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Faute inexcusable : le délai qui révolte les marins Publié le 27/10/2017
Jean-Claude Floch, demeurant à Primelin, est décédé en décembre
2007 d'un cancer des bronches, après avoir travaillé 31 ans comme
mécanicien de la CMA-CGM, de février 1964 à août 1995. | Photo
d'illustration
La récente décision de la Cour de cassation de rejeter la plainte de la famille d'un marin, au motif que celle-ci avait été
formulée trop tardivement, indigne les associations de malades.
La polémique
La CGT des marins du Grand-Ouest, l'union fédérale des pensionnés et veuves de la marine marchande (commerce et pêche), la CGT et l'Addeva
(victimes de l'amiante) du Finistère, dénoncent la décision de la Cour de cassation rendue le 12 octobre (Ouest-France du samedi 14 octobre).
Ce jour-là, la Cour de cassation a refusé à la famille d'un mécanicien de l'armement CMA-CGM, décédé d'une affection pulmonaire
professionnelle, le droit d'obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de cette entreprise, au motif que la famille aurait dû saisir la justice plus
rapidement.
Mécanicien de la CMA-CGM
Jean-Claude Floch, demeurant à Primelin, est décédé en décembre 2007 d'un cancer des bronches, après avoir travaillé, de février 1964 à août
1995, comme mécanicien de la CMA-CGM.
La maladie professionnelle ayant été reconnue en août 2006, la cour a estimé que la demande de reconnaissance de faute inexcusable aurait dû être
présentée en justice avant août 2008, conformément aux deux années légales de prescription.
« Une décision incompréhensible pour les veuves et les marins concernés », s'indignent les signataires, qui alertent sur le flou entourant ce délai
avant la décision du 6 mai 2011, date où le conseil constitutionnel a seulement ouvert aux marins le droit de faire reconnaître cette faute
inexcusable de l'armateur devant les tribunaux.
Auparavant, la Cour de cassation refusait simplement d'examiner toute demande d'un marin, son régime spécial ne prévoyant aucun recours contre
son employeur au titre de la faute inexcusable. Logique.
Cette date du 6 mai 2011 est donc devenue charnière dans la défense des droits des victimes de la fibre cancérigène, à l'usage pourtant généralisé
(et sans aucune précaution) dans les salles de machines des bateaux (jusqu'à son interdiction en 1997), du fait des propriétés ignifuges du minéral
assassin.
Le 6 mai 2011, donc. Les marins tombés malades avant cette date ont aussitôt saisi le juge afin de voir reconnaître cette faute à l'origine de leurs
maladies professionnelles. Tout en prenant soin d'indiquer que le délai de deux ans qu'il fallait normalement respecter pour saisir la justice n'avait
commencé à courir qu'à partir du 6 mai 2011.
D'où l'indignation des signataires depuis le 12 octobre, quand la Cour de cassation a jugé que le marin tombé malade avant le 6 mai 2011 n'avait
pas le droit de demander des comptes à son employeur, du seul fait de la date de son diagnostic.
Les tribunaux de Brest, Saint-Brieuc, Vannes, Quimper, ensuite la Cour d'appel de Rennes, tous ont confirmé qu'avant le 6 mai 2011, les marins
n'avaient pas le droit d'agir et que ce droit ne leur avait été ouvert qu'à compter de cette date.
Toutes les actions engagées avant le mois de mai 2013 ont donc été jugées recevables et la faute inexcusable a été reconnue dans tous les dossiers.
La cour d'appel avait d'ailleurs jugé ainsi en mars 2016, accordant un total de 140 000 €, ainsi qu'une majoration de la rente, pour la veuve de Jean-
Claude Floch.
« L'inverse aurait consisté à reprocher à un marin de ne pas avoir demandé la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur à
une époque où cette action lui était interdite... »
Situation ubuesque ? « C'est pourtant ce que vient de décider la Cour de cassation concernant deux marins malades de l'amiante et la veuve
d'un troisième décédé d'un cancer de l'amiante ! »