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Faculté de médecine de Rennes Université de Rennes 1 Mémoire pour l’obtention du DIU Accompagnement et Soins Palliatifs Comité Pédagogique de Rennes Fin de vie : Le savoir-faire de l’aide-soignant en Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes dans le repérage des familles en souffrance Louise Adama NDONG Guideur de mémoire : Madame Mireille VALLEE DENOUAL Date de soutenance : 15 juin 2018

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Faculté de médecine de Rennes Université de Rennes 1

Mémoire pour l’obtention du DIU Accompagnement et Soins Palliatifs Comité Pédagogique de Rennes

Fin de vie :

Le savoir-faire de l’aide-soignant

en Etablissement d’Hébergement

pour Personnes Agées Dépendantes

dans le repérage des familles en souffrance

Louise Adama NDONG

Guideur de mémoire : Madame Mireille VALLEE DENOUAL

Date de soutenance : 15 juin 2018

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Faculté de médecine de Rennes Université de Rennes 1 Mémoire pour l’obtention du DIU Accompagnement et Soins Palliatifs Comité Pédagogique de Rennes

Fin de vie :

Le savoir-faire de l’aide-soignant

en Etablissement d’Hébergement

pour Personnes Agées Dépendantes

dans le repérage des familles en souffrance

Louise Adama NDONG

Guideur de mémoire :

Madame Mireille VALLEE DENOUAL

Date de soutenance : 15 juin 2018

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Remerciements

Je remercie ma Congrégation de m’avoir permis de réaliser cette formation et tout

particulièrement Mère Marie Thérèse, le directeur de l’établissement Rémi Locquet pour les

encouragements et les bons conseils, le cadre de santé Claude Houssin de m’avoir donné du

temps pour la rédaction de ce travail et son aide précieuse.

Un merci particulier à Hugo Vidal-Rosset qui a pris un temps non négligeable pour m’aider

dans la recherche de la documentation, dans la rédaction, sur le fond et la forme, ainsi que la

correction des fautes d’orthographe.

Je remercie Mireille Vallée Denoual d’avoir accepté la guidance de ce mémoire, sa disponibilité

et son tact, ses réponses rapides aux mails et ses conseils judicieux.

Je remercie le Comité Pédagogique de Rennes d’avoir organisé cette formation « DIU

Accompagnement et Soins Palliatifs » dont la qualité ne s’est pas démentie. Je salue leur

compétence, leur écoute, leur disponibilité. Je remercie Alexandra et Patricia pour leur

gentillesse, leur écoute et leur disponibilité.

Je tiens à remercier Mère Catherine et les sœurs de la communauté de la rue Saint Louis pour

l’intérêt qu’elles ont porté pendant ces deux années de formation, avec elles je pouvais partager

les cours reçus.

Je remercie les professionnels de l’unité de soins palliatifs de Bain de Bretagne de m’avoir

accueilli pour mon stage dans le cadre de cette formation ainsi que la communauté des sœurs,

en particulier, Mère Anne Marie.

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Table des matières Table des matières .................................................................................................................... 3

I) La situation critique avec la famille, avril 2016 ....................................................................... 5

II) Les différentes dimensions du cas ....................................................................................... 10

1) La dimension juridique ..................................................................................................... 10

1-a. La loi Claeys-Léonetti comme une aide aux équipes soignantes .............................. 10

1-b. Les directives anticipées ........................................................................................... 11

1-c. La personne de confiance. ......................................................................................... 11

2) La dimension organisationnelle : réunion de synthèse, staff, transmissions .................. 12

2-a. Par une réunion de synthèse .................................................................................... 12

2-b. Par des « staffs » ....................................................................................................... 12

2-c. Par des « transmissions » .......................................................................................... 13

2-d. Par l’insistance toujours plus grande sur l’accompagnement pluri-professionnel .. 13

3) La dimension sémantique ................................................................................................ 14

3-a. Euthanasie et sédation .............................................................................................. 14

3-b. Dignité et droit à mourir dans la dignité ................................................................... 14

3-c. Qu'est-ce qu'une « soignante » ? .............................................................................. 15

4) La dimension liée à l'environnement familial du résident ............................................... 15

4-a. Le besoin d'identifier rapidement la souffrance morale de la famille ...................... 16

4-b. La nécessité d'interpréter le sens d’une demande d’euthanasie ............................. 17

4-c. L'importance d'utiliser des traitements comme alternative à la demande

d'euthanasie ..................................................................................................................... 17

4-d. La nécessité de valoriser et de déculpabiliser les familles dans leur demande de

repos ................................................................................................................................. 18

4-e. L'importance de toujours replacer le choix du résident au cœur des discussions ... 19

III) Les signes de la souffrance des proches qui se cachent derrière des mécanismes de

défense ..................................................................................................................................... 20

1) Les signes d'une souffrance facilement identifiable ..................................................... 21

2) Les signes d'une souffrance dissimulée, cachée derrière des « mécanismes de

défense ». ............................................................................................................................. 22

IV) Que peuvent faire les soignants ?....................................................................................... 26

1) La posture « éthique » du soignant vis-à-vis des familles ............................................... 26

2) L’importance de l’accompagnement pluridimensionnelle des résidents ........................ 31

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V) L’importance de la formation pour que professionnels et familles interagissent

intelligemment autour du résident .......................................................................................... 33

1) Les raisons de la formation .............................................................................................. 33

2) Une formation qui doit s’adresser à plusieurs publics .................................................... 34

Conclusion ................................................................................................................................ 36

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I) La situation critique avec la famille, avril 2016

Ce soir, après le dîner, je rentre dans la chambre de Madame G. pour lui souhaiter

une bonne nuit.

Elle me demande de lui accorder quelques minutes. Je suis intriguée. Je m’assois

près d’elle, je lui tiens la main, je reste à sa hauteur, je la regarde et je lui dis :" je suis à

votre écoute."

Madame G. me sourit avec son regard malicieux et me dit :

"Merci d’avoir accepté de rester avec moi. Vous pouvez vous asseoir ! Vous avez

certainement beaucoup de travail ",

« Oui » ai-je répondu avec un sourire.

Mais, je suis interpellée par son calme et son accueil. Madame G. me parle de la

situation de sa famille, de sa sœur Antoinette qu’elle aime beaucoup et qui a adopté deux

filles, une indienne et une vietnamienne, de Camille « sa fille préférée », de sa maladie

grave qui ne va pas en s’améliorant.

Je prends le temps de l’écouter en restant silencieuse, de la rassurer, d’analyser

chaque mot et d’en prendre compte.

Je lui dis : "Madame G., c’est avec beaucoup de plaisir et d’émotion que j’ai

entendu ce que vous venez de me dire, vous êtes une femme brave !"

"Je l’étais mais maintenant non ! ", répond-t-elle, "Voyez comme je suis, toute

raide de ma main droite déformée, je ne marche plus, toujours au fauteuil ou au lit !"

Mon cœur frémit ! Je compatis profondément à sa situation et avec beaucoup d’humanité

je lui dis : "vous avez votre famille, surtout votre époux qui est présent sept jours sur sept".

« C’est vrai mais la maladie est là." me rétorque-t-elle.

Elle reprend : " Cette sale maladie, se manifeste par une anxiété extrême, de

l’angoisse et parfois je délire et j’ai même des hallucinations mais à côté de tout cela,

j’aime la vie, j’aime être élégante et bien habillée ".

A ces mots, je reste stupéfaite, étonnée de la lucidité de Madame G. et de sa

compréhension de sa maladie. Et cela d’autant plus qu’elle avait crié tout l’après-midi,

qu’elle avait été très agressive verbalement à l’encontre de son mari et qu’il était difficile

de la calmer. En effet, il était manifeste qu’elle en voulait à son mari de n’avoir pu demeurer

à domicile.

Je suis sortie de sa chambre émue, pensive mais en même temps admirative de

la discussion qui venait d’avoir lieu. En rentrant dans la salle de soins pour écrire mes

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transmissions dans l’ordinateur, je découvre un courrier qui a été transféré à l’établissement

par l’équipe mobile d’accompagnement des soins palliatifs écrit par la famille de Madame

G. Dans celui-ci, l'époux de Madame G. et sa fille Camille expriment le souhait de « faire

quelque chose » pour Madame G., procéder à une « sédation profonde » pour « en finir »

car selon eux, leur proche souhaiterait « mourir ». D'autre part, ils estiment qu'elle a perdu

sa dignité et ils ne supportent plus les cris lors de leur passage. Ils expriment un mal-être.

Je me sens particulièrement mal de cette découverte. Je reste paralysée de peur !!

Que faire ? Garder le secret ou interpeller l’établissement ? Je n’ai pas la conscience

tranquille car je suis sensée ne pas avoir vu ce courrier mais, par erreur, une infirmière ne

l'ayant pas rangé à sa place, il est tombé sous mes yeux. Je suis perturbée car je sais que je

ne pourrai pas dormir. J'en parle à la mère supérieure qui fait partie de l’équipe

administrative. Elle interpelle à son tour le Directeur de l’établissement. Le problème est

pris au sérieux : le directeur et le médecin coordonnateur me convoquent et me demandent

ce que j’ai compris du courrier. Je leur dis que, en l’espèce, les mots « soins palliatifs »,

« sédation profonde » et « en finir » manquent ici de clarté. Le médecin a pris le temps de

m’expliquer tous les mots qui étaient exprimés dans ce courrier. J’ai mieux compris

comment passer des soins curatifs aux soins palliatifs en améliorant le confort des patients

et préserver leur qualité de vie le plus longtemps possible.

Malgré les explications du médecin coordonnateur, je garde en tête cette idée de

la famille de vouloir, si l’on peut dire, « se débarrasser » de leur proche. Je ne comprends

toujours pas. Je me sens toujours mal, d’autant que je ne cesse de repenser à la discussion

que j’ai eue avec Madame G. où elle s’est exprimée clairement en ces termes : « j’aime la

vie ».

Quelques jours plus tard, une réunion est organisée en présence d’un médecin et

d’une infirmière de l’équipe mobile des Soins Palliatifs, du psychologue, du médecin

coordonnateur, d’une infirmière de l’établissement, de l’époux de Madame G., de sa fille

Camille et de moi-même pour discuter de l’accompagnement de Madame G. et de sa

famille.

Il est 11h du matin, nous rentrons tous dans la salle de réunion de l’établissement

située au rez-de-jardin, il fait jour, avec quelques rayons de soleil au rendez-vous ! Chacun

muni d’un stylo, d'un bloc note ou d'une feuille blanche pour prendre des notes ; l’ambiance

est plutôt calme mais les regards sont lourds. Je m’inquiète de savoir ce qui va se passer.

Chacun se présente à tour de rôle. Le médecin de l’équipe mobile commence par donner la

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parole à l’époux de Madame G. en lui demandant ce qu’il comprend des mots qu’il exprime

dans son courrier c’est-à-dire « sédation profonde », « en finir », « perte de dignité ». Mr.

G. réplique « ma femme souffre beaucoup, n’accepte pas sa situation et ça me fait de la

peine de la voir dans l’angoisse ; j’ai écrit à un ami médecin pour lui exprimer ma

souffrance et celle de ma famille et c’est lui qui m’a conseillé de m’adresser à l’équipe

mobile d’accompagnement des soins palliatifs pour nous aider ; car nous n’en pouvons

plus ! Ma fille et moi sommes à bout de souffle ». Sa fille à son tour prend la parole et dit :

« maman n’est plus ce qu’elle était avant ; elle a perdu sa dignité ; je suis en peine de la

voir, lors de mes passages, crier, angoissée ; j’ai l’impression qu’elle n’a jamais de bons

moments sauf peut-être quand elle dort … si vous pouvez nous aider à l’endormir. Elle

exprime son désir de mourir ».

A ces mots je suis intérieurement bouleversée mais paisible. En tant que

religieuse, vous imaginez que j’ai invoqué l’Esprit Saint de nous éclairer sur cette question

délicate.

Je prends la parole à mon tour, avec beaucoup de sérénité. J’explique à la famille

avec clarté les bons moments que l’équipe soignante passe avec Madame G. Comme la

toilette, le lever, les repas, le coucher. Tous ses moments se passent bien. J'explique que

Madame G. a beaucoup d’humour, que, selon moi, elle aime la vie et que depuis qu’elle

est dans notre établissement, je ne l’ai jamais entendu dire qu’elle voulait mourir.

Je partage ensuite une conviction : c'est une chose d’accepter que la vie s’arrête, mais nul

n’a le droit de me prendre ce qui reste de ma vie.

J'explique que le sens de ma vie, c’est aussi d'agir pour que la vie de l’autre ait

du sens. En effet, par notre amour, nous témoignons à une personne diminuée qu’elle a le

droit d’exister. Sans lui faire de grands discours, mais par nos petites attentions, signe que

nous l’aimons. Quand est-on le plus heureux ? Quand on voit que l’on nous aime.

Je signifie à la famille que c'est aussi l'amour qu'ils éprouvent pour leur proche qui les porte

à ne pas vouloir voir celui-ci souffrir. Je trouve que c'est normal.

J’évoque également les instants passés avec la coiffeuse de l’établissement qui

sont des moments agréables et qu’il est bon de maintenir, lorsque Madame G. revient de

chez la coiffeuse, elle est fière de ses beaux cheveux. Je parle également des passages de

son auxiliaire de vie et de leur relation proche. Je raconte ses promenades dans le jardin et

comment elle parle de sa famille aux soignants. Elle nous dit souvent qu’elle a de beaux

enfants et petits-enfants et elle en est fière. Elle aime ce qui est beau, aime la vie et se sent

en sécurité dans l’établissement.

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« Avec tout ce témoignage d’amour vous pensez que votre proche veut

mourir ? » Tous restent perplexes ! Je vois sa fille, toute émue, qui me dit : « merci sœur

Louise ». A ce moment-là, toute émue moi aussi, je dis à sa fille « je vous comprends, c’est

difficile de voir votre maman crier quand vous êtes auprès d’elle, mais nous sommes là

pour vous aider ». L’ambiance devient de plus en plus détendue.

Le médecin de l’équipe mobile à son tour explique avec clarté à la famille de

Madame G. ce que dit la loi Claeys-Léonetti sur la sédation profonde : « la sédation en

Soins Palliatifs se définit comme une alternative thérapeutique pour soulager la détresse

d’un patient en phase terminale. Ce droit est ouvert dans trois situations :

« Lorsque le patient atteint d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est

engagé à court terme présente une souffrance réfractaire au traitement » ;

« Lorsque la décision du patient, atteint d’une affection grave et incurable, d’arrêter un

traitement, engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entraîner une

souffrance insupportable » ;

« Lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté et, au titre du refus de l’obstination

déraisonnable … dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie, celui-

ci applique une sédation profonde et continue… ».

« Dans tous les cas, poursuit-il, une procédure collégiale est mise en œuvre pour vérifier

préalablement que les conditions d’application sont remplies. L’ensemble de la procédure

est inscrit dans le dossier médical. Votre maman n’est pas à ce stade et notre rôle en tant

qu’équipe mobile c’est d’accompagner votre maman, votre épouse et vous-même en lien

avec le médecin traitant et l’établissement qui l’accueille. Nous ne sommes pas là pour

aider à mourir ».

S'en suit un grand silence dans la salle. En promenant mon regard sur les

professionnels présents je lis dans leurs yeux une paix et une sérénité extraordinaire car le

médecin de l’équipe mobile d’accompagnement des soins palliatifs vient de nous livrer un

message fort sur l’accompagnement des personnes en général.

Le psychologue de la maison poursuit, comme pour insister sur l'enjeu relatif

aux perceptions : « Madame G. n’est plus ce qu’elle était ! Et elle ne le sera plus jamais ».

Il explique que lorsque la famille évoque une « perte de dignité », l’équipe de la maison

préfère parler d’une « dégradation physique ». Il continue : « pour l’équipe, Madame G.

reste digne malgré sa maladie et les soignants, par leurs actions, ont pour objectif de

restaurer un « sentiment de dignité » pour Madame G. et sa famille. La notion de

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« dignité », qui, on l'observe, n'est pas connotée univoquement, mériterait peut-être donc

de faire l'objet d'un travail de réflexion entre la famille et l'équipe. Car, en effet, cette

sensation d’une perte de l’image peut parfois conduire des familles à la demande que « tout

s’arrête » lorsque la situation clinique devient critique. Or, on sait que, cliniquement,

Madame G. continuera de vivre, malgré les pertes et la déchéance physique imposée par

sa maladie ». Et il ajoute : « Madame G. semble présenter un syndrome extra pyramidal

majeur avec raideur. De ce fait, le passage du kinésithérapeute pourrait être profitable sur

le plan physique et permettrait aussi de venir mettre un cadre sur des moments de la

journée. L’on pourrait également élargir cette idée avec des passages du coiffeur, de la

socio-esthéticienne permettant une action sur le corps. Par ailleurs, Madame G. pourrait

également produire un discours positif sur son image ». D'autant que l'on sait que

l'insistance sur cet aspect « fonctionne » avec cette résidente.

En fin de réunion Mr. G. reprend la parole et dit : « je souhaite être consulté en

cas de problèmes médicaux, de jour comme de nuit, afin de s’assurer qu’une « obstination

déraisonnable » ne soit pas mise en place pour mon épouse (pas d’acharnement

thérapeutique) ».

De ce fait, le psychologue propose à l’ensemble des membres de la réunion,

d’écrire « une fiche SAMU-PALLIA » afin de sécuriser la prise en charge de Madame G.

dans l’Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD). Tous

sont d’accord. Et il ajoute en se tournant vers moi, aide-soignante très proche de

madame : « c’est aussi important, Sr Louise, de communiquer à la famille que Madame G.

vit des moments agréables, la qualité de son sommeil qui est assez bon, qu’elle apprécie

les repas, pour permettre à la famille qui vit souvent des moments négatifs de se rendre

compte de l’état de son proche ». Mr. G. s’exprime de nouveau : « je suis apaisé et soulagé

de savoir qu’il y a ces moments positifs en mon absence. Cela me rassure énormément

ainsi que ma fille ici présente ! »

Le médecin de l’équipe mobile reprend la parole et dit : « L’anxiété de la

résidente semble plus importante vers 16h et jusqu’au coucher. De ce fait, la prise de

l’anxiolytique au goûter pourrait être systématisée pour tenter d’apaiser ce moment. Cela

permettrait d’avoir une évaluation plus fine de ce qui se passe pour Madame G. La prise

des neuroleptiques et de l’antidépresseur sera quant à elle décalée après le repas pour ne

pas induire de somnolence pendant celui-ci et faciliter l’endormissement ».

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A la fin de la réunion, nous avons pu discerner ce que la famille ressentait par

rapport à son proche et ce que l’équipe pouvait envisager comme accompagnement en

fonction de sa propre analyse. Chacun est satisfait de la réunion, famille comme

professionnels présents. Nous nous quittons après 1h30 de discussion dans la bonne

humeur. Personnellement, je me sens soulagée et j’ai mieux compris le rôle de l’équipe

mobile d’accompagnement des soins palliatifs. C'est à ce moment-là que j’ai profité de leur

présence pour leur exprimer mon désir de faire le diplôme interuniversitaire (DIU) de soins

palliatifs.

II) Les différentes dimensions du cas

1) La dimension juridique

Dans la situation évoquée par la famille de Madame G., la loi Claeys-Léonetti

est bien explicitée par le médecin de l’équipe mobile. Celui-ci a, en effet, permis à

l’ensemble des membres de l’équipe présente et de la famille d’incarner le sens profond de

l’esprit de cette loi. Cette dernière condamne l’obstination déraisonnable, rend possible

l'arrêt de traitement dans le cadre d'une procédure collégiale pluridisciplinaire, renforce les

soins palliatifs et met en place les dispositions pour que le patient, quel que soit son état de

conscience, puisse faire valoir ses souhaits, éventuellement par des directives anticipées

et/ou par une personne de confiance désignée par lui.

1-a. La loi Claeys-Léonetti comme une aide aux équipes soignantes

Comment la loi peut-elle être aidante dans la situation que j’ai choisie ? La loi

peut aider car elle donne la parole aux malades à travers un droit qu’il nous faut intégrer

aujourd'hui dans notre pratique et dans notre engagement de soignants. Ce droit est de

soulager, d’éviter la souffrance du patient et l’obstination déraisonnable.

Ce droit ne doit cependant pas obturer la pensée et figer les pratiques ; ni devenir

une revendication de la part des proches. Nous, professionnels, devons rester vigilants

quant à l’usage détourné ou le maniement inapproprié de cette technique médicale. De ce

fait les dérives doivent être identifiées. C’est le cas de la famille de Madame G., ils étaient

mal informés sur la loi. Grâce à l’intervention et à la compétence de l’équipe mobile, les

choses ont été mises au clair.

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1-b. Les directives anticipées

L’article L1111-11 du code de la santé publique dispose que « toute personne

majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état

d’exprime sa volonté. Ces directives anticipées expriment la volonté de la personne relative

à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions de la poursuite, de la limitation, de l’arrêt

ou du refus de traitement ou d’acte médicaux ».

Dans la situation que j’ai évoquée, Madame G. n’avait pas encore rédigé ses

directives anticipées, ce qui a engendré un sentiment ambivalent avec la demande de la

famille à vouloir peut-être s’imposer et profiter de l’état précaire de son proche pour

demander la sédation profonde. En effet, les directives anticipées sont considérées comme

des données qui contribuent aux prises de décisions médicales. En particulier, « lorsque la

personne est hors d’état exprimer sa volonté, la limitation ou l’arrêt de traitement

susceptible d’entraîner son décès ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure

collégiale mentionnée à l’article L 1110-5-1 du Code de la Santé Publique et les directives

anticipées » (article L1111-4 du Code de la Santé Publique). Il convient néanmoins

d’interpréter celles-ci avec prudence dans le contexte immédiat de la maladie, en

bénéficiant du concours des proches et de la personne de confiance, lorsque celle-ci a été

désignée par la personne au début ou au cours de la maladie.

1-c. La personne de confiance.

L’article L 1111-6 du Code de la Santé Publique dispose que « toute personne

majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le

médecin traitant et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer

sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin. Elle rend compte de la volonté

de la personne. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage ».

Dans la situation décrite, Madame G. avait désigné son mari comme personne

de confiance. Selon ce dernier, Madame G. souhaitait mourir car « elle n’en pouvait plus »

et considérait qu’elle avait perdu sa dignité. Dans ce contexte, les soignants doivent

consacrer toute leur attention à la solitude et au dénuement de la famille en situation de

précarité relationnelle et morale. L’équipe doit être très à l’écoute et discerner les besoins

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des proches en souffrance. En effet, dans cette situation, nous sommes passés à côté d’une

famille en souffrance morale. Potentiellement, cela pouvait entraîner un biais important

dans la capacité de la personne de confiance à exprimer ce que souhaitait véritablement la

personne malade.

2) La dimension organisationnelle : réunion de synthèse, staff, transmissions

Comme l’explique bien le médecin de l’équipe mobile lors de la réunion que

nous avons tenue au sein de l’établissement, la loi française prescrit un processus

décisionnel précis qui passe par la prise en compte de la volonté du malade, éventuellement

sous la forme de directives anticipées ou, à défaut, sa personne de confiance s'il est hors

d'état d'exprimer sa volonté et par une procédure de concertation entre tous les

professionnels de santé engagés dans les soins à ce patient ainsi qu'une consultation de son

entourage. La façon dont les différents professionnels se consultent et allient leurs

connaissances au service de la personne en fin de vie et à chaque étape de la fin de vie doit

donc faire l’objet d’une attention toute particulière. Voici comment l’établissement tente

de répondre à ce besoin :

2-a. Par une réunion de synthèse

Elle est organisée toutes les deux semaines dans chaque unité de soins. La

réunion de synthèse rassemble l’équipe pluridisciplinaire de l’unité présente. Elle est

animée par l’infirmier présent dans l’unité. Le médecin coordonnateur, le cadre de santé et

la psychologue participent à cette réunion en fonction de leur présence dans

l’établissement. Et malgré cette bonne organisation du service nous n’avons pas pu

discerner la souffrance des proches de Madame G.

2-b. Par des « staffs »

Le staff est un moment d’échange entre les soignants sur la prise en soins des

patients. Dans celui que nous avons organisé avec la famille de Madame G. et deux

intervenants de l’équipe mobile d’accompagnement des soins palliatifs, plusieurs

thématiques ont été abordées comme la prise en charge de la résidente mais également

l’accompagnement de la famille en souffrance. Les échanges nous ont permis d’évaluer

l’état général du résident et d’adapter la prise en charge par exemple en décalant la prise

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de l’anxiolytique vers 16h lors du passage de la famille afin de permettre à Madame G.

d’être paisible et de diminuer ses cris.

2-c. Par des « transmissions »

Les transmissions écrites sont tracées dans le dossier informatisé du résident. Les

transmissions orales se font chaque jour entre les équipes de nuit et de jour ainsi qu’entre

les infirmiers et les aides-soignants tout au long de la journée et de façon formelle en début

d’après-midi chaque jour. Souvent nous parlions de la famille de Madame G., de leur

omniprésence auprès de leur proche, de leur relation avec l’équipe qui était sympathique

mais jamais nous n’aurions imaginé un instant qu’ils en avaient assez d’entendre leur

proche crier jusqu’à demander de mettre fin à ses jours.

2-d. Par l’insistance toujours plus grande sur l’accompagnement pluri-professionnel

Le cas de Madame G. permet de valoriser les compétences de chaque personne.

Les aides-soignants, tout d’abord, prennent un rôle de plus en plus important, en particulier,

d’accompagnement, d’écoute, d’observation des moindres gestes des résidents, et ce

d’autant plus si le résident a des difficultés à s’exprimer.

Les soignants peuvent également définir un accompagnement qui soit en

continuité avec l'histoire de vie et qui permette finalement de mettre du sens sur la fin de

vie. Cela est d’autant plus vrai, que souvent, les soignants qui aident le résident à retrouver

le fil conducteur de sa vie, à s'accepter, se reconnaître et se réconcilier avec lui-même.

Dans la même veine, le rôle du psychologue est particulièrement important. Ici,

il a permis de faire naître chez la famille une acceptation sur l'état de la personne, qui a

changé, mais la résidente garde une valeur en elle-même.

Cette pluri-professionnalité autour de la culture palliative devrait se développer

dans les années à venir en EHPAD. Ici, l’intervention de l’équipe mobile a été très

pédagogique pour l’ensemble de l’équipe soignante et les membres de la famille de

Madame G. Il me semble que la diffusion de la culture palliative pour les personnes âgées

passe donc par la formation initiale et continue en soins palliatifs des médecins, des

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soignants paramédicaux et même des bénévoles. Une fois cette culture davantage diffusée,

les réunions entre différents professionnels auront davantage de sens encore.

3) La dimension sémantique

Les termes employés dans la lettre et les propos oraux de la famille de Madame

G. méritent d’être définis et travaillés car la sémantique est source d’enjeux symboliques

et pratiques. Ainsi, pour éviter d’employer un langage équivoque et qui recouvre des

pratiques diverses, les mots les plus justes doivent être employés, pour décrire de la manière

la plus précise qui soit, des réalités toujours complexes et mouvantes.

3-a. Euthanasie et sédation

Il convient tout d’abord de redéfinir ce qu’est l'euthanasie : « L'euthanasie

consiste dans le fait de donner sciemment et volontairement la mort ; est euthanasique le

geste ou l'omission qui provoque délibérément la mort du patient dans le but de mettre fin

à ses souffrances ». Une fois l’euthanasie définie, on peut comprendre si « la sédation »

demandée par la famille relève d’une pratique euthanasique ou non.

En effet, certaines personnes reconnaissent la sédation en phase terminale

comme une pratique utilisable en derniers recours dès lors que l'on respecte le principe du

« double effet » : l'objectif délibérément voulu par le traitement doit être de soulager la

souffrance et c'est uniquement comme conséquence, non voulue, qu'il aurait comme « effet

secondaire » d'abréger la vie. Dans la situation de Madame G., la famille souffre et ne

trouve pas les mots justes pour parler de cette volonté « de supprimer la souffrance ». Elle

semble mettre un signe d'égalité entre la sédation et le fait d'abréger la vie.

3-b. Dignité et droit à mourir dans la dignité

La famille évoque également « la dignité » de Madame G. en l’associant à une

demande d’euthanasie. Cette demande pourrait témoigner d’une conviction personnelle

selon laquelle chacun est juge de sa propre dignité. Dans ce cadre, celle-ci peut se perdre

quand la personne malade ou âgée a subi beaucoup de pertes physiques et mentales et ne

peut plus effectuer les actes de la vie quotidienne.

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L’établissement pourrait lui aussi revendiquer la valeur de la dignité de chacun

et, de ce fait, « le droit de mourir dans la dignité ». Cette expression serait alors synonyme

de « droit à des traitements antalgiques efficaces, droit de refuser un traitement

disproportionné, droit d'accès à des soins palliatifs et refus de l'euthanasie ». C'est

également l'esprit de la loi Léonetti et de la loi Claeys Léonetti et l'esprit dans lequel notre

établissement travaille.

3-c. Qu'est-ce qu'une « soignante » ?

Les soignants, comme les médecins, s’engagent souvent dans ce métier parce

qu’ils croient à la valeur de l’homme et à la nécessité de défendre l’être humain.

Prendre conscience des raisons qui poussent des êtres humains à se mettre au

service d’autres êtres humains permet de comprendre comment la possibilité de

l’euthanasie vient percuter l’engagement des soignants et fragiliser potentiellement la

confiance que les soignés ont aujourd’hui dans les personnes qui les accompagnent. C’est

dans ce contexte que j’ai été profondément affectée en découvrant le courrier de la famille

de Madame G. J’ai eu le sentiment que mes valeurs en tant que soignante avaient été

bafouées. J’ai eu l’impression d’échouer dans mon rôle d’accompagnante.

4) La dimension liée à l'environnement familial du résident

La situation de Madame G. en dit long sur l'importance du sujet des aidants

familiaux, et ce d’autant plus que la personne accompagnée nécessite un accompagnement

de chaque instant, au moment de la fin de vie.

Les aidants naturels peuvent être eux-mêmes déjà assez âgés et peuvent faire

l’objet d’éclatements et de recompositions familiales ou encore d’éloignements

géographiques. Ces cas rendent plus difficiles encore pour les proches, l’appréhension de

situations souvent complexes.

Bien en amont de situations difficiles, il conviendrait donc d'apprendre, en

famille, à parler de la mort. Puis, au moment où adviennent ces situations, de tenter de se

signifier concrètement que les jours qui restent à vivre, malgré le mal et la souffrance qui

les habitent, font partie intégrante de la vie et contribuent au sens de cette vie. La

proposition de rédaction des directives anticipées et de désignation d'une personne de

confiance peut également aider à apprivoiser la mort et à faire prendre conscience à chacun

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de nous qu'il aura un jour à se déprendre de sa vie. Dans cette optique, les professionnels

des soins palliatifs ont un rôle social à jouer pour permettre à chacun, et à la société dans

son ensemble, d'envisager plus sereinement l'approche de la mort.

Le rôle des professionnels à l'égard des familles a donc des implications sur les

familles, sur les proches souffrants et sur la société dans son ensemble. Je me propose ici

de développer cette idée. Je cherche par ailleurs, en travaillant sur le rôle de l’équipe

soignante face à une famille aidante en souffrance devant leur proche en fin de vie, à

développer mes compétences. En effet, chercher à accompagner les familles éprouvées

moralement et physiquement par l’entrée de leurs proches en EHPAD, mais aussi par la fin

de vie de leurs proches, me permet de redéfinir à profit le savoir-faire et le savoir-être des

aides-soignants.

Voici les enseignements tirés du cas développé jusqu'alors :

4-a. Le besoin d'identifier rapidement la souffrance morale de la famille

Dans la situation que j’ai choisie, la famille de Madame G. est très présente. Elle

occupe une place importante. Elle exprime son mal être de voir son proche en souffrance

physique, psychologique et spirituelle. Elle n’accepte pas la déchéance physique de son

proche. Elle a le sentiment que son proche ne vit jamais de bons moments. Il me semble

que Madame G. profite de leur présence pour attirer leur attention sur son état. Elle les

interpelle avec force et elle semble en tirer du plaisir.

Il me parait important de nous préoccuper de la souffrance des familles et des

proches. C'est un élément indispensable de l’accompagnement de la fin de vie, même si

nous n’arriverons pas à éliminer totalement cette souffrance. En effet les proches de

Madame G. souffrent, et nous, l’équipe, nous n'avons pas su découvrir cette souffrance.

Nous n’avons pas pu discerner qu’ils étaient mal à ce point. Or, l'enjeu d'un tel

discernement est pourtant majeur : des proches bien accompagnés peuvent à leur tour plus

facilement assumer les responsabilités de proches accompagnants.

Pour accompagner davantage ces familles, il faut être capable de distinguer les

sentiments qui les portent. Ils peuvent être de l'ordre de la culpabilité, du déni ou proches

de ce que l'on pourrait caractériser de « fuite en avant ». De ce point de vue, il est nécessaire

d'identifier ces émotions mais également de les comprendre intimement et de les respecter

infiniment. C'est la condition indispensable au dialogue en confiance et désintéressé autour

de la situation du résident. Ce dialogue entre le résident, l'équipe soignante et la famille

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doit se faire de manière apaisée et libre, en cherchant à comprendre ce que souhaiterait le

résident pour lui-même, dans les limites de ce que la loi permet.

4-b. La nécessité d'interpréter le sens d’une demande d’euthanasie

Dans la situation de Madame G., la famille utilise explicitement le

mot « sédation profonde », « en finir ». Peut-on sous-entendre une demande d’euthanasie ?

Il me semble que la famille ne mesure pas la portée de ce mot. Elle souffre et interpelle

l’établissement par le biais de l’équipe mobile d’accompagnement des soins palliatifs.

Comment leur faire prendre conscience de leurs propos ? Nous l’avons fait en staff : leur

faire verbaliser leur compréhension sur les mots qu’ils utilisent. Parfois certains proches

ne savent plus où ils en sont, quand la vie s’en va doucement. Ils sont en souffrance, ils

sont tentés de demander au médecin « s’il ne peut pas faire faire quelque chose », ou ils

laissent entendre que ce serait aussi bien. « Oui on souffre trop », disent-ils. C’est vrai. Ils

souffrent de voir le leur en difficulté, c’est une épreuve. Mais pour ne pas souffrir, eux,

faudrait-il le condamner à mort, lui ? De qui ont-ils vraiment compassion finalement ?

C’est pourquoi je pense qu’une juste compréhension des différentes étapes par lesquelles

passe le résident en phase terminale permet de saisir le véritable sens d'une demande

d'euthanasie qui est souvent une demande d'écoute et d'un autre regard porté sur leur proche

afin qu’ils croient que la vie de celui-ci a encore de la valeur. C'est ce qui s'est passé lors

de la réunion avec la famille de Madame G. quand nous avons raconté tous les moments

passés avec la résidente.

4-c. L'importance d'utiliser des traitements comme alternative à la demande d'euthanasie

Souvent, la demande d'euthanasie a lieu car la douleur et les symptômes de la

maladie ne sont pas suffisamment bien traités. D'où l'importance d'un traitement antalgique

efficace, de médecines alternatives comme l’aromathérapie, les massages en soins

palliatifs. Dans la situation évoquée plus haut, plusieurs solutions ont été entreprises. La

nécessité d’écrire une fiche SAMU PALLIA pour sécuriser la prise en charge de Madame

G. Cette fiche permet au médecin intervenant en urgence d’avoir des informations utiles

pour permettre une prise en charge appropriée de la résidente selon son état et ses souhaits.

Il a également été décidé de décaler la prise de l’anxiolytique à 16h pour diminuer son

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angoisse et l’antidépresseur. Cela a permis d’améliorer son accompagnement dans le sens

où elle était plus apaisée et son mari pouvait à ce moment-là passer le relais à l’équipe

soignante sans aucune culpabilité.

4-d. La nécessité de valoriser et de déculpabiliser les familles dans leur demande de repos

Du constat dressé d’impossibilité de l’équipe soignante à prendre en compte la

souffrance des proches de Madame G. et des difficultés qui en résultent parfois pour des

proches à accompagner leur parent souffrant, traçons quelques voies pour les soignants :

La première responsabilité des équipes soignantes est selon moi de valoriser le

rôle de la famille. Sa présence quasi-quotidienne est indispensable. Il est donc important

de rappeler aux familles la complémentarité entre le rôle des professionnels en EHPAD et

leur présence à elles, indispensable.

La deuxième responsabilité des équipes soignantes est de prendre acte des

difficultés provoquées par le fait d’aider une personne en souffrance : fragilisation de la

santé de l'aidant, retentissement sur sa vie professionnelle et sociale, difficultés financières,

épuisement. Les soignants doivent donc associer à cette valorisation du rôle des aidants un

droit au répit des familles, de manière à leur permettre de souffler, de reprendre des forces,

pour ne pas s’user elles-mêmes. Et c’est ce que nous avons proposé à l’époux de Madame

G. au cours de la réunion. J'insiste sur la nécessité de déculpabiliser la famille dans sa

demande de repos et de savoir signifier à celle-ci que l'équipe soignante prend soin du

proche dans tous les cas lors des vacances de la famille. Dans le même ordre d’idée, il nous

a peut-être manqué ici le réflexe de transmettre à la famille, plus en amont, les moments

positifs que nous vivions avec Madame G., ce qui aurait pu permettre de « faire souffler »

mentalement les proches.

Enfin, la troisième responsabilité des équipes soignantes est de développer une

approche très humaine, au bénéfice des résidents, mais aussi des familles. La fin de vie ou

la maladie sont pour beaucoup le moment où le besoin d'être en lien avec d'autres est

important. Ce peut être un moment de souffrance, mais aussi d'émotions, un temps essentiel

de passation, d'échanges de paroles ou d'histoires familiales, de gestes … Un moment pour

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tenter de penser à notre condition d'êtres humains, celle d'individus singuliers appartenant

pleinement à un groupe social. Les soignants doivent donc également valoriser ce moment

auprès des familles.

4-e. L'importance de toujours replacer le choix du résident au cœur des discussions

Enfin, il me semble primordial de replacer le résident au cœur de ses choix, y

compris en fin de vie. De ce point de vue, il me semble qu’il existe une certaine

incompréhension des proches de Madame G. lorsqu’ils évoquent « qu’elle avait perdu sa

dignité et qu’il fallait l’aider à en finir par la sédation profonde ». Cette question a été

réfléchie en équipe et a permis de mettre en place des dispositifs efficaces et cohérents qui

tiennent compte de l’intérêt direct supposé de Madame G. mais aussi des possibilités et

disponibilités de l’équipe soignante pour agir le mieux possible en faveur de la résidente.

Et en ce sens il me parait important de s’interroger sur les questions éthiques que soulève

cette situation. Que dit le résident ? Quel est le degré d’évolution de sa maladie ?

Dans la situation décrite, la résidente n’était pas informée verbalement. Même si

celle-ci était diminuée mentalement, il me semble important dans une situation pareille,

d'informer la résidente et de lui demander son avis. Dans ce contexte la famille était perdue,

désemparée, et cherchait en réalité à refuser les indices d'une volonté éventuelle de la

résidente en faveur de la continuité de la vie. Dès lors c’est à nous, l’équipe soignante d’être

toujours plus attentive à ces indices.

L’objectif de ce travail étant de progresser dans ma pratique quotidienne, j’ai

choisi de travailler sur le savoir-faire et le savoir-être de l’aide-soignant en EHPAD dans

le repérage des souffrances des familles.

Compte tenu de la quantité importante de travail, il est vrai que nous soignants,

ne sommes pas toujours disponibles quand il faut intervenir. Il manque en effet parfois d’un

temps spécifique consacré aux familles et aux proches dans les soins relationnels. Pourtant,

ces derniers devraient en principe occuper une place importante pour un meilleur

accompagnement des résidents et des familles. De plus, la famille, constitue un élément

actif de l’environnement du patient et exerce une influence importante sur son équilibre

physique et psychique.

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La fin de vie exacerbe ces éléments. Comme nous le rappelle en effet Justine

Renny, psychologue clinicienne en équipe mobile de soins palliatifs au centre hospitalier

Victor Jousselin à Dreux : « la fin de vie est un moment ultime de vulnérabilité, pour celui

qui est malade, mais aussi pour son entourage. Ce temps du mourir va venir renforcer les

ressentis d’hostilité. Nous pouvons souvent entendre dire des familles « c’est inhumain de

le voir comme ça », « on devrait pouvoir lui permettre de finir sa vie dignement… ». De

telles réactions peuvent être évitées si nous, accompagnants, nous sommes formés pour

repérer de telles souffrances, même si nous n’arrivons pas à tout éradiquer » (RENNY,

2003). D'où l'intérêt de repérer ces souffrances (III), pour ensuite les prendre en

considération de manière adaptée (IV). Nous verrons ensuite, comme le souligne Justine

Reny, que la formation doit jouer un rôle essentiel dans cette démarche (V).

III) Les signes de la souffrance des proches qui se cachent derrière des mécanismes de défense

Il se trouve qu’en tant qu’aide-soignante, mon savoir-faire consiste en particulier

à observer le moindre geste, d’être à l’écoute en étant disponible, d’analyser des

comportements anormaux et cela d'autant plus que les résidents ne peuvent exprimer eux-

mêmes les choses. La chercheuse Lucie Lechevalier Hurard constate le même phénomène

en Unité d'Hébergement Renforcé (UHR) : « Les savoirs [des AS], essentiellement

expérientiels car liés à l'intimité, la régularité et la multiplication des observations qu'elles

peuvent réaliser, se trouvent valorisés en tant que savoirs particuliers, dont les autres

professionnels ne disposent pas, mais sur lesquels ils s'appuient » (HURARD, 2014).

Je peux donc capitaliser sur ce savoir-faire pour également observer les familles

puis sensibiliser les autres professionnels aux raisons profondes de certains

comportements. Cette observation est en effet la condition d’une aide bénéfique à l’égard

des familles, comme, d’ailleurs, à l’égard du résident. Françoise Niessen et Olivier de

Dinechin expriment cette idée en ces termes : « l’accompagnant peut avoir un rôle très

bénéfique en aidant à l’expression de ce qui semble inexprimable dans la souffrance et à

l’émergence de questions que le sujet peut se poser, à faire la part entre ce qui est mal

physique et mal moral face à de fortes culpabilité, à trouver un chemin de vie par des

questions délicatement suggestives. » (NIESSEN & DE DINECHIN, 2015).

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Quels peuvent être les signes de la souffrance de ces familles envahies par la

souffrance de leurs proches malades ? Si les proches connaissent des sentiments où la

souffrance est relativement évidente de l'extérieur et donc facile à identifier par les

soignants (1), la souffrance est parfois difficile à repérer car elle se cache derrière des

mécanismes de défense de la part des proches (2).

1) Les signes d'une souffrance facilement identifiable

• Le sentiment d’épuisement et de culpabilité

L’épuisement des familles des personnes en fin de vie est fréquent. Il

s’accompagne souvent d’un sentiment de culpabilité. Cette culpabilité rend conflictuelle

ou tout au moins difficile la relation que les familles entretiennent avec les soignants. Elle

est souvent provoquée par le transfert du malade en institution, alors que la famille en

prenait soin à domicile.

C’est le cas de Mr. L. qui est rentré chez nous il y a quelques semaines. Il était

pris en charge à domicile par l’hospitalisation à domicile (HAD). La famille était donc

« aux petits soins ». Avec l'arrivée en EHPAD, la famille ne retrouve plus sa place en tant

qu'aidante ; elle semble culpabiliser, elle fait aveu d’impuissance, alors que Mr. L. compte

de plus en plus sur elle. Celle-ci s’inquiète de la compétence de l’équipe soignante et a la

tentation de vérifier et de surveiller les faits, gestes et paroles des soignants. En plus de ce

souci s’ajoute la culpabilité d’être infidèle à une promesse qu’elle avait dite à son proche :

« je te promets d’être toujours là pour toi et de te garder toujours à la maison ».

• Des silences habituels

Parfois, nous voyons des familles non communicantes ; elles ne disent pas un

mot à l’équipe soignante. Cela a parfois été le cas lors du séjour entier d’un résident au sein

de l'EHPAD. C'est un choix qu'il faut savoir respecter. Cependant selon moi, c’est

précisément à ce moment-là qu’il faut aller vers elle sans faire du « forcing », savoir

respecter leur silence qui est parfois très lourd pour l’équipe, mais aussi ouvrir la possibilité

d’un dialogue par une parole rassurante et délicate. Montrer cette disponibilité quotidienne

peut s'avérer efficace à ce moment précis du parcours du résident à l'EHPAD.

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• Une communication rendue soudainement difficile

« Toute famille dont l’un des siens va mourir, traverse une crise menaçant son

équilibre. La maladie l’affecte, comme elle affecte le corps du mourant. Le rôle de chacun

des membres est bouleversé. La famille doit intégrer la perte à venir et se réconcilier avec

l’idée qu’elle ne sera plus jamais la même » rappelle David Oliviere, du St-Christoph’s

Hospice (MAZZOCATO & GUISADO, 2002).

Un tel « séisme » secouant la famille peut parfois provoquer brutalement un

manque de communication de la part de la famille souffrante. De la même manière, il est

important à ce moment-là, selon moi, d’informer les membres de la famille et de tenter de

dialoguer avec ces derniers, sans jamais vouloir forcer les choses pour autant. Et David

Oliviere poursuit : « chaque famille a sa manière de fonctionner, de communiquer.

Néanmoins, beaucoup d’entre elles sont tentées de protéger le malade et les enfants avec

pour conséquences l’isolement et une perte d’intimité relationnelle. L’objectif de

l’accompagnement sera de rétablir ou faciliter la communication entre les divers

membres. » (MAZZOCATO & GUISADO, 2002)

Pour David Oliviere, tenter de faciliter le dialogue entre les membres d'une

même famille peut permettre de sortir le résident d'une forme de solitude qui se serait

instaurée malgré la volonté de ce dernier. Il est délicat de dire quel rôle les soignants

peuvent alors prendre aux relations intrafamiliales. Si l'équipe pluri professionnelle décide

de s'engager sur cette voie, cela ne peut être fait que de manière extrêmement délicate, par

exemple en proposant l'accompagnement du psychologue de l'établissement aux familles.

2) Les signes d'une souffrance dissimulée, cachée derrière des « mécanismes de défense ».

Plusieurs autres signes de souffrance sont plus difficilement repérables. Ce sont

ceux qui se dissimulent le plus souvent derrière ce que l'on appelle des « mécanismes de

défense ». (SDB, 2009)

Selon A. Freud « les mécanismes de défense représentent la défense du moi

contre les pulsions instinctuelles et les affects liés à ces pulsions » (SDB, 2009) . Les

mécanismes de défense, inconscients et involontaires, servent à protéger la conscience

d’une émotion douloureuse ou inacceptable. Ils ont pour objectif la réduction des tensions

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psychiques. Autrement dit, ils protègent la cohésion de l’appareil psychique et facilitent

l’adaptation à un monde externe parfois hostile.

Dès lors, un sujet n’est jamais en souffrance « parce qu’il y a des défenses » mais

parce que les défenses qu’il utilise habituellement s’avèrent inefficaces, trop rigides, pas

assez variées, trop fréquentes, mal adaptées à la réalité interne et externe. Dans ce cas, les

mécanismes de défenses perturbent le fonctionnement psychique au lieu de le protéger.

Parmi ces mécanismes de défense, on peut distinguer en particulier des

mécanismes « de dégagement ». Ils visent à un aménagement des conflits internes du sujet,

c'est-à-dire du membre de la famille en souffrance, pour s’adapter à une situation externe

difficile (par exemple une hospitalisation, l'annonce d’une maladie ou la familiarisation

avec une situation difficile etc.). Cela peut prendre diverses formes. D’autre part, ces

mécanismes de défense peuvent être caractérisés par un « déplacement ». Ainsi la famille

en souffrance va-t-elle intégrer l’information (par exemple l'annonce d’une toute fin de vie)

sans ressentir l’affect d’angoisse qui y est associé. Elle peut poser des questions sur

l'accompagnement et rester tout à fait calme et sereine. L’angoisse va être déplacée sur un

autre élément moins angoissant (la peur que les placards soient mal rangés par exemple).

Par-delà ces deux caractéristiques, tentons de dresser la liste des signes de

souffrances cachées derrière des mécanismes de défense et que les soignants peuvent

utilement repérer :

• Certaines plaintes

A première vue, les plaintes pourraient être considérées par les soignantes

comme l’expression d’une famille très exigeante ou d’un « ras-le-bol ». En réalité, il

pourrait s’agir aussi, pour certaines plaintes, de l’apparition manifeste d’une souffrance

jusqu’ici dissimulée.

Lisons ensemble ces quelques plaintes des familles dont se fait l'écho Annie De

Vivie, fondatrice du site internet Ageville.com (VIVIE, 2005) :

- « 30 à 50 euros par jour pour un accueil de jour, comment pourrais-je y avoir accès ? »

- « Plus de 15 euros de l’heure pour un service prestataire, comment faire quand maman

a besoin de 4 à 6 heures d’aide par jour ? »

- « 1500 euros par mois à la charge des résidents, or mes parents ont une petite retraite,

comment faire ? »

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Au sein de l'EHPAD dans lequel je travaille, ce genre de plainte est fréquent. Par

exemple, un membre d’une famille dit souvent que « maman est mal habillée ». Si les

soucis financiers ou les imperfections des actions menées par l’équipe peuvent être réels,

nous devons toutefois être très vigilants car il est probable que la famille n’accepte pas la

dégradation de son proche malade ou dépendant et l’exprime autrement.

• Le déni

Le déni est un mécanisme radical et exceptionnel qui permet à la famille ou au

malade d’effacer de sa conscience une information trop agressive sur le plan psychique. Il

est évoqué souvent de manière inappropriée par les soignants, médecins inclus, lorsqu'une

famille ou un patient ne souhaite pas parler de sa souffrance morale.

• La fuite

La fuite n’est pas seulement physique, mais aussi relationnelle : elle peut alors

s'exprimer par des bavardages ou des propos centrés sur soi « moi aussi je… » ou déniant

la réalité « maman ou papa a bonne mine aujourd’hui ». Ce mécanisme de défense est

rencontré très fréquemment. Il est le résultat d’une tension excessive chez la famille en

souffrance qui se décharge d’une vérité trop lourde à porter.

• La révolte

Il arrive que la famille considère les soignants comme des « incapables » face à

la souffrance qu’elle traverse. Elle déverse alors sa colère sur l’ensemble de l’équipe et

surtout sur les aides-soignants qui sont très proches de leur parent malade.

• Le refoulement (angoisse)

Le refoulement est un rejet dans l’inconscient des représentations désagréables

ou douloureuses. La famille pense et dit que « tout va bien » mais les éléments refoulés

restent actifs dans l’inconscient et remontent, on parle de « retour du refoulé ». La famille

va alors ressentir des symptômes (angoisses, tensions, troubles du sommeil) sans faire le

lien avec sa situation : « je dors mal en ce moment, c’est sans doute mon travail ».

• Un souci de maîtrise

La famille en souffrance va tenter de contenir son angoisse en ayant une attitude

de contrôle et de vérification de tout ce que fait l’équipe soignante. Elle semble mettre en

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doute le traitement, les posologies, se montre critique voire « tyrannique ». Cela peut être

très éprouvant pour l’équipe soignante qui peut se sentir remise en cause dans sa

compétence et dans la confiance qu’on lui accorde.

• La demande d’euthanasie

La demande est relativement fréquente mais rarement formulée au médecin

référent car il est plutôt investi dans les traitements curatifs. En tant qu’aide-soignante,

notre rôle est d’évaluer les causes de cette demande puis de transmettre celle-ci à

l’infirmier, au médecin et au psychologue.

Nous faisons le choix de placer « la demande d’euthanasie » dans cette rubrique

des mécanismes de défense car il nous apparaît qu'il s'agit souvent davantage d'une

expression maladroite d'un désir d'abréger les souffrances, plutôt que d'une véritable

demande délibérée de mettre fin à la vie d'un proche. Faute de trouver une alternative

devant la souffrance, la solution paraît être la mort elle-même. De là naît l’urgence de

soulager la douleur des proches sur ses versants physiques, psychologiques, sociaux,

spirituels …

En effet, ne serait-ce que s'agissant de la personne en fin de vie elle-même, je

pense comme, Françoise Niessen et Olivier de Dinechin qu’une «juste compréhension des

différentes étapes par lesquelles passe le patient en phase terminale permet de saisir le

véritable sens de la demande d'euthanasie qui est souvent une demande d'écoute et d'un

autre regard porté sur lui afin qu'il croie que sa vie a encore de la valeur » (NIESSEN &

DE DINECHIN, 2015). Pour les familles également, cette demande d’euthanasie peut-être

le signe d’un appel à l’aide qui s’exprime maladroitement.

• Le deuil

D’après les psychanalystes S. FREUD, K. ABRAHAM et M. KLEIN, le deuil

serait « la réaction à la perte, au décès d’une personne suffisamment proche d’une

personne aimée ». C’est dans ce contexte que j’évoque les familles éprouvées par la

souffrance en se séparant des leurs quand ceux-ci entrent en institution ou décèdent dans

l’établissement. L’endeuillé vit ce moment très difficilement. A ce moment-là, la présence

de l’équipe soignante est importante. « Son rôle auprès d’eux est essentiel pour soutenir

leur mécanisme d’adaptation, pour éviter également une anticipation trop précoce de la

mort » (SIVADE, GABOLDE, FRASCA, & BURUCOA, 2016) Adaptation face à cette

nouvelle situation qui s’impose à la famille du défunt.

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En guise de conclusion, nous pouvons dire que tous ces mécanismes de défense

servent à protéger la conscience d’une émotion douloureuse ou inacceptable. Ils ont pour

objectif la réduction de tensions psychiques et permettent à la famille de moins souffrir. Ils

sont garants de l’équilibre psychique. Les soignants doivent être capables d'identifier ces

signes pour comprendre les familles. En effet, « comprendre autrui, c'est respecter son

altérité, sa dignité, sa liberté. Comprendre autrui, c'est retrouver le sens, la signification

et l'orientation de ce qui est différent » (CYRULNIK & MORIN, 2017). Ainsi Boris

Cyrulnik explique-t-il que comprendre permet d'accepter plus facilement. Dès lors, la prise

en compte de ces mécanismes de défense, rend-t-elle plus facile l’accompagnement des

familles par les soignants.

Tentons à présent de dessiner les contours de cet accompagnement.

IV) Que peuvent faire les soignants ?

Pour beaucoup des signes évoqués, nous avons donné des pistes de solutions,

des astuces pour les soignants face aux attitudes des familles. Tâchons à présent de dégager

des lignes de forces plus fondamentales quant aux types de postures appropriées face à la

souffrance des familles (1), en insistant sur l’accompagnement pluridimensionnel propice

à inspirer aux familles de la confiance à l’égard des soignants (2).

1) La posture « éthique » du soignant vis-à-vis des familles

Comme l’explique Jacques Le Goff, « l’éthique désigne une manière singulière

d’habiter une situation critique, d’aborder des problèmes difficiles, c’est une disposition

existentielle au questionnement, au doute, à l’inquiétude révélatrice de ce que l’on nomme

le tact » (LEGOFF, 9 octobre 2014). Quelles peuvent-être les caractéristiques de ce tact

des soignants ?

• La présence et le sotien inconditionnel des soignants

Au moment de la fin de vie d'un proche, chaque membre de la famille traverse

souvent une crise personnelle. Il est confronté à la solitude, a des rapports modifiés avec le

malade, à des conditions d’accompagnements difficiles, à de profonds sentiments

d’impuissance parfois sources d’agressivité vis à vis de l’équipe soignante.

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Les soignants sont alors souvent confrontés aux attentes parfois contradictoires

des malades et des familles.

Les familles ont alors besoin d’être écoutées et soutenues par l’équipe soignante.

Concrètement, il s’agit de créer un climat de confiance, un climat propice à l’échange et

intégrer les familles dans la prise en charge de leur proche. Il s’agit d’offrir aux familles un

cadre de parole, de dialogue possible. Cela permet d’identifier qui aider comme, par

exemple, les familles peu ou mal informées. La personne soignante se doit alors de se faire

proche et d’être attentive aux limites de la famille dans la souffrance qu’elle traverse et ce

de manière inconditionnelle. Ainsi, Sophie Bernard Lemonnier, psychologue à l’unité de

soins palliatifs de Fougères, affirme que « notre travail en tant que professionnels de santé

est d’aider les personnes à supporter l’insupportable. » (Ouest-France, 12 octobre 2014).

C’est dans le même sens que l'on pouvait entendre ces paroles lors de la conférence de

consensus : « l’accompagnement en fin de vie et de leurs proches » mercredi 14 et jeudi15

janvier 2004 à la faculté Xavier-Bichat à Paris : « accueillir un malade c’est accueillir

toute une famille qui est malade. Accueillir les familles et leur faire place, c’est d’abord

prendre conscience de leur présence. » (COLOMBAT et ali, 14 et 15 janvier 2014).

• La valorisation du rôle des proches

Comme nous l’avons précédemment esquissé, redisons ici qu’il faut aussi savoir

valoriser les proches. Ainsi, la newsletter du journal Le Quotidien du Médecin du 18 juillet

2013 présentait-elle la nouvelle doyenne des français, Madame Olympe Amaury, 112 ans.

Son fils, interrogé sur le secret de la longévité de sa mère, expliquait alors malicieusement

: « Elle n'a jamais fait de sport, n'a pas mangé 5 fruits et légumes par jour. Elle ne voyait

jamais le médecin. C'est peut-être ça ? » Mais le premier élément mentionné par la cadre

de santé de la maison de retraite du Loiret où elle vit était : « la présence quasi-quotidienne

de la famille ». (Le Quotidien du médecin). Il est donc important de rappeler aux familles

la complémentarité entre le rôle des professionnels en EHPAD et leur présence à elles,

indispensable.

En fin de vie, cette complémentarité est encore plus essentielle puisque les

proches peuvent avoir un rôle particulièrement intime. « Pour l’entourage, c’est le temps

d’une relation silencieuse avec le malade, d’un contact corporel, d’un touché caressant,

d’une présence attentive et discrète » (NIESSEN & DE DINECHIN, 2015).

Cependant, valoriser la famille par l’accueil est une chose, mais il est autrement

plus délicat d’informer cette dernière de la fin de vie de son proche. Il en va de la confiance

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qui lie la famille à l’équipe soignante. Pour garantir la confiance nécessaire réciproque à la

complémentarité dans l’action, ainsi faut-il à mon sens prévenir la famille des situations

difficiles, aborder avec elle les questions douloureuses émotionnellement, lui expliquer ce

qui se passe ou risque de se reproduire, et même lui expliquer les produits utilisés lors des

soins et enfin lui montrer comment elle peut être aidante dans l’accompagnement.

• Redonner du sens à l’accompagnement

Les diverses réactions des familles étudiées ci-avant peuvent naître du fait que

les familles estiment, parfois à raison, que leur proche « a changé », « ne se sent plus

utile », « n’est plus capable de communiquer ». Les soignants peuvent alors montrer qu’en

dépit de ces changements objectifs, ils attachent de l’importance à établir une continuité

entre la vie passée de la personne et son accompagnement présent. Les soignants peuvent

ainsi définir un accompagnement qui soit en continuité avec l'histoire de vie et qui permette

finalement de mettre du sens sur la fin de vie. Cela est d’autant plus important qu’ « il y a

souvent si peu de temps pour aider quelqu'un à retrouver le fil conducteur de sa vie, à

s'accepter, se reconnaître, le décodage est si difficile, si lent, si symbolique que bien des

personnes meurent en cours de route en laissant beaucoup de questions » (NIESSEN &

DE DINECHIN, 2015).

• Inspirer confiance au résident et à ses proches en préservant l’interdit de donner la mort

La confiance qu’inspirent les soignants et les médecins au patient est l’élément

central qui permet à ce dernier de consentir librement aux soins et d’être de plus en plus

acteur de son propre parcours de santé. La nécessité d’une telle confiance constitue sans

doute la raison pour laquelle l’interdit de tuer figure dans le serment d'Hippocrate, prêté

par les médecins avant de commencer à exercer : « Je ferai tout pour soulager les

souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la

mort délibérément ». Le Code de déontologie médicale rappelle, lui, que « le médecin n'a

pas le droit de provoquer délibérément la mort » (art38). C’est pourquoi, selon le Comité

Consultatif National d’Ethique, dans son avis n°121, rendu en juin 2013, en page 53 : « la

légalisation du suicide assisté ou de l'euthanasie n'est pas de nature à apporter une réponse

aux problèmes aigus et prioritaires [de la fin de la vie] […] ; il [le Comité] souligne les

risques qui en découlent [de cette légalisation] au regard de l'exigence de solidarité et de

fraternité qui est garante du vivre ensemble dans une société marquée par de nombreuses

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fragilités individuelles et collectives ». (COMITE CONSULTATIF NATIONAL

D'ETHIQUE, Juin 2013).

En effet, lever cet interdit reviendrait à fragiliser la confiance que les résidents

portent envers les soignants et les médecins en EHPAD. Dans une société individualiste,

et dans laquelle les personnes âgées intègrent parfois trop facilement qu’elles constituent

« une charge », cette confiance est essentielle. Les soignants doivent donc montrer aux

familles qu’ils croient fortement à la valeur de l’homme. Françoise Niessen et Olivier De

Dinechin soulignent d’ailleurs que « pour tout homme, croyant ou non, la vie a un

caractère mystérieux. Elle vient de plus loin que lui et l'homme a conscience d'une

grandeur qui le situe à part du reste de l'univers ».

• Envisager la possibilité de la résilience lorsque la famille voit une impasse

Je mettrais en valeur, avec le Pr Jean-Philippe Assal, précurseur d’une approche

intégrée du patient et de sa famille, le concept de résilience. « Cette capacité qui permet à

un individu de croître malgré les pertes, de se développer de manière positive malgré un

environnement à haut risque, « d’aller de l’avant » après une maladie ou un traumatisme,

de s’adapter à une nouvelle réalité. Le rythme d’un tel processus est propre à chaque

personne. Pour autant, chaque être humain dispose également d’une même capacité de

résilience, qui varie selon les individus et chez une même personne, selon les événements,

les âges, des conditions favorables lui permettant de « renaître ». Pour mieux l’illustrer,

Jean-Philippe Assal utilise en métaphore l’incendie de la forêt de Yellowstone. « Aux

premières images de désolation succèdent un paysage, qui petit à petit se reconstruit pour

laisser la place à de jeunes arbres verdoyants. Paradoxalement, ils n’ont pu naître que

grâce à ce même feu qui a ravagé le parc ».

« Au sein du processus de résilience, le soignant joue un rôle essentiel, car il

peut, par son attitude, le favoriser ou l’entraver. Par exemple, l’isolement entravera la

faculté de résilience d’une personne alors qu’une relation de confiance, dans laquelle

l’autre assume un rôle de témoin de celui qui a été et de ce qui est, la valorisera. En

reconnaissant chez le patient et ses proches la présence de ces germes de vie, en élaborant

avec eux des objectifs respectueux de leur singularité et de leur rythme, en cessant de nous

focaliser sur les seuls déficits, nous pouvons renforcer un tel processus. » (MAZZOCATO

& GUISADO, 2002). Le Projet d’Accompagnement Personnalisé en EHPAD permet de

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formaliser une telle démarche. La résilience qui peut en naître se fera alors en dépit d’un

certain fatalisme de la part des familles. Puis, par capillarité, et devant les progrès, fussent-

ils infimes, du résident, la famille pourra également envisager la résilience.

• Pouvoir répondre aux questions des familles de manière « technique » et humaine

La mort reste une expérience terrible pour la personne malade et pour sa famille.

A la toute fin de vie, les familles souffrant moralement ou psychologiquement disent

souvent leur peur de voir leur proche malade souffrir, de subir l’acharnement thérapeutique

ou encore leur crainte de ne pas être écoutées par le corps médical. En effet, c’est dans ces

moments que l’équipe soignante doit être plus attentive au moindre détail, aux mots

employés par la famille. Ces derniers sont souvent verbalisés par les familles dans des

phrases telles que : « j’espère qu’il ne souffre pas » ou bien « combien de temps cela va

durer ? », « Il ne subira pas l’acharnement thérapeutique ? », « J’espère qu’il ne mourra

pas de soif et de faim ? ». Tant de questions évoquent la souffrance des familles et des

proches. Le rôle de l’équipe et surtout de l’aide-soignant est d’être compétent. Il faudra

utiliser son savoir-faire en matière d’humanité et ses connaissances en tant qu’aide-

soignant formé.

Concernant la question fréquente de la douleur, il est possible de répondre que

« le soulagement de la douleur est une obligation ». Comme le dit la loi Léonetti : « le

devoir et l’obligation pour les médecins à tout mettre en œuvre pour soulager aux mieux

les malades ».

Concernant la question du temps qu'il reste à écouler avant de voir la personne

partir, personne ne le sait. Comme nous dit Saint Marc dans le chapitre 13, 32 « pour ce

qui est du jour et de l’heure personne ne connaît ».

Pour ce qui est de l'acharnement thérapeutique, l'on répondra que l’acharnement

est interdit en France. La loi Léonetti d’avril 2005 condamne les pratiques d’obstination

déraisonnable et en général les familles connaissent bien cela. Elles l’expriment parce

qu’elles souffrent de voir les leurs souffrir.

Pour la demande que le proche «ne meurt pas de faim et de soif », il est prouvé

qu’en fin de vie la faim et la soif ne sont pas des sensations ressenties par les patients. La

nutrition ou l’hydratation médicalement assistées ne sont pas forcément indispensables en

fin de fin de vie. Il existe d’autres moyens pour assurer le confort, comme les soins de

bouche qui évitent la sensation de la bouche sèche.

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2) L’importance de l’accompagnement pluridimensionnelle des résidents

Les résidents, par le biais du Projet d’Accompagnement Personnalisé

notamment, doivent être accompagnés de manière globale et personnalisée afin de rassurer

les familles sur le fait que l’EHPAD considère leur proche comme une personne à part

entière, prise dans toutes ses dimensions, et non comme un simple « objet de soin ». Dès

lors, je fais le pari que les familles feront confiance à l’équipe soignante.

• L’importance de l’accompagnement psychologique

Françoise Niessen et Olivier De Ninechin soulignent que « la dépression

concerne les pertes passées et la perte à venir qu’est la mort » (NIESSEN & DE

DINECHIN, 2015). Le savoir-faire de l’aide-soignant sera alors de discerner cette phase

difficile qui se manifeste souvent par une tristesse massive. Le plus souvent, à ce moment-

là, les proches en souffrance demandent un geste euthanasique parce que plus rien n’a de

sens pour eux. Il est donc important de renforcer l’accompagnement psychologique au sein

des institutions et d’être capable de repérer les dépressions, de proposer des alternatives

non médicamenteuses pour ne plus entendre la demande comme un souhait de mourir mais

comme une demande d’écoute et d’accompagnement.

• La prise en charge des soucis financiers et aux autres types de précarité parfois corrélées

(sociales, relationnelles …)

Il est important également qu'un professionnel administratif de l'EHPAD évalue

discrètement les ressources financières de la personne et de la famille. Autrement dit, leur

sécurité financière (un toit, de quoi manger, un minimum d'argent) est-elle assurée ?

Y a-t-il une obligation alimentaire ? Si les ressources financières sont insuffisantes, l'agent

administratif pourra monter un dossier d’ « aide sociale » de manière à faire supporter le

coût financier de l'accompagnement par la collectivité. Par ailleurs, l'équipe devra être

attentive à ces personnes en situation de précarité et à mobiliser les ressources qui

manquent à la famille à l'intérieur de l'EHPAD (sociales, relationnelles, compréhension du

projet de soins du résident, adaptation).

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• L'accompagnement spirituel

Le mot « spirituel » est certes tiré du vocabulaire religieux, mais aujourd’hui il

ne désigne pas une réalité réservée seulement aux croyants. « Tout homme, qu’il soit

croyant, incroyant ou indifférent par rapport à la question de Dieu, vit selon une dimension

spirituelle qui appartient à la structure anthropologique » (NIESSEN & DE DINECHIN,

2015). Et cette dimension selon moi s’exprime par le fait que tout homme, en relation avec

d’autres, se pose la question du sens de sa vie et œuvre à la réalisation de lui-même. Il est

important, en tant que soignant, de pouvoir repérer la souffrance spirituelle lorsqu’une

famille se pose des questions sur le sens de son existence, ou de celle de son proche en fin

de vie. Nous pouvons la soulager par le soutien d’une présence aidante, l’encourager à faire

un bilan de vie propre à en dégager le but, la valeur et le sens ; encourager et faciliter

l’expression religieuse autrement, « inviter à la méditation, la musique, la lecture, la

poésie » (PILLOT J. , 1988). Nous devons également pouvoir lui apporter des réponses

positives en ayant par exemple un regard positif sur sa vie passée, présente et future, croire

à la beauté de la vie et ses richesses. Comme disait Vincent Leclercq : « la fin de vie n’est

pas la fin de la vie et de toute relation. » (LECLERC, 2013) ; Oui « notre rôle à nous, c’est

d’aider les malades et les familles à transformer la souffrance morale en une réconciliation

avec la vie. […] La maladie entrouvre en chacun de nous une fenêtre spéciale de notre vie

intérieure, qui libère l’amour enfoui en nous et est un appel aux vraies valeurs. »

(AYOUB, 2005)

Dans tous les cas, l’important, dans ces moments difficiles que ressentent les

familles, est la qualité de l’accompagnement par l’écoute, l’attention, le soutien, les mots

justes, le savoir-faire et le savoir être.

« En conclusion l’accueil et le soutien des familles sont l’une des principales

tâches des soignants : en prenant soin d’elles, ils prennent également soin des malades qui

en dépendent tant. » (COLOMBAT et ali, 14 et 15 janvier 2014) . Pour cela, la nécessité

d’une formation adaptée est évidente.

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V) L’importance de la formation pour que professionnels et familles interagissent intelligemment autour du résident

De manière à ce que les professionnels développent les aptitudes décrites ci-

avant, il semble nécessaire de développer la formation en particulier (1), mais cette

formation ne doit pas limiter son public aux seuls professionnels (2).

1) Les raisons de la formation

Il me semble important, après avoir abordé le repérage de la souffrance des

familles de patients en fin de vie, de parler de l’importance de la diffusion de la formation

en soins palliatifs à tous les professionnels travaillant dans les secteurs médico-sociaux. En

effet, ces professionnels ne sont pas toujours formés à la culture palliative. Pourtant, la

formation occupe une place de choix dans les conditions de réussite de la culture palliative

au sein de la société actuelle. Elle devrait par ailleurs progresser dans les lieux

d’enseignements que sont les facultés et les instituts de formations en soins infirmiers afin

d'infuser en profondeur sur les pratiques en institution comme à domicile. Enfin, il serait

utile de développer une information et une sensibilisation en direction des organismes

médico-sociaux et aussi au niveau des différentes composantes de notre société afin de

faciliter le développement de la culture palliative dans la société.

Mais pourquoi insister sur la formation en particulier ? Notamment parce que la

formation permet de développer chez chaque acteur entourant la personne âgée en fin de

vie trois types de compétences : une compétence relationnelle, une compétence technique

et une compétence organisationnelle.

En effet, « la compétence relationnelle concerne l’accueil, l’écoute,

l’apprentissage de la communication verbale et non verbale. Il s’agit d’ancrer la

possibilité d’un travail en équipe en associant non seulement les différents spécialistes,

mais aussi les diverses catégories professionnelles d’un même service (médecins,

infirmiers, aide soignants, psychologues, kinésithérapeute, auxiliaires de vie...) Le travail

dans le cadre d’un projet partagé doit s’élargir au partenariat avec les bénévoles. La

compétence technique concerne les techniques usuelles de soins, auxquelles il faut ajouter

celles des soins palliatifs. La compétence organisationnelle concerne la démarche

participative. Elle est une clef de la réussite dans la mesure où l’accompagnement n’est

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pas concevable sans mise en relation de professionnels, de techniques, d’institutions et

d’une pluralité d’autres intervenants. La finalité organisationnelle nécessite d’apprendre

à gérer ce nouveau schéma en promouvant la transmission des informations par de

nouveaux outils et la construction de projets partagés ». (COLOMBAT et ali, 14 et 15

janvier 2014).

L'alliage de ces trois compétences chez chaque acteur de la fin de vie permet par

la suite de véritables réunions pluridisciplinaires autour de la personne se trouvant en fin

de vie. On pourra dès lors envisager que cette pluridisciplinarité s'étende à encore

davantage d'acteurs dans les années à venir. En effet, les pouvoirs publics semblent

travailler aujourd'hui sur le développement d'infirmières de nuit en EHPAD, ce qui

permettrait aux personnes âgées d'éviter des hospitalisations sources de morts brutales à

l'hôpital et de bénéficier de soins palliatifs en EHPAD. Le développement de la HAD

pourrait également être une bonne solution pour le « long mourir » des personnes âgées en

EHPAD.

Pourquoi insister sur cet aspect dans un exposé dédié à l’accompagnement des

familles ? Car l’on ne peut créer une culture palliative avec et pour les familles sans que

cette culture infuse d’abord entièrement le corps soignant. Le Professeur Vincent Morel

semble d’ailleurs établir une concomitance nécessaire entre l'effort de formation à fournir

avec l'effort d'information à fournir envers les proches et le devoir d'apprentissage des

proches vis-à-vis des dispositions légales sur la fin de vie : « il faut insister sur la formation

pour que tous les soignants puissent soulager les malades et accompagner les familles en

souffrance. Parallèlement, il faut que les patients et les familles connaissent les soins

palliatifs et la loi Léonetti » (Ouest-France, 12 octobre 2014). C'est dire à quel point la

diffusion de la culture palliative doit concerner tous les segments de la société. Cela ne

pourra se réaliser, selon moi, que si les professionnels sont déjà tous impliqués, dans leur

totalité, dans cette démarche.

2) Une formation qui doit s’adresser à plusieurs publics

• Les professionnels

Au vu de la complexité des enjeux charriés par les soins palliatifs, la formation

des soignants ne peut qu’être fortement conseillée. Elle devrait même être accessible à tous

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pour une meilleure prise en charge des personnes en fin de vie et de leurs proches. C’est

dans ce contexte que nous, soignants, devons inviter les institutions à se mobiliser pour que

l’information passe. C’est dans le même ordre d’idées que la conférence de consensus sur

l’accompagnement des patients en fin de vie et de leurs proches « insistait sur cette

nécessité de formation qui ne soit pas seulement théorique, académique et hiérarchisée.

Elle se doit d’être interactive et se présenter comme un échange entre les professionnels et

les autres acteurs de santé (staff pluri-professionnels). En effet, l’information ne se possède

pas, elle se transmet et se partage dans tous les lieux. La formation doit s’adapter en

permanence dans son contenu à l’évolution des situations et des individus. »

(COLOMBAT et ali, 14 et 15 janvier 2014).

En effet, plus l’équipe sera « au clair » par rapport à la direction qu’elle souhaite

donner à une prise en charge globale mieux elle pourra accompagner le patient et son

entourage. Dans cette veine, je suis convaincue que repérer des familles en souffrance

demande un bon équilibre psychologique et une certaine maturité, bien sûr, aussi qu’une

compétence et des connaissances psychologiques spécifiques sur la souffrance. Le

Professeur Vincent Morel semble confirmer ce point de vue lorsqu’il souligne que « grâce

aux professionnels qui sont formés, on peut rassurer le patient, lui assurer que nous

disposons de tous les traitements, qu’il sera au cœur des décisions qui le concernent et

qu’il ne subira pas d’acharnement ». Il ajoute : « nous accompagnons aussi la famille,

c’est une prise en charge globale. » (Ouest-France, 12 octobre 2014). Là encore, le lien

établi entre le soin du professionnel vers le soigné d'une part et la relation entre le

professionnel et la famille d'autre part semble déterminant dans les propos du président de

la Société française d'Accompagnement et de Soins palliatifs (SFAP).

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Conclusion

Le plus souvent, des situations critiques ou complexes rencontrées en EHPAD

engendrent des besoins et des souffrances à l’égard des familles. La thèse que je porte est

la suivante : le rôle des professionnels de santé gagnerait à l'avenir à toujours plus s'enrichir

d'un souci réel d'accueillir et de soutenir les familles en souffrance et particulièrement

celles ayant un proche en fin de vie.

En effet, si nous considérons que la personne doit être accompagnée dans toutes

ses dimensions, alors l'environnement familial et amical du résident prend aujourd'hui une

place primordiale. L'environnement de la personne doit ainsi être analysé pour permettre

un réel accompagnement global et personnalisé. Une fois ce diagnostic posé, il nous

appartient d'adopter la meilleure posture, après plusieurs discussions en équipes

pluridisciplinaires – formelles et informelles – envers chaque membre de la famille, en

fonction de l'histoire et du vécu propre à chacun. De ce point de vue, la démarche

d'accompagnement global s'étendrait, en un certain sens, à chaque membre de l'entourage

du résident.

Je suis, par ailleurs, convaincue que seule la complémentarité entre

l'accompagnement prodigué par les professionnels et la qualité des liens qui lient la

personne accompagnée à ses proches peut être en mesure de rendre la prise en soin la plus

satisfaisante possible. Lorsque les liens avec des proches sont absents, il nous faut alors le

prendre en compte, et accorder une attention particulière à la personne, en passant plus de

temps avec elle et/ou en déployant un réseau de personnes bénévoles autour d'elle, par

exemple.

Cette attention aux liens entre le résident et ses proches revêt une exigence

encore plus importante lorsque la personne âgée approche de la fin de vie. Chaque morceau

de l'histoire de vie de la personne devient une pièce fragile et précieuse d'un puzzle dont la

reconstitution est souvent complexe mais nécessaire, à l'heure où beaucoup de choses se

nouent et se dénouent dans le cœur et dans la tête du résident. Nombreuses sont, en effet,

les personnes qui « attendent » qu'un événement précis advienne (la réconciliation avec un

proche, voir sa famille unie, recevoir le sacrement des malades …) avant de mourir. Il

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appartient alors aux soignants de ne pas être intrusif dans l'histoire de vie, mais d'aider

délicatement à délier des éléments qui pourraient l'être.

La souffrance de la famille doit également être accompagnée de manière à ce

qu'elle ne pèse pas sur la fin de vie du résident. Dans une société décrite par nombre de

sociologues comme « individualiste » en effet, il n'est pas rare d'entendre des résidents

ayant intégré la sensation d'être « une charge ». Dans ce contexte, il est important que la

confiance que peut nouer la personne âgée envers sa famille, les médecins et les soignants

soit intacte. Or la famille est souvent démunie et envisage parfois l'euthanasie comme une

forme de sortie de la souffrance. C'est alors que le dialogue entre les soignants et la famille

permet souvent à cette dernière d'investir une nouvelle relation qu'elle noue avec son

proche âgé, de redécouvrir la beauté de sa vie humaine, même diminuée. Pour cela, il faut

cependant que tout soit mis en œuvre pour soulager la souffrance du résident, sans quoi

une demande d'euthanasie pourrait paraître légitime, tant la famille souffre à l'idée de voir

son proche souffrir.

Enfin, la souffrance de la famille doit être accompagnée par les soignants pour

elle-même, gratuitement, dans la logique de l'accueil inconditionnel qui préside à

l'accompagnement des résidents en EHPAD. C'est la raison pour laquelle, au sein de

beaucoup d'EHPAD, soignants et psychologues collaborent ensemble pour dialoguer avec

les familles, dans un échange désintéressé, pour faire advenir une parole en souffrance

ayant besoin d'être libérée sur le lieu même de la souffrance.

Pour toutes ces raisons, j’ai pris plaisir à approfondir ce travail sur le repérage

des familles en souffrance. Dans ma pratique professionnelle, il me permettra de mieux

accompagner ces dernières dans la phase difficile qu’elles traversent en étant plus vigilante

à ce qu’elles ressentent, ce qu’elles vivent - en respectant leur douleur - et en étant

davantage à leur écoute. Par ailleurs, ce travail me permettra, dans une logique interactive,

de sensibiliser - voire de former ou d'inciter à former- les professionnels de l’EHPAD au

sein duquel je travaille, à être attentive aux réactions, aux vécus des familles des résidents

ainsi qu'à leur souffrance, visible au travers des différents mécanismes de défense qu'il

nous appartient de décoder. En tant que soignants, nous pouvons en effet mettre les

capacités d'observation, d'analyse et d'action que nous déployons régulièrement auprès des

résidents au service de l'accompagnement des familles, pour le bien de celles-ci et des

résidents, particulièrement ceux en fin de vie.

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ACRONYMES

AS : Aide-Soignant

CCNE : Comité Consultatif National d’Ethique

DIU : Diplôme Inter-Universitaire

EHPAD : Etablissement d’Hébergement pour personnes âgées Dépendantes

HAD : Hospitalisation à Domicile

SAMU : Service d’Aide Médicale Urgente

SFAP : Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs

PAP : Projet d’Accompagnement Personnalisé

UHR : Unité d’Hébergement Renforcé

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Références bibliographies

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