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Romain Castellani Rapport de Stage 5° année 17 juillet 2013 F F o o r r m m u u l l a a t t i i o o n n e e t t c c a a r r a a c c t t é é r r i i s s a a t t i i o o n n d d e e g g e e l l s s d d e e n n a a p p p p a a g g e e à à r r e e p p r r i i s s e e i i n n s s t t a a n n t t a a n n é é e e Stage effectué du 8 mars au 31 juillet 2010 au Laboratoire des Procédés Avancés de Décontamination (CEA/DEN/MAR/DTCD/SPDE) Tuteurs : Anne-Lise FAIVRE (Polytech’ Montpellier), Frédéric CUER (CEA)

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Romain Castellani Rapport de Stage 5° année 17 juillet 2013

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DDééccoonnttaammiinnaattiioonn ((CCEEAA//DDEENN//MMAARR//DDTTCCDD//SSPPDDEE))

TTuutteeuurrss :: AAnnnnee--LLiissee FFAAIIVVRREE ((PPoollyytteecchh’’ MMoonnttppeelllliieerr)),, FFrrééddéérriicc CCUUEERR ((CCEEAA))

Page 2 sur 47 Préambule

Romain Castellani Rapport de Stage 5° année 17 juillet 2013

Préambule

La gestion et la réhabilitation des installations nucléaires en France et dans le monde représentent un important enjeu économique et éthique pour leurs exploitants et la population. Si l’on considère uniquement le domaine de l’énergie, notre pays possède 58 réacteurs produisant de l’électricité à partir de matière première radioactive1 ; les premières générations arrivant en fin de vie, leur démantèlement est proche. D’autres applications font également appel à de la matière fissile ; c’est le cas de certaines installations médicales ou militaires qui sont elles aussi sujettes à contamination, c'est-à-dire polluées par des traces de matière radioactive, dont l’origine peut être liée à leur activité ou à un incident.

Afin de récupérer cette pollution, et pouvoir déclasser et/ou réduire le taux de contamination sur certains équipements (par exemple cellules blindées ou gaines de ventilation), le CEA (Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives) travaille sur des méthodes innovantes pouvant s’appliquer sur un grand nombre de matériaux. Un des plus importants acteurs de la recherche en France, cet organisme créé en 19452 comporte aujourd’hui cinq pôles scientifiques dont la DEN (Direction de l’Energie Nucléaire) missionnée pour traiter des différentes thématiques liées à la production d’énergie et au cycle du combustible.

Le travail décrit dans ce rapport a été effectué au sein du LPAD (Laboratoire des Procédés Avancés de Décontamination), appartenant au SPDE (Service des Procédés de Décontamination et d’Enrobage des déchets), lui-même inclus dans le DTCD (Département d’études du Traitement et du Conditionnement des Déchets), sur le site de Marcoule. Ce laboratoire étudie des méthodes de décontamination par mousses ou par gels, et élabore de même des techniques de traitement d’effluents liquides. Pour la décontamination de grandes surfaces, des procédés à base de gels de décontamination pulvérisables ont été mis au point ; ils permettent un traitement efficace des surfaces, et les déchets secs résultants sont facilement récupérables et conditionnables.

Il s’agira ici d’adapter ce procédé à la décontamination de petites pièces à géométries quelconques. L’idée est de pouvoir napper les objets par trempage dans un bain de gel (ce qui est impossible avec les formulations actuelles), tout en conservant les propriétés de séchage et d’attaque de matériaux des gels existants. Pour cela différents composés seront considérés en vue de leur ajout à la formulation d’un gel classique. Les propriétés d’écoulement de nos produits seront caractérisées par rhéologie ; l’élaboration d’un protocole de mesure permettra une comparaison quantifiée du comportement attendu pour assurer le nappage des pièces à décontaminer. Sera en outre étudiée l’influence des proportions des différents constituants sur l’efficacité du nappage. Par ailleurs, le séchage des gels et leur stabilité chimique en présence des réactifs de décontamination seront caractérisés.

L’étude présentée ici n’est évidemment pas exhaustive, et une série d’expériences supplémentaires visant notamment à optimiser le nappage sera nécessaire. D’autres adjuvants et techniques sont, de plus, envisageables.

Page 3 sur 47 Table des matières

Romain Castellani Rapport de Stage 5° année 17 juillet 2013

Table des matières PREAMBULE 2

TABLE DES MATIERES 3

ETAT DE L’ART 4

1. LA DECONTAMINATION NUCLEAIRE 4 1.1. LES METHODES CLASSIQUES DE DECONTAMINATION 4 1.2. GELS DE DECONTAMINATION ASPIRABLES 5 1.3. OBJECTIF DES GELS DE NAPPAGE 6

2. RHEOLOGIE 7 2.1. CONSIDERATIONS EXPERIMENTALES 7 2.1.1. Variables d’étude 7 2.1.2. Le rhéomètre 8 2.2. MODELES RHEOLOGIQUES 10 2.2.1. Eléments rhéologiques 10 2.2.2. Définition d’un modèle rhéologique complet 11

3. FORMULATION DES GELS 12 3.1. STRUCTURE DES GELS DE DECONTAMINATION 13 3.2. ADDITIFS CONSIDERES 14 3.2.1. Additifs sensibles à la température : les carraghénanes 14 3.2.2. Additifs sensibles aux champs magnétiques 17 3.2.3. Autres facteurs influents 17

ETUDE PHYSICO-CHIMIQUE DES GELS DE NAPPAGE 19

1. MISE EN PLACE DU PROTOCOLE D’ESSAIS 19 1.1. ESSAIS DE RHEOLOGIE 19 1.1.1. Paramètres influençant la mesure 20 1.1.2. Reproductibilité et stabilité dans le temps 20 1.2. CONDITIONS DE SECHAGE 23 1.3. PREPARATION DES GELS 23

2. RESULTATS DES MESURES 24 2.1. COMPORTEMENT EN TEMPERATURE DU CARRAGHENANE 24 2.2. RHEOLOGIE ET COMPOSITION 25 2.2.1. Influence de la quantité de carraghénane. 25 2.2.2. Influence de la charge de silice dans le gel 27 2.2.3. Corrélation entre les deux effets 28 Mélanges - 29 2.2.5. Caractères rhéofluidifiant et newtonien des gels 30 2.3. SECHAGE DES GELS 31 2.3.1. Caractérisation de la variation pondérale au cours du temps 32 2.3.2. Fracturation en paillettes 33 2.4. COMPORTEMENT CHIMIQUE DU CARRAGHENANE VIS-A-VIS DES REACTIFS DE DECONTAMINATION 33 2.4.1. Acide / Base 33 2.4.2. Influence des cations 34 2.4.3. Gels à l’acide oxalique 36

CONCLUSION ET PERSPECTIVES 39

ANNEXES 41

1. RHEOLOGIE ET FORMULATIONS 41

2. COMPORTEMENTS RHEOFLUIDIFIANT ET NEWTONIEN 43

3. SECHAGE DES GELS 44

4. AJOUT DE CATIONS 44

REMERCIEMENTS 45

BIBLIOGRAPHIE 46

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Etat de l’art

Cette partie s’attachera à dresser un bilan succinct des techniques de décontamination et de leurs enjeux. Après avoir présenté le but de la présente étude, des notions de base en rhéologie permettront d’afficher l’intérêt de telles mesures pour atteindre nos objectifs. Enfin, la formulation des gels existants et l’ajout d’additifs présentant les caractéristiques que l’on recherche seront discutés.

1. La décontamination nucléaire

Fin 2009, on compte en France 125 INB (Installations Nucléaires de Base)3, regroupant à la fois les centrales de production d’électricité, les centres de recherche, et les centres de stockage des déchets, qu’ils soient en activité ou en cours de démantèlement. Toutes ces installations sont susceptibles d’être contaminées par des sources radioactives. On appelle contamination nucléaire la pollution par un dépôt d’atomes ou molécules émettant un rayonnement ionisant ; cette contamination peut être surfacique ou avoir pénétré dans le matériau sur quelques microns d’épaisseur. Les procédés de décontamination, qui ont pour but l’assainissement des installations en vue de leur démantèlement, ou simplement un entretien des infrastructures en cours d’utilisation, doivent être élaborés pour réduire la quantité de déchets produits et limiter l’exposition des opérateurs à des sources radioactives.

1.1. Les méthodes classiques de décontamination

Les procédés « classiques » de décontamination comprennent :

Des procédés mécaniques, surtout utilisés pour une contamination surfacique labile. Ils incluent le brossage, le grenaillage la projection d’eau haute pression, le rabotage …

Des procédés chimiques, permettant de décontaminer sur une certaine épaisseur de matériau (trempage, mousses réactives …).

Des procédés physiques (laser), ou physico-chimique (électro-décontamination ; migration de la contamination au sein même du matériau).

Ce type de techniques, relativement simples à mettre en œuvre, a pour inconvénients :

Une forte exposition des opérateurs aux rayonnements ionisants, notamment dans le cas des procédés mécaniques.

Des risques de dissémination des poussières générées.

Une importante quantité d’effluents à traiter (solutions d’attaque chimique ; ce désavantage est en partie résolu grâce à l’utilisation de mousses), pour en séparer la matière fissible.

L’impossibilité d’utiliser certains réactifs dans les solutions de décontamination ; en effet, les STEL (Station de Traitement des Effluents Liquides) ne sont pas conçues pour traiter des solutions contenant n’importe quel adjuvant que l’on voudrait employer.

Afin de pallier à ces désavantages, des gels de décontamination aspirables ont été élaborés (brevet LPAD 2004).

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1.2. Gels de décontamination aspirables

L’utilisation de gels en elle-même permet dans un premier temps la réduction des quantités de matière utilisées pour la décontamination. L’application se fait par pulvérisation sur la surface à traiter ; le gel adhère grâce à son caractère thixotrope et rhéofluidifiant4, puis sèche en formant des paillettes rigides facilement récupérables, contenant la contamination. Les paillettes sont ensuite mises en fûts, compactées, et coulées dans du mortier d’immobilisation. La Figure 1 présente de façon schématique ce principe.

Figure 1 : Principe du procédé Gels Aspirables.

Par rapport aux méthodes classiques, ce procédé a pour avantages une exposition des opérateurs diminuée (d’au moins un facteur 2), et la production de faibles quantités de déchets ; il est de plus possible de conditionner directement ces derniers (voir Figure 2).

Figure 2 : Conditionnement des paillettes de gel produites par le procédé Gels Aspirables.

Substrat

Matériau solide

Contamination radiologique

Réaction chimique

Déchet solide sous forme de paillettes

millimétriques

Gel en cours de séchage

• Pulvérisation

• e = ~ 1 mm, 800 - 1200 g/m²

• vitesse de couverture = 4 m²/min

• Brossage et/ou aspiration

Gel

• Déchet produit < 200 g/m²

Fût décanteur d’aspiration

Fût prébétonné Fût 118 l à

compacter

Compactage de 2 à

6 fûts

Coulée du mortier

d’immobilisation

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Le conditionnement direct des paillettes sans passer par une étape de traitement dans les STEL autorise l’utilisation d’agents décontaminants plus performants que ceux utilisés dans les procédés liquides qui nécessitent des étapes de prétraitement avant stockage.

1.3. Objectif des gels de nappage

La décontamination de pièces de petite et moyenne taille se fait actuellement en utilisant des procédés de trempage ou de nettoyage par lingettes imprégnées de réactifs décontaminants. Elle permet ainsi l’assainissement de matériels divers en vue de leur réutilisation, mais aussi la décatégorisation des déchets, ce qui permet d’économiser en coût de traitement et volume de déchets finaux. Cependant, la quantité d’effluents ainsi que l’éventuelle exposition d’opérateurs restent problématiques. C’est pourquoi il a été proposé d’élaborer sur le même modèle que celui des gels de décontamination aspirables, un produit permettant d’assainir des pièces à géométrie quelconque par nappage de celles-ci dans un bain de réactifs.

L’idée retenue est la suivante :

Un bain de réactifs est préparé. Ce dernier doit être essentiellement minéral (proportion d’organiques < 2% de la masse totale) afin d’éviter les problèmes de mesure d’activité (les molécules organiques agissent comme un écran) et le dégagement de produits de décomposition par les radiations. Il doit être en outre le plus liquide possible afin de napper correctement une pièce quelle que soit sa géométrie.

La pièce à décontaminer est trempée brièvement dans un bain. Lorsqu’elle en sort, le gel doit se figer et y adhérer. Pour cela, le gel doit présenter un fort contraste de viscosité entre son état dans le bain, et son état sur la pièce. La réaction de décontamination s’établit en dehors du bain de nappage.

Le gel est aussi conçu pour sécher et se fracturer sous forme de paillettes rigides afin qu’il soit possible de les récupérer facilement. L’adhérence à la pièce doit alors être minimale. Les paillettes présenteront dans l’idéal une quasi neutralité chimique afin de les conditionner directement.

Figure 3 : Principe du procédé de décontamination par gel de nappage.

Nappage de la pièce par trempage dans le bain de gel

Séchage à température ambiante, formation de

paillettes

Brossage et/ou aspiration

Contamination

Bain de gel

Déchet solide conditionnable

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La Figure 3 résume le principe du procédé de décontamination par gel de nappage. On notera que le trempage dans le gel doit être le plus bref possible ; on évitera ainsi une diffusion de la contamination dans le bain. La réaction de décontamination des pièces (acide, base, oxydoréduction …) se fait pendant le séchage du gel une fois l’objet sorti.

2. Rhéologie

Afin de quantifier le changement des propriétés d’écoulement des gels entre les états dans le bain et hors du bain, quelques notions de rhéologie sont nécessaires. La rhéologie est l’étude des écoulements de la matière. Il sera question dans la suite de définir les grandeurs intéressantes pour notre étude et de présenter les moyens utilisés pour les mesurer*.

2.1. Considérations expérimentales

2.1.1. Variables d’étude

Considérons deux plaques parallèles entre lesquelles un fluide est disposé. La plaque inférieure est fixe, tandis qu’un déplacement latéral ou une force est appliqué sur la plaque supérieure. Il s’agit ici d’un cisaillement simple pour un modèle en deux dimensions invariant suivant l’axe z (Figure 4).

Figure 4 : Fluide sous cisaillement continu. V est la vitesse de la partie supérieure par rapport à la partie inférieure et

e, l'épaisseur de la couche fluide5.

La contrainte (en Pa) est alors définie comme suit :

ndSdF . (1)

avec dS élément de surface, n sa normale, et dF force surfacique (en Newtons) appliquée au fluide.

La déformation notée est le déplacement mesuré entre une couche de matériau et une couche infiniment voisine :

y

u x

(2)

avec ux le déplacement suivant l’axe x (dépend de y).

Le taux de cisaillement , est alors la dérivée de la déformation par rapport au temps :

y

v

t

u

ydy

du

tt

xxx

† (3)

* Il ne sera pas question ici de redéfinir les fondamentaux de la mécanique des milieux continus, mais d’en utiliser les

concepts pratiques liés à des observations expérimentales. † En supposant le Théorème de Schwarz applicable ici.

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Il s’agit donc du gradient de vitesse au sein de la lame de fluide. De façon « macroscopique » si l’on

considère une vitesse moyenne v en son sein, il vient ev .

Les mesures de rhéologie cherchent à établir une relation entre et . Par exemple, pour un fluide

dit « newtonien » :

(4)

avec (en Pa.s) la viscosité du fluide.

Il existe de nombreux comportements à l’écoulement souvent très complexes où dépend de variables telles que le taux de cisaillement ou le temps. La Figure 5 illustre certains de ces comportements.

Figure 5 : Différents comportements rhéologiques : (a) fluide Newtonien, (b) fluide rhéoépaississant / rhéofluidifiant,

et (c) fluide thixotrope / rhéopexe.

Un comportement rhéoépaississant ou rhéofluidifiant se traduit par une dépendance de envers le cisaillement ; le matériau semble respectivement se durcir ou se ramollir plus augmente. Un fluide

thixotrope voit sa viscosité diminuer au cours du temps lorsqu’il est contraint ou cisaillé ; un fluide

rhéopexe la voit augmenter. Dans ces deux cas, retrouve totalement ou en partie sa valeur d’origine lorsque la sollicitation cesse.

Il existe également des fluides dits « à seuil », ou fluides de Bingham, qui ne se déforment qu’une fois une contrainte limite atteinte. Ce type de comportements non linéaires justifie l’intérêt que l’on peut porter à leur modélisation par des éléments rhéologiques simples (voir paragraphe 2.2).

2.1.2. Le rhéomètre

Afin de solliciter nos matériaux et d’en mesurer des grandeurs de comparaison quantitatives, un rhéomètre est utilisé. Il s’agit d’un appareil permettant d’imposer une contrainte ou un cisaillement à un échantillon, et d’en mesurer respectivement le cisaillement ou la contrainte réponse. Plusieurs géométries peuvent être employées (présentées sur la Figure 6) en fonction des besoins de la mesure et du matériau caractérisé : par le biais d’une « constante géométrique », le rhéomètre établira une relation entre la force (ou le déplacement) imposé par son moteur, et la contrainte (ou le cisaillement) subie par le matériau.

= cte

= ( )

= ( )

cist

cist

cteappliqué

cist

(a) (b) (c)

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Figure 6 : Exemple de géométries utilisées sur un rhéomètre. (a) géométrie plan-plan. (b)6 géométries plan-plan de

divers diamètres et cylindre couette (entouré en vert).

Plusieurs essais « type » permettent d’analyser le comportement d’un fluide à l’écoulement. Un essai de « fluage » se traduit par exemple par l’imposition d’une contrainte unitaire fixe. Un essai de « relaxation » consiste au contraire à imposer une déformation. Les fonctions fluage (f) et relaxation (g) représentées Figure 7 sont les réponses des matériaux à ces deux types d’essais.

Figure 7 : Fonctions fluage (a) et relaxation (b)

7.

Il est également possible d’imposer des sollicitations oscillatoires pour accéder à d’autres grandeurs, tels les modules G’ et G’’, parties réelle et imaginaire d’un module de rigidité complexe

G tel que :

G (5)

((aa)) ((bb))

(a)

(b)

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étant la contrainte et la déformation (écrites sous forme complexe). G’ traduit le caractère

élastique du matériau (conservation d’énergie), et G’’ son caractère visqueux (dissipation). Ces grandeurs ne seront pas employées dans la suite.

2.2. Modèles rhéologiques

L’intérêt de la modélisation vient de la quantité de comportements possibles de nos matériaux lors de leur écoulement. Une fois un modèle choisi, des grandeurs caractéristiques pourront en être extraites et permettront ainsi de comparer de façon quantitative les échantillons étudiés.

2.2.1. Éléments rhéologiques

De façon à modéliser le comportement à l’écoulement des matériaux, des éléments physiques modèles sont utilisés pour décrire la nature des phénomènes observés. Dans le cas de notre étude, il s’agit de considérer l’association d’un ressort, d’un piston, et d’un patin :

Le ressort traduit un comportement élastique parfait. Il introduit une constante élastique (G) égale au rapport entre la déformation et la contrainte exercée sur le matériau.

G

Le piston illustre l’écoulement d’un fluide newtonien, c'est-à-dire une relation linéaire entre la contrainte et le taux de déformation.

Le patin introduit un élément de non continuité. Le matériau ne subit pas de déformation

jusqu’à la contrainte seuil (0), contrainte à partir de laquelle le matériau s’écoule.

00et 0

si

00et 0

si

00

si

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L’ensemble de ces éléments unitaires peuvent alors s’associer en série ou en parallèle afin de décrire de la façon la plus précise le comportement à l’écoulement du matériau étudié.

2.2.2. Définition d’un modèle rhéologique complet

Les lois d’association pour la construction d’un modèle complet sont les suivantes, et sont illustrées par le modèle de Maxwell présenté en Figure 8 (utilisé dans la suite pour décrire les gels étudiés) :

Pour les éléments en parallèle, la déformation aux bornes de chaque élément est identique et la somme des contraintes donne la contrainte totale aux bornes du système.

Pour des éléments en série, la contrainte aux bornes du système est égale à la contrainte sur chaque élément et la somme des déformations donne la déformation totale.

Figure 8 : Modèle de Maxwell.

Avec :

contrainte aux bornes du système.

r contrainte aux bornes du ressort.

p contrainte aux bornes du piston.

déformation totale.

p déformation aux bornes du piston.

r déformation aux bornes du ressort.

viscosité associée au piston.

G constante d’élasticité du ressort.

Dans ce cas :

rp

rp

G

Or, selon les lois d’association :

rp

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L’intégration de l’expression de p (avec la constante d’intégration choisie comme nulle) donne

alors l’équation de Maxwell utilisée dans la suite de notre étude :

Gt

Les grandeurs et G nous permettant d’étudier et de comparer les formulations de gels de nappage peuvent alors être déterminées à partir d’un simple essai de fluage consistant à imposer une

contrainte 0 au matériau et à suivre l’évolution de sa déformation au cours du temps.

Le rhéogramme type obtenu est représenté sur la Figure 9.

Figure 9 : Évolution de la déformation d’un gel Tixosil 331 + eau en fonction du temps lors d’un essai de fluage.

La pente de la partie fluage permet de déterminer (a). L'ordonnée à l'origine donne G. La partie "relaxation" correspond à une contrainte imposée nulle et traduit le caractère élastique du gel.

Des modèles plus complexes pourraient être utilisés mais ceux-ci n’auraient que peu d’intérêts dans le cadre de cette étude. En effet, la grandeur caractéristique permettant de mettre en évidence le contraste entre un gel assez liquide pour le nappage et suffisamment visqueux pour ne pas couler une

fois déposé est la viscosité 0 assimilée à une viscosité du gel « au repos ».

3. Formulation des gels

Les gels de nappage synthétisés au laboratoire sont basés sur des formulations de gels de décontamination existants. Il convient donc de décrire dans un premier temps la structure d’un gel connu ainsi que ses propriétés chimiques et mécaniques générales. Nous nous intéresserons ensuite aux additifs potentiellement utilisables, c'est-à-dire possédant des propriétés rhéologiques adaptées à l’application envisagée.

0 45,0time global (min)0

1,0000

strain

CCoonnttrraaiinnttee

iimmppoossééee

RReellaaxxaattiioonn

(a)

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3.1. Structure des gels de décontamination

Les gels utilisés dans cette étude appartiennent à la famille des gels physiques ; il s’agit de suspensions colloïdales de particules de silice dans l’eau dont les interactions mutuelles sont essentiellement des liaisons de type Van Der Waals ou des liaisons hydrogène8. La silice se présente sous forme de particules qui ont tendance à se lier de façon irréversible en agrégats de taille de l’ordre de quelques microns. Ces agrégats interagissent entre eux par le biais de liaisons faibles pour former des agglomérats et aboutir à un réseau tridimensionnel. Le processus de gélification en présence de silice est illustré sur la Figure 10.

Figure 10 : Particules (A), agrégats (B) et agglomérats (C) dans un réseau de gel de silice8.

Les interactions entre particules de silice dépendent fortement du pH et sont essentiellement dues aux groupements hydroxyle (–OH) présents sur la surface des grains. Des molécules tensioactives sont également incorporées dans les gels de décontamination afin d’en modifier le comportement rhéologique. Ces additifs permettent de stabiliser le gel par enchevêtrement des chaines lipophiles, par l’établissement de forces de Van Der Waals entre les chaines, ou encore par répulsion stérique. Ces faibles interactions à longue distance entre les grains sont néanmoins facilement détruites par agitation (effet thixotrope de telles formulations). Enfin, un principe actif décontaminant est également ajouté. Cependant, celui-ci est susceptible de modifier la structure du gel (par baisse de pH par exemple avec l’ajout d’acide nitrique).

Au niveau rhéologique, les gels existants possèdent pour la plupart un comportement rhéofluidifiant sous fort cisaillement, thixotrope (avec un temps de reprise le plus court possible), et de fluide à seuil. Ces caractéristiques sont primordiales dans le cas d’une application du gel par pulvérisation sur des surfaces verticales. En effet, les gels doivent être assez « liquides » pour être efficacement pompés (fort cisaillement), mais doivent aussi « tenir » sur les parois (sous faible cisaillement).

Par simple extrapolation du procédé existant, il serait possible, dans le cadre de notre étude, d’imaginer un bain contenant un gel constamment cisaillé afin de réduire sa viscosité, le gel figeant une fois sorti du bain. Il s’avèrerait cependant ardu de mettre au point un dispositif induisant une zone « libre » où tremper une pièce à décontaminer, mais suffisamment agitée pour ne pas entrainer une reprise trop rapide du gel.

D’un point de vue procédé, le gel doit sécher pour conduire à l’obtention d’un déchet solide sous forme de paillettes. Ce séchage se fait par évaporation de l’eau entre les grains. Il débute par une mise en température du gel par rapport au milieu ambiant, puis par une phase de séchage à vitesse constante (perte de masse / temps), suivie d’une diminution de cette vitesse. Le séchage est alors principalement imposé par le phénomène de diffusion au sein du matériau. La cinétique globale dépend à la fois de la température et du taux d’humidité de l’atmosphère du milieu. La contraction qu’entraine le séchage se traduit par une fracturation du gel et la perte d’adhésion au substrat4.

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Dans la suite, il sera question essentiellement de gels simples silice + eau au sein desquels seront ajoutés un ou plusieurs additifs permettant le saut de viscosité recherché.

3.2. Additifs considérés

Plusieurs solutions sont envisageables dans le choix d’un additif permettant l’obtention d‘un saut de viscosité de la phase gélifiée sous l’influence d’un paramètre extérieur. Ce dernier doit être applicable de façon à générer un contraste de viscosité important entre le bain de gel et le milieu ambiant. Il serait par exemple bien compliqué d’envisager la mise en œuvre d’un produit présentant les caractéristiques voulues à condition de le soumettre à une nette différence de forces de gravité pendant et après le trempage ...

3.2.1. Additifs sensibles à la température : les carraghénanes

Une des premières pistes réalistes pour le procédé envisagé est une transition de température entre le bain de gel et le milieu extérieur. Les gels de carraghénanes (ou d’autres polysaccharides‡) sont connus pour présenter des évolutions de viscosité importantes en fonction de la température. Il s’agit de gélifiants ou épaississants communément utilisés dans l’industrie alimentaire et issus d’algues rouges. Il en existe plusieurs types selon le nombre et la position des groupements sulfonâtes sur leurs cycles carbonés (Figure 11). Tous ne gélifient pas ; nous nous intéresserons donc uniquement aux

genres (iota) et (kappa), réputés pour former respectivement des gels « souples », et des gels « cassants »9.

Figure 11 : Structures et masse molaire moyenne des et carraghénanes10

.

Le mécanisme de gélification fait intervenir un changement de conformation des chaines carbonées ; enchevêtrées de façon désordonnée à haute température, elles s’organisent en hélices une fois le point de transition sol-gel atteint (Figure 12). La nature organique de cet additif pourrait poser problème (obstacle à des mesures fiables de radioactivité et gonflement des colis de déchets par dégradation des chaines carbonées) ; cependant les faibles quantités nécessaires à la gélification peuvent autoriser son utilisation. Nous verrons par ailleurs que son incorporation à un gel silice + eau existant est possible et permet de conserver la thermodépendance du phénomène.

‡ D’autres candidats ont été envisagés et mis à l’épreuve expérimentalement, mais ils ne présentaient soit aucun saut de

viscosité en température (Xanthane), soit une température de transition très élevée sans apporter d’avantages supplémentaires par rapport aux carraghénanes (Agar-Agar, transition vers 80°C).

g/mol 000 250M

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Figure 12 : Conformations des chaines de carraghénane en fonction de la température et de la présence ou non de cations dans le milieu

11.

Il est en outre intéressant de noter que le comportement rhéologique de gels à base de carraghénanes tel qu’il a été observé dans la littérature se rapproche du modèle de Maxwell (Figure 13).

Figure 13 : Comportement rhéologique en fluage d'un gel silice + carraghénanes

10.

Enfin, l’ajout de cations dans le milieu change la nature du gel. Les chaines peuvent alors se lier entre elles, entrainant dans un premier temps un renforcement de la structure tridimensionnelle. Il s’ensuit, par l’augmentation de la concentration en cations, un effondrement du réseau en raison de la formation d’agrégats. Selon la nature du polysaccharide et du cation ajouté des résultats sensiblement différents pourront être observés (Figure 14).

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Figure 14 : Diagrammes de phase partiels pour (A) et (B) carraghénane en présence de KCl

12.

Figure 15 : Images cryo-MEB de -carraghénane (0.4% w/v) sans ajout de cation (A), et avec ajout de CaCl2 0.06% (B), 0.12% (C), 0.4% w/v (D)

12.

La Figure 15 indique les différentes structures que présente le gel en fonction de la concentration en cations. L’organisation en « nids d’abeille » (B et C) semble renforcer le réseau par rapport à l’organisation en « feuillets » (A). L’image D révèle au contraire un gel totalement déstructuré.

Au cours de l’étude il sera intéressant d’observer l’influence de l’ajout de cations sur le comportement rhéologique des échantillons. Des particules de silice seront également ajoutées au sein de la matrice afin d’étudier leur influence sur la rhéologie et sur le comportement au séchage du gel.

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3.2.2. Additifs sensibles aux champs magnétiques

Les fluides magnétorhéologiques sont des suspensions de particules magnétiques de taille micrométrique présentant une grande différence de comportement rhéologique lorsque le fluide complexe est soumis ou non à un champ magnétique. En s’alignant sous l’effet du champ, les agglomérats solides contenant les particules magnétiques induisent une résistance au cisaillement non négligeable, d’où modification de viscosité13.

Plusieurs méthodes de synthèse permettent d’obtenir des composites fer/silice sous forme de particules contenant un noyau d’oxyde de fer magnétique et présentant un comportement magnétorhéologique1415. La Figure 16 illustre un des procédés de synthèse des silices ferromagnétique.

Figure 16 : Schéma présentant un protocole permettant d'obtenir des particules de silice contenant un cœur d'oxyde de fer

16.

Ce type de structure serait idéal car il permettrait l’utilisation d’additifs de décontamination et de tensioactifs déjà connus puisque ceux-ci n’interagiraient qu’avec l’enveloppe siliceuse des particules. Un dispositif permettant d’exploiter ces propriétés pour le but de cette étude peut être élaboré en plaçant une paire de bobine d’Helmholtz générant un champ magnétique au-dessus d’un bain de gel.

3.2.3. Autres facteurs influents

D’autres paramètres pourraient également être envisagés pour modifier la viscosité de la phase gélifiée :

Les ultrasons permettant de fluidifier17ou au contraire de solidifier18 le gel. Dans ce cas, l’utilisation de cuves à ultrasons ou de sondes restent envisageables. Cependant, le temps de transition sol-gel est à étudier.

Les ultra-violets : l’utilisation de deux longueurs d’ondes différentes assurerait alors le passage d’un état à l’autre19.

Les réactions d’oxydo-réduction20 entre le gel et le substrat à décontaminer.

La combinaison de plusieurs sollicitations21 dont un exemple est donné sur la Figure 17.

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Figure 17 : Exemple d’un gel sensible à différents stimuli (température, ultrasons, agitation mécanique, espèces chimiques présentes)

22.

Dans tous les cas, les contraintes majeures concernent la vitesse de transition sol-gel, la tenue des adjuvants aux réactifs de décontamination, la faisabilité d’introduire l’adjuvant sélectionné dans un gel silice + eau, et la quantité de matière organique contenue dans la formulation (cf. 1.3).

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Étude physico-chimique des gels de nappage

Avant d’exposer les résultats obtenus, un protocole d’essais sera tout d’abord proposé. Les différents paramètres influents sur les mesures rhéologiques effectuées seront détaillés ; l’impact des erreurs de mesure sur les résultats et leur stabilité au cours du temps seront à cette occasion présentés. Les essais de séchage se verront à leur tour précisés.

Dans la partie consacrée aux résultats il s’agira de caractériser l’influence de la concentration en divers composés du gel sur ses propriétés, et d’observer l’effet de l’ajout d’additif permettant le saut de viscosité recherché. Seuls les résultats relatifs aux deux types de carraghénanes pressentis seront détaillés. Enfin, la tenue chimique du gel en présence de réactifs de décontamination et son évolution face à l’ajout de cations seront présentés.

1. Mise en place du protocole d’essais

1.1. Essais de rhéologie

Le matériel utilisé est un rhéomètre AR-1000 de marque TA-Instruments (Figure 18), régulé en température grâce à un plateau à effet Peletier, et piloté en contrainte. Une géométrie plan-plan a été retenue pour caractériser les gels. Dans un premier temps, afin de définir les différents paramètres d’essais, un gel classique a été utilisé. Il s’agit d’un mélange Tixosil® 331 (silice précipitée de marque Rhodia) + eau en proportions variables. Un gel commercial sensé ne pas évoluer dans l’échelle de temps qui nous concerne a également été caractérisé (après shampooing Elsève « Nutri Intense »). Les essais sont réalisés en mode fluage sous une contrainte fixée (de sorte que le gel s’écoule), puis en relaxation (suppression de la contrainte). La durée de l’essai est fixée à 30 minutes afin d’éviter un séchage du gel préjudiciable à la mesure.

Figure 18 : Photographie du rhéomètre AR-1000 utilisé.

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1.1.1. Paramètres influençant la mesure

Plusieurs réglages sont nécessaires pour avoir une bonne reproductibilité des mesures :

La contrainte 0 imposée doit être la plus faible possible pour ne pas déstructurer le gel (on commencera à 5 Pa), mais suffisante pour observer un écoulement car certains échantillons possèdent un faible seuil d’écoulement.

La température doit être homogène au sein du gel ; en effet, le mobile du rhéomètre n’étant pas régulé en température, un gradient de température au sein du matériau peut exister. Ce dernier perturberait alors l’interprétation des résultats obtenus. On sait que le changement de mobile (de diamètre différent par exemple) ne doit théoriquement pas modifier les résultats. En effet, l’appareil considère la nature de la géométrie utilisée dans ses calculs ; or, s’il y a un gradient de température, les résultats divergeront pour un même échantillon (car on aura modifié la forme du gradient en changeant de géométrie). Quelques essais ont révélé que ce n’était pas le cas ; dans ces conditions expérimentales, la température est donc supposée homogène dans les échantillons. Une mise en température de deux minutes sur le plateau pelletier sera néanmoins imposée avant l’analyse pour préparer le gel à la mesure.

Le gap (ou entrefer), c'est-à-dire l’épaisseur entre le plateau et le mobile sur l’appareil, est fixé de telle sorte qu’il dépasse d’un ou de deux ordres de grandeur la taille caractéristique des particules contenues dans l’échantillon. Ainsi, les forces de friction entre les particules et le mobile sont évitées et le comportement réellement macroscopique est caractérisé. Ici, le gap sera donc fixé à 1000 µm. Un entrefer trop important entrainerait une trop grande inhomogénéité du dépôt de gel.

La taille des géométries joue sur la précision des mesures. Pour une vitesse de rotation donnée, un diamètre du mobile important entrainera la mesure d’une plus grande contrainte d’où une meilleure précision de la valeur à déterminer. Il conviendra donc de choisir le diamètre en fonction de la viscosité de l’échantillon employé (par exemple un diamètre plus grand est mieux adapté aux liquides peu visqueux). Ici, un plateau de diamètre 4 cm permet l’obtention de bons résultats. Il autorise en outre un dépôt de gel suffisamment homogène contrairement à un mobile de plus grand diamètre.

Ces paramètres établis, des échantillons ont été confrontés à ce protocole afin d’en vérifier la validité et de déterminer les ordres de grandeur des erreurs de mesure. Nous nous intéresserons plus

particulièrement à la viscosité du piston selon le modèle de Maxwell. Elle est alors déterminée en calculant la pente de la partie linéaire du rhéogramme de fluage (cf. Figure 13).

1.1.2. Reproductibilité et stabilité dans le temps

Trois types de gels ont été testés : Eau + Tixosil 11.8% wt, Eau + Tixosil 15% wt, et Gel Elsève. Pour

chacun, plusieurs mesures de ont été effectuées afin d’observer ou non une répétabilité, et un suivi dans le temps a été mis en place afin de confirmer que les éventuelles divergences étaient bien dues à l’incertitude de mesure de l’appareil. Le Tableau 1 présente les résultats.

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Date Création Nom échantillon

%w Tixosil

Température (°C) Age du gel (j/h)

σ0 (Pa) Creep Slope (σ0/η0) (1/s)

Recovery Slope (1/s) σ0/G0 G0(1/Pa) η0(Pa.s)

24/02/2010 GelH20Tixosil_11-8pc_24022010-0001c.rsl 11,8 25 0 5 1,66E-06 -1,19E-06 5,44E-03 9,20E+02 3,02E+06

GelH20Tixosil_11-8pc_24022010-0004c.rsl 11,8 25 1h30 5 1,82E-06 -7,57E-07 4,97E-03 1,01E+03 2,75E+06

GelH20Tixosil_11-8pc_24022010-0005c.rsl 11,8 25 2h 5 1,80E-06 -1,74E-06 1,04E-02 4,79E+02 2,79E+06

GelH20Tixosil_11-8pc_25022010-0002c.rsl 11,8 25 1j 5 4,89E-06 -2,08E-06 1,43E-02 3,51E+02 1,02E+06

GelH20Tixosil_11-8pc_25022010-0006c.rsl 11,8 25 1,5j 5 3,17E-06 -1,78E-06 1,38E-02 3,63E+02 1,58E+06

GelH20Tixosil_11-8pc_26022010-0001c.rsl 11,8 25 2j 5 2,08E-06 -5,92E-07 6,01E-03 8,33E+02 2,40E+06

GelH20Tixosil_11-8pc_24022010-0002c.rsl 11,8 25 0,5h 10 1,36E-05 -1,41E-06 3,11E-02 3,21E+02 7,33E+05

GelH20Tixosil_11-8pc_24022010-0003c.rsl 11,8 25 1h 10 5,73E-06 -2,03E-06 1,78E-02 5,61E+02 1,75E+06

GelH20Tixosil_11-8pc_25022010-0001c.rsl 11,8 25 1j 10 3,95E+00 0,00E+00 2,24E+02 -4,47E-02 2,53E+00

GelH20Tixosil_11-8pc_26022010-0002c.rsl 11,8 25 2j 10 7,06E-06 -6,42E-07 1,56E-02 6,41E+02 1,42E+06

25/02/2010 GelH20Tixosil_11-8pc_25022010-0003c.rsl 11,8 25 0 5 3,63E-06 -2,13E-06 7,99E-03 6,26E+02 1,38E+06

GelH20Tixosil_11-8pc_25022010-0005c.rsl 11,8 25 1h45 5 1,86E-06 -1,88E-06 7,80E-03 6,41E+02 2,70E+06

GelH20Tixosil_11-8pc_26022010-0003c.rsl 11,8 25 1j 5 2,94E-06 -5,11E-07 7,46E-03 6,70E+02 1,70E+06

GelH20Tixosil_11-8pc_25022010-0004c.rsl 11,8 25 1h 10 1,44E-05 -2,85E-06 4,34E-02 2,31E+02 6,96E+05

GelH20Tixosil_11-8pc_26022010-0004c.rsl 11,8 25 1j 10 5,91E-06 -7,55E-07 1,80E-02 5,57E+02 1,69E+06

24/02/2010 GelH20Tixosil_15pc_24022010-0001c.rsl 15 25 0 5 2,88E-07 -1,10E-07 8,72E-04 5,73E+03 1,74E+07

GelH20Tixosil_15pc_25022010-0001c.rsl 15 25 1j 5 1,21E-06 -1,38E-08 2,11E-03 2,37E+03 4,14E+06

GelH20Tixosil_15pc_25022010-0002c.rsl 15 25 1,5j 5 2,52E-07 -4,01E-08 8,10E-04 6,17E+03 1,98E+07

GelH20Tixosil_15pc_26022010-0001c.rsl 15 25 2j 5 3,65E-07 -1,37E-07 1,31E-03 3,83E+03 1,37E+07

GelH20Tixosil_15pc_26022010-0002c.rsl 15 25 2,5j 10 4,68E-07 -4,68E-08 1,86E-03 5,37E+03 2,14E+07

01/03/2010 Elseve-0001c.rsl 0 25 N/A 5 4,33E-05 -9,54E-06 6,69E-02 7,47E+01 1,15E+05

Elseve-0002c.rsl 0 25 N/A 5 3,62E-05 -1,01E-05 7,41E-02 6,75E+01 1,38E+05

Elseve-0003c.rsl 0 25 N/A 5 3,93E-05 -1,00E-05 6,98E-02 7,17E+01 1,27E+05

Tableau 1 : Viscosité des échantillons test. 0 est la contrainte de fluage fixée, creep slope la pente de la courbe, et recovery slope la pente de la courbe pour la partie

relaxation. Le calcul des constantes 0 et G0 est donné sur la Figure 13.

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L’analyse statistique des résultats révèle alors : Gels 11.8% : moyenne 1,83E+06, écart type 7,78E+05. Gels 15% : moyenne 1,81E+07, écart type 3,34E+06. Elsève : moyenne 1,27E+05, écart type 1,15E+04.

L’observation des résultats obtenus permet de remarquer que :

Pour une même série d’échantillons, la variation de viscosité est, dans le cas le plus défavorable, d’une unité par rapport à la moyenne. L’objectif de l’étude étant d’aboutir à des formulations présentant des sauts de viscosité de plusieurs ordres de grandeur, cette faible erreur ne sera pas un obstacle aux manipulations.

La valeur de contrainte fixée pour l’essai n’influence pas la viscosité (pour ces conditions) comme c’est sous-entendu dans le modèle utilisé.

La viscosité semble indépendante de l’âge du gel (sur au moins quelques heures).

Les écarts mesurés peuvent être liés à la difficulté à déposer de façon reproductible et répétable les différents échantillons sur le rhéomètre.

Par ailleurs, des mesures en température ont été réalisées pour apprécier son influence éventuelle sur les gels « classiques », gels contenant exclusivement de la silice et de l’eau. L’objectif étant de connaitre s’ils ne présentent pas à eux seuls de transition sol-gel sur la plage de température qui nous intéresse. Les résultats sont présentés sur la Figure 19.

Figure 19 : Évolution de la viscosité d'un gel "classique" en fonction de la température. La valeur entourée de jaune

semble être liée à un séchage prématuré du gel.

L’observation du graphique ci-contre ne révèle pas d’évolution significative de la viscosité en fonction de la température. La valeur de viscosité obtenue à 40°C (cercle jeune) est certainement un artefact de mesure suite au séchage prématuré du gel pour les températures plus chaudes.

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1.2. Conditions de séchage

Afin de quantifier la manière dont les gels sèchent, un suivi de la perte de masse des échantillons est réalisé. Pour y parvenir, une balance reliée à un ordinateur enregistre au cours du temps les valeurs de masse de l’échantillon de gel et de son support. En parallèle, une caméra capture également au cours du temps les images de l’échantillon. L’ensemble de l’expérimentation est réalisée dans une enceinte climatique à température et humidité relative contrôlées. Les valeurs sont fixées respectivement à T=25°C et HR = 40%.

Les gels sont déposés sur des supports en acier évidés de 1 mm pour permettre de contrôler l’épaisseur de gel déposé. La Figure 20 présente un échantillon en cours de séchage.

Figure 20 : Échantillon de gel au cours d’un séchage en enceinte climatique.

La cinétique de séchage des gels est alors appréciée au moyen de la courbe )(/ 0 tfmm où m

est la variation de masse à un instant donné, m0 la masse initiale, et t le temps.

1.3. Préparation des gels

Les gels sont élaborés de la façon suivante :

1. Selon les proportions prédéfinies, l’eau et les éventuels adjuvants (tensioactifs, réactifs décontaminants, et/ou additifs) sont pesés et mélangés.

2. La solution obtenue est placée dans un récipient solide sous agitation mécanique.

3. La silice est ensuite pesée et ajoutée à la préparation par ajouts progressifs.

4. L’ensemble est alors maintenu sous agitation pendant quelques minutes jusqu’à l’obtention d’un mélange homogène.

Selon la nature de la solution suspendante (c'est-à-dire en fonction de la présence ou non de certains adjuvants), il est important de noter la difficulté rencontrée lors de l’ajout de silice. En effet, la composition de la solution peut dans certains cas engendrer la formation de gels de viscosités très élevées, donc relativement difficiles à homogénéiser.

Pour les gels au carraghénane, le polysaccharide est dissout dans l’eau à 70°C avant d’y ajouter la silice (de préférence toujours à chaud). Le gel peut être homogénéisé par augmentation de la température pendant quelques minutes pour abaisser sa viscosité et favoriser la diffusion des espèces.

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2. Résultats des mesures

Sauf indication contraire, les résultats présentés dans les paragraphes qui suivent concerneront les

gels formulés avec le -carraghénane.

2.1. Comportement en température du carraghénane

Afin de vérifier la thermo-réversibilité du carraghénane et de préciser les températures de saut de viscosité, une solution eau + carraghénane 2% wt a été préparée. La Figure 21 montre la gélification de cet additif.

Figure 21 : États d'un gel eau + -carraghénane 2% wt à 70°C et 25°C.

En plaçant les échantillons de gel sur un plateau à effet pelletier, les températures de transition sol-gel ont pu être déterminées de façon approximative de manière à définir le protocole de mesure sur le

rhéomètre (plage de températures). Pour et les températures de transition mesurées sont respectivement égales à 50°C et 46°C. Ces transitions sont brutales et rapides, qualités nécessaires

pour l’application à laquelle les gels sont destinés. Il est à noter que la transition de est légèrement surestimée en raison de la présence à la fois d’une température de ramollissement (similaire à une température de transition vitreuse d’un polymère) et d’une température de fusion. Ces deux transitions étant difficilement identifiables par simple expérience visuelle, ceci pourrait être confirmé par analyse DSC (Differential Scanning Calorimetry).

2255°°CC 7700°°CC

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2.2. Rhéologie et composition

Comme précisé en 1.3, la quantité de carraghénanes dans les échantillons doit être la plus faible possible. Dans le cadre de cette étude, nous comparerons particulièrement la viscosité d’un gel porté à haute température (comme s’il était dans un bain de nappage) et celle d’un gel à température ambiante. De manière à ce que le gel ne coule pas une fois l’opération de nappage réalisée, une limite de viscosité minimale de 100 Pa.s pour la phase de reprise de viscosité est retenue. En effet, un gel de décontamination pulvérisé sur une épaisseur d’un millimètre et ne coulant pas sous son propre poids d’une paroi verticale possède une viscosité supérieure à 10 Pa.s (4). Une valeur dix fois plus grande est donc fixée afin de s’assurer de la bonne tenue du nappage sur la pièce à décontaminer. Une étude plus poussée relatives aux épaisseurs de gels déposées en sortie de bain pourrait permettre d’optimiser cette valeur limite.

2.2.1. Influence de la quantité de carraghénane.

Un gel eau + carraghénane 2% wt a été préparé et sa viscosité mesurée à plusieurs températures (de 65°C à 40°C par pas de 5°C) selon le protocole décrit ci-dessus. La courbe viscosité en fonction de la température est portée sur la Figure 22.

Figure 22 : =f(T) pour une solution Eau + -carraghénane 2% wt.

Les résultats de viscosité obtenus révèlent un saut de viscosité de 8 décades se situant autour de 55°C, sur une plage de température de 10°C. À haute température, le gel se comporte de manière très

fluide (comparable à un sirop d’érable léger, =0,1 Pa.s). À 40°C, le gel présente une consistance plus

« solide » (type flan, =106 Pa.s). Ces caractéristiques coïncident parfaitement avec les attentes de l’application gel de nappage. La zone orange représentée sur le graphique correspond à la limite basse

0,01

1

100

104

106

35 40 45 50 55 60 65 70

Gel H2O / -carrageenan 2%

0 (

Pa

.s)

Température (°C)

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de viscosité fixée pour une bonne tenue du gel à température ambiante (retrait de la pièce à décontaminer hors du bain). Au regard de ce graphique, il serait peut être possible d’abaisser la teneur en carraghénane, donc de réduire la quantité d’organiques dans le gel, sans pour autant sortir des valeurs limites fixées.

Nous pouvons également remarquer, sur les graphiques situés en Annexes (Figure 39 par exemple),

que le -carraghénane présente un plus fort contraste de viscosité (9 décades sur moins de 4°C, à 35°C). Dans le cadre de l’application visée, celui-ci possèderait donc des propriétés plus intéressantes : transition bain/extérieur plus spontanée suite à la gélification sur un domaine de températures plus

court, séchage limité par l’utilisation d’une température plus faible. Cependant, le -carraghénane génère un gel de structure très cassante rendant les caractérisations rhéologiques très délicates pour la configuration de rhéomètre dont nous disposons ; le gel à tendance à glisser sur le plateau inférieur, ou à fracturer lorsque la contrainte est trop importante.

Par la suite, afin d’étudier l’influence de la concentration en carraghénane sur la viscosité des gels, dix nouvelles formulations gélifiées ont été préparées (de 0.2% wt à 2% wt en polysaccharide par pas de 0.2 % wt). Les résultats sont présentés sur la Figure 23.

Figure 23 : Influence de la concentration en -carraghénane sur la viscosité « au repos » des gels en fonction de la température. La partie hachurée correspond à la limite basse de viscosité nécessaire à température ambiante. En vert est

indiquée la plus basse concentration intéressante pour les gels de nappage.

Des allures différentes de courbes sont observées en fonction de la quantité de polysaccharides ajoutée. À haute température, la concentration en carraghénane a un effet limité sur la viscosité. Par contre, à basse température, l’influence de la concentration en carraghénane croit significativement à partir de 0,8% wt. Nous pouvons remarquer en outre que dès 1,4% wt, l’ajout de plus grandes quantités d’adjuvant ne présente plus grand intérêt (faible augmentation de viscosité).

0,001

0,1

10

1000

105

107

35 40 45 50 55 60 65 70

-carrageenan + H2O: Influence de la concentration0,2 %

0,4 %

0,6 %

0,8 %

1 %

1,2 %

1,4 %

1,6 %

1,8 %

2 %

0 (

Pa

.s)

Température (°C)

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Par ailleurs, contrairement au - carraghénane pour lequel les températures de saut de viscosité se

déplacent vers les plus faibles valeurs (cf. Figure 40), celles du -carraghénane, ne semblent pas varier.

Enfin, les résultats présentés sur ce graphique permettent de déduire la quantité minimale de carraghénane nécessaire dans les gels de nappage. En effet, la partie hachurée sur le graphique correspond à la limite basse de viscosité à température ambiante (cf. 2.2.1). En vert est indiquée la plus basse concentration intéressante pour les gels de nappage ; celle-ci est égale à 1,2 % wt. Cependant, cette affirmation n’est valable que dans le cas d’un gel ne contenant que de l’eau et du carraghénane. Nous verrons par la suite que l’ajout de silice favorise la gélification, ce qui permettra de réduire encore davantage les quantités de carraghénane utilisées.

2.2.2. Influence de la charge de silice dans le gel

Dans un premier temps, nous cherchons à déterminer l’effet d’un simple ajout de silice à une solution de carraghénane. Certes, le Tixosil utilisé a tendance à rendre les solutions plus visqueuses, mais nous avons vu précédemment que celui-ci n’a pas d’incidence significative sur la viscosité du gel en fonction de la température (cf. 1.1.2). Cet aspect peut avoir un effet néfaste sur la qualité du nappage ; il est donc nécessaire, si l’on veut augmenter au maximum la part de charge minérale dans le gel, de caractériser son influence sur la rhéologie des gels à base de carraghénane.

À partir d’une solution eau + -carraghénane 1,2% wt, six échantillons de 100g dans lesquels sont ajoutés respectivement 5g, 6g, 7g, 8g, et 9g de Tixosil 331 sont préparés. La viscosité est ensuite mesurée en fonction de la température selon le même protocole que celui décrit précédemment (cf. 1.1.1). Les résultats obtenus sont reportés sur la Figure 24.

Figure 24 : =f(T) pour une solution eau + -carraghénane 1,2% wt + Tixosil en quantités variables.

0,01

1

100

104

106

108

20 30 40 50 60 70

(H2O + -carraghénane 1,2%) 100g + Tixosil xg -

0=f(T)

i-carrageenan 1,2 % (/100g)

+ 5g Tixosil

+ 6g Tixosil

+ 7g Tixosil

+ 8g Tixosil

+ 9g Tixosil

0 (

Pa

.s)

Température (°C)

Page 28 sur 47 Étude physico-chimique des gels de nappage

Romain Castellani Rapport de Stage 5° année 17 juillet 2013

Le graphique présenté sur la Figure 24 révèle en premier lieu l’effet viscosant de la silice, notamment à températures élevées (entre 45°C et 65°C) où les charges croissantes de Tixosil augmentent de façon significative la viscosité du gel. Autour de 45°C, nous pouvons remarquer un fort contraste de viscosité quelle que soit la quantité de silice contenue dans le gel. À partir d’une charge de Tixosil égale à 7 g, le gel prend un aspect mielleux à haute température mais le nappage reste encore possible.

D’un point de vue structure, les gels à base de silice et de carraghénane se présentent probablement sous la forme de grains de silice dispersés dans un milieu gélifié. L’effet gélifiant prédominant change alors par rapport aux gels classiques de décontamination : il ne s’agit plus seulement d’interactions de Van der Waals entre le liquide suspendant et les particules minérales.

2.2.3. Corrélation entre les deux effets

Les expériences précédentes montrent les influences individuelles de chaque constituant des gels de nappage. Afin de vérifier une éventuelle interdépendance des deux effets mis en évidence, quatre nouveaux gels dont la composition est révélée ci-dessous sont préparés :

Eau + -carraghénane 1,2% wt.

Eau + -carraghénane 1,2% wt + Tixosil 9g / 100g.

Eau + -carraghénane 0,6% wt.

Eau + -carraghénane 0,6% wt + Tixosil 9g / 100g.

Les courbes de viscosité en fonction de la température des gels formulés sont présentées en Figure 25.

Figure 25 : Évolution de la viscosité des gels en fonction de la température et de la composition des mélanges.

0,01

1

100

104

106

20 30 40 50 60 70

(-carrageenan X% + H2O) 100g + Yg Tixosil -

0=f(T)

i-carrageenan 0.6% (/100g)

+ 9g Tixosil

i-carrageenan 1.2% (/100g)

+ 9g Tixosil

0 (

Pa

.s)

Température (°C)

Page 29 sur 47 Étude physico-chimique des gels de nappage

Romain Castellani Rapport de Stage 5° année 17 juillet 2013

L’observation de la Figure 25 révèle une augmentation notable de la viscosité lors de l’ajout de Tixosil. À ce stade, il est important de noter que la solution contenant uniquement 0,6% wt de carraghénane ne présente pas de contraste de viscosité important. Par contre, lorsque 9g de silice sont incorporés à cette dernière, un saut apparaît (cinq décades sur 20°C à 40°C). Cet effet inattendu s’explique potentiellement par l’existence de forces inter-grains au niveau des agglomérats de Tixosil. D’autres expériences et modèles permettront prochainement de décrire ce phénomène.

L’interdépendance entre les effets de la silice et du carraghénane offre des perspectives intéressantes pour l’optimisation de la formulation. En effet, la quantité de matière organique pourrait être considérablement réduite. Le gel composé de 0,6% wt de carraghénane répondant aux attentes exprimées pour les gels de nappage, la quantité optimale de viscosant organique peut probablement être encore diminuée. Une étude d’optimisation de formulation à l’aide de plans d’expériences est à ce jour envisagée.

Mélanges -

Selon les expérimentations décrites au paragraphe 2.2.1, les deux types de carraghénanes étudiés (iota et kappa) présentent des températures de transition sol-gel différentes. Nous pouvons alors nous

interroger sur les propriétés d’un mélange -. À partir des échantillons de référence -carraghénane

1.2% wt et -carraghénane 1.4% wt, une fraction de chaque carraghénane a été substituée par l’autre type de polysaccharide. Les courbes de viscosité en fonctions de la température de ces nouveaux mélanges sont présentées sur la Figure 26.

0,01

1

100

104

106

108

0 10 20 30 40 50 60 70

H2O + -carraghénane X% + -carraghénane Y% -

0=f(T)

i-carr. 0.6% + k-carr. 0.6% + eau

i-carr. 0.6% + k-carr. 0.7% + eau

i-carr. 0.7% + k-carr. 0.7% + eau

i-carr. 1.2% + eau

k-carr. 1.4% + eau

0 (

Pa

.s)

Température (°C)

Figure 26 : Évolution de la viscosité en fonction de la température pour différents mélanges -carraghénane + -carraghénane.

Page 30 sur 47 Étude physico-chimique des gels de nappage

Romain Castellani Rapport de Stage 5° année 17 juillet 2013

Les résultats obtenus montrent tout d’abord que la substitution d’une partie de -carraghénane

par du entraine une augmentation de la température de transition et une baisse de la viscosité à faible température (courbes orange et verte). Ce phénomène est confirmé par les courbes de viscosité

bleue et violette. Enfin, une prédominance de l’effet du -carraghénane par rapport à celui du -carraghénane semble subsister. En outre, un seul saut de viscosité apparait, laissant supposer qu’il n’y

a qu’une seule phase homogène + dans les échantillons.

Les phénomènes mis en évidence pourront permettre éventuellement de définir la température de transition d’un gel de nappage en fonction de l’application visée et de ses objectifs. Une température de transition minimale permettra par exemple de ne pas trop chauffer afin d’éviter le dessèchement des gels. Une température plus élevée facilitera au contraire les applications en atmosphère chaude, l’obtention de cinétiques de décontamination plus rapides, et un saut de viscosité lors du passage du bain à l’environnement plus net.

2.2.5. Caractères rhéofluidifiant et newtonien des gels

Dans le cas d’une homogénéisation du gel par agitation mécanique ou pour toute autre application induisant des cisaillements importants au sein de la matrice gélifiée, il est intéressant d’étudier le comportement de nos échantillons en écoulement. La Figure 27 présente une mesure de la viscosité en

fonction du taux de cisaillement et de la température. Le gel étudié est composé d’eau et de -carraghénane (2% wt).

Figure 27 : Évolution de la viscosité d’un gel à base de -carraghénane en fonction du taux de cisaillement et de la température.

40,0 45,0 50,0 55,0 60,0 65,0 70,0

temperature (°C)

0,01000

0,1000

1,000

10,00

100,0

1000

visc

osity

(P

a.s)

10 /s

1 /s

5 /s

0.5 /s

Gel i-carrageenan 2% + H2O

Comportement Rhéofluidifiant

Comportement Newtonien

visc

osi

ty (

Pa.

s)

temperature (°C)

Page 31 sur 47 Étude physico-chimique des gels de nappage

Romain Castellani Rapport de Stage 5° année 17 juillet 2013

Le graphique présenté sur la Figure 28 révèle, à température inférieure à 63°C, une diminution de la viscosité du gel lorsque le taux de cisaillement augmente. Cette évolution est alors caractéristique d’un fluide rhéofluidifiant. Au-delà de 63°C, outre les problèmes de bruit de l’appareillage, un comportement de fluide de type newtonien apparait (viscosité indépendante du taux de cisaillement).

Figure 28 : Évolution de la viscosité en fonction du taux de cisaillement pour un gel -carraghénane 1.2% wt + eau à

60°C (courbes rouge et bleue) et pour un gel -carraghénane 1.4% wt + eau à 35°C (courbes mauve et verte).

Les mesures de viscosité présentées sur le graphique de la Figure 28 confirment le caractère

newtonien du gel à base de -carraghénane (1,2% wt) à une température de 60°C. Ce même type de

comportement peut être obtenu à plus faible température (35°C) par l’utilisation de -carraghénane (1,4% wt). L’obtention d’un comportement à l’écoulement de type newtonien permet d’accréditer d’avantage l’utilisation de ces formulations en tant que gels de nappage : en effet un bain de gel newtonien constitue une solution optimale dans le cadre d’un procédé de nappage car cela assure l’absence d’évolution de viscosité dans le bain, y compris en présence d’une agitation assurant l’homogénéisation du gel dans la cuve de trempage.

2.3. Séchage des gels

L’étude du séchage des différentes formulations de gels a été effectuée selon le protocole décrit dans le paragraphe 1.2.

1,000 200,0shear rate (1/s)

1,000E-3

0,01000

0,1000

1,000

visc

osity

(Pa.

s)

Gel i 1,2% + eau 60°C (1)

Gel i 1,2% + eau 60°C (2)

Gel k 1,4% + eau 35°C (1)

Gel k 1,4% + eau 35°C (2)

visc

osi

ty (

Pa.

s)

shear rate (1/s)

Page 32 sur 47 Étude physico-chimique des gels de nappage

Romain Castellani Rapport de Stage 5° année 17 juillet 2013

2.3.1. Caractérisation de la variation pondérale au cours du temps

Afin de caractériser les vitesses et durées de séchage, la variation pondérale des échantillons de

gels a été enregistrée au cours du temps. Les résultats concernant les gels formulés exclusivement de -

carraghénane et de -carraghénane n’étant pas présentées ici, il est important de noter qu’il n’existe aucune différence significative entre ces deux matériaux vis-à-vis des cinétiques de séchage.

Les résultats de cinétiques de séchage relatifs aux gels composés d’eau + -carraghénane 1,2% wt + Tixosil en teneur variable sont présentées sur la Figure 29.

Figure 29 : Évolution pondérale de gels eau + -carraghénane 1,2% wt + Tixosil en teneur variable.

La Figure 29 révèle une diminution de la vitesse de séchage (pente de la courbe) lors de l’ajout de 5g ou 6g de silice. Ce phénomène est certainement la conséquence de la rétention d’eau au sein des interstices formés entre les agglomérats de silice. Par contre, à partir de 7g de Tixosil, le palier symbolisant la fin du séchage semble être atteint plus rapidement. Cette évolution est probablement liée à la formation d’une croute de gel sec à l’interface gel/air, c'est-à-dire à la présence d’une barrière physique empêchant l’évaporation de l’eau résiduelle contenue au cœur du gel.

En moyenne, les gels sèchent en cinq heures.

Séchage (-carraghénanes 1,2% + H2O) 100g + Tixosil xg - 25°C, 40% humidité, épaisseur 1mm

-1

-0,9

-0,8

-0,7

-0,6

-0,5

-0,4

-0,3

-0,2

-0,1

0

0 60 120 180 240 300 360 420

Temps (min)

m

/m0

+ Tixosil 6g + Tixosil 5g Sans Tixosil + Tixosil 7g + Tixosil 8g + Tixosil 9g

55gg

66gg

00gg

77gg 88gg 99gg

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2.3.2. Fracturation en paillettes

En parallèle des mesures de perte de masse des gels, la contraction et la fracturation des paillettes ont été suivies au cours de ce temps. Les photos suivantes présentent l’évolution des dépôts de gels au cours du séchage en fonction de leur formulation (Figure 30, Figure 31, Figure 32, Figure 33)♪.

Figure 30 : Carraghénane seul ( ou ). Figure 31 : -carraghénane 1,2% + Tixosil, en fin de

séchage.

Figure 32 : -carraghénane 1,4% + Tixosil, en fin de séchage. Figure 33 : -carraghénane 2% + Tixosil 5g, en fin

de séchage.

Les photographies présentées ci-dessus montrent qu’un gel ne contenant pas de silice sèche en formant un film élastique. L’ajout de Tixosil est donc indispensable à l’obtention de paillettes rigides. Par ailleurs, les gels contenant une plus grande quantité de charge minérale fracturent en éléments

plus fins. Cependant, la non pulvérulence du déchet reste dans tous les cas assurée. Le -carraghénane conduit à une plus grande contraction des paillettes, donc à une plus faible adhésion du déchet sur le support. Une plus grande quantité d’organique donne des paillettes plus « plastiques », et donc plus solides.

Le choix du ratio Tixosil / carraghénanes à utiliser peut alors être fait selon la forme et les propriétés de paillettes désirées pour l’application envisagée.

2.4. Comportement chimique du carraghénane vis-à-vis des réactifs de décontamination

2.4.1. Acide / Base

Parmi les réactifs décontaminants utilisés dans les gels, on rencontre entre autres l’acide nitrique et la soude. Avant d’élaborer un gel de nappage contenant ces réactifs, il est primordial de s’intéresser au comportement et à la sensibilité du carraghénane en leur présence.

Pour y parvenir, différentes solutions acides dans lesquelles est ajouté 1,4g/100mL de

carraghénane ( ou ) ont été élaborées :

♪ Une quantification par analyse d’image est possible ; par manque de temps, elle sera réservée aux éventuelles suites de

l’étude.

0h 5h Tixosil 5g Tixosil 9g

Tixosil 5g Tixosil 9g

Page 34 sur 47 Étude physico-chimique des gels de nappage

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HCl, 1 mol/L, 0,1 mol/L

HNO3,1 mol/L, 0,1 mol/L

CH3COOH, 1 mol/L

HCOOH, 1mol/L

HOOC-COOH (acide oxalique) en solution saturée. La structure chimique de la molécule est représentée sur la Figure 34.

Pour des raisons techniques, il a été impossible de faire des mesures rhéologiques sur les gels acides (mobile en acier inoxydable attaqué lors de la première mesure malgré des tests préalables : nuance d’acier inoxydable inadaptée aux acides utilisés) ; un mobile en titane est en cours de commande lors de la rédaction de ce rapport. Les résultats décrits ci-dessous proviennent de simples observations visuelles.

Après mélange des différents constituants des gels, nous pouvons remarquer que le carraghénane ne gélifie pas, et ce quels que soient les acides utilisés, y compris les acides organiques faibles. Il est important de noter que l’ajout d’acide dans un gel préalablement formé à l’aide de carraghénane le déstructure. Cependant la phase obtenue est plus visqueuse que celle résultant de la dissolution du carraghénane dans l’acide.

Figure 34 : Formule chimique développée de l'acide oxalique.

Toutefois, les recherches menées nous ont conduits à l’obtention d’un gel à base d’acide oxalique. Afin de comprendre les phénomènes alors mis en jeux, il convient dans un premier temps de s’intéresser au comportement du carraghénane en présence de cations et/ou dans un milieu basique. Pour cela, une solution de soude 1M contenant 1,4g/100mL de carraghénane a donc été préparée. La solution gélifie alors et conserve sa dépendance à la température.

2.4.2. Influence des cations

Selon la bibliographie, l’ajout de cations dans une solution de carraghénane peut avoir une influence sur l’organisation des chaines au sein du gel (Figure 12). Dans le cas où les cations permettraient d’augmenter la viscosité du mélange, cet effet peut alors s’avérer extrêmement intéressant pour abaisser la quantité d’organiques dans le gel. Différentes mélanges ont donc été

préparées en dissolvant 1,4g/100 mL de -carraghénane dans des solutions à 1 mol/L de sels. Le Tableau 2 récapitule l’ensemble des essais réalisés. Les essais consistent alors à observer si le mélange permet d’atteindre la gélification.

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Valence Cation Anion pH Solution Gélifie avec Carraghénane

11 H2O # ~7 OOUUII

22 HH Cl 0,223 NNOONN

33 HH NO3 0,753

CCss NO3 6,599

CCss Cl 6,262

KK NO3 5,984

KK Cl 6,024

NNaa NO3 6,58

LLii OH 12,007

BBaa NO3 5,783 PPsseeuuddoo--GGeell

CCaa NO3 6,436

CCaa Cl 10,641

SSrr NO3 5,022

FFee NO3 0,514

Tableau 2 : Influence des cations sur la viscosité des solutions de -carraghénane (1,4g/100 ml). La valence des cations est précisée par le code couleurs. On observe ou non une gélification.

Au regard du Tableau 2, nous remarquons tout d’abord que les ions NO3- n’empêchent pas

forcément la gélification. La déstructuration du gel en présence d’HNO3 (cf. 2.4.1) s’explique donc par la présence d’ions H+.

L’appellation « pseudo-gel » concerne une solution contenant des agglomérats de carraghénane qui décantent lorsque la solution est au repos. La valence des ions semble intervenir sur la quantité d’ions nécessaires à l’obtention de l’état de pseudo-gel (plus faible dans le cas des ions divalents).

Dans la suite nous choisissons de travailler avec le dichlorure de calcium (CaCl2). Dix solutions de

concentrations en CaCl2 variables (0 à 10 mmol/L) et contenant du -carraghénane sont synthétisées (1,4g de carraghénane/100 mL). Les mesures de viscosité réalisées à 30°C et à 60°C sont présentées sur

la Figure 35. Les résultats obtenus dans les cas du mélange avec le -carraghénane sont regroupées en Annexes (Figure 45).

Page 36 sur 47 Étude physico-chimique des gels de nappage

Romain Castellani Rapport de Stage 5° année 17 juillet 2013

0,01

1

100

104

106

0 2 4 6 8

0=f([CaCl

2]) pour une solution de CaCl

2 + -carraghénane (1.4g/100 mL) à T={30,60}°C

Viscosité à 30°C (Pa.s)

Viscosité à 60°C (Pa.s)

0 (

Pa

.s)

[CaCl2] (mmol/L)

Figure 35 : Viscosités à 60°C et 30°C d'un gel -carraghénane 1,4g/100mL dans une solution de CaCl2 en fonction de sa

concentration en cations.

On remarque une augmentation de la viscosité à 30°C dès [CaCl2]=1mmol/L. Dans le même temps, le contraste de viscosité entre les deux températures baisse : il passe de 8 décades à 1 décade. À partir de 6mmol/L, la structure du gel s’effondre. On retrouve le pseudo gel décrit précédemment. L’ajout de peu de cations doit ponter les différentes chaines de polysaccharide entre elles ; cependant, une trop forte concentration les fait se regrouper en agglomérats plus denses, ce qui détruit la structure gel.

L’utilisation en tant que telle dans les gels de nappage ne présente donc finalement que peu d’intérêts ; soit la température nécessaire pour obtenir une solution liquide a augmentée, soit la structure s’est uniquement renforcée à haute température, ce qui est inutile puisqu’elle doit être la moins visqueuse possible dans cette situation. Cependant, le phénomène mis en évidence ici devra être pris en compte en ce sens qu’il faudra éviter tout ajout non intentionnel de cations supplémentaires dans les gels formulés (eau industrielle à la composition non contrôlée, pollution des solutions …) si l’on veut en contrôler la structure.

2.4.3. Gels à l’acide oxalique

Dans un premier temps, un dosage acido-basique permet d’observer les deux acidités du composé (voir Figure 36). Le matériel utilisé est un titrimètre Methrom, et la solution titrante de la soude (1M). Le volume d’acide oxalique dosé (solution à saturation) est de 7 mL.

Page 37 sur 47 Étude physico-chimique des gels de nappage

Romain Castellani Rapport de Stage 5° année 17 juillet 2013

Figure 36 : Dosage de l’acide oxalique avec NaOH 1M.

Les deux points équivalents mis en évidence sur la courbe de dosage correspondent bien à l’ajout de deux équivalents de soude. Le titrage révèle donc une concentration en acide égale à 0,8 mol/L soit environ la concentration théorique d’une solution d’acide oxalique saturée.

Au cours du dosage, il se forme un précipité d’oxalates de sodium ; l’idée a donc été de se placer entre les deux points équivalents pour obtenir une solution d’hydrogénooxalate de sodium (Na+, HO2C-CO2

−). La Figure 37 représente la formule chimique développée de ce composé. Une fois filtrée, une quantité définie de carraghénane est ajoutée à la solution (par exemple 1,4g/100mL). Nous pouvons alors observer que le mélange obtenu, qui est encore à caractère acide, gélifie.

Figure 37 : Formule chimique développée de l'hydrogéno-oxalate de sodium.

Afin de comprendre les raisons de la non dégradation du carraghénane dans ce cas précis, vingt solutions d’acide oxalique saturée sont préparées. À chacune d’elles, une quantité variable de soude est ajoutée de manière à faire varier la quantité d’oxalate et d’hydrogéno-oxalate de sodium formé.

Une fois filtrées, le -carraghénane est introduit dans le filtrat (1,4g/100 mL). Les résultats des mesures de viscosité effectuées à un taux de cisaillement de 1s-1 sont présentés sur la Figure 38.

Page 38 sur 47 Étude physico-chimique des gels de nappage

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0,01

0,1

1

10

100

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4 1,6 1,8 2 2,2 2,4 2,6 2,8 3

Viscosité sous cisaillement (1s-1

) à 20°C pour un gel H2O + Acide Oxalique (qté. fixe)

+ NaOH (variable) + -carraghénane 1.4g/100mL en fonction du rapport Base / Acide

Viscosité sous cisaillement 1s-1 (Pa.s)

(

Pa

.s)

n(NaOH) / n(Ac.Ox.)

Figure 38 : Évolution de la viscosité des mélanges acide oxalique + -carraghénane + NaOH en fonction du ratio NaOH / acide oxalique à 20°C.

La Figure 38 révèle une augmentation de la viscosité dès la première acidité de l’acide oxalique neutralisée. Celle-ci diminue à nouveau lorsque le rapport NaOH / acide oxalique atteint 2,8. Cet effondrement de la viscosité à pH basique est lié à l’influence des ions Na+ en quantité trop importante. Comme dans les cas des ions Ca2+ (cf. 2.4.2), cet excès entraine alors la formation d’un pseudo-gel.

La présence d’hydrogéno-oxalates semble dans un premier temps maintenir la structure d’un gel. Une hypothèse pour expliquer le mécanisme peut alors être émise : les courtes chaines carbonées de l’acide oxalique viennent se fixer, grâce à la présence des cations, sur le carraghénane et le protègent. Cette hypothèse reste néanmoins à confirmer par des analyses de structure approfondies. Cette propriété de l’acide oxalique se révèle cependant très intéressante car elle permet d’élaborer des gels acides capables d’attaquer certains métaux. Un bref essai d’érosion sur de l’acier noir a d’ailleurs révélé une attaque de l’alliage. D’autres expérimentations visant à quantifier l’érosion générée par ce type de gel seront réalisées dans un avenir très proche.

Nous avons vu ici qu’il était possible d’obtenir des gels de carraghénane contenant des réactifs décontaminants à caractère acide pour traiter l’acier noir (acide oxalique) ou à caractère basique pour permettre la décontamination des alliages d’aluminium. Cependant l’influence de l’ajout de silice et l’efficacité du gel (érosion) reste encore à quantifier.

Page 39 sur 47 Conclusion et perspectives

Romain Castellani Rapport de Stage 5° année 17 juillet 2013

Conclusion et perspectives

Cette étude a tout d’abord permis de démontrer la faisabilité d’un procédé « gel de nappage ». En effet, de nombreux adjuvants conférant aux gels les propriétés rhéologiques attendues peuvent être employés. Parmi eux, le carraghénane, en dépit de sa nature organique, semble être un bon candidat. Il présente une thermo-dépendance en viscosité et ce de manière réversible. De plus, selon sa nature et sa concentration en solution, il permet l’obtention d’un saut de viscosité sur une plage de température très étroite. Cette étude a par ailleurs montré que l’incorporation du carraghénane à des formulations contenant de la silice est possible. Le polysaccharide garde en effet les propriétés rhéologiques requises permettant de garantir une mise en œuvre du procédé simple et rapide. En présence de réactifs de décontamination bien choisis, le carraghénane permet la formation de gel en milieu acide et basique.

Par ailleurs, toutes les conditions nécessaires à l’obtention d’un procédé performant sont réunies : le nappage permet non seulement l’utilisation d’une faible quantité de produit décontamination mais il garantit également l’obtention d’un volume de déchet réduit ne nécessitant pas de traitement préalable au stockage. En effet, les gels formés à partir de carraghénane et de silice sèchent sous forme de paillettes rigides facilement aspirables. Le décollement des paillettes de la surface traitée est facilité par la contraction importante qu’elles subissent lors du séchage.

Les photographies ci-dessous illustrent la faisabilité du procédé à partir de gels de nappage synthétisés au cours de ce stage.

Par ailleurs, ce stage a mené à définir un protocole expérimental simple pour étudier le comportement rhéologique des gels de carraghénane. L’utilisation du modèle de Maxwell nous a permis de quantifier l’influence de chaque constituant sur le comportement à l’écoulement des gels à partir d’expérimentations en mode fluage réalisées sur un rhéomètre.

Bain liquide Nappage

Retrait de la pièce Séchage Récupération du gel sec

Page 40 sur 47 Conclusion et perspectives

Romain Castellani Rapport de Stage 5° année 17 juillet 2013

Enfin, les résultats acquis au cours de ce stage ouvrent de nombreuses perspectives d’études. Dans un premier temps il sera intéressant d’établir une relation entre la formulation des gels de nappage et les épaisseurs déposées sur une pièce. Ceci permettrait de définir les proportions optimales des divers constituants. Afin de déterminer les cinétiques de réaction et leur efficacité, des essais d’attaque acide/basique sur des alliages représentatifs du nucléaire (aciers, aluminium, plomb, …) devront être réalisés. Un important travail devra également être effectué pour comprendre les interactions entre le carraghénane et l’acide oxalique (structures adoptées, mécanismes réactionnels, …).

De plus, d’autres possibilités peuvent être envisagées pour l’obtention de gels de nappage. En effet, les fluides magnéto-rhéologiques pourraient constituer une solution adaptée au problème. Ces fluides peuvent être synthétisés à partir de particules de silice contenant un noyau de fer.

Page 41 sur 47 Annexes

Romain Castellani Rapport de Stage 5° année 17 juillet 2013

Annexes

1. Rhéologie et formulations

0,1

1

10

30 35 40 45 50 55 60 65 70

Gel H2O / -carrageenan 2%

0 (

Pa

.s)

Température (°C)

Figure 39 : Évolution de la viscosité d’une solution Eau + -carraghénane 2% wt en fonction de la température. Les valeurs à basse température sont sous-estimées en raison du glissement du gel sur le plateau inférieur du rhéomètre.

Page 42 sur 47 Annexes

Romain Castellani Rapport de Stage 5° année 17 juillet 2013

0,001

0,1

10

1000

105

107

25 30 35 40 45

-carrageenan + H2O : Influence de la concentration0,2 %

0,4 %

0,6 %

0,8 %

1 %

1,2 %

1,4 %

1,6 %

1,8 %

2 %

0 (

Pa

.s)

Température (°C)

Figure 40 : Évolution de la viscosité d’une solution Eau + -carraghénane en fonction de la température et de la concentration en carraghénane.

0,1

10

1000

105

107

10 15 20 25 30 35 40 45

(H2O + -carraghénane 1,4%) 100g + Tixosil xg -

0=f(T)

k-carrageenan 1,4 % (/100g)

+ 5g Tixosil

+ 6g Tixosil

+ 7g Tixosil

+ 8g Tixosil

+ 9g Tixosil

0 (

Pa

.s)

Température (°C)

Figure 41 : Évolution de la viscosité d’une solution Eau + -carraghénane 1,4% wt + Tixosil en fonction de la température et de la concentration en silice..

Page 43 sur 47 Annexes

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2. Comportements rhéofluidifiant et Newtonien

Figure 42 : Évolution de la viscosité d’un gel -carraghénane 2% wt en fonction du taux de cisaillement à T= 45°C.

Figure 43 : Évolution de la viscosité d’un gel k-carraghénane 2% + eau en fonction de la température et du taux de

cisaillement. Ce type de gel étant cassant à basse température, une discontinuité sur la courbe de viscosité est observée.

0,01000 0,1000 1,000 10,00 100,0

shear rate (1/s)

1,000

10,00

100,0

1000

visco

sity

(Pa.

s) Straight line

a: y-intercept: 1,831

b: slope: -0,8789

x-intercept: 2,083

regression: 0,99996

standard error: 1,353

End condition: Finished normally

Gel i-carrageenan 2% + H2O

20,0 25,0 30,0 35,0 40,0 45,0 50,0

temperature (°C)

0,1000

1,000

10,00

100,0

visco

sity

(Pa.

s)

1 /s

5 /s

10 /s

50 /s

Gel k-carrageenan 2% + H2O

Fracturation

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3. Séchage des gels

Séchage (-carraghénanes 1,4% + H2O) 100g + Tixosil xg - 25°C, 40% humidité, épaisseur 1mm

-1

-0,9

-0,8

-0,7

-0,6

-0,5

-0,4

-0,3

-0,2

-0,1

0

0 60 120 180 240 300 360 420

Temps (min)

m

/m0

+ Tixosil 5g + Tixosil 6g k + Tixosil 7g + Tixosil 8g + Tixosil 9g

Figure 44 : Évolutions pondérales de gels eau + -carraghénane 1,4% wt + Tixosil en fonction du temps et de la concentration de Tixosil. T=45°C, HR = 40%, épaisseur de gel = 1 mm.

4. Ajout de cations

0,001

0,1

10

1000

105

107

109

0 10 20 30 40 50 60 70 80

0=f([CaCl

2]) pour une solution de CaCl

2 + -carraghénane (1.4g/100 mL) à T={20,40}°C

Viscosité à 20°C (Pa.s)

Viscosité à 40°C (Pa.s)

0 (

Pa

.s)

[CaCl2] (mmol/L)

Figure 45 : Évolution de la viscosité d'un gel -carraghénane 1,4g/100mL dans une solution de CaCl2 en fonction de la

température et de la concentration en Ca2+

.

Page 45 sur 47 Remerciements

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Remerciements

Je voudrais remercier tout d’abord tous les membres du LPAD (notamment son chef, Hugues PEYCELON) et le CEA pour m’avoir si bien accueilli durant ces six mois ; l’expérience fût agréable, enrichissante, et pleine de bonnes surprises.

Plus particulièrement un grand merci à mon tuteur Frédéric CUER pour sa disponibilité, son aide précieuse, et ses conseils avisés, sans qui bien évidemment il n’y aurait pas eu de stage. Merci également à Didier MAUREL pour son soutien technique et humain (et pour son café), sans oublier Arnaud POULESQUEN pour ses discussions « rhéologiques ».

Une pensée à Valentin VINCI qui a eu cette idée géniale d’ajouter de la soude à mes solutions d’acide oxalique, et qui anima le laboratoire six semaines durant de sa bonne humeur et de son esprit brillant.

D’autres remerciements particuliers à Cyril LAVAUD, Sabrina VOLLAND, Cyril ROUSSIGNOL, Jérémy CAUSSE … et j’en oublie, pour m’avoir donné à un moment ou à un autre, de précieux conseils. Ne trouvant plus de nouvelle façon de dire « merci », ce paragraphe prend fin.

Page 46 sur 47 Bibliographie

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Bibliographie

1 Questions sur le nucléaire : L'énergie nucléaire en France

(http://www.cea.fr/jeunes/themes/l_energie_nucleaire/questions_sur_le_nucleaire/l_energie_nucleai

re_en_france), CEA, 05/07/2010

2 Denis MAZZUCCHETTI, De divergences en convergences, les cinquante premières années de

Marcoule : 1955-2005, p. 6, Romain Pages Editions, 2005.

3 Rapport Annuel 2009 de l’ASN, Annexe A, ASN, 2010.

4 Thèse Yvan LALLOT, Nouveaux gels pour la décontamination nucléaire : formulation, propriétés

et procédé, Université de droits, d’économie et des sciences d’Aix-Marseille, CEA, 2004.

5 Thèse Claire BONNOIT, Ecoulement de suspensions granulaires modèles, Université Paris 6,

2009.

6 Stage IUT Valentin VINCI, Approche d’une formulation de gel pour la décontamination des

matrices cimentaires en profondeur, Université Joseph Fourier Grenoble, CEA, 2010.

7 Elisabeth GUAZZELLI, Rhéologie des fluides complexes, Polytech’ Marseille, 2001.

8 Thèse Cécile BOUSQUET, Rôle des Pluronics sur les propriétés rhéologiques, de séchage et de

fracturation des gels « aspirables » de décontamination, Université Montpellier 2, CEA, 2007.

9 Jaime ZAMORANO, Carraghénanes : agents gélifiants, épaississants et stabilisants, Techniques

de l’Ingénieur, 2006.

10 Yurii A. Shchipunov, Sol–gel-derived biomaterials of silica and carrageenans, Journal of Colloid

and Interface Science 268 (2003) 68–76, 2003.

11 Fisheries and Aquaculture Department, Training Manual on Gracilaria Culture and Seaweed

Processing in China, Food and Agriculture Organization of the United Nations, 1990.

12 T.R. Thrimawithanaa, S. Younga, D.E. Dunstanb, R.G. Alanya, Texture and rheological

characterization of kappa and iota carrageenan in the presence of counter ions, Carbohydrate

Polymers, 2010.

13 Thèse Claire BELLAN, Etude et utilisation de matériaux adaptatifs dans le contrôle actif de

vibrations, Université de Nice Sophian-Antipolis, UFR Sciences, 2001.

14 Sung Taek Lim, Min Seong Cho, In Bae Jang, Hyoung Jin Choi, Magnetorheological

characterization of carbonyl iron based suspension stabilized by fumed silica, Journal of

Magnetism and Magnetic Materials 282 (2004) 170–173, 2004.

15 M.Kroell, M.Pridoehl, G.Zimmermann, L.Pop, S.Odenbach, A.Hartwig, Magnetic and rheological

characterization of novel ferrofluids, Journal of Magnetism and Magnetic Materials 289 (2005) 21–

24, 2005.

16 Sang Hyuk Im, Thurston Herricks, Yun Tack Lee, Younan Xia, Synthesis and characterization

of monodisperse silica colloids loaded with superparamagnetic iron oxide nanoparticles, Chemical

Physics Letters 401 (2005) 19–23, 2005.

17 Jing Liu, Panli He, Junlin Yan, Xiaohua Fang, Junxia Peng, Kaiqiang Liu, Yu Fang, An

Organometallic Super-Gelator with Multiple-Stimulus Responsive Properties, Adv. Mater. 2008,

20, 2508–2511, 2008.

18 Takeshi Naota, Hiroshi Koori, Molecules That Assemble by Sound: An Application to the Instant

Gelation of Stable Organic Fluids, J. Am. Chem. Soc. 2005, 127, 9324-9325, 2005.

Page 47 sur 47 Bibliographie

Romain Castellani Rapport de Stage 5° année 17 juillet 2013

19 Gui-Chao Kuang, Yan Ji, Xin-Ru Jia, Yan Li, Er-Qiang Chen, Zheng-Xiang Zhang, Yen Wei,

Photoresponsive organogels: an amino acid-based dendron functionalized with p-nitrocinnamate,

Tetrahedron 65 (2009) 3496–3501, 2009.

20 Aurélien Gasnier, Guy Royal, Pierre Terech, Metallo-Supramolecular Gels Based on a Multitopic

Cyclam Bis-Terpyridine Platform, Langmuir 2009, 25(15), 8751–8762, 2009.

21 Marc-Oliver M. Piepenbrock, Gareth O. Lloyd, Nigel Clarke, Jonathan W. Steed, Metal- and

Anion-Binding Supramolecular Gels, Chem. Rev. ACS, 2009.

22 Wengui Weng, J. Benjamin Beck, Alex M. Jamieson, Stuart J. Rowan, Understanding the

Mechanism of Gelation and Stimuli-Responsive Nature of a Class of Metallo-Supramolecular Gels,

J. Am. Chem. Soc. 2006, 128, 11663-11672, 2006.