés ne sont pascoupables.

L'acquittement est prononcé, et les accusésmis aussitôt en liberté, prennent un fiacre dontils baissent les stores.

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UN RIRE ÉTEINT

II ne cera pas dit que, seul de ses anciens ca-marades, j'aurai laissé partir Alfred Vcrnet sanslui consacrerun souvenir, sans lui jeter une fleur.Gentil, p;tit, l'œil caressant, le geste vif, la voix.chaude et sonore, Vernet trônait au Divan Lel'eletier; quand j'y fus introduit par Henry de laMadelône.

1Le Divan Le Peletier est remplacéaujourd'hui

p.ir le bureau des omnibus du chemin de ferd'Orléans. Il y avait là un petit jardin sablé,orné de six arbres dont le plus haut n'eût pasdépassé M. Thiers. Au fond, la grande salle;sur le côté une galerie où Alfred de Musset,Méry, Armand Barthet, Edmond Texier, lemarquis de Belloy venaient faire leur partie dedominos. Le soir, les dominotiers étaient relé-gués dans la grande salle; la galerie appartenaitsans conteste aux joueurs de trente-et-un, qu'onappelait mistron.

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]\ins les entr'actes, ce n'étaient que théoriestranscendantes sur l'art et discussions politiquesd'une haute portée. Chenavard exposait sonéternelle idée de l'inutilité des arts et du travail. rTaxile Dclord protestait, Arnould Frémy haus-sait les épaules et Chcnavard recommençait 1;lendemain.

Faites-vousun mistron, jeune homme?Cest Barthet qui m'apostrophait à mon en-

trée.– Commentcela se jouc-t-il?

C'est le trente-et-un, avec cette aggravationque le valet de trèfle entre deux cartes de mêmevaleur fait le plus petit brelan.

– Quelle est la mise?– Cinquante centimes dans la semaine, un

fran: le dimanche.Chaque rachat s'opère en dou-blant le rachat précédent.

Entendu.Permettez-moi de vous faire connaître vos

partenaires M. Alfred Vernet, M. Gérard deNerval, M. Busquet, M. Aimé Millet.

Le mistron dura jusqu'à minuit; Vernet ga-gnait dix-sept francs cinquante; il était d'unejoie folle.

Monsieur, me dit-il, vous m'avez porté laveire, je ne l'oublierai jamais. Le lendemain,nous nous tutoyions.

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De l'histoire du Divan il est resté un grandnombre de mots et d'anecdotes. Publiés pour lapremière fois en 1857, ces mots ont été réimpri-mes tous les ans depuis cette époque par les four-nisseurs d'Kchosde Paris,marchands d'espritquin'ont point acheté leur fonds. Ne troublons pasleur sérénité par une nouvelle édition qui serait

pour ces messieursune concurrence inattendue-•

et tenons-nous en à notre pauvre Vernet.La dernière fois que je le rencontrai,c'était en

haut de la rue La Rochefoucault (pas Bisaccia).Je le trouvai pâle, amaigri.

Est-ce que les affaires ne vont pas? lui de-mandai-je.

– Pas fort, répondit-il.– Que fais-tu maintenant?– Devine ce que peut faire un homme qui

avait essuyé tous les malheurs moins un.Alors, tu en es au dernier?Tu l'as dit. Au fond de l'abîme. Je suis

photographe1

Ah pauvre ami!1IJ ne me manquait plus que cela. L'ironie

du destin en a décidé ainsi.– Plus de mistron?– Plus de mistron, plus de café, rien. Je n'ai

qu'une distraction, et cette distraction est uneétude.

Laquelle?

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-– J'ai entrepris de fausser l'esprit de ma por-ticre.

Commentt'y prends-tu?Je lui lis le journal tous les soirs, en l'em-

poisonnant de mcscommentaires.Je serais curieux d'assister à une de ces

• séances.Viens ce soir à huit heures. Tu verras la

femme la plus curieusedu monde. Elle a quaranteans, elle se nomme madameGréard, elleest veuve– et, grâce à moi, elle voit plus faux à elle seule

que toute la droite réunie.

A huit heures, madame Gréard nous reçut avecune grâce charmante.

-J'ai amené un de mes amis, dit Vernet, àqui la lecture est défendue en ce moment.

-Monsieur a mal aux yeux? demanda ma-dame Gréard avec intérêt.

– Une anyiurose provisoire, dit Vernet, qu'ila attrapée à l'Opéra-Comique, où il a eu tortd'assister à une représentation de l'Eclair.

– Ohl les éclairs on ne saurait trop s'endéfier.

Vernet déplia le journal.Voyons ce qu'il y a de neuf aujourd'hui.

Commençons par les Faits divers

Un malfaiteurs'était introduit dans un b-

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gcincntdu cinquième, rue d'Orléans-Saint- Ho-

noré, et s'était emparé de quelques bijoux et d'unporte-monnaie contenant deux cent soixantefrancs.

» II se retirait, quand la petite fille de la per-sonne volce, revenant de l'école, s'est trouvée

nez à nez avec lui. La petite a crié. Alors le vo-leur a essayé de se sauver par une lucarne don-nant sur les toits, mais, n'y parvenant'pas, il arésolument descendu l'escalier.

» Aux cris de l'enfant, des voisins se sontmis à la poursuite du voleur. Ils l'ont capturé etconduitchez lecommis^airede police duquartier,qui a fait une enquête.

» Cet individu est marié, père de deux enfants.Indépendammentdu vol commis, il avait essayéde fracturer la porte d'un logement voisin, maisil n'y avait pas réussi. »

Pauvre diable! s'écria Vernet en jouant l'é-motion. Cette petite fille avait bien besoin decrier et de faire arrêter un père de famille 1

Mais puisqu'il avait volé 1 murmura la con-

cierge.Il avait volé, sans doute, mais bravement,

avec énergie. Quelle différenceentre un hommequi s'introduit dans une maison, qui force uneporte, qui paye de sa personne en un mot, et unemployé qui gratte et falsifie des écritures, ou un

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g.ircoa de recette qui s'enfuitavec l'argent. Notrcvoleur avait femme et enfants à faire vivre. Sasituation est intéressante, et le courage qu'il adéployé fait regretterque les cris de cette mauditepetite fille aient attiré l'attention des voisins.

Madame Gre'ardsemblaitévidemmentserangerà l'opinion de l'orateur.

Vernet continua la lecture.

« I.e sieur Guérin (Nicolas), convaincude par-ricide, a été condamné à vingt ans de travauxforcés. Ix père Guérin, âgé de quatre-vingt-dixans, était tombé en enfance depuis plusieurs an-nées, et, à mesure que la raison l'abandonnait,il devenait de plus en plus impérieux et exigeant.Ce vieillard acariâtre, croyant avoir à se plaindrede son tîls, avait mis le feu à une grange quicontenaittoutes les récoltes de l'année. Exaspéré,

le sieur Nicolas Guérin le frappa d'un coup de

marteau qui l'étendit raide mort. »

– Et on a condamné cet homme! s'écria

Vernet. Comment voilà un vieillard non seule-

ment inutile, mais malfaisant. Son fils abrègede quelques jours une vie qui n'avait que tropduré, et on le condamne! Les Indiens, hommessérieux, jettent leurs grands-parents dans le

Gange. Ils sont absolument dans le vrai. Pourtout dire, il faut ajouter que le Gange est déclaré

fleuve sacré ». Mais serait-il bien difficile d'é-

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lever la Seine à cette dignité? même la Loire?même la Garonne? Le clergé indien donne, ence cas, une forte leçon au clergé français.

Continuons

« L'affairedes faux-monnayeursd'Epinay-sur-Orge est venue hier devant la cour d'assisesde laSeine.

» Le chef de la bande, Gugenheim(Roboam-Simon). a avoué qu'il avait émis pour des som-mes considérables de fausses pièces de vingt et dedix francs. La cour l'a condamné aux travauxforcés à perpétuité. »

– Encore une bêtise!1– Comment? des faux monnayeurs!– Les faux-monnayeurs ne nuisent en rien à

la santé publique, madame Gréard. Et, après

tout, ce sont des artistes, graveurs et ciseleurs, Ilstravaillent, ils se donnent du mal pour arriver àfaire, à eux seuls, la monnaie presque aussi bien

que le gouvernement.On falsifie le lait avec de l'amidon, de la

gomme arabique, du blanc d'oeuf, de la ge'latine;

le beurre avec du suif de veau, de la craie, de lamargarine.

On fabrique des petits pois avec des pois gris

communsqu'on fait bouillir dans une infusionde vert-de-griset d'urine.

La farine se falsifie avec des os moulus, du

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plaire, deTaliiii, des carbonates de magnésie,des sulfatesde zinc et diverses autres substances

ncn moins pernicieuses à la santé publique.Toutes ces falsificationssont pratiquées en grandparles négociants et en détail par certains bou-

langers.Le vin est sophistiqué avec du cidre, de la mé-

lasse, de l'alcool, des acides tartrique, tannique,sulfurique; de l'alun, du chlorure de sodium, des

feuilles de laurier-cerise.Dans la bière, on emploie la chicorée, les

feuilles et l'écorce de buis, la gentiane, les têtesde pavot, le bois degaïac, la jusquiame,la coquedu Levant. On donne à ces mixtures la consis-

tance, la saveur et la coloration en y mêlant del'eau de chaux, des dépouilles de veau et decheval. 11 y a des brasseurs qui fabriquentde labière avec de la tourbe, d'autres avec de la noixvomiqueet de la coloquinte.

Savez-vous, madame Gréard, que les Chinoisfalsifient le thé non seulement avec des feuillesde frêne,de sureau, de peupiier, mais encore avecdes excrémentsde ver à soie?

Et le chocolat,madame Gréard, ce chocolat quevcus aimez tant, est falsifié avec du pain grillé

en poudre, des argiles ocreuses, du carbonatede chaux, quelques peluches de cacao pulvérisé,le tout mêlé avec du suifde cheval ou de chien,et aromatisé avec de la vanille ou de la cannelle I

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Ftccscmpoisonnemcntssontconsidérés commede simples délits! Quand on pince de temps eatemps l'un des fabricants de ces denrées qu'unpharmacien enfermerait dans l'armoireaux poi-

sons, on le condamne à une amende ou à deux

ou trois jours de prison, s'il y a récidive. Et ilsnous tuentsous prétexte de nousnourrir, madame 1

ils font fortune en abrégeant nos jours, en corro-dant les intestins de nos sœurs et de nos enfantsEh bien je le déclare, j'aimerais mieux serrer lamain d'un faux-monnayeurque celle d'un de cesgrands industriels qui éclaboussent leurs vic-times dans les Champs-Elyséesl

Mon Dieu 1 murmuraitmadame Gréard, ons'est montré bien injuste en condamnant cepauvre parricide et ces braves faux-monnayeurs t

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PARIS EN NOIR

A Monsieur,Monsieur des Tourteaux, rentier,

à Paris.

Mon cher ami,

Je lis chaque matin mes journaux au cercle etje suis épouvanté de ce qu'ils m'apprennent.Qu'allons-nous devenir? Le phylloxera, importé

par Gambetta, a détruit les vignobles. Le froidpersistant et la pluie qui n'a cessé de tomber de-puis trois mois par la négligence des employésrépublicains de l'Observatoire, ont enlevé toutespoir de récolte. Les Halles font venir les asper-ges de Russie et les fraisesde Norwe'ge. Les pro-visions s'épuisent et nous sommes à la veille demourii de faim. Les nouvelles les plus sinistresarriventde tous les côtes. A Lyon, la récolte du

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saucisson est entièrement perdue; à Bayonne,les jambons ont gelé, et les ministres semblentn'avoir aucun souci de la situation. Vous medites dans votre' dernière que la grêle a détruitles mines de charbon d'Anzin, de Valencienneset de Nancy. Cela ne m'a pas surpris. Un au-trede mesamism'apprendqusle préfet de l'Allierest tellement au-dessous de sa mission qu'on netrouve cette année aucune trace de carbonate desoude dans les eaux de Vichy.

Où allons-nous, je vous le demande, où allons-nous ?

Au train dont vont les choses, il est piobableque la circulation sur les chemins de fer ne tar-dera pas à être arrêtée. Eh bien 1 si singulier quepuisse vous paraître ce désir, j'ai envie de revoirParis une dernière fois, ce Paris que j'ai connusi brillant, si animé et qui est devenu, disentles journaux conservateurs, un désert dans le-quel on n'aperçoit plus que des ombres d'hom-mes et des spectres de chevaux. Je prendrai letrain après-demain matin et j'arriverai à six heu-

res soyez assez bon pour me faire préparer unechambre, si on sait encore ce que c'est, dans unhôtel, s'il en reste. Est-ce trop demanderque devousprierd'yfairemettreun lit (assemblaged'unnsommier et d'un matelas sur lequel on couchaitsous l'Empire).

Quant à la nourriture, j'emportedes biscuitset

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une langue fumée; je mangerai comme je pour-rai.

Adieu, mon cher compatriote.Croyez-moivotre bien dévoué,

Alfred Canasson, .<.Ex-receveurde l'Knregis>ti'cmc-nt,

Crctignan-lcs-Valats, le 14 mai 18 yg.

En recevant cette lettre, M. des Tourteaux setrouva un instant embarrassé. Il entretenait unenombreuse correspondance en province pourtenir en haleine le dévouement de ses amis poli-tiques. Les faits les plus insignifiants prenaientsous sa plume des couleurs sinistres. Chaque ma-tin il expédiait les numéros de la veille des jour-naux réactionnaires qu'on lui vendait au poids.C'est à ses efforts qu'ontété dus, dans ces dernierstemps, les articles intitulés Prospérité républi-caine, rubrique sous laquelle on plaçait les fail-lites, les suicides et les assassinats, ce qui inspiraitune folle terreur aux habitants des petites loca-lités.

Canasson allait trouversans doute un peu exa-gérés les récits des journaux et les lettres mêmede l'ingénieuxdes Tourteaux. Or, des Tourteauxétait meir.br' du conseil général et n'avait battuque de quelques voix son adversaire républi-cain. Il fallait veiller à ses intérêts en renvoyantCanasson convaincu et terrifié.

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Pour commencer, des Tourteaux retint pourle voyageur une chambre dans un petit garnide La Villctte, et il alla l'attendre à la gare dansune voiture de laitier,

On y plaça la malle du naturel de Crétignan-Ics- Valais, et des Tourteaux, saisissant les cordesqui servaient de renés, conduisit lui-même Ca-nasson à son garni.

Ce n'est pas riche, mon cher ami, lui dit-il;mais c'est encore ce qu'il y a de mieux.

Mais le Grand-Hôtel, l'hôtel du Louvre?(demande Canasson.

– Fermés.– Mais il y avait aux environs de la Bourse

de petites hôtelleries fort agréables?Le conseil municipal s'en est emparé pour

y loger tous les amnistiésqui reviennentde Nou-méa.

– C'est du brigandage 1

Vous avez dit le mot.Canasson s'installa dans une petite chambre

sur la cour. Toutes les cinq minutes, des men-diants, plus ou moins c'cloppés,venaienty implo-

rer la pitié des voyageurs.Que Paris est changé! murmurait Ca-

nasson.Le soir, des Tourteaux l'amena faire un tour

sur la rive de la Bièvre, toujours dans la voiturede laitier.

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--A demain, lui dit-il, je viendrai vous prcn-dreavantdéjeuner.

Et dus Tourteaux, en sortant, tira en l'air deuxcoups de pistolet.

–Qu'est-ce que cela? demanda Canasson.

Ne faites pas attention, répondit le maîtrede L'auberge, qui avait reçu des instructions, cesont deux ouvriers sans travail qui viennent de

se suicider.

Le lendemain, des Tourteaux vint prendreson ami.

Cette fois, il s'était Frocuré un vieux fiacre demaraudeur, aux coussins déchirés, sansglace surle côté et attelé d'un pauvrevieux cheval dont les

os perçaient le cuir.Le cocher, sale et déguenillé, était digne de

l'équipage.

– A la Morgue lui cria des Tourteaux.-Qu'allons-nousfaire là? demandaCanasson.

– J'y fasse tous les matins pour voir si je n'ytrouverai pas quelque ancien ami que la misèreet le désespoir auront poussé à se jeter dans laSeine.

En avez-vous déjà reconnu sur les dalles?7Une douzaine.

– .Vraiment?– Le comte de Haute-Futaie. Vous savei

bien. qui avait cent mille livres de rente?

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Oui.– Il s'est noyé après être resté trois jours sans

manger.Le malheureux 1

La marquisede Castelpatîn.veuve à trente-cinq ans.

– Eh bien ?– Elle s'est asphyxiée avec sa fille, une déli-

cieuse enfant de seize ans 1

Pourquoi cela ?Elle était sans ouvrage depuis six mois.

Il y avait trois cadavresà la Morgue. Canassoncn sortit les larmes aux yeux.

Le fiacre se remit en route sur l'ordre deM. des Tourteaux.

Il s'arrêta devant un vaste bâtiment.Suivez-moi, dit des Tourteaux.Nous sommes dans un hôpital? demanda

Canasson.C'était un hôpital autrefois, mais aujour-

d'hui, c'est le palais du conseil municipal.Des Tourteaux conduisit Canasson dans une

vaste pièce où se trouvaient plusieurs messieursavec de grands tabliers qui dépeçaient des cada-vres.

Il y avait sur les tables de marbre des hommesle ventre ouvert, des femmes dont on avait en-levé les Sîins.

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– Quelle horreur! s'écria Canasson.

– Taisez-vous, malheureux Voulez-vousprendre place à côté de ces infortunés?

– Qu'est-ceque c'est donc que cela?– Ce sont les membres du conseil municipal

qui découpent des congréganistes et des sœurs decharité.

Allons-nous-en1 murmura Canasson suf-foqué.

Le soir c'était un mardi' – des Tourteauxmontra au voyageur un splendide monumentdont la colonnade était sombre et déserte.

– 'Voici, lui dit-il, le nouvel Opéra.– Mais il est fermé?– Naturellement. Personne n'est assez riche

pour venir maintenant. Dimanche même, nousrepasseronssi vous voulez, etvous le verrez fermé

comme aujourd'hui. Mais ce n'est pas tout.A demain la dernière ex ia plus douloureusedessurprises 1

Canasson passa une nuit épouvantable.Où me conduisez-vous, demanda-t-ilà des

Tourteaux, en remontant dans le fiacre.A l'Exposition 1. Vousavez entendu parler

de la splendeur de cette entreprise républicaine.On a racontéque les étrangersabondaientà Paris,

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vous niiez juger par vous-même de la véracitédesjournaux ofticieux.

Le fiacre se rendit au Trocadéro par les petites

rues delà rive gauche.Rappelez-vous, s'écria alors des Tourteaux,

la magnificence de l'Exposition de 67, le bruit,l'animation, les musiques. et regardez!1

– Il n'y a pas un chat 1 murmura Canasson.

– Il n'y a pas même de marchandises, s'écriades Tourteaux avec ironie.

Assez! mon ami, assez! je retourne à Créti-

grmn.Des Tourteaux ajouta– Et dites bien là-bas ce que vous avez vu l

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LE SUICIDE

A la féodalité du moyen âge a succédé la féo-

dalité de l'argent. La masse ne paye pas seule-

ment la dîme, on lui prend toutes ses économies,

sous prétexte d'affaires habilement présentées.On voit, à Paris, certainsaventuriers de la fi-

nance à qui des opérations désastreuses pour lepublic ont valu légalement des fortunes variantde dix à cinquante millions. Ils ont hôtel et châ-teaux, des chasses où les Altesses vont faire le

coup de fusil. Ils sont chamarrés désordres de

ces messieurs, et personne n'a le droit de leuradresser le moindre reproche; si j'en disais da-vantage, je serais condamné comme diffama-

teur.11 est certain que la nouvelle féodalité dispa-

raîtra comme l'ancienne.L'or ne sera pas plus dur que le fer.Les gouvernements ne nous aident guère dans

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lc déblayage; ils ont des ménagements à garderenvers les détenteurs de la richesse.

Je ne comprends pas, medisaitdernièrementun très riche banquier, qu'un homme que lamisère a poussé au suicide, qui est bien décidéà se tuer, ne commence pas par emmener de cemonde, comme compagnon de route, un de ceuxqui ont trop de millionsen portefeuille. Aprèsune vingtaine de leçons de ce genre, les accapa-reurs réfléchiraient, et on ne pourrait faire autre-ment que d'assurer contre la faim la populationtout entière.

C'est possible, répondis-je, mais le suiciden'est pas un crime et l'assassinat en est un.L'homme qui se'tue s'écrie souvent Pardon-nez-moi, mon Dieu! Dans tous les cas, l'huma-nité vaut mieux que vous ne le pensez, puisquel'idée qui vous est venue ne s'est pas présentée àces désespérés delà vie.

On s'est beaucoup tué depuis quelques jours.Le dernier fait-divers nous apporte l'histoire

d'un maçon sans ouvrage qui, n'ayant plus depain à donner à sa femme et à sa fille, est allédérober un boisseau de charbon dans une couret a profité du sommeil des malheureuses, quis'étaient couchées grelottanteset le ventre vide,pour en finir en leurcompagnie avec des souffran-ces sans espoir.

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Si tous les malheureux se tuaient, la dépopu-lation serait rapide. Aussi a-t-on eu soin de dé-clarer que le suicide est un crime, et la religionrefuse la sépulture chrétienne à celui qui s'est vo-lontairementdélivré de l'existence. Mais qu'im-porte que le sucide soit un crime ou non, puis-qu'il est impossible d'atteindre le coupable? Etqu'importe au malheureux qui n'a pu supporterla vi: que son corps repose dans un lieu sur le-quel un prêtre indiffèrent n'a pas prononcé quel-ques versets d'un mauvais latin?

Le pre'tendu crime est donc une affaireentre Dieu, qu'on mêle habilement à toutechose, et un homme qui doit avoir d'excel-lentes raisons adonner au juge suprême dont onle menace.

En Angleterre, quand le jury spécial est appeléà constater un cas de suicide, le verdict qui suitl'enquêtese termineinvariablementparces mots:« Un tel s'est donné la mort sous l'influenced'une folie momentanée. »

Les Anglais tournent, par cetteformule,la loiabsurde et odieusequi prive de la sépulture chré-tienne l'individu qui s'est tué. Personne ne songeà blâmer cecompromis de la consciencepubliqueavec une législation d'un autre âge.

La littérature et la vie réelle envisagent le sui-cide d'une manière différente. Le poëte et le ro-mancier se plaisent à le représenter comme un

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acte énergique qui émane d'une volonté libre etréfléchie.

Il faut consulterles circonstances particulièresau milieu desquelles l'acte s'est produit, pour sa-voir dans quelle mesure nous devons accordernotre pitié à l'infortuné qui a coupé court à savie. Il est des cas où non seulement le suicideest pardonnable,mais où il mérite même l'appro-bation et l'estime. Les pères de l'Eglise ont ho-noré publiquement les femmes qui s'ôtaient lavie pour conserver leur chasteté. On a égalementreconnu qu'un homme atteint d'une maladie in-curable, qui fait de son existence une torturecontinuelle, est excusable de ne pas attendre lamort.

Le dramaturge et le romancier mettent enscène le désespoir, la jalousie, l'amour. Dans lavie réelle, ces sentimentsn'exercent qu'une fai-ble influence sur le suicide. Un héros de romanse tue parce que sa femme ou sa maîtresse lui estinfidèle. Regardezautourde vous, et voyez avecquelle force d'âme se supportent ces chagrins. <

Les suicides qui ont pour cause dei querellesdomestiques indiquent les vices de l'organisationsociale et de la législation.

« La vie est un vêtement, a dit Balzac; quandil est sale, on le brosse; quand il est troué, on le

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raccommode; maison restevctutantquonpeut. »

Mais il y a des cas où la réflexion ne sert qu'àaccroître la peur du mal, où l'activité de l'ima-gination pousse la victime au delà des consé-

qucnces qu'elle redoute. Tel est celui de M. H.commerçant ruiné qui, à l'âge de trente-cinqans, se laiss îourir de faim –de peur de man-quer de pain.

Il respiraitencore quand on lede'couvrit étendu

sur le bord d'une route, mais il expira aussitôtqu'on lui eut faitavaler de force un léger bouil-lon. ·

On trouva sur lui une espèce de journal écrit

ai; crayon16 SEPrEMBHfi.– Celuiqui trouveramon corps

est prié de me faire enterrer. Il se payera avecma montre, ma bourse et mes habits. Je me laissemourir de faim parce que je ne veux pas un jourêtre à charge à mes amis.

17. Quelle nuit! il h'a Cessé de pleuvoir; jesuis transi.

18. Je ne marche pas, je me traîne.19. La faim et la soif me causent des tor-

tures effrayantes.

20. J'ai bu de l'eau d'une pompe; je gre-lot.e.

26. Mes jambss sont déjà mottes; je ne puisme remettre debout.

29. La soif me dévore. Un paysan a pf.s?é,

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je l'ai salué; il m'a rendu mon salut. Je quitte lavie avec regret, mais le besoin n'y force. Je nepuis écrire davantage. Je sens que cela ne sera paslong maintenant la mortl1

Il ne mourut que le 3 octobre.L'appréhension de la pauvreté était devenue

chez cet homme une idée fixe, qui a eu pour ré-sultat de lui infliger tous les supplices qu'il re-doutait.

Une observation curieuse, c'est que les suici-des sont plus communs là Où l'instruction estplus répandue.

L'imitation a une grande influence sur le sui-cide. C'est une contagion qui s'empare des imagi-nations faibles. Werther a fait mourir beaucoupd'amoureux.

La littérature a besoin dedonner aux victimesqu'elle met en scène des propcrtions héroïques,mais les Catons et les Brutus sont rares en cemonde, tandis que les médiocrités y abondent.

Shakespeare a jonché la scène anglaise d'unngrand nombre de suicides. L'Anglais aime lamort et ses terrçurs; il se plaît à représenter lavie sous des couleurs lugubres et à rêver parmiles tombeaux.

Roméo est profondément Anglais quand iltrouve Juliette plus charmante morte que vi-vante.

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Le Français, il faut bien le dire, ne se tue que °

laand il ne peut pas faire autrement. C'est àParis que le suicide est le plus répandu, parceque c'est là que la machine de la civilisation~st le plus compliquée. Le chagrin d'amour n'en-tre que pour une faible partie dans les morts vo-lontaircs.

Voici comment la statistique a décomposé les:icrniers 3,598 suicides

Aliénationmcntalc. 800Monomanie. 70Fièvre ct~r~-brale 39idiotisme.

t~¢

Querellcs de ménage. 385Perte d'enfants. 46Chagrins à'propos de leur conduite. 16

Colère 1

llcsir d'échapper aux souffrances phy-siques. 313Embarrasd'ar~c~t. 2o3Crainte de la lJ11SCrc, 179Ilonte, remords. 7Amour'contrarie. gitPerte au leu 6Perte d'emploi 25

Je ne saurais mieux terminer cette étude, qmpar un conseil d'amià MM. les aspirants au sui-:ide.

« Si vous croyez trouver mieux dans cette au-tre )'iequ'on vous promet sans la garantir, vom~tes certainement le jouet d'une illusion. Sut

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terre, toutes les races se détruisent l'une l'autre,s'attaquent et se dévorent. La terre est un vaste<hamp de carnage; on l'eût donnée à faire audiable qu'il n'aurait pas trouvé de plus atrocecombinaison de l'échelle des êtres. Mais, si lajustice n'existe nulle part ici-bas, pourquoi exis-terait-elle ailleurs? Pourquoi le Dieu qui n'estni juste ni bon en ce monde le deviendrait-iltout à coup dans un autre?

» Allez jusqu'au bout, quand cela ne serait que

pour faire un spectateur de plus et rappelez-vouscette pensée de Pascal Le plu> grand des maux•est la privationde vivre. »

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LES SACRIFICES HUMAINS

La boussole est dérangée, l'aiguille est folle etl'esprit humain est en proie au trouble.

Messieurs, je meurs innocent s'était écriéd'une voix ferme l'herboriste Moreau, en face deJ'échafaud.

Et peu de temps après son exécution, il sembleprouvé par d'autres savants, qui ne le cèdent enrien à M. Bergeron, que le poison dont Moreaus'est servi n'empoisonne pas.

C'est comme si un homme était condamné àmort et exécutépour avoir empoisonné sa femmeavec du sel de cuisine.

Il faudra, l'un de ces jours, réhabiliter Mo-

reau, le canoniser peut-être.>

Saint Moreau, martyr, priez pour la justicedes hommes t

Apris Moreau, voici Billoir, moins calomnié

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sans doute, mais évidemment noirci dans l'es-prit des hommes.

« Découpéevivante » n'est qu'un mot. L'hor-reur est venue du dehors; elle a été apportée parune science ondoyante et diverse. Le séjour pro-longé du corps sous l'eau explique tout le mys-tère. Le meurtre est certain, la préméditationestdouteuse. Billoir a tué, il a voulu faire disparaî-tre toute trace de son crime; mais ce crime est uncrime ordinaire, embelli à tort par la médecinelégale.

On pouvait ne pas exécuter Billoir.

Quant à monsieurMoyaux, il avait su réunirtoutes les conditions les plus aggravantesque laloi ait prévues. Eh bien 1 ses antécédents de faus-saire ne lui ont pas nui outre mesure; la longuepréméditation du plus lâche de tous les crimes

ne l'a pas trop desservi.Vainement une voix élo-quente a représenté ce sinistre tableau une en-fant endormie sur l'épaule de son père, pauvrepetit être plein de confiance et d'abandonqui rê-vait peut-être d'une poupée aux yeux d'émailou d'une belle image avec des têtes d'anges surdes ailes de colombe.

Lui, marchant dans l'obscurité, traversant les

routes pour aller au puits, gouffre béant auxémanations de charogne. C'est le but. C'est làqu'il va jeter son fardeau.

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Quelle épouvante chez l'enfant, ainsi réveillée

par la chute effroyable, tombant ses petits osbrisés, la tête dans un ventre de chien, toutgrouillantdes vers de la mort.

Là, son agonie va se prolonger. Ses cris de ter-reur monteront vers le ciel noir et sourd. C'estle père qui, seul, recueillera les hurlements de

cet'.e tombe ouverte.Et cet homme ne court pas vers la maison ia

plus proche, vers le poste, vers les gendarmes! Il

ne dit pas en prenant sa tête à deux mains

e J'ai jeté mon enfant, une pauvre petite fillequi ne savait que sourire et chanter. Allez lasau ver et prenez-moît »n

Non. Il a compté les cris, il a attendu. Puis,le joure'tant venu, il l'a laissée.

Le défenseur a été habile. La mère a sauvél'assassin. Les hommes qui jugeaient lui onttenu compte d'une passion qui a paru réelle.Ils ont partagé la responsabilité et Moyauxvivra.

Le châtiment sera peut-être plus lourd, et l'i-mage d'Adrienne Minard hantera plus d'unefois le bagne.

Mais feu Billoirdoit réfléchir.

« Le sang qui coule sur les champs de bataille,a dit Chateaubriand, n'élève pas vers Dieu cette

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clameur sinistre et ces cris de vengeance que le

meurtre traîne après lui I »C'est heureux, car nous serions certainement

assourdis.Je n'ignore pas que je vais me hasarder sur un

terrain brûlant 'en parlantd'un souverain étran-ger. Ce qui me rassure, c'est que ce souverain aété souvent en butte aux attaques de la presse,sans qu'une voix vengeressese soit élevée en safaveur, sans que le moindre ministre soit inter-venu.

Il y a là une injustice évidente. Et peut-êtrenous appartient-ilde réparer les torts de la France

envers un monarquequi, fidèle à la tradition, asu respecter la Constitution de son payset y con-server les mœurs de ses pères.

Le lecteur a déjà compris qu'il s'agit du roi deDahomey.

Oui, au moment on chacun se demande ceque l'Allemagne compte faire de ses innombra-bles bandes d'hommes armés au moment oùRusses, Autrichiens, Roumains, Serbes, Turcs,Crétois, Grecs, Egyptiens, Persans, Monténé-grins, Mirdites, Cosaques aiguisent leurs épéeset chargent leurs fusils; au moment où les fleu-

ves se couvrent de ponts de bateaux, où les

montagnes se hérissent de forteresses, les plainesde tranchées où les navires de commerce sontchassés et remplacés par des vaisseaux de fer qui

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transportent la destruction,l'incendiectla mort,j'ai eu la douce idée de reposer mes esprits enrelisant le Voyage ait Dahomey.

Cette lecture repose. Elle n'est pas précisément

instructive, mais elle vous rend meilleur.

Les Dahomyens ont, comme nous, des idoles.KUcs sont ge'néralementaccroupies et ne man-quent pas d'originalité. Nous avons un esprit

sous la formed'une colombe ils en ont un sousla forme d'un crocodile. Affaire de climat.

Nous avons le Palais de Justice ils ont letemple des serpents, qui semblent être les magis-

trats de ce pays-là.

Quand le lieutenant de vaisseau Vallon fit savisite au roi Ghézo, celui-ci remarqua les déco-

rations de l'officier français et lui demanda quelsétaient ces amulettesou grigris.

« Ce sont, lui répondit-on, les récompensesque les monarques blancs décernent aux guerriersqui ont montré de la valeur dans les batailles. »

– Moi aussi, répliqua-t-il, je donne à meschefs les plus braves des marques de distinc-tion.Il fit voir, en effet, au cou de quelques-unsdes

assistants, des plaques d'argent ornementées deciselures, soutenues par des chaînes de mêmemétal.

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Le roi Ghézo, désireux de bien accueillir seshôtes, passa devant eux une grande revue.

Cinq à six mille hommes prirent part à cettemanœuvre, ainsi que quatre mille amazones,femmes de guerre qui se distinguent des honnê-tes femmes de Paris en cequ'ellesrestentvierges.

Cependant la fête n'était pas complète; le

sang n'avaitpas coulé.Chez ce peuple, dont le caractère n'est pas na-

turellement cruel, car ils ne maltraitent ni les

femmes, comme Billoir, ni les enfants, commeMoyaux, les sacrifices humains font partie de

toute réjouissance publique. Des centaines detêtes tombent chaque année, lors de la célébra-

tion des Coutumes.

Il ne faut pas croire que la boucherie humaine

se borne aux grandes fêtes. Dernièrement,dit le

lieutenant Vallon,l'Europea frémi en apprenantque le sang de trois mille créatures humainesavait arrosé le tombeau de Ghézo.

L'Europe frémit bien facilement, ce me sem-ble, quand il s'agit des nègres du Dahomey.

Elle pourrait réserver ses frémissements pourelle-méme.

Les deux sièges de Paris, l'un par les Prus-siens, l'autre par les Français, ont coûté la vie à

un nombre de victimes beaucoup plus considé-rable.

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La guerre de Serbie, les massacres de Bulgariè,les nouvellesguerresqui se préparent pourraient,

avec raison, faire frémir le Dahomey tout entier.

Les Dahomyens sont un peu moins supersti-

tieux que les Français et les Russes.Ils ont, cependant, quelque chose de la crédu-

lité naïve de ces deux peuples.Le 1 juillet 1860, un missionnaire rencontra

sur la route de Wydah un homme qu'oncondui-sait au rivage.

Il devait être précipité dans la mer, en même

temps que les deux gardiens des portes du port,afin d'être prêts à ouvrir cts portes à l'esprit duroi défunt, quand il lui plairait de prendre desbains de mer.

A Lama, le missionnaire vit un homme dontles mains étaient liées et la bouche bâillonnée

(sens doute un journaliste du pays). Le nouveauroi lui dit que c'était un messagerqu'il envoyait

pcrter de ses nouvelles à son père. Et, à ce titre,le pauvre homme fut immolé sur la tombe dufeu roi.

Une heure après, on amena quatre autreshommes, accompagnés d'un daim, d'un cerf etd'un gros oiseau.'

Toutes ces créatures, à l'exception d'une, eu-rent la tête tranchée, avec mission d'aller annon-cer aux csprits ce que le pieux monarquese dis.

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posait à faire en faveur de son père. Le daimdevait s'acquitter de. la même mission auprès desquadrupèdes qui parcourent les forets, le singegrimper jusqu'au sommet des arbres pour eninstruire ses pareils. Quant à l'oiseau, on luirendit la liberté, afin que, «'élevantdans les airs,il racontât les marnes choses aux êtres qui leshabitent.

Nous rions des plumets des chefs indiens, ilsrient de nos chapeaux de gendarme. Nous fré-missons à l'idée des sacrifices humains dans leDahomeyet nous ne comptons pas les centainesde mille hommes que nous envoyons à la mort.

Nous haussons les e'paulcs quand on nousparle des grisgris et des amulettes, et nous ou-blions la rue Saint-Sulpice.

Tous féticheurs, tous sanguinaires à un égal

degré1Noire ou blanche, l'humanité est partout la

même.Nos petits-fils verront si la science rJussit là

où les religions ont toutes échoué.

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FRANCE ET TURQUIE

Je ne dirai plus de mal de la Turquie. Ce paysa une façon de comprendre la monarchiequi vautson pesant de commune.

Quelle consommation de sultans1

Si les Turcs changeaientde chemise aussi sou-vent que d'empereur, on ne dirait plus que c'estle peuple le plus sale de l'Europe.

Quand on demande à un StamboulienL- Où est donc votre dernier sultan?Il répond simplement qu'il est chez la blan-

chisseuse.A peine proclamé, le commandeurdescroyants

est remis aux mains de quelques jeunes Circas-siennes qui n'en font qu'une bouchée.

Pauvres filles elles ont chacune pour amantla centième partie d'un homme. Jugez si elles enlaissent. C'est comme si on jetait un pain dequatre livres au milieu d'une foule affamée1

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Le ramollissementest un mode particulier delésion organiquecaractérisé par une diminutionde la cohésion naturelle à chaque tissu.

« Presque tous les ramollissements, dit Napq-léon Landais (qui devrait bien changer de pré-nom), sont le résultat d'une inflammation, soitaiguë, soit chronique; cependant il faut recon-naître que l'on trouve des ramollissements sansaucune trace d'inflammation.

» Ce mot, ajoute Landais (que nous appelle-

rons désormais Léon tout court), ce' mot estomis dans tous les dictionnaires; il est pourtantfort usité en médecine. »

Léon Landais aurait pu ajouter et en poli-tique!1

Cette maladie, presque foudroyante à Cons-tantinople, excite l'émulation des fabricantsanglais et français.

Le cheik-ul-Islam reçoit tous les matins unemultitude de lettres dans lesquelles on lui offrefdes sultans garantis.

La maison Bothworthand C°, de Birmingham,propose d'aciérer Abdul-Hamid.

La société du verre incassablea également faitparvenir ses propositions; mais, jusqu'à présent,la préférencesemble être accordée à une grandemaison de caoutchouc de la rue Turbigo. Lesultan en caoutchouc volcanise peut résister à

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une Fression de vingt atmosphères; il est à l'abride la balle et du poignard,et si on le jette dans leBosphore, il surnagera.

Mais ce n'est pas tout.Un avantage supérieur est réservé au sultan en

caoutchouc.Tout le monde comprendra que cesouverain exceptionnel pourra faire le bonheurde quatre cents odalisques sans éprouver lamoindre fatigue.

Cette considérationa frappé le cheik-ul-Islam,

et, le bruit de cette heureuse proposition s'étantrépandu dans le harem, ces dames attendentavecimpatience l'approbation du conseil des mi-nbtres.

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L'ÉDIFICE SOCIAL

De tout temps, on a condamnéà l'amende etmis en prison de braves gens dont la bonne vo-lonté était en avance sur leur époque.

En politique, surprendrec'est effrayer.Il est malsain de proposeraujourd'hui les amé-

liorations qu'on ne réalisera que dans dix oudouze ans.

Le moment n'est pas éloigné où, après l'abro-gation d'une loi malfaisante et le vote d'une loinouvelle, plusieurs repris de justice des plus ho-norables pourront dire C'est pourtant là ce quim'a valu six mois de prison 1

Est-ce dans un Magasine ou dans la Revuebritannique que j'ai lu, il y a quelques années,le texte ou la traduction d'un apologue qui sereplace comme un sourire d'ironie devant lescritiquesdes partis et les empêchements que l'é-

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trottasse et l'égoïsmcde certains esprits apportentà toute tentative de progrès?

Q jclle qu'en soit l'origine, voici l'his-toire

Un homme possédait un petit bois au piedd'un rocher. Désireuxde se fixer sur sa propriété,il se mit à abattre quelques arbres.

Une corneille accourut.Que faites-vous? s'écria-t-elle, vous abattez

des arbres au lieu de profiter de l'abri qu'ils vousoffrent?

-Je veux construire une maison, réponditl'homme.

Eh bien reprit la corneille, il suffit pourcela de quelques branches et de quelques bri ns depaille.

L'homme se mit alors à tailler des pierres dansle roc. Un bouc, qui cherchait sa pâture dans

une crevasse, se mit à rire dans sa barbe, et, ap-pelant les autres boucs

Voyez, leur dit-il, l'outrage que fait subircet ignorantà notre magnifique rocher; remar-quez ces petits carrés de pierre qu'il entasse lesuns sur les autres.

Les boucs se mirent à bêler à l'unisson, commepour se moquer de l'entreprise.

– Monte donc jusqu'à nous, cria l'un d'eux,nous t'apprendronsce que c'est qu'un roc.

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– Je n'ai pas besoin de vous, dit l'hommej'ai à construire une maison.

11 fit un amas de chaux :et alla puiser de l'eaudans une mare où nageaient des canards.

Hein 1 hein 1 fit le père canard, vous trou-blez l'eau et vous soulevezla vase. Quel est doncvotre but?

Excusez-moi, j'ai à construire une mai-son.

– Vous ne construisez pas des maisons avec del'eau, je suppose?

Et tous les canards de huer l'homme,qui n'encontinua pas moins à puiser de l'eau.

Un joli plâtras que vous faites lâl dit unearaignée. Regardez donc mon architecture, etcomparez-la à votre pâtée de mortier. Vousauriezdû me consulter pour obtenir un édifice léger etélégant.

L'homme creusa les fondations de sa maison,et les taupes se mirent à l'injurier.

De quel droit venez-vous bouleverser nosgaleries et nos terriers?

– C'est pour construire une maison.

– L'entendez-vous?dit une des taupes. Unemaison à construire! Il n'est pas une taupe quir.e sache que les maisons se construisent de basen haut et non de haut en bas. Arrêtons-le.

Les taupes mordirent vainement la pioche.L'homme continua de creuser les fondations de

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sa maison; puis il h bâtit solidement avec sesp;:ntset sa charpente.

H 1 habite aujourd'hui, s'y trouve bien et lalaissera à sesenfants.

L'allégorie est frappante.Si nous abattons des arbres pour faire une

charpente, les corne)i!es protestent de touscôtes.

Si nous voulons des pierres, tes boucs nou~raillent.

Les canards défendent leur mare; l'araignée

nous montre triomphalementsa toile comme unmodcte de solidité et les taupes nous mordent adtalon.

Malgré tous, l'édifice est sorti de terre; il y

manque encore bien des choses, mais, avec uapeu de courage, nous le laisserons achevé pournos enfants.

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COURRIER

DK CONSTANTINOPLE

L'OUVERTURE DU CORPS OU LA RÉUNtO~ DES FEZ

Le Rabt-ul ewel, que nous nommons plussimplement le t~ mars, a eu lieul'entrebâille-ment du pseudo-Parlementturc.

Dès le matin, de nombreux domestiques ontlavé les carreaux devitre, épousseté les encoignu-res et frotté les dalles de marbre.

Des bancs avaient été placés par deux Auver-gnats, commissionnaires à Feraet commandeursdu Medjidié; après quoi, un tapissier autrichiens'était chargé de dresser la tribune, sur laquelleM. Alfred de Caston plaçait religieusement troisgobelets et deux muscades.

Pas de verred'eau sucrée. Un narghilé est misà la disposition de l'orateur quand il a besoin dereprendre haleine.

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Au lieu de sonnette, le président agitera unrjj pour rappeler les orateurs à l'ordre.

Des )c matin, les softas, les midhatisteset un “ s

tas de blagueurss'étaient livrés à des manifesta-tions hostiles. La veine, ils avaient parcouru la -A.ville en agitant des cris-cris et en demandant s!

on avait vu Lambert-Pachal J-Malgré cette opposition de mauvais goût, !es

ministres, !es utJmas, les dignitaires civils etmilitaires ont fait leur entrée au Parlement. Lesabords du palais sont encombrés de marchandsqui vendent des figues et des croissants.

Le corps diplomatiquefait de nombreuses ac'quisitions.

A une heure, on frappe les trois coups.Safd-Bey lit !e discours du Fc~ (en français

discours du chapeau).A cette comédie assistent dix sénateurs sur les

trente nommés. Quant aux députés, il en man-que quatre-vingts; le nombre officiel étant decent v!ogt~ ceux qui assistent à la séance ontl'air d'être en quarantaine.

Le mode électoral n'étant pas encore fixé, lesdéputés ont été, pour cette fois, nommés par les

gouverneurs. C'est d'un mécanisme simple etoriginal.

Chaque gouverneur a choisi dans son vilayetd ;s gens qui ont paru avoir une bonne encolure

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de députe et leur a dit Mes enfants, je vousnomme représentants du peuple.

!)Mais, a dit l'un, je ne p is quitter mon

commercedenoix.Cela m'est ctgall

–11 faut, a dit un autre, que je fasse sécher

mes figues.– Tes figues sécheront sans toi.Un troisième s'arrachait la barbe en s'écriant– Allah) que vont devenir mes essences de

rose tLe gouverneurrépliquavertementz– Tu partiras 1

– J'offrema démission.Le gouverneur fronça les sourcils.

Tu ne connais donc pas l'article V dé madernière ordonnance: Tout démissionnairerece-vra dix coups de bâton sur la plante des pieds?i

!1 paraît que la répugnanceavait été générale,

car, au moment de l'ouverture du Parlement,on remarque que plusieurs députés appuientpéniblementles pieds sur le sol.

Deux autres ont les reins à moitié cassés. Ilsn'ont accepté le mandatqu'au soixante-cinquièmeecoup de bâton.

Les députes, librementélus, prennent en trem-blant possession de leurs siéges.

Tous se placent à droite; mais le ministre de

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t'i ):cr!eur, sachant qu'il n'y apas de bon gouver-n~Hent sans opposition, envoie quelquestiés, ou gendarmes du pays, qui désignent uncertain nombre de victime forcées de siéger àgauche.

On tire au sort poursavoir quels seront les r<ï-dicaux.

Huit débutes sont désignes pour ce rôle péril-leux. tb pleurent et se prosternent, mais leurssupplicationstrouvent la police inflexible.

te chef des zapties leur déclare qu'ils aurontles membres broyéss'ils ne consententà être ceuxde l'opinion avancée.

Marossitch-Effendi (catholique) demande laparole.

Les auditeurs font allumer leurs chibouks, etle président disparaît dans un nuage de fumée.

MAROssiTCH.-Au nom de de la fraternité qui

fait la base de toutes les religions, je viens pro-tester de mon dëvoûment à la Sublime-Porte.Les chrétiens ne demandentqu'uuechose n'êtrepas massacrés. Je me permettrai de faire observerque S. M. le Sultan, notre délicieux souverain,aurait tout intérêt à ne pas laisser massacrer sessujets. On a remarquéqu'unchrétien ne travailleque lorsqu'il n'a pas été massacré. On se plaintsouvent, en France, de ce que l'agriculture man-

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que de bras. Que serait-ce si elle manquait ausside jambes, de buste et de tête, comme il arrive<hcznous?

UN GENDARME, à un député de la G~MC~C. –Criez:–c~M~{/

LE RADICAL MALGRÉ Lut. Mais l'opinion de

cet !nf)de)e me paraît assez ra!sonnab)e.LE GKNDARM)- – !t ne s'agit pas de ca~ vous

devez crier :/t~C{/1LE RADICAL.~4~ ~M~/PAtKAKt-BEY monte à la tribune.PATRAKI. Notre honorablecollègue, le chien

que vous venez d'entendre, a montré fn peu de

mots quelles seront bientôt les exigences de sescoreligionnaires.Si l'on nous interdit le massa-cre des chrétiens,que ferons-nous de nos soirées?il n'y a qu'un théâtre à Constantinople, et encoreest-il fort médiocre. (7r~cn/~ ~r<?!7e.) La~

troupe vit sur le répertoire boutfe des Variétés,c'est-à-dire sur ce que la France a produit jus-qu'ici de plus monotone et de plus affligeant.C'est à ce genre de spectacle qu'estd û le ramollis-sement de nos trois derniers sultans.

UNE VOIX A DROITE. Vous pouvez ajouterque les désastres de la France, en !8yo~ n'ontpas d'autre cause1

PATRAKt. Qu'est-ce qui a soutenu les Espa-gnol? les combats de taureaux. Qu'est-ce quisoutient les Anglais? les combats de coqs. Qu'est-

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ce qui peut soutenir la vieille Turquie? le mas-sacfi: des chrétiens 1 Tousles conservateurs serontde non avis. Une démagogiecriminelle ose por-ter la main sur nos institution!; mais noussommes là pour ahêter !e torrent. Respectons lepasse; c'est le seul moyen de faire de grandeschoses dans l'avenir. (Non! Hon/~ ~McAc.~ocT/fra~'OHy~ droite. Le président agite~)

LE PRÉstDEKT. Qui est-ce qui a traité lepreopinantdec~o~n!?

UN ZApT)É. – C'est Papazogglou.LE PR~stDENT. Papazogglou, jevousrap-

pelle à l'ordre.TArrEtT-EFtENDi, député de Salonique.–

C'est une infamie!LE PnFStDKNT.– Zaptiés, empalezcet homme 1

(Deux huissiers saisissent le représentant deSalonique et le Mtc~~Hf à la broche sansfeu.)

!sMA<r.-BEY~ ~OK~M cr/-cr<. Très bien 1

très bien ) 1

Ls MfNiSTRE DE LA GUERRE, KMM~~Mf desnoix. 11 me semble qu'on pourrait prononcerla clôture?

L'ËMpALE, gémissant. Oh oui! la c)ôture!1la clôture!

LE PRÉSIDENT. A demain, mesHeurs, dan&.lasatledu Tidjaret!1

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Par cet aperçu, peut-être un peu sommaire, !e

lecteur se rendra facilementcompte de ce qu'a étéla séance d'ouverturedu pseudo-Parlementturc.

Nous attendions une dépêche par pigeon; c!ljnous est arrivée par canard. Mais peu impotte le

messager, pourvu que le texte soit exact.L'ouverture n'a eu sa véritable signification

que pour le représentant de Salonique.Demain aura lieu la seconde séance.J'espère que, cette fois, le pigeon ne se fera pas

remplacer.

U Constitution en Turquie 1

Où est l'administration pour l'appliquer?Où sont les hommes pour la défendre ?1Et des routes ? et des ponts? et des moyens de

gouvernementrLe Coran est à la fois un livre de théologie, un

Code civil, uu répertoire de droit canonique.Dans l'islamisme, le droit civil ne pourra jamais

se séparer de la religion.H ne peut être question, dans cette société, <*e

puissance législative. La loi a été faite une fois

pour toujours; elle est éternelle et immuable.

« L'islamisme,ditM.Renan,est évidemment)cproduit d'une combinaison inférieure, et pourainsi dire médiocre, des instruments humains.

x Voilà pourquoi il n'a été conquérant que

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Jans l'état moyen de la nature humaine. Les ra-ces sauvages n'ont point été capables de s'y éle-

ver, et, d'un autre côte, il n'a pu suffire auxpeuplesqui portaienten eux le germe d'une plusforte civilisation.»

L'indissolubleet fatale union de la loi reli-gieuse et de la loi civile est le plus grand obstacleà toute innovation politique. La loi, égale pourles seuls musulmans, ne peut admettre jpour lesinfidèlesd'autres sentimentsque ceu~d'une tôle'rance dédaigneuse, ni combler entre les enfantsde Dieu et leurs ennemis l'abîme qui sépare leréprouvé du prédestiné.

J'ai assisté, à Paris même, à une scène assezbizarre entre un catholique de Scutari et un bon*mahométan.

Le catholique raillait le mahométan, sur lacroyance bizarre que les houris restent toujoursvierges.

Le musulman se fâcha tout rouge et rappela aucatholiquequ'il croit aussi à une femme viergeaprès avoir mis au monde un enfant.

Le premier se retranchaderrière l'opération duSaint-Esprit; le jsecond invoqua la volonté deDieu et la parole du prophète.

Quelles seront les destinéesde l'islamisme ent5

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face d'une civilisation essentiellement envahis-sante et appelée, ce semble,deveniruniverseHe,autant que le permet l'infinie variété de l'espècehumaine?

Les religions ne meurent pas.Itn'ya a donc que les sciences modernes qui

puissent entamer i'ishmisme, par leurs habitu-des de rationalismeet de critique.

Mais à quoi s'attaquerait la critique? à la lé-gcnde ?

Le dogme, la morale et le culte sont de la plusgrande simplicité, et la légende n'est pas gê-nante.

!t passera bien de l'eau sous les ponts et biendes vivants sur la terre avant que la Syrie, par ex-emple, soit à la hauteur, sous le rapport de l'ins-truction, du dernier petit hameau du coin le plusillettré de l'Auvergne.

Les crétins du Valais, transportés en Syrie,passeraient pour des savants dangereux et peut-être pour des sorciers t

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I)j:UX ANS DE PRISON!

Le AfoM!<r ~e. nous apporte unesingulière nouvelle. Le procès dont parle cejournal a-t-il réellement eu lieu ? J'ai peine à lecroire, mais tout est possible. !t m'a étedonn~icctursdu compte-rendu je le transcrisà la hâteet aussi fidèlement que le permet ma mémoire.

H paraîtrait que le parquet d'Etampes s'estdécide à en finir avec M. Littré. Un mandat d'a-mener ayant été lancé contre lui, FiLtustre aca-démicien a cté arrête à huit heures du matin,dans son domicile. Après dix jours de prisonpréventive, il a été conduit à Etampes, dans un\\agon de troisième classe,entre deux gendarmes.L'instruction a été sévèrement et rapidementmonde. Jeudi, 12 février, l'accusé Littré, pâle ettrembtant,comparaissait devant le tribunal d'E-tampes.

Une foule de curieux, au nombre de neuf, as-

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siègent le prétoire; il y a dans Etampes unmouvementinaccoutumé. La vieille tour effon-drée qui est le principal monument de la viKetressaille sur sa base, comme au temps où onbrûlait les sorciers.

L'audience est ouverte à onze heures.Le président a l'aspect sévère, le substitut sem-

ble inspiré.LK PpKsmENT. Accusé, levez-vous. Quels

sont vos prenons ?1L'Accuse. – Littré (Maximilien-Paul-Emile).

Votre âge?1Soixante-dix-neufans.Vous êtes accusé d'outrage à la morale pu-

blique et religieuse?-Cela ne m'étonne pas. (Mouvementd'indi-

gnation dans l'auditoire.)LE PRÉSIDENT. N'espérez pas désarmer la

justice par votre cynisme et répondez clairementà mes questions. Vous avez un passé déplorable.Ayant embrassél'étude de la médecine, reçu, auconcours, interne dans les hôpitaux, vous négli-gez de prendre le titre de docteur pour vojslivrer à la philologie. Ce n'est pas là le fait d'unhomme sérieux. On vous trouve ensuite appre-nant ~e sànscrit, l'arabe et. autres idiomes aussianciens que ridicules. Vous collaborez à diversjournaux et recueils littéraires, ce qui est unmétier absolumentméprisé à Etampes.

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L'Accusa avec confusion. Je suivais mavocation.

LEPj<És:DENT.–)En t83o, vous apparaissezsur les barricades.'Vousparticipez à la ruine deh monarchie légitime, et, perdant toute pudeur,vous entrez à la rédaction du National. C'estalors que, avec une audace qui rappellel'attentatde RavaiUac, vous inventez la phitosophie posi-tiviste, de connivence avec un nommé AugusteComte, qu'on aurait dû dépouiller de ce titrenobiliaire 1

A partir de ce moment,vos années se comptentpar tes crimes.Onvous voitpubtierune traductionde la Vie de 7~t< de Strauss, un misérable chefd'orchestre qui se permet de juger le fils de Dieu.

L'AccusÉ. Pardon, monsieur le président,c'est un autre Strauss.

LE PRÉSIDENT, avec sévérité. N'espérez pasdérouter le tribunal. Nous nous souvenons par-faitement d'avoir vu cet homme, un archet à lamain, conduisant les odieuses bacchanales desjours gras 1

LE SuBSTfTUT.–C'estun individu de moyennetaille et qui porte des lunettes1

L'AccusÉ. Mais je vous assure.LE PRÉsfDKNT. – Taisez-vous t vous aggravez

votre position. (Littré paraît consterné.)LE PRÉSIDENT. Nous arrivons au corps du

délit. Qu'appetez-vous ~o~fMMC ?

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L'Access. Un système de philosophie quirejette toute étude du surnaturel, et fonde lascience tout entière sur la considérationdes faitsnaturels et palpa btcs.

LE PRMfDENT. Quel cas faites-vousdonc del'opération du Saint-Esprit?

L'Accusa. Connais pas.LE PRKsmHNT. Etdet'Immacutée-Concep-

tion ?L'Accusa. – Comprends pas.LH PM.s)DKNT. Nierez-vousaussi que Josué

ait arrête !eso!eU?L'Accusa. Je ne le croirais que si, l'ayant

arrêté, il l'avait conduit au poste.LE PRÉSIDENT. Avez-vous vu quelquefois

des cheveux se dresser d'horreur sur la tète?L'AccusË. Jamais.LE Px~siDKNT. Eh bien regardez-moi 1

(Le président retient son ~OK~~ ses veines se~o;7f'~ et ses cheveux se hérissentsur sa tête.)

M. LrrTRE,~M~ -Je suis en admirationdevant la force de la volonté.

(L'audienceest suspendue. – A midi, conti-nuation de l'interrogatoire.)

I.K PK)':s)DKNT. Vous publiez, en collabora-tion avec un nommé Wirouboff, une revue soi-disant positiviste?

L'AccusË. – Oui, monsieur.LE PRKsinENT. Ce Wirouboff est active-t

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ment recherché par la police et ne tardera pas à

nous ctre amené pieds et poings liés. Ce sera l'ob..jet d'une nouvelle poursuite. Je ferai cependantremarquerau tribunal que cet individu porte unnom si singulierqu'on se demande s'il ne l'a pascl-.oisi pour se moquer de la justice. Mais passonsau principal.Littré1

L'AccusÉ.–Monsieur? tLu r~s~DENT. Reconnaissez-vous avoir

publié en France un ouvrage intitulé Diction-noire de médecine de 2V~f6KP

L'Accuse. Je le reconnais.LE PMS!MNT. Vous avez eu pour complice

un certain docteur Robin, aussi activement re-cherché par la police que l'infâme Wirouboff.

L'Accusa. Robin a été, en effet, mon colla-borateur.

LF PKÉstDENT. L'instruction a relevé danscet ouvrage, publié par vos soins, cette affirma-tion étrange que l'hommedescend du singe.

L'Accusé. – Cette chambre manque de mi-roirs, sans quoi j'eusse fait appel à votre sincérité.

Ln PRUDENT. Et comment l'homme des-cendrait-il du singe, si ce n'est par un accouple-ment dont l'idée seule est une offense pour toutela haute société d'Etampes, et particulièrementpour les dardes?

M. L)Tr~. On peut dire qu'il y a afnn!téde races, sans aSirmer qu'il y ait eu accouple-

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nient. L'homme,au début, a habité les forets, les

cavernes. La nature, qui a donné la laine aumouton, la plume à l'oiseau, n'a pas dû produirel'homme nu, sans défense contre les accidentsextérieurs. De l'animal primitif, façonne par unelente civilisation, l'homme est résulté, celui quis'est confectionné des vêtements, qui a allumédu feu, qui a construit une hutte d'abord, puisune maison, puis des palais.

LK PRÉSIDENT, <!fcc~< N'insultez pasM. Haussmann 1

L'Accusa. Telle n'était pas ma pensée.LE PpESfDHNT. D'après vous, les juges, les

conseillers à la cour, les membres mêmes de la

cour de cassation auraient une origine aussi peurelevée ?

L'Accusa. – Je n'ai désigné personne, j'aiparlé de la race tout entière.

LE PRÉstDENT. – Même des Etampois?L'AccusÉ. Je ne puis faire d'exception.LE PRÉsfDENT. – Alors, mon grand-père est

monté sur les arbres en mangeantdes noix et enfaisant des grimaces?

L'AccrsÉ. II ne saurait être question qued'un grand-pèreaujourd'hui commun à des mil-lions d'hommes

LK PRÉSIDENT. – Vous l'entendez, messieurs.Ce misérable ne respecterien. Allez vous asseoir!1

La parole est au ministèrepublic.

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!.K SuBsrnur. Messieurs! Il y a septpcchcs capitaux. Ai-je besoin de vous les nom-mer ? Non, vous les connaissez aussi bien quemoi. De ces péchés, le plus monstrueux, à monavis, est l'orgueil.

![ y a des siècles qu'on croit que Josué a arrête!c soleil, que les Hébreux ont traversé la merRouge à pied sec, que Dieu leur a fait cuire descailles de façonque, en plein désert, ils pouvaientse croire au buffet des Aubrais. H y a des sièclesqu'on croit que Lazare a été ressuscité, que l'eaus'est changée en vin aux noces de Ctna, commeà l'entrepôtde Bercy;des siècles qu'on sait qu'ily a un purgatoireet un enfer, quoique ces lieux

ne figurent sur aucune carte de géographie dessiècles qu'on n'ignore pas qu'une âme peut êtrerachetée par un certain nombre de prières dont leprix varie entre un franc cinquante et six francs.Arrive cet homme Littré (Maximitien-EmiIe)qui, tout à coup, veut substituer le mensonge à

la vérité tes divagationsde son cerveau malade

aux saintes Ecritures. Au lieu de reconnaîtrequeDieu le poe a pincé une côte d'Adam pour luifabriquer une épouse, il prétend que.les hommesgrouillaientsur le sol, sans langage, ~ans domi-cile, sans police, qu'il n'a pas d'autre origine

que celle des animaux. Entre le cocher et le

cheval, entre le l22ard et la sœur de charité,entre le phoque et la reine de Naples cet

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homme, qui se dit positif, ne fait aucune diffé-

rence.L'Accusa.– C'est une erreur.L)'; PttFStDKNT. – N'interrompezpas t

!.E SuBSTiruT. – L'horreur et le dégoût quem'inspirent de telles doctrines m'empêchentdecontinuer.Jedemandeune condamnationsévère 1

(Le tribunal se retire pour tailler une ba-fCf~.)

1/HutsstER.~–Debout, messieursILE PR~smENT. Au nom du peuple français,

empereur parla grâce de Dieu, le tribunal:Considérant que Littré, en affirmant que

1 homme descend du singe, affirmation qu'il avainement retirée~ t'audience, a commis: t" unoutrage à la moralepublique, en faisant de fhu-tnanité le résultat d'un accouplement hideux; 2"

un outrage à la religion, ,en niant la créationtelle qu'elle est racontée par le clergé autorisé;3° un outrage au tribunal, puisque, si l'hommedescend du singe, les juges en descendent égale-ment détits prévus par les articles X, Y, Z duCode penat, par !e décret de yentôse et par la !oide nivôse, condamne Littre à faire amende ho-norable, tenant un cierge du poids de douzelivres, en chemise et pieds nus, sur !e parvis deta cathédrale d'Etampcs~ et de plus à deux ansde prison et seize francs d'amende!

(Au ~r~cr.) Appelez t'afFaireSoubeyran 1

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HORRIBLE ATTENTAT ':`f,ri~

CONTRE LE ROI DES BELGES

Vous l'avez lu, ce fait divers qui, bien supé-rieur à J'eau de Lob et à la pommade du Lion, afait dresser des cheveux sur la tête du prince Lu-bomirski?

Le roi et la reine des Belges sortaient duthcatredela Monnaie; ils étaient montés dansleur équipage belge, traîné par des chevauxbelges.

Le comte de Lannoy suivait dans une autrevoiture.

Tout à coup, les habitués de la taverne deTom crurent entendre une détonation. C'était

comme un pétard étouffé, une explosion voilée,un bruit sec et silencieux.

Un passant affirmait même avoir aperçu unetuejr sous la voiture du comte de Lannoy,

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sans UUUVUU U'tC M t- t:ttm. une lu~m u tm~n-gence.

L'émotion était grande dans la rue du Fossé-aux-Loups. De toutes parts on accourait sur Ir.théâtre du crime- côte de celui de la MonnaieLa rue des Fripiers, la Montagne aux herbe4potagères,la rued'Une seule personne se vidèrent

comme par enchantement, et la foule consternéemurmurait II y a des nihilistes à Bruxelles,savez-vous?

Cependant Léopold !1 était tranquittcmentrentré dans son palais, qui a une petite portedans le mur au fond du jardin. H ne s'étaitaperçu de rien, la reine non plus, le comte deLannoy pas davantage.

Ce n'est que le lendemainque ces personnagesapprirent, par l'ouverture d'une enquête, qu'ilsavaient peut-être échappé la veille à un dangerqui aurait pu être grand, s'il eût existé.

Les dépositions des témoins sont pleines demystère.

INTERROGATOIRE

TYDGADT (Joseph-Bernard,)chapelier, rue auBeurre. Quand le roi est sorti du théâtre, j'aientendu Pif1

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D. – Que)!e a été votre idée, sur le mo-ment ?

R. J'a! pensé que c'était le cocher qui faisaitclaquer son fouet.

D. – Que disait-on autour de vous, s'vousplaîtP

H. – On disait comme ça c'est quelqu'unqui a tiré sur le roi Leyopold. Mais d'autresont remué les épaules, disantcommeça, disaient-ils, que c'était une farce.

IlVAN CANNEGHEM (Louis-Désiré-Constant), en-

trepreneurde nettoyage à sec, garçon de cercle.Js passais dans la rue en fumant un quart-

havane d'Anvers, à trois pour cinq centimes.D. – Avez-vous entendu la détonation?R. J'ai pensé que quelqu'un faisait partir

une allumette.D. – Vous êtes entré au ~<tM<~ ?2R. Ça, )' ai cru devoir le faire. Quelqu'un

disait c'est un M!MC. – Qui ça? dis-je.Ce~i-là, dit-il, qui guettait Sa Majesteye.

D. Mais personne n'avait rien vu ?R. Personne, savez-vous?

CARPUTH(EHsa-Francoise), fille inscrite. – Je

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venais de causer avec un monsieurau coin duFossé-aux-Loups, et jc causais avec un autremonsieur au coin de la rue Léppotd. Quand lavoiture de M. le comte de Lannoy a passé pourtourner vers la rue de l'Ecuyer,' j'ai vu quelquechose qui a brillé sous la roue.

D. Etait-ce un pétard?R. Oui, monsieur, it était assez tard.D. – Tâchezune fois de vous expliquer plus

clair. Avez-vous senti la poudre?R. Ça, non, je n'ai pas senti.D. Que fîtes-vous alors?R. J'ai couru après un autre monsieur,vers

le café des Mille-Colonnes.

Telles ont été les dépositions des principauxtémoins. H est difficile d'établir là-dessus desprésomptions serveuses. Aussi est-il probable quel'affaire en restera !à pour le moment.

Nos renseignements particuliers sont pluscomplets que ceux de la presse belge. H y a bien

eu complot, mais ce complot, nous pouvons ledire, est dû à un sentiment exagéré de l'amour-propre national.

Voici les faits M. TrouiHemans,pâtissier duquartier neuf, et M. Verscharfen, perruquier-coiffeur, entraient à onze heures du soir, it y aquelques jours, à l'estaminet de la VieilleCàrpe.

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Qu'est-ce qu'i; faut servir à ces messieurs?dcnanda le gardon

Donnez deux verres de bière toutes les cinq

minutes jusqu'à minuit, ensuite deux verres de

schicdam toutes les trois minutes jusqu'à une

heure. Nous verrons après.Ces messieurs furent servis à souhait, et voicî

qucHe fut leur conversationMonsieur Trouitlemans!–Monsieur Verschanen?

On a tiré deux fois sur l'empereur Gmt–taume, savez-vous?

– Oui, monsieur Verschauen.Une fois sur le roi d'Italie, deux fois sur )c

roi d'Espagne.– Ccta est vrai.– Et le tsar de Russiel On se donnebeaucoup

de mal-pour lui, n'est-ce pas? faire sauter lechemin de fer, le Patais d'hiver, c'est grandtqse)

Trës grandiose.– Tandis que notre pauvre roi 1.6~o~o~,qui

est un homme si modeste et si tranqui}!e, on al'air de ne pas faire attention à lui?7

C'est vexant tout de m~me.Je suis sûr qu'il est triste, cet homme-là.H

passait dans sa voiture avant-hier, la Verte-

Allée, et il avait l'air de penser « Ah c~ pourqui me prend-on, à la fin? Foutes les r~ctames

sont pour L.s autres, rien pour moi.Les journaux

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parlent d'Alphonse, d'Humbert, de Guillaume,d'Alexandre. pas un mot pour/o/ Quiest-ce qui dirait que la Belgique compte 4,630,23y habitants? qu'elle a une capitale commeBruxeiles,des villescomme Anvers, Gand.Char-Jeroi et Mons, sans parler de Tournai, de Bruges

et de Malines?TrouIHemans poussa un profond soupir.

Pauvre roi murmura Verschaifcn en essuyant une larme.

Eh bien reprit Trouillcmans, il ya quoiquechose à faire. Les bons citoyens doivent se sa-criner; il ne faut pas que le roi des Belges resteplus longtemps sous le coup d'une pareille humi-liation.

Commentfaire?Il faut que cet homme ait son attentat

comme les autres. C'est une honte de penserqu'on le néglige. On dira que nous avons un roide carton, que la monarchie belge n'est pas sé-rieuse!1

Trouillemansavala son dixième verre de bière

et leva les yeux au ciel.~'COM~ s'ccria Verschaffen, j'ai une

idée.–Vous?– Moi.– Ditcs-ta un peu, pourvoir, une fois.

Nous avons la réputationpour les contreta-

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cons, cigares, dentelles, livres, fusils, revol-vers.–Hhbicn?

Eh bien 1 nous auronsune contrefaçond'at-tentat1–t'<

J'ai une fille qui a reçu en cadeau une boîtede chocolat en papillotes. Vous connaissez ça. <;Ure petiteboulepralinée enveloppée d'un papierd'or ou d'argent avec une frisure à* chaque f:bout.

–Après?– !t y a un petit papier fulminant tout )c 'f

long de l'enveloppe. Une personne tire d'un côtc~

une autre personne de l'autre côte. Le pétardéclate et cela fait rire.

–Ators?– M faut mettre ce papier tulmin~t à la sortie

du théâtre. Quelqu'un marchera dessus. On en-tendra Pt! Et alors nous dirons « Le roiIcomment va le roi? le roi est-il blessé? Lesjournaux parlerontde cetteaffaire, et notre roi nesera pas plus ridicule que les autres.

– Entendu, monsieur Verscharfen!1Convenu, monsieur TrouiHemans!1

– Brugeois qui s'en dédit t

Le lendemain, un peu avant la sortie du théâ-tre, ces braves gens placèrent sur !e passage du

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roi deux ou trois petits papiers fulminants.L'und'eux éclata tout doucement sous une roue de lavoiture de M.!ecomtedeLannoy,qui ne s'enaperçut même pas.

O.i sut le reste. La presse retentit de cette af-faire, le télégraphe joua. Bruxe})es a son Otero,

son Moncasi, comme on voudra.Voschaffen et TrouiUcmans jouissent en si-

lence de leur succès. Kt cependant !euf joie es)tempérée par un petit remords.

– C'est égal, a dit Trouillemans, puisque lepétard a réussi, nous aurions dû songera com-pléter notrecouvre patriotique. Au lieu de mangerle chocolat entre nous, nousaurionsdû t'envoyerau roi Léopold1

Il y avait droit, répliqua Vcrscbaffen; c'estun oubli à réparer.

Je puis donc annoncer au roi des Belges

que, le janvier j)88~ il recevra par les Messa-geries une boîte de chocolat en papillotes, avec cesimple mot souvenir affectueux de deux cons-pirateurs.

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FLEUR D'ORANGER

MAfOK.S~W et HM~)HC Mestaplat ont /OH?iCMr

de t'ot<part du mariagede tM~~<;M!f~c/~ù.e Mestaplat, leur ~~c, avec M. Victor/~r;c~ n~oc«!

M

A~on~:eMret !?!<t~(!me Bérillet'ont l'honneurde vous faire part du mariage de M. VictorBérillet, leur fils, avec M:(!~C)HO~C//e LéonieMestaplat.

A L'EGLISE

Bérillet a l'air tout chose.C'est un garçon qui n'est pas' né pour le

mariage.– CommentFanny a-t-elle pris cela?–- Le coup a dû être dur.

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,I..I:"V. .l'1I.OJVIL.

Elle savait bien que cela finirait un jour oul'autre.

–La demoiselle est riche?– Deux cent miUe francs de dot. Fille d'un

quincaillier retiré.PauvreBcriHettC'est un garçon enterré.Possible, mais le fossoyeurest gentil.

COTÉ DES DEMOtSHLt.F.S

–Le costume de mariée va très bien àLéonie.

!1 faut croire qu'elle a une bonne coutu-rière.

– Est-ce qu'elle est mal faite?KUe a une hanche plus haute que l'autre.

–Bah?i'

– C'est t'abbe Lumignon qui me l'a dit.– Elle baisse les yeux d'un air hypocrite.

Oh elle a toujours été en dessous. Tu terappeUes. à la pension? `

Oui. quand ce petit jeune homme nousjetait des lettres dans le jardin.

Qu'cst-H devenu ce petit jeune homme?Je ne sais pas. on dit qu'il a coup~ une

femme en morceaux.Quelle horreur ) 1

– Tu ne te iuarics donc pas, toi?1

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–- Ma ch~rc, j'attends que Jutes ait tini sesvingt-huit jours. Et toi?

Moi, je n'attends pas. je me console.

EN WAGON

VICTOR. Vous ne craignez; pas d'aller à re-cutons?

L~ONfE.–Non, mon ami.VICTOR. Quand vous voudrez, nous change-

rons de place. Laisse-mpi t'embrasser!1L~OME. Tu m'aimes donc ?VICTOR. Quelle question1 Je me disais ce

matin en te regardant Dire que c'est pour lavie, pour la vie tout entière)..<Puis,)8 pensais

que, ce soir, je te serrerais dans mes bras.Lt'o~iF., co~/M. Oh! mon ami!VicroR.– Jure que tu n'as aimé personne

avant moi?!,t;ONfE. Je le jure.V[dOR. Cependant, ce M. Vatinel, qui est

toujours fourré chez ton père, à .ViI!e-d'A-vray ?

LtONtM. M. Vatinel est un voisin de cam-pagne.

VICTOR. !1 t'a fait la cour?L~ONtK. – C'est-à-dire qu'il était très em-

pressé. !t m'apportait de la musique quand ilallait Paris.

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Vfoop. Il ne t'a jamais serré la main?L~ONfK. – Deux ou trois fois. Ato!s j'ai cesse

de ta!uidonner.VjcroR. Il n'a pas essayé de t'embrasser?L~o~E. – Une fois, le jour de ma fête.VicrOR, avec t!M!<'r~)!e.– Tes parents étaient

bien aveugles1

Lt';o~)n. Oh mon ami, c'était sans impor-tance.

V)C!0!)~ ironique. – Sans importance!LEONtR. Est-ce que tu serais jaloux de

M. Vatinel, un vieux de trente-sept ans?VicroR, gr~MMC~. – Ma chère amie, la

vieillesse n'a pas d'âge.( t/H ~!7CMf~L)':ON);– Mon ami! tu es fou. que

fais-tu?VtcroR. Que tu es gentille je t'adore!L~o~fE,~0!MM~~ K/: fr<. Ah mon Dieu 1

VICTOR. Qu'as-tu ?LéoroE. – C'est ce train qui nous a croisés.

j'ai eu peur 1

VtCTOR. Peur. parce qu'un train de mar-chandises s'est croisé avec un train express ? Quedirais-tu s'ils s'étaient tamponnes?1

LÉONiE,<!f<'<'<c~r~ Je ne dirais rien,mon ami.

ViCTOR~ tirant sa Montre. – U me tarde d'êtrearrive à Arcachon.

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).t'o~fR. – A quelle heure semons-nous 1~-

bas ?V'CtOR. – Nous arrivons à Bordeaux à s)X

heures. Dix minutesd'arrêt. Puis, nous pre-nons la ligne du Midi, et, à sept heures, septheures et quart au plus tard, nous serons à tabledans notre petit chalet au bord de h mer. Devant

nous, le bassin, et !es dunes à l'horizon Toutautour une foret de pins. Tu n'as pas t'idce

comme ça sent bon.Lt:o:~n. – Le cha!etest gentit?ViCtOR.. -Dehcieux. Hyaun petit jardin avec

des genêts et des jasmins d'Espagne. C'est gai,.c'est charmant. Tu verras des immortelles ehplein champ; ces ncurs poussent là-bas dans lesable comme l'herbe au bois de Boutoghc.

L~ONfH.–Ce n'est pas très gai les immor-telles,

V)CT3R.–Tu te trompes. cette Peur n'esttriste qu'en couronnes.

L~omE. Quel mauvais déjeuner nous avonsfait tout àl'heure au buriet 1

ViCT3R.–Exëcrab!e. et cependant le pro-priétaire est changé 1. Nous trouverons à Arca-chon ma vieille Madeleine que j'ai envoyée er~

avant. Elle fera notre petit ménage. et il n'yaura q-ic nous deux, rien que nous deux 1 A basVatine!!1

LEOMtK. – Encorel

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V)croR, /'p~'<M~Mr. Je voudrais qu'il mevit maintenante ton Vatinell. tiens 1 tiensltiens1

L~OKfE. – Tu me décoiffes 1

VfcroR, coMf~M~M~. Regarde, V~tinet, re-garde 1

(/-C train entre sous un tunnel. Silence ~'0-/b/JTROIS ANS APRÈS

Monsieur,Ma mère m'ordonnede vous faireobserver que

vos lettres sont déplacées dans la situationoù nousnous trouvons,et je vous prie de mettre un tcrm

votre correspondance. Nous ne devons plusnous écrire que par l'entremisede nos avoues.

Je vous salue,

Lt'ONtË, NÉE MESTAPr.AT.

Madame,Je vous jure que le papier qui vous a été en-

voyé dans une lettre anonyme remonte à cinq ou;ix ans au moins.

L'expression« Mon petit chien bleu t qui corn.

mence ce billet est un des souvenirs odieux del'époque corrompue où les cocodettes promenaient:u bois de Boulogne des havanais frisés qui sor-taient de chez le teinturier.

b

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Ldonic, je t'en supplie, ne" te laisse pas in-flucncer par ta mcre <.t par Vatinel Je n'ai ja-mais cessé de t'aimer, et, si je t'avais trompée,

vrai, je te l'aurais dit. Crois-moi, reviens à tonmari qui t'adore.

·VICTOR. ~t

Monsieur,

Hier, en dînant, M. Vatinel a dit à ma mèreIl vous faudrait un bon paquet de preuvesacca- `

~/f!~f~. Ma mcrc a réplique Croyez-vous que `

petit chien bleu ne suffira pas? L'avoué dit qu'onen courra tirer un excellent parti. –Sans doute,a répliqué M. Vatinel, mais le malheur est quela lettre ne porte pas de date. Cependant, je con-nais un avocat qui invente des preuves pourcinq mille francs, et, s'il gagne le procès, il fautdoubler la somme. C'est un homme très horo-rable qui fait toujours de ces marchés-là. Quandil ptaide, il va de plus fort en plus fort.

Ma mère a répliqué Ça serait bien humiliantde perdre ce procès-là 1

Alors M. Vatinel m'a interpelle – H fautdire qu'il vous a battue.

Non, monsieur, je ne dirai pas cela je neveux pas mentir.

– Mais si vous ne voulez pas mentir, ce n'est

pas la peine de plaider.Ma tête se perd dans toutes ces histoires. Ah!

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Victor, si je pouvais vous croire innocent 1 Lapetite, hier au soir, a demandé son papa. Je luiai dit que vous étiez en voyage, et elle s'est miseà pleurer. Pauvre petite 1

L)!ON)K BÉRILLET, née MESTAPLAT.

Ma chère petite femme,N'écoute pas les propos de ce méchant homme,

je t'en supplie. C'est lui qui a retrouvé dans unpassé que j'ai oublié, que je maudis, une lettreécrite peut-ctre en manière de plaisanterie.Lconie! souviens-toi de notre premier baiser.Ah 1 si je pouvais retrouver le wagon 1. et letunnel 1. Te rappelles-tu le train qui nous acroisés ?. Tu as eu peur et tut'es jetée dans mesbras ). Léonie, rends moi ma femme. et notrechère petite qui me demande1

Ton mari qui t'aime,VtCTOR.

Mon ami,Viens me prendre ce soir. Je descendrai après

d!ner avec bébé. Tu nous emmèneras et nous re-prendrons le train d'Arcachon; veux-tu? C'estmaman qui va être étonnée).

Nous partirons à la même heure que le jourde notre voyage de noces je suis curieuse de voirsi nous rencontreronsencore ce train.

Ta petite femme,LÉONIE.

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~SctYtt'/y'OM!C~,<!i'c'Me<Pt!r~.

Monsieur,'~T~

Monsieur <~Je vous prie ctc vou!o!r bien faire rayerdu rô!ot'rc ~<f~ <-OM~c ~r/ En même 4'

temps que !e compte de ce qui vous est dù~je ,t,f'vous serai ob)igëde me renvoyer ja lettre du~c~'t. (

:rr/c/! ~/cMdont vous etesdepositaite et qui n\)tfreplus aucun intérêt, r~

J'ai l'honneurd'etre,etc.VMMRB~~n~n~

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SCENES D'INAMOVmiLITE

Un de nos amis, surpris de la rapidité du pro-grès, enthousiasméde toutes les reformes accom-p!ies,no'jsadresse un document qu'il a gardedix ans dans ses cartons.

Le momentest venu, croit-il, de le publier. IJservira à montrer au lecteur quel chemin on aparcouru en peu de temps.

Cette communicationest intitulée

UN DÉLIBÉRÉ DANS UN PAYS DKSPOT'QUE

Le marquis de Valrémy, célibataire, a légué

sa fortune, montant à cent mille francs de rente,à un de ses amis qui l'a soignépendant plusieursannées etqui t'accompagnait dans les villes d'caux

ou le soin de sa santé l'obligeait de passer unepartie de l'année.

Les héritiers attaquent le testament.M* Francoquin, leur avocat, accuse le dona-

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t nre d'avoir abusé de la faiblesse d'espritdu dé-fu nt. H donne à entendre que dés relations cou-pables existaient entre eux. Le donataireest, dureste, un homme sans moralité; on a trouvédans sa bibliothèque six volumes de Voltaireet lethéâtre de Labiche. Le testament doit être an-n.jté ou la société s'écroule 1

M'Ladoucette répond, au nom du donataire,

que M. de Valrémy, ayant eu des griefs trèsscrieux contre des parents qui lui ont joué toutesorte de mauvaistours, sollicité d'ailleurs par dessentiments d'amitié et de reconnaissance biennaturels, ne pouvait faire de sa fortune un meil-leur usage que de la laisser à un ami qu'il regar-dait comme un frère.

M' Ladoucette reprend un à un tous les griefsde M. de Valrémy contre ses cousinset cousines.!) dépeint l'horreur que ces collatéraux inspi-raient au défunt et prouve qu'il n'y a aucuneespèce de captation.

M* Francoquin avait plaidé trois jours.M* Ladoucette se contente de deux audien-

ces.Le ministère public conclut en faveurdu donaa

taire.La cour se retire pour délibérer.

Messieurs, dit le président,Sa Majestém'a' faitprévenir qu'elle verrait avec peine ce testament

t6.

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maintenu. Un chambellan a dû faire, dans cesens, une démarche auprès de vous.

CONSEILLER. – Oui, lecomte d&Sac-et-de-Corde est venu nous rendre visite..

2'CoNSEfLLER. –Cependant, les collaterauxd-'sh~rités n'ont eu quête traitement qu'ils méri-tent. Quelle cupidité! quelle ingratitude!

3* Co~sEfLLup. Sans doute mais la fortunedoit suivre son cours naturel.

LE PRESIDENT. – Permettez, mes chers col-lègues vous savez que, depuis longtemps, j'as-pire à un fauteuilde sénateur. Vousne voudriezpas priverma vieillessed'une distinction méritée~

3* CoNSEILLER. Je dois vous avouer qu'unparent du donataire, personnage puissant,. m'aprornis de me pousserà la cour de cassation si letestament est déclarévalable.

CONSEILLER. Je serais heureux de. voirnotre austère président arriver au Sénat, maJs leparent dont vient de parler notre honorable col-lègue m'a fait aussi des promesseg brit!aates<

LE PRÉstDENT. Eh bien t nous allons con-cilier tout cela. !t faut d'abord casser le testa-ment pour être <greab!e à Sa Majesté; et, quandje serai sénateur, je vous engage ma parole d'ob-tenir ce que vous désirez. Est-ce dit ?

CoNSEILLER. Mais la loi ?

LE PKEsm.Ettr.– La loi reste la loi. Nous l'ap-pliquons au mieu~ des intérêts du plus grand

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nombre. Y a-t'-il un seul de nous quj en ait ja-mais parlésans respect?

3e Co~sh;n.LHR, – Ce serait abominab!e.5'Co~fSEtLLER. – Mon cher président, vous

savex que j'ai un fits qui p!aide comme une sa-vate.

LE PpÉstDE~.-Nous en ferons un substitut~s que je serai sénateur.est-ce dit?

rous.–C'estdit.L'Hu~sstER,annonçant:

La cour, messieurs! (T~OM~ /e monde M~)L~ Pt<És;DENT. La cpur, < (!f0!'r déli-~r~etc.,etc.Autre corde de la même guitare.

Les frères et les sœurs qui se sont consacres àFedecation de l'enfance font beaucoup par!etd'eux depuis que la presse a repris son rôle etn'est plus condamnée au silence obligatoire.

L'~M!')~r~ outré de ces révélationsquise suc-cèdent Mns qu'on en puisse voir la fin,,a eu. labonne idçed'cn chercher, au moins la contre~partie. Le journaldes outranciers catholiques pu.blie les méfaits des instituteurs et institutriceslaïques.Là aussi il s'est produit des actM b!àma-bles, et nous félicitons l'Univers qui, en les dé-,voilant, en empêcherasans doute le retour.

!1 faut bien dire cependant que la liste des taï-

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ques est bien courte & côte de la liste des ecclé-siastiques des deux sexes qui ont démérite de laconfiance publique. D'autre part, le caractèredont sont revêtus les protègesde l' Univers donneà teurs fautes, à leurs erreurs, à leurs cruautés

une couleur plus odieuse. On leur en veut d'a-briter leurs mauvaises passions, les rafnnemcntsde leur cruautésous le voile de la religion. L'hy-pocrisie ajoute au dégoût et complète la nausée.

De plus, il faut Je reconnaître, il y a, dans lesraftinements béatiques des descendants de Tar-

tufe, un je ne sais quoi qui rappelle vaguementl'Inquisition. Les vieux souvenirs du pouvoirpassé ne sont pas encore effacésde tous ces cœursque trouble profondémentle vœu de célibat, dif-ficile à tenir. Hier, un poële brûlant, modestebrasero,gravait des empreintes espagnoles sur ledos de quelques petites filles. Supplice du feu. Ils'agit aujourd'hui d'une flaque d'urine. Supplicede l'eau, dégénéré, comme tout le reste.

Le tribunal correctionnel d'Angers n'a pasvoulu blâmer tes perfectionnements apportés parles sœursde Pruniers (Maine-et-Loire) à l'instruc-tion primaire.

On sait que la sœur Saint-Charlesétait sim-plement accuséed'avoir fouetté la petite CamilleBéraud avec in bouquet d'orties, et de l'avoirlorcée à mander un morceau de painquel'enfant

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avait )a)ssecho;rsur un endroit numide du pian-chct'dci'ccole.

La malveillance avait exagéré ces faits. Les or-nes étaient cueillies depuis trois jours, et d'ail-kursu'n bouquet, quel qu'il soit, constitue tou-jours une'sorte d'hômn'iage rendu parla personnequi l'offre. Donc inoffcnsif comme orties,nc;tcab!e comme bouquet, l'instrument de la'.œL.r fouctteuse devait trouvergrâce aux yeuxdutribunal. Quant àla flaque d'urine,et!e avait étéune réalité, mais, au moment où le pain y esttombé, la place était sechee. A peine un chimisteaurnit-it pu en reconnaitre la ;race et y trouverquetques parcellesde phosphore.

Tous les torts étaient, par conséquent, du côtede la petite Camille Beraud~nHe d'autant p!uscoupabte qu'elle est presque gâteuse, au dire'del'enquête judiciaire. Ily a donc deschances pourque le traitement énergique de la sœur Saint-Charles amène une prompte guérison. Commentguérir les gâteux sinon en les frappant avec desorties eten leur faisant avaler du pain phosphore?La sœur Saint-Charles est un grand médecin enmême temps qu'une grande 'nstitutrice.

Je me demande cependantavec inquiétude cequ'on aurait fait avaler à la petre Béraud si, aulieu d ëtre~r~MCgâteuse, elle l'avait été tout àfait?

Si le pain à l'essence d'urine suffit à la mala,

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dicau premier degré, le second degré nécessitedes matières plus solides. Heureusementque cesfaits se sont passés dans la commune des Pru-niers.

Ce qui est pluscurieuxque l'affaire elle-même,c'est la façon dont les parents ont été traités.S'ils y reviennent jamais, c'est que Voltaire aperverti le peupte français jusqu'aux moelles.

< Racontez-nous toutes les infirmités de lapetite Béraud, a a dit le président.

Un instant, l'auditoire, a cru que Schéhéra-zade allait donner une suite à ses contes arabeset que les Mille et une !M/!rMt'f~ne tarderaientpas à réclamerune place dans nos bibliothèques.

Il n'en a rien été heureusement.Un des témoins a écoppé, et l'affaire a été ra-

pidement mise dans le sac..H a été reproché ce témoin d'avoir frisé la

cour d'assises. Ce témoin n'a pas même été ac-cusé. Accusé e~ acquitté, il devraitêtre indemne.Et n'ayant été que prévenu, il est obligé d'en'caisser des choses désagréableset de nature à luiporter le plus grand tort. C'est comme cela.

Que les gâteux soient avertis Une jurispru-dence nouvelle établit qu'on peut les fouetteravec des orties, pourvu qu'elles aient été cueilliesdepuis trois jours, et leur faire avaler du painsale, si la saleté a eu le temps de sécher.

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Un avenir de podes et de tinettes se prépare

pour la sainte enfance.

Je voudrais bien savoir si une institutrice laï-

que aurait trouvé autant d'indulgence que la

sœur Saint-Charles devant les organes de la réac-tion ? J'en doute.

Remarquons en passant que, dans toutes lespunitionscléricales, il y a un peu d'excrément.On lève les jupes, on déculotte. La traditionestrestée.

C'est nous ~t<P~O;M et qui refessonsLesjolîs petits, /r~on~/1Et cependant, quand le Messie, qu'invoquent

& chaque instant les blouses noires, a dit de

« laisser venir à lui les petits enfants je nepense pas que ce fût pour leur taper sur le der-rière ou pour les faire asseoir sur des allumettes!

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TYPES DR NOTRE ÉPOQUE

FEMMES D'INTRIGUE FT FEMMES D'AFFAIRES

ODOR Dt FEMINA dit l'Italien. Exclamationextatique et trop gëneraie. H faut distinguer,caril y a odor et odor.

La femme naïve et qui reste femme est la seuleaJmirab!e. Je comprends, aimable Sterne, lemotifqui t'a fait passer une heure sans penser àmal chez ta jeune mercière, dont la main blanchefaisait entrer un de tes doigts, puis l'autre, toutdoucement, avec art, au fond de cette paire de

gants que tu étais allé acheter chez elle. Le marirentre, la mercière rougit et passe derrière lecomptoir.

Un peu de rougeur sur les joues, un frisson-

nement léger de la main, c'est tout le drameet il est complet.

« La femme est essentiellement énigme etcontradiction. t (Le P. Lanfrer.)

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« La femme a le venin de l'aspic et la malicedu démon. < (Saint Grégoire.)

« La femme est un être bien singulier (à quiIs dites-vous, mon révérend?) elle est puissanteet faible, sublime et abjecte, passionnée et féroce,compatissante et cruelle; elle est capable de toutsupporter et de tout oser. C'est tout ce qu'il y a demieux (oh 1 prenez garde; si nous avons des se-crets, gardons-les !) et, en même temps, tout cequ'il y a de pire, de plus hideux et de plus funestedans l'humanité. C'est un ange ou un démon.(Le 7~f. P. F<~Mr<t.)

« La femme tient de la mule pourl'entêtement,de la chatte pour la paresse, de la poule pour le

caquet, du singe pour la ruse (jusqu'ici, rien de

trop méchant; mais, attendez, cela viendra).Quant à la lasciveté et à la méchanceté, elle nepeut être comparée qu'à elle-même. (Quand je

vous le disais 1) (Le P. Bouvier.)

Viens avec moi. Sterne, et regarde autour de laBourse ce bataillon d'êtres humains sans barbe,qui pérore, qui cote le report, la hausse ou labaisse. Ces êtres sont des femmes et tu ne t'enserais pas douté.

Maintenant, pénètre dans la Chambre des dé-putés et compte combien de femmes arrivent àla première heure pour ne partir que quand laséance est levf<)

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Ces femmes ont la figure hâve, la prunelle fié-

vreuse; les jeunes sont déjà vieilles; les vieillessont décrépites. Dans ces poitrines qui ne sontplus féminines et qui ne sont pas viriles, il n'y aquedesdésirsd'ambition,desespérancesde places,des haines de parti, des jalousies de tribune, desfureurs d'homme, des ruses de diplomate.

Tricoteuses pour tricoteuses, celles de Robes-pierre valaient mieux.

Entrons maintenant au Palais de Justice.Parmi toutes ces figures pointues, osseuses, li-vides, couvertes d'ur) parchemin plissé et ridé,

vous trouverez des femmes. Quand elles se cram-ponnent à un vice, soyez sûr qu'elles l'embrasse-ront d'une étreinte plus forte et plus tenace quenous autres hommes. Une femme qui chicanevautcinq avoués et deuxhuissiers et demi. Celle-ci connaît ieCodedc procédure comme un avouequi, rayé de la corporation, aurait ouvert uncabinet d'affaires. CcHe-Iâ en remontreraitau re-ceveur de l'e.iregistrcment. H y a autantde sub-tilité dans son esprit désscchc et racorni qu'il y ade rides sur son visage et d'assignationsdans sonsac. Déboutée vingt fois, elle recommence tou-jours.

Parterai-je de la joueuse qui, l'ceit éteint, lefcgard mat, la tête pétrifiée comme celte de la

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M6h]se, reste, pendant douze heures de suite,penchée sur !e tapis vert, l'âme enchaînée auxpiles d'or qui décroissent et qui se reformenttour à tour?

C'est aux caux, dans la liberté de ces réunionshc'térogcncs, champêtres et vo)uptucuses, qu'ilfaut admirer, dans la perfection de son indëpen'dance, la variété du monstre féminin qu'onnomme~'OHCH.

Atk'x à Monaco. Quand vous aurez admiré labeaut~du site, la splendeurdes salons,l'amusantediversité des physionomies, entrez dans la sallede roulette vous y verrez de nobles dames assi-ses à côté d'un aventurier ou d'un escroc. Ellessont là comme à la messe.

C'était un jeudi, à Wiesbaden sous ces beauxportiques ornés de glaces et de dorures, plus devingt femmes d'une physionomie distinguée,éte-gamment vêtues, réservées dans leurs manières,subissaient avec un imperturbable courage leschances de la rouge et de la noire; tenant d'unsmain leur petit râteau, et de l'autre la carte surhqucl!ee)!es marquaient avec une épingle lesdiverses chances du jeu. L'une d'elles, d'une re-marquablebeauté, pouvait avoir vingt-cinq ans;c!)e portait une robe de soie grise agrémentéedcncLudsetdc franges d'un goû\ exquis; toutson e~tcrieur était simple et comme il faut. Sa

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main était petite, délicate, blanche; quand elle

se dégantait, on voyait briller à ses doigts des

bagues de grand prix. Le matin, à midi, le soir,toujours elle était à la même place, sans repos,sans distractions, lançant les pièces de vingtfrancs sur la couleur ou surle carré qu'elle avaitchoisi, se détournant à peine pour regarder sonmari, homme très distingué, qui n'avait past'air de s'étonner ni de la blâmer. A la fin de la

journée, tous les muscles de ce visage jeune etfrais étaient tendus et comme pétrifiés. !t y avaitdans cet œit fatigué un regard fixe et terne qui

ne semblait plus voir les objets. Je me demandai

si cette femmeétait mère.

Une autre femme, Russe de naissance, rivali-sait avec elle; mais celle-ci était vieitte.Jamais jen'ai vu les cheveux blancs et la dignité du rangs'avilir d'une manière plus hideuse. L'époquedes prétentions et des hommages était passée pourelle; aussi ne déguisait-elleaucune de ses émo-tions. Sa main ridée tremblait d'impatience jus-qu'au moment où son râteau pouvait ramenerle gain ou pousser t'enjeu; la sueur de l'agonie

perlait sur son front dégarni.Après tout, cette passion peut passer pour une

maladie ou un malheur; mais que dirons-nousdes intrigantespolitiques, ambitieusesdepouvoir

et de crédit, avides d'argent, mêlant teu's petites

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vues aux plus grands intérêts, faisant de la diplomatie au cold.-cream, du royalisme à la ve-loutine, et toujours en quête de places pour leursan)antsetpour!eurs neveux?

Dans la vie domestique, la femme est moinslibérale que l'homme. L'homme gagne et dé-

pense la femme ordonne et économise; sa vuedé'icate et perdante se porte sur tous les détails;eH: ferme ces issues imperceptibles par lesquellesl'argent et la fortune pourraient glisser et dis-paraître. Mais imaginezce même génie, excellentdans la famille, admirable quand il est à saplace, imaginez-le porté dans la vie publiquela prudence, l'attention ne sont plus qu'un in-térêt cupide et bas; les grandes vues sont sacri-fiées à une avidité misérable.

La femme qui sait rester femme est évidem-

ment supérieure à l'homme. Héroïsme, dévoue-ment,grandeur d'âme,charme, influence, tout luiappartient; mais une fois descendue aux intérêtsbrutaux, aux cupidités viriles; elle, prenant partà la lutte de la Bourse, à la lutte du Parlement;e))*, négocier, intriguer, disputer, régler un bi-lan, faire l'escompte,entrerdans les spéculations,

tremper, pérorer, manigancer, courir après lesplaces, assiéger le ministre, fatiguer les anti-chambres, pétitionner,plaider 1 sa faiblesse va sechanger en traîtrise, sa finesse en fourberie.

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Machiavel en jupons, Mazarin en cornette,.est dans sa loge à l'Opéra, c'est au bal envalsant qu'elle ira chercher les secrets d'État.

Qu'en eût dit Casanova, qui ne cherchaitj.imaischexia femme que ce qu'on est vraiment

en droit d'attendre d'elle?

« La pudeur, dit le joyeux aventurier, peutprovenir d'un penchant à la vertu, mais ce n'estla plupart du temps qu'une affaire d'éducation,un pli donné des l'enfance. Ce sentiment ne ré-

siste jamais à l'agresseur, quand l'agresseur saits'y prendre. Le moyen le plus facile de vaincrela pudeur, c'est de ne pas la supposer dans l'objetqu'on veut attaquer, et surtout de la brusquer ensautant à pieds joints par-dessus une fausse

.onte. L'effronterie de l'assaillant subjugue l'as-sailli, qui finalement, vous remercie toujoursde votre victoire. «

La chasLete est une partie de la pudeur, mais

ce n'est pas toute la pudeur.

C'est encore en province qu'on a le plus dechance de trouver la femme, la femmedépouilléed'artifice, la femme-nature.

Je ne parle pas des mondaines de grande oupetite ville, qui singent la Parisienneavec moinsde charme, moins d'esprit et moins d'eau deLubin.

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Je n'ai jamais prisé, pour ma part, les gom-mcuscsd'outre-Seine; j'aimemieuxla bourgeoise,t'ouvriere, la paysanne.

` C'est !A qu'on peut s'ëcriet Odor ~eMf~<!Vive Dieu t nous sommes loin du patchouli, duM<?~' !~H~: hay et de t~M~M~

Femmes passionnées, que vous devez souffrirdans une petite ville Avouez que le voyageurest pour vous un objet de sollicitude et de curio-sité. Lui aussi s'intéresse à vous. !1 va, re-g.irJant à droite et à gauche, cherchant une pa-tcre pour y' accrocher son coeur.

Ici~ une fenêtre entr'ouverte au rez-de-chaus-

~c on entend les accords d'un piano. C'eat !afemniedu docteur, une petite brune de vingt-deux ans, qui trompe son appétit en jouant uneva!s: de Métra. Le mari est sorti à huit heuresdu matin; quand rentrera-t-H? A six heures, àminuit?

La petite s'ennuie.Plus loin, au balcon de cet hôtel, derrière le

feuillage, se profile une têtegracieuse. Cheveuxblonds, sein gonflé de soupirs innocents. « Quidon.: passe dans la rue? Un jeune homme quin'est pas d'ici. H est arrivé hier, il repartirademain peut-être. il est bien heureux 1 ))

Au coin de la rue, derrière son comptoir, c'estla plantureuse boulangère. Deux grands yeux,un sourire accueillant, des bras de marbre. Le

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boulanger n'est pas aimable tous les jours. Ellese vengerait bien un peu avec quelqu'un quine jaserait pas 1.

La modiste a deux demoiselles; elles se ma-rieront difficilement, ayant refusé l'une un gar-çon coiffeur, l'autre un employé du télégraphe.

La directrice des postes est gentille. Veuve àtrente ans, elle se remarierait bien, mais en seremariant,elle perdrait sa place.Etcependant).

Oh les bonnes joues dans lesquelles on peutmordre à belles dents 1 Les fruits d'espalier ontplus de mine, mais les fruits de plein vent ontplus de goût.

Faut-il partir? faut-il rester? Lequel vautmieux, la serre chaudeet ses molles effluves ? oul'air vif embaumé de la vigne et de la prairie?

Saint-Rieul, un ami devingt ans, qui est mortd'excès d'amour, me disait quelquefois « Il n'ya pas de femme qui m'ait laissé inconsolable, pasmême celle qui m'a le plus rudement repoussé.Aprèsun refus invincible, je rentrais chez moi,et, ouvrant un atlas, je cherchais une Me déclaréedcserte et je me disais Si nous étions là tousdeux, rien que nous deux, c'est elle qui vien-drait à moi J)

Cette assurance le consolait. Il dprt~ ne leréveillonspas 1

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L'ENVERS DE PARIS

LA BONNE COMPAGNIE

H était une heure du matin; je tournais le 7

coin de la rue d'Aumate, quand un individus'étant sur moi, tenant à la main une arme queje distinguais à peine, couteau, pistolet ou poi-gnard. « !i me faut cent francs ou votre mon-tre < me dit-il d'une voix sourde.

Les volets étaient fermés à tous les étages desmaisons voisines. Pas une voiture, pas un pas-sant. D'un double battementd'une canne d'acierqui ne me quitte jamais, je fis tomber de la mainde l'assaillant l'arme dont il me menaçait, et jelui appliquai un violent coup de tige dansïecreux de l'estomac.

Assez! murmura-t-il, vous me tuez r

Où serait le mal? répliquai-je avec simpli-cité.

A ce moment, l'agresseur ayant fait un mouve-ment, son visage fut éclairé par un rayon de gaz.

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– Le marquisde Bardimont 1 m'écriai-je.– Vous me connaissez? demanda le ro!eur.--Sans doute, vous étiez au collége en même

temps que moi.Est-it possible? s'écria-t-il à son tour; en

effet, je vous reconnais maintenant. Gardez-moile secret, je vous prie, sur cette rencontre.

– A une condition, marquis c'est que vousm'apprcndrex comment, ayant reçu une excel-lente éducation et ayant hérité d'une assez joliefortune, vous vous trouvez réduit à arrêter lespassants dans'es quartiers déserts?

– Volontiers, soupira le marquis. Avez-vousun cigare à m'offrir?

– Le voici.Un peu de feu, s'il vous p!a!tt 1

Voilà.Eh bien mon cher ancien camarade, dit

alors le marquis de Bardimont, ce qui m'a ré-duit à cette extrémité, c'est la fréquentationde]a bonne compagnie!1

Et il me fit la confession suivanteAu mois de juin t865, mon père, veuf

depuis plusieurs années, s'éteignit doucement,muni des sacrements de l'Eglise. « Gaston, medisait-il souvent, je te laisse trente mille francsde rente et un nom sans tache. Tu vas quittersans doute la terre patrimoniale tu voudras

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connaître Paris, la ville du piège et du danger.Souviens-toi que tout dépend des premiers pas.Jure-moi de ne jamais fréquenter que la bonnecompagnie. Point de liaisons dangereuses,pointde phisirs funestes. Choisis tes connaissances etne t'éloigne jamais du monde pour lequel tu es

fait, et où ton nom t'assure une place distin-gucc. »

Mes penchants étaient simples et calmes, ct,une fois installé A Paris dans un appartementmodeste, mais convenable, je me mis en quêtede ce que mon brave homme de père appelait labonne compagnie.

Où !a trouver? à quels signes distinctifs re- ~tconnaîtrecette race?

Un de mes amis de province qui habitaitParis depuis plusieurs années, le vicomte de laButte-Chevrière, me dit un soir

Je vais au bal du Vaste-Hôte! voûtez-vousêtre de la partie? C'est un bal par souscription,vingt francs le bittet.

Non vraiment, répliquai-je en songeantaux recommandationsde mon père.

Pourquoi? réunion charmante, orchestreexcellent. et il y aura ce soir très bonne com-pagnie.

Bonne compagniePm'écriai-je en appuyantsur ces mots magiques.

Certainement les Boisdoudal, les Gram-

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mont-Lafosse, les Valorcy, j'en compterais plusde cinquante auxquels je vous présenterai, si

vous voulez.– A quelle heure faut-il être prêt?– Je viendrai vous prendre à onze heures.H n'y avait pas à balancer, ma bonne compa-

gnie était trouvée. Je passai l'habit noir et legilet en coeur, je fis un nœud superbe à ma cra-vate blanche, et, à l'heure convenue, j'entrai,ganté de frais, soigneusementfrisé et le chapeaumécanique à la main, dans les salons du Vaste-Hôtel. L'éclat des lustres, les parures des dames,les épaules nues ne manquèrent pas de produiresur moi l'effet que cette magie du bal produittoujours sur un jeune homme.

Le vicomte, qui me servait de pilote, se diri-gea du côté d'un groupe composé de quatrepersonnages d'une grande demoiselle, senti-mentale, blonde; de sa jeune soeur, plus petite,boulotte, brune piquante; d'une mère chargéede rubans et d'un jeune gommeux, extraordi-nairement pâle, dont le teint délicat et la dé-marche légère semblaient appartenir à un autresexe.

Qui n'aurait, à cet indices, reconnu la bonnecompagnie?

Le père, tête grisonnante, décoréd'une rosetteaussi variée que la palette d'un peintre, se fai-sait remarquer par l'astuce et la causticité de sa

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physionomie. Ce n'était pas un visage vulgaire,c'étaient des traits aiguisés par l'usage du mondeet l'abus de la diplomatieauquel la société nousoblige. D'ailleurs, la coupede ses habits, la blan-cheur et le soin de son linge le rangeaientévi-demment dans la catégorie des gens de bonnecompagnie que mon père m'avait si fortementrecommandes.

Le vicomte de la Butte-Chevrière les connais-sait beaucoup, et il me donna tous les rensei-gnements possibles. Le baron Isaac Ballondo,d'une vieille famille du Caire, avait fait unegrosse fortune en Orient; il était présentementmembre du conseil d'administration des minesde sel de la Dordogne, collègue par ce fait duduc de la Nasse et du marquisde Caste!véreux.Le baron Ballondo, très riche, ayant des salonsmagnifiques, une femme du meilleur ton, étaitreçu partout et donnait lui-même des fêtes trèsrecherchées de l'aristocratieet de la haute ban.

que.

Désireux de prouver que j'étais homme dumonde, j'invitai I'a!née des demoiselles Bal-londo. Elle me parut peu timide dans l'inter-valte des figures, la conversation ne tarissaitpas.

La jeune sœur, mademoiselle Emilie, m'ac-corda ensuite une polka. Je fus impressionné

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par ses deux grands yeux noirs à la fois pensifs

et pénétrants, par la grâce et la noblesse de sadémarche, par la finesse de son sourire et parune certaine ingénuité de caractère qui trahis-sait toutes ses émotions.

Elle glissa dans ma main une carte de visitede son père. <t

N'attendez pas, me dit-elle, quenous vous adressions une invitation dans les

règles. Venez faire un peu de musique avecnous. <

Je saluai en remerciant. Tout prenait uneexcellente tournure, et je résolus de monter mavie sur un autre pied.

Je pris une voitureau mois, mais si bien tenuequ'elle pouvait lutter avec avantage sur les équi-

pages de maître. Le vicomte m'envoya son tail-leut, et je devins un assidu des endroits bienfréquentés.

J'eus mon fauteuil à l'Opéra, un duel, desdettes, un bras démis dans une course. Enfin je

m'initiai à tous les secrets de la haute vie.J'étais devenu oisif et prodigue; je m'étais fait

~MM compagnie.

Le marquis de Castelvéreux, me prenant unsoir par k bras, fit avec moi quelques tours deboulevard. `

Mon cher ami, me dit-il, vous aspirez évi-demment & h main de mademoiselle Emilie

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!!n)!ondo. C'est un beau mariage à faire; maisil faudrait, pour cela, augmenter votre fortune,faire valoir vos capitaux.

0- Commentm'y prendre?– Je puis vous céder cent actions des mines

de sel de la Dordogne. Le baron Ballondo serail.itt~ de vous voir entrer dans cette affaire. et,au bout de quelque temps, je lui proposerai de

vous faire admettre dans le conseil d'adminis-tration.

J'acceptai avec reconnaissance l'offre du mar-quis, qui, le lendemain, échangea cent actionsde la Société des mines de sel contre cent quinzemille francs de mon patrimoine; je dis cent~M:e parce que les actions faisaient prime.

Le fils Ballondo, le jeune homme pâle, quim'avait d'abord fait froide mine, parut enfins'apprivoiser.

H m'invita à souper au café Britannique, oùje rencontraides jeunes gens du meilleur monde.

L'un, le comte de Blanc-Mangé, m'initia auxparis de courses, Il me gagna une quarantainede mille francs, mais il m'apprit à faire un book

et à me couvrir utilement.L'autre, le marquis de la Vuelta, riche Espa-

gne!, me présenta au Ratiss club; et le baccarat

me mena grand train.Je dois déclarer du reste que, si je perdis mon

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argent, je le perdis en bonne compagnie, commeme l'avait recommandé mon père.

Ceux qui nous font faire l'acquisition d'unvice sont ordinairement les meilleurs de nosamis; aussi mon intimité avec le fils Ballondodevintelle fort étroite; ce qui m'attachait sur-tout à lui, c'était l'espèce de protectionqu'il ac-cordait à mes amours; il s'apercevait de lapassion que m'avait inspirée Emilie, et sem-blait me faciliter tous les moyens de gagner soncœur.

Le jeu m'avait enlevé la moitié de mon héri-

tage j'avais prêté dix mille francs au fils Bal-londo, six mi)te francs au marquis de la Vuelta,

et j'avais répondu chez un bijoutier pour le

comte de Blanc-Mangé.Je me décidai à me défaire de mes actions de

la Société des mines de sel; il fallait les négocier

en banque, la cote n'ayant pas été obtenue; et,après m'être présente chez plusieurs banquiers,qui me rendaient mes titres en haussant lesépaules, je trouvai enfin un changeur qui meproposa de les acheter cinq francs pièce.

Indigné, je courus chez M. de Castelvéreux,qui me dit que c'était une affaire d'avenir etque j'avais tort de la déprécier en promenantmes titres dans la capitale.

Le lendemain, j'appris que ma chère Emilie

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BaUondo aUait épouserson cousin Isaac Schmidt,changeur à Francfort-sur-le-Mein.

La téte commentait à me tourner.J'écrivis au marquis de la Vuelta et au fils

i!at!ondopour leur réclamer l'argent que je leuravais prêté. Pas de réponse.

Et cependant j'avais suivi les instructions de

mon père. Je n'avais fréquenté que la noblesse,la finance, la haute bourgeoisie, en un mot toutce qui constituela bonne compagnie; et voilà oula bonne compagnie m'a réduit. à vous de-mander, à une heure du matin, votre montre oucent francs)1

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LES ORATEURS

DE LA DERNIÈRE HEURE

Je lis dans le récit des préparatifs de l'exécu-tion du meurtrier Albert que sa seule préoccu-pation paraissait être de ne pouvoir parler sucl'échafaud. On lui fit observer qu'il était impos-sible de le lui permettre.

C'est une chose singulière que ce besoin decommuniquer à d'autres les impressions qu'onreçoit.

Si l'on parcourt le Calendrier de Newgate,on verra que quatre-vingt-dix condamnés surcent adressent, avant de subir leur supplice, unspeech comp!et à leurs compatriotes. Ce n'est passeulement un droit qu'ils exercent, c'est unesorte de devoirqu'ils remplissent.

Kr \n~t(;terrej dit M. Adotphe Joanne, cequ'oh .tppcHe la /0! commune (lex non scripta)

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se compose en grande partie de maximes et decoutumes qui existent depuis si longtemps que,pour nous servir des expressions légales, la mé-moire de l'homme n'a rien de contraire à y op-poser. Un précèdent a la même autorité qu'unstatut un usage vaut une loi.

L'habitude prise depuis les temps les plus re-culés par les condamnés à mort de faire un dis-cours public sur l'échafaud constitua donc, auprofit de leurs successeurs, un droit incontesté.

Qjand le colonel Turner, célèbre par la quan-tité de vols qu'il a commis, monta sur l'échafaud,il appela le bourreau.

« Mes amis, lui dit-il, désirentse partager mesvêtements. Voilà 5o shillings, plus 2 shillings,6 de/tiers de pourboire, et t5 shillings pour les

sergeants qui assisteront à la remise de moncorps et de mes habits à une femme nomméemadame Smith. »

Se levant alors debout sur la charrette qui l'a-vait amené, il s'exprima en ces termes

« Sir Richard Ford et vous, monsieur l'autreshcriff, et vous aussi, ~Mf/~eM, je viens payerict 1s dette que tout homme doit à la nature, »

Cct exorde terminée le colonel Turner déclare

que ses fils sont innocents il parle de son père,qui était un ministre estimé, et de sa femme,dont la famille est des plus respectables.

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Puis il fait un long récit de sa vie entière, ettermineainsi:

< Messieurs les sheriffs, êtes-vous satisfaits ?Désirez-vous que j'entre dans de plus longs dé-tails ? »

Les shériffs l'assurent qu'ils sont satisfaits s'ill'est lui-même.

Le colonelTurner répond alors à diversesques-tions qu'on lui a adressées le matin même, soitde vive voix, soit par lettres. L'aumôr.ierdeNewgate l'interrompt alors pour lui deman-der s'il a entendu parler d une pierre fausse re-mise à la comtesse de Devonshire à la place d'unvéritable diamant. Turner répond qu'il n'estpour rien dans cette escroquerie.

Maintenant, reprend-il, je vais faire con-naître mes opinions religieuses.

Et il apprend à ceux qui l'écoutentqu'il n'ajamais vu un homme garder son chapeau sur satête dans une église sans être indigné qu'il abeaucoup aimé les plaisirs, mais qu'il ne s'est ja-mais enivré que dans son enfance.

L'un des shériffs, impatiente, s'écrieSi je pensais que votre grâce dût arriver tôt

ou tard, je me consolerais de perdre ainsi montemps; mais franchement,je n'ai aucune espé-rance de sursis ou de pardon. Si vous vous fai-tes quelque illusion de ce genre, vous .tvex tort

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et vous feriez mieux de nnir vos impertinences.Je n'attends aucun pardon, répondit Tur-

ncr, mais vous me parlez sur un ton bien peuconvenable. Enfin, puisque tel est votre désir,je me tais. Présentez, je vous prie, mes salutationsau lord-maire, à tous les aldermen et ~à leur fa-mille. Je désire seulement savoir si je resteraipcnc'u toute la journée.

Non, colonel, on coupera la corde des quevous serez mort.

– Je puis y compter, n'est-ce pas ?Vousne resterez pendu qu'unedemi-heure.

– C'est bien.Le bourreau se mit à t'attacher à la potence.

Eh quoi, s'écria Turner, voulez-vousm'étrangter?Donnez-moi un peu plus de corde.Ahtcà, mon garçon, d'où sortez-vous?ne sa-vez-vous pas faire un nceud ?

A ce moment, apercevant une jeuneet joliefemme, il lui envoya un baiser en disantVotre serviteur, madame 1

Le capuchon ayant été baissé sur ses yeux,Turner fut lancé dans l'éternité.

De tous les peuples de l'Europe, le peuple an-glais est le plus curieux à observer. En Angle-terre, une conversation est un phénomène fort

rare. Ce n'est pas que John Bull soit muet, maisil n3 cause pas, il n'aime que les speeches. Sa

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bouche est comme le cratère d'un volcan elle

reste longtemps fermée, mais quand elle s'ouvre,gareàl'éruption.

Tous les condamnés à mort, politiques, reli-gieux, assassins, faussairesou'voleurs, disputenttoujours quelques heures au bourreau pour pro-noncer leur dernier speech.

C'est à peine si le shériff se permet de fairequelques observations; dans ce cas, il n'ordonnepas, il supplie.

Un individu, nommé Gibs, partait depuis trèslongtemps. Le magistrat l'interrompt.

Tout ce que vous dites est très bien et trèsconvenable, mais je dois vous faire observer qusvous vous RÉPÉTEZ. Un autre devos amis, qui vaêtre exécuté après vous, doit avoir aussi !e tempsde parler. Il serait peu délicat de votre partd'empiéter sur son droit. Par conséquente JE

VOUS PRIE De CONCLURE.

John Carrey parla plus de cinq heures sur l'e-chafaud.

Thomas Scot, à qui l'on ôta la parole, protestt

en disant « C'est une triste et mauvaise causeque celle qui ne peut pas supporter les parolesd'un mourant. 1/

Dans plusieurs exécutions politiques, les roisd'Angleterre firent couvrir les paroles du con-damné d'un tel vacarmede trompettes et de tam-

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bours que personne ne put en entendre un mot.< Mes amis, disait Geotge Manley, exécute

pour meurtre, vous êtes assemblés pour voirquoi Un homme faire le grand saut. Regardez,

et vous tne verrez marcher au trépas avec autantde courage que Curtius. Que direz-vous de moi?Que j'ai tué un autre homme? Eh bien 1 Malbo-rough en tua des milliers, Alexandre des millions,et beaucoup d'autres souverains et généraux quiles ont imités sont fameux dans l'histoire, tandisque je vais être pendu ).

Le duc de Hamilton, invité à faire un discourssur l'échafaud, se déclare désolé de n'avoir rienpréparé.

Je vais improviser, dit-il; on voudra bienm'excjser si mon discours n'est pas aussi clair,aussi complet que je l'aurais voulu.

Un Français, Frédéric Bardie, exécuté eh!8t t~ prie le shériff d'être son interprète, parcequ'il ne sait pas l'anglais.

Christofer Love commença en ces termesMessieurs, je vais diviser mon discours en troisp~r~-y.

Et il tint parote.

Jervis Elwes, accuse du meurtrede sir Tho-mas Overbury, s'assied sur un échelon pour ha-ranguer la foule; mais il ne se trouve pas bien,

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et il redescenden ordonnantau bourreau de don-

nera l'échelleune autre inclinaison.Onlui obéit,il remonte et commence son discours.

Walter Rabig, apercevant plusieurs lords àla fenêtre d'une maison voisine, leur dit J'aieu la fièvre ces jours passés et ma voix est faible.Cependant je parlerai aussi haut que je pourraiafin que vous puissiez entendre.

– Ne vous fatiguez pas, dit un des lords, nousallons descendre afin d'être plus près de vous.Attendez-nousun instant.

Le condamné les remercia vivement de leurpolitesse.

La liberté de la défense devait rendre inutilesles discours de la dernière heure. Les consciencesdes juges ne se vendirent plus à l'encan; les sou-verains et leurs ministres apprirent à respecterles décisions du jury.

Les avocats obtinrent des acquittementsnom-breux qui devinrent, en politique, des succès departi.

L'illustre défenseur du doyen de Saint-Asaph,Erskine, alla jusqu'à s'écrier « Si mon client estcoupable, je veux être considère comme soncomplice; je partage toutes ses opinions, et je

m'engage à les publier partout où mes paroles etmon exemple pourront exercer une influence.

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L'ASSOMMOIR

DES CLASSES DIRIGEANTES

M. Zola, dans un mauvais livre plein de talent,

a peint sous les couleurs sinistres qui convien-nent au sujet les dévoyés de faubourg, les fauxouvriers, les hommes de cabaret et les filles detrottoir. Il a installé son buvard sur une bouched'égout, et dans cet égout, il a montré la sourcedes bagnes et les fonts baptismauxde la prosti-tution.

L'Assommoirest un livre plein d'audaces etde crudités, un romanquivaut à lui seul tout Res-tif de la Bretonne, mais qui, malheureusement,servira d'argument contre les déshéritésde la vie,

contre ceux à qui on reproche des vices qui nesont que des malheurs,et des~malbeurspréparésde longue main par ceux qui les accusent.

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Qui donc fera t'OM!M!o:'r des classes préten-ticuscs et racontera par le menu les mystères deleur vaste cabaret?

Adultères, promiscuités, trahisons, abus deconfiance s'y entrelacent agréablement. H y ade la canaille en haut comme en bas et quandon parle d'épurer la société, on peut aussi biencommencer par le faubourg Saint-Germainquepar la Villette, aussi bien par l'hôtel que par lebouge.

Ma!s s'il y a partout des gredins, partout aussiil y a d'honnêtesgens; c'est une consolation.

Je ferais même un pari, si je trouvais un juged'instruction qui consentît à travailler en ama-teur et à faire une enquête consciencieuse pourl'amour de l'art c'est que la moyenne serait lamême dans le 'monde élégant, dans le mondepolitique et dans notre colonie de Cayenne.

A la fin du règne de Louis~Phiiippe, il se pro-duisit en cour d'assises un incident curieux.On en causa peu, la crise politique ayant saisitous les esprits.

C'était après la délibération, dans une affaireoù le président avait été un véritable accusateur,torturant l'accusé, insultant les témoins.

Quand la cour rentraen séance, le chef du juryfit avec sptennité la déclaration suivante:

Ge Enmonâmeetconsc!ence,devant Dieu et devant

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les hommes, la réponse du jury sur toutes lesquestions est

Oui, le président est coupable

Ce trait, qui porte avec lui un utile enseigne-ment, m'a été rappelé par les nombreuxarticlesqu'a suscités l'affaire Godefroy.

<:St supérieure qu'elle'soit à celle des autresnations européennes, dit!a 7~'M~ ~\E'M:~OM~,la procédure crimineltë de l'Angleterre réclameencore de nombreuses améliorations. Sa promp-titude, son impartialité, son respect pour laforme sacrifient trop souvent les intérêts de lasociété à ceux des accusés. J)

Ce n'est pas au système français qu'on pourrafa ire ce reproche.

En Angleterre, les débats une fois commencés,pour quelque cause que ce soit, ils ne peuventêtre interrompus. La simple omission d'un mottechnique dans l'acte d'accusation, ou tel autrevies de forme aussi insignifiant, suffit pour an-nuier une procédure et pour exempterun accusé,L'videmment coupable, d'une condamnation im-médiate et quelquefois même de toute poursuiteultérieure.

Je trouve dans l'affaire Cardigan l'interroga-toire d'un témoin

LE LORD GRA'<D-SENÉcnAL. – Sir James An-

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derson, je regarde comme un devoir pour moi de

vous informerque vous n'êtes pas forcé de ré-pondre à des questions qui pourraient avoirpour résultat de vous compromettre.

L'ArroRNEY GÉNÉRAI.. Connaissez-vous lecapitaineTuckett?

SIR JAMES ANDERSON. – Je dois refuser de ré-pondre à cette question.

L'ATTORNEY GÉNÉRAL. N'avez-vous pas étéappelé pour donner vos soins à un individublessé ?

SIR JAMES ANDERSON. Je suis fâché de nepas pouvoirvous répondre.

D. Quand avez-vous vu pour la dernière foisle capitaineTuckett?

R. Je refuse de répondre à toute question quiserait de natureà me compromettre.

D. Et vous croyez que vous pouvezvous com-promettre en répondant à une question concer-nant le capitaineTuckett?

R. C'est mon opinion, monsieur.Le témoin peut se retirer, dit alors le grand-

sénéchal.

Si la procédure criminelle anglaise ne se pro-posait d'autre but que la découvertede la vérité,la premierecourjudiciairedu Royaume-Unieût-elle souffertd'être ainsi réduite à l'impuissance ?7

Ces règles se sont formées et établies durant

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cette longue lutte entre la royauté, l'aristocratieet le peuple, qui a produit et qui continue àproduire ces institutions constammentvariablesdont se composece qu'on est convenu d'appeler<t h constitutionde l'Angleterre

Inventées dans le but de protéger les inno-cents, elles ont survécu aux motifsqui les avaientfait établir et ne servent plus aujourd'hui qu'auxcoupables.

Le système français a pas mal de peccadilles P

sur Ja conscience. Les forçats innocents forment

un chiffre respectable. Les affaires Lesnier,Béarn, Raffet, le procès de la fille Doizeet beau-

coup d'autres prouvent que notre justice n'aimepas qu'on lui arrache ses accusés.

Il faudrait alors modifier le texte de la loi, etdire carrément

Tout accusé est présumé coupable,

M y a quelques années, un avocat général d'undépartement voisin écrivait à l'un de ses amis;

« La session est déplorable. Sur treize accusés,nous avons eu jusqu'à présent sept acquitté-ments. Je ne sais où on est allé me chercher unpareil jury. J'ai eu beau faire, me démener, faireappel aux sentiments les plus pressants, tousmes efforts ont échoué. Hier, enfin, j'ai pu ob-

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tenir une condamnationà mort. J'en avais bienbesoin.

Ma nuit a été moins agitée que les précéden-

tes, et je respire mieux ce matin.H reste quatre affaires avant la clôture. H

est impossible que la déveine continue. Monsuccès d'hier m'a donné de l'entrain et j'espcre

me relever, après avoir craint sérieusement quema carrière fût brisée, x 1

La moralité de l'affaire Godefroy, c'est qu'onne saurait trop soigner ses antécédents.

C'est moins pour le meurtre qu'il a été con-damné que pour ses relations avec sa belle-mère

et l'indifférence dont il a fait preuve après avoirvu un homme tomber mort devant lui.

Les turés ont pensé que c'était un homme im-moral et de mauvais coeur, opinion quia dû pe-ser sur leur décision.

Enlevez les lettres de madame Claye, les dé-

penses exagéréesde l'accusé, la nuit passée chezla fille GuiUemin, et peut-étre auriez-vous euun acquittement.

C'ettlàceque semblait craindre M. le prési-dent V&ney.

Un journal, rendant compte de la journée àVersailles, di«dt, <vaot-b!er, que le début enétait fort gai.

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Avant l'ouverturede la séance, on voyait, ra-co-tte-t-il, M. de un légitimiste, s'entrete-nant avec MM. X. et Z. du parti de l'appel

au peuple. Ces messieurs rMt~.Ils riaient, et ils avaient r&ison de rire.Les réformessont toujours à faire~

Les plaies sont restéessaignantes,M. de Caux est revenu à Paris,L'Abbé Beaujard engraisse,L'abbé Dangerville voyage,M. de Germiny habite Florence.Us riaient 1

L'inondationnous menace.Une saison déplorable annoncede mauvaises

récoltes.Le feu grisou fait de nouveaux orphelins.Ils riaient.

Un gentilhomme belge se fait le saint Jeanprécurseur de son cousin-germain auprès d'unebeUe pécheresse de l'Assommoir!w~rM/.

Vingt-cinq mille ouvriers sont sans travail àLyon.

De nouvelles sociétés financières sont décla-rées en faillite.

Ils riaient.

[1 y a de quoi.Qu'a-t-on fait ? Qu'y a-t-il de changé?

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Dans une affaire de cour d'assises, on va cher-cher la faute cachée, pleurée depuis longtemps

sans doute, d'une femme qui n'a rien à y démê-ler on brise l'existence de sa fille et de ses en-fants, on foudroie son mari, on sacrifie sept, huitinnocents pour trouver un coupable.

C'est là un pouvoir indiscrétionnel.Dans d'autres juridictions, aucunes modifica-

tions n'ont été apportées à un système reconnuvicieux.

Ils riaient.

L'infâme piquette que boit l'homme de tra-vail, et qui coûte vingt-cinq francs la barriquehors Paris, paye cinquante ou soixante francsd'entrée comme le château-margaux à quatremille francs la pièce, de façon que tout homme dupeuplequi boit un verre de vin paye autant d'im-pôt que l'archi-millionnaire.

La vie matérielle devient impossible pour lespetites bourses après s'être mis au cheval et auchien, il faudra se mettre au rat et à l'araignée.

En place pour lecotillon 1

Rien de changé à l'Assommoir des gens commeil faut.

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JOLIE SOCIÉTÉ

Quelest!echroniqueur asthmatique~!e journa-liste vidé qui, n'étant pas sorti de chez lui et nerecevant pas de gazettes à ~domicile, s'est écriele premier: Iln'ya rien denouveau aujourd'hui?

Cette formule est restée; elle a servi les pares-seux et les indifférents qui veulent exercer leurmétier par-dessous la jambe.

Celui qui a osé dire qu'il n'y avait [rien denouveau, quel que fût le jour, quelle que fûtl'heure, celui-là et* a menti impudemment.

Quand ce ne sont pas les grandes choses, cesont les petites qui surgissent ou qui changentd'aspect.

H y a du nouveau autant qu'on en veut.Depuis l'Elysée jusqu'àla Morgue, toutchange,

tout passe. Voyez les journaux les plus graves.Tant que les grandes questions remplissentleurs colonnes, tant qu'ils ont des discours à re-

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produire, ils annoncent à peine un incendie, unvol nocturne,

Ils ne se dérangentguereque pour un assassi-nat.

Quand, au contraire, la politique ne donnepas, quand les Chambres sont prorogées, onne voit plus que guet-apens, enfants écraséspar des voitures ou incendiés par l'imprudencede leurs parents qui leur avaient donnédes allu-mettes en disant Nous sortons. amusez-vousbien t

On ne peut plus démolir un mur sans que les

maçons y trouvent un trésor.Un agent-voyer casse-t-il une pierre sur une

grande route, cette pierre renfermait un crapaudqui dormait là depuis deux mille ans.

Un homme ne peut plus faire un trou dans sacave sans y découvrir des ossements ou des mon-naies du temps de Vespasien.

La mer tejette des bouteilles pleines de docu-ments.

Un capitainede frégate écrit qu'on a aperçu,à quelque distance du pic de Ténérine, un poulpemonstrueux.

Le Constitutionnel reprend son vieux serpentde mer; la Patrie raconte pour la vingtième foisl'histoire d'un lion échappé d'une ménagerie, etle Journaldes Débats, soucieux de la tradition,commence une Variété intitulée Du r<c du

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co/M! dans les oreilles sous les C<!r/0f~

Je remontais, dans l'après-midi, le boulevarddes Capucines, en essayant de fumer un de cesmorceaux de boischarbonneuxque la régie nousvend sous le nom de conchas. Si l'inquisitionavait connu ce genre de cigares, elle lui eûtccr'tainement donné une place distinguée dans l'ar-senal do ses tortures.r Exaspéré de l'inutilitéde mes efforts, je maugréais contre le ciel, qui m'a fait naître à unecpoque où les cigares sont en racine de mant-cenillier,

Le bœuf en cheval de fiacre,Le mouton en chien noyé,Le café en sciure de bois,Le beurre en suif,L(.s femmes en sous-nitrate de bismuth,Et le3 gouvernementsen capilotade.A !a hauteur de la rue Scribe, je rencontrai le

baron Jacob, orné d'une éclatante roeëtte rouge,il conduisait un phaéton attelé de deux chevaux-de grande allure; derrière lui, un valet de pied,consulté de boutons de cuivre, se laissait aller,les bras croisés, à quelque rêverie que Ruy Bla%

seul pourrait expliquer. L'instant d'après, passaEdgard de Vieux-Lapin, plus pimpant et plutbrillant que jamais.

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Considérantces deux échantillonsde la société

parisienne et songeant à beaucoup d'autres, je

me reportai aux temps les plus reculés pourprendreun point de comparaison.

A Sparte, on punissait les voleurs maladroits.Plus on y pense et plus on est pénétré de cette

vérité que c'est absolument la même chose enFrance.

vLes voleurs adroits tiennent le haut du pavé;ils habitent des hôtels splendides où tous les es-caliers sont dérobés. A eux les produits de Bin-der à eux les.chevaux de l'Angleterre et del'Arabie à eux les femmes et les premiers effa-

rements des jeunes filles que les mères infâmesvendent aux conservateurs. A eux les grands parcset les grandes chasses l'hiver, ils achètent lesoleil de Nice; l'été, ils ont les frais ombrages dela Normandieet de la Bretagne.'

Les voleurs maladroits, au contraire, remplis-sent les prisons et les maisons centrales. Pas depitié pour ces imbéciles qui ont volé quelquescentaines de francs, falsifié une signature pourtoucher un effet de cinquante louis sous un nomsupposé Fermez les cellules sur cette racaille, etchapeau bas devant le baron Jacob. Voilà unhomme. Il a plus de cent millions, et j'ai dansmon tiroir une vingtaine de morceaux~Jepapierqui m'ont coûté deux cents francs la pièce et quisont cot<?!! huit francs à la Bourse. La différence

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est dans la poche du baron. Je me suis laissétenter comme tant d'autreset j'ai acheté de t'em-prunt-Jacob. Le baron fait la fête avec les écono-mies de !a bourgeoisiefrançaise, avec les épargnesdes'ouvriers économes; mais ce n'est point unvoleur 1 La preuve, c'est qu'il n'est pas à Mazas.Le ministrelui serrela main, lui donne des croixpour qu'on ne le confonde pas avec les mauvaislarrons. Les ambassadeurs vont chasser chez lui;et l'escroc se pavane dans sa richesse et dans uneimpunité glorieuse. Voilà ce que c'est que defairegrand t

Il y a un livre curieux à écrire sous ce titre

LES ESCROCS DU GRAND MONDE

Sans chercher bien loin, je me rappelle le vi-comte de. chassé du club après avoir été pris enflagrant délit de vol. H trichait depuis vingtans.

Le duc de. qui, d'un coup de filet, a ratisséles économies de toutes les actrices et de toutesles cocottesde Paris. Les femmes de chambre deces dancs le suppliaientde vouloir bien accepterleurs petites épargnes on avait beaucoup depeine il l'y décider. C'était pour la grande affairedes huiles. On n'a jamaisvu d'huile, jamais revuun SOU.

Le baron de. condamnéà deux ans de pri-

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son pour avoir introduit un jeu de cartes à lui-dans un cercle de province.

Le marquis de. condamné deux fois à sixmois de prison, et à quinze mois tout dernière-ment pour escroquerie et abus de connance..

Hélas 1 que j'en ai vu passer de ces vicomtes1C'est le destin; il faut une proie à Poissy.

Des voleurs maladroits, voyez-vous 1

Les malins ont leur loge à i'Opera et tousles biens de ce monde.

A qui cet hôtel qu'on achevé ?

– A Bhckenheim.Combien coûte-t-i~Cinq millions.Où les a-t-il gagnés ?

– On ne sait pas.– C'est un Prussien ?– !t s'est fait naturaliser Français.– C'est un juif?1– H s'est fait MofMA'<er protestant.– Oh a!ors 1

A l'Opéra.Quelle est cette dame couverte de diamants?Madame X. devenue Madame de puis

comtesse de Z.Son passé ?

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Tout le monde, & Londres, a pu l'avoirpour cinq livres.

Et celle-ci, dans la loge voisine?.–Madame Vlan.–Son origine?– Fitte d'un Arabe et d'un chameau.–Lasuite?–Chanteuse de troisième ordre.– Et maintenant?Comtesse aussi, maîtresse d'un roi. On dit

m~mequ'it va t'épouser du pied gauche.11 y en a cinquante de cette espèce.Le côté des hommes est encore pire.Dans la caverne d'Ali-Baba, ils n'étaient que

quarante. Quel progrès 1 le seul qu'on ait fait

en France depuis vingt-cinq ans 1

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),eMirac!edcMontargis. rPaternité tomate 8F)curd'adu!tcre. ïtt).csdcuxfonces. 3oFriand de!it)ame 38),'fnfantit'ideL'Orang-Outang. 5~CuiboXard. y)FraiscsauChampagne. MUn))ramcdansunecage. ()tJournéed't!t< fj.St.aFabri~ucd'estropics <o5t'iusde médecine t~t.eHcdeaj. t2~.LaSourcedeSaint-Vescent.FantaisiecMricate t~tUn Homme providentiel. )~f)I.a Guerre. t5?High)ife. t6GI.aVisited'un souverain. t733Faiblesse humaine. tooUnpieddanstecrime. 1 18)LeCodeducoeur. i()7Un rireéteint. 266Parisennoir. 2)55heSuicide. 223LesSacr!nceshuma!ns. 23t1France et Turquie 2~9L'Kdiricesociat. 2~Courrier de Constantinople 246Deux ans de prison. 2555!!orrib)e attentat contre )e roi des Re!g~s 26~Fleurd'oranger. 2?tSccnesd'inamovibiHte. 280'types de notre époque 2881/hnversde Paris 2~7Les Orateurs de la dernièreheure. 306L'Assommoirdes classes dirigeantes, .~f "3f3~o)i<: société!.y<.).('2tr

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