extraits quelqu'un jpo 24 juin

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Extraits de Quelqu’un Journée Portes Ouvertes Cie Anima Sana 24 Juin 2014 Sceaux JEAN-PAUL (irrité) – Je cherche quelqu’un ! JEAN-PIERRE (essayant d’être compréhensif) - Je vous demande pardon, mais « quelqu’un », ça ne veut rien dire. (Jean-Paul le regarde comme s’il venait de dire une énormité.) « Quelqu’un », ça peut être n’importe qui ! JEAN-PAUL (encore irrité) - Vous dites n’importe quoi ! « N’importe qui » c’est le contraire de « quelqu’un ». Je ne cherche pas n’importe qui, je cherche quelqu’un ! LA FILLE QUI CHERCHE SES CLES - Où allez-Vous ? JEAN-PAUL - Chercher quelqu’un ! LA FILLE QUI CHERCHE SES CLES - Ce n’est pas quelqu’un que je veux, c’est mes clés. (Presque hystérique.) Mes clés ! (Elle se met à sangloter en répétant « mes clés » et en s’asseyant en bord de scène) Si quelqu’un a trouvé mes clés, qu’il le dise et me les rende ! LE GARS QUI A TROUVE LES CLES (dans le public, au premier rang du balcon, secouant un trousseau de clés) – C’est ces clés-là que vous cherchez ? (La Fille qui cherche ses clés et Jean-Paul lèvent la tête.) J’ai trouvé ces clés par terre tout à 1’heure. LA FILLE QUI CHERCHE SES CLES - Vous ne pouviez pas le dire plus tôt ? LE GARS QUI A TROUVE LES CLES – C’est-à-dire que je ne sais pas si ce sont les vôtres. Je les ai trouvées ici et non pas là où vous cherchiez. LA FILLE QUI CHERCHE SES CLES - Parce que vous, quand vous perdez un truc, vous le retrouvez exactement là où vous le cherchez ?! Ça ne vous arrive jamais de le retrouver ailleurs ? Justement là où vous n’aviez pas pensé à chercher immédiatement ? LE GARS QUI A TROUVE LES CLES - Excusez-moi, mais sauf à penser que vos clés ont fait de l’escalade jusqu’ici, il n’y a aucune raison de croire que ce sont les vôtres. LA FILLE QUI CHERCHE SES CLES (en sortant)- Je déteste ce genre d’humour. LE GARS QUI A TROUVE LES CLES - Ce n’est pas de l’humour, c’est de la logique. (un temps) J’espère bien qu’un de ces soirs en rentrant je trouverai quelqu’un qui m’attendra. JEAN-PIERRE (pensif) - Quelqu’un... LE GARS QUI A TROUVE LES CLES - Oui. Vous me comprenez, n’est-ce pas ? (Petit mouvement de tête de Jean-Pierre, signifiant « oui peut-être ».) J’imagine une grande blonde en train d’enlever lentement, très lentement, ses vêtements dans l’obscurité. Elle serait seulement éclairée par la lumière de la télé diffusant un feuilleton américain. JEAN-PIERRE - Parce qu’en plus de la porte ouverte, vous laissez la télé allumée ! Vous avez pensé à tout, je vous admire.

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Extraits Quelqu'Un JPO 24 Juin

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JEAN-PAUL (irrit) Cest pourtant pas difficile

Extraits de Quelquun

Journe Portes Ouvertes

Cie Anima Sana

24 Juin 2014 Sceaux

JEAN-PAUL (irrit) Je cherche quelquun !

JEAN-PIERRE (essayant dtre comprhensif) - Je vous demande pardon, mais quelquun, a ne veut rien dire. (Jean-Paul le regarde comme sil venait de dire une normit.)

Quelquun, a peut tre nimporte qui !

JEAN-PAUL (encore irrit) - Vous dites nimporte quoi ! Nimporte qui cest le contraire de quelquun. Je ne cherche pas nimporte qui, je cherche quelquun !

LA FILLE QUI CHERCHE SES CLES - O allez-Vous ?

JEAN-PAUL - Chercher quelquun !

LA FILLE QUI CHERCHE SES CLES - Ce nest pas quelquun que je veux, cest mes cls. (Presque hystrique.) Mes cls ! (Elle se met sangloter en rptant mes cls et en sasseyant en bord de scne)

Si quelquun a trouv mes cls, quil le dise et me les rende !

LE GARS QUI A TROUVE LES CLES (dans le public, au premier rang du balcon, secouant un trousseau de cls) Cest ces cls-l que vous cherchez ? (La Fille qui cherche ses cls et Jean-Paul lvent la tte.) Jai trouv ces cls par terre tout 1heure.

LA FILLE QUI CHERCHE SES CLES - Vous ne pouviez pas le dire plus tt ?

LE GARS QUI A TROUVE LES CLES Cest--dire que je ne sais pas si ce sont les vtres. Je les ai trouves ici et non pas l o vous cherchiez.

LA FILLE QUI CHERCHE SES CLES - Parce que vous, quand vous perdez un truc, vous le retrouvez exactement l o vous le cherchez ?! a ne vous arrive jamais de le retrouver ailleurs ? Justement l o vous naviez pas pens chercher immdiatement ?

LE GARS QUI A TROUVE LES CLES - Excusez-moi, mais sauf penser que vos cls ont fait de lescalade jusquici, il ny a aucune raison de croire que ce sont les vtres.

LA FILLE QUI CHERCHE SES CLES (en sortant)- Je dteste ce genre dhumour.

LE GARS QUI A TROUVE LES CLES - Ce nest pas de lhumour, cest de la logique. (un temps)

Jespre bien quun de ces soirs en rentrant je trouverai quelquun qui mattendra.

JEAN-PIERRE (pensif) - Quelquun...

LE GARS QUI A TROUVE LES CLES - Oui. Vous me comprenez, nest-ce pas ? (Petit mouvement de tte de Jean-Pierre, signifiant oui peut-tre.) Jimagine une grande blonde en train denlever lentement, trs lentement, ses vtements dans lobscurit. Elle serait seulement claire par la lumire de la tl diffusant un feuilleton amricain.

JEAN-PIERRE - Parce quen plus de la porte ouverte, vous laissez la tl allume ! Vous avez pens tout, je vous admire.

LE GARS QUI A TROUVE LES CLES - Je mets toutes les chances de mon ct.

JEAN-PIERRE (dsignant avec la lampe lectrique laisse au sol par la Fille une spectatrice dans la salle) - Oui, mais imaginez qu la place dune grande blonde devant un feuilleton amricain, ce soit une petite brune devant une mission culturelle, par exemple, ou... ou... (Dsignant une autre spectatrice.)... une rousse pulpeuse devant un match de foot !

LE GARS QUI A TROUVE LES CLES - Je prends aussi !

Limportant cest quelle enlve ses vtements lentement, trs lentement.

JEAN-PIERRE - Oui, bien sr... mais il y a quand mme un risque.

LE GARS QUI A TROUVE LES CLES - Vous voulez dire: la tl qui serait en grve ?

JEAN-PIERRE - Non, je pensais plutt quau lieu de votre super nana, vous pourriez trouver un mec avec des gros bras poilus et des tatouages partout en train de la voler, votre tl. Et dans ce cas, vous faites quoi ?

GILBERT (au public) - Oui, je suis con, je suis trs con, je suis trs trs con. Cest vrai, jaurais d la voir venir avec ses petits airs. Mais moi, je men suis pas rendu compte tout de suite. Je pensais quelle voulait quon soit amis, sans plus. Et puis, quand je me suis aperu quelle narrtait pas de me coller, et quand elle sest mise me passer la main sur les fesses tout bout de champ, jai tout compris, mais ctait trop tard. Vous voyez comme je suis con.

Mais moi, je ne suis pas daccord, Je ne veux pas. Cest insupportable cette situation, vous comprenez. Je vis avec quelquun. Quelquun qui le vit trs mal. Cest pour a que je suis venu vous voir. Pour vous demander de la convaincre de revenir avec vous... (Il craque soudain et se met hurler.)... parce que, vous comprenez, jen peux plus, moi, de cette gonzesse !

LA FILLE AU MAGAZINE - Ce sont vos proches qui vous connaissent le mieux !

LINCONNUE - Pas du tout! Ils ne connaissent quune partie de moi-mme. Ils rpondent travers leur prisme. Cest... cest subjectif, parcellaire, incomplet, partiel, partial, enfin cest pas a quoi. (La Fille au magazine semble ne pas comprendre.) Pour mon mari, par exemple, je ne suis quune pouse.

LA FILLE AU MAGAZINE - Donc vous tes marie.

LINCONNUE - Oui, un militaire. Pour ma fille, je suis une mre.

LA FILLE AU MAGAZINE - Donc vous avez une fille.

LINCONNUE Oui, qui me considre comme son ennemie. Pour ma sur, je suis une sur et une rivale. Pour mon mdecin, je suis une patiente. Pour mon patron, je suis une secrtaire. Pour mon boucher, je suis une cliente. Quand je sors dans la rue, je suis une pitonne. Si Je prends ma voiture, je suis une automobiliste. Sur mon vlo, je suis une cycliste. Quand je regarde la tl, je suis une mnagre de moins de cinquante ans, etc., etc. Mais qui je suis, moi, au fond de moi-mme, Je nen sais rien du tout. (Elle soupire.) Bref, je suis une inconnue pour moi-mme.

LA FILLE AU MAGAZINE - Vous avez essay un psychiatre?

LINCONNUE - Oui, bien sr. Pour lui, je suis une pompe fric. (Elle se lve et part)LA DAME AU PETIT CHIEN - (Dun geste brusque, elle menace la Fille au magazine avec Brutus.) Ouah !

LA FILLE AU MAGAZINE - Vous essayez de me faire peur ?

LA DAME AU PETIT CHIEN - Non, vous ne risquez rien je vous assure. Brutus est un amour de chien-chien. (Un temps. Au chien.) Tu ne ferais pas de mal la dame, nest-ce pas Brutus? (Un temps, elle le caresse.) Non, ce nest pas encore lheure du su-sucre. (Un temps.) Ninsiste pas ! Gourmand ! Vilain chien ! (Elle lui donne une tape. La Fille au magazine la regarde du coin de lil.)

LA FILLE AU MAGAZINE - Je ne voudrais me mler de ce qui ne me regarde pas, mais jaimerais quand mme vous demander quelque chose.

LA DAME AU PETIT CHIEN - Je vous en prie...

LA FILLE AU MAGAZINE - Votre chien, l, Brutus, vous lui parlez comme si ctait un vrai chien.

LA DAME AU PETIT CHIEN - Eh bien oui...

LA FILLE AU MAGAZINE - Mais ce nest pas un vrai chien.

LA DAME AU PETIT CHIEN - Que voulez-vous dire?

LA FILLE AU MAGAZINE - Ce nest pas un chien... vivant.

LA DAME AU PETIT CHIEN - Dieu merci, non !

LA FILLE AU MAGAZINE - Mais vous faites comme sil tait vivant... vous le flattez... vous le punissez... vous lui refusez un sucre.

LA DAME AU PETIT CHIEN - Oui, tout fait.

LA FILLE AU MAGAZINE - Mais il nest pas vivant.

LA DAME AU PETIT CHIEN - Non, il nest pas vivant. Cest tout ce que vous vouliez savoir ?

LA FILLE AU MAGAZINE (peu convaincue) - Euh... oui... pour le moment.

LA DAME AU PETIT CHIEN (en sortant) Tu as vu mon Brutus, comme la dame sintresse toi ? a te plat a, hein? Oh oui, a te plat, brigand !

LA FILLE AU MAGAZINE (au public) - Vous avez vu a?

On a tous besoin de quelquun.

NOIR