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Page 1 | 1. INTRODUCTION Les marchés des services jouent un rôle central dans l’économie de l’Union européenne (UE) puisqu’ils représentent 71 % de la valeur ajoutée et 68 % de l’emploi de l’UE 1 . Des marchés des services concurrentiels et fonctionnant correctement sont dès lors essentiels pour la croissance et l’emploi dans l’UE. Afin que le potentiel significatif de croissance et d’emploi des marchés des services puisse se réaliser, la réglementation doit suivre le rythme de la numérisation des services et l’intégration accrue des secteurs des services et manufacturier. Aujourd’hui, plusieurs facteurs freinent les performances des marchés des services en Europe, et notamment de faibles pressions concurrentielles, une croissance lente de la productivité, un développement insuffisant des investissements et des échanges transfrontières ainsi qu’une faible mobilité des travailleurs (voir section 2). Cette situation problématique résulte en partie des restrictions réglementaires et des procédures administratives coûteuses induites par les politiques et la réglementation relatives aux services des États membres de l’UE (voir section 3). De nombreuses analyses montrent qu’une réforme de la réglementation et des procédures administratives nationales 1 Sauf indication contraire, les pays couverts par les données fournies dans la présente fiche sont ceux de l’UE-28. relatives aux services entraîne des résultats économiques positifs. Une réduction des restrictions réglementaires et administratives sur les marchés des services donne lieu à une concurrence plus forte, à une productivité plus élevée, à des services plus abordables et à un plus grand choix pour les consommateurs. Il est impératif d'accroître la productivité dans ce secteur en croissance pour garantir des emplois de qualité et des salaires élevés ainsi que pour faciliter l’accès aux marchés du travail, en particulier pour les jeunes. La productivité dans le secteur des services a des répercussions importantes sur l’industrie manufacturière européenne. Celle-ci figure parmi les plus grands consommateurs de services en Europe, et une réglementation anticoncurrentielle du secteur des services renchérit les services qu’elle achète 2 . La numérisation des services modifie à la fois la manière dont ceux-ci sont fournis et crée une demande pour de nouveaux services, y compris dans l’économie collaborative. Elle a également facilité la commercialisation des services, puisqu’il est plus facile de les fournir à distance. 2 Les valeurs des multiplicateurs pour les services, allant de 1,6 (immobilier) à 2,5 (transport aérien) sont considérables pour les secteurs prioritaires de la construction (2,3), des services aux entreprises (1,9) et des services de détail (1,8). Calculé pour 2011 pour l’UE-27. Source des données: World Input- Output Database (WIOD). FICHE THEMATIQUE DU SEMESTRE EUROPEEN MARCHÉS DES SERVICES

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Page 1: FICHE THEMATIQUE DU SEMESTRE EUROPEEN...d’un bien produit dans l’UE est générée par les activités des services aux entreprises4. Une grande partie des services aux entreprises

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1. INTRODUCTION

Les marchés des services jouent un rôle

central dans l’économie de l’Union européenne (UE) puisqu’ils représentent

71 % de la valeur ajoutée et 68 % de l’emploi de l’UE1. Des marchés des

services concurrentiels et fonctionnant correctement sont dès lors essentiels pour

la croissance et l’emploi dans l’UE.

Afin que le potentiel significatif de

croissance et d’emploi des marchés des services puisse se réaliser, la

réglementation doit suivre le rythme de la numérisation des services et l’intégration

accrue des secteurs des services et

manufacturier.

Aujourd’hui, plusieurs facteurs freinent les performances des marchés des services en

Europe, et notamment de faibles pressions concurrentielles, une croissance lente de la

productivité, un développement insuffisant

des investissements et des échanges transfrontières ainsi qu’une faible mobilité

des travailleurs (voir section 2).

Cette situation problématique résulte en partie des restrictions réglementaires et

des procédures administratives coûteuses

induites par les politiques et la réglementation relatives aux services des

États membres de l’UE (voir section 3).

De nombreuses analyses montrent qu’une réforme de la réglementation et des

procédures administratives nationales

1 Sauf indication contraire, les pays couverts

par les données fournies dans la présente fiche sont ceux de l’UE-28.

relatives aux services entraîne des résultats économiques positifs. Une

réduction des restrictions réglementaires

et administratives sur les marchés des services donne lieu à une concurrence plus

forte, à une productivité plus élevée, à des services plus abordables et à un plus

grand choix pour les consommateurs. Il est impératif d'accroître la productivité

dans ce secteur en croissance pour garantir des emplois de qualité et des

salaires élevés ainsi que pour faciliter

l’accès aux marchés du travail, en particulier pour les jeunes.

La productivité dans le secteur des

services a des répercussions importantes sur l’industrie manufacturière européenne.

Celle-ci figure parmi les plus grands

consommateurs de services en Europe, et une réglementation anticoncurrentielle du

secteur des services renchérit les services qu’elle achète2.

La numérisation des services modifie à la

fois la manière dont ceux-ci sont fournis et

crée une demande pour de nouveaux services, y compris dans l’économie

collaborative. Elle a également facilité la commercialisation des services, puisqu’il

est plus facile de les fournir à distance.

2 Les valeurs des multiplicateurs pour les services, allant de 1,6 (immobilier) à 2,5

(transport aérien) sont considérables pour les secteurs prioritaires de la construction (2,3), des services aux entreprises (1,9) et des services de détail (1,8). Calculé pour 2011 pour

l’UE-27. Source des données: World Input-Output Database (WIOD).

FICHE THEMATIQUE DU SEMESTRE EUROPEEN

MARCHÉS DES SERVICES

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La réglementation joue un rôle important dans la protection des objectifs d’intérêt

général, la protection des consommateurs,

la sécurité publique ainsi que la protection de la santé et de l’environnement. Les

évaluations comparatives entre les pays montrent que ces objectifs peuvent être

atteints avec différents niveaux de réglementation imposant plus ou moins de

restrictions aux prestataires de services (voir section 4). Une réglementation

intelligente favorable à la croissance garantit que les objectifs stratégiques sont

atteints tout en maintenant les coûts

économiques des restrictions réglementaires à un minimum.

Les services aux entreprises, la

construction et les services de détail comptent parmi les services les plus

importants du point de vue économique

dans l’UE.

Les services aux entreprises recouvrent un ensemble d’activités

professionnelles, scientifiques et techniques ainsi que des services

administratifs et de soutien3. Ces services,

qui constituent une part importante de l’économie de l’UE, représentent 12,8 %

de la valeur ajoutée de l’UE et 13,7 % de l’emploi total, soit 31 millions d’emplois.

Ils représentent des apports essentiels pour le secteur manufacturier.

Aujourd’hui, 16 % de la valeur moyenne d’un bien produit dans l’UE est générée

par les activités des services aux

entreprises4. Une grande partie des services aux entreprises à forte valeur

ajoutée est fournie par des professions réglementées (voir ci-dessous).

Les services de construction sont

vitaux pour l’économie de l’UE. Les

travaux de construction menés par les constructeurs et les promoteurs

3 Les services aux entreprises sont définis comme correspondant aux secteurs M, N77-78, N80-82 et J62-63 de la «NACE Rév. 2:

nomenclature statistique des activités

économiques dans la Communauté européenne», Eurostat, Luxembourg, 2008. 4 European Consortium for Sustainable Industrial Policy (ECSIP), «Study on the relation between industry and services in terms of productivity and value creation», 2014.

représentent 5,3 % de la valeur ajoutée de l’UE et 6,3 % de l’emploi dans l’UE. Le

secteur de la construction de l’UE emploie

14 millions de personnes.

Les services de détail représentent 4,5 % de la valeur ajoutée totale de l’UE

et emploient 8,6 % de la main-d’œuvre. Une partie significative des employés du

secteur se situe dans la tranche d’âge des 15 à 24 ans. Plus de 3,5 millions

d’entreprises du commerce de détail

agissent comme intermédiaires entre des milliers de fournisseurs de produits et des

millions de consommateurs. Avec une croissance de 12 % par an, le commerce

électronique offre des opportunités au commerce de détail traditionnel, mais le

confronte également à certains défis. Il a accru le marché potentiel pour les

détaillants et la gamme des produits

disponibles pour les consommateurs5.

Environ 22 % des personnes employées dans l’UE exercent une profession

réglementée6. La réglementation des services professionnels existe dans tous

les secteurs de l’économie. Le secteur des

services de santé et sociaux, qui inclut les médecins et les dentistes, représente

40 % de l’ensemble des professions réglementées (en nombre de professions).

Après lui, les services aux entreprises, tels que les avocats, les comptables, les

ingénieurs et les architectes, représentent 15 % de ce total, suivis par le secteur des

5 En 2016, 22 % des entreprises du

commerce de détail vendaient des produits en ligne, contre 18 % pour l’ensemble de l’économie de l’UE. Ce chiffre est en constante

augmentation depuis 2010, où il se situait à 11,7 %. La valeur des ventes en ligne a presque doublé entre 2011 et 2016, atteignant

204 milliards d’euros en 2016. Toutefois, le commerce électronique ne représente toujours qu’une fraction du marché du commerce de détail. En 2016, la valeur des ventes en

magasin avoisinait 2 300 milliards d’euros, soit 11 fois la valeur des ventes en ligne. Sources: Euromonitor et Eurostat. 6 TNS Opinion, «Measuring the prevalence of

occupational regulation: ad-hoc survey for the European Commission», avril 2015, publication

à paraître. Comme analysé dans M. Koumenta et M. Pagliero, «Measuring Prevalence and Labour Market Impacts of Occupational Regulation in the EU», 2016.

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transports (près de 10 %), la fonction publique et le secteur de l’éducation

(9 %), et la construction (7 %)7.

Au niveau de l’UE, la directive sur les

services adoptée en 2006, couvrant 47 % de la valeur ajoutée de l’UE, fournit un

cadre pour la réglementation des services au niveau national. Elle a entraîné

l’élimination de nombreuses barrières réglementaires par les États membres,

ainsi qu’une simplification des procédures

administratives. La directive relative à la reconnaissance des qualifications

professionnelles, révisée en 2013, soutient la mobilité des professionnels en

permettant la reconnaissance des qualifications professionnelles d'un État

membre à l'autre et a établi un cadre pour garantir que la réglementation nationale

des services professionnels est

proportionnée.

En janvier 2017, la Commission a présenté le paquet «services», qui incluait des

recommandations de réforme à l’intention des États membres ainsi que trois

propositions législatives visant à améliorer

le fonctionnement du marché unique des services8. D’autres initiatives présentées

récemment comprennent une communication sur le développement de

l’économie collaborative et une proposition de règlement concernant le blocage

géographique, auxquelles il convient d’ajouter une initiative à venir de la

Commission définissant de bonnes

pratiques pour faciliter l’établissement et le fonctionnement des services de détail.

2. DEFIS POLITIQUES: APERÇU DES

PERFORMANCES DANS LES PAYS DE L’UE

Les marchés des services de l’UE sont encore confrontés à un certain nombre

défis qui entravent la croissance du

7 Base de données européenne des professions réglementées:

(http://ec.europa.eu/growth/tools-

databases/regprof/index.cfm?action=homepage). 8 Commission européenne, «Une économie des services qui sert les Européens», 2017, http://europa.eu/rapid/press-release_IP-17-23_fr.htm.

secteur, et notamment de faibles pressions concurrentielles, une croissance

lente de la productivité, une intégration

transfrontière insuffisante et une faible mobilité des professionnels.

2.1. Faibles pressions

concurrentielles

Les pressions concurrentielles dynamisent

l’innovation et les performances, en donnant accès aux consommateurs à un

plus large éventail de services à moindre prix. La concurrence stimule la

productivité, en induisant un remplacement, au fil du temps, des

entreprises moins productives par de nouvelles entreprises productives et en

incitant les entreprises à investir dans la

réduction des coûts et dans des services et produits innovants qui dopent la

productivité.

Parmi les indicateurs pouvant servir de mesure approximative des forces

concurrentielles figurent les taux de rotation du marché

9 et les taux bruts

d’exploitation10

. Les taux de rotation et les

taux de profit ventilés par secteur de

services varient considérablement d'un État membre et d'un secteur de services à

l'autre. De grandes différences dans les

taux de rotation ou les taux de profit reflètent des degrés variables de pression

concurrentielle. Un marché plus intégré devrait donner lieu à une convergence de

ces indicateurs entre les États membres.

Pour certaines activités économiques

confrontées à un niveau élevé de restrictions réglementaires, le graphique 1

montre le taux de rotation moyen des entreprises au niveau de l’UE, par rapport

à celui du total de l’économie marchande. À l’exception de la construction et du

commerce de détail, tous les autres secteurs des services présentent un taux

9 Les taux de rotation du marché sont définis comme étant la somme des taux de naissance

et de décès exprimés en pourcentage du

nombre total des entreprises actives dans un secteur. 10 Le taux brut d’exploitation est défini comme étant le rapport entre l’excédent brut d’exploitation et le chiffre d’affaires et constitue un indicateur des profits.

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de rotation des entreprises plus faible que pour l'ensemble de l’économie

marchande, ce qui pourrait indiquer un

dynamisme ou une concurrence relativement plus faible plus faible dans

ces secteurs que dans le reste de l’économie.

Graphique 1 — Taux de rotation des

entreprises dans certaines activités économiques, UE-28, 2014 (en %)

Source: calculs Eurostat.

10,0 12,0 14,0 16,0 18,0 20,0

Activités juridiques

Activités comptables etconnexes

Activités immobilières

Activités d’architecture

Activités d’ingénierie et activités connexes

Activités des agences de voyage,voyagistes, services de

réservation et activités connexes

Commerce de détail

Construction

Économie marchande, horsactivité des sociétés holding

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Un autre indicateur de l’intensité de la concurrence est les profits générés au

niveau du secteur. Des profits

relativement plus élevés indiquent que les entreprises génèrent des marges

supérieures, c’est-à-dire qu’elles appliquent une majoration des prix par

rapport au coût de leurs services/produits, à la charge des consommateurs.

Pour l’ensemble de l’UE, le graphique 2

montre les taux bruts d’exploitation dans

certains secteurs, par rapport au taux moyen pour l’ensemble de l’économie

marchande. Le taux brut d’exploitation est un indicateur mesurant les profits d’une

entreprise par rapport à son chiffre d’affaires. La plupart des secteurs des

services de l’UE présentent des taux d’exploitation bruts supérieurs à ceux de

l’ensemble de l’économie, ce qui indique

des niveaux de concurrence plus faibles.

Graphique 2 — Taux brut d’exploitation dans certaines activités économiques, UE-28, 2014 (en %)

Source: calculs Eurostat.

2.2. Croissance lente de la

productivité

Malgré des améliorations de la productivité

du travail par personne employée entre

2008 et 2013 dans certains pays, la croissance de la productivité du travail

dans le secteur des services de l’UE a été

dépassée par celle d’autres secteurs, notamment le secteur manufacturier

11.

Les données de l’OCDE12

montrent une

croissance moyenne annuelle de la

productivité du travail dans le secteur

manufacturier (2001-2013) de 2,6 %, tandis que la plupart des secteurs des

services ont connu une croissance inférieure à 1 %, voire un recul, au cours

de cette période.

11 Commission européenne, «Report on Single Market Integration and Competitiveness in the

EU and its Member States», SWD(2015) 203, accompagnant la communication COM(2015) 550 «Améliorer le marché unique:

de nouvelles opportunités pour les citoyens et

les entreprises». 12 Statistiques sur la productivité et les CSU

par principale activité économique établies par l’OCDE (http://stats.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=PDBI_I4).

10,1

5,7

9,4

11,2

17,8

27,8

29,0

42,1

44,0

0 10 20 30 40 50

Total de l’économie marchande, hors activités financières et

d’assurance

Commerce de détail

Activités des agences de voyage,voyagistes, services de réservation et

activités connexes

Construction

Activités d’ingénierie

Activités comptables et connexes

Activités d’architecture

Activités juridiques

Activités immobilières

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Graphique 3 — Croissance de la productivité sectorielle par personne, UE-28 (variation annuelle moyenne en %, 2011-2016)

Source: calculs Eurostat.

Le graphique 3 compare la croissance

de la productivité du travail dans l’UE entre les secteurs des services et avec

le secteur manufacturier. Non seulement la productivité du travail

dans les services est plus faible que

dans le secteur manufacturier, mais sa

croissance est également à la traîne par rapport à celle de la productivité dans le

secteur manufacturier.

Graphique 4 — Croissance des CSU sectoriels, UE-28 (variation annuelle moyenne en %, 2011-2016)

Source: calculs Eurostat.

0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5

C - Industriemanufacturière

G-I - Commerce;transports;

hébergement etrestauration

J - Information etcommunication

L - Activitésimmobilières

M-N - Act. spécialisées,scient. et tech.; serv.admin. et de soutien

0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5

C - Industrie manufacturière

G-I - Commerce; transports;hébergement et restauration

J - Information et communication

L - Activités immobilières

M-N - Act. spécialisées, scient. et tech.;serv. admin. et de soutien

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La figure 4 présente les coûts salariaux unitaires (CSU) au niveau sectoriel dans

les secteurs des services et manufacturier.

La comparaison entre l’évolution de la productivité et les tendances de la

rémunération du travail peut être considérée comme un indicateur des gains

de compétitivité. En ce qui concerne la relation entre l’évolution de la productivité

du travail et la rémunération du travail, des données récentes13 montrent que la

productivité du travail dans les services du marché n’a progressé plus vite que la

rémunération du travail que dans certains

pays tels que le Portugal, l’Espagne, Chypre et la Grèce14. Ces pays

connaissent depuis un certain temps à de fortes pressions du marché et d’importants

ajustements de compétitivité. Les pertes de compétitivité qui ont précédé la crise

ont été causées par d’importantes augmentations des CSU dans les services.

D’importants secteurs des services

opposent encore une certaine résistance à l’ajustement, comme le montre une

comparaison des graphiques 3 et 4. C’est particulièrement le cas dans les services

aux entreprises et le commerce de détail.

2.3. Manque d’intégration

transfrontière des services

Bien que, par nature, les services s’échangent moins que les biens, le

commerce des services a été en croissance partout dans le monde ces

dernières années.

L’intégration des échanges peut servir

d'indication de la mesure dans laquelle les entreprises peuvent accéder à des clients

potentiels dans d’autres États membres. À 6,6 %, l’intégration commerciale15 des

services dans l’UE est considérablement à

13 Commission européenne , «Rapport

trimestriel sur la zone euro», volume 14, nº 2, 2015. 14 Toutefois, l’ajustement important des

salaires en Grèce ne s’est pas accompagné

d’améliorations de la productivité du travail dans les services. 15 Définie comme étant la moyenne des importations et des exportations intra-UE divisée par le PIB (2015, UE-28) (source: Tableau d’affichage du marché unique 2017).

la traîne par rapport à celle des biens (20,6 %).

Les investissements transfrontières16 dans les services s’établissent à 12 % et

sont également disproportionnellement faibles par rapport aux biens (17 %).

Si certaines de ces différences sont dues à la moindre négociabilité des services, les

chiffres indiquent que les prestataires de services ne sont pas capables de tirer

pleinement parti du potentiel offert par le marché unique.

2.4. Faible mobilité des

professionnels

La mobilité des travailleurs est un

facteur déterminant d’une productivité porteuse de croissance17. Non seulement

elle contribue à combler les déficits de compétences et à réduire les pénuries de

main-d’œuvre, mais elle équilibre

également la demande de main-d’œuvre entre les États membres.

Dans le cas des professions réglementées,

les professionnels d’autres États membres doivent parfois se soumettre au

processus de reconnaissance. Ce

processus exige généralement le paiement de frais élevés et peut se révéler

chronophage et fastidieux Cela affecte directement la mobilité des professionnels,

avec des répercussions sur le volume de compétences disponibles pour les

entreprises.

Malgré les taux élevés de reconnaissance

des qualifications professionnelles, facilitée par la directive modernisée de l’UE sur les

qualifications professionnelles18, la

16 Part de la valeur ajoutée générée par les

entreprises contrôlées par un autre État membre de l’UE — établissement secondaire. Les secteurs des services de la NACE Rév. 2 inclus sont D-J, L-N et S95 (source: Eurostat,

2014). Aucune donnée n’est disponible concernant la prestation transfrontière de services sans établissement préalable. 17 OCDE, «The future of productivity», 2015. 18 De 2013 à 2015, sur les 175 900 demandes

de reconnaissance enregistrées dans la base de données des professions réglementées, près de 84 % (147 500) se sont conclues par une décision, positive (78,7 %) ou négative

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mobilité des travailleurs reste faible. En 2015, dans l’ensemble de l’économie

marchande, 3,6 % des personnes

employées dans l’UE étaient des citoyens de l’UE provenant d’un autre État membre.

Ce chiffre est inférieur à celui pour les architectes (6,5 %), mais supérieur à celui

pour les activités comptables (3,2 %), les activités immobilières (2,8 %), le génie

civil (2,3 %) et les activités juridiques (1,6 %).

3. LEVIERS STRATEGIQUES POUR RELEVER LES DÉFIS POLITIQUES

Les défis décrits ci-dessus résultent, dans

une large mesure, des politiques réglementaires et administratives des

États membres de l’UE.

Relever ces défis aura de nombreux effets

positifs. Plusieurs leviers stratégiques peuvent être utilisés pour promouvoir la

modernisation des réglementations des services dans l’UE.

3.1. Réformes dans le secteur des services s’appuyant sur la mise en

œuvre de la directive sur les services

Il est démontré économiquement qu’il existe d’importantes possibilités de

réforme des services, allant au-delà des exigences légales minimales de la directive

sur les services.

Les agréments que les entreprises

doivent obtenir pour pouvoir offrir leurs services peuvent répondre à des objectifs

d’intérêt public, mais doivent être proportionnés à la réalisation de ces

objectifs de façon à ne pas restreindre indûment la concurrence. De nombreux

États membres ont mis en œuvre des réformes de grande ampleur, visant à

abolir les agréments ou à les remplacer

par des obligations de notification ou de déclaration moins onéreuses, mais

(5,1 %). Les 16 % restants

(28 400 demandes) n’étaient pas réglés (pas

de décision), en cours d’examen ou faisaient l’objet d’un recours. Source: base de données

des professions réglementées (http://ec.europa.eu/growth/tools-databases/regprof/index.cfm?action=homepage).

d'autres réformes sont encore possibles dans bon nombre d’autres États membres

et secteurs. La directive sur les services

dispose que les États membres ne peuvent imposer des exigences faisant double

emploi, équivalentes à celles auxquelles le prestataire de services avait déjà dû

satisfaire dans un autre État membre. Dans la pratique, cette disposition n’est

cependant pas suffisamment appliquée, car les prestataires de services doivent

souvent se plier aux mêmes exigences que les entreprises nationales, même s’ils

peuvent déjà avoir satisfait à des

exigences équivalentes ou similaires dans leur pays d’origine.

Les exigences en matière de forme juridique et de détention du capital

entravent fortement la liberté d’établissement dans le secteur des

services aux entreprises. Une évaluation par les pairs sur le sujet a montré que ces

exigences affectent l’établissement tant

primaire que secondaire. Elles limitent les possibilités d’investissement, réduisent les

choix de modèles d’entreprise et peuvent rendre difficiles, voire impossibles,

l’exercice conjoint de différentes professions et un établissement

secondaire. La grande diversité des exigences en matière de forme juridique

et de détention du capital entre les États

membres montre qu’il existe une marge pour des évaluations de proportionnalité

supplémentaires.

Les entreprises offrant des services aux

entreprises ou des services de construction éprouvent de grandes

difficultés à obtenir une couverture légalement requise d’assurance

responsabilité professionnelle

lorsqu’elles tentent de proposer leurs services dans un autre État membre.

La législation nationale manque encore de clarté quant aux règles applicables aux

entreprises qui fournissent des services transfrontières à titre temporaire.

C’est notamment le cas lorsque des législations sectorielles n’ont pas été

modifiées en vue d’établir une distinction

claire entre les exigences applicables aux entreprises qui cherchent à s’établir et

celles qui cherchent à fournir temporairement des services

transfrontières. Du fait de l’incertitude qui

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en résulte, il arrive souvent que les autorités appliquent aux entreprises

offrant des services transfrontières les

exigences en matière d’agrément applicables aux prestataires de services

établis dans un État membre. Les exigences réglementaires

disproportionnées qui en découlent peuvent rendre la prestation de services

transfrontières très compliquée dans la pratique.

À la suite de l’adoption de la directive sur les services en 2006, les États membres

ont mis en œuvre des réformes de grande envergure, adoptant plus d’un millier

d'actes législatifs. En 2012, une évaluation de la Commission a constaté que les

réformes mises en œuvre jusqu’alors généreraient une augmentation de 0,8 % du PIB au cours des prochaines années

19.

L’évaluation a également établi que si les États membres étaient plus ambitieux

dans la mise en œuvre des réformes (pour atteindre la moyenne des cinq États

membres les moins restrictifs), le potentiel de croissance supplémentaire serait de

1,8 % du PIB de l’UE, selon les estimations.

Dans une évaluation actualisée conduite en 2015, estimant l’incidence des

réformes de 2012 à 2014, il a été établi que seule une fraction (0,1 %) de ce

potentiel de PIB de 1,8 % avait été réalisée. Ces résultats n’ont rien de

surprenant étant donné que les réformes

conduites au cours de cette période ont été inégales, principalement mises en

œuvre dans des États membres soumis à des programmes d’assistance financière

ou dans le cadre de programmes nationaux de réforme globale

20.

19 J. Monteagudo, A. Rutkowski et D.

Lorenzani, «The economic impact of the

Services Directive: A first assessment following implementation», Document économique de la

Commission nº 456, 2012. 20 Commission européenne, «A Single Market Strategy for Europe - Analysis and Evidence», SWD(2015) 202.

Il a été démontré21 que l'abaissement des barrières réglementaires dans les services

augmentait les taux de rotation propres à

certains secteurs, ce qui donne lieu en retour à une augmentation de l’efficience

allocative et à une réduction de la rentabilité, avec pour résultat une baisse

des prix pour les consommateurs. Cela confirme l’hypothèse théorique selon

laquelle des marchés plus dynamiques exercent une pression concurrentielle plus

forte sur les taux de profit, tout en contribuant à une utilisation plus efficiente

des facteurs de production.

Selon l’étude de la Banque mondiale

publiée en 2016, ramener les restrictions du secteur des services au niveau des trois

États membres les moins réglementés (Royaume-Uni, Danemark et Suède)

entraînerait une augmentation de la

productivité des entreprises manufacturières et de service pouvant

aller jusqu’à 5,3 % dans les deux ans suivant la mise en œuvre22.

Selon des évaluations du FMI, les réformes

des marchés des produits, en particulier

dans les services aux entreprises et le commerce de détail, ont des effets positifs

sur le capital, la production et l’emploi, qui augmentent au fil du temps. Les réformes

des marchés des produits favorisent également l’entrée des entreprises sur le

marché et tendent à avoir des effets positifs sur les entreprises des secteurs

avals, qui font un usage intensif d’intrants

intermédiaires provenant des secteurs dérégulés23.

Des études de l’OCDE ont montré que

l'abaissement des barrières dans le secteur des services renforce la croissance

de la productivité dans l’ensemble de

l’économie, en raison du rôle d’intrants

21 E. Canton, D. Ciriaci and I. Solera, ‘The

Economic Impact of Professional Services Liberalisation’,Documents économiques de la Commission nº 533, 2014.

22 Banque mondiale, «Growth, jobs and

integration: Services to the rescue», World Bank EU Regular Economic Report, 2016. 23 P. Gal et A. Hijzen, «The short-term impact of product market reforms: A cross-country firm-level analysis», document de travail du FMI WP/16/116, 2016.

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intermédiaires que jouent les services24. Un niveau plus faible de réglementation

des services accroît la valeur ajoutée, la

productivité et la croissance des exportations dans les industries avales

intensives en services25.

3.2. Réformes de la réglementation des services professionnels

En l’absence d’harmonisation au niveau de l’UE, la réglementation des services

professionnels est une prérogative des États membres. Or la réglementation peut

entraver le marché unique et freiner la croissance et la création d’emplois dans

les économies de l’UE. Des obstacles à la croissance et aux échanges peuvent naître

de restrictions qui semblent avoir peu

d’incidence, mais dont les effets cumulatifs peuvent être pernicieux.

Dans sa récente communication sur les

recommandations de réformes en matière de réglementation des

services professionnels26, la

Commission a fourni des orientations sur le potentiel de réformes économiquement

appropriées qui pourraient faire une véritable différence dans sept professions

importantes. À titre d’exemple, elle préconise que l’Autriche reconsidère la

proportionnalité de ses restrictions relatives aux activités multidisciplinaires

des architectes; que l’Italie réévalue le

large champ des activités réservées aux ingénieurs civils; que la Belgique

réexamine les règles d’incompatibilité interdisant aux comptables l’exercice

simultané d’une autre activité économique; et que l’Allemagne revoie ses

exigences en matière de détention de capital dans les services d’architecture,

d’ingénierie et juridiques, pour ne citer

que quelques exemples.

24 R. Bourlès, G. Cette, J. Lopez, J. Mairisse et

G. Nicoletti, «Do Product Market Regulations in Upstream Sectors Curb Productivity Growth? Panel Data Evidence for OECD Countries»,

document de travail de l’OCDE nº 791, 2010. 25 G. Barone et F. Cingano, «Service Regulation and Growth: Evidence from OECD Countries»,

2010. 26 Commission européenne COM(2016) 820, «Recommandations de réformes en matière de réglementation des services professionnels».

La Commission a élaboré un nouvel indicateur de restrictivité pour appuyer

ses recommandations. Il compare les

approches réglementaires des États membres, les exigences en matière de

qualification, d’autres exigences d’entrée et les exigences en matière d’exercice

dans sept professions.

Une analyse économétrique réalisée par la Commission montre que des niveaux

plus faibles de restrictions

réglementaires sur les services professionnels s'accompagnent de

meilleurs résultats économiques, plus spécifiquement des recettes plus faibles

pour les prestataires en place et une plus forte augmentation du nombre

d’entreprises27.

Une autre analyse des effets économiques

de la réglementation a montré que, selon la profession, entre 3 et 9 % de

personnes supplémentaires pourraient l'exercer si les exigences d’accès étaient

rendues moins strictes. On estime que la réglementation entraînerait un avantage

salarial global d’environ 4 % en

moyenne, qui augmente le prix des services pour les consommateurs28.

Des études montrent que le fait de rendre

la réglementation plus proportionnée et de l’adapter à la réalité du marché, par

exemple en assouplissant les exigences les

plus restrictives et injustifiées, améliore l’efficience allocative et réduit la

rentabilité supérieure à la moyenne

27 Commission européenne SWD(2016) 436, «Communication on reform recommendations for regulation in professional services», section 6 du document de travail des services

de la Commission. 28 M. Koumenta et M. Pagliero, «Measuring Prevalence and Labour Market Impacts of

Occupational Regulation in the EU», 2016. Les

avantages salariaux et les marges bénéficiaires élevées constituent un indicateur commun de

rentes de monopole. Celles-ci se traduisent par des prix élevés pour les consommateurs et un manque général de concurrence dans la profession en question.

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observée en intensifiant le dynamisme des entreprises29.

3.3. Supprimer les barrières dans le secteur du commerce de détail

Dans l’ensemble, le secteur du commerce

de détail est assez dynamique. Toutefois,

cela pourrait dissimuler des situations très variées. Le secteur est composé de

grands, moyens et petits commerces, qui sont confrontés à des défis différents. La

situation diffère aussi grandement d’un pays à l’autre. Les détaillants servent les

clients par des canaux de plus en plus diversifiés. Il s’agit d’une opportunité pour

certaines entreprises, mais qui peut être difficile à saisir pour d’autres.

L’intensification des réformes visant à

abaisser les obstacles réglementaires dans le secteur du commerce de détail aurait de

nombreux effets positifs. Des pressions concurrentielles accrues entraîneraient

l’entrée sur le marché et la survie d'entreprises plus efficientes et

innovantes. Les consommateurs pourraient bénéficier de prix moins élevés,

d'un choix élargi, d'une innovation plus

poussée et d'une meilleure qualité30. Cela aurait également des répercussions

positives sur d’autres secteurs de l’économie de l’UE.

Les détaillants physiques et en ligne se

heurtent à des obstacles différents. Le

développement transfrontière des entreprises dans le secteur du commerce

de détail physique passe par l’ouverture de magasins physiques dans d’autres

États membres. Or les autorités nationales compétentes imposent des exigences

relatives à la taille des points de vente au détail ou à leur emplacement. Ces

exigences peuvent créer des obstacles à

l’entrée sur le marché pour certaines formes de magasins ou certains modèles

d’entreprise et peuvent gêner l’établissement secondaire.

29 E. Canton, D. Ciriaci and I. Solera, ‘The

Economic Impact of Professional Services Liberalisation’,Documents économiques de la

Commission nº 533, 2014. 30 Commission européenne, «A Single Market Strategy for Europe - Analysis and Evidence», SWD(2015) 202.

Outre les restrictions à l’établissement, les détaillants sont confrontés à des

restrictions en matière d’exploitation, qui

impactent leurs activités commerciales quotidiennes et entravent leur efficience.

Ces restrictions peuvent affecter à la fois les détaillants physiques et en ligne.

La croissance du commerce électronique

modifie fondamentalement le secteur du commerce de détail. Par conséquent, les

cadres réglementaires devraient dans le

même temps traiter équitablement le commerce de détail physique et en ligne.

Pour que les entreprises puissent tirer

pleinement profit des avantages du marché unique, il est essentiel que les

États membres respectent la libre

circulation des marchandises ainsi que la liberté d’établissement.

Dans la stratégie pour le marché unique,

la Commission a annoncé son intention de proposer de bonnes pratiques en vue de

faciliter l’établissement de commerces de

détail et de réduire les restrictions à l’exploitation dans le marché unique. Ces

bonnes pratiques doivent servir d’orientations aux réformes menées dans

les États membres.

4. EXAMEN CROISÉ DES

POLITIQUES: ETAT DES LIEUX

4.1. Barrières persistantes sur les marchés des services

Même si les États membres ont rempli les obligations relatives à la transposition de

la directive sur les services et ont procédé à une évaluation systématique de leur

réglementation nationale en matière de services professionnels sur la base de la

directive révisée sur les qualifications professionnelles, les prestataires de

plusieurs secteurs de services se heurtent

toujours à de nombreux obstacles lorsqu'ils veulent s'établir dans un autre

État membre ou fournir temporairement des services sur une base transfrontière.

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Graphique 5 — Résultats globaux en matière de restrictivité par État membre (services aux entreprises)

Source: Commission européenne, «Business services — Assessment of barriers and their economic impact»,

2015

.

Pour prendre l’exemple des services aux entreprises, le plus grand secteur des

services relevant de la directive sur les

services, pesant pour près de 12 % du PIB et de l’emploi dans l’UE, la charge

administrative et réglementaire varie fortement d’un État membre à un autre.

Le graphique 5 montre les restrictions globales dans quatre professions

clés faisant partie des services aux entreprises (comptables, architectes,

ingénieurs et avocats), sur la base d’une

étude de 2015 relative aux barrières dans

les services aux entreprises31

.

Tous les États membres étaient légalement tenus de transposer la

directive sur les services. Certains États membres se sont montrés ambitieux dans

cette transposition et ont entrepris de réformer plus largement leur secteur

des services. Les cas de deux de ces États

31 Commission européenne, «Business services — Assessment of barriers and their economic impact», 2015.

membres, l’Estonie et l’Espagne, sont présentés ci-après.

En Estonie, les réformes liées au code des activités économiques sont entrées

en vigueur en 2014. Elles ont rationalisé les exigences jusqu'alors

fragmentées entre les secteurs et, désormais, il est clairement prévu que

les exigences en matière d’agrément

et de notification ne s’appliquent pas aux prestataires de services

transfrontières. Dans les services, l’Estonie a des taux d’entrée plus

élevés et des taux bruts d’exploitation moyens plus faibles que la moyenne

de l’UE. En 2013, l’Espagne a adopté la loi sur

l’unité du marché. Le principal objectif

était de remédier à la fragmentation du marché national causée par les

différences, mais aussi les chevauchements, entre

réglementations centrale, régionale et locale. Cette loi a introduit le principe

de la validité sur tout le territoire national. En vertu de ce principe, les

biens et les services légalement

0

0,5

1

1,5

2

2,5

3

3,5

4

SE UK FI NL DK IE EE LT LV BG SK ES FR SI PL RO HU CZ BE HR EL PT CY IT DE MT AT LU

Avocats

Ingénieurs

Architectes

Comptables

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produits ou fournis dans une région peuvent être proposés sans autre

formalité sur l’ensemble du territoire

national. L’analyse qui accompagnait la réforme a identifié plus de

6 000 textes réglementaires à revoir. Dans la période qui a suivi l’adoption

de la loi, l’Espagne a vu les échanges et l’investissement transfrontières se

développer, la concurrence s'intensifier, la productivité croître et

les augmentations de prix se modérer dans les secteurs concernés. Toutefois,

en juin 2017, la Cour constitutionnelle

espagnole a déclaré nuls et non avenus un certain nombre d’articles de

la loi, y compris le principe de validité des agréments sur tout le territoire

national. Il en résulte une insécurité juridique pour les prestataires de

service, pouvant mettre à mal les

progrès économiques réalisés à ce jour.

4.2. État des lieux dans les

professions réglementées

L’indicateur de la restrictivité de la réglementation des services

professionnels a été conçu pour appuyer l’analyse qualitative des barrières

visé à la section 3.2. Il offre une comparaison des performances par pays

dans les sept professions suivantes:

architectes, ingénieurs, avocats, comptables, agents en brevets, agents

immobiliers et guides touristiques.

Le graphique 6 montre les performances des pays en termes relatifs pour la

profession d’architecte: plus le score est

élevé, plus le niveau de restrictivité est élevé.

Graphique 6 — Indicateur de restrictivité pour les architectes

Source: Commission européenne, 2016

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0

3,5

DK SE EE NL FI UK LT HU EL BG PL FR LV MT CY IT SI IE SK ES CZ DE BE RO PT HR AT LU

Conditions d’exercice

Autres exigences à l’entrée

Exigences de qualification

Approche réglementaire

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Des études de cas de réformes conduites au niveau national32 ont analysé

l’incidence que les réformes des

conditions d’accès aux professions réglementées et d’exercice de celles-

ci peuvent avoir sur le secteur.

En Pologne, la clarification récente des critères d’admission des avocats et

des conseillers juridiques à la profession dans le cadre des réformes

mises en œuvre dans 22 professions

réglementées entre 2005 et 2014 a été suivie d’une importante augmentation

du nombre d’avocats et de conseillers juridiques. Celle-ci s’est accompagnée

d’une augmentation inférieure à la moyenne du prix des services

juridiques et d’une réduction des revenus des avocats et des notaires.

En Allemagne, en 2004, les exigences

de qualifications ont été assouplies pour un certain nombre de professions

artisanales. En conséquence, le nombre des nouveaux arrivants dans

ces professions a doublé entre 2002 et 2008. Cinq ans après la réforme, il y

avait encore davantage de start-up que d’entreprises qui fermaient leurs

portes.

La Grèce a conduit une vaste réforme législative en 2011, visant à lever les

restrictions réglementaires concernant l’entrée dans de nombreuses

professions et la pratique de celles-ci. Pour les professions réglementées, des

effets positifs ont été enregistrés, sous la forme de prix nettement plus bas

pour les consommateurs des services

des agents immobiliers et des professionnels du droit, tandis que le

nombre de start-up pour les notaires, les auditeurs, etc. a plus que doublé

en 2014, par rapport à la moyenne annuelle avant la libéralisation.

En Italie, les autorités se sont engagées dans un exercice annuel de libéralisation

plus poussée de l’économie. Dans ce

cadre, la première loi annuelle sur la concurrence a été présentée au

32 «The effects of reforms of regulatory

requirements to access professions: country-based case studies», 2017, http://ec.europa.eu/growth/tools-databases/ newsroom/cf/itemdetail.cfm?item_id=9018.

Parlement en 2015. Elle a finalement été adoptée en août 2017. Cette loi a pour

objectif de supprimer les obstacles

réglementaires pour permettre aux marchés de s’ouvrir, promouvoir la

concurrence et garantir la protection des consommateurs.

Les grandes nouveautés incluent

1) l'instauration de la possibilité que les cabinets juridiques puissent être détenus

par d'autres que des avocats, un

changement accueilli favorablement, compte tenu du score élevé de l’indicateur

de restrictivité pour les professions juridiques (voir ci-dessus);

2) l’augmentation du nombre de notaires, parallèlement à l'élargissement de leur

couverture territoriale; 3) l’introduction d’un capital de 20 % de part de marché

pour les pharmacies et la libéralisation de

leurs heures d’ouverture; etc.

4.3. Secteur du commerce de détail

Ces dernières années, les États membres

ont mené des réformes en vue de supprimer certaines restrictions en

matière d’établissement et d’exploitation et d’améliorer le fonctionnement du

secteur du commerce de détail. Certaines de ces réformes visaient à simplifier et à

rationaliser les procédures d’agrément, à raccourcir le processus d’agrément et à

alléger la charge administrative des

détaillants créant un magasin (par exemple, en Belgique, en Grèce, en

France, au Portugal et en Espagne et, très récemment, au Danemark et en Finlande).

D’autres réformes visaient à rendre les conditions d’exploitation moins strictes.

Les horaires d’ouverture des magasins ont été libéralisés dans plusieurs États

membres (par exemple, au Danemark, en

Finlande, en Italie, au Portugal et en Espagne), et les règles concernant les

ventes promotionnelles et les ventes à perte ont été assouplies (par exemple, à

Chypre, en Grèce, au Luxembourg, au Portugal, en Slovénie et en Espagne).

Toutefois, un certain nombre de restrictions restent en place, et le niveau

de restrictivité varie encore fortement d’un État membre à l’autre. En outre, il existe

une tendance, dans certains États membres, à introduire des mesures qui,

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dans la pratique, affectent principalement les détaillants étrangers.

Date: 22.11.2017

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5. REFERENCES

E. Canton, D. Ciriaci and I. Solera, ‘The Economic Impact of Professional Services

Liberalisation’,Documents économiques de la Commission nº 533, 2014.

European Consortium for Sustainable Industrial Policy (ECSIP), «Study on the

relation between industry and services in terms of productivity and value creation», 2014.

Commission européenne, COM(2016) 820, «Recommandations de réformes en matière de réglementation des services professionnels».

Commission européenne, COM(2015) 550, «Améliorer le marché unique: de nouvelles opportunités pour les citoyens et les entreprises».

Commission européenne, SWD(2015) 202, «A Single Market Strategy for Europe -

Analysis and Evidence» .

Commission européenne, SWD(2015) 203, «Report on Single Market Integration and

Competitiveness in the EU and its Member States».

Commission européenne, «Business services — Assessment of barriers and their

economic impact», 2015.

Commission européenne, «Rapport trimestriel sur la zone euro» — volume 14, nº 2,

2015.

J. Monteagudo, A. Rutkowski et D. Lorenzani, «The economic impact of the Services

Directive: A first assessment following implementation», Document économique de la

Commission nº 456, 2012.

M. Koumenta et M. Pagliero, «Measuring Prevalence and Labour Market Impacts of

Occupational Regulation in the EU», 2016.

OCDE, «The future of productivity», 2015.

Banque mondiale, «Growth, jobs and integration: Services to the rescue», World Bank EU Regular Economic Report, 2016.

L. Chini, A. Minichberger, E. Reiner et H. Grafl, «Effects of Liberalisation in Austria using the Example of Liberal Professions», Vienna University of Economics and

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M. Rojek et M. Masior, «The effects of reforms liberalising professional requirements in Poland», Warsaw School of Economics, 2016.

D. Rostam-Afschar, «Regulatory Effects of the Amendment to the HwO [German Trade and Crafts Code] in 2004 in German Craftsmanship», Université libre de Berlin

& Institut allemand de recherche économique (DIW Berlin), 2015.

E. Athanassiou, N. Kanellopoulos, R. Karagiannis et A. Kotsi, «The effects of

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M. Pagliero, «The effects of recent reforms liberalising regulated professions in Italy», Université de Turin & Collegio Carlo Alberto;

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6. RESSOURCES UTILES

Page web Europa sur les services

http://ec.europa.eu/growth/single-market/services/services-directive/

Stratégie pour le marché unique

https://ec.europa.eu/growth/single-market/strategy_fr

Résumé de l’analyse économique du fonctionnement du marché unique des services

http://ec.europa.eu/growth/single-market/services/economic-analysis_fr

Page web Europa sur la mise en œuvre de la directive sur les services

https://ec.europa.eu/growth/single-market/services/services-directive/implementation_fr

Page web Europa sur les professions réglementées

http://ec.europa.eu/growth/single-market/services/free-movement-professionals/

Base européenne de données des professions réglementées

http://ec.europa.eu/growth/tools-databases/regprof/index.cfm?action=homepage

Indicateur de réglementation des marchés de produits établi par l’OCDE

http://www.oecd.org/eco/growth/indicatorsofproductmarketregulationhomepage.htm

Statistiques sur la productivité et les CSU par principale activité économique

établies par l’OCDE http://stats.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=PDBI_I4

Banque mondiale, «Growth, jobs and integration: Services to the rescue», World

Bank EU Regular Economic Report, 2016. http://pubdocs.worldbank.org/en/930531475587494592/EU-RER-3-Services-to-the-

Rescue.pdf