“facs de droit : apocalypse now ?”, editorial de "félix rome" - recueil dalloz 2012

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Page 1: “Facs de droit : Apocalypse now ?”, Editorial de "Félix Rome" - Recueil Dalloz 2012

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Recueil Dalloz 2012 p. 2505« Facs » de droit : apocalypse now ?

Félix Rome

« Je ne crois plus en l'Université d'Etat »... Prononcé par mon frère d'armes, chérientre tous, qui plus est un dimanche matin en dégustant un vin italien à se damner,sous un soleil d'automne qui inondait généreusement une place de Bologne oùl'amour, drôle et léger, s'inviterait volontiers si tu le voulais, le verdict avait toutes lesallures d'un faire-part de décès. « Pas toi, pas ça ! », réussis-je à articulerpéniblement, sortant de la torpeur dans laquelle je m'abandonnais, raisins rougesaidant... Et c'est vrai que pour ceux qui refusent encore de désespérer de l'Universitéet qui croient encore aux vertus républicaines qu'incarne l'Alma mater, les temps sontdurs, durs...

C'est, d'abord, ce référé dans lequel le premier président de la Cour des comptess'est livré à un réquisitoire accablant sur la situation des universités à dominantejuridique. En bref, sont pointés le faible taux d'encadrement des filières juridiques,lesquelles accueillent pourtant le plus grand nombre d'étudiants, la faiblesse des tauxde réussite et ... des moyens budgétaires, le problème de la professionnalisation, ledéveloppement « dans un certain désordre » de formations juridiques hors del'Université, etc. A ce sévère avertissement d'ordre institutionnel, s'est récemmentajoutée, dans un journal du soir, une énième complainte d'universitaires dans laquelleceux-ci accusent : l' « université publique (est) en train de devenir l'université despauvres. Une telle tendance conduit à un désastre culturel et scientifique ». Onpensait en avoir fini avec ce requiem pour l'Université, mais c'était sans compter avecune charge à boulets rouges sonnée par un ancien président du Conseil national desbarreaux (Gaz. Pal. 14-16 oct. 2012). Au prétexte de chanter les louanges d'un «petit livre », La cuisine du droit (Lextenso, 2012), écrit par Christophe Jamin, «master chef » de l'Ecole de droit de Sciences Po, Maître Wickers se livre à unréquisitoire apocalyptique sur les « facultés » de droit et sur les professeurs qui ysévissent. Professeurs dont, depuis toujours, l' « ambition a été de présenter le droitcomme un système théorique préconstitué, agencé à la manière d'un dogme (...)parfaitement autonome de tout autre savoir, (fermé) à toute influence du dehors, (...)totalement (isolé) de la réalité extérieure », dans le seul but de conférer à la doctrine« l'autorité d'une gardienne du temple, prompte à rappeler à l'ordre le juge ou lelégislateur ». En somme, les professeurs de droit auraient conçu, pour les seulsbesoins de leur injuste cause, un droit savant, désincarné, dogmatique et déconnectédes réalités. Preuve de leur insupportable suffisance et de leur invraisemblablearrogance, ils auraient attendu la fin du XXe siècle pour admettre que le juge puissecréer du droit... Conséquence, « les étudiants en droit ne sont toujours pasopérationnels » et « les avocats qui ont subi cette formation » sont dans l'incapacitéde répondre aux attentes légitimes de leurs employeurs. Remède préconisé par lefossoyeur en chef : « imposer aux universitaires la révolution qu'ils refusent, en lescontraignant à assurer un enseignement conforme aux besoins de la profession » !Capito ??? A vos rangs, fixe !!!!

Faut-il en rire ou en pleurer ? On ne sait trop à la vérité, même si l'outrance priveimmanquablement tout discours de pertinence. Quelques brefs éléments de réponse,tout de même. On juge, dit-on, l'arbre à ses fruits. Les avocats français, qui sontsortis ces cinquante dernières années des « facultés » de droit, sont-ils si nuls qu'ilspourraient exercer une class action contre leurs anciens tortionnaires, euh, pardon,contre leurs anciens professeurs ? Pour en avoir rencontré beaucoup et côtoyé

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Recueil Dalloz © Editions Dalloz 2012

certains depuis une trentaine d'années, ce n'est pas vraiment le sentiment que j'ai eu.Les professeurs français, j'en connais quelques-uns, ne sont pas des autistes,emmurés dans une vision purement dogmatique du droit, pas plus qu'ils n'ignorent lapratique. Faut-il rappeler à l'ex-président du CNB que beaucoup de professeurs sontaussi ses confrères ou sont sollicités par ces derniers pour leur délivrer desconsultations, preuve qu'ils ne sont pas aussi déconnectés des réalités pratiques qu'ille prétend ? Quant à l'enseignement du droit (auquel, soit dit en passant, participentdepuis des lustres des professionnels du droit) qui serait tout à la gloire deprofesseurs, uniquement soucieux d'assurer leur suprématie sur les autres forcescréatrices du droit, l'attaque est si ridicule qu'elle ne mérite pas de réplique. Quantaux méthodes d'enseignement, métaphore culinaire oblige, il ne suffit pas d'un livrede recettes pour faire un bon cuisinier, il n'est de cuisine que d'hommes...

Au fond, s'il est légitime et même impérieux de réfléchir sur la formation des avocats,il importe, dans cette perspective, que l'Université et le Barreau dialoguent,objectivement, sereinement, respectueusement. Il en va de l'avenir de quelquesmilliers d'étudiants qui souhaitent embrasser cette profession qui les fait rêver. Celamérite mieux que des brûlots qui ne servent pas d'autres intérêts que ceux qui lespublient.

Mots clés :ENSEIGNEMENT * Enseignement supérieur * Droit * Critique

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