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28 FINANCE & VOUS Mars 2012 www.aiefbt.org La Newsletter électronique gratuite des décideurs financiers tunisiens 29 Mars 2012 FINANCE & VOUS www.aiefbt.org La Newsletter électronique gratuite des décideurs financiers tunisiens Le système bancaire tunisien: des réformes cruciales qui tardent à venir Focus L e secteur bancaire joue un rôle primordial dans le développement économique à travers le financement des projets. Ce constat est d’autant plus important dans les pays en voie de développement, dont la création de valeur et des emplois requiert la mise en place d’un système stable et performant. En Tunisie, un plan de restructuration et de modernisation du système bancaire a été engagé au début des années 1990. Le bilan des réformes engagées au cours des deux dernières décennies semble mitigé. Certes, les réformes entreprises constituent des acquis, cependant le secteur bancaire tunisien s’avère encore bien loin des standards internationaux. Par ailleurs, lorsque la révolution tunisienne est arrivée, le secteur bancaire s’est retrouvé devant le fait accompli, confronté à une donne politique et économique inédite. Aujourd’hui, la Tunisie doit faire face à des défis considérables en matière économique et sociale. Dans ce contexte, le secteur bancaire en tant principale source de financement de l’économie a besoin de la mise en place de réformes cruciales impliquant l’ensemble des parties prenantes, donnant ainsi un signal fort pour rétablir la confiance des investisseurs et renforçant l’intégration à l’économie mondiale. Une rétrospective sur les réformes engagées Le plan de restructuration du secteur bancaire tunisien entamé depuis le début des années 1990 avait pour principaux objectifs de libéraliser l’activité bancaire, de mettre en place d’un cadre comptable et prudentiel, de renforcer les règles de bonne gouvernance, d’assainir la situation financière des banques et de moderniser le secteur de manière générale. La suppression de la distinction juridique entre les banques de développement et les banques de dépôts et l’instauration de la notion de banque universelle a permis aux banques tunisiennes de se développer et de bénéficier de la croissance économique du pays. La libéralisation de l’activité bancaire s’est accompagnée par la mise en place d’un dispositif comptable et prudentiel spécifique aux établissements bancaires et le renforcement des exigences règlementaires en matière de contrôle interne et de bonne gouvernance. En effet, de nouvelles normes comptables sectorielles spécifiques aux établissements bancaires ont vu le jour complétées 1 par un certain nombre de circulaires de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) 2 traitant en particulier de la classification des créances, du provisionnement des créances douteuses et du suivi et de l’évaluation des engagements donnés. Le renforcement des exigences réglementaires en matière de contrôle interne et de bonne gouvernance s’est traduit notamment par l’instauration d’un socle de base en termes de dispositif de contrôle interne 3 (mise en place de procédures, organisation comptable, traitement de l’information, système de mesure et de maîtrise des risques, système de documentation et d’information, etc.) et l’institution de nouvelles instances internes tels que le comité permanent d’audit interne, le comité exécutif de crédit et d’un organe permanent de contrôle de la conformité. Le cadre légal qui confie à la BCT le pouvoir de surveillance bancaire a également fait l’objet de révision 4 qui s’est matérialisée par une définition plus précise du rôle et des pouvoirs de la BCT en matière de contrôle des établissements de crédit et des sanctions disciplinaires à adopter en cas d’infraction aux exigences légales et réglementaires. En ce qui concerne l’audit légal, des dispositions spécifiques aux commissaires aux comptes des établissements de crédit ont été adoptées. En effet, les établissements de crédit sont soumis à la certification d’un commissaire aux comptes inscrit au tableau de l’Ordre des Experts Comptables de Tunisie (OECT ) avec une obligation de co-commissariat aux comptes pour les établissements de crédit faisant appel public à l’épargne. La durée du mandat est fixée à trois ans, renouvelable une fois. La BCT a également fixé par le biais d’un certain nombre de circulaires les objectifs de la mission de contrôle d’un établissement de crédit, la portée et les modalités d’audit des comptes d’un établissement de crédit et le contenu du rapport des commissaires aux comptes. L’obligation de soumettre les comptes de la BCT à un audit externe effectué par deux commissaires aux comptes inscrits au tableau de l’OECT a également été instituée 5 . Les règles prudentielles mises en place et les objectifs assignés par la BCT ont permis de renforcer les assises financières des banques tunisiennes à travers des augmentations de capital et une politique prudente de distribution de dividendes, et d’améliorer la qualité des créances qui s’est accompagnée par un effort de provisionnement favorisé notamment par des mesures fiscales. Ceci s’est traduit par une amélioration progressive des ratios réglementaires et prudentiels des banques tunisiennes. Un bilan mitigé face à des défis considérables Le secteur bancaire tunisien souffre actuellement de plusieurs faiblesses qui nécessitent la mise en place de réformes audacieuses et urgentes. Les réformes conduites au cours des deux dernières décennies ont certes apporté des améliorations au système bancaire tunisien, mais le plan de restructuration engagé semble non abouti par rapport aux objectifs initialement fixés et en retard par rapport à la mise à niveau et au développement qu’a connue l’économie tunisienne. Le volet politique et financier a malheureusement pris le dessus sur l’intérêt national, avec toutes les conséquences qui en découlent. Au lendemain de la révolution tunisienne, les données communiquées par les banques au titre de leurs expositions à des entreprises et des proches liés à l’ancien régime, et des conditions d’octroi de ces encours de crédit, démontrent le non-respect par certaines banques des règles élémentaires en matière de bonne gouvernance et de gestion des risques. Malgré les améliorations constatées au cours des dernières années en termes de qualité des encours de crédit et du niveau de couverture de créances douteuses, les indicateurs du secteur bancaire tunisien sont largement en deçà des performances réalisées par d’autres pays émergents. Le secteur bancaire tunisien se retrouve aujourd’hui avec l’héritage accablant des expositions significatives à des contreparties à risque liées à l’ancien régime, combiné à un contexte de crise économique sans précédent. Cette situation aura sans doute des répercussions négatives sur les bilans des banques à travers la hausse des créances Par Zied LOUKIL - Expert-Comptable membre de l’OECT - Senior Manager - Secteur Banque - Mazars Paris - Chargé du cours « Audit Bancaire » - Master 2 «Audit & Financial Advisory» - Université Paris Dauphine. [email protected] 28 FINANCE & VOU www.ai aief efbt bt.o .org rg

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FINANCE & VOUS Mars 2012

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La Newsletter électronique gratuite des décideurs �nanciers tunisiens 29

Mars 2012 FINANCE & VOUS

www.aiefbt.org

La Newsletter électronique gratuite des décideurs �nanciers tunisiens

Le système bancaire tunisien: des réformes cruciales

qui tardent à venir

Focus

Le secteur bancaire joue un rôle primordial

dans le développement économique à

travers le $nancement des projets. Ce

constat est d’autant plus important dans les pays

en voie de développement, dont la création de

valeur et des emplois requiert la mise en place

d’un système stable et performant.

En Tunisie, un plan de restructuration et de

modernisation du système bancaire a été engagé

au début des années 1990.

Le bilan des réformes engagées au cours des

deux dernières décennies semble mitigé. Certes,

les réformes entreprises constituent des acquis,

cependant le secteur bancaire tunisien s’avère

encore bien loin des standards internationaux.

Par ailleurs, lorsque la révolution tunisienne est

arrivée, le secteur bancaire s’est retrouvé devant

le fait accompli, confronté à une donne politique

et économique inédite.

Aujourd’hui, la Tunisie doit faire face à des dé$s

considérables en matière économique et sociale.

Dans ce contexte, le secteur bancaire en tant

principale source de $nancement de l’économie

a besoin de la mise en place de réformes cruciales

impliquant l’ensemble des parties prenantes,

donnant ainsi un signal fort pour rétablir la

con$ance des investisseurs et renforçant

l’intégration à l’économie mondiale.

Une rétrospective sur les réformes

engagées

Le plan de restructuration du secteur bancaire

tunisien entamé depuis le début des années

1990 avait pour principaux objectifs de libéraliser

l’activité bancaire, de mettre en place d’un cadre

comptable et prudentiel, de renforcer les règles

de bonne gouvernance, d’assainir la situation

$nancière des banques et de moderniser le

secteur de manière générale.

La suppression de la distinction juridique entre

les banques de développement et les banques

de dépôts et l’instauration de la notion de

banque universelle a permis aux banques

tunisiennes de se développer et de béné$cier

de la croissance économique du pays.

La libéralisation de l’activité bancaire s’est

accompagnée par la mise en place d’un

dispositif comptable et prudentiel spéci$que

aux établissements bancaires et le renforcement

des exigences règlementaires en matière de

contrôle interne et de bonne gouvernance.

En e(et, de nouvelles normes comptables

sectorielles spéci$ques aux établissements

bancaires ont vu le jour complétées1 par un

certain nombre de circulaires de la Banque

Centrale de Tunisie (BCT)2 traitant en

particulier de la classi$cation des créances, du

provisionnement des créances douteuses et

du suivi et de l’évaluation des engagements

donnés.

Le renforcement des exigences réglementaires

en matière de contrôle interne et de bonne

gouvernance s’est traduit notamment par

l’instauration d’un socle de base en termes de

dispositif de contrôle interne3 (mise en place de

procédures, organisation comptable, traitement

de l’information, système de mesure et de

maîtrise des risques, système de documentation

et d’information, etc.) et l’institution de nouvelles

instances internes tels que le comité permanent

d’audit interne, le comité exécutif de crédit et

d’un organe permanent de contrôle de la

conformité.

Le cadre légal qui con$e à la BCT le pouvoir de

surveillance bancaire a également fait l’objet de

révision4 qui s’est matérialisée par une dé$nition

plus précise du rôle et des pouvoirs de la BCT

en matière de contrôle des établissements de

crédit et des sanctions disciplinaires à adopter

en cas d’infraction aux exigences légales et

réglementaires.

En ce qui concerne l’audit légal, des dispositions

spéci$ques aux commissaires aux comptes

des établissements de crédit ont été adoptées.

En e(et, les établissements de crédit sont

soumis à la certi$cation d’un commissaire

aux comptes inscrit au tableau de l’Ordre des

Experts Comptables de Tunisie (OECT) avec une

obligation de co-commissariat aux comptes

pour les établissements de crédit faisant appel

public à l’épargne. La durée du mandat est $xée à

trois ans, renouvelable une fois.

La BCT a également $xé par le biais d’un certain

nombre de circulaires les objectifs de la mission

de contrôle d’un établissement de crédit, la

portée et les modalités d’audit des comptes d’un

établissement de crédit et le contenu du rapport

des commissaires aux comptes.

L’obligation de soumettre les comptes de la BCT à un

audit externe e(ectué par deux commissaires aux

comptes inscrits au tableau de l’OECT a également

été instituée5.

Les règles prudentielles mises en place et les

objectifs assignés par la BCT ont permis de renforcer

les assises $nancières des banques tunisiennes

à travers des augmentations de capital et une

politique prudente de distribution de dividendes,

et d’améliorer la qualité des créances qui s’est

accompagnée par un e(ort de provisionnement

favorisé notamment par des mesures $scales. Ceci

s’est traduit par une amélioration progressive des

ratios réglementaires et prudentiels des banques

tunisiennes.

Un bilan mitigé face à des dé"s considérables

Le secteur bancaire tunisien sou(re actuellement

de plusieurs faiblesses qui nécessitent la mise en

place de réformes audacieuses et urgentes.

Les réformes conduites au cours des deux dernières

décennies ont certes apporté des améliorations

au système bancaire tunisien, mais le plan de

restructuration engagé semble non abouti par

rapport aux objectifs initialement $xés et en retard

par rapport à la mise à niveau et au développement

qu’a connue l’économie tunisienne.

Le volet politique et $nancier a malheureusement

pris le dessus sur l’intérêt national, avec toutes les

conséquences qui en découlent. Au lendemain de la

révolution tunisienne, les données communiquées

par les banques au titre de leurs expositions à des

entreprises et des proches liés à l’ancien régime, et

des conditions d’octroi de ces encours de crédit,

démontrent le non-respect par certaines banques

des règles élémentaires en matière de bonne

gouvernance et de gestion des risques.

Malgré les améliorations constatées au cours des

dernières années en termes de qualité des encours

de crédit et du niveau de couverture de créances

douteuses, les indicateurs du secteur bancaire

tunisien sont largement en deçà des performances

réalisées par d’autres pays émergents.

Le secteur bancaire tunisien se retrouve aujourd’hui

avec l’héritage accablant des expositions

signi$catives à des contreparties à risque liées à

l’ancien régime, combiné à un contexte de crise

économique sans précédent. Cette situation aura

sans doute des répercussions négatives sur les

bilans des banques à travers la hausse des créances

Par Zied LOUKIL - Expert-Comptable membre de l’OECT - Senior Manager - Secteur Banque - Mazars Paris - Chargé du cours « Audit Bancaire » - Master 2 «Audit & Financial Advisory» -

Université Paris Dauphine. [email protected]

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douteuses et des provisions et la dégradation

des fonds propres, à un moment où elles sont

appelées à jouer leur rôle vital de soutien et de

$nancement des opérateurs économiques.

La fragmentation du secteur bancaire tunisien pèse

également sur la solidité $nancière des banques,

limite leur capacité de résistance pendant les

périodes de crise et réduit sensiblement leur

potentiel de développement et leur compétitivité

à l’échelle régionale et internationale.

Certaines banques tunisiennes ont a7ché ces

dernières années leur ambition de s’implanter

en Algérie. Ces projets ont été rapidement

abandonnés suite au durcissement des conditions

d’accès à ce marché en termes de capital minimal

requis6. Ce simple constat met en évidence

que la taille relativement modeste des banques

tunisiennes constitue un frein par rapport à leurs

ambitions.

Le poids des banques publiques reste important

malgré les opérations de privatisation réalisées. Le

manque d’autonomie des banques publiques au

niveau de la gouvernance a constitué un frein au

processus de modernisation et de restructuration

internes de ces établissements7.

En matière comptable et d’information $nancière,

la Tunisie a adopté en 1996 un système comptable 8

d’une dimension internationale largement inspiré

des normes comptables IAS, complété par des

normes comptables sectorielles. Cette réforme

comptable a été jugée à l’époque comme étant

avant-gardiste et a permis d’améliorer la qualité

et la transparence de l’information $nancière.

Les normes comptables tunisiennes adoptées

présentaient certaines divergences avec les

normes comptables IFRS, qui ont été accentuées

au cours des dernières années par l’absence

de suivi des évolutions et des améliorations

apportées au référentiel international.

Les règles prudentielles appliquées actuellement

par les établissements de crédit sont à la traîne

rapport aux standards internationaux. Des travaux

ont été engagés au sein de la BCT depuis janvier

2008 pour la préparation des textes législatifs et

réglementaires nécessaires à la transposition des

accords de Bâle II au secteur bancaire tunisien9.

Ce projet n’a pas encore abouti et entre temps

les accords de Bâle III, visant essentiellement à

renforcer la résilience des établissements et des

systèmes bancaires suite à la crise des « subprime

», ont été publiés en décembre 2010.

L’application de règles prudentielles inspirées

des accords du comité de Bâle aura pour objectif

d’améliorer la culture du risque au sein des

banques tunisiennes et à promouvoir les règles et

les pratiques de bonne gouvernance, notamment

suite aux carences constatées en matière de

gestion des risques. Cependant, leur e7cacité ne

notamment en assouplissant les règles de

rééchelonnement des dettes .

Sur le plan règlementaire, la BCT a publié

une circulaire qui dé$nit les règles de bonne

gouvernance au sein des établissements de

crédit12 , dont les modalités sont applicables au

plus tard au 1er juillet 2012.

Les nouvelles exigences apportées par cette

circulaire en matière de composition et des

modalités de fonctionnement des instances

de gouvernance des établissements de crédit

constituent un progrès considérable en matière

de gouvernance, de contrôle interne et de

transparence $nancière, notamment à travers :

L’intégration de critères d’indépendance et

de quali$cation des membres composant les

instances de gouvernance

Une dé$nition précise des rôles, des obligations

et des responsabilités des organes de direction et

de contrôle,

Le renforcement de l’implication des organes

de direction et de contrôle dans le suivi et la

maîtrise des risques,

Et la mise en place de règles plus strictes en

matière de communication $nancière.

Cette évolution réglementaire traduit la volonté

de la BCT de rompre dé$nitivement avec les

dérives constatées dans le passé. Pour atteindre les

objectifs requis, la BCT doit renforcer ses contrôles

et mettre en œuvre les mesures disciplinaires qui

s’imposent en cas d’infraction.

En complément des mesures prises en matière

d’assouplissement des règles de rééchelonnement

des dettes, la BCT a émis dernièrement une

circulaire13 exigeant des établissements de

crédit de constituer des provisions à caractère

collectif sur les engagements courants et sur les

engagements nécessitant un suivi particulier

dans le cadre de l’arrêté des comptes 2011

Les commissaires aux comptes ont été appelés

par ce texte à donner leur opinion sur l’adéquation

du niveau de provisionnement « collectif » avec

l’estimation du niveau du risque latent sur les

engagements concernés.

L’application des dispositions de cette circulaire

permettra d’assurer une meilleure couverture

des risques dans les bilans des établissements

de crédit et de converger vers les standards

internationaux en matière de provisionnement

collectif du risque de crédit sur les encours de

crédit « sains ».

Des réformes cruciales en attente

Malgré les réformes et les mesures déjà engagées,

le secteur bancaire tunisien lui reste encore un

long chemin à parcourir pour être au diapason des

meilleurs standards et pratiques internationaux en

matière comptable, prudentielle, de gouvernance

et de surveillance bancaire.

Le cadre légal et réglementaire tunisien présente

pourra être garantie sans la mise en place d’un

dispositif approprié de surveillance bancaire.

La Banque Européenne d’Investissement (BEI)

a mis en évidence dans un récent rapport10 le

rôle majeur joué par la BCT dans la conduite des

réformes précédemment citées mais critique

la faiblesse de la fréquences des missions

d’inspection et un niveau d’exigence moindre

dans la conduite des contrôles auprès des banques

publiques; Ce constat ne peut être étudié sans

faire un lien avec le principe d’indépendance de

la banque centrale en particulier, et des autorités

de contrôle et de surveillance en général, par

rapport au pouvoir politique.

Les mesures prises post révolution

Dans un contexte d’incertitude politique et

économique qui a régné sur la Tunisie après

l’avènement de la révolution du 14 janvier 2011,

la BCT a fourni le soutien nécessaire au secteur

bancaire.

La première décision politique post révolution en

lien avec le secteur bancaire s’est traduite par un

changement à la tête de la BCT visant à rompre

avec l’ancien système et à rétablir la con$ance.

L’économie tunisienne a été confrontée en 2011

à des di7cultés sans précédent, résultant de

l’instabilité politique du pays, des retombées

directes et indirectes du con?it en Lybie,

d’un climat social tendu, de l’attentisme des

investisseurs locaux et étrangers, de la baisse

importante du tourisme, etc., accentuées par une

crise économique et $nancière mondiale et une

crise de la dette souveraine en Europe, premier

partenaire économique de la Tunisie.

Cette situation a eu des répercussions négatives

sur l’économie tunisienne dont les principaux

indicateurs macro-économiques ont viré au

rouge, ce qui a amené la BCT à prendre certaines

mesures d’urgence en réponse à des besoins

exceptionnels. Parmi les principales mesures

entreprises par la BCT :

Le recensement et l’évaluation des

engagements des entreprises et des proches liés

à l’ancien régime pour estimer le risque porté par

les banques tunisiennes sur ces expositions,

L’intervention massive sur le marché monétaire

pour fournir les ressources nécessaires au secteur

bancaire du fait de la forte contraction de la

liquidité bancaire,

L’assouplissement de la politique monétaire

par la réduction à plusieurs reprises des taux de la

réserve obligatoire et la baisse du taux directeur de

la BCT, permettant ainsi de conforter la trésorerie

des banques pour soutenir le $nancement de

l’économie,

L’incitation du secteur bancaire à soutenir les

secteurs d’activité et les entreprises a(ectées

par la crise et à poursuivre le $nancement des

projets pour relancer la machine économique,

des divergences signi$catives avec les standards

internationaux dans le domaine bancaire, qui se

sont accentuées au cours des dernières années

suite aux ré?exions et aux réformes engagées à

l’échelle internationale postérieurement à la crise

$nancière dite des « subprime ».

En matière comptable, les réformes attendues

portent sur l’amélioration de la pertinence et de la

$abilité de l’information comptable produite par

les banques tunisiennes, notamment en matière

d’évaluation des risques et de transparence

$nancière.

De nombreux rapports d’évaluation14,

spécialistes et experts avaient recommandé à

la Tunisie depuis plusieurs années d’adopter le

référentiel IFRS, a$n de disposer un référentiel

complet et moderne, d’assurer une plus grande

transparence de l’information $nancière et de

renforcer l’intégration du système bancaire et

$nancier tunisien dans l’économie mondiale.

Les normes IFRS constituent aujourd’hui le premier

référentiel comptable à l’échelle internationale, et

sont d’application obligatoire ou autorisée dans

plus d’une centaine de pays dans le monde. Le

référentiel comptable tunisien qui était à l’origine

largement inspiré des normes comptables

internationales n’a pas suivi leur évolution, ce

qui engendre aujourd’hui des divergences

signi$catives.

La Tunisie doit poursuivre les e(orts réalisés

en matière d’harmonisation comptable

internationale soit à travers la poursuite de la

convergence des NCT avec les normes IFRS, soit

à travers leur adoption, ce qui aura des impacts

favorables sur l’ensembles des entreprises

en matière d’information et de transparence

$nancière, et sur les établissements de crédit en

particulier en termes d’appréciation des risques.

Le régulateur tunisien doit également poursuivre

les réformes des règles prudentielles pour

garantir une meilleure gestion et une évaluation

pertinente des risques au sein des banques

tunisiennes, tout en renforçant les exigences

relatives à la solvabilité et à la liquidité.

Le Comité de Bâle constitue aujourd’hui le

principal organe de réglementation prudentielle

des activités bancaires à l’échelle internationale,

et les accords de Bâle II correspondent au

standard international de référence en la matière,

en attendant la mise en application prochaine

règles prévues par les accords de Bâle III qui

apportent des évolutions considérables aux ratios

de liquidité. Les accords de Bâle sont destinés aux

pays membres du Comité de Bâle sous forme de

recommandations, mais également à tout autre

pays qui souhaiterait les appliquer.

La mise en conformité du dispositif prudentiel

tunisien avec les accords de Bâle constituera

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une étape nécessaire dans le processus de

restructuration du secteur bancaire et de sa

modernisation.

La Tunisie a annoncé son projet d’adoption des

accords de Bâle II depuis 2008, mais ce projet

n’a pas encore vu le jour. Le Maroc, un pays

comparable à la Tunisie, a adopté prgressivement

depuis quelques années les accords de Bâle II, en

commençant par l’approche standard du Pilier 1

« exigences en fonds propres » depuis $n 2007

avec une perspective de passage en approche

avancée avant $n 2012.

L’application des accords de Bâle II aura

certainement des impacts $nanciers liés aux coûts

organisationnels et humains et des évolutions en

matière de systèmes d’information à engager par

les banques tunisiennes.

Cependant, ces règles permettront d’instaurer un

dispositif adéquat de gestion des risques, avec un

suivi plus $able et plus rigoureux des contreparties

et une meilleure allocation des fonds propres

des banques. Le Pilier 3 « Discipline de marché »

des accords de Bâle II favorisera la transparence

$nancière des banques tunisiennes en matière de

gestion, d’exposition et d’évaluation des risques

et d’adéquation des fonds propres.

La Circulaire BCT n°2011-06 du 20 mai 2011

intitulée «Renforcement des règles de bonne

gouvernance dans les établissements de

crédit» constitue une réelle avancée en matière

d’instauration des règles de bonne gouvernance.

Le dispositif réglementaire de lutte contre le

blanchiment de capitaux et le $nancement du

terrorisme doit être renforcé, avec une attention

particulière à porter au $nancement des partis

politiques et aux personnes politiquement

exposées. La nécessité d’une telle réforme n’a

jamais été aussi pressante dans le nouveau

paysage politique tunisien.

La réussite de ces réformes et l’atteinte des

objectifs souhaités sont conditionnés à la

refonte du dispositif de surveillance bancaire, à

l’adaptation des missions et des moyens de la

BCT à la structure du système bancaire tunisien et

aux évolutions réglementaires envisagées.

Quelle approche retenir ?

Le souci de restructuration et de modernisation

du secteur bancaire tunisien et sa meilleure

intégration dans la mouvance internationale,

ne doit pas conduire à l’adoption de règles

inadaptées aux établissements de crédit tunisiens

et aux réalités locales.

La mise en place d’un plan de réforme ambitieux

qui soit en phase avec le contexte post

révolution nécessite l’adoption d’une approche

structurante et progressive par les autorités

de réglementation comptable et prudentielle

Financier, représentants de la profession bancaire,

experts comptables, universitaires et spécialistes

indépendants, etc.). La BCT doit également

mettre en œuvre toutes les actions nécessaires

en matière de préparation, d’accompagnement

et de suivi des établissements de crédit.

La mise en conformité avec les nouvelles

exigences réglementaires pourrait amener les

banques tunisiennes à réaliser des opérations de

rapprochement visant à renforcer leurs capacités

$nancières et à atteindre la taille critique.

Ces réformes nécessiteront certainement un

investissement considérable de la part des

établissements de crédit, mais permettront

de garantir la mise à niveau, la modernisation

et la stabilité du système bancaire tunisien, et

doivent donc être considérées comme étant une

opportunité.

L’implication des opérationnels dans la mise

en œuvre de ces réformes est essentielle pour

assurer leur réussite et leur rentabilisation.

Ceci impliquera un changement de la culture

d’entreprise dans la conduite des opérations

par l’intégration du couple (rendement / risque)

dans le processus décisionnel, ce qui permettra

d’améliorer la rentabilité tout en maîtrisant les

risques encourus.

Les commissaires aux comptes qui jouent un

rôle majeur auprès des établissements de crédit

et de la BCT en matière d’évaluation du dispositif

de contrôle interne et d’audit de l’information

$nancière. Les réformes comptables, prudentielles,

des règles de gouvernance et de surveillance

bancaire auront des impacts sur la mission des

commissaires aux comptes des établissements

de crédit et sur leur approche de travail.

Les commissaires aux comptes seront amenés à

accompagner et à superviser les établissements

de crédit lors de la mise en application de

ces réformes. Il est donc important que les

commissaires aux comptes soient associés à ce

processus à l’échelle de l’organe de normalisation

comptable et du régulateur prudentiel, ce qui

permettra de béné$cier de leur expertise, de leur

connaissance du système bancaire tunisien et de

ses réalités.

Pour conclure…

Le secteur bancaire tunisien est le principal

moteur du développement économique du

pays se retrouve aujourd’hui dans une situation

di7cile au lendemain de la révolution du 14

janvier 2011, marquée par une incertitude

politique et économique. Les dé$s à relever sont

considérables pour répondre aux aspirations du

peuple, notamment en termes d’emploi dont le

principal remède est l’atteinte d’une croissance

économique forte, dans un contexte marqué par

permettant de mieux mesurer les répercussions,

d’étudier les meilleurs scénarios et options

nationales à retenir, de préparer et de sensibiliser

les principaux acteurs concernés et de prendre

les mesures d’accompagnement qui s’imposent.

Cette approche peut être résumée en plusieurs

étapes :

l’examen des réglementations internationales

et de leur environnement,

l’initiation d’un processus d’échanges

d’expériences et de discussions avec les autorités

de régulation de pays ayant déjà adopté ces

référentiels (par exemple : la France, le Maroc,

etc.).

la préparation du terrain à travers la mise en place

de questionnaires destinés aux établissements de

crédit avant chaque réforme, permettant de faire

un état des lieux et de mesurer les impacts,

le choix des éventuelles options à retenir en

adéquation avec les spéci$cités et les réalités

locales,

l’identi$cation des principales divergences avec

la réglementation nationale,

l’identi$cation des textes légaux et

réglementaires à modi$er (règles comptables,

prudentielles, convergence des règles $scales,

etc.) pour répondre aux exigences des nouvelles

normes,

la communication auprès de l’ensemble des

parties prenantes sur les réformes envisagées

(organisation de conférences, publications, etc.),

la mise en place d’un calendrier clair et précis

en matière d’objectifs à atteindre,

la préparation du secteur bancaire, à travers

l’implication des établissements de crédit dans la

préparation et la conduite de ces réformes, et leur

sensibilisation aux opportunités qu’elles o(rent,

la mise en place de fortes mesures

d’accompagnement, à travers la publication

de guides d’application, de recommandations,

l’organisation de formations, etc.

La réforme doit être progressive ; en matière

comptable, la Tunisie aura deux options ; soit la

convergence des normes locales vers les normes

IFRS, soit leur adoption. En matière prudentielle,

l’ensemble des pays ayant adoptés les accords

de Bâle II, ont adopté l’approche standard dans

un premier temps, avant d’o(rir la possibilité

d’appliquer les approches avancées dans un

deuxième temps.

Cette adoption graduelle permettra au régulateur

et aux établissements de crédit de se préparer et de

s’adapter aux nouvelles dispositions, et d’amortir

les investissements $nanciers, organisationnels et

humains nécessités par cette réforme.

Le processus de préparation et de mise en place

des réformes doit être piloté par la BCT, tout en

associant l’ensemble des parties prenantes à

ce projet (représentants du Conseil du Marché

une crise économique mondiale.

La sortie de ce « cercle vicieux » nécessite des

mesures d’urgence pour traverser la crise à

court terme, et surtout des réformes de fond

et des décisions politiques courageuses dans

divers secteurs d’activité, en particulier le secteur

bancaire, pour construire des piliers solides pour

l’économie tunisienne.

Dans le domaine bancaire, les autorités tunisiennes

et à leur tête la BCT, doivent prendre les mesures

adéquates pour engager un plan de réformes

ambitieux pour la mise à niveau du secteur

bancaire tunisien aux standards internationaux

et pour rétablir la con$ance avec les opérateurs

économiques nationaux et internationaux tout

en donnant un signal fort d’ouverture et de

meilleure intégration à l’économie mondiale.

La prise de conscience collective par l’ensemble

des acteurs concernés, le renforcement des

moyens et des missions de la BCT et la garantie de

son indépendance par rapport au pouvoir politique,

constitueront des conditions indispensables pour

la conduite des réformes qui s’imposent et l’atteinte

des objectifs convoités

1: Normes Comptables Tunisiennes (NCT) 21 à 25, applicables à compter des

exercices ouverts au 1er janvier 1999.

2: Circulaire de la BCT n°87-46 « Division, couverture des risques et suivi

des engagements » du 18 décembre 1987, telle que modi$ée et complétée par

la circulaire n°91-24 du 17 décembre 1991, la circulaire n°99-04 du 19 mars

1999 et la circulaire n°2001-12 du 4 mai 2001.

3 : Circulaire de la BCT n°2006-19 du 28 novembre 2006 « Contrôle interne

».

4: Loi n°2001-65 du 10 juillet 2001, telle modi$ée et complétée par la loi

n°2006-19 du 2 mai 2006, relative aux établissements de crédit.

5: Loi n°2006-26 du 15 mai 2006, modi$ant et complétant la loi n°58-90 du

19 septembre 1958, portant création et organisation de la BCT.

6: Communiqué de presse du 24 décembre 2008 du Conseil de la Monnaie de

du Crédit (CMC) de la Banque d’Algérie suite à sa réunion du 23 décembre

2008, www.bank-of-algeria.dz.

7: Oxford Business Group, Annual Business Economic and Political Review:

Tunisia, 2009, www.oxfordbusinessgroup.com.

8: Système comptable des entreprises instauré par la loi°96-112 du 30

décembre 1996.

9: APBT, www.apbt.org.tn, La Chronique du Banquier, n°1, mars 2008,

page 1.

10: European Investment Bank, « Banking in the Mediterranean - Challenges

and Opportunities », November 2011, pages 34 et 35.

11: Circulaire BCT n°2011-04 du 12 avril 2011 intitulée « Mesures

conjoncturelles de soutien aux entreprises économiques a*ectées par les

retombées des derniers évènements pour poursuivre leurs activités ».

12: Circulaire BCT n°2011-06 du 20 mai 2011 intitulée « Renforcement des

règles de bonne gouvernance dans les établissements de crédit ».

13: Circulaire BCT n°2012-02 du 11 janvier 2012 intitulée « Evaluation

des engagements dans le cadre des mesures conjoncturelles de soutien aux

entreprises économiques ».

14: Banque Mondiale, « Rapport sur le Respect de Normes et des Codes

(RRNC) : République Tunisienne -Comptabilité et Audit », Rapport $nal,

octobre 2006.

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Audit, état des lieux en Tunisie et dans le monde

L'’impact de la rotation

des auditeurs sur la qualité d’audit

des établissements de crédit Par Riadh Jribi, Ernst & Young Tunis - page 22

Le système bancaire tunisien :

des réformes cruciales

qui tardent à venir

Par Zied Loukil, Mazars Paris - page 28

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