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I. Les fondements de la politique climatique Introduction Constat (thème 1) : la croissance économique s’est traduite par une dégradation de l’environnement 2 questions se posent alors : Quel niveau de pollution accepter ? L’idée n’est pas d’atteindre le niveau de pollution 0, mais celui qui est le meilleur pour la collectivité Comment atteindre ce niveau de pollution acceptable ? Le problème est que la pollution renvoie au cadre des défaillances du marché : le libre jeu des agents économiques ne conduit pas à l'optimum social. A. Les défaillances du marché 1. L’environnement, bien public mondial, bien commun? Comme l’indique B.Guerrien : « une des hypothèses implicites du modèle de cpp est que toute quantité de bien ne peut être utilisée ou consommée à la fois par deux individus (on dit qu’elle est strictement privative). Les biens et services ordinaires sont ainsi caractérisés par deux propriétés simples : On ne peut y accéder qu’en payant le prix, ils sont soumis à l’exclusion par le marché. On ne peut consommer un bien ou un service lorsqu’il est consommé par un autre individu, il y a un phénomène de rivalité entre les consommateurs. III - Economie du développement durable Fiche 312 – Quels instruments économiques pour la politique climatique ? Science économique Acquis de première : externalités, droits de propriété, offre et demande, défaillances du

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I. Les fondements de la politique climatique

Introduction

Constat (thème 1) : la croissance économique s’est traduite par une dégradation de l’environnement 2 questions se posent alors :

Quel niveau de pollution accepter ? L’idée n’est pas d’atteindre le niveau de pollution 0, mais celui qui est le meilleur pour la collectivité

Comment atteindre ce niveau de pollution acceptable ? Le problème est que la pollution renvoie au cadre des défaillances du marché : le libre jeu des agents économiques ne conduit pas à l'optimum social.

A. Les défaillances du marché

1. L’environnement, bien public mondial, bien commun?

Comme l’indique B.Guerrien : «  une des hypothèses implicites du modèle de cpp est que toute quantité de bien ne peut être utilisée ou consommée à la fois par deux individus (on dit qu’elle est strictement privative). Les biens et services ordinaires sont ainsi caractérisés par deux propriétés simples :

On ne peut y accéder qu’en payant le prix, ils sont soumis à l’exclusion par le marché. On ne peut consommer un bien ou un service lorsqu’il est consommé par un autre

individu, il y a un phénomène de rivalité entre les consommateurs.

Il y a rivalité quand la consommation d’une unité du bien par un individu empêche la consommation simultanée de la même unité par un autre consommateur .Il y a non rivalité quand plusieurs individus peuvent consommer en même temps la même unité (exemple : éclairage public, cinéma pour ceux qui peuvent voir l’écran...) La possibilité d’exclusion concerne le consommateur qui refuse de payer le prix fixé par le producteur pour consommer le bien qu’il produit (exemple : cinéma....).L’exclusion est impossible techniquement ou économiquement quand on ne peut empêcher les consommateurs qui refusent de payer le prix d’utiliser le bien ou le service en question (exemple : éclairage public...) :

Les "biens collectifs purs" sont des biens et services caractérisés par une non rivalité dans la consommation et une impossibilité pour les producteurs d’exclure les personnes qui refusent de payer le prix pour acquérir le bien

Les biens privés purs sont caractérisés par la rivalité et la possibilité d’exclusion.

III - Economie du développement durable

Fiche 312 – Quels instruments économiques pour la politique climatique ?

Science économique

Acquis de première : externalités, droits de propriété, offre et demande, défaillances du marché. NOTIONS : Réglementation, taxation, marché de quotas d’émission

Les relations marchandes ne peuvent pas s’appliquer à toutes les relations économiques : dans le cas des biens collectifs purs (parcs publics, défense nationale, diplomatie...) ou pour les biens et services collectifs mixtes caractérisés par la rivalité et l’impossibilité d’exclusion (parce qu’ils sont indivisibles), il n’y a pas de marché possible. Cependant, l’intérêt général nécessite l’existence de ces biens collectifs que le marché ne peut pas prendre en charge.

a. L’environnement ,un bien public mondial   ?

Un bien public ou collectif possède les deux propriétés inverses des biens ordinaires : la non-exclusion et la non-rivalité.

La non-exclusion signifie que personne ne peut être écartée par un mécanisme marchand (un prix) de l’utilisation d’un bien collectif.

La non-rivalité signifie que l’usage d’un bien collectif par un agent économique ne nuit en rien à son utilisation par les autres membres de la collectivité.

Un bien public mondial a les caractéristiques qui définissent un bien public (la non-rivalité et la non-exclusion). Deux dimensions sont cependant rajoutés :

la dimension temporelle : il intéresse également les générations futures la dimension territoriale : il bénéficie à toute la planète

Le climat et la qualité de l’air peuvent alors être considérés comme un bien public mondial : Un bien public :

- non-exclusion : la qualité de l’air n’est pas payante. - non-rivalité : la qualité de l’air profite à toutes les personnes d’une aire géographique donnée.

Un bien public mondial :- la dimension temporelle : la dégradation de la qualité de l’air aura des conséquences pour les générations

futures- la dimension territoriale : la pollution ne s’arrête pas aux frontières d’un pays

Or, le marché semble incapable de prendre en charge la réalisation des biens collectifs. En effet, si l’on part de l’idée que tous les individus sont rationnels et égoïstes, ils ont tout intérêt à adopter l’attitude du passager clandestin (free rider). Chacun va justifier son refus de contribution au financement du bien collectif par son manque d’intérêt pour son usage. Mais, une fois que le bien aura été financé et produit, il l’utilisera puisque rien ne peut lui interdire son usage (bien indivisible). Comme tous les individus sont égoïstes et rationnels, ils vont reproduire le même comportement ce qui, si on agrège les actions individuelles, va générer un effet pervers : aucune entreprise n’acceptera de produire le bien collectif, bien qu’il soit utile à la collectivité, car aucun agent économique n’a accepté de participer à son financement.

L’Etat est alors obligé de se substituer au marché, de prendre en charge la production du bien et d’assurer son financement par les prélèvements obligatoires opérés sur l’ensemble des ménages.

b. L’environnement , un bien commun   ?

Bien ou service dont la consommation obéit au principe de rivalité (ce que les uns consomment ne peut être consommé par les autres) et de non excluabilité (le consommateur n'ayant pas payé pour un bien ou un service ne peut être exclu de la consommation de ce bien ou de ce service).

L’environnement peut alors être considéré comme un bien commun. La pêche en haute mer est accessible à tous les bateaux (non exclusion) mais les poissons pêchés par un bateau ne peuvent être capturés par les autres bateaux (rivalité).

Or, selon Garrett Harding, lorsqu'une ressource est en libre accès, chaque utilisateur est conduit spontanément à y puiser sans limite, poussant à sa disparition. C’est la « tragédie des communs ». Si les pêcheurs ne sont pas spontanément poussés à la coopération pour sauvegarder la ressource, ils ont tous tendance à se comporter en «passagers clandestins » en bénéficiant de la ressource sans en payer le prix de sa disparition.

La solution est alors de donner des droits de propriété

2. Les externalités – une défaillance du marché

Comme l’indique B.Guerrien , on dira qu’il y a effets externes : « lorsque l’activité d’un agent a des répercussions sur l’utilité ou le profit d’autres agents sans qu’il y ait transaction sur un marché » .

L'externalité est négative si elle entraîne des coûts supplémentaires pour ceux qui la subissent et non pour celui qui en est à l’origine. Ainsi, une entreprise chimique A peut décider de son niveau de production et de ses tarifs sans tenir compte des conséquences pour les riverains des produits polluants

L'externalité est positive lorsqu’elle se traduit par un enrichissement sans frais pour les agents qui en bénéficient. Ainsi, l’apiculteur, qui entretient ses ruches d’abeilles, contribue à enrichir sans le vouloir l’arboriculteur car ses abeilles pollinisent les arbres fruitiers. Il assume pourtant tout seul le coût de cet entretien alors que l’arboriculteur profite de la gratuité du service. Le prix des fruits n’intègre pas l’externalité positive procurée par les abeilles.

Le problème de la pollution est d’être un effet externe, c’est-à-dire une conséquence involontaire de l’action rationnelle des individus. La pollution n’a donc pas de prix, d’autant plus qu’elle est diffuse et qu’elle concerne des biens libres (air eau, etc).Les entreprises ne voient donc pas l’intérêt à la réduire. En effet, les entreprises qui ont pour but de réaliser une production de bien génèrent des contreparties négatives sur l’environnement. Mais l’air pollué n’appartient à personne et il est très difficile de déterminer qui est à l’origine de la pollution et dans quelle mesure il a contribué à cette pollution.

Le problème est alors que l’intérêt individuel n’aboutit pas à l’intérêt collectif. Dans tous les cas, les externalités ne sont pas incluses dans le prix de marché, ce qui n'incite pas les agents économiques à modifier leur comportement. Si un agent crée une externalité positive, il n'en sera pas récompensé et aura donc

tendance à sous-produire (les transports publics en ville peuvent ne pas être rentables. Ils seront donc insuffisants alors qu’ils offrent un service très utile à la collectivité en réduisant les émissions de CO. Le bénéfice social est donc inférieur au bénéfice individuel.

Inversement, en cas d'externalité négative, il y n'y aura pas de frein à l'activité (l’usage de la voiture privée engendre des coûts sociaux énormes qui ne sont pas payés directement par les automobilistes). Le prix de marché ne reflète donc pas les vrais coûts de production. Le coût social est donc supérieur au coût individuel.

Si le calcul économique des agents intégrait le coût total de leur activité (coûts privés + coûts sociaux) ils seraient amenés à modifier leur activité.

Conclusion - La myopie du marché source d’inefficacité

Comme l’indique P.Masse,  dans un environnement de court terme où les prévisions se font avec un degré d’incertitude très réduit, la régulation par le marché s’avère optimale tant que l’on reste dans les hypothèses du modèle de cpp. Mais : « lorsqu’il s’agit d’investissements à longue portée (...), aucun signal automatique ne vient guider la décision du maître d’œuvre ». La régulation par les prix s’avérant incapable de discerner les prix futurs, le marché est myope, ce qui risque d’engendrer des effets très négatifs

Ainsi, le marché ne peut arriver à diminuer la pollution du fait des caractéristiques mêmes de la pollution : elle cumule ses effets dans le long terme et certains effets sont irréversibles. La pollution actuelle s’ajoute à celle

passée et met des siècles avant de disparaître. Toutes les régions ne seront pas touchées de la même manière : ce sont surtout les pays pauvres et émergents qui

seront le plus affectés.

Ce type de conséquences ne peut être appréhendé par les entreprises des pays riches, car elles recherchent leur profit maximum à court terme.

B. Quel niveau de pollution faut-il tolérer ?

Le niveau de pollution optimal n’est pas nul : En effet, dans ce cas, cela voudrait dire que, pour un état donné des techniques, il ne faut

plus produire. Le coût d’opportunité en termes de baisse de l’activité est donc trop important

Mais, si on continue à produire, la pollution s’accumule et devient insupportable. Le coût d’opportunité en termes de pollution est donc trop élevé, il serait préférable de réduire la production

Il existe donc un niveau intermédiaire de pollution qui concilie la nécessité de produire et l’objectif de contrôle de la pollution : c’est ce qu’on appelle le niveau de pollution optimale. Cet optimum dépend :

- De l’état des techniques à un moment : si le coût de dépollution est faible, on peut réduire la pollution

- Des préférences de la société : si la population ne veut pas de pollution, il y a une volonté pour la réduire

Or les caractéristiques de la pollution rendent difficile la détermination de cet optimum de pollution :

La pollution a des effets cumulatifs à long terme. L’optimum de pollution doit alors prendre en compte la question intergénérationnelle

Comme dans le futur, la population sera plus riche, les coûts de dépollution paraîtront plus faibles et la volonté de réduire la pollution plus forte

Il vaut mieux alors laisser la charge de la dépollution aux générations futures Le problème est que la pollution actuelle va augmenter

Pour les plus motivés   : la représentation graphique

L'optimum économique est atteint lorsque la différence entre les coûts et les bénéfices totaux est la plus grande possible. En d'autres termes, un état de l'allocation des ressources est optimal lorsque le bénéfice net est maximal (ou qu'il est impossible d'augmenter les bénéfices sans, en contrepartie, augmenter les coûts de manière plus importante).

Appliquée au niveau de pollution, la recherche de l'optimalité demande de déterminer : les bénéfices ou le bien-être qu'une réduction de la pollution induirait. Il s'agit de la valeur des

dommages que la dépollution permet d'éviter. Le bénéfice de la dépollution est représenté par une courbe de pente positive. En d'autres termes, enlever une unité de pollution supplémentaire diminue les dommages d'un montant conséquent, mais à chaque fois moindre.

le coût de la dépollution. Il s'agit du coût des actions nécessaires à la diminution de la pollution. Cette courbe décline, indiquant par là l'existence d’un rendement décroissant dans la dépollution et exprimant de la sorte le fait qu'il est toujours plus coûteux de diminuer le niveau de pollution.

http://www.meso-platform.org/spec/meso/download/MESO%20methodology/ECO2_poll_optimale.pdf

L’optimum est atteint au niveau du croisement de ces courbes. Dans ce cas le coût de la dépollution d’une unit é additionnelle est égal au bénéfice retiré de la

dépollution de cette unit ́e additionnelle. Si la pollution est plus importante le bénéfice retiré de la dépollution d’une unit é est plus important

que le coût de cette unité additionnelle, il faut donc enlever cette unité de pollution.

II. Les instruments de la politique climatique

Source : JF Freu

Dès lors, le marché s’avère incapable de résoudre la question des effets externes : une intervention de l’Etat est nécessaire ; elle peut prendre 3 formes

A. Le recours aux instruments règlementaires : les normes

1. Définition

Une norme est politique de réglementation de la pollution détermine le niveau tolérable de pollution et sanctionne très sévèrement les entreprises qui ont dépassé le seuil légal. Il s’agit alors pour les pouvoirs publics d’établir des règles qui encadrent une activité économique ainsi que les sanctions nécessaires à leur respect par les agents économiques.

On peut distinguer plusieurs types de normes : Les normes d’émission consistent en un plafond maximal d’émission qui ne doit pas être dépassé sous peine de sanctions

administratives, pénales ou financières Les normes de procédé imposent aux agents l’usage d’un certain nombre d’équipements empêchant la pollution ou

dépolluants Les normes de produit imposent certaines caractéristiques aux produits Les normes de qualité concernent les caractéristiques des milieux récepteurs de l’environnement

2. Avantages

Moyen certain pour atteindre des objectifs de réduction d’émissions Elle a l’avantage d’être simple à mettre en œuvre et peu coûteuse : il suffit d’un texte de lois

3. Inconvénients

Une des difficultés est de déterminer le niveau de la norme. Comment fixer le niveau ? S'il est trop ambitieux, l'objectif de réduction des émissions risque de ne pas être atteint. Trop laxiste, la norme risque de ne pas être utile.

Elle est rigide pour les entreprises, car elle est uniforme : Elle est la même pour des entreprises ayant des activités très diverses et donc des coûts de

dépollution très inégaux L’uniformité de la norme a des effets négatifs sur les petits producteurs. Cela peut les conduire à

la faillite car le coût économique de mise aux normes peut leur être fatal.

Les entreprises ne sont pas incitées à réduire la pollution au-delà de la norme réglementaire

Elle paraît peu adaptée dans un contexte de crise économique et de fort taux de chômage. En effet, dans une économie en voie de mondialisation, on peut s’interroger sur la capacité des Etats à mettre en oeuvre cette politique. Les entreprises les plus polluantes risquent de menacer les Etats de fermer leurs usines et de délocaliser leur production vers des pays ayant des normes de pollution plus tolérantes. Or, la pollution

ne connaît pas de frontières ( cf le trou dans la couche d’ozone ) ; nous avons ici un exemple où l’intérêt personnel de certains s’opère au détriment de l’ensemble de la collectivité .

Conclusion :

LA REGLEMENTATIONPrincipe : la collectivité fixe un niveau maximum d’émissions toléré et oblige les agents à s’y soumettre.

Avantages Inconvénients Efficacité

Méthode qui fonctionne déjà très bien dans d’autres domaines comme la santé et la sécurité ;

Présente le maximum de garanties quant à la réduction de la pollution. (Graduation de la réglementation pouvant aller jusqu’à l’interdiction complète).

La réglementation a constitué, pendant un certain temps, un des moyens privilégiés de lutte contre la pollution.

Difficulté à définir le niveau de la norme en raison des difficultés à mesurer l’impact réelle de la pollution sur l’environnement.

Les contrôles pour veiller au respect de la réglementation ont un coût pour l’ensemble de la collectivité.

N’est efficace que si elle s’accompagne de contrôles suffisants.

Les agents ne sont pas libres de choisir leur niveau de pollution.

Peut encourager des stratégies de contournement de la législation (Dans le cas de la circulation alternée, on peut penser aux trafics de plaques de contrebande en ville).

Efficace d’un point de vue environnemental mais pas d’un point de vue économique. Elle s’applique indistinctement à tous les agents économiques. La norme impose à tous le même effort quel que soit le sacrifice que cela représente. Ainsi par exemple, lors de pics de pollution, la circulation alternée s’impose aussi bien à celui pour qui il est facile d’aller au travail à pied ou en métro qu’à l’habitant d’un quartier résidentiel en périphérie de la ville mal desservi par les lignes de transport en commun et qui n’a d’autre choix que d’utiliser sa voiture. De même un ménage qui a les moyens financiers de posséder deux véhicules (avec des plaques paires et impaires) ne subira pas la réglementation au contraire d’un ménage qui n’a qu’un seul véhicule.

Les agents ne sont pas encouragés à faire mieux que ce que la réglementation prescrit.

Source : P Bailly http://www.ac-grenoble.fr/lycee/moutiers/Spip/spip.php?article578

B. Le recours aux instruments économiques

Introduction - L’internalisation des externalités

Les instruments économiques sont incitatifs : ils visent à inciter les agents économiques à réduire les atteintes à l’environnement en leur donnant un prix. Les agents vont alors intégrer à leur calcul économique coût-bénéfice les atteintes à l’environnement. C’est l’internalisation des effets externes. On va donc internaliser le coût des externalités afin de modifier le comportement des agents. Les politiques incitatives consistent à internaliser les externalités positives ou négatives dans le prix de marché

C’est le principe pollueur-payeur adopté en 1972 par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et en 1986 par la CEE. Ce principe stipule que les coûts de prévention, de réduction de la pollution, de dépollution et de restauration doivent être supportés par le pollueur à l’origine du sinistre.

Deux instruments peuvent être mobilisés pour cette internalisation des coûts sociaux : les taxes ou les subventions environnementales, qui corrigent les prix des marchés existants et les marchés de « droits d’émission », qui permettent de faire émerger de manière décentralisée un prix des émissions

1. Les taxes

a. Le principe

Imposées par les pouvoirs publics, ces taxes constituent pour le pollueur un coût supplémentaire qui s’ajoute au coût privé marchand, ce qui modifie son calcul de production optimale. À court terme, le producteur est ainsi incité à moins produire, donc à réduire les émissions polluantes. À moyen et long terme, il pourra également être encouragé à utiliser des technologies de production moins polluantes pour minimiser son paiement de la taxe. L’incitation à réduire le volume de production ou à investir pour supprimer ou réduire les émissions nocives sera d’autant plus forte que le niveau de la taxe sera élevé. En toute logique, le niveau de cette taxe doit également refléter l’importance des dommages.

b. Les avantages

Cela laisse de la liberté et de la souplesse aux entreprises. Elles ont le choix : Soit de payer la taxe Soit de réduire leur pollution et ne pas payer la taxe

Les entreprises choisiront la solution qui est la plus avantageuse.

La notion de double dividende traduit l’idée que la mise en place d’une fiscalité environnementale (taxe carbone ou quotas échangeables mis aux enchères) peut permettre simultanément deux améliorations pour la collectivité : le premier « dividende » est la réduction de dommages de pollution. Il découle directement

de l’effet incitatif du signal-prix sur les comportements le second « dividende » est un gain collectif, disjoint du bénéfice environnemental, et

permis par une utilisation pertinente des recettes budgétaires générées par la taxe (ou par les enchères). Le prélèvement d’une nouvelle taxe se traduit par de nouvelles recettes fiscales que les pouvoirs publics pourront affecter à la réparation, au moins partielle, des dommages causés. Ils peuvent aussi affecter une part de ces recettes à la réduction de la pression fiscale sur d’autres facteurs, notamment le travail, auquel cas l’emploi s’en trouvera stimulé : on parle alors de « double dividende ».

c. Les limites Les pouvoirs publics ne peuvent donc pas savoir quelle solution vont choisir les entreprises.

Le niveau de dépollution est donc inconnu au départ. la taxe sera répercutée sur le prix de vente, rendant les produits plus chers, ce qui a deux

conséquences : elle diminue le pouvoir d’achat des ménages, et notamment des plus pauvres elle peut se traduire par une baisse de la compétitivité-prix des entreprises locales

qui, pour fuir une fiscalité jugée trop lourde et préjudiciable, peuvent être tentées de délocaliser leur production. Dans ce cas, les émissions de carbone ne sont pas supprimées ; elles sont seulement déplacées.

La taxe est un instrument national qui ne peut répondre aux pollutions transfrontalières.

LA TAXATION ou TAXE ENVIRONNEMENTALE ou ECOTAXE

Principe : Faire payer une taxe à l’utilisateur d’une source d’énergie responsable des émissions de CO2 afin de modifier son comportement et faire baisser sa consommation »

la taxation a pour but « d’internaliser les externalités » (= faire rentrer les coûts de la pollution engendrés dans le calcul économique que fait l’agent lorsqu’il fait des choix).

(EX : la taxe carbone – Doc. 1 p. 168 ou péages à l’entrée des villes comme Londres ou Singapour afin de dissuader les usagers d’utiliser leur voiture en ville).

Avantages Inconvénients Efficacité

À la différence de la norme, les agents sont libres de choisir leur niveau de pollution. Ceux pour qui la dépollution représente un effort trop important préféreront s’acquitter de la taxe et continuer de polluer comme avant. Au contraire, ceux qui peuvent facilement réduire leurs émissions polluantes le feront de manière à éviter de payer la taxe.

Dépollution à moindre coût pour la collectivité et l’Etat.

Difficulté à définir le niveau de la taxe car comme pour la réglementation il est difficile d’évaluer en monnaie le dommage généré sur l’environnement.

La taxe doit être souvent assez forte pour inciter les agents économiques à l’innovation (trouver des moyens nouveaux pour rejeter moins) et baisser leur consommation.

Touchant le « porte-monnaie » des utilisateurs, cet instrument est très impopulaire. Les ménages le trouvent injuste car il frappe proportionnellement plus les bas revenus (la taxe carbone contenu dans le prix d’un litre de carburant est la même pour automobiliste aisé ou un automobiliste modeste mais pour le second elle pèse relativement plus dans son budget). De leur côté, les entreprises considèrent qu’il constitue une menace pour leur compétitivité dans la mesure où il fait augmenter leurs coûts de production. (NB : cette crainte de perte de compétitivité est encore renforcée par le fait qu’il existe de profondes disparités entre les pays créant une concurrence déloyale !). Ce sentiment d’injustice est d’autant plus fort que les écotaxes varient d’un pays à l’autre.

Une efficacité environnementale… si la taxation permet de réduire la consommation, alors la qualité de l’environnement s’en trouvera grandement améliorée.

Une double efficacité économique.

1) Les écotaxes permettent à l’Etat d’engranger de nouvelles recettes et de se financer en prélevant sur autre chose que le travail (effet bénéfique sur la compétitivité et l’emploi + rentrées d’argent dans les caisses de l’Etat).

2) Ceux qui peuvent se permettre financièrement de réduire leur pollution seront ceux qui contribueront le plus à la dépollution (En effet, ceux qui peuvent facilement réduire leur pollution réaliseront les dépenses nécessaires d’éviter la taxe en achetant du matériel moins polluant et moins gourmand en énergies fossiles. Au contraire, ceux pour qui les coûts de dépollution sont trop importants payeront la taxe et continueront de polluer).

L’augmentation du prix des produits dont la production et la consommation contribuent à la pollution va inciter les individus soit à réduire leur consommation, soit à se porter sur des produits de substitution, soit à opter pour des modes de production des biens mobilisant des technologies plus« propres ». Les agents sont encouragés à faire mieux en matière de rejets car cela réduira voire supprimera le poids de la taxe sur leurs activités.

Source : P Bailly http://www.ac-grenoble.fr/lycee/moutiers/Spip/spip.php?article578

2. Le marché des quotas d’émission

Pour les plus motivés   : le principe de référence   : le théorème de Coase

Selon Ronald Coase, , en l’absence de coûts de transaction et si les droits de propriété sont définis, les agents peuvent corriger spontanément les externalités en passant par le marché. Dans un monde sans coût de transaction et en concurrence parfaite, la création de richesse grâce à l’utilisation des ressources de l’économie est indépendante de la répartition des droits de propriété. Les agents peuvent, en effet, facilement échanger les droits sur ces ressources pour produire, chacun y trouvant intérêt. Par conséquent, l’ensemble de la législation afférente à ces droits est inutile.

a. Le marché des droits d’émission   : les principes

Pour les libéraux, la solution serait la création de marché à polluer qui internaliserait les externalités (ici la pollution) et les ferait entrer dans le calcul rationnel de l’entreprise.

Le volume total d’émissions autorisées est fixé par les pouvoirs publics, qui distribuent ces « quotas d’émission » aux agents émetteurs, selon des modalités – gratuité ou vente aux enchères – qui n’ont aucune incidence sur les incitations. L’Etat limite la pollution en mettant en vente des droits à polluer dont le total représente le plafond toléré de pollution. Autrement dit, on donne à chaque pays ou à chaque entreprise un droit à polluer qu’ils ne doivent pas dépasser sous peine de payer des amendes dont le coût est supérieur au droit à polluer.

Les entreprises ont alors deux possibilités : Le coût de la dépollution est trop élevé  elles continuent à polluer et préfèrent acheter des

quotas d’émissions supplémentaires Elles réduisent fortement leur pollution et peuvent alors vendre leurs quotas non utilisés

Un exemple : Le système européen d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre .Les États membres imposent un plafond sur les émissions des installations concernées (environ 12 000 installations dans les secteurs de la production d’électricité, des réseaux de chaleur, de l’acier, du ciment, du raffinage, du verre, du papier, etc. qui représentent plus de 40% des émissions européennes de gaz à effet de serre), puis leur allouent les quotas correspondants à ce plafond.  La première période du système européen d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre a duré trois ans (2005-2007) et a été suivie par une période de 5 ans (2008-2012).Pour la troisième période (2013-2020) un nouveau dispositif a été mis en place pour étendre le champ d’application du système et modifier les modalités d’allocation des quotas 

b. Les avantages

Selon les quantités de droits émises par l’Etat, le prix des droits variera : plus la pollution tolérée sera faible, moins la quantité de droits émises sera importante, plus le prix des droits sera élevé, ce qui incitera les entreprises à réduire leurs émissions nocives en installant des systèmes antipollution .Il y a donc ici un mécanisme incitatif qui suit la logique de la loi de l’offre et de la demande.

L’offre est constituée des quotas alloués et ceux des entreprises qui ont fait des efforts de dépollution et qui n’utilisent donc pas tous leurs quotas. La demande est composée des entreprises pour qui les coûts de dépollution sont trop élevés.

L’Etat laisse alors le marché s’autoréguler : Si la demande est supérieure à l’offre, le prix du quota, c’est-à-dire le prix de la pollution

augmente. Plus le prix de la pollution sera élevé, plus les entreprises seront incitées à réduire leur niveau de pollution pour réduire leurs coûts, voire augmenter leurs recettes, car elles pourraient vendre leurs droits à polluer non utilisés (à partir d’un calcul coût bénéfice)

En revanche, si l’offre est supérieure à de demande, le prix du quota diminue

La création d’une Bourse du carbone montre le succès de ce marché car elle est créée pour faciliter les échanges.

c. Les limites

A partir de 2006, le prix du quota s’effondre. Il y a deux raisons : En période de difficultés économiques, le ralentissement de la production entraîne un

excès de permis d’émission, dont le prix s’effondre. dans le marché de quotas de carbone européen, le nombre de permis distribués a été

excessif par rapport à la demande

Des prix en baisse et volatiles n’incitent pas les entreprises à développer des projets d’investissements coûteux et risqués. Cette volatilité risque de s’accroître car il est difficile de prévoir l’évolution des cours :

L’offre de quotas d’émissions dépend des possibilités techniques futures : si les entreprises peuvent réduire leurs émissions à faible coût, l’offre augmentera

La demande dépend de la croissance économique : plus elle sera forte, plus la demande de quota ssera importante

Toutes les entreprises ne sont pas dans la même situation et ne vont pas subir les mêmes conséquences :

Les entreprises en monopole peuvent répercuter sut le prix de vente le coût des quotas d’émissions

Les entreprises de grande taille peuvent développer des équipes de traders qui vont acheter au meilleur prix les quotas d’émission

L’Etat est soumis aux lobbyes des entreprises qui menacent de délocaliser ou de licencier si le coût de la pollution nuit à la compétitivité a distribué trop généreusement les droits.

Certains pays , comme la Chine , se sont spécialisés dans le recyclage de gaz dangereux comme le CFC ; Comme le coût de recyclage est très bas, ils peuvent émettre beaucoup de quotas, ce qui augmente l’offre et faut baisser le prix du quota

Les atteintes générées par la pollution sur l’environnement sont irrémédiablement irréversibles ; l’indemnisation que représente les droits à polluer ne permet donc pas de compenser les effets néfastes de la pollution sur la qualité de la vie.Les effets de la pollution s’accumulant frapperont surtout les générations futures .Or, les décisions politiques sont généralement prises sous la pression des générations présentes. Il est donc probable que les pollueurs fassent pression sur les autorités pour accroître la quantité de droits à polluer.

LE MARCHE DES QUOTAS D’EMISSION ou MARCHE DES DROITS A POLLUER ou QUOTAS ECHANGEABLES

Principe : Les pouvoirs publics fixent un plafond global d’émissions tolérées et attribuent à chaque entreprise concernée des « droits à polluer ». Ces droits vont ensuite s’échanger sur un marché. La confrontation de l’offre et de la demande conduit à la fixation d’un prix d’équilibre. En fonction de ce prix que les agents décident de réduire leur pollution ou non. Les entreprises qui n’arrivent pas à respecter le quota attribué doivent acheter les quotas manquants sur le marché du carbone, ou directement auprès de firmes qui parviennent à émettre moins que leurs quotas et qui disposent de ce fait d’un surplus à vendre.

(EX : marché du carbone européen)

Avantages Inconvénients Efficacité

Vraie liberté de choix pour les émetteurs. En fonction du prix d’équilibre qui va se fixer sur le marché du carbone, les entreprises peuvent faire des choix : soit elles décident d’investir afin de réduire leur pollution afin de rentrer dans la normalité soit elles décident de continuer à polluer en achetant des quotas supplémentaires (sorte de« permis à polluer ») = elles comparent le coût de chacune des deux options et optent pour la moins coûteuse.

Les pouvoirs publics peuvent fixer un plafond global d’émissions à ne pas dépasser pour un type d’activité en particulier ou pour chaque entreprise.

Comme tout marché, le marché des quotas peut être victime

De fraudes (EX : ententes entre revendeurs pour fournir un certain nombre de quotas à un prix et à un moment convenu) ;

De comportements spéculatifs (certains achètent de quotas d’émission uniquement pour les vendre en misant sur une évolution favorable des prix spéculation).

… entraînent une forte instabilité des prix qui peut gêner les entreprises au moment de faire des choix. Incertitude quant à l’évolution des prix hésitation à se lancer dans des projets à long terme de réduction de leurs émissions.

Favorise plutôt les grosses entreprises qui ont les moyens d’acheter des quotas pour polluer.

Efficacité économique… du côté des pouvoirs publics le pari est fait qu’une forte demande de droits à polluer va entraîner une hausse des cours des permis à polluer ce qui incitera les entreprises à investir dans la dépollution. Les entreprises qui polluent déjà moins que leurs quotas alloués vont être incitées à développer encore davantage les techniques de production les moins polluantes tant que ces investissement coutent moins que ne leur rapporte la vente de leur droits. On favorise la réduction des émissions là où elles sont les plus aisées à mettre en œuvre.

Efficacité environnementale… agit directement sur le volume d’émission de GES.

Source : P Bailly http://www.ac-grenoble.fr/lycee/moutiers/Spip/spip.php?article578

Conclusion – La complémentarité des outils

Ces 3 instruments ne sont cependant pas contradictoires, mais complémentaires. Leur utilisation dépend du type d’atteinte à l’environnement, de l’objectif souhaité et des conditions techniques :

La réglementation est bien adaptée : lorsque les contrôles sont techniquement faciles et peu coûteux. Elle permet aussi d’atteindre de manière sûre le volume d’émissions toléré

La taxe est efficace : quand il y a un grand nombre d’entreprises et qu’il est donc difficile d’organiser un marché en cas de pollution diffuse quand les autorités ne connaissent pas le coût de dépollution

Les permis sont plus adaptés : pour un nombre limité d’entreprises polluantes en cas de pollution dépassant les frontières. C’est le mécanisme pour un développement propre (MDP), mis

en place après Kyoto : : les pays industrialisés payent pour des projets qui réduisent ou évitent des émissions dans des nations moins riches et sont récompensés de crédits pouvant être utilisés pour atteindre leurs propres objectifs d’émissions.

RéglementationEfficience

environnementaleCoût supporté par

les entreprisesIntérêts Limites

Réglementation Permet de fixer un niveau d’émissions

souhaité

Des coûts importants pour les entreprises

Fixent une quantité maximale de

pollution : affichage clair du niveau de pollution toléré

-difficultés à fixer le niveau de la norme

-traitement égalitaire qui peut être injuste

-pas d’efforts au-delà de la norme-coût de contrôle de la conformité

Taxation Efficacité limitée par la capacité de la taxe à

modifier le comportement des

entreprises

Des coûts importants pour les entreprises

-Double dividende-Limite les coûts de

dépollution trop élevés

Coût supplémentaire pour les entreprises et les consommateurs

(perte sèche)

Marché de quotas

d’émission

Efficace à condition que les quotas ne

soient pas trop nombreux

Modérée si suffisamment de

participants

-Incitations à dépolluer et profit si

le fait-favorise la

dépollution dans les secteurs où elle est la

moins couteuse à mettre en place

-marchandisation de l’environnement

-ne concerne que les gaz à effet de serre

Source : Mme LABAT - MM. BERTHEOL – AMBIALLET

Ressources complémentaires

Exercices de remédiation

Sur le net, articles et vidéos

De base ApprofondissementI. Les fondements de la politique climatique

Les notions du programme

Un exercice à partir

Résumé sonoreJ.Gadrey, Des biens publics aux biens communs

d’une représentation graphique

Le protocole de Kyoto

Les politiques climatiques

Un QCM sur les différents instruments

Une vidéo du Ced Un marché pour dépolluer ?   Affaibli, le marché du carbone n'est pas encore mort La tribune

Quels instruments économiques pour la politique - Ministère de l’environnement ...