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L E S C O L L E C T I O N S D E L I N R E T S LA CAPACITÉ D'ÉCOULEMENT DU TRAFIC Fabien LEURENT R A P P O R T N ° 2 6 5 P our définir, et mesurer, la capa- cité d’écoulement en trafic pour une voie de transport, l'ouvrage donne une définition unificatrice, valable en transport routier et ferroviaire. Chaque mobile en circulation induit une certaine charge de trafic, qui dépend de la lon- gueur du mobile, de sa vitesse, et de sa marge de sécurité envers le mobile qui le précède ; si le flux possède une régu- larité statistique, alors la capacité est l’inverse de la charge de trafic moyenne des mobiles. Cette définition de base est étendue aux principales modalités d’exploitation : classes multiples de véhicules ; files multiples ; services intermittents ; ser- vices à garantie de fiabilité ; régime non- saturé de trafic. Elle permet d’évaluer les définitions antérieures : en particulier la méthode du débit maximal surestime systématiquement la capacité. Une méthode rigoureuse de mesure est fournie : le débit moyen d’un ensemble de périodes aux vitesses uniformes, en régime continu stable. Rapport n° 265 Octobre 2005 Prix : 15,24 Fabien LEURENT, est ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, enseignant- chercheur à l'ENPC, LVMT. ISSN 0768-9756 ISBN 2-85782-627-3 LA CAPACITÉ D'ÉCOULEMENT DU TRAFIC Rapport INRETS n° 265 Un modèle désagrégé et des méthodes de mesure

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Page 1: Fabien LEURENT LA CAPACITÉ D'ÉCOULEMENT DU … · mobile en circulation induit une certaine charge de trafic, qui dépend de la lon-gueur du mobile, de sa vitesse, et de sa marge

L E S C O L L E C T I O N S D E L ’ I N R E T S

LA CAPACITÉ D'ÉCOULEMENT DU TRAFIC

Fabien LEURENT

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PP

OR

T N ° 2 6 5

Pour définir, et mesurer, la capa-cité d’écoulement en trafic pour

une voie de transport, l'ouvrage donne une définition unificatrice, valable en transport routier et ferroviaire. Chaque mobile en circulation induit une certaine charge de trafic, qui dépend de la lon-gueur du mobile, de sa vitesse, et de sa marge de sécurité envers le mobile qui le précède ; si le flux possède une régu-larité statistique, alors la capacité est l’inverse de la charge de trafic moyenne des mobiles.Cette définition de base est étendue aux principales modalités d’exploitation : classes multiples de véhicules ; files multiples ; services intermittents ; ser-vices à garantie de fiabilité ; régime non-saturé de trafic. Elle permet d’évaluer les définitions antérieures : en particulier la méthode du débit maximal surestime systématiquement la capacité.Une méthode rigoureuse de mesure est fournie : le débit moyen d’un ensemble de périodes aux vitesses uniformes, en régime continu stable.

Rapport n° 265Octobre 2005

Prix : 15,24 €

Fabien LEURENT, est ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, enseignant-chercheur à l'ENPC, LVMT.

ISSN 0768-9756ISBN 2-85782-627-3

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5Un modèle désagrégé et des méthodes de mesure

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Fabien LEURENT

La capacité d’écoulement du trafic

Un modèle désagrégé et des méthodes de mesure

Rapport INRETS N° 265 Octobre 2005

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La capacité d'écoulement du trafic

L’auteur :

Fabien Leurent, Enseignant-chercheur à l’ENPC-LVMT [email protected]

L’Unité de recherche :

Laboratoire Ville - Mobilité - Transport (LVMT)

19, rue Alfred-Nobel Champs-sur-Marne, Cité Descartes F 77455 Marne-la-Vallée Cedex Tél. : 01 64 15 21 10 – Fax : 01 64 15 21 40

Ce rapport a bénéficié des commentaires et remarques des référés suivants :

Christine Buisson, docteur en physique, directrice de recherche au LICIT Gérard Louah, docteur de l’ENPC spécialité Transport, chargé d’études Trafic au CETE (Centre d’Etudes Techniques de l’Equipement) de l’Ouest Tram Simonet, chargée d’études au SETRA-CSTR

Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité INRETS

2, avenue du Général Malleret-Joinville 94114 Arcueil Cedex – www.inrets.fr

© Les collections de l’INRETS N° ISBN 2-85782-627-3 N° ISSN 0768-9756

En application du code de la propriété intellectuelle, l’INRETS interdit toute reproduction intégrale ou partielle du

présent ouvrage par quelque procédé que ce soit, sous réserve des exceptions légales

Fabien Leurent, ingénieur en chef du Corps des Ponts et Chaussées, est enseignant-chercheur à l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, chargé de l’axe Modélisation et Economie au Laboratoire Ville-Mobilité-Transport. Il préside le comité technique Aspects économiques des réseaux routiers, à l’Association Mondiale de la Route (PIARC). Il est

et modèles de cheminement (2006).déjà l’auteur de Modèles désagrégés du trafic (2001) et de Structures de réseau

Unité de recherche commune ENPC – INRETS – UMLV

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Rapport INRETS n° 265 III

Fiche bibliographiqueUR (1er auteur)

Laboratoire Ville – Mobilité – Transport

Projet N° Rapport INRETS N° 265

Titre

La capacité d’écoulement du trafic

Sous-titre

Un modèle désagrégé et des méthodes de mesure

Langue F

Auteur(s)

Fabien Leurent

Rattachement ext. ENPC

Nom adresse financeur, co-éditeur N° contrat, conv.

Date de publication

Octobre 2005

Remarques

Résumé

Il existe plusieurs définitions de la capacité d’écoulement d’une route : agrégées comme le débit maximal observé, ou désagrégée dans le modèle semi-poissonnien.

Nous confrontons ces définitions à la théorie des files d’attente, puis nous donnons une défini-tion désagrégée synthétique : en régime saturé la capacité d’une file est un débit moyen, fonction de la structure du trafic (classes de mobiles) et de la vitesse, inversement proportionnel à la charge individuelle d’un mobile. Nous décomposons la charge individuelle en charge propre et en marge de précaution, qui dépend du type de mobile courant et du type du mobile précédent sur la file de circulation.

Nous étendons cette définition à des situations plus complexes : files multiples ; services inter-mittents ; services à garantie de fiabilité ; régime non-saturé de trafic.

La nouvelle définition nous permet d’évaluer les définitions antérieures : en particulier la méthode du débit maximal surestime systématiquement la capacité. Nous indiquons une méthode rigoureuse de mesure, par le débit moyen d’un ensemble de périodes aux vitesses uniformes, en régime continu stable (RCS).

Mots clés

Modèle désagrégé de trafic ; régimes de trafic ; pelotons ; capacité routière ; capacité ferroviaire

Nb de pages

80

Prix

15,24 €

Bibliographie

Oui

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IV Rapport INRETS n° 265

La capacité d'écoulement du trafic

Publication data formUR (1st author)

LVMT

Projet N° INRETS report N° 265265

Title

Traffic capacity

Subtitle

Disaggregated model and estimation methods

Language

English

Author(s)

Fabien Leurent

Affiliation ENPC

Sponsor, co-editor, name and address Contract, conv. N°

Publication date

October 2005

Notes

Summary

There are several ways of defining the flow capacity of a road, and these may be either aggre-gated (such as the maximum observed flow) or disaggregated (notably the semi-Poisson model). We shall compare these definitions with queuing theory and then propose a theoretic definition based on a disaggregated model : in the queued flow regime the capacity of a link is an average flow that depends on the traffic structure (vehicle classes) and the speed ; it is inversely propor-tional to a vehicle’s individual time requirement. We shall break down the individual time require-ment into a net requirement and a safety margin, the latter depending on the type of vehicle in question and the type of vehicle in front of it in the traffic lane. We shall extend this definition to more complex situations such as multiple lanes, intermittent service, guaranteed reliability, and the un-queued traffic flow regime.

We shall use our model to evaluate previous definitions ; in particular, the maximum flow method systematically overestimates capacity. We shall describe a rigorous measurement method, based on the mean flow during a set of periods with uniform speeds in the stable continuous flow regime.

Key words

Disaggregated traffic model ; traffic regimes ; bunches ; road capacity ; rail capacity.

Nb of pages

80

Price

15.24 e

Bibliography

Yes

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Rapport INRETS n° 265 �

Table des matières

Synthèse xi

Introduction 1Contexte : diverses définitions de la capacité d’une route 1Un objectif de synthèse et de renouvellement 1Méthode : la modélisation physique et probabiliste 2Plan du rapport 2Suites données 3

1. Revue des diverses définitions 51.A En théorie des files d’attente 51.B Définitions agrégées en physique du trafic routier 6

1.B.1 Constats empiriques 61.B.2 Relation aux modèles physiques d’écoulement 71.B.3 Définitions agrégées empiriques 81.B.4 �ers un modèle structurel pour un fondement théorique 8

1.C Définition désagrégée en physique du trafic 91.D Diagnostic 10

1.D.1 Les points communs 101.D.2 Les différences de fond 101.D.3 Propositions 11

2. Un modèle désagrégé de la charge de trafic 122.A Modèle physique et probabiliste 13

2.A.1 La charge individuelle 132.A.2 La population des charges individuelles 142.A.3 Définition de la capacité 152.A.4 Plusieurs classes de mobiles 162.A.5 Sur le flot en régime non-saturé 20

2.B Sophistications du serveur 222.B.1 Serveur à files multiples 222.B.2 Intermittence du serveur 232.B.3 La garantie de fiabilité 24

2.C Eléments d’analyse des pelotons (optionnel) 292.C.1 Différents types de débits 292.C.2 Propriétés élémentaires des débits et des tailles 29

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�I Rapport INRETS n° 265

La capacité d'écoulement du trafic

2.C.3 Régime saturé : les granulats ont des tailles géométriques 302.C.4 Propriétés du régime non-saturé (discret) 30

2.D Synthèse 322.D.1 Résumé 322.D.2 L’importance des règles d’exploitation 322.D.3 Une analogie physique 332.D.4 Prolongements 35

3. Analyse critique des définitions empiriques antérieures 363.A Distribution des débits et débit maximal observé 36

3.A.1 Analyse probabiliste des débits en régime saturé / continu 363.A.2 Estimer la capacité par le débit moyen 373.A.3 Sur la méthode du débit maximal 383.A.4 Sur les fractiles de la distribution des débits 39

3.B Capacité issue d’une fonction vitesse-occupation 403.B.1 Le diagramme exponentiel généralisé 403.B.2 Lien avec la définition désagrégée 413.B.3 Aspects statistiques 42

3.C Sur la distribution bimodale des débits 443.D Révision du modèle semi-poissonnien 45

3.D.1 Comparaison des définitions 453.D.2 Révision du traitement formel 463.D.3 Révision de la méthode statistique 47

4. Questions de mesure 494.A Les grandeurs à mesurer 49

4.A.1 Les caractères des mobiles 494.A.2 Les caractères du trafic 49

4.B Ordres de grandeur en trafic routier 504.B.1 Charge propre et marge de sécurité 504.B.2 Le coefficient d’équivalence des poids lourds 514.B.3 Capacité d’une file ininterrompue 52

4.C Mesure désagrégée de la capacité 524.C.1 Information désagrégée 534.C.2 Estimation d’une fonction débit-vitesse 534.C.3 Analyse des transitions, des granulats et des pelotons 534.C.4 Estimation désagrégée de la capacité 53

4.D Mesure agrégée de la capacité 554.D.1 Nature de l’information agrégée 554.D.2 La méthode du débit moyen par tranche de vitesses 55

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Rapport INRETS n° 265 �II

4.D.3 L’équivalence entre types de mobiles 584.D.4 Estimation agrégée de paramètres désagrégés 59

4.E Evaluer une action d’exploitation 614.E.1 Des actions sur la capacité 614.E.2 Principes de l’évaluation 62

5. Conclusion 635.A Bilan 635.B Portée de la contribution 635.C Prolongements 65

6. Bibliographie 67

7. Appendice 697.A Sur le modèle semi-poissonnien 69

7.A.1 Extension à plusieurs types de mobiles 697.B Sur le modèle de Branston 70

7.B.1 Extension du modèle de Branston à plusieurs types 727.B.2 Conséquences du modèle M/G/1 pour l’approche

de Branston 737.C Précision du coefficient d’équivalence d’un PL en �L 73

8. Note de synthèse 77

Table des matières

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Rapport INRETS n° 265 IX

Table des illustrations

Figure 1 : Observations débit-vitesse sur autoroute ................................. 6Figure 2 : Causalités (a) en théorie des files d’attente, (b) en trafic ......... 11Figure 3 : Charges et intervalles entre deux mobiles consécutifs : .......... 13Figure 4 : La capacité en fonction de la proportion de poids lourds ( ) : .. 20Figure 5 : Capacité ferroviaire : ................................................................. 27Figure 6 : Etats thermodynamiques et régimes de trafic. ......................... 34Figure 7 : De l’occupation individuelle au débit. ....................................... 35Figure 8 : Biais de la méthode du débit maximal. ..................................... 39Figure 9 : Biais de la méthode des fractiles. ............................................. 40Figure 10 : Marge de sécurité en fonction de la vitesse. ............................ 42Figure 11 : Diagramme exponentiel généralisé pour le site de Janvraie. ... 43Figure 12 : Nombres de véhicules par période 6 mn, site de Janvraie. ..... 44Figure 13 : Estimation de la capacité d’après le débit moyen. ................... 57Figure 14 : Reconstitution du régime continu à Janvraie. ........................... 61

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Rapport INRETS n° 265 XI

Synthèse

Quel que soit le mode de transport, les véhicules circulent sur une infrastruc-ture qu’ils occupent temporairement, l’un après l’autre. Les durées individuelles d’occupation limitent le nombre des véhicules qui peuvent être écoulés pendant une période : le débit maximal est la capacité d’écoulement de l’infrastructure.

Ce rapport a pour objet d’analyser la capacité des infrastructures, grâce aux notions suivantes :

(1) la durée propre d’occupation par chaque véhicule ;

(2) la marge de précaution vis-à-vis du véhicule précédent ;

(3) l’influence de la vitesse sur les durées propres et les marges ;

(4) l’influence de la structure du trafic par classes de véhicules.

Ces notions forment un modèle théorique où la capacité est clairement définie à partir de quelques hypothèses statistiques. Le modèle s’applique en priorité au mode routier ; de plus nous esquissons une transposition au mode ferroviaire.

Nous proposons une méthode à la fois rigoureuse et relativement simple pour mesurer la capacité : la méthode du débit moyen par tranche de vitesse, en régime continu stable de trafic. Cette méthode peut avantageusement remplacer les méthodes antérieures pour mesurer la capacité routière. Nous montrons, grâce à notre modèle, que ces méthodes induisent des biais systématiques.

Le rapport se compose de quatre parties : d’abord une revue des diverses définitions de la capacité ; puis le modèle théorique dans un cas de base, ainsi que des extensions pour les grandes modalités d’exploitation ; ensuite une revue critique des méthodes antérieures ; finalement, des méthodes de mesure.

Modèle d’analyse de la capacité d’écoulement.

Charge individuelle

Charge propre

Marge de sécurité

VitesseLongueur

VitesseClasse du mobile Classe prédécesseur

Hypothèses agrégées

stabilité du régimevitesse d’écoulementproportions des classes

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Rapport INRETS n° 265 1

Introduction

Contexte : diverses définitions de la capacité d’une route

En ingénierie du trafic, on appelle capacité d’une route le débit maximal moyen de mobiles que la route peut écouler pendant une durée fixée.

Une telle définition est large et assez imprécise. C’est pourquoi il existe diver-ses définitions empiriques plus précises, chacune relative à un certain protocole de mesure : le n-ième débit maximal dans un ensemble de périodes, ou un cer-tain fractile d’une distribution de débits, ou le débit maximal issu d’une relation vitesse-débit ajustée sur des observations empiriques. Ces définitions sont de nature agrégée, macroscopique, car elles reposent sur les débits qui sont des agrégats.

Il existe aussi une définition désagrégée, microscopique, de la capacité, basée sur les intervalles de temps entre mobiles successifs : c’est le modèle semi-poissonnien.

Un objectif de synthèse et de renouvellementNotre objectif est de renouveler l’analyse désagrégée de la capacité d’une

route. Il s’agit de la capacité d’écoulement, et non de la capacité de stockage.

Nous partons d’un constat de désaccord : entre la capacité au sens de l’ingé-nierie du trafic routier, et la capacité au sens de la théorie des files d’attente. Ce constat est conforté par Hurdle (2001).

En fait le désaccord est superficiel, car il résulte d’approximations dans cha-que théorie, plutôt que de différences identifiées et argumentées. Nous surmon-tons le désaccord, en détectant et en corrigeant les approximations infondées, donc en approfondissant la représentation, la modélisation de la capacité.

Nous fournissons une modèle désagrégé de la capacité dans un cas de base : une seule file, régime saturé de trafic, serveur toujours disponible. Nous l’éten-dons ensuite aux particularités de différents types de routes, en transport routier et en transport ferroviaire.

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2 Rapport INRETS n° 265

La capacité d'écoulement du trafic

Nous indiquons aussi comment mesurer la capacité de manière désagrégée ou agrégée, et comment évaluer la variation de capacité due à une action d’ex-ploitation.

Méthode : la modélisation physique et probabilisteNous modélisons la charge individuelle imposée par un mobile à la route,

comme la somme d’une charge propre égale au rapport entre longueur et vitesse, et d’une marge de précaution qui dépend du type de mobile et aussi du type du mobile précédent sur la file.

En régime saturé, le trafic est une succession ininterrompue de charges indi-viduelles : la capacité d’écoulement durant une période est le débit moyen d’une telle succession, elle correspond à une moyenne donc à une agrégation.

Notre méthode est donc la modélisation physique de la charge individuelle, et la modélisation probabiliste pour les hypothèses d’agrégation et les questions de moyenne.

Plan du rapportLe corps du rapport se compose de quatre parties :

1. un panorama des définitions de la capacité, suivi d’un bilan critique. Nous considérons successivement la définition en théorie des files d’attente, les définitions agrégées en physique du trafic, et la définition désagrégée du modèle semi-poissonnien.

2. La présentation d’un modèle désagrégé pour la charge de trafic. Nous trai-tons d’abord le cas de base d’une file de circulation en régime saturé de trafic, puis nous étendons la définition au régime non saturé, aux files multi-ples, aux serveurs intermittents, et à la garantie de fiabilité. Nous explorons les liens avec la structure des pelotons.

3. Une revue critique des définitions antérieures. Nous analy-sons et relativisons quatre définitions agrégées de la capacité : (1) le débit maximal observé ; (2) le fractile de la distribution des débits ; (3) le débit critique issu d’une fonction vitesse-débit ;

(4) le second mode d’une distribution bimodale des débits. Nous montrons que chacune de ces méthodes induit des biais spécifiques, et nous proposons alternativement d’utiliser le débit moyen des périodes saturées, par tranche de vitesses. Nous révisons aussi le modèle semi-poissonnien, en simplifiant son formalisme et en améliorant sa procédure d’estimation.

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4. Des méthodes de mesure et des résultats expérimentaux. Nous pro-posons notamment une méthode rigoureuse et simple pour mesurer la capacité : la méthode du débit moyen par tranche de vitesse. D’autres méthodes plus sophistiquées, basées sur des observations agrégées ou désagrégées du trafic, permettent d’estimer séparé-ment les paramètres de notre modèle désagrégé. Nous indiquons aussi comment évaluer les effets d’une action d’exploitation sur la capacité.

En conclusion, nous résumons le propos, nous délimitons la portée de notre contribution et nous indiquons des prolongements.

Suites donnéesLe modèle désagrégé et la méthode du débit moyen par tranche de vitesse,

ont été appliqués par le Sétra en 2001 pour mesurer la capacité des autorou-tes interurbaines en France (Leurent et Simonet, 2001), ainsi que le coefficient d’équivalence d’un poids lourd en véhicules légers.

Une application aux voies rapides urbaines de l’agglomération nantaise, a été réalisée par le Cété de l’Ouest en 2004 (Louah 2004).

Introduction

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Rapport INRETS n° 265 5

1. Revue des diverses définitions

Nous regroupons en trois familles les définitions existantes de la capacité :

A. au sens de la théorie des files d’attente ;

B. les définitions agrégées en physique du trafic routier ;

C. les définitions désagrégées.

Chaque famille de définitions fait l’objet d’une section particulière, de 1A à 1C. En section 1D, nous tirons un diagnostic et formulons des propositions.

1.A En théorie des files d’attente

Une file d’attente est le couplage d’un serveur et d’un flot d’arrivées.

Le « serveur » (ex. un médecin, une agence bancaire) rend des services à des clients. Il se compose d’une ou plusieurs entités de service appelées aussi « serveurs », d’une salle d’attente de capacité finie ou non, de conditions de disponibilité des serveurs, de règles de priorité.

Un exemple est fourni par une agence bancaire à m postes d’accueil, disponibles en continu sur une certaine plage horaire, avec une certaine capacité de salle d’attente.

Autre exemple, un feu de trafic au débouché d’une route sur un carrefour ; le nombre de serveurs est le nombre de files de circulation, leur disponibilité est réduite aux périodes où le feu est au vert.

Le flot d’arrivées est l’ensemble des clients : leur rythme d’arrivée, le volume (durée) du service demandé par chacun. On fait des hypothèses génériques sur les durées interarrivées de clients successifs, et sur les durées nécessaires à chacun d’eux, que nous appelons les charges individuelles (de trafic).

Les charges occupent les serveurs ; d’où une attente pour les clients qui arrivent quand les serveurs sont indisponibles ou occupés.

La capacité est définie pour un serveur et durant une période : elle désigne le nombre moyen de clients qui peuvent être traités par unité de temps, s’ils se

succèdent de façon ininterrompue. On la mesure par le rapport entre le nombre moyen de clients et la durée de la période.

La capacité ainsi définie résulte d’une part des charges imposées par les clients, et d’autre part de la charge maximale que le service peut fournir pendant la période : cette charge maximale dépend à la fois de la durée de disponibilité des serveurs élémentaires et de leur vitesse de traitement.

Pendant une période de durée H, avec m serveurs élémentaires et une vitesse moyenne V de service, la charge maximale s’élève à m V H. Pour des

charges imposées dont la moyenne vaut 1/µ, en régime continu le serveur peut

satisfaire en moyenne m V H / (1/µ) = m H V µ clients. Par unité de temps, la

capacité s’élève à K = m V µ, soit V µ si m = 1, et µ si de plus V = 1.

5Rapport INRETS n°265

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6 Rapport INRETS n° 265

La capacité d'écoulement du traficCapacité d’écoulement du trafic

6 Rapport INRETS n°00

Le taux d’occupation du serveur, ou facteur de charge, est le rapport entre la

charge traitée totale et la charge maximale, noté traditionnellement ρ. Si les arrivées ne saturent pas le serveur, alors la charge traitée totale est égale à la

charge imposée totale et, dans le cas d’un flot d’arrivées d’intensité/débit λ et

de m serveurs de vitesse V, ρ est égal au rapport entre µλ et mVH, donc

aussi au rapport λ . En particulier µλ=ρ quand m = 1 et V = 1 et µ<λ .

Sous l’hypothèse <ρ , pour tout instant le serveur repasse ultérieurement

par l’état inoccupé sans clients en attente : on dit que le débit ne sature pas la

capacité La condition =ρ indique uniquement que le serveur fonctionne à

capacité, le débit sortant est égal à la capacité et le débit entrant λ peut en

différer, ce qui signifie qu’un stock de clients s’accumule au rythme de (λ-K) clients supplémentaires par unité de temps.

1.B Définitions agrégées en physique du trafic routier

En ingénierie du trafic routier, on compte le nombre N de mobiles écoulés par une file de circulation pendant une période de durée H. Le rapport N/H est appelé le débit en mobiles durant cette période.

1.B.1 Constats empiriques

En observant le trafic durant un ensemble de périodes (fig. 1), on constate que les valeurs par période de N/H sont bornées ; typiquement, moins de 3 000 véh/h par file sur autoroute. On constate aussi que les vitesses des mobiles, en moyenne par période d’observation, sont liées aux valeurs du débit.

Fig. 1. Observations débit-vitesse sur autoroute.

0

20

40

60

80

100

120

140

0 2000 4000 6000

Débit (uvp/h)

Vit

esse (

km

/h)

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Rapport INRETS n° 265 �

Revue des diverses définitionsRevue des diverses définitions

Rapport INRETS n° 7

On rencontre deux cas de figure pour les valeurs de Débit et de Vitesse moyenne, dans une population de périodes :

1. Un seul nuage de points, selon une logique « la vitesse décroît quand le débit augmente ». C’est le régime fluide, hors saturation. Nous l’appelons le régime non-saturé du flot.

2. Non seulement ce nuage, mais aussi un second nuage selon la logique « le débit décroît quand la vitesse décroît ». Ce second nuage correspond au régime forcé, saturé du flot. Il se raccorde au premier pour les valeurs maximales du débit observé.

Seul le second cas révèle la capacité d’écoulement d’une route, définie comme la valeur moyenne du débit en continu (donc maximal compte tenu de la contrainte d’écoulement en aval). En analysant divers types de routes, on constate empiriquement que la capacité varie selon les modalités d’exploitation de la route (nombre et largeur des voies, proximité d’embranchement, environnement urbain et notamment la présence de places de stationnement) ; selon les conditions climatiques (brouillard, pluie et neige dégradent la capacité) ; et selon la composition du trafic, car les poids lourds occupent plus la route que les véhicules légers, ou en raison de l’habileté des conducteurs et de leur expérience du site.

La capacité d’écoulement est un concept ponctuel, associé à un point de la route. Chaque mobile qui passe en ce point l’occupe physiquement pendant une durée élémentaire : le rapport entre la durée avec occupation H’, et la durée d’observation H, s’appelle le taux d’occupation au point de mesure et

pendant la période, il est noté ′=ρ .

1.B.2 Relation aux modèles physiques d’écoulement

Pour toute route, le nuage de points (Vitesse V, taux d’occupation ω) d’un ensemble de périodes est proche d’une courbe décroissante : c’est la relation

vitesse-occupation. On dispose de multiples fonctions mathématiques pour la courbe moyenne de ce nuage ; nous les appelons par la suite des fonctions vitesse-occupation.

Le graphe d’une fonction vitesse-occupation est un ensemble de points de fonctionnement pour le trafic, décrit par ces deux variables macroscopiques.

En modélisation macroscopique du trafic routier, il est désormais reconnu que le flot sature la capacité en régime saturé, pour toute une gamme de vitesses :

• Daganzo (1997) le montre dans son manuel d’ingénierie du trafic,

• Lebacque et al (1999) définissent l’offre locale de trafic comme la

capacité locale compte tenu des conditions d’écoulement en aval,

• Zhang (1999, 2001), avec un modèle macroscopique du second ordre,

obtient trois courbes vitesse-occupation dont l’une, centrale, correspond au cas stationnaire, tandis que les deux autres représentent respectivement les accélérations et les décélérations du trafic local.

265

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� Rapport INRETS n° 265

La capacité d'écoulement du traficCapacité d’écoulement du trafic

8 Rapport INRETS n°00

1.B.3 Définitions agrégées empiriques

En liaison avec les constats empiriques et les modèles physiques, plusieurs méthodes de mesure ont été proposées pour la capacité routière : elles constituent des définitions empiriques, et à l’origine leur fondement a été surtout heuristique et d’ordre intuitif, bien plus que le fruit d’une théorie spécifique.

En partie 3 de ce rapport, nous fournissons un fondement théorique d’ordre statistique aux trois définitions empiriques les plus utilisées (Cf. Cohen 1990) :

1. La valeur maximale du débit, révélée par un nuage de points (Débit, vitesse) ou (Débit, occupation) avec saturation. On prend souvent non pas le maximum maximorum, mais la moyenne de maxima pour des sous-ensembles : typiquement des sous-ensembles à la journée ou au mois, de périodes de 6 minutes ou d’une heure. Alternativement, il arrive que l’on retienne le fractile à 85% de la distribution des débits, ou encore le n-ième débit le plus fort, avec n de 7 à 30.

2. L’ajustement au nuage de points d’une fonction ω dite « vitesse-

occupation ». Dans ce cas, le débit théorique est aussi une fonction de

l’occupation, proportionnelle à ωω . La valeur maximale prise par

cette fonction est interprétée comme la capacité.

3. La distribution bimodale des débits : en reconnaissant, dans l’histogramme des débits d’un ensemble de périodes, deux modes qui correspondent l’un aux débits les plus fréquents sans contrainte donc en état non-saturé, l’autre aux débits en état saturé. La valeur du second mode est interprétée comme la capacité.

Pour un exposé récent et plus détaillé des définitions antérieures de la capacité routière, consulter l’ouvrage édité par Bovy (1998), particulièrement les chapitres 4 à 7. Au chapitre 5, Minderhoud et alii présentent des variantes (

1)

des principales méthodes ; cependant ils concluent surtout au manque d’une définition claire de la capacité.

1.B.4 Vers un modèle structurel pour un fondement théorique

Les trois définitions empiriques citées supposent qu’il existe des périodes en régime saturé. Elles fournissent souvent des résultats assez proches, à 5-10% près pour un même ensemble de périodes. Cependant elles reposent uniquement sur les périodes observées, sans faire la part des conditions particulières.

La solution classique d'un tel problème est de regrouper les périodes en sous-ensembles, par exemple selon l’heure de la journée, selon les conditions climatiques ou selon la part des mobiles lourds dans le trafic. Il en résulte un ensemble de valeurs pour la capacité. Autrement dit, la notion de capacité devient hétérogène, variable.

1 Notamment une méthode d’estimation censurée, qui affine l’analyse du second mode de la

distribution bimodale en distinguant selon que l’état du trafic est saturé ou non (Product Limit Method)

Capacité d’écoulement du trafic

8 Rapport INRETS n°00

1.B.3 Définitions agrégées empiriques

En liaison avec les constats empiriques et les modèles physiques, plusieurs méthodes de mesure ont été proposées pour la capacité routière : elles constituent des définitions empiriques, et à l’origine leur fondement a été surtout heuristique et d’ordre intuitif, bien plus que le fruit d’une théorie spécifique.

En partie 3 de ce rapport, nous fournissons un fondement théorique d’ordre statistique aux trois définitions empiriques les plus utilisées (Cf. Cohen 1990) :

1. La valeur maximale du débit, révélée par un nuage de points (Débit, vitesse) ou (Débit, occupation) avec saturation. On prend souvent non pas le maximum maximorum, mais la moyenne de maxima pour des sous-ensembles : typiquement des sous-ensembles à la journée ou au mois, de périodes de 6 minutes ou d’une heure. Alternativement, il arrive que l’on retienne le fractile à 85% de la distribution des débits, ou encore le n-ième débit le plus fort, avec n de 7 à 30.

2. L’ajustement au nuage de points d’une fonction ω dite « vitesse-

occupation ». Dans ce cas, le débit théorique est aussi une fonction de

l’occupation, proportionnelle à ωω . La valeur maximale prise par

cette fonction est interprétée comme la capacité.

3. La distribution bimodale des débits : en reconnaissant, dans l’histogramme des débits d’un ensemble de périodes, deux modes qui correspondent l’un aux débits les plus fréquents sans contrainte donc en état non-saturé, l’autre aux débits en état saturé. La valeur du second mode est interprétée comme la capacité.

Pour un exposé récent et plus détaillé des définitions antérieures de la capacité routière, consulter l’ouvrage édité par Bovy (1998), particulièrement les chapitres 4 à 7. Au chapitre 5, Minderhoud et alii présentent des variantes (

1)

des principales méthodes ; cependant ils concluent surtout au manque d’une définition claire de la capacité.

1.B.4 Vers un modèle structurel pour un fondement théorique

Les trois définitions empiriques citées supposent qu’il existe des périodes en régime saturé. Elles fournissent souvent des résultats assez proches, à 5-10% près pour un même ensemble de périodes. Cependant elles reposent uniquement sur les périodes observées, sans faire la part des conditions particulières.

La solution classique d'un tel problème est de regrouper les périodes en sous-ensembles, par exemple selon l’heure de la journée, selon les conditions climatiques ou selon la part des mobiles lourds dans le trafic. Il en résulte un ensemble de valeurs pour la capacité. Autrement dit, la notion de capacité devient hétérogène, variable.

1 Notamment une méthode d’estimation censurée, qui affine l’analyse du second mode de la

distribution bimodale en distinguant selon que l’état du trafic est saturé ou non (Product Limit Method)

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Rapport INRETS n° 265 �

Revue des diverses définitions

Revue des diverses définitions

Rapport INRETS n° 9

La solution fondamentale est de reconnaître clairement cette hétérogénéité, et de définir explicitement la capacité comme une fonction des caractéristiques

des périodes. Il s’agit de modéliser l’incidence des conditions particulières, de manière à obtenir une définition cohérente de la capacité, à un niveau d’abstraction plus élevé. Le surcroît d’abstraction doit permettre d’harmoniser les méthodes de mesure et d’assurer la cohérence de leurs résultats.

Il s’agit donc de donner un fondement théorique à la capacité : c’est l’objet de la partie 2 de ce rapport, qui reprend, précise, approfondit et étend la définition désagrégée ci-après.

1.C Définition désagrégée en physique du trafic

Un débit N/H est une variable de trafic agrégée, puisque le nombre N de mobiles résume un ensemble de passages.

Au niveau désagrégé, microscopique des mobiles individuels, chaque

mobile +µ passe après le mobile précédent µ sur la file : la durée écoulée

entre les deux passages est appelée le temps intervéhiculaire, abrégé en TIV,

noté δ . Pendant une période, le TIV moyen est

= δ=δ avec

≈δ = ,

donc le TIV moyen est proche de l’inverse du débit.

Pour une période où le débit est proche de la capacité, le TIV moyen révèle

l’inverse de la capacité.

La relation entre débit et TIV est exploitée plus finement, de manière plus

désagrégée, dans le modèle de trafic « semi-poissonnien », qui inclut un

protocole de mesure désagrégée de la capacité. Le modèle est attribué par

Cohen (1990) à Buckley (1962, 1968). En fait il est très proche de la file

d’attente M/G/1 avec des arrivées markoviennes (symbole M, selon une

distribution poissonnienne) et des charges individuelles sans restriction

particulière (symbole G), avec un seul serveur (symbole 1).

Il s’agit d’analyser les dates de passage des mobiles, afin d’inférer si le

mobile courant +µ est gêné par son prédécesseur µ . Voici les principales

étapes du traitement (Cf. §3D pour plus de détail) :

• En ne retenant que les TIV δ supérieurs à une valeur minimale T, on

identifie des mobiles « certainement libres ».

• On en déduit le débit des arrivées, soit λ .

• Ce débit sert alors à traiter la distribution statistique de tous les TIV, pour en

déduire la distribution statistique des TIV entre mobiles gênés, et

particulièrement leur valeur moyenne .

• Enfin on infère la capacité de la période de durée H, par =κ .

Diverses améliorations ont été apportées ultérieurement au modèle semi-

poissonnien. Branston (1976) définit un modèle de file d’attente généralisée,

265

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10 Rapport INRETS n° 265

La capacité d'écoulement du traficCapacité d’écoulement du trafic

10 Rapport INRETS n°00

identique en fait, mais avec une définition plus claire des durées pour les intervalles de temps entre mobiles (Cf. §7A2) ; il a aussi développé les méthodes d’estimation des paramètres (Cf. §4C et §7A4). Hoogendoorn et Bovy (1998) ont étendu le modèle à plusieurs classes de mobiles, et développé une nouvelle méthode d’estimation (Cf. §7A3). Ils recommandent aussi de considérer les TIV entre les extrémités arrière des mobiles. Enfin, au §3D nous révisons de fond en comble le modèle semi-poissonnien.

Il existe aussi des approches désagrégées de la capacité en ingénierie du trafic ferroviaire : nous les évoquons aux §2B3e et §2C4c.

1.D Diagnostic

1.D.1 Les points communs

Relevons d’abord les points communs des deux théories, files d’attente et trafic routier. Dans les deux cas, on étudie un service local, et les arrivées de clients qui apportent des charges individuelles.

L’intensité des arrivées est définie identiquement, c’est le débit.

Les charges individuelles sont bien définies en théorie des files d’attente ; dans l’hypothèse usuelle du régime stationnaire, elles ne dépendent pas de l’état du serveur.

Dans l’analyse désagrégée du trafic, l’analogue de la charge individuelle est défini seulement pour un mobile gêné : c’est le TIV qui le sépare du mobile précédent et gêneur. Il faut généraliser en associant aussi une charge individuelle aux mobiles libres.

1.D.2 Les différences de fond

Relevons maintenant les différences. Tout d’abord les mobiles demandent une emprise de passage dans l’espace et non une emprise d’occupation dans

le temps comme dans une file d’attente. Pour passer de la charge spatiale à la

charge temporelle, on peut convertir la longueur du mobile en une durée

élémentaire d’occupation : c’est le temps de présence au point de mesure,

obtenu en divisant par la vitesse v. Le résultat est une charge = .

Cette adaptation est insuffisante, car la charge individuelle ne coïncide pas avec le TIV à capacité que nous avons déjà interprété comme analogue de la

charge individuelle : typiquement = 5 m et v = 80 km/h, donc /v = 0.23 s

nettement inférieure à ≈ 1.7 s.

L’écart tient à la marge de sécurité prise par le mobile. En terme de temps,

nous la notons : l’indice v rappelle que la marge dépend de la vitesse. La

charge individuelle complète est alors += . Un TIV minimal moyen

de 1.7 s correspond à une marge de sécurité d’environ 1.5 s.

A ce stade nous avons surmonté la première grande différence entre les files d’attente et le trafic routier. Mais au prix de l’introduction d’une différence mineure, entre les taux d’occupation. En ingénierie du trafic, le taux

Capacité d’écoulement du trafic

10 Rapport INRETS n°00

identique en fait, mais avec une définition plus claire des durées pour les intervalles de temps entre mobiles (Cf. §7A2) ; il a aussi développé les méthodes d’estimation des paramètres (Cf. §4C et §7A4). Hoogendoorn et Bovy (1998) ont étendu le modèle à plusieurs classes de mobiles, et développé une nouvelle méthode d’estimation (Cf. §7A3). Ils recommandent aussi de considérer les TIV entre les extrémités arrière des mobiles. Enfin, au §3D nous révisons de fond en comble le modèle semi-poissonnien.

Il existe aussi des approches désagrégées de la capacité en ingénierie du trafic ferroviaire : nous les évoquons aux §2B3e et §2C4c.

1.D Diagnostic

1.D.1 Les points communs

Relevons d’abord les points communs des deux théories, files d’attente et trafic routier. Dans les deux cas, on étudie un service local, et les arrivées de clients qui apportent des charges individuelles.

L’intensité des arrivées est définie identiquement, c’est le débit.

Les charges individuelles sont bien définies en théorie des files d’attente ; dans l’hypothèse usuelle du régime stationnaire, elles ne dépendent pas de l’état du serveur.

Dans l’analyse désagrégée du trafic, l’analogue de la charge individuelle est défini seulement pour un mobile gêné : c’est le TIV qui le sépare du mobile précédent et gêneur. Il faut généraliser en associant aussi une charge individuelle aux mobiles libres.

1.D.2 Les différences de fond

Relevons maintenant les différences. Tout d’abord les mobiles demandent une emprise de passage dans l’espace et non une emprise d’occupation dans

le temps comme dans une file d’attente. Pour passer de la charge spatiale à la

charge temporelle, on peut convertir la longueur du mobile en une durée

élémentaire d’occupation : c’est le temps de présence au point de mesure,

obtenu en divisant par la vitesse v. Le résultat est une charge = .

Cette adaptation est insuffisante, car la charge individuelle ne coïncide pas avec le TIV à capacité que nous avons déjà interprété comme analogue de la

charge individuelle : typiquement = 5 m et v = 80 km/h, donc /v = 0.23 s

nettement inférieure à ≈ 1.7 s.

L’écart tient à la marge de sécurité prise par le mobile. En terme de temps,

nous la notons : l’indice v rappelle que la marge dépend de la vitesse. La

charge individuelle complète est alors += . Un TIV minimal moyen

de 1.7 s correspond à une marge de sécurité d’environ 1.5 s.

A ce stade nous avons surmonté la première grande différence entre les files d’attente et le trafic routier. Mais au prix de l’introduction d’une différence mineure, entre les taux d’occupation. En ingénierie du trafic, le taux

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Rapport INRETS n° 265 11

Revue des diverses définitionsRevue des diverses définitions

Rapport INRETS n° 11

d’occupation correspond uniquement à l’occupation propre, pas à la marge de

sécurité : donc λ=ω tandis que +λ=ρ .

La seconde grande différence est relative à l’attente et à l’adaptation de la charge. En théorie des files d’attente, le temps de séjour d’un client est la somme du temps de service propre (individuel) et de l’attente due aux autres clients ; le temps d’attente est fixé par la capacité et l’intensité des arrivées, tandis que le temps de service propre est réputé invariable

2.

En physique du trafic, le temps d’attente est indissociable du temps de séjour, car l’attente est « internalisée » par une adaptation de la vitesse : la capacité est fixée par la vitesse, elle-même imposée par l’aval, dans le cas du flot saturé, ou par le débit courant, dans le cas du flot non-saturé.

Fig. 2. Causalités (a) en théorie des files d’attente, (b) en trafic.

1.D.3 Propositions

Pour surmonter ces différences, et donner un cadre probabiliste clair à l’analyse du trafic, nous proposons d’étudier les états de trafic en les regroupant par régime d’écoulement et par tranche de vitesse. Autrement dit, nous postulons un modèle structurel de la capacité, en fonction de la vitesse, et aussi de la composition du trafic.

En régime saturé, quand la vitesse est à peu près fixée, on identifie le trafic à un flux d’arrivées, qui est un grand classique de la théorie des probabilités : précisément, les flux d’arrivées font l’objet de la théorie du renouvellement, qui se situe « en amont » de la théorie des files d’attente, et se traite plus facilement. Nous proposons d’étudier en priorité ce flux d’arrivées, en nous concentrant sur les charges des arrivées, et sans nous soucier des intervalles libres qui ne surviennent pas (idéalement) en régime saturé.

2 sauf cas exceptionnel lié justement à l’analyse du trafic routier : Yeo (1962, 1964)

Débit

Capacité

ChargeAttente,

vitesse

Débit

Capacité

Charge Vitesse

265

Revue des diverses définitions

Rapport INRETS n° 11

d’occupation correspond uniquement à l’occupation propre, pas à la marge de

sécurité : donc λ=ω tandis que +λ=ρ .

La seconde grande différence est relative à l’attente et à l’adaptation de la charge. En théorie des files d’attente, le temps de séjour d’un client est la somme du temps de service propre (individuel) et de l’attente due aux autres clients ; le temps d’attente est fixé par la capacité et l’intensité des arrivées, tandis que le temps de service propre est réputé invariable

2.

En physique du trafic, le temps d’attente est indissociable du temps de séjour, car l’attente est « internalisée » par une adaptation de la vitesse : la capacité est fixée par la vitesse, elle-même imposée par l’aval, dans le cas du flot saturé, ou par le débit courant, dans le cas du flot non-saturé.

Fig. 2. Causalités (a) en théorie des files d’attente, (b) en trafic.

1.D.3 Propositions

Pour surmonter ces différences, et donner un cadre probabiliste clair à l’analyse du trafic, nous proposons d’étudier les états de trafic en les regroupant par régime d’écoulement et par tranche de vitesse. Autrement dit, nous postulons un modèle structurel de la capacité, en fonction de la vitesse, et aussi de la composition du trafic.

En régime saturé, quand la vitesse est à peu près fixée, on identifie le trafic à un flux d’arrivées, qui est un grand classique de la théorie des probabilités : précisément, les flux d’arrivées font l’objet de la théorie du renouvellement, qui se situe « en amont » de la théorie des files d’attente, et se traite plus facilement. Nous proposons d’étudier en priorité ce flux d’arrivées, en nous concentrant sur les charges des arrivées, et sans nous soucier des intervalles libres qui ne surviennent pas (idéalement) en régime saturé.

2 sauf cas exceptionnel lié justement à l’analyse du trafic routier : Yeo (1962, 1964)

Débit

Capacité

ChargeAttente,

vitesse

Débit

Capacité

Charge Vitesse

265

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12 Rapport INRETS n° 265

Rapport INRETS n°00 12

2. Un modèle désagrégé de la charge de trafic

Notre objectif est de définir, de modéliser la capacité comme une fonction de la structure du trafic et de ses conditions particulières : nombre de voies, intermittence ou non, éventuelle contrainte de vitesse par l’aval. Nous proposons un modèle de base le plus simple possible, valable en régime saturé stationnaire, avant de le généraliser progressivement par diverses extensions.

Notre méthode est d’expliciter les charges individuelles associées aux mobiles, en distinguant la vitesse, la longueur physique et la marge de sécurité.

Le chapitre se compose de quatre sections :

• La section 2A donne un modèle de la charge de trafic : ce modèle est

désagrégé car on explicite la charge individuelle de chaque mobile. La diversité des mobiles est représentée de manière statistique ; nous en tirons des conséquences agrégées, grâce à des calculs probabilistes. En distinguant quelques classes de mobiles, nous obtenons des formules assez simples. Nous indiquons aussi comment traiter le régime non-saturé.

• La section 2B étend le modèle du 2A à des aspects sophistiqués :

l’intermittence du serveur ; les files multiples ; la garantie de fiabilité. Cela permet de traiter des modes non automobiles : transport ferroviaire, transport collectif par bus.

• La section 2C, optionnelle, décrit l’auto-organisation du trafic : les

mobiles d’un même type qui se suivent de près forment un granulat, des granulats qui se suivent immédiatement et à vitesse identique forment un peloton, les pelotons sont séparés par des intervalles libres caractéristiques de l’état non-saturé. Il convient donc de distinguer les débits, par type de mobiles, en granulats, en pelotons et en intervalles libres.

• Enfin la section 2D tire une synthèse. Nous montrons que les règles d’exploitation du trafic influencent la capacité de la route. De plus nous faisons une analogie entre les états de la matière physique (solide, liquide, gaz) et les régimes du trafic.

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Rapport INRETS n° 265 13

Modèle désagrégé de la charge de traficModèle désagrégé de la charge de trafic

Rapport INRETS n° 13

2.A Modèle physique et probabiliste

Nous définissons d’abord la charge individuelle d’un mobile (§1). Puis nous représentons la diversité des mobiles de manière statistique (§2). Par un calcul probabiliste simple, nous en déduisons une définition logique et précise de la capacité, associée à une formule simple (§3). La formule est plus complexe pour un nombre quelconque de classes de mobiles, mais reste maniable dans le cas de deux classes (§4). Le régime non-saturé nécessite des hypothèses supplémentaires pour définir la capacité : en particulier que l’ordre des mobiles soit aléatoire (§5).

2.A.1 La charge individuelle

Soit i un mobile individuel de longueur . Quand il circule à la vitesse , il

impose au point de passage une charge propre et une marge de

précaution , soit une charge individuelle complète

+=

La charge individuelle est égale ou inférieure à la durée −−=δ écoulée entre les derniers instants de présence du mobile i et de son

prédécesseur i-1 : δ= si i est gêné par i-1, ou δ≤ en l'absence de

gêne. Dans ce cas −δ est un intervalle libre entre les deux mobiles.

Fig. 3. Charges et intervalles entre deux mobiles consécutifs.

PositionTrajectoire de C Trajectoire de B Trajectoire de A

Temps

s

δ=

−δ

δ

265

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14 Rapport INRETS n° 265

La capacité d'écoulement du trafic

Capacité d’écoulement du trafic

14 Rapport INRETS n°00

2A1a Conséquences pour la capacité

Pour définir la capacité, il suffit de connaître la distribution statistique des

charges individuelles complètes , sans préciser la formation de ces charges,

leur composition.

La décomposition en charge propre et marge de précaution (ou marge de suivi) est un modèle physique de la charge individuelle, qui sert à la fois à l’interprétation physique, à la mesure, et au transfert de connaissance entre des sites différents ou entre des conditions différentes pour un même site.

2.A.2 La population des charges individuelles

A chaque ensemble de mobiles passant au point de mesure, nous pouvons

associer la population statistique de leurs charges individuelles complètes .

2A2a Traitement formel

Comme les charges individuelles sont des durées, donc des nombres réels,

elles admettent une fonction de répartition cumulée ≤= , une

valeur moyenne et une variance .

Par les formules classiques de composition de la moyenne et de la variance :

• += .

• ++= .

Dans le cas du flot saturé / continu, toutes les vitesses ont une valeur commune v, donc les formules se simplifient en

• += .

• ++= .

La capacité dépend essentiellement de la valeur moyenne . Les

formules précédentes montrent comment calculer cette moyenne en fonction des marges de précaution et des longueurs propres, lorsque la vitesse v est uniforme et en régime continu.

2A2b Facteurs de conditionnement

Nous avons signalé l’influence de la vitesse v sur la marge . Plus

largement, nous considérons quatre facteurs de conditionnement d’une charge individuelle :

• La vitesse de circulation, déjà mise en évidence dans la formule.

• La classe de mobile, avec notamment une opposition entre mobile

court/léger assimilé à une voiture en trafic routier, et mobile long/lourd

assimilé à un camion en trafic routier. Pour chaque classe nous

considérons une distribution particulière des longueurs. Pour chaque

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Rapport INRETS n° 265 15

Modèle désagrégé de la charge de traficModèle désagrégé de la charge de trafic

Rapport INRETS n° 15

couple de classes nous considérons une distribution particulière des

marges de précaution, entre un mobile suiveur de la première classe et un

mobile suivi de la seconde classe.

• L’état libre ou gêné, ce qui conditionne la vitesse.

• Enfin l’ordre de passage des mobiles. A priori chaque mobile dépend

surtout du mobile précédent et quasiment pas des autres.

Les conditions externes particulières de circulation, notamment les conditions climatiques, sont réputées fixes et homogènes. Autrement dit, pour comparer différentes conditions externes, il faut commencer par traiter séparément chacune d’elles (Cf. partie 4).

En état gêné, la marge de sécurité dépend non seulement de la vitesse, mais aussi de la classe du mobile précédent. En trafic routier, à distance égale la gêne visuelle d’un camion sur une voiture est plus forte que celle entre deux voitures. Une voiture suiveuse compense cela en suivant de plus loin un camion qu’une voiture.

Un mobile en état libre est séparé du mobile précédent par non seulement la marge de précaution, mais encore un intervalle libre de temps. La marge et l’intervalle constituent ensemble l’écart entre l’instant final de passage du mobile précédent et l’instant initial de passage du mobile courant. On peut les distinguer en fixant la marge forfaitairement, par analogie avec la marge en état gêné : le reliquat entre l’écart et la marge forfaitaire constitue l’intervalle libre.

La distance de précaution en tant que fonction de la vitesse a été modélisée dès les années 1930 : Cf. Normann (1942), Herrey et Herrey (1945), selon le même principe que la marge de précaution minimale au §2B3. La marge de

précaution est mesurée en temps : à vitesse v fixée, la distance de

précaution vérifie = . Nous préférons traiter la marge en temps,

car la charge individuelle est exprimée en temps.

2.A.3 Définition de la capacité

2A3a Définitions qualitatives : RCS, capacité

Nous définissons le régime continu stable (RCS) en un point d’une route et

pendant une période de durée H, par l’ensemble des trois conditions suivantes :

1- des mobiles sans intervalles libres intermédiaires, i.e. en régime saturé.

2- avec une vitesse uniforme (ou presque).

3- avec une stabilité des types de mobiles tout au long de la période.

L’hypothèse du RCS correspond à une vitesse fixée et à une structure

donnée de trafic.

Nous définissons la capacité d’une file de circulation, dans une période de

durée H, comme le débit moyen en mobiles écoulable pendant la période en

RCS.

265

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16 Rapport INRETS n° 265

La capacité d'écoulement du traficCapacité d’écoulement du trafic

16 Rapport INRETS n°00

Nous la notons κ , avec éventuellement d’autres indices pour préciser la

portée.

Par extension, la capacité de la période est le nombre moyen de mobiles

écoulables pendant sa durée H, soit κ=Κ .

2A3b Formule quantitative

Dans le cas d’une seule classe de trafic, en régime continu l’espacement temporel entre les extrémités arrière des mobiles est la charge individuelle y. D’après la théorie probabiliste du renouvellement, le nombre de mobiles

écoulés pendant H vaut en moyenne , donc la capacité est

+

==κ

Exemple. Si = 1.5 s et = 5 m, si v = 80 km/h alors =

0.2 s. Donc = 1.7 s et κ = 3 600/1.7 = 2 120 véh/h par file.

2A3c Commentaires pour le trafic routier

La limitation légale de vitesse peut interférer avec la vitesse « naturelle » du flot en état continu. En pratique, cela concerne les voies rapides urbaines limitées à 70 km/h alors que la vitesse naturelle en état continu pourrait aller jusqu’à 80 ou 100 km/h. Dans ce cas, la limitation de vitesse a pour effet de réduire la capacité.

La valeur numérique de la marge de précaution , de l’ordre de 1.5 s, est

probablement liée aux conseils de sécurité routière, inculqués notamment dans la formation à la conduite : les recommandations usuelles sont de choisir une marge confortable de 2 s, et d’être vigilant si la marge effective descend à 1 s ou moins.

A structure donnée du trafic, si les marges de précaution sont des durées constantes, la capacité est une fonction croissante de la vitesse. Vraisemblablement la durée d’une marge de précaution décroît quand la vitesse baisse, mais assez lentement et sans descendre en dessous d’un seuil (à mesurer ; peut-être 5 m d’espace entre deux mobiles routiers à 40 km/h donc 0.4 s).

2.A.4 Plusieurs classes de mobiles

2A4a Justification

La formule de capacité précédente vaut pour une population donnée de mobiles, avec une structure particulière. Pour l’appliquer il suffit de connaître la

vitesse v et les moyennes et .

Cependant, pour un site donné il arrive souvent que non seulement la vitesse, mais encore la structure du trafic par classes de mobiles, varient au cours du temps.

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Rapport INRETS n° 265 1�

Modèle désagrégé de la charge de traficModèle désagrégé de la charge de trafic

Rapport INRETS n° 17

En approfondissant la formule de capacité, on peut traiter collectivement les différentes structures de trafic, à condition que chaque classe conserve ses caractères propres, indépendamment de la structure du trafic.

2A4b Cas à n classes de mobiles

Plaçons-nous dans le cas de n classes de mobiles. Pendant une période

élémentaire, la structure du trafic est résumée par le vecteur ππππ = =πdes proportions respectives des classes j de 1 à n.

Par définition ≥π et =π = .

Pour une classe j, soit ∈= la longueur moyenne des mobiles

individuels i dans la classe.

A vitesse donnée, la marge de précaution dépend à la fois de la classe k du

mobile courant et de la classe j du mobile précédent : on la note , c’est

une variable aléatoire de moyenne ∈∈= .

Connaissant v, ππππ, les et les , on en déduit que

• = π=π

• = ππ=π en notant π la probabilité

pour un mobile de classe k de suivre un mobile de classe j.

En effet, si les arrivées des mobiles sont aléatoires, alors la probabilité de la

classe k en position de suiveur est π ; sachant cela la probabilité de la classe

j en position de suivi est π . Dans le cas particulier d’arrivées « sans

mémoire » (markoviennes), π=π et la formule se simplifie quelque peu.

La capacité se déduit des notions précédentes :

π+π=

π=κ π

Cette formule mobilise n paramètres de longueur et, à vitesse donnée, n²

paramètres de marge moyenne . Les cas simples importants sont celui à

une classe traité au paragraphe précédent, et le cas à deux classes ci-après.

2A4c Hypothèses du modèle à deux classes

Nous appelons « modèle à deux classes » les hypothèses suivantes :

• deux classes de mobiles, appelées les voitures et les camions (ou

poids lourds) en référence au transport routier. Chaque classe a sa propre distribution conjointe des longueurs et des vitesses libres.

265

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1� Rapport INRETS n° 265

La capacité d'écoulement du traficCapacité d’écoulement du trafic

18 Rapport INRETS n°00

• Des marges de sécurité pour une voiture libre, pour un

camion libre, et pour une voiture gênée par un camion ou

une voiture respectivement, et pour un camion gêné par

un camion ou une voiture. Ces marges sont conditionnelles à la vitesse de circulation du mobile.

• Eventuellement, nous ajoutons l’hypothèse que les marges ne

dépendent pas de la vitesse.

• Eventuellement, nous ajoutons l’hypothèse que les deux vitesses libres

et les quatre marges de sécurité sont des constantes, sans variabilité intraclasse.

Dans ce modèle, le trafic s’organise en pelotons de deux types : les pelotons « voitures uniquement » qui circulent à la vitesse libre des voitures, et les pelotons « à camions », emmenés par un camion suivi par zéro ou plus mobiles (voitures ou camions).

La structure du trafic est résumée par la proportion π de poids lourds. La

capacité est une fonction πκ de π et de la vitesse v. Le régime est continu si

les espacements entre mobiles successifs correspondent exactement aux marges de sécurité.

2A4d Formule de capacité pour deux classes de trafic

Pour préciser πκ , les hypothèses sont les distributions de et pour

chaque classe de mobiles, indexée par V pour les voitures (véhicules légers) et

par C pour les camions (poids lourds). On précise la marge avec un double

index BA : B marque le mobile courant et A le mobile précédent.

Avec ces conventions, le modèle admet pour paramètres , , ,

, , et . On en déduit les charges moyennes par type de mobile

courant et par type de mobile prédécesseur :

+=

+=

+=

+=

Analysons maintenant la structure temporelle du trafic, en particulier l’ordre des types de mobiles dans un peloton. Pour cela, nous définissons un granulat

comme une suite de mobiles d’un type donné, sans intervalle libre intermédiaire.

Ainsi un peloton est une alternance de granulats, ex. un granulat C suivi d’un granulat V puis d’un granulat C etc. Si l’ordre des types est aléatoire dans

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Rapport INRETS n° 265 1�

Modèle désagrégé de la charge de traficModèle désagrégé de la charge de trafic

Rapport INRETS n° 19

le flot, alors la taille de chaque granulat est une variable aléatoire géométrique,

de paramètre 1-π pour les voitures et π pour les camions (3).

La taille moyenne d’un granulat V est π= , et celle d’un granulat C,

π−= .

La somme des charges d’un granulat vaut en moyenne

−+= = π

π−+

π−

π+=

En moyenne, une suite de N mobiles se décompose en N(1-π) voitures et

Nπ camions. Les N(1-π) voitures forment en moyenne π− =

ππ− granulats V, et les π camions forment en moyenne π−πgranulats C.

Pour N mobiles, la somme des charges s’établit donc à

π−

π++

ππ−

+ππ−

Si les N mobiles s’écoulent pendant H, la somme des charges vaut H, tandis

que πκ≈ . Nous obtenons la formule de capacité suivante :

π π+π−++ππ−=κ .

2A4e Application numérique

Choisissons les valeurs suivantes :

• des marges = 1.9 s, = = = 1.5 s

• des longueurs = 4.2 m et = 15 m.

La figure 4 montre comment la capacité horaire d’une file de circulation, en

mobiles, varie en fonction de la proportion π de poids lourds, pour diverses valeurs de la vitesse.

La charge individuelle d’un camion dépasse celle d’une voiture pour

plusieurs raisons. Primo la longueur supérieure > avec un ratio de 2 à

3. Secundo, en état non-saturé, une vitesse inférieure qui augmente la charge propre. Tertio le camion impose des marges plus fortes aux voitures :

typiquement ≥ , même en état continu, pour cause de gêne visuelle

(Cf. §4B2).

3 En fait l’ordre se fige quand le débit approche la capacité, quand les voitures n’arrivent plus à

dépasser les camions. Juste avant la capacité, l’ordre n’est peut-être pas aussi simple qu’avec des granulats géométriques

265

Modèle désagrégé de la charge de trafic

Rapport INRETS n° 19

le flot, alors la taille de chaque granulat est une variable aléatoire géométrique,

de paramètre 1-π pour les voitures et π pour les camions (3).

La taille moyenne d’un granulat V est π= , et celle d’un granulat C,

π−= .

La somme des charges d’un granulat vaut en moyenne

−+= = π

π−+

π−

π+=

En moyenne, une suite de N mobiles se décompose en N(1-π) voitures et

Nπ camions. Les N(1-π) voitures forment en moyenne π− =

ππ− granulats V, et les π camions forment en moyenne π−πgranulats C.

Pour N mobiles, la somme des charges s’établit donc à

π−

π++

ππ−

+ππ−

Si les N mobiles s’écoulent pendant H, la somme des charges vaut H, tandis

que πκ≈ . Nous obtenons la formule de capacité suivante :

π π+π−++ππ−=κ .

2A4e Application numérique

Choisissons les valeurs suivantes :

• des marges = 1.9 s, = = = 1.5 s

• des longueurs = 4.2 m et = 15 m.

La figure 4 montre comment la capacité horaire d’une file de circulation, en

mobiles, varie en fonction de la proportion π de poids lourds, pour diverses valeurs de la vitesse.

La charge individuelle d’un camion dépasse celle d’une voiture pour

plusieurs raisons. Primo la longueur supérieure > avec un ratio de 2 à

3. Secundo, en état non-saturé, une vitesse inférieure qui augmente la charge propre. Tertio le camion impose des marges plus fortes aux voitures :

typiquement ≥ , même en état continu, pour cause de gêne visuelle

(Cf. §4B2).

3 En fait l’ordre se fige quand le débit approche la capacité, quand les voitures n’arrivent plus à

dépasser les camions. Juste avant la capacité, l’ordre n’est peut-être pas aussi simple qu’avec des granulats géométriques

265

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20 Rapport INRETS n° 265

La capacité d'écoulement du traficCapacité d’écoulement du trafic

20 Rapport INRETS n°00

Fig. 4. La capacité en fonction de la proportion de poids lourds (4).

0

500

1000

1500

2000

2500

0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1

Proportion de poids lourds

Ca

pa

cit

é h

ora

ire

d'u

ne

file

20 km/h 40 km/h

80 km/h 100 km/h

130 km/h

2.A.5 Sur le flot en régime non-saturé

Pour une structure donnée du trafic, dénotée par π, et une vitesse v fixée, la

fonction de capacité est fixée au niveau πκ . En état saturé, la vitesse est

exogène et le débit vérifie πκ≈λ . En régime non-saturé, la vitesse est

endogène et le débit vérifie πκ<λ .

2A5a Capacité en cas d’uniformité

Une expression πκ en état non-saturé suppose que les mobiles ont des

vitesses uniformes. Si de plus les marges sont constantes et les longueurs aussi, alors la capacité correspondante reste

+==κ .

Si l’on considère la variabilité des vitesses, mesurée par leur écart-type σ ou

mieux par la dispersion relative σ=γ avec = , la capacité dépend à

la fois de la moyenne et de γ : si γ est faible (5) alors γ+≈ et

γ++≈+= γ++≈=κ γ

2A5b La relation entre lenteur et débit

Revenons à l’aspect endogène de la vitesse en état non-saturé. On

l’explicite par une dépendance fonctionnelle λπ= . La fonction U est la

fonction débit-structure-vitesse. Il est commode d’étudier plutôt la lenteur t =

1/v, modélisée par la fonction débit-lenteur-structure λπ=λπ= .

4 la vitesse des PL est plafonnée à 90 km/h

5 et si les longueurs sont uniformes ou indépendantes de la vitesse

Capacité d’écoulement du trafic

20 Rapport INRETS n°00

Fig. 4. La capacité en fonction de la proportion de poids lourds (4).

0

500

1000

1500

2000

2500

0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1

Proportion de poids lourds

Ca

pa

cit

é h

ora

ire

d'u

ne

file

20 km/h 40 km/h

80 km/h 100 km/h

130 km/h

2.A.5 Sur le flot en régime non-saturé

Pour une structure donnée du trafic, dénotée par π, et une vitesse v fixée, la

fonction de capacité est fixée au niveau πκ . En état saturé, la vitesse est

exogène et le débit vérifie πκ≈λ . En régime non-saturé, la vitesse est

endogène et le débit vérifie πκ<λ .

2A5a Capacité en cas d’uniformité

Une expression πκ en état non-saturé suppose que les mobiles ont des

vitesses uniformes. Si de plus les marges sont constantes et les longueurs aussi, alors la capacité correspondante reste

+==κ .

Si l’on considère la variabilité des vitesses, mesurée par leur écart-type σ ou

mieux par la dispersion relative σ=γ avec = , la capacité dépend à

la fois de la moyenne et de γ : si γ est faible (5) alors γ+≈ et

γ++≈+= γ++≈=κ γ

2A5b La relation entre lenteur et débit

Revenons à l’aspect endogène de la vitesse en état non-saturé. On

l’explicite par une dépendance fonctionnelle λπ= . La fonction U est la

fonction débit-structure-vitesse. Il est commode d’étudier plutôt la lenteur t =

1/v, modélisée par la fonction débit-lenteur-structure λπ=λπ= .

4 la vitesse des PL est plafonnée à 90 km/h

5 et si les longueurs sont uniformes ou indépendantes de la vitesse

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Rapport INRETS n° 265 21

Modèle désagrégé de la charge de traficModèle désagrégé de la charge de trafic

Rapport INRETS n° 21

Par analogie avec la théorie des files d’attente, et notamment les formules de Pollaczek-Khinchine pour le temps d’attente moyen en fonction du facteur de

charge λ=ρ , on spécifie traditionnellement la fonction λπ en fonction

de κλ=ρ , avec κ une capacité de référence. Celle-ci est indépendante de

la lenteur et de la structure du trafic. On peut la spécifier comme la capacité du

régime continu pour une vitesse = et la structure π.

A la différence d’une file d’attente, pour le trafic en état non-saturé chaque

classe de mobiles a son propre temps moyen, donc la lenteur moyenne T est

composite.

Pour un trafic routier formé de deux classes, soit λλ la fonction

de lenteur moyenne des voitures et λλ celle des camions, en

fonction des débits λ en voitures et λ en camions. Alors

π+π−=λπ , car la lenteur moyenne tous mobiles est le

mélange des lenteurs moyennes par classe de mobiles.

Au total, pour traiter l’état non-saturé il faut d’abord spécifier une capacité de

référence, κ , puis formuler pour chaque classe de mobiles une fonction de

lenteur moyenne qui dépend des débits. A structure π fixée, supposons que la

capacité de référence

πκ=κ soit déterminée par la lenteur = . Si

l’état de référence est à la charnière des états non-saturés et des états saturés,

alors, pour tout état non-saturé de débit λ :

• Si κ<λ alors la lenteur est < .

• Si κ=λ alors = et = pour toutes les classes de trafic.

2A5c La pseudo-capacité

La capacité définie au §a correspond uniquement au cas des vitesses

uniformes, qui est bien artificiel en état non-saturé. Au §b nous avons utilisé

une capacité de référence, éventuellement liée à une vitesse de référence pour

un certain état continu.

De façon intermédiaire, on peut définir une pseudo-capacité qui tienne

compte à la fois des vitesses effectives = et = par classe

de mobiles, et des marges de précaution , , et . Il suffit d’ajouter l’hypothèse que l’ordre des arrivées est

aléatoire. Dans ces conditions, à un état non-saturé de trafic décrit par

π on peut associer la pseudo-capacité

πκ définie par

+π++π−++++ππ−

=κπ

Ce débit théorique n’est qu’une indication imparfaite de capacité.

265

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22 Rapport INRETS n° 265

La capacité d'écoulement du trafic

Capacité d’écoulement du trafic

22 Rapport INRETS n°00

2.B Sophistications du serveur

Le §2A traite les aspects fondamentaux de la capacité. La notion est simple en régime continu, mais composite et complexe en régime non-saturé.

En complément, traitons maintenant des aspects supplémentaires liés à des particularités éventuelles du serveur :

(1) les files multiples ;

(2) l’intermittence du service ;

(3) la garantie de fiabilité.

2.B.1 Serveur à files multiples

Soit f le nombre de files allouées au sens direct de circulation. En cas de

files multiples, i.e. f ≥ 2, la question cruciale est la dépendance ou

l’indépendance des files. L’indépendance peut être assurée par une séparation physique, auquel cas on se ramène à f files en parallèle, avec une capacité totale égale à la somme des capacités de chaque file.

En section courante, la dépendance tient à un rôle de réserve de capacité

assuré par chaque file envers les files voisines contiguës : par exemple, sur une chaussée d’autoroute à deux voies, une voiture ralentie derrière un camion sur la file de droite peut utiliser un intervalle libre sur la file de gauche comme créneau de dépassement.

Ce rôle de réserve de capacité est encore plus manifeste pour une route à deux voies et deux sens.

Les points singuliers, tels que les embranchements et les aires de repos, constituent une deuxième cause de dépendance : certains mobiles désirent sortir du flux et se rabattre sur la file de droite, d’autres mobiles au contraire changent de file pour esquiver des entrées, ou à un carrefour chaque mobile recherche la file la mieux adaptée à la suite de son itinéraire. Enfin la troisième cause de dépendance tient aux incidents/accidents : notamment des arrêts impromptus en bord de route.

2B1a Les capacités des files s’additionnent

Si toutes les files sont en régime continu de trafic, elles sont très peu perméables les unes aux mobiles des autres, et quasi-indépendantes : la capacité totale est la somme des capacités des files, chacune selon sa propre

structure de trafic. Cela se formule

= ππ κ=κ

Le cloisonnement entre files n’est pas absolu : notamment les changements de file sont possibles en cas de progression par bonds. En conséquence, les vitesses des files restent proches en état continu.

La structure du trafic dans chaque file est particulière : en raison non seulement des proportions des classes de mobiles, mais encore, dans une classe donnée, des particularités des mobiles affectés à la file. Probablement la file de droite, plus lente, « attire » davantage de voitures aux vitesses libres relativement faibles, avec des longueurs et des marges qui diffèrent de

Capacité d’écoulement du trafic

22 Rapport INRETS n°00

2.B Sophistications du serveur

Le §2A traite les aspects fondamentaux de la capacité. La notion est simple en régime continu, mais composite et complexe en régime non-saturé.

En complément, traitons maintenant des aspects supplémentaires liés à des particularités éventuelles du serveur :

(1) les files multiples ;

(2) l’intermittence du service ;

(3) la garantie de fiabilité.

2.B.1 Serveur à files multiples

Soit f le nombre de files allouées au sens direct de circulation. En cas de

files multiples, i.e. f ≥ 2, la question cruciale est la dépendance ou

l’indépendance des files. L’indépendance peut être assurée par une séparation physique, auquel cas on se ramène à f files en parallèle, avec une capacité totale égale à la somme des capacités de chaque file.

En section courante, la dépendance tient à un rôle de réserve de capacité

assuré par chaque file envers les files voisines contiguës : par exemple, sur une chaussée d’autoroute à deux voies, une voiture ralentie derrière un camion sur la file de droite peut utiliser un intervalle libre sur la file de gauche comme créneau de dépassement.

Ce rôle de réserve de capacité est encore plus manifeste pour une route à deux voies et deux sens.

Les points singuliers, tels que les embranchements et les aires de repos, constituent une deuxième cause de dépendance : certains mobiles désirent sortir du flux et se rabattre sur la file de droite, d’autres mobiles au contraire changent de file pour esquiver des entrées, ou à un carrefour chaque mobile recherche la file la mieux adaptée à la suite de son itinéraire. Enfin la troisième cause de dépendance tient aux incidents/accidents : notamment des arrêts impromptus en bord de route.

2B1a Les capacités des files s’additionnent

Si toutes les files sont en régime continu de trafic, elles sont très peu perméables les unes aux mobiles des autres, et quasi-indépendantes : la capacité totale est la somme des capacités des files, chacune selon sa propre structure de trafic. Cela se formule

= ππ κ=κ

Le cloisonnement entre files n’est pas absolu : notamment les changements de file sont possibles en cas de progression par bonds. En conséquence, les vitesses des files restent proches en état continu.

La structure du trafic dans chaque file est particulière : en raison non seulement des proportions des classes de mobiles, mais encore, dans une classe donnée, des particularités des mobiles affectés à la file. Probablement la file de droite, plus lente, « attire » davantage de voitures aux vitesses libres relativement faibles, avec des longueurs et des marges qui diffèrent de

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Rapport INRETS n° 265 23

Modèle désagrégé de la charge de traficModèle désagrégé de la charge de trafic

Rapport INRETS n° 23

l’ensemble. Cependant, en première analyse il est raisonnable de supposer que les caractères fondamentaux d’une classe se conservent d’une file à l’autre.

2B1b Possibilité d’états intermédiaires (optionnel)

Entre le régime saturé des f files et le régime non-saturé, il peut exister une

série de régimes intermédiaires, avec certaines files en état continu et d’autres

en état non-saturé. A priori la file la plus à gauche se « fige » la première ; sur

une chaussée d’autoroute à deux voies les voitures forment de longs pelotons

pour dépasser les camions (6).

En présence de plusieurs classes de trafic, le régime non-saturé permet un

meilleur mélange d’une classe entre les files que l’état continu. Typiquement, à

deux classes, une voiture pourra changer de file et changer de vitesse. Donc

l’interception en un point de mesure n’est représentative que si elle porte sur un

grand nombre de mobiles.

Comme l’état non-saturé pour plusieurs classes et une seule file n’admet

pas de formule simple de capacité, une telle formule existe encore moins en

cas de files multiples.

Indiquons toutefois des effets qualitatifs. En supposant que les vitesses sont

uniformes, les f files « avancent » à la même vitesse. Les pelotons s’étalent sur

f files, donc en largeur et pas seulement en longueur. Cette cause directe de

raccourcissement, par étalement en largeur, est amplifiée par un effet indirect :

au point de passage chaque mobile a une probabilité moindre de trouver le

serveur occupé, donc les intervalles libres sont plus fréquents, et le débit en

pelotons est plus fort (7).

2.B.2 Intermittence du serveur

Un serveur « intermittent » est un serveur disponible à certains moments

seulement. En trafic routier, cela correspond notamment aux feux de

circulation ; ou encore à la desserte d’une liaison maritime par des bacs. En

transport public, cela peut correspondre à la disponibilité de la ligne pour un

véhicule : notamment si l’arrêt à une station bloque la ligne pour les véhicules

suivants.

2B2a Le taux de disponibilité

Si les instants de disponibilité forment des plages horaires qui se répètent

périodiquement, on peut associer à chaque cycle de disponibilité-indisponibilité

un taux moyen de disponibilité, égal à la proportion de temps disponible dans le

temps du cycle, noté η pour marquer le caractère « réel ».

6 évidemment bien des sites dérogent à la règle de propagation de l’état saturé depuis la file de

gauche. Sur les autoroutes à 3 voies, cette file est « déblayée » par certains véhicules très rapides à la conduite agressive. Sur le boulevard périphérique de Paris, qui est pour l’essentiel une voie rapide urbaine à 4 voies par sens de chaussée, la densité des accès provoque la concentration des voitures d’abord sur la voie médiane-gauche, afin d’éviter de rater la sortie ; et la concentration des poids lourds sur la voie médiane-droite afin d’éviter les à-coups engendrés par les accès 7 Cf. une file d’attente M/D/1 avec une intensité λ et des charges y/f

265

Modèle désagrégé de la charge de trafic

Rapport INRETS n° 23

l’ensemble. Cependant, en première analyse il est raisonnable de supposer que les caractères fondamentaux d’une classe se conservent d’une file à l’autre.

2B1b Possibilité d’états intermédiaires (optionnel)

Entre le régime saturé des f files et le régime non-saturé, il peut exister une

série de régimes intermédiaires, avec certaines files en état continu et d’autres

en état non-saturé. A priori la file la plus à gauche se « fige » la première ; sur

une chaussée d’autoroute à deux voies les voitures forment de longs pelotons

pour dépasser les camions (6).

En présence de plusieurs classes de trafic, le régime non-saturé permet un

meilleur mélange d’une classe entre les files que l’état continu. Typiquement, à

deux classes, une voiture pourra changer de file et changer de vitesse. Donc

l’interception en un point de mesure n’est représentative que si elle porte sur un

grand nombre de mobiles.

Comme l’état non-saturé pour plusieurs classes et une seule file n’admet

pas de formule simple de capacité, une telle formule existe encore moins en

cas de files multiples.

Indiquons toutefois des effets qualitatifs. En supposant que les vitesses sont

uniformes, les f files « avancent » à la même vitesse. Les pelotons s’étalent sur

f files, donc en largeur et pas seulement en longueur. Cette cause directe de

raccourcissement, par étalement en largeur, est amplifiée par un effet indirect :

au point de passage chaque mobile a une probabilité moindre de trouver le

serveur occupé, donc les intervalles libres sont plus fréquents, et le débit en

pelotons est plus fort (7).

2.B.2 Intermittence du serveur

Un serveur « intermittent » est un serveur disponible à certains moments

seulement. En trafic routier, cela correspond notamment aux feux de

circulation ; ou encore à la desserte d’une liaison maritime par des bacs. En

transport public, cela peut correspondre à la disponibilité de la ligne pour un

véhicule : notamment si l’arrêt à une station bloque la ligne pour les véhicules

suivants.

2B2a Le taux de disponibilité

Si les instants de disponibilité forment des plages horaires qui se répètent

périodiquement, on peut associer à chaque cycle de disponibilité-indisponibilité

un taux moyen de disponibilité, égal à la proportion de temps disponible dans le

temps du cycle, noté η pour marquer le caractère « réel ».

6 évidemment bien des sites dérogent à la règle de propagation de l’état saturé depuis la file de

gauche. Sur les autoroutes à 3 voies, cette file est « déblayée » par certains véhicules très rapides à la conduite agressive. Sur le boulevard périphérique de Paris, qui est pour l’essentiel une voie rapide urbaine à 4 voies par sens de chaussée, la densité des accès provoque la concentration des voitures d’abord sur la voie médiane-gauche, afin d’éviter de rater la sortie ; et la concentration des poids lourds sur la voie médiane-droite afin d’éviter les à-coups engendrés par les accès 7 Cf. une file d’attente M/D/1 avec une intensité λ et des charges y/f

265

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24 Rapport INRETS n° 265

La capacité d'écoulement du traficCapacité d’écoulement du trafic

24 Rapport INRETS n°00

Soit πκ la capacité théorique du serveur totalement disponible. La

capacité du serveur intermittent est

ππ κη=κ .

Cependant les interruptions de disponibilité ont un impact sur les vitesses, de façon évidente pour les mobiles qui stoppent et attendent la disponibilité. Alors ils se remettent en mouvement progressivement : au point de mesure les premiers sont plus lents que les suivants, ce qui fait baisser la vitesse moyenne par rapport à un serveur ininterrompu.

On peut représenter cet effet en remplaçant η par un taux de disponibilité

effective η légèrement inférieur à η (de quelques pourcents).

Pour un arc routier, un serveur intermittent correspond typiquement à la régulation du nœud de sortie (feu tricolore etc) : alors il peut être utile de différencier les mobiles à la fois par type de véhicule et par type de mouvement tournant.

2B2b Exemple : desserte d’une station en transport collectif

Si l’arrêt d’un véhicule, à une station qu’il dessert, suspend temporairement

la ligne pour les véhicules suivants, alors la durée ∆ d’arrêt (incluant les sur-

temps de freinage et d’accélération) s’ajoute à la charge individuelle du véhicule (

8). Alors

κη=+∆

, avec

1

=κ et

∆+

Application numérique. En transport collectif urbain, soit un véhicule long de 200 m, roulant à vitesse v = 30 km/h, avec une marge d’urgence d = 5 s. La

charge individuelle en section courante vaut = 29 s. Pour une durée d’arrêt

de ∆ = 30 s, η = 49% et la capacité effective n’est que de 61 véh/h.

2.B.3 La garantie de fiabilité

Pour un mobile qui passe par une route, la fiabilité est de circuler à sa vitesse libre, naturelle. La garantie de fiabilité est une contrainte d’exploitation : il s’agit de laisser circuler chaque mobile admis à sa vitesse libre, éventuellement en restreignant l’admission de mobiles donc en réduisant le débit.

La fiabilité est nécessaire en transport collectif de voyageurs (par train, autocar ou avion), quand les dessertes ont des horaires fixes : pour respecter les horaires les mobiles doivent circuler à des vitesses de référence, sans risque de retard par congestion.

La garantie de fiabilité induit une augmentation de la charge individuelle. Précisément, la charge individuelle d’un mobile B qui suit un mobile A se compose alors de :

8 sans double emploi avec la charge propre en section courante, /v, car ∆ correspond à un point

de mesure donc à un seul point du véhicule, non à toute sa longueur

Capacité d’écoulement du trafic

24 Rapport INRETS n°00

Soit πκ la capacité théorique du serveur totalement disponible. La

capacité du serveur intermittent est

ππ κη=κ .

Cependant les interruptions de disponibilité ont un impact sur les vitesses, de façon évidente pour les mobiles qui stoppent et attendent la disponibilité. Alors ils se remettent en mouvement progressivement : au point de mesure les premiers sont plus lents que les suivants, ce qui fait baisser la vitesse moyenne par rapport à un serveur ininterrompu.

On peut représenter cet effet en remplaçant η par un taux de disponibilité

effective η légèrement inférieur à η (de quelques pourcents).

Pour un arc routier, un serveur intermittent correspond typiquement à la régulation du nœud de sortie (feu tricolore etc) : alors il peut être utile de différencier les mobiles à la fois par type de véhicule et par type de mouvement tournant.

2B2b Exemple : desserte d’une station en transport collectif

Si l’arrêt d’un véhicule, à une station qu’il dessert, suspend temporairement

la ligne pour les véhicules suivants, alors la durée ∆ d’arrêt (incluant les sur-

temps de freinage et d’accélération) s’ajoute à la charge individuelle du véhicule (

8). Alors

κη=+∆

, avec

1

=κ et

∆+

Application numérique. En transport collectif urbain, soit un véhicule long de 200 m, roulant à vitesse v = 30 km/h, avec une marge d’urgence d = 5 s. La

charge individuelle en section courante vaut = 29 s. Pour une durée d’arrêt

de ∆ = 30 s, η = 49% et la capacité effective n’est que de 61 véh/h.

2.B.3 La garantie de fiabilité

Pour un mobile qui passe par une route, la fiabilité est de circuler à sa vitesse libre, naturelle. La garantie de fiabilité est une contrainte d’exploitation : il s’agit de laisser circuler chaque mobile admis à sa vitesse libre, éventuellement en restreignant l’admission de mobiles donc en réduisant le débit.

La fiabilité est nécessaire en transport collectif de voyageurs (par train, autocar ou avion), quand les dessertes ont des horaires fixes : pour respecter les horaires les mobiles doivent circuler à des vitesses de référence, sans risque de retard par congestion.

La garantie de fiabilité induit une augmentation de la charge individuelle. Précisément, la charge individuelle d’un mobile B qui suit un mobile A se compose alors de :

8 sans double emploi avec la charge propre en section courante, /v, car ∆ correspond à un point

de mesure donc à un seul point du véhicule, non à toute sa longueur

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Rapport INRETS n° 265 25

Modèle désagrégé de la charge de trafic

Modèle désagrégé de la charge de trafic

Rapport INRETS n° 25

• La charge propre, .

• La marge de précaution minimale . Sur une file simple, si A stoppe

brusquement, le mobile B doit pouvoir s’arrêter sans le percuter donc

derrière lui.

• Un délai d’alerte d s’ajoute à la marge de précaution minimale.

• Enfin, si la route à une file a une longueur D, en aucun point B ne doit

rattraper A (hors arrêt brusque) si tous deux circulent à leur vitesse

naturelle.

Ce dernier élément est la surcharge de fiabilité, notée par . La marge de

précaution totale est la somme ++ .

Le délai d’alerte d peut être de l’ordre de quelques secondes. Pour des transports à grande vitesse, on ne peut se contenter d’une alerte visuelle comme en transport routier : l’alerte rapide nécessite un système d’exploitation performant.

2B3a La surcharge de fiabilité

Si A est plus rapide que B, est nulle. Sinon la contrainte de non-

rattrapage est la plus forte en entrée de la route : en notant et les

dates d’entrée, les dates de sortie doivent vérifier la contrainte

+≤+ ,

et donc que

−− −≥−

Dans tous les cas, la surcharge admet la formule

+−− −= , avec =+

Exemple. En transport ferroviaire, le mobile lent A peut être un train de

marchandises avec = 120 km/h, et le mobile rapide B un TGV de voyageurs

avec = 250 km/h. Pour D = 10 km, = 160 s, ce qui est considérable !

2B3b Marge de précaution minimale

La marge de précaution minimale dépend des possibilités de freinage

de B. En admettant un freinage par décélération uniforme , la durée

nécessaire pour décélérer de à 0 est = . Pendant ce temps

le mobile parcourt une distance de freinage égale à .

Exemple. Pour un TGV de vitesse = 250 km/h et décélération = 5

m/s², = 14 s et la distance de freinage vaut 500 m. A la vitesse libre,

265

Page 40: Fabien LEURENT LA CAPACITÉ D'ÉCOULEMENT DU … · mobile en circulation induit une certaine charge de trafic, qui dépend de la lon-gueur du mobile, de sa vitesse, et de sa marge

26 Rapport INRETS n° 265

La capacité d'écoulement du traficCapacité d’écoulement du trafic

26 Rapport INRETS n°00

cette distance serait parcourue en seulement = 7 s : cela justifie

d’ajouter un délai d’alerte.

2B3c Ordres de grandeur

Les marges augmentent considérablement les charges propres des mobiles.

Toujours dans le cas ferroviaire, un train de longueur = 700 m circulant à

120 km/h a une charge propre = 21 s, contre = 7.8 s pour un train de 400

m à 250 km/h.

Entre deux trains de même vitesse, la marge hors garantie est + =

19 s, plusieurs fois la charge propre.

Enfin si un train de voyageurs suit un train de fret, on ajoute de l’ordre

de 200 secondes sur une distance de 10 km, ce qui décuple la charge individuelle hors garantie !

2B3d Capacité pour un trafic mixte à garantie de fiabilité

Considérons le cas de deux classes de mobiles, respectivement les mobiles

rapides de vitesse libre (voyageurs) et les mobiles lents de vitesse libre (marchandises), avec une proportion π de mobiles lents.

En fonction de la distance D et de −− −=τ∆ , la capacité est :

τ∆π−π++π−++π+=κπ

Cette formule repose sur l'hypothèse que les mobiles se succèdent avec une alternance aléatoire des classes, en supposant des granulats dont les tailles suivent une distribution géométrique. La surcharge de fiabilité est positive uniquement pour un mobile rapide qui suit un mobile lent : cette succession a

une probabilité (1-π)π, avec alors τ∆= . En moyenne sur toutes les

successions, il vient

τ∆π−π=π−π=

2B3e Essai d'application au transport ferroviaire

Modélisons le transport ferroviaire en section courante par deux classes de trafic : des trains de voyageurs (TGV) et des trains de marchandises, plus lents.

On suppose que les TGV ont une longueur moyenne 400 m et une vitesse = 250 km/h, tandis que les trains de fret ont une longueur moyenne de 700 m et

une vitesse = 120 km/h.

Alors :

• Les charges propres sont 7.8 s pour un TGV et 21 s pour un train de fret.

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Rapport INRETS n° 265 2�

Modèle désagrégé de la charge de traficModèle désagrégé de la charge de trafic

Rapport INRETS n° 27

• Marge minimale pour un train de voyageurs : en supposant qu'un TGV a une

décélération d'urgence de = 1 m/s², alors = 70 s, et la distance

de freinage atteint 2.5 km. En pratique on limite le taux de décélération pour

éviter d'endommager le matériel : freins, roues et rails.

• Marge minimale pour un train de fret : le chargement des wagons détermine

la masse du train, donc aussi le temps nécessaire pour annuler la

quantité de mouvement en exerçant une force de freinage φ . Alors le taux

de décélération vérifie φ= , donc φ= .

Pour =φ et = 1000 t, = 67 s.

• On considère forfaitairement un délai d'alerte d = 5 s.

• La surcharge de fiabilité, pour un TGV qui suit un train de fret, atteint = 160 s si D = 10 km.

Ainsi les marges augmentent considérablement les charges individuelles

des trains.

Fig. 5. Capacité ferroviaire.

Dans son état actuel, le modèle met en évidence deux facteurs importants :

la mixité du trafic, et la longueur D entre deux points de dépassement. La figure

5 illustre comment la capacité dépend de la proportion π de trains lents, pour

plusieurs valeurs de la distance D.

0

10

20

30

40

50

0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1

Proportion de trains lents

Ca

pa

cit

é d

'un

e v

oie

(tr

ain

s/h

)

1 km 5 km10 km 50 km100 km

265

Modèle désagrégé de la charge de trafic

Rapport INRETS n° 27

• Marge minimale pour un train de voyageurs : en supposant qu'un TGV a une

décélération d'urgence de = 1 m/s², alors = 70 s, et la distance

de freinage atteint 2.5 km. En pratique on limite le taux de décélération pour

éviter d'endommager le matériel : freins, roues et rails.

• Marge minimale pour un train de fret : le chargement des wagons détermine

la masse du train, donc aussi le temps nécessaire pour annuler la

quantité de mouvement en exerçant une force de freinage φ . Alors le taux

de décélération vérifie φ= , donc φ= .

Pour =φ et = 1000 t, = 67 s.

• On considère forfaitairement un délai d'alerte d = 5 s.

• La surcharge de fiabilité, pour un TGV qui suit un train de fret, atteint = 160 s si D = 10 km.

Ainsi les marges augmentent considérablement les charges individuelles

des trains.

Fig. 5. Capacité ferroviaire.

Dans son état actuel, le modèle met en évidence deux facteurs importants :

la mixité du trafic, et la longueur D entre deux points de dépassement. La figure

5 illustre comment la capacité dépend de la proportion π de trains lents, pour

plusieurs valeurs de la distance D.

0

10

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40

50

0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1

Proportion de trains lents

Ca

pa

cit

é d

'un

e v

oie

(tr

ain

s/h

)

1 km 5 km10 km 50 km100 km

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2� Rapport INRETS n° 265

La capacité d'écoulement du trafic Capacité d’écoulement du trafic

28 Rapport INRETS n°00

Evidemment la réalité de l'exploitation est plus sophistiquée :

• La sécurité des trains est assurée par un découpage de chaque voie en

cantons de signalisation, dont chacun est occupé par au plus un train à la fois. La longueur du canton est comparable au paramètre D, ou D/2 quand un canton supplémentaire est réservé au freinage d'urgence (Cf. les

paramètres et d).

• L'exploitant planifie l'ordre de passage des trains. Une méthode efficace est

de les regrouper en pelotons selon leur vitesse : des pelotons rapides formés de trains de voyageurs, ou des pelotons lents formés de trains de marchandises. Il est facile d'étendre le modèle aux pelotons, en explicitant des types de pelotons et leurs tailles (d'abord en nombre de trains puis en durée d'occupation).

• En temps réel, il est courant que l'exploitant ferroviaire privilégie les trains de

voyageurs en leur donnant la priorité sur les trains de fret. Cela fixe un débit minimum en trains rapides, pour lesquels la fiabilité est préservée. On peut faire circuler un débit complémentaire en trains lents, pour lesquels la fiabilité peut être dégradée. Pour modéliser une telle priorité, on peut utiliser le modèle à deux reprises : d'abord uniquement aux trains rapides, puis aux trains lents avec un serveur intermittent (les blocages correspondent au passage des trains rapides).

Notre analyse de la capacité ferroviaire est confortée par des travaux parallèles d’origine essentiellement allemande : Pachl (2002), Pachl et White (2003, 2004), Siefer (2003), Kettner et al (2003), modélisent un temps de

blocage en un point de la voie ferroviaire, très proche de notre charge individuelle (Leurent et Simonet 2001, Leurent 2002, 2004).

Le temps de blocage, sur une voie ferroviaire signalisée et gérée par cantons, englobe les temps :

• d’effacement du signal en amont, où a lieu l’avertissement,

• de lecture du signal par le conducteur du train,

• d’approche depuis le signal amont jusqu’au signal à l’entrée du canton

critique,

• de traversée du canton critique, entre son signal d’entrée et le signal

d’entrée du canton en aval,

• d’évacuation du canton critique, qui éventuellement recouvre la charge du

train,

• de déverrouillage pour l’équipement du canton.

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Rapport INRETS n° 265 2�

Modèle désagrégé de la charge de traficModèle désagrégé de la charge de trafic

Rapport INRETS n° 29

2.C Eléments d’analyse des pelotons (optionnel)

2.C.1 Différents types de débits

Un débit est une intensité, un nombre d’éléments passant en un point durant une période divisé par la durée de la période.

Le débit est d’autant plus simple que les éléments sont simples : ainsi le débit en mobiles, ou le débit d’une classe de mobiles.

Un peloton est une suite de mobiles, sur une file de circulation, qui d’une part ont une vitesse uniforme, et d’autre part se suivent à des intervalles de temps égaux aux marges de précaution. Chaque peloton est délimité par des intervalles de temps supplémentaires avant et après lui, appelés aussi les « intervalles libres ».

Le débit en pelotons est un nombre de pelotons divisé par une durée. Pour le mesurer, il faut identifier chaque peloton, séparé de son prédécesseur par un intervalle libre. Comme la séquence peloton-intervalle libre se reproduit systématiquement, le débit en pelotons est égal au débit en intervalles libres.

En distinguant à la fois des classes de mobiles et des pelotons, on peut identifier des granulats de chaque classe : un granulat est une séquence de mobiles de même classe, dans un peloton, précédée et suivie par un mobile d’une autre classe ou par un intervalle libre.

Le débit en granulats d’une classe de mobiles est intermédiaire entre le débit en pelotons et le débit en mobiles de la classe.

A priori les pelotons et les granulats ont des tailles variables, au moins en trafic routier.

2.C.2 Propriétés élémentaires des débits et des tailles

En supposant une régularité statistique de la structure du trafic, i.e. une stationnarité pendant une certaine plage de temps, la taille d’un peloton choisi

au hasard est une variable aléatoire τ ; tout comme la taille τ d’un

peloton de type c, et la taille τ d’un granulat de classe c.

Notons également :

• λ pour le débit en pelotons de type C.

• λ=λ pour le débit total en pelotons.

• λ pour le débit en granulats de type c.

• la vitesse libre de la classe c.

Sous l’hypothèse de stationnarité du trafic, les débits moyens vérifient les règles de conversion suivantes :

• τλ=λ

265

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30 Rapport INRETS n° 265

La capacité d'écoulement du trafic Capacité d’écoulement du trafic

30 Rapport INRETS n°00

• χτλ=λ

• τλ=τλ .

2.C.3 Régime saturé : les granulats ont des tailles géométriques

Soit v la vitesse de circulation sur une file de route. En régime saturé, chaque mobile circule en moyenne à la vitesse v.

Par définition même du régime saturé, le trafic forme un seul peloton continu. La seule décomposition pertinente est par classe de mobiles : c’est la composition en granulats du flot continu.

En notant π la proportion d’une classe c de mobiles dans le trafic, si l’ordre

des mobiles est aléatoire (Cf. §2A4) alors la taille d’un granulat de classe c est

une VA géométrique de paramètre π . En moyenne elle vaut

π−=τ . Comme λπ=λ et τλ=λ , on en déduit que

π−πλ=λ .

2.C.4 Propriétés du régime non-saturé (discret)

En régime non-saturé, des intervalles libres découpent le flux de mobiles en pelotons. Par définition les pelotons n’ont d’existence qu’en régime non-saturé, ou en état intermédiaire dans le cas de files multiples.

L’intervalle libre devant un peloton lui permet de circuler à la vitesse libre du premier granulat, que nous appelons le granulat de tête. C’est pourquoi nous définissons le type d’un peloton comme le type du granulat de tête, et de même pour la vitesse.

Les autres granulats d’un peloton circulent à la même vitesse que le

granulat du peloton, donc leurs types t ont une vitesse libre supérieure ou

égale à la vitesse libre du granulat de tête. En rangeant les classes de

mobiles par ordre de vitesse libre croissante, un peloton de type c ne contient

que des mobiles de type t ≥ c.

2C4a Propriétés des intervalles libres

Indiquons maintenant les hypothèses probabilistes standard pour les pelotons et les granulats.

Première hypothèse, les arrivées aléatoires des mobiles d’un type donné. En supposant l’absence de mémoire au point de mesure, donc l’indépendance entre le trafic déjà écoulé et le trafic présent ou futur, à tout instant où le point de mesure est libre, la durée résiduelle jusqu’à la prochaine arrivée d’un mobile

de type c est une VA θ exponentielle de paramètre λ . Cela implique que la

durée de l’intervalle libre qui précède un peloton de type c est également une

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Rapport INRETS n° 265 31

Modèle désagrégé de la charge de traficModèle désagrégé de la charge de trafic

Rapport INRETS n° 31

VA exponentielle de paramètre λ : son extension spatiale, sa longueur, est

donc une VA exponentielle de paramètre λ (Cf. Leurent, 2001, §10B).

Deuxième hypothèse, l’indépendance entre les arrivées successives d’un type de peloton, et entre les arrivées des pelotons des différents types.

A un instant où le point de mesure est libre, la durée résiduelle jusqu’à

l’arrivée d’un peloton de type quelconque est θ=θ : le minimum de

VA indépendantes exponentielles de paramètres respectifs λ est une VA

exponentielle de paramètre λ=λ le débit total en mobiles.

2C4b Distribution des tailles des pelotons, cas à une voie

Pour décrire les tailles des pelotons, assimilons le trafic d’une seule classe

de mobiles sur une seule voie, à une file d’attente M/G/1 (Cf. Cowan 1975,

Branston 1976). En effet :

• les intervalles libres exponentiels correspondent à des arrivées

markoviennes (symbole M),

• les charges individuelles sont comme des durées de service de même

distribution générale (symbole G),

• la voie unique correspond à un serveur unique (symbole 1).

Alors la taille d’un peloton (équivalent à un granulat pour une seule classe)

est analogue au nombre de clients servis pendant une période occupée de la

file M/G/1.

En notant λ le débit en mobiles et la charge individuelle moyenne, la

capacité est =κ ; sous la condition κ<λ caractéristique de l’état non-

saturé, on déduit :

• λ=ρ le facteur de charge

• ρ−=τ la taille moyenne d’un peloton (Cf. Kleinrock 1975)

• ρ−ρ=στ la variance des tailles de pelotons

• ρ−λ=τλ le débit en pelotons, donc aussi le débit en intervalles

libres.

Le débit en intervalles libres correspond bien à la distribution de leurs

durées D (exponentielle de paramètre λ ), car 1-ρ est la probabilité que le point

de mesure s soit libre à chaque instant : le nombre moyen de pelotons qui

arrivent en s pendant H vaut ρ− avec E[D] = 1/λ.

La taille moyenne d’un peloton est égale à celle d’une distribution géométrique de paramètre ρ , mais la variance est supérieure à celle de la

distribution géométrique, )ρ−/(1ρ=σ : le rapport ρ−=σσν croît de 1 à l’infini quand ρ varie de 0 à 1.

265

Page 46: Fabien LEURENT LA CAPACITÉ D'ÉCOULEMENT DU … · mobile en circulation induit une certaine charge de trafic, qui dépend de la lon-gueur du mobile, de sa vitesse, et de sa marge

32 Rapport INRETS n° 265

La capacité d'écoulement du trafic Capacité d’écoulement du trafic

32 Rapport INRETS n°00

Quand les charges individuelles sont constantes, le trafic est analogue à une file d’attente M/D/1 (Borel, 1942 ; Kleinrock, 1975) : alors les pelotons ont des

tailles τ distribuées avec la densité de probabilité

−ρ− ρ=} =τCette distribution est plus proche d’une loi de Poisson que d’une loi

géométrique, et plus concentrée sur les fortes valeurs qu’une distribution de Poisson.

2C4c Résultats du modèle G/G/Infini

Les analyses probabilistes des pelotons en trafic routier ont eu lieu en majorité dans les années 1960-1970, en appliquant les résultats alors disponibles en théorie des files d’attente : surtout ceux du modèle M/G/1.

En ingénierie du transport ferroviaire, Huisman et Boucherie (2001) ont modélisé le temps de parcours pour une section ferroviaire, en utilisant les propriétés du modèle G/G/Infini établis par Baccelli et al (1984). Précisément, les deux auteurs donnent les distributions statistiques des temps de parcours pour diverses catégories de train caractérisées par leur temps de parcours libre, en fonction :

• De la longueur de la section

• Des intensités et rythmes d’arrivées par catégorie.

Ces résultats sont transposables au trafic routier, où ils généralisent des propriétés établies dans le cas de deux classes de trafic par Epstein et al (1974) dans le cas d’arrivées markoviennes et Leurent (2001).

2.D Synthèse

2.D.1 Résumé

Par une analyse désagrégée, basée à la fois sur la théorie des files d’attente et sur l’ingénierie du trafic routier, nous avons défini la capacité d’une file de circulation en régime saturé.

Dans ce cas particulier la définition est simple. En régime non-saturé, il existe seulement une pseudo-capacité.

Nous avons aussi modélisé la multiplicité des files, l’intermittence du service et la garantie de fiabilité. Là encore le régime saturé s’analyse simplement.

La démarcation entre régime saturé et régime non-saturé constitue l’analogue, pour la science du trafic, de la démarcation entre théorie du renouvellement et théorie des files d’attente dans la théorie des probabilités.

2.D.2 L’importance des règles d’exploitation

La capacité maximale, atteinte entre le régime saturé et le régime non-saturé, résulte surtout des règles d’exploitation :

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Rapport INRETS n° 265 33

Modèle désagrégé de la charge de traficModèle désagrégé de la charge de trafic

Rapport INRETS n° 33

• Le dimensionnement en nombre de files, en longueur de route qui permet

un régime stable (sur une section entre deux nœuds d’extrémité), en taux de disponibilité du serveur (au nœud final).

• La structure du trafic admis et sa répartition entre les files, conditionnée par

les règles d’accès aux files pour chaque classe de mobiles. En particulier l’accès des PL aux files de gauche est un aspect crucial pour les autoroutes.

• La limitation légale de vitesse pour chaque type autorisé : en général les VL

et les PL dans le cas routier. Egalement les gabarits routiers autorisés.

• Enfin les capacités de freinage et les délais de réaction déterminent la marge de sécurité.

Pour une chaussée d’autoroute à f files, accessible aux VL et aux PL, la

proportion de PL est en général non nulle : la vitesse légale limite des PL

détermine la vitesse critique d’uniformisation du flot. Sous l’approximation que les PL sont répartis uniformément entre les files, la capacité maximale est alors

ππ

π +=κ

2.D.3 Une analogie physique

Un aspect crucial est la démarcation entre régime saturé et régime non-

saturé. Pour préciser cette démarcation, appuyons-nous sur l’analyse physique

des états de la matière chimique, en thermodynamique.

Une substance chimique se présente sous l’un des trois états solide, liquide,

ou gazeux, selon les conditions ambiantes et particulièrement la température. A

l’échelle microscopique, chaque état est caractérisé par des relations

spécifiques entre les molécules de la substance :

• En état solide, les molécules gardent des positions relatives fixes,

maintenues par des forces électriques.

• En état liquide, les molécules peuvent bouger les unes relativement aux

autres, mais de façon limitée par des forces de cohésion entre molécules

voisines.

• En état gazeux, les molécules ne sont pas liées les unes aux autres en

général. Elles n’exercent de force les unes sur les autres qu’à l’occasion de

collisions.

Le trafic est une substance, dont les molécules sont des mobiles.

Evidemment le régime non-saturé / discret correspond à l’état gazeux, avec des

molécules indépendantes sauf durant des gênes ponctuelles. Le régime saturé

correspond à l’état solide, lorsque les mobiles ne peuvent se dépasser. Enfin la

démarcation entre les régimes non-saturé et saturé correspond à l’état liquide.

En thermodynamique, les trois états sont caractérisés macroscopiquement

par des niveaux d’énergie interne, par des gammes de température spécifiques.

Les transitions entre les états ont lieu à des températures fixées : la

température de fusion entre solide et liquide, la température d’évaporation entre

liquide et gaz. A ces températures, la substance est dans un état composite,

265

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34 Rapport INRETS n° 265

La capacité d'écoulement du traficCapacité d’écoulement du trafic

34 Rapport INRETS n°00

selon l’échange d’énergie avec le milieu extérieur (Cf. les chaleurs de fusion et d’évaporation).

En trafic, l’analogue de la température est la vitesse. Les analogues des températures de fusion et d’évaporation sont des vitesses critiques,

respectivement continue et discrète, notées et .

A la vitesse critique continue, tous les mobiles sont en état saturé / continu. A la vitesse critique discrète, toutes les classes de mobiles sont en état non-saturé / discret et l’une d’elles est à la charnière de l’état non-saturé / discret et de l’état saturé / continu. Entre les deux vitesses critiques, le trafic est en régime capacitif, le débit est proche des débits critiques respectivement continu et discret.

Notre définition désagrégée synthétique correspond au régime saturé ; la capacité ainsi définie atteint son maximum au débit critique saturé.

Les observations à Janvraie (Cf. §3B3) laissent inférer que la capacité maximale est atteinte à la charnière du régime saturé et du régime non-saturé : la moyenne des charges individuelles augmente si la vitesse moyenne baisse, mais elle baisse si les vitesses s’uniformisent. Dans la formule

γ++= , si γ s’annule alors décroît donc κ augmente.

La figure 6 illustre l’analogie entre les états thermodynamiques d’une substance d’une part, et les régimes de trafic d’autre part. La correspondance est claire pour l’axe des abscisses, entre température et vitesse. Pour l’axe des ordonnées, nous avons porté d’une part l’énergie interne d’une molécule,

d’autre part la longueur occupée par un mobile individuel i, reliée à la

charge individuelle par la relation =+= . A vitesse nulle

ou presque, la fonction tend vers un espacement minimal positif (de

l’ordre de 1.5 ou 2 m en trafic routier).

Fig. 6. Etats thermodynamiques et régimes de trafic.

En termes de débit local, à vitesse v fixée la longueur occupée moyenne est l’inverse de la concentration spatiale k : comme le débit par file vérifie

=λ , on en déduit que =λ .

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Rapport INRETS n° 265 35

Modèle désagrégé de la charge de traficModèle désagrégé de la charge de trafic

Rapport INRETS n° 35

En complément, précisons la relation entre la longueur occupée et la

distance de sécurité = : la longueur occupée est la somme de la

longueur du mobile courant, de la distance de sécurité, et d’un terme nul sauf en état non-saturé / discret, qui est en quelque sorte un « reliquat gazeux ».

Fig. 7. De l’occupation individuelle au débit.

2.D.4 Prolongements

L’analogie physique précédente montre que la capacité définit une plage de

situations (l’état liquide), plutôt qu’un point de fonctionnement particulier

(comme une température de changement d’état).

Pour approfondir l’analogie, il reste à connaître du côté du trafic :

• Les vitesses critiques en fonction de la structure du trafic et des caractères

topologiques de la route.

• Les débits critiques.

• Les transitions entre les états du trafic : leurs causes, leur rythme propre.

En particulier le passage de l’état solide à l’état gazeux.

265

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36� Rapport�INRETS�n°�265Rapport INRETS n°00 36

3. Analyse critique des définitions empiriques antérieures

A la lumière de notre modèle désagrégé, nous pouvons interpréter et critiquer les définitions empiriques antérieures de la capacité routière :

A. la capacité estimée d’après des débits de périodes : nous montrons que les méthodes basées sur un débit maximal, ou un fractile de la distribution des débits, induisent un biais positif systématique. En remplacement, nous proposons la méthode du débit moyen par tranche de vitesse.

B. la capacité issue d’un diagramme fondamental, d’une fonction vitesse-débit ou lenteur-débit : a priori chaque fonction induit un biais systématique, dont le signe dépend de la spécification.

C. la capacité mesurée d’après une distribution bimodale des débits : cette méthode induit systématiquement un biais négatif.

D. la définition désagrégée du modèle semi-poissonnien. Nous recensons les améliorations apportées par notre modèle désagrégé, puis nous révisons le traitement formel et la méthode statistique.

Cette revue critique constitue une application importante de notre modèle, avec ses hypothèses probabilistes simples. Signalons que notre critique porte ici sur la manière de mesurer la capacité, donc sur les définitions empiriques (Cf. §1B3) et non sur les modèles physiques de trafic qui inspirent la notion de capacité (Cf. §1B2).

3.A Distribution des débits et débit maximal observé

La valeur observée maximale du débit sur un ensemble de K périodes de durée identique H est une valeur extrême d’un échantillon de K périodes.

Si ce maximum est atteint en régime continu, pour une vitesse v uniforme (ou à peu près), considérons les J périodes où cette vitesse est réalisée : pour chacune d’elles le débit est une réalisation du nombre de mobiles écoulés sous

la contrainte de vitesse, la moyenne attendue est κ . Pour estimer κ , mieux

vaut prendre la moyenne des débits des J périodes, plutôt que le maximum !

3.A.1 Analyse probabiliste des débits en régime saturé / continu

En supposant des charges individuelles exponentielles de paramètre µ , le

nombre de mobiles par file dans une période de durée est une VA

poissonnienne de paramètre µ , avec pour moyenne µ et pour variance

µ également.

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Rapport�INRETS�n°�265� 37

Critique des définitions antérieuresCritique des définitions antérieures

Rapport INRETS n° 37

Le débit total, pour les f files, est alors une VA de moyenne µ= et de

variance µ=σ .

En assimilant cette VA « débit de période » à une VA gaussienne, ce qui est légitime dès que le nombre de mobiles dépasse 30, on approche la fonction de répartition par

σ−

Φ=

avec Φ la fonction de répartition d’une variable gaussienne réduite (centrée et

normée).

On en déduit des intervalles de confiance pour le débit d’une période : avec

la probabilité 1-α, ce débit prend sa valeur dans l’intervalle σ± α avec

α le fractile d’ordre 1-α/2 d’une variable gaussienne réduite.

Exemple. Pour une file, H = 6 mn et µ = .50 /s, µ/H = 1.4e-4 /s² donc σ =

0.037 /s. Un intervalle de confiance au niveau de 95% pour le débit de période

est σ±µ∈λ = 1 541-2 059 véh/h. Si H = 1 h, alors σ=σ′ = .012 /s, et

un intervalle de confiance à 95% pour le débit de période est 1 720-1 880

véh/h.

Ainsi les fluctuations aléatoires des charges individuelles, à état

macroscopique (v, π) fixé, justifient la dispersion des débits de période

observée dans la pratique.

3.A.2 Estimer la capacité par le débit moyen

Revenons à un échantillon de J périodes h de même durée H, sous la

condition de vitesse à peu près uniforme : à la fois à l’intérieur de chaque

période, et entre les différentes périodes.

En supposant l’indépendance des périodes, ce qui est plausible, la moyenne

d’échantillon est une VA λ de moyenne M et d’écart-type SE = σ .

Sous l’hypothèse de normalité, elle admet la fonction de répartition

−Φ= et des intervalles de confiance σ± α .

Exemple. Pour les valeurs numériques précédentes et J = 50, un intervalle de confiance à 95% pour la moyenne d’échantillon est 1 764-1 836 véh/h, ce qui encadre la capacité (pour cette tranche de vitesse).

En pratique, on utilise l’échantillon pour estimer M et σ . La variance

d’échantillon corrigée, =− λ−λ=σ

, est un estimateur sans biais

de σ .

265

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38� Rapport�INRETS�n°�265

La capacité d'écoulement du traficCapacité d’écoulement du trafic

38 Rapport INRETS n°00

Sous l’approximation gaussienne, σσ− suit une distribution du khi-

deux à J-1 degrés de liberté (DL), et le rapport σλ− suit une

distribution de Student à J-1 DL. On en déduit des intervalles de confiance au

niveau 1-α pour M, à savoir

σ±λ∈ −

α

Exemple. Avec les valeurs numériques précédentes et σ = .040 /s, un

intervalle de confiance à 95% pour la moyenne d’échantillon est 1 760-1 840 veh/h.

On peut aussi inférer la distribution du débit d’une période en régime continu de vitesse v. Sous l’approximation gaussienne, c’est une VA gaussienne de

moyenne λ et de variance +σ .

Même sans l’approximation gaussienne, l’hypothèse poissonnienne permet d’obtenir des intervalles de confiance, cela sans considérer la variance empirique d’échantillon. En effet, sous l’hypothèse poissonnienne, l’estimateur

λ de la moyenne permet d’inférer un écart-type λ=σ .

Au total, l’hypothèse du régime continu stable, jointe à une hypothèse statistique (gaussienne ou poissonnienne), permet de ramener l’estimation de la capacité à un problème statistique classique.

3.A.3 Sur la méthode du débit maximal

Mesurons maintenant le biais introduit en estimant la capacité par le débit maximum d’un l’échantillon de périodes. Pour ce faire, nous assimilons le débit total d’une période à une VA de Gumbel de mêmes moments (

9).

Cela revient à formuler la fonction de répartition par

γ−σ−

ξ−−=

avec π=ξ = 1.283 et γ = .5771 la constante d’Euler.

Le maximum de J réalisations indépendantes est une VA de Gumbel de

variance σ et de moyenne ξσ+µ .

Ainsi le biais moyen de la méthode du débit maximal s’élève à ξσ .

Exemple. Pour H = 6 mn et µ = .50 /s, µ/H = 1.4e-4 /s² donc σ = .037 /s. Pour J = 50, le débit maximal conduit en moyenne à un biais positif de +23% !

Si H = 1 h alors σ = .012 /s, et pour J = 5 le biais est réduit à +3%.

9 la distribution de Gumbel est un outil statistique classique pour analyser le maximum de variables

aléatoires indépendantes, de même que la distribution gaussienne sert à analyser des sommes de VA

Capacité d’écoulement du trafic

38 Rapport INRETS n°00

Sous l’approximation gaussienne, σσ− suit une distribution du khi-

deux à J-1 degrés de liberté (DL), et le rapport σλ− suit une

distribution de Student à J-1 DL. On en déduit des intervalles de confiance au

niveau 1-α pour M, à savoir

σ±λ∈ −

α

Exemple. Avec les valeurs numériques précédentes et σ = .040 /s, un

intervalle de confiance à 95% pour la moyenne d’échantillon est 1 760-1 840 veh/h.

On peut aussi inférer la distribution du débit d’une période en régime continu de vitesse v. Sous l’approximation gaussienne, c’est une VA gaussienne de

moyenne λ et de variance +σ .

Même sans l’approximation gaussienne, l’hypothèse poissonnienne permet d’obtenir des intervalles de confiance, cela sans considérer la variance empirique d’échantillon. En effet, sous l’hypothèse poissonnienne, l’estimateur

λ de la moyenne permet d’inférer un écart-type λ=σ .

Au total, l’hypothèse du régime continu stable, jointe à une hypothèse statistique (gaussienne ou poissonnienne), permet de ramener l’estimation de la capacité à un problème statistique classique.

3.A.3 Sur la méthode du débit maximal

Mesurons maintenant le biais introduit en estimant la capacité par le débit maximum d’un l’échantillon de périodes. Pour ce faire, nous assimilons le débit total d’une période à une VA de Gumbel de mêmes moments (

9).

Cela revient à formuler la fonction de répartition par

γ−σ−

ξ−−=

avec π=ξ = 1.283 et γ = .5771 la constante d’Euler.

Le maximum de J réalisations indépendantes est une VA de Gumbel de

variance σ et de moyenne ξσ+µ .

Ainsi le biais moyen de la méthode du débit maximal s’élève à ξσ .

Exemple. Pour H = 6 mn et µ = .50 /s, µ/H = 1.4e-4 /s² donc σ = .037 /s. Pour J = 50, le débit maximal conduit en moyenne à un biais positif de +23% !

Si H = 1 h alors σ = .012 /s, et pour J = 5 le biais est réduit à +3%.

9 la distribution de Gumbel est un outil statistique classique pour analyser le maximum de variables

aléatoires indépendantes, de même que la distribution gaussienne sert à analyser des sommes de VA

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Rapport�INRETS�n°�265� 39

Critique des définitions antérieuresCritique des définitions antérieures

Rapport INRETS n° 39

La figure 8 illustre le biais moyen en fonction de la durée de période H et du nombre J de périodes observées, cela en régime continu et pour une tranche donnée de vitesse.

Ainsi l’estimation de la capacité par le débit maximal est fortement biaisée. Nous déconseillons formellement cette méthode, même « tempérée » en divisant l’ensemble de J périodes en J/k sous-ensembles de k périodes et en prenant la moyenne des J/k « débits maximaux par sous-ensemble ». Dans ce cas il y a encore un biais, celui associé au maximum de k périodes.

Fig. 8. Biais de la méthode du débit maximal.

0%

10%

20%

30%

40%

50%

1 10 100 1000

Nombre de périodes

Bia

is r

ela

tif

6 mn

15 mn

60 mn

3.A.4 Sur les fractiles de la distribution des débits

Les variantes du débit maximal observé : fractile d’ordre α, ou n-ième valeur la plus forte, s’étudient avec la fonction de répartition cumulée du débit de période, conditionnellement à la vitesse. En continuant l’approximation par une

distribution de Gumbel de moyenne M et de variance σ , le fractile d’ordre α

est la valeur α telle que α=α . Il est défini par

ξα−+γσ−=α

Donc le biais introduit en choisissant le fractile d’ordre α est −α, non

nul sauf si γ−−=α (valeur proche de 0.57).

Exemple. Pour un ensemble de J = 50 périodes de H = 6 mn, le fractile à α= 85% conduit à un biais de +7%. La figure 9 illustre le biais associé à certains fractiles, en fonction du nombre de périodes et de leur durée.

Le choix de la n-ième valeur la plus forte, dans un ensemble de J périodes, revient au choix du fractile d’ordre 1-n/J.

265

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40� Rapport�INRETS�n°�265

La capacité d'écoulement du traficCapacité d’écoulement du trafic

40 Rapport INRETS n°00

Fig. 9. Biais de la méthode des fractiles.

-15%

-10%

-5%

0%

5%

10%

15%

0,1 0,3 0,5 0,7 0,9

Fractile

Bia

is r

ela

tif

6 mn

15 mn

60 mn

3.B Capacité issue d’une fonction vitesse-occupation

Au §1B, nous avons rappelé la relation entre vitesse v et taux d’occupation

ω par file, pour le trafic d’une route observé à plusieurs périodes de durée égale.

Une telle relation se formule ω= , avec une fonction U décroissante.

En régime stationnaire, comme =λ et ω= avec f le nombre de

files et k la concentration des mobiles par file et par unité de distance, on en déduit que le débit est une fonction du taux d’occupation : pour l’ensemble des files

ω=ωω=λ

Cela permet de définir la capacité comme le maximum de la fonction Q.

Dans la perspective thermodynamique du §2D3, un diagramme vitesse-occupation résume par quelques paramètres les fonctionnements des différents régimes solide-liquide-gazeux. Une description aussi résumée manque

probablement de flexibilité, en particulier l’état liquide-capacitif est réduit à un seul point de fonctionnement, vraisemblablement à tort.

3.B.1 Le diagramme exponentiel généralisé

Pour la fonction vitesse-occupation U, une spécification courante est le diagramme exponentiel généralisé, selon la formule

αβω−=ω=

avec la vitesse libre, β et α deux paramètres positifs. Alors

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Rapport�INRETS�n°�265� 41

Critique des définitions antérieuresCritique des définitions antérieures

Rapport INRETS n° 41

αβω−ω=ω=λ

Le débit maximum est atteint quand αα βω−αβω− βαω−∝ω

s’annule, soit pour α−βα=ω , avec une vitesse critique u* =

α− .

On en déduit le débit critique

α−βα=ω=

D’après Cohen (1990), des valeurs numériques pour une autoroute

périurbaine à 3 voies (A13 en direction de Paris) sont = 95 km/h, α = 1.55 et

β = 5.54 (pour une longueur moyenne = 6 m). La capacité s’élève alors à Q*

= 6 204 véh/h.

3.B.2 Lien avec la définition désagrégée

Comme la fonction U est décroissante donc inversible, nous pouvons modéliser le taux d'occupation en fonction de la vitesse, donc aussi le débit en

fonction de la vitesse : nous notons cette fonction , avec

−=ω==λ=

Pour un diagramme exponentiel généralisé, α−

β=

.

La fonction , en régime continu, correspond rigoureusement à notre

formule d’origine désagrégée +=Κ . Cela peut fournir une

référence pour , à savoir =+ donc

−=−=−

.

La figure 10 illustre la fonction basée sur les spécifications de ωestimées d’après A13 et d’après A11 à Janvraie (Cf. §3B3).

265

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42� Rapport�INRETS�n°�265

La capacité d'écoulement du trafic

Capacité d’écoulement du trafic

42 Rapport INRETS n°00

Fig. 10. Marge de sécurité en fonction de la vitesse.

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0

3,5

4,0

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

Vitesse (km/h)

Marg

e (

s)

Janvraie

A13

3.B.3 Aspects statistiques

L’analyse désagrégée de la capacité nous permet d’apprécier la portée statistique d’une relation vitesse-occupation, et de la capacité qui en découle.

Comme au §3A1, nous supposons que le débit d’une période de durée H est

une variable aléatoire de moyenne µ= et de variance µ=σ ,

conditionnellement à la vitesse moyenne v (et en régime continu).

En supposant l’indépendance des périodes, et µ d’amplitude à peu près

constante, l’ajustement de la fonction =λ à des points d’observation

λ est un problème de régression avec des observations indépendantes

homoscédastiques (10

).

Application numérique à Janvraie. Le site de Janvraie est une voie rapide urbaine (agglomération nantaise), observée dans un sens de circulation, avec deux files. Le trafic a été observé les jours de semaine de mars 1999, de 7h à 19h, durant 3 500 périodes de 6 mn, avec par période et par file un relevé du débit total, de la vitesse moyenne, du taux d’occupation, et de la proportion de mobiles longs (en base horaire).

En comptant un PL pour = 2.0 uvp et une longueur moyenne = 6 m,

l’ajustement d’un diagramme exponentiel généralisé aux points (Vitesse, Débit

uvp) produit les estimations α = 1.53 ; β = 6.4 et = 112 km/h. Par les

formules du §3B1, on en déduit les paramètres critiques u* = 58 km/h pour la vitesse, et Q* = 4 370 uvp/h pour le débit.

10

En fait, deux effets de structure. Primo, la variance moyenne est sans doute plus faible que la variance réelle à débit faible : la correction est d’expliciter la dispersion individuelle et ses effets sur la vitesse moyenne empirique d’échantillon. Secundo, la répartition des périodes favorise les vitesses élevées, souvent avec des débits faibles : correction en stratifiant l’échantillon

Capacité d’écoulement du trafic

42 Rapport INRETS n°00

Fig. 10. Marge de sécurité en fonction de la vitesse.

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0

3,5

4,0

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

Vitesse (km/h)

Marg

e (

s)

Janvraie

A13

3.B.3 Aspects statistiques

L’analyse désagrégée de la capacité nous permet d’apprécier la portée statistique d’une relation vitesse-occupation, et de la capacité qui en découle.

Comme au §3A1, nous supposons que le débit d’une période de durée H est

une variable aléatoire de moyenne µ= et de variance µ=σ ,

conditionnellement à la vitesse moyenne v (et en régime continu).

En supposant l’indépendance des périodes, et µ d’amplitude à peu près

constante, l’ajustement de la fonction =λ à des points d’observation

λ est un problème de régression avec des observations indépendantes

homoscédastiques (10

).

Application numérique à Janvraie. Le site de Janvraie est une voie rapide urbaine (agglomération nantaise), observée dans un sens de circulation, avec deux files. Le trafic a été observé les jours de semaine de mars 1999, de 7h à 19h, durant 3 500 périodes de 6 mn, avec par période et par file un relevé du débit total, de la vitesse moyenne, du taux d’occupation, et de la proportion de mobiles longs (en base horaire).

En comptant un PL pour = 2.0 uvp et une longueur moyenne = 6 m,

l’ajustement d’un diagramme exponentiel généralisé aux points (Vitesse, Débit

uvp) produit les estimations α = 1.53 ; β = 6.4 et = 112 km/h. Par les

formules du §3B1, on en déduit les paramètres critiques u* = 58 km/h pour la vitesse, et Q* = 4 370 uvp/h pour le débit.

10

En fait, deux effets de structure. Primo, la variance moyenne est sans doute plus faible que la variance réelle à débit faible : la correction est d’expliciter la dispersion individuelle et ses effets sur la vitesse moyenne empirique d’échantillon. Secundo, la répartition des périodes favorise les vitesses élevées, souvent avec des débits faibles : correction en stratifiant l’échantillon

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Rapport�INRETS�n°�265� 43

Critique des définitions antérieuresCritique des définitions antérieures

Rapport INRETS n° 43

La figure 11 illustre l’ajustement du diagramme exponentiel généralisé aux points (Vitesse, Débit uvp) des périodes, pour le site de Janvraie.

Fig. 11. Diagramme exponentiel généralisé pour le site de Janvraie.

0

1000

2000

3000

4000

5000

6000

0 20 40 60 80 100 120 140

Vitesse (km/h)

bit

(u

vp

/h)

Débit

DF

L’ajustement est convenable pour les vitesses < 60 ou > 100 km/h, et médiocre pour la plage intermédiaire de 60 à 100 km/h. Le point critique est estimé avec une vitesse u*= 58 km/h et un débit critique Q* = 4 370 uvp/h. Or, d’après la méthode du débit moyen par tranche de vitesse, la vitesse critique réelle est comprise entre 85-90 km/h, pour une capacité maximale de 4 500 uvp/h.

Ainsi la méthode du débit maximal tiré d’une fonction vitesse-débit, peut livrer des résultats erronés.

Dans l’exemple traité, le débit critique estimé sous-estime légèrement la capacité maximale observée. Le faible écart constaté est un résultat particulier au site, dont les débits sont assez stables sur la plage de vitesses de 50 à 90 km/h.

Dernier commentaire, relatif à la dispersion du nuage de points ( , ).

Les trois causes principales sont :

• Le caractère aléatoire du processus d’arrivées : cela contribue à l’étalement

vertical du nuage.

• Les variations de la proportion de PL dans le trafic, qui contribuent

notamment à l’étalement horizontal du nuage aux vitesses élevées.

• L’instabilité du régime de trafic dans certaines périodes : notamment, dans

une période de retour de l’état saturé à l’état non-saturé, les états intermédiaires présentent des vitesses intermédiaires depuis la vitesse saturée jusqu'à la vitesse non-saturée, à débit constant ou presque.

265

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44� Rapport�INRETS�n°�265

La capacité d'écoulement du traficCapacité d’écoulement du trafic

44 Rapport INRETS n°00

3.C Sur la distribution bimodale des débits

L’estimation de capacité par la distribution bimodale des débits repose sur le principe suivant : connaissant les débits d’un ensemble de périodes, on décrit leur distribution par un histogramme, et on l’interprète comme le mélange de deux sous-populations : respectivement sans contrainte de capacité, et avec contrainte. Si l’histogramme présente deux modes distincts, on infère que le second mode correspond aux états contraints et à la capacité maximale.

Indépendamment des techniques statistiques utilisées pour démêler les deux modes dans un histogramme, la méthode appelle les commentaires suivants :

• En l’absence de saturation, la méthode donne seulement le second mode

des débits observés, sans aucun lien à la capacité.

• L’identification de deux distributions, uniquement sur un histogramme et

sans base théorique, est bien arbitraire.

• Connaissant la distribution des régimes de trafic, le régime saturé

correspond en fait à une plage de vitesses, donc à une gamme de capacités par tranche de vitesse, bien plus qu’à une seule capacité maximale.

• A priori le maximum des capacités par tranche de vitesse, autrement dit le

débit critique, ne coïncide pas avec le mode des capacités en régime saturé : il est systématiquement plus élevé.

Exemple. Pour le trafic au site de Janvraie, observé par périodes de 6 mn, traçons l’histogramme des nombres de véhicules (par tranches de 10) : Cf. figure 12.

Un incrément de 10 véhicules par période correspond à un débit supplémentaire de 100 véh/h.

Fig. 12. Nombres de véhicules par période 6 mn, site de Janvraie.

0

50

100

150

200

250

300

0 40 80 120

160

200

240

280

320

360

400

440

480

520

Nombre de véhicules dans la période

No

mb

re d

e p

éri

od

es 6

mn

L’histogramme présente trois modes : par ordre de valeur croissante, le premier à 850 véh/h, le deuxième à 1950 véh/h et le troisième à 4050 véh/h, à

Capacité d’écoulement du trafic

44 Rapport INRETS n°00

3.C Sur la distribution bimodale des débits

L’estimation de capacité par la distribution bimodale des débits repose sur le principe suivant : connaissant les débits d’un ensemble de périodes, on décrit leur distribution par un histogramme, et on l’interprète comme le mélange de deux sous-populations : respectivement sans contrainte de capacité, et avec contrainte. Si l’histogramme présente deux modes distincts, on infère que le second mode correspond aux états contraints et à la capacité maximale.

Indépendamment des techniques statistiques utilisées pour démêler les deux modes dans un histogramme, la méthode appelle les commentaires suivants :

• En l’absence de saturation, la méthode donne seulement le second mode

des débits observés, sans aucun lien à la capacité.

• L’identification de deux distributions, uniquement sur un histogramme et

sans base théorique, est bien arbitraire.

• Connaissant la distribution des régimes de trafic, le régime saturé

correspond en fait à une plage de vitesses, donc à une gamme de capacités par tranche de vitesse, bien plus qu’à une seule capacité maximale.

• A priori le maximum des capacités par tranche de vitesse, autrement dit le

débit critique, ne coïncide pas avec le mode des capacités en régime saturé : il est systématiquement plus élevé.

Exemple. Pour le trafic au site de Janvraie, observé par périodes de 6 mn, traçons l’histogramme des nombres de véhicules (par tranches de 10) : Cf. figure 12.

Un incrément de 10 véhicules par période correspond à un débit supplémentaire de 100 véh/h.

Fig. 12. Nombres de véhicules par période 6 mn, site de Janvraie.

0

50

100

150

200

250

300

0 40 80 120

160

200

240

280

320

360

400

440

480

520

Nombre de véhicules dans la période

No

mb

re d

e p

éri

od

es 6

mn

L’histogramme présente trois modes : par ordre de valeur croissante, le premier à 850 véh/h, le deuxième à 1950 véh/h et le troisième à 4050 véh/h, à

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Rapport�INRETS�n°�265� 45

Critique des définitions antérieuresCritique des définitions antérieures

Rapport INRETS n° 45

peine visible. En lui appliquant une méthode statistique automatique, seuls les deux premiers modes seraient détectés, alors que le plus proche de la capacité vraie est le troisième !

Au total, la méthode fournit soit un mode des débits en état fluide, ou, si l’on parvient à repérer un mode en état saturé, le mode des débits en état saturé. Elle sous-estime systématiquement la capacité vraie, fortement dans le premier cas ou faiblement dans le second cas.

3.D Révision du modèle semi-poissonnien

Le modèle semi-poissonnien combine des définitions qualitatives, un traitement formel, et une méthode statistique, sur lesquels nous revenons tour à tour.

3.D.1 Comparaison des définitions

Le modèle semi-poissonnien de trafic concerne une seule file de circulation, une seule classe de mobiles et le régime non-saturé. On y associe une charge individuelle à chaque mobile, définie comme la différence entre les instants de passage des extrémités avant de deux mobiles successifs, lorsque le premier gêne le second.

Notre modèle désagrégé approfondit et étend le modèle semi-poissonnien, en explicitant des aspects supplémentaires :

1. la charge individuelle est décomposée en une charge propre et une marge de précaution.

2. La marge de précaution dépend à la fois du type du mobile courant, et du type du mobile précédent sur la même file de circulation.

3. L’influence des vitesses sur la charge individuelle.

4. Les notions de pelotons et de granulats, ainsi que l’ordre des différents types de mobiles dans les pelotons.

5. La distinction entre régime non-saturé et régime saturé : distinction importante, car le régime continu est essentiel pour la capacité. La méthode de troncature pour estimer la capacité consiste à isoler des fragments de trafic en régime saturé, à l’intérieur du régime non-saturé. Plus simplement, et dans un cadre plus général, nous pouvons traiter directement le régime entièrement saturé.

Les améliorations (1) et (2) sont déjà présentes dans Hoogendoorn et Bovy (1998), avec cependant une restriction trop rapide au type du mobile suiveur.

Notre modèle désagrégé de la capacité s’applique quelle que soit la vitesse en régime continu, pas seulement pour les forts débits. Nous avons délimité sa portée en régime non-saturé : elle n’est valide rigoureusement que pour une seule classe de trafic, et en cas d’hétérogénéité il existe seulement une pseudo-capacité.

Enfin la décomposition de la charge individuelle permet d’expliciter les différents composants de la capacité. Pour comprendre l’influence d’un facteur

265

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46� Rapport�INRETS�n°�265

La capacité d'écoulement du trafic Capacité d’écoulement du trafic

46 Rapport INRETS n°00

exogène (ex. la pluie), mieux vaut étudier ses effets sur chaque composant plutôt que sur le résultat global !

3.D.2 Révision du traitement formel

Le traitement formel du modèle semi-poissonnien comprend deux étapes de modélisation.

Première étape, la définition du TIV par l’équation θ=δ , avec δle TIV, y la charge individuelle du mobile suivi, et θ une durée interarrivée.

Ainsi la définition du TIV est une dépendance de la VA δ envers deux VA y et

θ supposées indépendantes.

Seconde étape, la relation entre les répartitions de probabilité de y et δ .

D’après la définition précédente,

λ−

θδ −==

en spécifiant la durée interarrivée θ comme une VA exponentielle de

paramètre λ .

Cela s’inverse en λ−

δ −= , donc en dérivant

λ−δ

λ−

λ−δ

λ−

−=

A propos de la première étape, remarquons que l’équation s’applique aussi au délai D entre deux débuts de services successifs dans une file d’attente M/G/1, en interprétant y comme une durée de service. En effet un tel délai D se compose de y plus éventuellement une durée d’inoccupation u qui suit le service. Si u > 0 alors u correspond à une durée écoulée entre la sortie du mobile suivi et l’entrée du mobile suiveur, c’est une VA exponentielle de

paramètre λ (par la définition du flot d’arrivées). De même dans le modèle

semi-poissonnien, si θ< , alors le résidu −θ est une VA exponentielle de

paramètre λ et indépendante de y. Donc += et θ=δ −θ+= ont la même distribution.

Nous en déduisons que les résultats disponibles pour une file d’attente M/G/1 s’appliquent au modèle semi-poissonnien ; en particulier les tailles de pelotons (nombre de clients servis entre deux périodes inoccupées), Cf. §2C4.

Pour l’ensemble des deux étapes, notre approfondissement qualitatif se

traduit par une sophistication formelle : de même que la VA θ dépend déjà du

débit λ , il faut conditionner la VA de charge y par la vitesse v et par le

paramètre structurel π (proportion de PL dans le cas de deux classes). Consulter l’appendice §7A pour une extension du modèle semi-poissonnien à plusieurs types de mobiles.

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Rapport�INRETS�n°�265� 47

Critique des définitions antérieuresCritique des définitions antérieures

Rapport INRETS n° 47

3.D.3 Révision de la méthode statistique

La méthode d’estimation statistique usuelle du modèle semi-poissonnien

comprend deux étapes : primo l’estimation de λ , secundo l’estimation de la

distribution de y.

Selon notre définition désagrégée, il faut d’abord segmenter les observations en fonction des conditions de trafic, en termes de vitesse moyenne et de proportion de PL.

De plus, l’analogie formelle avec une file d’attente M/G/1 permet

d’interpréter λ comme le débit en mobiles, donc de le mesurer directement.

Alors il suffit d’appliquer la formule de conversion λ−

δ −=pour obtenir la fonction de répartition empirique de la charge individuelle y.

En appendice §7A2, nous montrons que si les charges individuelles sont constantes égales à y, alors on peut estimer y par la formule simple

δ−δ= , en fonction de la moyenne δ et de la variance δd’un échantillon de temps intervéhiculaires.

265

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Rapport�INRETS�n°�265� 49Rapport INRETS n° 49

4. Questions de mesure

Dans les parties précédentes, nous avons donné des définitions théoriques pour la capacité d’une route, les charges individuelles, les régimes non-saturé ou saturé de trafic.

Pour appliquer ces concepts à des situations pratiques, il faut connaître les valeurs numériques des grandeurs, des paramètres : c’est la question de la mesure et de l’estimation statistique.

Nous commençons par recenser les grandeurs à mesurer (section 4A), et par donner des ordres de grandeur en transport routier (section 4B). Puis nous présentons deux familles de méthodes de mesure, basées sur des observations respectivement désagrégées (section 4C) ou agrégées (section 4D). Enfin nous indiquons comment évaluer une action d’exploitation (section 4E).

4.A Les grandeurs à mesurer

4.A.1 Les caractères des mobiles

Il s’agit d’identifier les mobiles : précisément, pour chaque mobile, de reconnaître son type (ou classe), sa file de circulation, son instant de passage, sa longueur, son temps de présence au point de mesure (sa charge propre), sa vitesse.

D’autres caractères du mobile sont plus complexes : l’intervalle depuis le mobile précédent sur la même file est la somme de la marge de précaution et de l’intervalle libre (nul en présence de gêne).

En régime continu, la marge de précaution dépend de l’instant de passage du mobile précédent sur la file, de son type et de sa vitesse, ce qui justifie de reporter ces informations au niveau du mobile courant.

A l’intérieur d’une classe de mobiles, les longueurs individuelles, les marges de précaution, sont vraisemblablement dispersées. Le plus important n’est pas de mesurer quelques valeurs, mais d’obtenir une description statistique, sous la forme d’une variable aléatoire, avec au minimum la moyenne et la variance, et si possible aussi la fonction de répartition.

4.A.2 Les caractères du trafic

Cela va de la vitesse et des débits, jusqu’à la capacité en fonction de la vitesse.

Certaines questions sont plus importantes pour certains modes de transport que pour d’autres. Pour analyser la capacité d’un arc ferroviaire, il suffit de connaître les longueurs des trains, leurs vitesses, leur décélération, leurs débits par classes, et le délai d’alerte (Cf. §2B1).

265

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50� Rapport�INRETS�n°�265

La capacité d'écoulement du traficCapacité d’écoulement du trafic

50 Rapport INRETS n°00

En transport routier le trafic est beaucoup moins contrôlé par l’exploitant, et de nombreux aspects nécessitent des mesures :

• La démarcation entre régime non-saturé et régime saturé. En fonction du

taux d’occupation (11

) ou de la vitesse, ou de la proportion de mobiles gênés.

• En régime non-saturé, la fonction débit-structure-vitesse U(π, λ) ; les marges de précaution, les intervalles libres et la structure granulaire des pelotons.

• En régime saturé, la capacité, la structure granulaire du flot, les marges de

précaution.

• Pour tous les régimes, les relations entre les files de circulation.

• Les contributions respectives des classes de mobiles à la congestion (Cf. §4B2 et §4D3).

Une complexité supplémentaire tient aux variations instantanées de certaines grandeurs, notamment les vitesses et les marges de précaution en régime continu, lorsque le trafic progresse par bonds (oscillations en stop-and-go).

A priori une marge de précaution plus faible sollicite davantage la vigilance du conducteur. Elle produit un inconfort de conduite accru, d’autant plus grand que la distance à parcourir est plus longue. Cela peut expliquer la différence de capacité entre les milieux urbain et interurbain : en urbain sur quelques km les conducteurs acceptent l’inconfort supplémentaire, mais pas en interurbain sur plusieurs dizaines de km.

4.B Ordres de grandeur en trafic routier

4.B.1 Charge propre et marge de sécurité

En comptant une longueur moyenne = 4.2 m pour une voiture et =

15 m pour un poids lourd, le tableau 1 donne les charges propres pour plusieurs valeurs de la vitesse.

En régime saturé, la marge moyenne de précaution vaut environ 1.5 s : d’après à la fois un site français à Janvraie (Cf. §3B3 et §4D4) et des sites

néerlandais, Cf. Hoogendoorn et Bovy (1998).

Cependant ces deux sources divergent quant à l’écart-type de la marge de

précaution : σ = 2.5 s à Janvraie contre σ′ ≤ 0.8 s aux Pays-Bas (celui-ci

inclut aussi les variations de longueur).

Des explications possibles sont :

11

on peut admettre que l’état est discret pour ω ≤ 10%, et continu pour ω ≥ 20%. Les valeurs intermédiaires englobent l’état « liquide » du trafic

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Rapport�INRETS�n°�265� 51

Questions de mesureQuestions de mesure

Rapport INRETS n° 51

• les vitesses à Janvraie vont de 20 à 65 km/h, donc l’écart-type inclut aussi

les phénomènes d’oscillation à vitesse faible ;

• pour Janvraie nous avons négligé les intervalles libres. Côté néerlandais

ces intervalles sont explicites, et leur dispersion s’ajoute à σ′ pour former

σ comparable à σ . De plus la proportion η d’intervalles libres est forte,

peut-être surestimée, ce qui irait de pair avec une sous-estimation de σ′ .

Tab. 1. Charges propres (vitesse PL plafonnée à 90 km/h).

Vitesse (km/h) Charge VL (s) Charge PL (s)

20 0.76 2.70

40 0.38 1.35

60 0.25 0.90

80 0.19 0.68

100 0.15 0.60

120 0.13 0.60

4.B.2 Le coefficient d’équivalence des poids lourds

En régime continu stable, un PL apporte une charge moyenne , contre

pour une voiture. Le rapport = est un coefficient

d’équivalence d’un PL en VL, en ce qui concerne la charge de trafic (et pour le RCS).

D’après des observations de l’autoroute A6, une valeur plausible pour sur autoroute interurbaine est d’environ 2 dans la gamme de vitesses de 80 à

90 km/h. Ce rapport entre et est dû principalement aux marges de

sécurité :

++

==

avec ≈ et ≈ donc ≈≈ .

On peut expliquer ce rapport par la considération microscopique suivante :

en régime continu, chaque mobile tend à réduire sa marge de précaution pour

gagner un peu de temps. Une tactique usuelle est de réduire le délai d’alerte en

cas de ralentissement brusque, en surveillant les feux arrière non seulement du

mobile précédent n-1 mais encore des mobiles antérieurs n-2, n-3… Or cela

n’est pas possible derrière un PL dont la hauteur empêche de voir les mobiles

antérieurs. Ainsi la marge derrière un PL peut être double ou triple de celle

derrière un VL.

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52� Rapport�INRETS�n°�265

La capacité d'écoulement du trafic Capacité d’écoulement du trafic

52 Rapport INRETS n°00

Hoogendoorn et Bovy (1998) supposent a priori que la marge de précaution ne dépend pas de la classe du mobile précédent, et ils la relient uniquement au type du mobile. Nous recommandons plutôt de la relier aux types des deux mobiles ; ou, à défaut, de la relier uniquement au type du mobile précedent. Il y a là une piste sérieuse pour amender les conclusions de ces deux auteurs, qui probablement sous-estiment la marge derrière un PL : dans leur modèle, cela revient à surestimer les proportions de mobiles libres, et aussi à sous-estimer la dispersion des marges de précaution. Leur modèle semble convenir au cas des VL, mais il paraît erroné pour les PL.

4.B.3 Capacité d’une file ininterrompue

En fixant = 1.3 s, = 2.5 s, = 4.2 m et = 15 m, nous

pouvons évaluer la capacité routière d’une file ininterrompue, en fonction de la vitesse et de la proportion de PL.

Le tableau 2 évalue des charges individuelles par classe de mobiles et en

moyenne, pour une proportion de poids lourds de π = 10%.

Tab. 2. Charges et capacité.

Vitesse (km/h)

Charge VL (s) Charge PL (s) Charge moyenne

si π = .1 (s)

Capacité (véh/h)

20 2.16 5.20 2.46 1 463

40 1.78 3.85 1.99 1 813

60 1.65 3.40 1.83 1 971

80 1.59 3.18 1.75 2 060

100 1.55 3.04 1.70 2 118

120 1.53 2.95 1.67 2 158

4.C Mesure désagrégée de la capacité

Dans cette sous-partie et la suivante, nous considérons uniquement des mesures locales, ponctuelles, du trafic routier. Rappelons que les autres possibilités sont la mesure bipolaire et le relevé de trajectoire (Cf Leurent, 2001, §12 et §4 resp.).

Une méthode d’estimation est dite désagrégée si elle utilise des observations désagrégées (au niveau individuel), avec une représentation probabiliste qui respecte les caractères individuels. Dans ce cas, le traitement statistique consiste d’abord à préciser la représentation probabiliste, puis à appliquer un estimateur doté de bonnes propriétés théoriques : l’estimateur du maximum de vraisemblance est la solution standard.

Dans la suite de cette section, nous passons en revue les variables désagrégées locales et les aspects qui méritent une estimation. En particulier nous examinons les méthodes d’estimation désagrégée de la capacité (§4) : la

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Rapport�INRETS�n°�265� 53

Questions de mesureQuestions de mesure

Rapport INRETS n°00 53

méthode de troncature, la méthode de Branston et celle de Hoogendoorn et Bovy, ainsi que notre proposition d’estimation en régime saturé / continu, qui constitue une méthode simple et robuste.

4.C.1 Information désagrégée

Les capteurs modernes du trafic routier peuvent mesurer, pour chaque mobile qui passe au point de mesure :

• La file, l’instant de passage, la durée de présence.

• Le type d’après la silhouette, la longueur, la vitesse.

• Et même le nombre d’essieux, le poids par essieu.

On peut aussi associer au mobile courant la durée écoulée depuis le passage du mobile précédent sur la même file, et d’autres caractères du mobile précédent (type et vitesse).

4.C.2 Estimation d’une fonction débit-vitesse

Pour estimer une fonction débit-vitesse U(π, λ) valide en régime non-saturé,

avec des observations locales désagrégées, Cf. Leurent (2001) : §2, 5 et 11 et 12.

4.C.3 Analyse des transitions, des granulats et des pelotons

Il s’agit d’observer les transitions entre types de mobiles consécutifs, pour chaque file de circulation, afin de révéler des granulats et des pelotons.

En régime saturé, le flot forme un seul peloton, sans grande disparité des vitesses (hors effet d’oscillation), donc il est facile d’observer les granulats.

En régime non-saturé, pour délimiter les pelotons il convient d’observer non seulement les instants de passage et les transitions, mais aussi les vitesses individuelles. Une différence significative de deux vitesses consécutives marque une limite de peloton (Cf. Aron et Durrande, 2000).

4.C.4 Estimation désagrégée de la capacité

Il existe quatre méthodes pour estimer la capacité routière définie de manière désagrégée : (a) la méthode de troncature (citée par Cohen 1990 d’après Buckley 1962, 1968) ; (b) celle de Branston (1976) qui utilise toute l’information ; (c) la méthode d’Hoogendoorn et Bovy (1998) ; et (d) notre proposition de restriction à l’état saturé.

4C4a La méthode de troncature

Ayant observé une suite de mobiles, on détermine un seuil de temps T tel qu’un mobile est considéré libre si son TIV dépasse T. Les TIV au delà de T

révèlent le débit λ en mobiles, ce qui permet de filtrer toute la distribution des

TIV et d’obtenir la charge individuelle moyenne.

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54� Rapport�INRETS�n°�265

La capacité d'écoulement du traficCapacité d’écoulement du trafic

54 Rapport INRETS n°00

Cette méthode a été appliquée notamment par Cohen (1983) à l’autoroute A7 au sud de Valence, avec les résultats suivants :

• file de gauche : −≈ , −≈λ et capacité de 2 300 à 2 800

véh/h.

• file de droite, −≈ , −≈λ et capacité de 1 200 à 1 600

véh/h.

La méthode statistique employée appelle deux critiques. D’une part,

l’échantillon sert deux fois de suite, d’abord pour estimer λ puis pour filtrer la

distribution, d’où potentiellement une forte incertitude sur la capacité estimée. D’autre part, les observations sont segmentées selon le débit par périodes, même si ensuite les observations sont traitées individuellement : or le groupement des périodes selon le débit introduit un biais, de même que dans l’estimation de la capacité par un débit maximal (Cf. §3A).

Au §3D3 nous avons indiqué une méthode plus simple pour le modèle semi-poissonnien. Voir aussi au §7A2 une méthode très simple pour le modèle équivalent de Branston.

4C4b La méthode de Branston

Branston (1976, Cf. §7A4) prescrit d’expliciter la proportion η de mobiles

gênés dans la classe c, et modéliser le TIV (entre extrémités arrière) comme le

mélange de TIV libres en proportion η− et de TIV gênés en proportion η .

La proportion η forme un paramètre supplémentaire, à estimer conjointement

avec les paramètres de la charge individuelle et des intervalles libres, par une méthode du maximum de vraisemblance.

4C4c La méthode de Hoogendoorn et Bovy

Hoogendoorn et Bovy (1998, Cf. §7A3) étendent au cas multiclasse l’approche de Branston pour expliciter la fonction de répartition ; mais, plutôt qu’utiliser l’estimateur du maximum de vraisemblance, ils préfèrent minimiser l’écart quadratique entre les fonctions de répartition théorique et empirique.

Voici les résultats qu’ils obtiennent pour des autoroutes néerlandaises :

• Des charges individuelles qui suivent une distribution gamma généralisée

décalée, avec des décalages de 0.2 s, des moyennes d’environ 1.5 s, des variances d’environ 0.7 s².

• Des capacités de 2 200 à 2 400 uvp/h.

• Des coefficients d’équivalence des PL en VL d’environ 1.3.

• Des proportions de mobiles gênés de 60-70% pour les VL et 30-45% pour les camions.

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Rapport�INRETS�n°�265� 55

Questions de mesureQuestions de mesure

Rapport INRETS n°00 55

4C4d La méthode de restriction à l’état saturé

Nous proposons d’expliciter les marges de précaution selon la classe non seulement du mobile courant mais aussi du mobile suivi : autrement dit, considérer les marges de précaution par type de transition.

Dans ce cadre on peut adapter les méthodes de troncature, de Branston, ou de Hoogendoorn & Bovy. Mais, beaucoup plus simplement, une alternative est de se restreindre aux périodes en régime continu, afin d’identifier directement des charges individuelles, et de calculer la moyenne empirique et la variance empirique par type de transition.

La méthode du débit moyen par tranche de vitesse est une forme simplifiée, où l’on se contente d’observations agrégées.

4.D Mesure agrégée de la capacité

Dans la troisième partie, nous avons mis en évidence les biais systématiques de deux méthodes agrégées traditionnelles : l’observation du débit maximal, ou d’un fractile de la distribution des débits. Deux autres méthodes traditionnelles, le débit critique issu d’une relation vitesse-débit et le second mode d’une distribution des débits, n’ont pas de fondement statistique rigoureux : elles peuvent conduire à des résultats erronés.

En revanche, la méthode du débit moyen par tranche de vitesse, proposée au §3A2, est fondée statistiquement et exempte de biais. Nous donnons ci-après une procédure détaillée et un exemple (§4D2), avant d’indiquer comment déterminer les équivalences entre types de mobiles (§4D3). De plus, nous proposons des méthodes agrégées plus sophistiquées, pour estimer davantage de paramètres (§4D4). Signalons aussi une méthode agrégée simple, exposée au §7A2.

4.D.1 Nature de l’information agrégée

En trafic routier, l’information communément disponible est agrégée par période temporelle, selon une condition de durée : souvent 6 minutes ou une heure.

Par période, on résume l’état du trafic au point de mesure par le débit total en mobiles, la vitesse moyenne harmonique et le taux d’occupation.

On peut aussi distinguer les types de mobiles, tant pour le débit que pour la vitesse et le taux d’occupation (

12).

4.D.2 La méthode du débit moyen par tranche de vitesses

L’ajustement d’une relation entre la vitesse et le débit, ou de manière équivalente entre la vitesse et le taux d’occupation, est actuellement la principale méthode pour estimer la capacité en intégrant à la fois deux

12

En France en 2000, certains capteurs ne mesurent pas la vitesse ni le type de véhicules. Si elle est disponible, la segmentation par type se réduit souvent à la proportion de PL

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56� Rapport�INRETS�n°�265

La capacité d'écoulement du traficCapacité d’écoulement du trafic

56 Rapport INRETS n°00

informations par période d’agrégation : la vitesse et le taux d’occupation, ou de façon équivalente le débit et la vitesse.

Les méthodes agrégées traditionnelles induisent des biais systématiques (Cf. partie 3). Dans l’objectif de déterminer un débit moyen par tranche, qui révèle la capacité dans le cas du régime saturé, nous avons recommandé au §3A2 de segmenter les débits par tranches de vitesses (et par structure de trafic, par conditions exogènes). Nous appelons cette procédure la « méthode du débit moyen par tranche de vitesse », elle est exempte de biais.

4D2a Procédure d’application

La méthode du débit moyen par tranche de vitesse s’applique à une route dans un sens de circulation, soit à l’ensemble des files soit à une file en particulier.

Elle nécessite des observations du trafic par périodes de durée identique, avec pour chaque période un identifiant temporel (date et heure), le débit par classe de mobiles, la vitesse moyenne (si possible par classe de mobiles), et un relevé des conditions exogènes (ex. météo). La date et l’heure indiquent certaines conditions exogènes (ex. jour ou nuit), et surtout la situation respective des périodes.

Pour mettre en œuvre la méthode, voici une procédure détaillée en étapes :

1- Définir les conditions exogènes, et la structure du trafic. Typiquement, en

trafic routier on peut mesurer la structure du trafic par la proportion de poids

lourds, par tranches de 2 à 5%.

2- Pour chacune des conditions exogènes ainsi distinguées, définir les

tranches de vitesse. Typiquement, des tranches larges de 5 km/h

conviennent en trafic routier.

3- Grouper les périodes d’observation en lots, selon les conditions exogènes

et les tranches de vitesses. Pour chaque lot, exclure les périodes instables,

durant lesquelles la vitesse varie de manière sensible. Pour cela, on peut

exclure les périodes h dont la vitesse moyenne diffère de celles des

périodes adjacentes, ex. qui viole la condition ≤−+− +− 8

km/h.

4- Pour chaque lot, calculer les débits moyens des observations subsidiaires.

5- Pour chaque condition exogène, comparer les tranches de vitesse, afin

d’identifier les régimes de trafic respectivement non-saturé et saturé.

6- Pour chaque lot en état saturé, le débit moyen mesure la capacité associée

aux conditions exogènes et à la vitesse.

7- Le débit moyen maximal des lots en état saturé, pour des conditions

exogènes fixées, mesure la capacité maximale de la route, son débit

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Rapport�INRETS�n°�265� 57

Questions de mesureQuestions de mesure

Rapport INRETS n°00 57

critique. La vitesse associée est la vitesse critique. Pour une autoroute, la

vitesse critique s’élève typiquement à 85-95 km/h.

8- Eventuellement, on peut utiliser les débits moyens par classe de véhicules

pour les lots en état saturé, afin de mesurer le coefficient d’équivalence

d’un PL en uvp : Cf. §4D3.

9- Eventuellement, à structure donnée de trafic on peut utiliser le débit critique

et les observations en état non-saturé pour mesurer des fonctions lenteur-

débit, Cf. §5 dans Leurent (2001).

4D2b Exemple d’application

Pour le site de Janvraie, nous avons groupé les périodes d’observation par tranche de vitesse de 5 km/h : Cf. figure 13.

Pour chaque tranche nous avons calculé le débit moyen, l’écart-type d’estimation et un intervalle de confiance à 95% sur le débit moyen (délimité par les points sur les courbes Inf et Sup de la vitesse).

Les tranches de vitesse de 40 à 65 km/h ont des observations assez nombreuses, et leurs intervalles de confiance sont réduits. En revanche les tranches de 65 à 80 km/h ont peu d’observations ; les valeurs moyennes sont peu précises, et le « creux » de débit moyen observé à ces vitesses n’est pas certain.

Signalons que les valeurs obtenues sont seulement des résultats préliminaires, qu’il reste à affiner en excluant les périodes instables.

Fig. 13. Estimation de la capacité d’après le débit moyen.

200

250

300

350

400

450

500

550

0 20 40 60 80 100Vitesse moyenne (km/h)

Nb

de v

éh

icu

les (

6 m

n)

Moyenne

Inf

Sup

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58� Rapport�INRETS�n°�265

La capacité d'écoulement du trafic Capacité d’écoulement du trafic

58 Rapport INRETS n°00

4.D.3 L’équivalence entre types de mobiles

Le trafic routier à longue distance se compose principalement de deux

classes de mobiles : les VL et les PL. La proportion π de PL décrit de façon résumée la structure du trafic. En régime saturé de vitesse v, la capacité

d’écoulement πκ dépend à la fois de π et de v.

4D3a Capacité en uvp et coefficient d’équivalence d’un PL

A vitesse v fixée, la capacité en véhicules πκ est une fonction de la

proportion π de poids lourds (PL).

Supposons ici que les marges de sécurité dépendent uniquement du type du

véhicule suivi, donc que == et == . En

prenant des charges individuelles égales à la charge propre plus la marge de

précaution derrière le véhicule courant, pour une voiture += et

pour un PL += . On vérifie alors que

1 = π+π−κπ

ππ +≈

avec π et π les débits moyens en VL et en PL d’un ensemble de

périodes aux conditions (π, v).

En présence uniquement de VL, π = 0 et 1 = κ : la capacité

=κ est appelée la capacité en unité de voitures particulières (uvp).

En pratique > . Le rapport = est le coefficient

d’équivalence d’un PL en VL, ou en uvp, supposé ici indépendant de la

proportion π mais pas de la vitesse v.

4D3b Mesure du coefficient d’équivalence

Pour deux valeurs π et π’ distinctes, on vérifie approximativement

1 ππ +≈ π′π′ +≈

Donc le coefficient d’équivalence d’un PL en VL se mesure par l’estimateur

ππ′

π′π−−

≈=

Cette formule sert à estimer le coefficient d’équivalence, d’après des

observations de débits moyens par classe de mobiles, pour les conditions (π, v)

et (π’, v).

En appendice §7B, nous approchons la variance de l’estimateur du coefficient d’équivalence, et nous montrons qu’un grand nombre de périodes est nécessaire pour assurer une précision satisfaisante.

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Rapport�INRETS�n°�265� 59

Questions de mesureQuestions de mesure

Rapport INRETS n°00 59

4D3c Un exemple en milieu interurbain (13

)

Sur l’autoroute interurbaine A6, le capteur du PR 337 a été observé toute l’année 1997 par périodes de 6 mn. Les périodes ont été groupées selon la tranche de vitesse moyenne (de 5 en 5 km/h) et selon la proportion de PL.

Pour la tranche de 80 à 85 km/h, les débits observés sont de l’ordre de 4 000-4 500 véh/h. Pour les périodes à faible proportion de PL, on calcule un débit moyen de 4 300 véh/h avec environ 4 100 VL/h et 200 PL/h. Pour les périodes à forte proportion de PL, on calcule un débit moyen de 4 100 véh/h avec environ 3 700 VL/h et 400 PL/h. Pour cette tranche de vitesse, on estime le coefficient d’équivalence d’un PL en VL en calculant (4 100-3 700)/(400-200) = 2.0.

4.D.4 Estimation agrégée de paramètres désagrégés

Indiquons des méthodes pour estimer les paramètres désagrégés de la capacité avec des observations agrégées, en régime saturé de trafic.

4D4a Cas simple : charges exponentielles

Le cas de base correspond à des charges individuelles qui suivent une

distribution exponentielle de paramètre =µ , en régime saturé et à

vitesse v uniforme. Alors un nombre N de mobiles écoulés pendant une durée

H est une variable aléatoire de Poisson, de paramètres µ . La probabilité

d’observer l’événement {N = n} est µ= µ−

.

C’est aussi la vraisemblance de µ sachant v, H et n. La vraisemblance de

K observations indépendantes est

∏ =µ− µ=

En maximisant la log-vraisemblance =Λ par rapport aux paramètres

de µ , on obtient un estimateur du maximum de vraisemblance de ces

paramètres.

Exemple. Avec un seul comptage de n mobiles pendant H, la log-vraisemblance est

+µ+µ−=Λ

donc µ+−=µΛ . L’EMV de µ vérifie =µΛ , donc =µ .

La dérivée seconde vaut µ−= , et à l’optimum –1/a = µ²/n approche la

13

traitement effectué par Madame Simonet, Sétra

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60� Rapport�INRETS�n°�265

La capacité d'écoulement du traficCapacité d’écoulement du trafic

60 Rapport INRETS n°00

variance de l’EMV. On obtient un intervalle de confiance au niveau 1-α, sous la

forme

µ±µ=µ α

.

Application numérique. Pour H = 6 mn et n = 300 véh, µ = .8 /s. L’intervalle

de confiance à 95% est µ ∈ [.7 ; .9] /s.

Exemple du site de Janvraie. En se limitant aux 200 périodes en régime

continu certain (Vitesse ≤ 65 km/h), l’hypothèse d’une distribution exponentielle

de paramètre +=µ fournit l’estimation = 1.57 s (on prend en

compte les f = 2 files en modifiant la durée en H’ = f H ; on fixe = 4.2 m et

= 15 m).

4D4b Une approximation pour le cas général

Dans le cas général, sans hypothèse exponentielle pour les charges

individuelles , la durée H est proche de == . Sous l’hypothèse

d’indépendance entre les charges successives, si N est grand alors est

proche d’une variable aléatoire gaussienne de moyenne et de variance

σ . On peut associer à chaque période la log-vraisemblance

=ΘΛ

+σ+σ

−−

qui mesure la (log) probabilité d’observer N à la période h, en fonction d’un

paramètre Θ de et σ .

Pour un ensemble O d’observations h indépendantes, la fonction de log-

vraisemblance ∈ ΘΛ=ΘΛ mesure la (log) probabilité des

observations.

La valeur de Θ qui maximise numériquement la log-vraisemblance est

l’estimateur du maximum de vraisemblance de Θ.

4D4c Exemple

Pour le site de Janvraie, reprenons les périodes en régime saturé, mais

cette fois en supposant des marges de précaution de moyenne et variance

σ indépendantes des classes, et des longueurs individuelles distribuées (

= 4.2 m et σ = 0.9 m pour les VL, = 15 m et σ = 3.7 m pour les PL).

Par maximisation numérique de la fonction de log-vraisemblance Λ, on obtient l’estimation du maximum de vraisemblance :

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Rapport�INRETS�n°�265� 61

Questions de mesureQuestions de mesure

Rapport INRETS n°00 61

• = 1.57 s pour le paramètre de marge moyenne,

• σ = 2.56 s pour le paramètre d’écart-type des marges.

L’estimation de la marge moyenne est quasi-identique au cas exponentiel, mais on obtient de plus une estimation de l’écart-type des marges de précaution individuelles.

Fig. 14. Reconstitution du régime continu à Janvraie.

200

300

400

500

600

20 30 40 50 60 70

Vitesse (km/h)

No

mb

re d

e v

éh

icu

les

Observé 6 mn

Capacité 6 mn

4.E Evaluer une action d’exploitation

Les protocoles de mesure statistique servent non seulement à caractériser une situation standard, mais aussi à comparer deux situations. En particulier certaines actions d’exploitation routière visent à améliorer la capacité : pour évaluer leurs effets, on étudie séparément deux situations respectivement « sans action » et « avec action », puis on compare les résultats associés.

4.E.1 Des actions sur la capacité

La structure du trafic influence la capacité : notamment un accroissement de la proportion de mobiles longs ou lourds, réduit la capacité en mobiles.

A structure de trafic fixée, la configuration de la route détermine la capacité : nombre de files dans le sens de circulation, nombre de files partagées avec l’autre sens, largeur de chaque file, proportion de temps de disponibilité (Cf. §2B2), limitation légale des vitesses.

Enfin des causes particulières modulent la capacité : les incidents/accidents, les conditions climatiques (pluie, brouillard, neige), l’éclairage nocturne, la « discipline » du trafic et la régulation des vitesses.

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62� Rapport�INRETS�n°�265

La capacité d'écoulement du traficCapacité d’écoulement du trafic

62 Rapport INRETS n°00

Les actions d’exploitation sur la capacité consistent à modifier la configuration de la route ou les causes particulières contrôlées par l’exploitant. Consulter par exemple Chauvin et al. (1997) pour la largeur de voie, Cohen (1983) pour la régulation des vitesses, et Van Goeverden et al. (1998) pour l’éclairage nocturne.

4.E.2 Principes de l’évaluation

L’évaluation d’une action d’exploitation repose sur la comparaison de deux situations, respectivement sans ou avec l’action. Dans chaque situation, on mesure la capacité routière, puis on compare la capacité sans action à la capacité avec action.

D’après les développements précédents, il convient dans l’évaluation :

• De caractériser l’intensité du trafic et sa structure dans chaque situation,

ainsi que les conditions de vitesse en moyenne et en variance.

• De caractériser la capacité en fonction des facteurs précédents, et si possible en distinguant les éléments de capacité que sont les charges propres, les marges de précaution et les intervalles libres entre les pelotons.

• De comparer les capacités alternatives de manière statistique, en

explicitant les intervalles de confiance. A cet égard, la définition désagrégée permet de comparer la capacité élément par élément, et pour chaque élément de tester l’hypothèse d’égalité ou de différence des valeurs prises dans chaque situation.

Evidemment les méthodes désagrégées de mesure facilitent les tests d’hypothèses : par exemple le test d’égalité entre les moyennes de deux échantillons désagrégés utilise davantage d’information, donc il est plus concluant.

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Rapport INRETS n° 265 63Rapport INRETS n°00 63

5. Conclusion

5.A Bilan

Nous avons rappelé les définitions antérieures de la capacité routière : agrégées comme le débit maximal observé, ou désagrégée dans le modèle semi-poissonnien.

Après avoir confronté ces définitions à la théorie des files d’attente, nous avons donné un modèle désagrégé synthétique : en régime continu la capacité d’une file est un débit moyen, fonction de la structure du trafic (classes de mobiles) et de la vitesse, inversement proportionnel à la charge individuelle d’un mobile. Nous décomposons la charge individuelle en charge propre et en marge de précaution, qui dépend du type de mobile courant et du type du mobile précédent sur la file de circulation.

Notre modèle désagrégé est apparenté à la théorie des files d’attente et au modèle semi-poissonnien. Par rapport à ce dernier, nous distinguons plusieurs classes de mobiles ; surtout, nous décomposons la charge individuelle et nous explicitons la structure des pelotons. De plus nous limitons la définition de base au régime saturé et à une vitesse exogène, ce qui nous permet ensuite de l’étendre de manière cohérente : aux files multiples ; aux services intermittents, notamment en transport collectif ; aux services avec garantie de fiabilité, notamment en transport ferroviaire ; et au régime non-saturé de trafic.

A la lumière de notre modèle désagrégé, nous avons interprété les principales définitions antérieures de la capacité : le débit maximal observé ; la capacité issue d’une relation vitesse-débit ; celle du modèle semi-poissonnien. Ces méthodes induisent des biais. Pour estimer sans biais la capacité d’après des observations de débit et vitesse par période, il suffit de segmenter les périodes par tranche de vitesse et de calculer le débit moyen dans chaque tranche : c’est notre méthode de débit moyen par tranche de vitesse.

5.B Portée de la contribution

En résumé, nous avons donné une définition rigoureuse de la capacité, grâce à un modèle désagrégé, ainsi que des méthodes de mesure rigoureuses et justifiées théoriquement.

Notre modèle théorique nous a servi à qualifier statistiquement les définitions antérieures de la capacité : les définitions désagrégées antérieures sont trop simplistes et confondent abusivement les états de trafic, tandis que les définitions agrégées antérieures induisent des biais préjudiciables.

Nous recommandons aux ingénieurs de transport qui utilisent les définitions antérieures, de s’appuyer désormais sur notre modèle et les méthodes

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64 Rapport INRETS n° 265

La capacité d'écoulement du trafic Capacité d’écoulement du trafic

64 Rapport INRETS n°00

associées. Ce nouveau corpus a l’avantage non seulement de la rigueur théorique, mais aussi de l’économie, car la méthode du débit moyen par tranches de vitesse est plus simple d’emploi que les définitions antérieures.

Nous avons appliqué le modèle à plusieurs modes de transport, en dégageant d’abord les caractères communs puis les caractères spécifiques. En étudiant les caractères communs avant les spécificités, nous avons obtenu une « économie d’envergure » dans l’analyse du transport.

Historiquement, il est surprenant que la capacité comme fonction de la vitesse n'ait jamais été définie rigoureusement jusqu’à présent, alors que l’ingénierie du trafic routier s’est développée dès les années 1920. Voici quelques éléments d’explication :

1) Les premières recherches portaient sur la distance de sécurité. La notion de charge individuelle était sous-jacente dans le débat entre Clayton et Garwood (1941) (

14), mais la deuxième guerre mondiale a interrompu ce courant de

recherche.

2) Depuis les années 1950, les physiciens qui étudient le transport se sont concentrés sur les modèles hydrodynamiques de trafic. Par construction ces modèles identifient le trafic à un fluide continu, disons un liquide, ce qui empêche d’analyser finement tant le régime discret-gazeux, que le régime continu-solide le plus extrême (progression par bonds). Les tentatives de désagrégation du trafic, dans ce courant de recherche, sont restées trop timorées (notamment l’approche thermodynamique-cinétique actuellement représentée par Helbing), par manque d’hypothèses probabilistes.

3) Depuis les années 1930 et surtout 1950, la théorie des files d’attente a connu un fort développement, bénéfique dans bien des domaines, mais qui a plutôt obscurci la notion de capacité en transport, car les ingénieurs de transport n’ont pas explicité l’interaction entre vitesse et capacité.

4) Les définitions désagrégées antérieures, particulièrement le modèle semi-poissonnien, reposent sur un modèle physique simpliste. Leurs auteurs se sont concentrés sur les aspects statistiques, trop précocement ! La sophistication statistique a masqué la faiblesse du modèle physique.

5) Les définitions agrégées antérieures sont des méthodes heuristiques, établies progressivement par des consensus d’ingénieurs soumis à des contraintes de simplicité. L’absence de modèle physique a été masquée par le caractère intuitif. L’absence de fondement statistique a été masquée par divers « habillages » statistiques. Retenons-en que l’analyse statistique de données devrait commencer par une analyse sémantique (physique) et probabiliste, plutôt que par des techniques numériques « exploratoires ».

14

j’ai consulté l’article de Clayton (1941) au cours d’une recherche bibliographique sur les pelotons en trafic routier. L’article est suivi d’une discussion, dans laquelle le Dr. Garwood interroge Clayton sur la relation entre TIV et vitesse, puis propose d’étudier la capacité en considérant les débits par tranches de vitesses (elements of velocity, Fig. 12) : lui-même reconnaît ne pas faire le lien théorique

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Rapport INRETS n° 265 65

ConclusionConclusion

Rapport INRETS n°00 65

5.C Prolongements

Notre modèle est destiné à de multiples prolongements : non seulement au plan appliqué, mais encore en théorie physique du trafic, et en économie du transport.

Au plan appliqué, le prolongement prioritaire est une application de référence au mode routier : choisir un site avec tous les régimes de trafic, l’instrumenter complètement en distinguant les files, recueillir l’information désagrégée, et appliquer les méthodes d’estimation désagrégées et agrégées.

En théorie physique du trafic, des prolongements peuvent traiter :

• La capacité d’un nœud et sa répartition entre les arcs incidents. Notamment

pour les carrefours avec priorité mais non signalisés : carrefours en T,

carrefours giratoires. Pour chaque arc incident, il peut être nécessaire de

distinguer les mobiles non seulement par type de véhicule, mais aussi selon

le mouvement tournant à l'issue de l'arc.

• l’analyse des pelotons dans le modèle à deux classes (Cf. §2C4).

• la progression par bonds en régime saturé / continu.

• la capacité de stockage d’une route. L’interaction entre la capacité

d’écoulement étudiée ici, et la capacité de stockage, est un aspect essentiel

de l’affectation dynamique du trafic sur un réseau.

En économie du transport, la capacité d’une route mesure sa productivité en état continu. Il reste à préciser ce constat de manière micro-économique, à bien distinguer la capacité et le débit en état non-saturé, à en établir les conséquences pour la fonction de production d’une route et pour les choix d’investissement en transport.

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Rapport INRETS n° 265 67

Rapport INRETS n°00 67

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Rapport INRETS n° 265 69Rapport INRETS n°00 69

7. Appendice

7.A Sur le modèle semi-poissonnien

7.A.1 Extension à plusieurs types de mobiles

Précisons ici comment étendre le modèle semi-poissonnien à plusieurs types de mobiles.

On observe un flot de mobiles, notamment les instants de passage et les

types de mobiles. Pour une transition entre deux mobiles, notons δ l’intervalle

des instants de passage, α le type du mobile suiveur et β le type du suivi.

Dans le cas à une seule classe, on n’observe pas α et β, d’où une

distribution unique pour δ et pour y, reliées par λ−

δ −= .

Dans le cas de plusieurs classes, pour chaque couple (α, β) et chaque durée t, soit

βα≤δ=δαβ

Notons απ la proportion du type de mobiles α dans le débit total. En

supposant que les types des mobiles consécutifs sont indépendants, il vient

βα≤δαβα=δαβ

βα≤θβα≤ππ= βα

Comme βα≤ππ= βααβ , et de plus

βαβ∩≤θ=βα≤θ = λ−− ,

i.e. la durée θ d’intervalle libre est indépendante de α et β, on obtient finalement

αβλ−

δαβ −= .

Notons βα≤=αβ pour traduire les relations

précédentes en termes de probabilités conditionnelles : il vient alors

αβλ−

αβδ −= .

Ainsi, les fonctions de répartition de y et δ sont reliées par un facteur

λ−− , qui ne dépend pas des types α et β.

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70 Rapport INRETS n° 265

La capacité d'écoulement du traficCapacité d’écoulement du trafic

70 Rapport INRETS n°00

7.B Sur le modèle de Branston

S’inspirant du modèle semi-poissonnien, Branston (1976) a reconnu une autre analogie avec la file d’attente M/G/1, et il en a déduit une autre relation

entre δ′ et : le mobile suiveur reçoit un service de durée y = s, et à son

arrivée dans la file le serveur était occupé avec une probabilité λ= et

inoccupé avec une probabilité 1-r. Dans le cas inoccupé, le délai δ’ = x entre la sortie du suivi et celle du suiveur peut correspondre à n’importe quelle durée de

service y = s ≤ x précédée d’un temps u = x – s tiré dans une distribution

exponentielle de paramètre λ.

En termes de densité de probabilité, le délai δ’ entre deux sorties dépend de la durée de service y selon

−λ−δ′ λ−+=

.

Il reste à expliquer la différence entre la formule du modèle semi-poissonnien et celle de Branston.

Dans le modèle semi-poissonnien, le délai +=δ a lieu entre deux

instants de début de service, il représente une durée de service y suivie d’une éventuelle inoccupation u. Alors u est conditionnelle à y : plus y est grand, plus la probabilité d’inoccupation est faible. On établit les propriétés suivantes :

λ−

>λ−

==δ λ+−=

• λ−λ−δ λ+−=

≥λ−λ−λ−

>≥λ−

=δ −=−+−=

• λ−

δ −= .

Pour Branston, le délai +=δ′ a lieu entre deux instants de sortie, il

représente une éventuelle inoccupation u puis une durée de service y. Dans ce cas u ne dépend pas de y.

On peut établir les propriétés suivantes :

• −+= >>==δ′

• λ−δ′ λ−−+=

−+== >>==δ′=δ′

• λ−δ′ λ−−+=

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Rapport INRETS n° 265 71

AppendiceAppendice

Rapport INRETS n°00 71

• ++==δ′ >=

• λ=+λ−+=δ′

• +++==δ′ >=

2

+−

λ=

λ−

+−λ

+=δ′ .

Lorsque les charges individuelles sont constantes égales à , la dernière

formule donne l’expression

δ′−δ′=

δ′−λ

=

Cela permet d’approcher rapidement y avec un échantillon de TIV, en calculant la moyenne empirique M et la variance empirique corrigée S² des TIV,

pour inférer λ = 1/M et y² = M²-S². Si cette expression est négative, on réfute le modèle.

Application numérique. Buckley (1968) décrit les observations pour la file médiane d’une autoroute à 3 voies en banlieue de Sydney. Des mesures par minutes, pendant 21 h, ont été rassemblées par tranches de débit, en excluant le régime continu.

Le tableau 3 résume les mesures, et indique pour chaque tranche de débits

les paramètres λ et E[y] estimés selon l’approche rapide précédente, ainsi que

la capacité horaire qui en résulte.

Les résultats pour les débits compris entre 16 et 25 véh/mn sont concordants : ≈ 1.58 s.

Tab. 3. Capacité d’une file d’autoroute à Sydney.

Véh/mn Nb TIV E[d] (s)

E[d²] (s²)

E[d]²-V[d] (s²)

y (s) Débit (/h)

Capa. (/h)

> 30 694 1.86 5.75 1.19 1.09 1932 3298

26-30 1346 2.16 7.51 1.80 1.34 1669 2685

21-25 2171 2.66 11.65 2.49 1.58 1354 2280

16-20 1398 3.27 18.79 2.53 1.59 1103 2262

11-15 925 5.06 63.06 -11.87 - 712 -

6-10 2065 8.82 166.27 -10.62 - 408 -

1-5 1630 17.64 565.15 57.01 - 204 -

Remarquer dans le tableau, la très forte valeur de capacité pour les débits > 30 véh/mn. Nous la jugeons très excessive, et biaisée par la sélection des périodes en fonction justement du débit. L'article de Buckley ne nous donne aucune indication quant à la stabilité de ces régimes. Cependant nous pouvons

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72 Rapport INRETS n° 265

La capacité d'écoulement du trafic Capacité d’écoulement du trafic

72 Rapport INRETS n°00

montrer de manière théorique que ces périodes à nombre élevé de véhicules sont parfaitement compatibles avec l'hypothèse d'un débit compris entre 20 et 25 véh/mn.

Pour un débit de 22 véh/mn, le nombre de véhicules dans la minute est concentré sur les valeurs 17 à 27, avec 3-4% de probabilité pour 17, autant pour 27, 8% pour 22, et des probabilités intermédiaires pour les valeurs intermédiaires. En réinterprétant les 694 TIV à plus de 30 véh/mn comme 23 périodes avec un nombre > 30, et les 2 171 TIV à 21-25 véh/mn comme 100 périodes, on constate que les probabilités attendues a priori sont effectivement observées ! Cela démontre que le groupage des périodes d'après le débit biaise fortement l'estimation de capacité.

7.B.1 Extension du modèle de Branston à plusieurs types

La relation de Branston s’étend comme suit à plusieurs types de mobiles,

indexés par α.

Sachant que le mobile courant est de type α, la durée u est nulle avec la

probabilité 1-r = α α− , ou positive avec la probabilité r et alors elle est

distribuée exponentielle négative de paramètre α αλ=λ .

Comme précédemment,

λ−αααδ′ λ−−+=

.

Là encore la distribution des intervalles libres est indépendante du type α.

L’extension au cas multiclasse de Hoogendoorn et Bovy (1998) est erronée,

pour cause de confusion entre certains événements : emploi incorrect de α au

lieu de λλα , et de αλ comme paramètre des intervalles libres devant un

mobile de type α, alors qu’un tel intervalle libre suit une distribution

exponentielle de paramètre λ quel que soit le type, Cf. §2C4.

Pour se convaincre définitivement que le paramètre de la distribution des intervalles libres est égal au débit en mobiles et pas au débit en pelotons, voici un argument structuré en trois étapes.

Première étape : le taux d'occupation est ρ, donc pendant une durée H la

somme des intervalles libres vaut H(1-ρ). Avec un débit en intervalles libres de

λ , le nombre moyen d'intervalles pendant H vaut λ , donc leur durée

individuelle vaut en moyenne λρ−=λρ− , et non λ .

Deuxième étape. En supposant l'absence de mémoire au point de mesure, à l'instant juste après la présence d'un mobile, la probabilité d'occupation par un

autre mobile est ρ (15

). Supposons que le mobile juste passé soit le numéro ndans un peloton : l'absence de mémoire se traduit par la relation

15

il s'agit d'une approximation. En réalité, plus le nombre de mobiles dans le peloton est grand, plus la probabilité d'un mobile marginal supplémentaire est forte, d'où les formules du cas M/G/1. Mais

l'approximation d'une probabilité moyenne ρ suffit au premier ordre. Pour lever l'approximation, il

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Rapport INRETS n° 265 73

AppendiceAppendice

Rapport INRETS n°00 73

ρ=≥τ>τ .

En notant ≥τ= et +−==τ= , il vient

ρ=≥τ≥τ>τ=+≥τ=+

donc par récurrence

−ρ= . Or = 1. De plus +−=

−ρρ−= , i.e. une distribution géométrique des tailles. Enfin la taille

moyenne d'un peloton vérifie que

ρ−=

ρ−ρ−=ρρ−=

ρρ−==τ

ρ∂∂

≥ρ∂∂

≥−

.

Troisième et dernière étape, λ=τλ=ρ−λ .

7.B.2 Conséquences du modèle M/G/1 pour l’approche de Branston

Comme indiqué au §4B3, Branston (1976) a prescrit d’estimer à la fois la proportion de mobiles gênés par type c de mobiles, et les paramètres du

modèle semi-poissonnien : le débit λ et les paramètres des charges

individuelles du type, par exemple la moyenne .

Or, le rattachement du modèle semi-poissonnien à la file M/G/1 montre que

la proportion de mobiles gênés η découle des autres hypothèses : elle est

égale au facteur de charge λ=ρ .

Cette relation implique une redondance dans les paramètres estimés par Branston, donc un problème d’identifiabilité. Et de fait, Hoogendoorn et Bovy (1998) ont constaté ce problème en appliquant une méthode à la Branston à des observations empiriques.

7.C Précision du coefficient d’équivalence d’un PL en VL

Au §4D3, nous avons relié le coefficient d’équivalence e d’un PL en VL, aux débits moyens par classe de mobiles, observés dans des groupes de périodes en régime continu, à vitesse v fixée :

suffit de définir ρ la probabilité d'un mobile supplémentaire n°i+1 : alors ∏ =+ ρ= et

ρ−=

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74 Rapport INRETS n° 265

La capacité d'écoulement du trafic Capacité d’écoulement du trafic

74 Rapport INRETS n°00

′−

−′=

avec et les débits moyens en VL et en PL pour une certaine proportion

π de PL, et ′ et ′ pour une autre proportion π’ de PL.

Pour un groupe de périodes selon une vitesse v et une proportion π de PL,

évaluons les moments d’ordre 1 et 2 de et . Dans chaque période le

nombre de mobiles n est une VA, disons une VA poissonnienne de paramètre

κ=κ π . En négligeant les variations des charges individuelles à l’intérieur

d’une classe de mobiles, on vérifie =+− avec k le nombre de PL,

donc

′−κ

=−−

=

avec κ = H/ la capacité en uvp par période de durée H, et e’ = e-1.

On en déduit que ′κ−=− et que

• E[k] =

′κ−κ

=′−κκ

κ−

• V[k] = κ/e’² par un calcul similaire

• E[n-k] = ( κ−κ )/e’

• V[n-k] = ′κ

• cov[k, n-k] = ′κ− .

Pour un échantillon de N périodes indépendantes, on déduit que :

• E[ ] = ′κ−κ

• V[ ] = κ/(Ne’²)

• E[ ] = ( κ−κ )/e’

• V[ ] = ′κ

• cov[ ] = ′κ− .

En comparant deux groupes de périodes de même vitesse v mais avec des

proportions π et π’ distinctes, en supposant pour simplifier un même effectif N,

nous obtenons

• E[ ′− ] = ′κ−κ′

• V[ ′− ] = (κ+κ’)/(Ne’²)

• E[ −′ ] = ( κ−κ′ ) e/e’

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Rapport INRETS n° 265 75

AppendiceAppendice

Rapport INRETS n°00 75

• V[ −′ ] = ′κ′+κ

• cov[ ′−−′ ] = ′κ′+κ .

Ainsi nous connaissons les propriétés statistiques du numérateur et du

dénominateur de la formule

′−

−′=

.

On dispose également d’approximations pour le rapport de deux VA Y et X(Cf. Leurent 2001 §8E) :

γ+−≈

−γ+γ≈ .

Dans le cas présent, nous ne pouvons utiliser ces formules que pour des

ordres de grandeur ou des majorations, car nous avons modélisé ′

=−′

avec

= −′

= , et ′

=′−

, donc par construction

=′−

−′

.

Nous utilisons seulement

=′−

−′

κ′−κ

κ′+κ=γ+γ≤

′−−′

Nous majorons donc la dispersion relative

κ′+κ

κ′−κ≤γ=

σ

.

Exemple. Si H = 6 mn, κ = 200 véh et κ’ = 180 véh, alors ≈γ . Si N =

50 alors ≈γ 28%, risque de forte imprécision. Avec N = 400, ≈γ 10%, ce qui

est plus satisfaisant.

Ce calcul de précision révèle la forte sensibilité de l’estimateur du coefficient d’équivalence.

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Rapport INRETS n° 265 77

Rapport INRETS n°00 77

8. Note de synthèse

Contexte : la capacité et ses applications

Combien de mobiles une route peut-elle écouler, par unité de temps ?

La question concerne tous les modes de transport : en transport ferroviaire il s’agit de trains par voie, en transport aérien d’avions par piste etc.

La réponse est une grandeur physique, appelée la capacité d’écoulement de la route. Elle représente un débit maximum de mobiles, donc une quantité maximale de service rendu par la route aux usagers. Elle révèle l’utilité de la route, sa performance en tant que “tuyau d’écoulement”.

La notion de capacité est utilisée autant en exploitation qu'en planification du transport. Dans l’exploitation courante, on peut mesurer et même anticiper le débit x qui sort d'une route pendant une certaine période, et le comparer à la

capacité κ. Hors fluctuations aléatoires, si x < κ le trafic est fluide, discret, sans

saturation ; tandis que si x = κ le trafic est “solide”, continu, le débit entrant sature la capacité et une file d’attente est présente en permanence en amont du point de mesure.

En planification, on dimensionne la route (notamment en nombre de voies et en modalités d’exploitation) afin de lui donner une capacité suffisante, en rapport avec les projections de trafic.

Objectif : définir et mesurer rigoureusement la capacité

On définit classiquement la capacité comme un “débit maximal moyen”.

Cette définition littérale convient bien en théorie des files d’attente, qui a inspiré en ingénierie du trafic routier le modèle “semi-poissonnien” : chaque mobile occupe chaque point de la route pendant une durée individuelle, et la capacité est l’inverse de la moyenne des durées individuelles.

Mais il existe d’autres effets en transport : notamment la durée individuelle varie en fonction de la vitesse.

Au lieu de raffiner le modèle semi-poissonnien, diverses définitions empiriques ont été proposées : citons (1) le débit maximal observé parmi un ensemble de périodes ; (2) un fractile de la distribution des débits ; (3) le second mode dans une distribution de débits ; (4) le débit maximum issu d’une fonction mathématique vitesse-débit ajustée à des observations.

Ainsi plusieurs définitions coexistent, sans cadre théorique commun, ni comparaison raisonnée (Cf. Cohen 1990 ; Bovy et al. 1998).

Le présent rapport a pour objectif de fonder une théorie de la capacité d’une route, en fournissant une définition rigoureuse, et des méthodes de mesure dûment justifiées.

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78 Rapport INRETS n° 265

La capacité d'écoulement du trafic Capacité d’écoulement du trafic

78 Rapport INRETS n°00

Résultats : un modèle, des méthodes de mesure

Notre fondement théorique consiste en un modèle de la durée d’emprise exercée par chaque mobile sur un point de route, appelée la charge individuelle du mobile, en fonction de sa classe, de celle du mobile précédent, et de la structure du trafic : vitesse et proportions des classes.

Nous modélisons explicitement les aspects physiques suivants :

• distinction entre un régime de trafic saturé et un régime non-saturé : la

vitesse d’écoulement dans une période révèle le régime. En régime saturé

(ou continu), si les vitesses individuelles sont quasi-uniformes (i.e. stabilité

du régime continu), la capacité est une fonction de la vitesse et des

proportions des classes. En régime non-saturé, il subsiste des intervalles

libres entre certains mobiles : aux vitesses correspondantes la capacité n’est

pas définie.

• les raffinements suivants : les files multiples ; l’intermittence du serveur ; la

garantie de fiabilité.

Modèle microscopique de la charge de trafic.

Nous relevons, et justifions, les faits suivants relatifs au trafic routier :

• la marge de sécurité dépend fortement des classes du mobile et de son

prédécesseur : selon qu’une voiture suit une autre voiture ou un camion, sa

marge de sécurité varie du simple au double.

• en régime saturé stable, les fluctuations aléatoires du flux justifient à elles

seules l’étalement des points (vitesse, débit) observés par période.

Par une étude systématique des propriétés statistiques du modèle, nous déduisons des méthodes rigoureuses pour mesurer la capacité :

• une méthode très simple de “débit moyen par tranche de vitesses”.

• des méthodes raffinées pour mesurer les paramètres désagrégés.

Dans ce cadre statistique, il apparaît que les définitions empiriques antérieures sont biaisées :

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Rapport INRETS n° 265 79

Note de synthèseNote de synthèse

Rapport INRETS n°00 79

• les méthodes de débit maximal et de fractile des débits, surestiment d’autant

plus la capacité que les observations sont plus nombreuses !

• l'ajustement d’une fonction vitesse-débit peut produire un débit critique

différent de la véritable capacité maximale.

• le second mode d’une distribution de débits résulte du mélange des

conditions exogènes d’écoulement, et non de la capacité maximale.

• Biais positif de la méthode usuelle d'estimation, pour le modèle semi-

poissonnien.

Méthode du débit moyen par tranches de vitesse.

0

100

200

300

400

500

10 30 50 70 90 110 130

Vitesse moyenne (km/h)

Nb

de v

éh

icu

les (

6 m

n)

Observé

Inf

Sup

Moyenne

Applications

Nos méthodes de mesure s’appliquent directement. De plus, notre modèle permet d’évaluer a priori la capacité, pour divers modes de transport.

Capacité d’une voie routière isolée (véh/h) selon la proportion de PL.

0

500

1000

1500

2000

2500

0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1

Proportion de poids lourds

Cap

acit

é h

ora

ire d

'un

e f

ile

20 km/h 40 km/h

80 km/h 100 km/h

130 km/h

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80 Rapport INRETS n° 265

La capacité d'écoulement du traficCapacité d’écoulement du trafic

80 Rapport INRETS n°00

Capacité d’une voie ferroviaire, selon la distance entre deux évitements.

0

10

20

30

40

50

0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1

Proportion de trains lents

Ca

pa

cit

é d

'un

e v

oie

(tr

ain

s/h

)

1 km 5 km10 km 50 km100 km

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Imprimé en France – JOUVE, 11 bd de Sébastopol – 75001 PARIS397918P – Dépôt légal : Juin 2006

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