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Extrait du Chapitre 9 Art-Thérapie & Cancer 4. Un « espace imaginaire » pour continuer à grandir Contribution de Laurence Bosi Art-thérapeute Fondatrice de lAssociation Médecins de lImaginaire 2ème édition (2012) « Le grand livre de lart-thérapie » Angela Evers.

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Extrait du Chapitre 9

Art-Thérapie & Cancer

4. Un « espace imaginaire » pour continuer à grandir

Contribution de Laurence Bosi

Art-thérapeute

Fondatrice de l’Association Médecins de l’Imaginaire

2ème édition (2012)

« Le grand livre de l’art-thérapie » Angela Evers.

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4. Un « espace imaginaire »

pour continuer de grandirPar Laurence Bo i de Médecins de l'imaginaire

Lorsque j'ai fondé l'association Médecins de l'imaginaire, la vocation premièrede l'association était, pour moi, d'apporter l'art-thérapie dans le champ de lacancérologie pédiatrique auprès des enfant et adolescents à l'hôpital. Par la suite,l'évidence de be oins m'a amenée à proposer plus largement ce support à petitscomme grand touchés par une maladie grave comme le cancer.

En effet, les maladies graves ou chroniques Ont de véritables épreuves de vie quibouleversent souvent, comme nous l'avons vu dan l'histoire de Laura, les repèresintimes de la personne (identité, image du corps, estime et confiance). Lorsquela personne touchée est un enfant, un adole cent ou même un jeune adulte,ces repères sont d'autant plus fragiles qu'ils sont en cours d'élaboration et deconstruction et que souvent ils n'ont pa encore été à l'épreuve des petites formesde « deuil» que la prise en compte des réalités de la vie quotidienne d'adulteimpose à tout un chacun. Face à la douleur, à l'angoisse de mort, aux effets secon-daires des traitements, a la rupture ociale imposée par le temps des soins et à ladéstabilisation de ses parents, l'unité psychosomatique naissante de l'enfant et del'adolescent est mise à rude épreuve. Concernant l'impact d'une maladie gravecomme le cancer, irnon-Daniel Kipman, p ychiatre et psychanalyste qui animele groupe d'étude de psychologie médicale et de médecine psychosomatique del'enfant, parle d'« orage affectif .. dont la trace persistera longtemps chez l'adulte,même guéri' ». On estime aujourd'hui que sur 800 adultes (de 20 à 40 ans), l'und'entre eux a fait l'expérience du cancer durant son enfance.

~ Aujourd'hui, tous le soignant s'accordent sur le fait que cette situation d'excep-5~ tion et sa pri e en charge thérapeutique contraignante justifient la mise en place~ d'un accompagnement psychologique soutenu de l'enfant et de sa famille pendant~,"!! 1. Simon-Daniel Kipman, L'Enfant et les ortilèges de la maladie, rock, 1981.

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la durée des traitements mais également au-delà, dans le but de consolider lesentiment de guérison. Tous ces efforrs doivent tendre à stimuler le proc us de« résilience» cher à Boris Cyrulnik : « ... cette aptitude à tenir le coup et à reprendreun développement dans des circonstances adverses ». Et ce dernier explique que pourfavoriser ce processus, « l'acte de création colmate La brèche, répare La meurtrissureet permet de redevenir soi-même, totalement' »,

En effet, dans ce contexte, l'intérêt de l'an-thérapie, bien que trop rarementproposée encore, est évident. Inscrit dan le travail pluridisciplinaire de l'équipe,l'an-thérapeute aménage un e pace intime dans lequel l'enfant ou le jeune vaoser, grâce au processus de création et à la relation de confiance établie au préa-lable, exprimer et explorer indirectement, « hors de mot », ses craintes et sesespoirs en toute sécurité. Ces créations partagées uniquement avec l'an-théra-peute introduisent une distance avec le vécu souffrant qui pourra ainsi évoluer etse transformer, dans la forme et/ou la matière, au fil des séance. L'expérience del'art-thérapie contribue alors à redonner confiance à l'enfant ou à l'adolescent,en lui permettant de s'approprier cette « épreuve de vie ». en l'intégrant dans sonhistoire personnelle non comme une blessure qui ne e ref rmera jamais, maiscomme une source de force et d'estime de soi.

• Un service d'immuno-hématologie pédiatrique

Ce fut le premier programme développé par Médecins de l'imaginaire, dans unservice de haute technicité médicale, de renommée internationale. J'ai travaillédans ce service pendant six ans, avant de passer le flambeau à mon adjointe dansl'association, Frédérique ubril, qui a ure désormais les interventions bihebdo-madaires auprès des enfants et adolescent de ce ervice. Au cours de mes annéesd'intervention, j'ai accompagné plus d'une centaine d'enfant de 4 a 16 ans, deuxaprès-midi par semaine, dans de pri es en charge longue.

Le enfants accueillis dans ce service sont soignés pour des leucémies, des cancersdes cellules de la moelle osseuse (les cellule de la moelle produisent les cellulessanguines, d'où le terme parfois utilisé de « cancer du sang ») ou pour des défi-cits immunitaires primitifs (maladies rare ). Les leucémies soignées dans cetteunité sont des formes sévères nécessitant, outre une chimiothérapie intensive,une greffe de moelle osseuse, et donc un protocole de soins long, avec souventdes effets secondaires lourds appelé GVH (le greffon [G], extrait de la moelle dudonneur, manifeste des difficulté à 'acclimater à l'hôte [Hl ou individu receveur).Lorsqu'il s'agit de déficits immunitaire primitifs, ce enfant ou adolescents Ont

1. Boris Cyrulnik, Un merveilleux malheur, éditions Odile Jacob, 1999.

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déjà un vécu éprouvant de la maladie, qui leur a imposé de hospitalisations régu-lières depuis la petite enfance, fragili am leur équilibre par de fréquents boule-ver ements de leur vie familiale, scolaire et sociale. Pour les parents, le momentde la greffe est un moment crucial chargé d'émotion et d'inquiétude, car la vie del'enfant e t en jeu. Dans le cas particulier de certaines maladies rares, l'échec dela greffe entraîne parfois une aggravation progressive et inexorable des troubles- cas de leucodystrophie - ou de complications fatales. C'est donc souvent unecourse contre la montre.

Cenfam n'est pas imperméable à ce tre s, même si souvent, il essaie de ne pas lemontrer et de « protéger» ses proches. Les conditions de la greffe renforcent cetisolement et ce repli de la vie sociale (aux seuls parems et parfois grands-parenrs),en imposant un changement radical d'univers pour l'enfant qui, tout à coup, necôtoie, pendant de long mois que de adultes.

Concevoir un ptogramme d'art-thérapie adapté pour accompagner les enfantspendant toute la durée du ptotocole de greffe, dans ce service de haute technicitémédicale, était donc un formidable challenge pour la jeune association que nousétions à l'époque. Pendant tout le temp que dure la préparation chimiothéra-peutique, l'enfant est dans une chambre rérile dont il ne peut sortir. Les visitesont limitées (inrerdires aux frères et sœurs), et sowni es à des règles très strictes

(masque, gants, blouse, nettoyage des jouets). Lorsque la greffe a lieu, il passe dansune chambre encore plus protégée ( ous flux laminaire), où son espace vital est réduità un lit entouré de lames de plastique. Tout objet qui tombe à terre doit être re-stéri-lisé. Lapparence de ses proches disparaît sous deux blouses le chapeau et le masque.Puis après quatre à six ernaines, l'enfant retourne dans la chambre protégée, pourencore un long moment, avant que ses défenses immunitaires ne lui permettent dereprendre une vie normale. C'est un parcours long et difficile, qui dure en moyennetroi mois, mais il n'est pas rare de suivre un enfant cinq à six mois.

Dans ces conditions, il est souvent très difficile pour ces enfants de dire ce qu'ilsressentent avec des mots, de garder leurs repères temporels et de préserver leurcapacité de jouer, de s'évader dans l'imaginaire. Pourtant, on sait que le jeu etl'imaginaire ont une fonction cruciale, notamment pour les plus jeunes, car ilsaident à anticiper ans danger des situations angoissantes (on joue au docteurqui fait mal, à la maîtresse qui se fâche) en se les appropriant, diminuant ainsi

~ leur charge émotive. Lart-thérapie présentait, donc dans ce contexte, l'avantage~ de réintroduire des opportunités de jeu et d'expression de soi, avec la distanceUJ~ protectrice de la médiation. Deux fois par semaine dans le service, mon inter-e vention participait aussi, avec l'école à l'hôpital et tous les autres intervenants du(9g service, à réinrroduire des repères temporels et un rythme dans la vie de l'enfant.

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D'emblée, il était évident, compte tenu du contexte médical, que les prises encharge devaient se faire en individuel et « au chevet». En effet, très vite l'étatd'aplasie de l'enfant (fragilité du système immunitaire lié à la chimiothérapiepréparatoire de la greffe) ne lui permettait plus de profiter du contact avecd'autres pairs (y compris frères et sœurs) ni de prendre le risque de sortir de sachambre pour aller vers un espace atelier. La taille de la chambre protégée etcelle, encore plus réduite, de la chambre (flux laminaire) dans laquelle se passaitla greffe excluaient du projet de dispositif d'art-thérapie beaucoup de supportsde médiation artistique, et notamment corporels. L'état de fatigue des enfantsne faisait que confirmer ce premier postulat. Il suggérait également un cadrehoraire d'intervention de trois quarts d'heure réduit à une demi-heure, en fonc-tion de l'énergie de l'enfant. Une expérience de musicothérapie avait déjà étémenée avec succès et le service avait prévu de trouver les moyens de la continuer.Le choix de la médiation « arts plastiques» fut donc retenu. Restait la contraintede concevoir, pour le kit créatif dédié à l'enfant, un assemblage de matériaux etoutils qui respectent les contraintes d'hygiène et de stérilisation du matériel. Laterre fut totalement exclue, ainsi que les pastels et tous les matériaux poudreuxqui auraient pu fournir un support potentiel au transport, par voie aérienne,des microbes et/ou bactéries. J'optais donc pour des outils et matériaux de pein-ture, graphisme et collage, simples et accessibles au jeune enfant (dès 4-5 ans),mais qui pourraient aussi stimuler la créativité des adolescents. Je recherchaisdes conditionnements individualisés supportant bien, à la longue, le protocolede nettoyage drastique que je m'imposais pour le kit dédié à chaque enfant, afind'éviter tout risque de contamination.

Une fois ce dispositif matériel défini, le dispositif de rencontre avec l'enfant oul'adolescent et le cadre de l'espace d'art-thérapie étaient à concevoir avec atten-tion. En effet, je me suis très vite rendu compte que le contexte médical très lourdprovoquait souvent des attirudes de (re)fusion très importante entre parents etenfants, parfois à l'extrême, rendant très difficile, pour les uns tomme pour lesautres, d'envisager une séparation même sur un temps court, sans soulever unesouffrance et/ou une culpabilité. Par ailleurs, l'intérieur de la chambre est, dans cetype de service, pour des nécessités de surveillance accrue, ouverte au regard par lebiais d'une porte vitrée. Lors de la première rencontre, il est donc très importantd'envisager un échange avec l'enfant en présence de ses parents et ce, après avoirpris soin de trouver un moment favorable, afin de ne pas être intrusif dans l'es-pace intime de la chambre et de leur relation. J'ai constaté, au fil du temps, que dela qualité de cette première rencontre découlait une alliance avec l'enfant commeavec les parents, qui favorisait le déroulement de la prise en charge. Évidemment,le grand enjeu de cette première rencontre d'art-thérapie est de faire admettre à

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l'enfant comme au parent que le moment de la rencontre avec l'enfant se fera entête-à-tête. Il e t très important de comprendre que dans ce contexte, cette confi-guration de éparation (même ponctuelle) n'e t pa évidente et qu'il faut parfoisdu temps pour que cela devienne acceptable pour l'enfant comme pour le parent.Une fois cette première base de confiance établie, j'ai cherché à aménager l'espace,souvent avec la participation active de l'enfant, dans le contexte minimaliste dela chambre et même le plus souvent limité, compte tenu de l'état de fatigue del'enfant, à l'espace du lit et de la tablette.

Il s'agit pour moi de mettre en place un « espace symbolique» d'atelier, avecdes repère immuables pour les outils et matériaux, afin que la créativité soit levrai enjeu de cette rencontre et non la recherche technique. Il est aussi impor-tant que cet espace et la relation que nous avons ensemble constituent rapide-ment un écran de protection invisible, afin que le voyage dans l'imaginaire puisses'effectuer, sans se préoccuper des soignants venant régulièrement surveiller lesconstantes médicales (pouls, températures, erc.) ni de intrusion involontairesdu regard extérieur par la porte vitrée de la chambre.

ouvent, le premier contact est timide, l'enfant cherche avant tout à me plaireà travers un beau dessin ou à me montrer ce qu'il est capable de faire techni-quement. ela e t accueilli avec re pect mais sans 'y attarder, de façon à ouvrird'autres po sible , dans lesquels il pourra trouver plus de ressources que dansce qu'il sait déjà faire. La découverte des outils et l'exploration des matériaux,notamment les premiers jeux avec la couleur, aident à briser la glace. S'il est unjour plus fatigué, il ait qu'il peut utili er mes mains et leur dire ce qu'elles doiventfaire pour lui. C'est ain i qu'au fil des éances se consolide ce cadre rassurantgrâce auquel se développent très naturellement, chez l'enfant ou l'adolescent,des processus d'expression, de création et de re-création libres, bais ant ainsi satension intérieure accumulée et restaurant son équilibre mental.

THOMAS PASSE AU TRAIT

J'ai ainsi le souvenir de Thomas, petit garçon de 7 ans, qui dut subirplusieurs protocoles de traitements très lourds avant que le pro-cessus de guérison ne soit enfin consolidé. La relation mit quelquetemps à s'installer et au cours des premières séances, il me sem-blait surtout que Thomas voulait avant tout me faire plaisir. Toutd'un coup, après une série de peintures « sages» et tout à fait enphase avec ce qui pouvait être attendu à son âge, il m'annonçaqu'il ne voulait plus de la peinture et surtout plus de la couleur, sousquelque forme que ce soit. Cette évolution n'étant assortie d'aucunmouvement anormal sur le plan de l'humeur, je ne m'en inquiétais

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Ce qu'il est important de noter, c'est que quoi qu'il advienne au cours de ces séancesavec ce enfants, nous avançons pas à pas à leurs côtés, sans parole souvent ou le

~ë~&Jeeo

Le grand livre de l'art-thérapie

pas et au contraire, encourageais son investissement personnel.Je lui proposai que nous n'utilisions que le crayon mine. Au fil descréations, en noir et blanc, Thomas commença à me montrer sonmonde imaginaire. Au bout de quelque temps, je me rendais compteque l'écran de la feuille était devenu pour lui un support incroyablesur lequel il contrôlait ce qui lui arrivait par un trait très précis, eten exerçant des capacités exceptionnelles de concentration, quilui permettaient de penser ses personnages et éléments de décorsavec un souci extrême du détail. Je me souviens précisémentd'un cow-boy à cheval dont l'exécution fit l'objet, à son initiative,de nombreux échanges afin d'arriver à traduire l'image en 3D qu'ilavait dans la tête. Ainsi Thomas, objet de traitements extrêmementcomplexes, devenait, avec le support de l'art-thérapie, capable deconcevoir et de maîtriser des dispositifs visuels complexes, repre-nant ainsi confiance dans sa capacité de se recréer après cetteaventure éprouvante.

Au cas par cas, le spectre large des outils et des matériaux aide ainsi à aborder, defaçon symbolique et ludique, des a pecrs problématiques de ce que ce enfantsont à affronter. L'une des formes de peinture proposées, par exemple, dans laboîte kit dédiée à l'enfant, est une gouache épai se qui se mélange sur le supporr-palette de petites assiettes en carton. Parfoi , l'alimentation de l'enfant est trou-blée voire interrompue par les traitements. Une nutrition parentérale la remplacealors et lorsque cela dure un moment, la repri e de l'alimentation e t un capdifficile et inquiétant pour l'enfant. J'ai constaté à plusieurs reprises que, dans cecontexte, les enfants amenaient d'eux-même cette que rion par l'intermédiairedu matériel, et que le mélange des gouaches dans l'a siette stimulait l'imaginationvisuelle et/ou les sens gustatifs. J'ai ainsi de nombreux souvenirs d'enfants, letemps d'une ou plusieurs séances, absorbés à concevoir, ur l'espace de la feuilleou même directement dans l'assiette des mélanges, une petite cuisine agréable etcolorée. Grâce à elles, ils évoquent leurs goût et inventent, à travers la créationpicturale, des recettes originales ou retrouvent les valeurs rassurantes de la cuisinefamiliale. De même, introduire la peinture dans un univers où tout est stérile,permet à certains enfants devenus extrêmement craintif, de jouer par le biais destaches et des débordements, sans danger vital avec le rapport sale/propre. Danstous les cas, cet accompagnement attentif favorise, de façon ludique, le retourà des capacités biologiques, motrices ou intellectuelle parfois fragilisées par lafatigue et les effets secondaires des traitements.

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strict minimum, et surtout sans chercher à franchir les limites qu'ils nou montrent.Quel que soit leur âge, dans ce contexte extrêmement complexe de la maladie etlorsque le diagnostic vital est en question, ils mettent en place des mécanismes dedéfense parfois un peu rigides mais, en tout état de cause, souvent indispensables àleur survie psychique. Le travail d'art-thérapie peut, sur le long terme, favoriser unassouplissement de ces rnécani me , mais cela ne doit advenir qu'à l'initiative dupatient quand il se ent prêt à lâcher ce qui le rassure pour trouver un aménagementmoins coûteux p ychiquement. C'est la partie très intére sante de notre travail dansce champ, celle qui consiste à affiner notre écoute et notre observation des mouve-ments inconscients et à être là pour recevoir et contenir les affects lorsqu'ils s'expri-ment, sans jamais les provoquer, mai en favorisant leur expression symbolique.

Parallelement à ce travail fondateur auprès des enfants, sept autres programmesont vu le jour, pour les enfants, le adolescents, les jeunes adultes et aussi pourles femmes touchées par le cancer. Ils ont été animés par la même exigence dedépart, celle de concevoir des di positifs spécifiquement adaptés aux besoins despatients, à leur vécu de la maladie et au contexte de soin ou de post-soin dulieu dans lequel se fait la pri e en charge. Chaque dispositif proposé prend doncen compte une ou plu ieur médiations artistiques (contes, mouvement dansé,écriture, improvi arion théâtrale, art pla tique, musique, voix), en réponse àune analyse préalable pointue. L'approche spécifiquement innovante de l'asso-ciation, dan ce contexte de la maladie « cancer», a été de ne pas se limiter àinstaurer ça et là un atelier, mais de chercher dès le départ à inscrire ce travaildans une recherche approfondie et dans une vraie aventure humaine. Et donc dese doter des moyens d établir des collaborations dan la durée avec les services, etde constituer une équipe d'art-thérapeutes profes ionnels et un cadre de travailpour réfléchir, échanger, améliorer et construire une pratique spécifique dans cechamp. Aujourd'hui, la légitimité et l'expérience de l'association Médecins del'imaginaire sont reconnues, ce qui constitue une plate-forme solide pour déve-lopper cette contribution innovante au bien-être des patients et de leurs familles.

• Art et médecineL'art de la médecine et l'art tout court ont visiblement des choses à faire ensemble ...

Lidée que la créativité au ens large et le médiations artistiques en particulierpuissent constituer un levier dan le proce us de guérison, et de façon complé-mentaire aux traitements médicaux de plus en plus pointus et personnalisés, e t

ce pourquoi les art-thérapeute se mobilisent. Si les effets bénéfiques d'œuvresd'art exposées à l'hôpital, l'impact des couleurs et de l'imaginaire, qui fontpartager autre cho e que la maladie aux patients comme à tous les acteurs du

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corps médical, ne sont plus à démontrer, les enjeux de l'an-thérapie sont bienévidemment d'une tout autre nature, beaucoup plus intime et individualisée,bien au-delà d'un simple bénéfice esthétique.

Avec l'an-thérapie, selon les contextes, toutes le formes d'expressions artistiquespeuvent aider le patient à se détendre, à exprimer des émotions fortes, à centrerson attention sur une expérience positive et à retrouver un sentiment d'intégrité.Elle ne peut prétendre apporter un soulagement des traitements et de la douleurdes effets secondaires, mais elle permet au patient de demeurer actif, créatif et deprendre de l'énergie vitale dans ces processus, et en ce qui concerne les enfants,de continuer de grandir dans leur tête.

Si la médecine et les traitements sont indispensables à la survie du patient, l'ac-compagnement humain et le support de l'an-thérapie le sont pour l'aider à inté-grer ensuite cette maladie dans son parcours de vie. Il existe des lieux en France,et ailleurs, comme on l'a vu, qui font la démonstration que l'art de la médecineet l'art tout court ont des choses à faire ensemble!

Les art-thérapeutes, avec leut double compétence artistique et thérapeutique, nedemandent pas mieux !

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