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150 Fig 1 - Lʼ enceinte reportée sur le cadastre actuel (dessin : Robert Thernot INRAP sur fond cadastral Ville dʼAntibes).

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Fig 1 - Lʼenceinte reportée sur le cadastre actuel (dessin  : Robert Thernot INRAP sur fond cadastral Ville dʼAntibes).

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1. Une place forte aux confins duroyaume

Ville-frontière du royaume de France et verrousur les routes maritimes, Antibes a été dotée à par-tir du XVIe siècle de dispositifs défensifs plusieursfois renforcés au cours du temps et entretenus jus-qu’à la fin du XIXe siècle. L’ensemble atteindra uneemprise de 100 à 150 mètres de large et un déve-loppement de plus de 1500 mètres de longueur ducôté terrestre, entre le bastion Saint-André et l’an-se Saint-Roch. Le rattachement du Comté de Niceà l’entité française en 1860, et l’évolution des tech-niques militaires précipitent l’obsolescence de l’en-semble fortifié qui sera finalement arasé entre lafin du XIXe et le début du XXe siècle pour laisserplace à de nouveaux quartiers. Seules lesmurailles en front de mer sont préservéeset impriment aujourd’hui encore leurmarque dans le paysage urbain antibois.

Les documents relatifs à l’histoire deces fortifications sont conservés en gran-de partie par les Archives Municipalesd’Antibes Juan-les-Pins qui en ont fait, ily a une dizaine d’années, une présenta-tion détaillée dans le cadre d’une exposi-tion et d’un catalogue (Froissard 1995).Les données historiques synthétiséesdans cette publication étayent largementle présent exposé1.

Plusieurs opérations archéologiquesprescrites par le Service régional del’Archéologie ont eu pour objectif depuisplus de dix ans, la recherche des vestigesde ces constructions dans le sous-sol de laville. Les fouilles menées ont abordé lesparties nord et ouest de l’emprise des for-tifications (fig. 1) : bastion de Rosny,demi-lune de Rosny et bastion de Guise.Les flancs est et ouest du bastion deRosny ont été suivis sur respectivement60 m et 50 m lors des quatre opérationsqui ont abordé cet ouvrage (Violino 1992,Mellinand et alii 1999, Mellinand 2004aet Mellinand 2004b). Le flanc nord de lademi-lune de Rosny, mis au jour lors del’opération Thiers-Pasteur (Parent Nin2005) a été repéré sur une distance de 16m. Le bastion de Guise a été approché pardeux opérations successives (Dugommier-Tourré, Thernot 2005a, Thernot 2005b, et7/9 avenue Pasteur – Thernot Sivan2006). La première opération menée sur

le fossé et le mur de contrescarpe longeant le bas-tion à l’ouest a permis de suivre ces éléments surune longueur de 22 m et la deuxième interventionsituée à l’arrière de l’emprise restituée du bastionn’a pas révélé de vestiges conservés. Les différentschantiers ont ainsi mis au jour près de 150 mlinéaires de dispositifs défensifs, soit près de 10%de la longueur totale. Cette série d’interventionsarchéologiques autorise à présent un recalage affi-né du plan de l’enceinte sur le cadastre actuel (voirfig 1).

L’observation des structures dégagées et l’étudedes relations stratigraphiques qu’elles entretien-nent avec leur environnement ont été développéesdans ces divers travaux, et assurent ainsi unemeilleure connaissance de l’assise topographiqueet des modes de construction des remparts. Ces

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LES FORTIFICATIONS MODERNES DʼANTIBES :DONNÉES ARCHÉOLOGIQUES RÉCENTES

Robert THERNOT avec la collaboration de Philippe MELLINAND et Florence PARENT

Fig 2 - Plan de lʼancienne et de la nouvelle fortification au XVIIe

siècle

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fenêtres ouvertes sur un passé proche remettentaussi en lumière l’ampleur du chantier de démoli-tion et les bouleversements qui ont affecté la phy-sionomie de la ville au début du XXe siècle pour luiconférer celle que nous lui connaissons aujour-d’hui, faisant écho aux expositions réalisées par lesArchives Municipales d’Antibes Juan-les-Pins en1995 (« Antibes : grandeur et servitudes d’uneplace forte ») et en 2005 (« Archives publiques,archives privées : mémoire de votre ville »). Lesinvestigations archéologiques ambitionnaient éga-lement de recueillir des données sur une éventuel-le enceinte d’époque romaine, dont le tracé suppo-sé serait proche de celui de l’enceinte moderne,mais pour l’heure aucun élément matériel n’est àporter au crédit de ce dossier.

2. L’histoire de la construction del’enceinte

A la fin du Moyen Âge, Antibes n’est encoredéfendue que par la muraille de l’Antiquité tardivequi entoure la ville haute perchée sur le rocherautour du château et de la cathédrale. Une « bour-gade » a cependant débordé cet étroit nid d’aigle ets’étire en direction du chemin d’Italie, qui suit, à600 mètres au nord-ouest du rocher, le rebord

d’une terrasse dominant la dépression orientéevers l’anse Saint-Roch.

Les rois de France, en raison de la position stra-tégique d’Antibes, entreprennent à partir dumilieu du XVIe siècle d’en faire une place-forte etde la doter d’une défense plus efficace englobantune portion de territoire plus vaste. Une citadelle(le castelet) est construite à proximité de l’embou-chure du ruisseau de Laval au sud-ouest de laville. Une courtine ponctuée de bastions semi-cir-culaires et de portes se développe depuis la mer ensurplombant la dépression du Laval, et atteint lesecteur correspondant à l’actuelle place GénéralDe Gaulle. De là, le mur se poursuit en ligne briséeen direction du nord-est vers l’anse du port (fig. 2).Les fortifications sont percées de cinq portes répar-ties en fonction des nécessités de communicationavec la campagne environnante. La principale estla porte de France qui permet de rejoindre le che-min d’Italie, de part et d’autre de laquelle des bas-tions polygonaux seront rajoutés ultérieurement.

Au début du XVIIe siècle, la ville est toujoursvulnérable et les consuls demandent que soientengagés des travaux pour assurer la défense de laplace. Faisant suite à l’ordonnance de Monsei-gneur de Rosny du 28 décembre 1600, surinten-dant des fortifications de France (AM EE27), denouveaux ouvrages commencent à sortir de terre.

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Fig 3 - “Plan de la ville dʼAntibes, échelle 300 toises” (AM 1Fi111. Cliché  : Thierry Maziers INRAP).

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Les sieurs de Bonnefonds père et fils sont chargésde construire un front bastionné côté terre, comp-tant quatre bastions à orillons, ouverts à la gorge,en ne conservant que deux portes : la porte deFrance et la porte Marine. Du sud au nord, ontrouve le bastion du Dauphin qui englobe l’ancien-ne citadelle, le bastion Royal, et le bastion de Guisequi reprennent en par-tie les anciens bastionspolygonaux, et le bas-tion de Rosny domi-nant l’anse Saint-Roch.Mais les travaux sontlents et l’argent manque.

A la fin du XVIIe

siècle, sous l’impulsionde Vauban, le dispositifest perfectionné, etatteint son développe-ment maximal. Les tra-vaux sont confiés à l’in-génieur Niquet.

Conservant le frontbastionné existant, desdemi-lunes et des cava-liers sont ajoutés. Lesfossés sont élargis etprotégés par des glacis(fig. 3). Les bastionssont surmontés par descavaliers. Des rampesde terre battue permet-

tent l’accès des hommes et de l’artille-rie aux terre-pleins successifs et auxcasemates dont sont pourvus certainsbastions. Sur la mer, entre le bastionSaint-André et celui de la Placette, unfront bastionné double la muraillemédiévale, ainsi qu’on peut le voir surla coupe dressée par Jacques Clerguesentre la vieille ville et la mer où l’onreconnaît le profil caractéristique durempart moderne taluté (Clergues1966) (fig. 4). Les dispositifs défensifsvont continuer à évoluer jusqu’à la findu XVIIIe siècle, avec notamment ladémolition de la citadelle et l’adjonc-tion de nouvelles structures fortifiéesdu côté du port. La ville est parée pourrésister aux attaques et aux sièges, etson caractère inexpugnable seraconfirmé par les événements guerriersqui émaillent l’histoire d’Antibes auXVIIIe siècle.

A la fin du XVIIIe s., la remise enfonction de l’aqueduc romain de laFont Vieille par l’ingénieur militaired’Aguillon implique la constructiond’un pont traversant le fossé au nord-ouest du bastion de Rosny (Mellinand

2004b). Après le rattachement du comté de Nice à la

France, l’intérêt de conserver et d’entretenir un teldispositif défensif décroît. Les puissantes fortifica-tions, corsetant la ville dans son emprise histo-rique, sont perçues alors comme un frein à sondéveloppement économique et touristique. La

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Fig 4 - Coupe stratigraphique surle secteur de la vieille ville dres-

sée par Jacques Clergues in

Fig 5 - “Plan de nivellement de la nouvelle ville” Ernest Macé 1894 (AM. Cliché  : Thierry

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municipalité, après delongues démarches, obtientle déclassement de la placepuis l’autorisation dedémolir les remparts. Ladémolition commence àl’extrême fin du XIXe siècle,alors que Robert Soleau estmaire de la ville.L’architecte Ernest Macéest l’auteur du plan desnouveaux quartiers quivont s’établir sur les 24hectares ainsi libérés (fig.5). En opposition avec lelacis de rues étroites de lavieille ville, les quartiersprojetés sont composésd’îlots desservis par delarges avenues rectilignesarticulées autour de lafuture place du Général DeGaulle, nommée à l’origine« place Macé ».

3. Les chantiers de construction del’enceinte au XVIIe siècle

Les principes d’architecture militaire envigueur à l’époque moderne, élaborés en Francepar Jean Errard sous Henri IV, puis développés àla fin du siècle par Vauban, rompent avec la tradi-tion médiévale encore perceptible dans le plan del’enceinte précédente. Les ingénieurs tentent desoustraire les ouvrages au tir des canons en modi-fiant fortement la topographie originelle des lieux,et en opposant à l’impact des boulets métalliquesla massivité de constructions maçonnées rempa-rées de terre. La défense des angles morts en piedde rempart est assurée par le tracé bastionné quipermet la multiplication des angles de tir.

A Antibes, la construction du dispositif est ainsiprécédée d’une importante campagne de terrasse-ment (Mellinand et alii 1999 : p. 41). Les fossés,larges d’une vingtaine de mètres et profonds de 6 à8 mètres, sont creusés dans les terrains annexés(voir Froissard 1995 : p. 29). Les excavations tra-versent des sédiments variés, essentiellementreprésentés par d’anciens dépôts d’origine marineassociant galets et sables, parfois chargés enmatières organiques, et par des colluvions limo-neuses résultant de l’érosion des hauteurs envi-ronnantes (Thernot 2005a, Thernot 2005b : p. 20).Ces déblais sont utilisés comme comblements desstructures maçonnées, mais d’autres prélèvementsont dû être nécessaires car le volume est considé-rable. En effet, les bastions occupent chacun unesurface moyenne de 12 000 m2. Elevés de 8 à 10 mau-dessus du sol avant creusement des fossés, ilssont au nombre de quatre, mais le bastion du

Dauphin bénéficie de la présence du castelet pourconstituer sa masse. Un calcul sommaire permetd’évaluer à environ 300 000 m3 le volume nécessai-re au comblement interne de ceux-ci, auquel il fautajouter celui des 300 m de courtines, soit sansdoute encore 30 000 m3. Le creusement des fosséssur 1 500 m de long, 20 m de large et 7 m de pro-fondeur n’a généré que les deux tiers de ce volumeenviron. Les travaux de la fin du XVIIe siècle aug-mentent encore la masse de sédiments déplacéspar l’élargissement des fossés, la création desdemi-lunes et la constitution d’un glacis larged’une centaine de mètres devant les fossés.

Les bastions et les courtines sont constituésd’une maçonnerie de blocage de plus de 2,50 m delarge, reposant sur des fondations débordantes ins-tallées en tranchée (fig. 6). Lorsque les terrainssont humides et instables comme c’est le cas prèsde l’anse Saint-Roch, les massifs de fondationssont mis en place sur un semis de pieux de bois de1,20 m de long, espacés de 1 m en tous sens etdépassant de 20 cm du sol afin de s’ancrer dans lamaçonnerie (Mellinand et alii 1999 : p. 48). Lemortier, fortement dosé en chaux, est abondant etsolide, et ennoie largement les moellons de calcai-re dur, mis en œuvre bruts ou sommairementéquarris. Des éléments plus petits, galets et frag-ments de briques entrent aussi dans la composi-tion du blocage. Des éléments antiques en remploi– blocs, fragments de béton de tuileau, céramiques- sont également signalés sur certains tronçons(Violino 1992). Les parements externes talutés à20° sont parementés en opus incertum, et régulari-sés par l’application d’une couche de mortier for-mant un enduit à pierres vues. À l’instar des par-ties subsistantes, les photographies de la fin duXIXe siècle montrent en outre que les angles sontrenforcés par des chaînes en grand appareil har-

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Fig 6 - Les maçonneries de la base du bastion de Rosny vues en coupe lors de lʼopération Port Prestige (cl. Eric Llopis AFAN).

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pées dans la maçonnerie des murs, et qu’un cordonsaillant constitué de blocs taillés coure sous leparapet sommital, doté de merlons parementés enbriques de terre cuite. Dans les remblais de démo-lition, de nombreuses briques témoignent de l’uti-lisation de ce matériau dont les lieux de produc-tion, pour l’heure inconnus, devraient être trèsprobablement recherchés parmi les sites de pro-duction de terre cuite proches tel que Vallauris.Les dimensions de ces éléments sont de 31 cm delong, 16 cm de large et 5 cm d’épaisseur, et cemodule se retrouve sur les arcs de front du pont del’aqueduc construit au XVIIIe siècle (Mellinand2005b). Ainsi, les matériaux retrouvés sont compa-rables en dimensions à ceux attestés pour despériodes plus récentes que celles des diverses cam-pagnes de construction de l’enceinte. Il n’est pasinterdit de penser que les parties hautes des forti-fications aient nécessité des réfections au cours dutemps. Cela a pu conduire soit au maintien d’unmodule de brique constant, soit à l’introduction demodules nouveaux.

A l’arrière des murs, des contreforts verticauxjuxtaposés tous les 3,50 m environ sont ancrés per-pendiculairement dans la maçonnerie pour assurerla stabilité de l’ouvrage (fig. 7). Sur la parcellesituée entre l’avenue Thiers et la rue Bertaïna, surle flanc occidental du bastion de Rosny, les pointsde contact entre les contreforts et le mur talutés’élargissent en quarts de cercle (Mellinand 2004a,p. 15). Les parements internes des murs, non régu-larisés, laissent apparaître les empreintes desplanches horizontales du coffrage de bois. Le rem-part et ses contreforts sont élevés simultanémentpar tranches horizontales successives. Des rem-blais sont apportés au fur et à mesure de l’éléva-tion de la construction contre les structures pourcombler les volumes internes et renforcer la solidi-

té de l’ensemble. Descoups de sabre verticauxsont parfois visibles dansles maçonneries, tradui-sant l’étalement dans letemps du chantier deconstruction (Mellinandet alii 1999 p. 42).

Le flanc nord de lademi-lune de Rosny(Parent Nin 2005) estformé de deux mursparallèles en maçonneriede blocage (fig. 8). Le murle plus au nord est carac-térisé par un parementtaluté côté sud tandis quele second mur est vertical.Les moellons utilisés sonttirés soit de roches cal-caires dures soit d’unconglomérat . Ils sont liés

avec un mortier sableux. L’intervalle de 2,20 m delarge en moyenne entre les deux murs est combléde remblais. Il est notable que le fruit du mur nordest disposé du côté interne de celui-ci, soit vers l’in-térieur de la demi-lune. Il ne peut s’agir du mur decontrescarpe car l’espace entre les deux murs esttrop réduit pour constituer un fossé. Les diffé-rences techniques relevées sont vraisemblable-ment à attribuer au fait que les demi-lunes appar-tiennent à la phase de construction de la fin duXVIIe siècle et sont des ouvrages de moindre hau-teur que les bastions.

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Fig  7 - Les contreforts du bastion de Rosny apparaissent arasés lors de lʼopérationPort Prestige

Fig 8 - Vue des deux murs parallèles formant le flanc nord de la demi-lune de Rosny (cliché  : Florence Parent INRAP).

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Les murs de contrescarpe, dont un tronçon fai-sant face au bastion de Guise a été dégagé, bordentle fossé du côté extérieur (fig. 9). Le segment obser-vé est constitué d’une maçonnerie associant moel-lons sommairement équarris, rares remplois demoellons taillés, quelques galets ou fragments debriques, liés avec un mortier fortement dosé enchaux, confectionné avec un sable grossier nontamisé. Le fond du fossé est revêtu d’un pavage decailloux et de galets calibrés (Thernot 2005a etThernot 2005b). Il se situe à une altitude moyennede 11 m NGF,

Lors de l’étude de la parcelle située au 7/9 ave-nue Pasteur, aucun vestige en place n’a été obser-vé (Thernot Sivan 2006). Cette se place à l’arrièredu bastion, à l’aplomb des rampes qui permet-taient l’accès aux terre-pleins successifs. Le bas-tion de Guise constituait une masse considérabledont témoigne unephotographie conser-vée aux ArchivesMunicipales (fig. 10).D’après la coupe des-sinée lors des tra-vaux de la fin duXVIIe siècle pour l’ad-jonction d’un cavalier(fig. 11), l’ensemblemesure environ 15 mde hauteur depuis lefond du fossé, et lahauteur totale dumur de contrescarpeest de l’ordre de 7 m.

Sur l’avenue Du-gommier, le mur decontrescarpe étaitarasé à la cote de12,15 m NGF. Surl’avenue Pasteur, les

cotes de la cour de la parcelle, enpente vers l’avenue sont de 10,69m à l’ouest et 8,50 m à l’est. Lamise en parallèle des altitudesd’arasement sur les parcellesDugommier et Pasteur montre quele nivellement opéré au début duXXe siècle a affecté l’ensemble desmaçonneries et des comblementsinternes du bastion jusqu’à sabase, voire qu’une partie des sédi-ments sous-jacents a été égale-ment éradiquée. En effet, le sol dela cour du 7/9 avenue Pasteur estconstitué par une plage de galetsfossilisée et indurée, probable-ment datable du Pléistocèned’après l’étude géomorphologiqueconduite par Olivier Sivan(Thernot Sivan 2006).

4. De l’enceinte urbaine au territoirede la cité : une approche archéolo-gique globale de la ville

Le plan et les élévations des fortificationsmodernes d’Antibes sont connus grâce aux docu-ments anciens, aux photographies et aux textesconservés dans les archives ; néanmoins, l’observa-tion archéologique des vestiges défensifs dépassele simple objectif de vérification et de recalage duplan. L’étude archéologique de l’enceinte urbaines’ouvre à quatre axes de recherche et de réflexion.

Le premier axe, basé sur le caractère préventifdes interventions, consiste, à partir de la sauve-garde d’informations vouées à disparaître en rai-son de projets d’aménagement, à constituer une

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Fig 9 - Vue du mur de contrescarpe dégagé lors du diagnostic archéolo-gique

Fig 10 - Le bastion de Guise en 1884, photo AM 6Fi27 (cliché Thierry Maziers INRAP).

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banque de données archéologiques et géomorpholo-giques sur le sous-sol de la ville. Il est difficile àpriori de savoir quel intérêt va revêtir l’informa-tion recueillie, surtout à moyen terme lorsqued’autres informations viennent s’ajouter pourconstituer un corpus dont la cohérence peut n’ap-paraître que tardivement. Ainsi, les informationscollectées sur les sédiments vus lors de l’interven-tion de l’avenue Dugommier ont été mises en rela-tion avec les observations menées sur l’avenuePasteur, où la présence d’une plage fossile a per-mis de mieux qualifier les dépôts de galets pré-sents à 100 m à l’ouest. De plus, il est nécessairesur chaque parcelle de vérifier l’état de conserva-tion des niveaux antérieurs à la construction del’enceinte car les situations sont variables en fonc-tion de la topographie de la ville. Dans les zonesbasses comme sur l’opération Port-Prestige, lesniveaux anthropiques antérieurs à l’époque moder-ne sont conservés partiellement car les ingénieursdu XVIIe siècle ont eu recours aux fondations surpieux. Sur les zones hautes, comme sur l’avenueDugommier ou l’avenue Pasteur au contraire, lesexcavations ont été plus importantes et ont atteintdes niveaux antérieurs à l’Holocène.

Le deuxième axe concerne la connaissance destechniques de construction en usage localement,celle des savoir-faire développés pour l’adaptationdu projet architectural, et celle des modes de trans-mission des savoirs au cours du temps. Seule uneétude de terrain permet de cerner précisément lesmodalités de l’implantation de ces structures. Cedeuxième volet s’ouvre à plusieurs chapitres del’histoire des techniques. Ici, une recherche pour-rait être menée sur la fabrication des briques et lesrelations avec les briquetiers ligures dont la pro-duction est connue pour son dynamisme dès la findu Moyen Âge. Parallèlement, l’étude de l’évolu-

tion de l’architecture militaire pourra bénéficierlocalement de plusieurs exemples voisins avecAntibes, Grasse et Nice (cf. Archéam 2005/2006: Bouiron et alii 2006, Bouiron 2006) dont l’inté-rêt réside dans leur appartenance à deux enti-tés politiques et culturelles séparées entre la findu Moyen Âge et le XIXe siècle, période au débutde laquelle précisément, l’Italie fait preuved’une forte avance en la matière.

La troisième piste à laquelle donne accèsl’étude des structures de l’enceinte est celle de lalecture critique d’interprétations anciennesbasées sur des données insuffisamment croi-sées. Ainsi, une photographie prise au cours dela démolition des fortifications sur laquelleapparaît la juxtaposition des contrefortsinternes des courtines, avait-elle conduit cer-tains chercheurs à interpréter ces contrefortscomme des murs appartenant à la cavea duthéâtre antique. La connaissance des modes deconstruction de l’enceinte permet dorénavantd’écarter ce type d’interprétation.

La quatrième piste, enfin, ouvre à uneapproche archéologique globale de la ville. La miseen place d’une enceinte urbaine intègre des don-nées d’ordre topographique, économique et cultu-rel. La physionomie du site urbain originel, sesrapports avec la campagne environnante, sont prisen compte, les ressources locales en matériaux deconstruction sont mise à profit, les relations avecles voies de communication et la géographie deslieux de culte sont modifiées, l’approvisionnementen eau doit être assuré. La construction s’insèredans un contexte largement anthropisé, puis subità son tour une évolution qui aboutit à son dérase-ment. Cette évolution se traduit par une stratifica-tion urbaine qui témoigne de l’histoire matériellede la ville. Les informations collectées dans chaquefenêtre enrichissent le dossier et permettent d’ini-tier une approche diachronique de l’évolution duterritoire. La topographie primitive du site urbainreste perceptible malgré les profonds bouleverse-ments subis par les secteurs affectés par laconstruction puis le démantèlement de l’enceinte.Les sections ouest et sud-ouest des fortifications duXVIIe siècle, elles-mêmes se superposant au tracéde l’enceinte du XVIe siècle, s’implantent sur unrebord de terrasse entre 11 et 12 m d’altitude quiferme la dépression s’étendant entre le rocher àl’est et l’anse Saint-Roch au nord. Ce secteur domi-nant les zones basses tant vers le nord-est que versle sud-ouest a été un point favorable à l’implanta-tion des structures défensives modernes et a dû aucours des périodes antérieures jouer un rôle simi-laire. Aucune découverte correspondant à uneoccupation romaine de type urbain n’est relevéeau-delà du périmètre qui sera délimité par l’en-ceinte moderne. Cette constatation laisse envisa-ger que la ville romaine n’outrepassait pas leslimites ainsi conditionnées par la topographie. Le

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Fig 11 - Le bastion de Guise et les travaux de lʼépoque deVauban dʼaprès un détail du «  Plan des fortifications de la

ville dʼAntibes» (AM1Fi119. Cliché  : Thierry Maziers INRAP).

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secteur urbain de 30 hectares défini par cette limi-te a dû, dans l’Antiquité, présenter une densité deconstruction faible que traduit la présence d’es-paces ouverts, tel que celui identifié lors du dia-gnostic mené dans la rue du Migrainier, où sous lejardin actuel, les niveaux antiques mis au jourrelevaient d’une occupation de type agricole carac-térisée par des fossés (Thernot 2006).

L’étude de la fortification moderne d’Antibess’intègre ainsi dans une réflexion sur l’évolution dela ville et de son territoire à travers toutes lespériodes chronologiques.

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Mellinand 2004b : MELLINAND (Ph.) – 2004, AvenueMirabeau/Bertaïna à Antibes (Alpes-Maritimes).Rapport final d’opération – diagnostic. INRAP. Servicerégional de l’Archéologie Aix-en-Provence.Parent, Nin 2005 : PARENT (F.) NIN (N.) – 2005,Avenue Pasteur/Avenue Thiers à Antibes (Alpes-Maritimes). Rapport final d’opération – diagnostic.INRAP. Service régional de l’Archéologie, Aix-en-Provence. Sivan Thernot 2006 : SIVAN (O.), THERNOT (R.) –2006, 7/9 Avenue Pasteur à Antibes (Alpes-Maritimes).Rapport de diagnostic archéologique. SRA PACA,INRAP, Aix-en-Provence,.Thernot 2005b : THERNOT (R.) – 2005, 2 à 6 Av.Dugommier angle Av. Tourré à Antibes (Alpes-Maritimes). Rapport de diagnostic archéologique. SRAPACA, INRAP, Aix-en-Provence.Thernot 2006 : THERNOT (R.) – 2006, 14 rue duMigrainier à Antibes (06). Rapport de diagnostic archéo-logique. SRA PACA, INRAP, Aix-en-Provence.Violino 1992 b : VIOLINO (J.-P.) – 1992, Antibes,expertises archéologiques. Rapport de fouille archéolo-gique. Direction régionale des Antiquités Historiques,Aix-en-Provence.

Notes1 Un article a fait le point sur le sujet sur la base des documents d’ar-chive : Lacroix (J.-B.), les travaux militaires à Antibes au XVIIe s., inRecherches Régionales, 168, juillet-septembre 2003 :http://www.cg06.fr/culture/archives-rechgion168.htlm

Les auteurs

(*) - Robert THERNOT, architecte D.P.L.G., chargé de recherches etd’opérations – Institut national de recherches archéologiques préven-tives. Centre archéologique INRAP. 24 avenue de la Grande Bégude,13770 Venelles. 04 42 54 44 51. UMR 5140 Montpellier/Lattes –[email protected] Philippe MELLINAND, assistant de recherches et d’opérations. –Institut national de recherches archéologiques préventives. Centrearchéologique INRAP. 24 avenue de la Grande Bégude, 13770 Venelles– [email protected] Florence PARENT, assistante de recherches et d’opérations – Institutnational de recherches archéologiques préventives. Centre archéologiqueINRAP. 11, place Bougainville, 13014 Marseille –[email protected]

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