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Extrait de la publication

LE PREMIER INSTANT

Du meme auteur:

En passant. Poesie (s.e.), 1975, 100 p. (collaboration Georges Tissot, Serge Fuertes, dessins Guy Laliberte)

Temps de vies. Poesie, collection «L'Astrolabe», n° 1, Editions de l'Universite d'Ottawa, Ottawa, 1979, 70 p. (dessin Marc-Antoine Nadeau)

Victor Blanc. La Bete ou Un caprice des temps. Entre deux rangs. Poesie, Editions de l'Universite d'Ottawa, Ottawa, 1981, 104 p.

Zinc Or. Poesie, collection «Parole vivante», n° 10, Editions du Vennillon, Ottawa, 1986, 48 p.

Sur les profondeurs de l'Ue. Ballade, Editions du Vennillon, 1990, 80 p. (photos Marie-Jeanne Musiol)

II a ete tire de cet ouvrage 250 exemplaires, numerotes de 1 a 250, pour les abonne!es de la Collection de ville.


Pierre Pelletier

LE PREMIER INSTANT

roman Prise de parole

1992


Donnees de cataIogage avant publication (Canada) Pelletier, Pierre, 1946-

I.e Premier Instant

ISBN 2-89423-019-2 (broche) ISBN 2-89423-020-6 (relie)

I. Titre.

PS8581.E3988P7 1992 PQ3919.2.P45P7 1992

C843'.54

En distribution au Quebec Diffusion Raffin

C91-095742-8

7870 rue Fleuricourt ST-LEONARD (Qc) H1R 2L3 514-325-5553

( ..... PRISE DR PAROLE

La maison d'edition Prise de parole se veut animatrice des arts litteraires chez les francophones de l'Ontario; elle se met donc au service des createurs et creatrices litteraires franc<H>ntariens.

La maison d'edition beneficie de subventions du Conseil des Arts de l'Ontario, du Conseil des Arts du Canada, du 'Secretariat d'Etat et de la Ville de Sudbury.

Conception de la couverture : Greg Duval illustration en page couverture : Emily Carr, Scorned as Timber, Beloved of the Sky, hulle sur toile, Vancouver Art Gallery, Emily Carr Trust

TOllS droits de traduction, de reproduction et d'adaptation reserves pour tous pays.

Copyright © Ottawa, 1992 Editions Prise de parole C.P. 550, Succ. B, Sudbury (On) P3E 4R2

ISBN 2-89423-019-2 (broche) ISBN 2-89423-020-6 (relie)

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada

Pelletier, Pierre, 1946-Le Premier Instant ISBN 2-89423-019-2 (broche) ISBN 2-89423-020-6 (relie) I. Titre. PS8581.E3988P7 1992 C843'.54 C91-095742-8 PQ3919.2.P45P7 1992

Diffusion au Canada : Dimédia

Ancrées dans le Nouvel-Ontario, les Éditions Prise de parole appuient les auteurs et les créateurs d’expression et de culture françaises au Canada, en privilégiant des œuvres de facture contemporaine.

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Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays.Copyright © Ottawa, 1992 Éditions Prise de paroleC.P. 550, Sudbury (Ontario) Canada P3E 4R2www.prisedeparole.ca

ISBN 2-89423-019-2 (Papier souple)ISBN 2-89423-020-6 (Papier relié) ISBN 978-2-89423-672-7 (PDF)

Illustration en page couverture : Emily Carr, Scorned as Timber, Beloved of the Sky, huile sur toile, Vancouver Art Gallery, Emily Carr Trust Conception de la couverture : Greg Duval

http://www.prisedeparole.ca

A Jean-Louis C.


Croire sans image.

Sans la realite de l'image.

Des hommes, des femmes qui sont sans cette vie de l'image, en eux, en elles.

Bouleversante, accaparante, haletante image.

Imaginer des hommes, des femmes qui vivent sans cette force realisante de l'image.

Sans cette frange de l'aura, de la fragilite, de la fugacite de l'image.

Non vraiment,je ne peux pas. Je n'y arrive pas.

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L'image m'active.

Depuis si longtemps. A l'instant d'un coup. L'image de mon enfance . ... de tous ces genes. Ces milieux de mixtures, de melanges

du moi, des autres. L'image de nos ondes, de nos variations, de nos discours,

de nos proses it fiction, de nos sens inverses, oublies, caresses, dilates, aleatoires, projetes.

Vraiment je ne vis qu'avec, qu'it travers l'image. L'image me prend, m'emporte, m'ouvre it des blancheurs

terriblement insistantes, it des instances, it des espaces, it des irruptions de temps, it des ruptures it venir.

Comme une frenesie, une furie dans un corps autre, comme la mouvance des emotions, des temps transfigures, des configurations renouvelees.

L'image me fouille et je me fouille dans l'image. Fouilles perpetuelles d'ou sont ejectees d'autres images

qui se fixent it leur tour en moi, qui me permettent de fouiller davantage.

Des lieux £leuris ou £lous, precis, vagabonds, divaguants. Des dissidences impetueuses piquant vers l'abllne d'une

subjectivite.

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Quelque part dans l'image se font sentir d'autres contrac-tions, d'autres desirs-emotions, d'autres reels ouverts de tous bords, d'autres origines a emouvoir.

Pousse a m'emouvoir je fouille l'image d'autant plus.

Je creuse Ie manque, l'absence, Ie vide, Ie vertige, les vies d'absences, les vies a voir mieux, les amants et amantes, les amities oubliees, d:ispersees, les passions touffues, toutes prises qui me donnent d'autres vies encore, d'autres conni-vences eperdues, d'autres cris, d'autres consciences.

Je fouille, je creuse des temps, des espaces. C'est la lune, Ie soleil, leurs leurres. C'est du pareil au meme.

Debout, assis, renverse, en contraste, panique, je pen&-tre des mondes, des oublis, des strates de confiance, des conditionnelles inoonsistanoos, des insoucianoos, des durees eventrees, des points d'appui convulsifs, bourgeonnants, des bruits de fond, des moissons de sons.

L'image-fixation triomphe. Un artiste-peintre peignant sur des surfaces lisses, en

dehors des ecoles, des normes, des traditions, des pensees arretees, des histoires de style, des dogmes a recuperer, des categories recurrentes, n'arrive pas a trouver formes pour ses liquides.

Ses peintures coulent de partout. Ses peintures sont liquides.

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Une entite compulsive me catapulte desir parmi les brouilles herissees de ses couleurs. Je vois d'etranges marees, d'etranges flots de couleurs. Cela m'entraine vers un mouvement que je fais avec lui.

Ensemble nous ecrivons un texte. Jets, reprises, ratures, approfondissements, fioritures,

arpeges de mots, sons en silences, en pages blanches ... pour tout dire, pour tout voir, pour aller au fond de cette impuissance a faire surgir une image, pour etre image d'une image qui cherche a venir.

Le texte s'ecrit, s'acheve. Et je continue sans lui, sans Ie peintre des boules de

couleurs. Et une immense boule de toutes ses boules se trans-

forme en moi, devant moi. Elle devient eclaboussures, con-tractions imprevisibles, incorruptibles, prodigieuses ponc-tualites, peintures claires qui en amenent d'autres a une forme, a une consistance fragile.

La boule devient formes vertes, rouges, bleues, jaunes, couleurs incessantes, corps d'essai, devenir magnifique comme un desir que l'on attrape d'un autre corps.

Je vois monter la panique, l'epouvante a comprendre, a sentir. Je vois en peinture une boule qui se transforme en homme qui pleure, la tristesse meme qui pleure.

Un homme pleure, s'ouvre a moi, me demande mon temps, tout mon temps.

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Pendant des mois l'homme est lit. en moi, devant moi, avec mOl.

L 'homme pleure, l'homme refait ses gestes de tristesse sans fin. L'image de ses pleurs m'obsede au fond de mon espace, de mon urgence it. comprendre. Les tristesses, les pleurs continuent leurs poussees, leurs deplacements en mOl.

Et, du fond de tous mes etats, Anne saute, Anne surgit.

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Un bon matin, un matin OU Ie soleil balaye d'un geste ample, inattendu, genereux l'atelier et ses peintures, l'artiste, l'homme qui pleure, echappe a la surface qui Ie retenait depuis un temps indefini. n cesse son va-et-vient entre l'instant et Ie temps de voir.

Elle Ie voit mouvement devant elle. «Thez, Thez.» Anne Ie voit en elle. Son image la donne d'un coup a la

pregnance de passages, de paysages, d'affirmations, de pulsions enormes, dimensions de ses presents, de Thez, de ses concordances, de ses comcidences au temps, de ses contours.

Dans sa trajectoire deIirante l'image de Thez qui pleure en elle excite ses passions, la pousse avec une necessite effrayante et calmante a vivre sa vie, a vivre davantage cette vie en se vouant aux abondances d'un provisoire, d'un ephemere risque.

Alors que les couleurs de l'homme sont maintenant ses emotions, l'image de l'homme qui pleure, l'image de Thez revient sans cesse, omnipresente, brUlante, accablante, tyrannique, captivante comme un vertige qui l'assaille, une peur qui l'aspire, la plonge en son fond, en son giron.

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Anne essaie de comprendre encore plus. Encore plus dans l'image, dans la conviction qu'une voie de liberte tres grande, qu'une profondeur de son moi s'y trouve enfouie.

Plus elle y pense, plus l'image de Thez qui pleure se multiplie en neurones qui lui donnent un reseau de con-nexions, une cohesion, une coherence a ecrire sa vie, cette vie avec Thez.

Elle Ie pense, elle sent de plus en plus la force du desir qu'il provoque en elle.

Elle veut maintenant vivre avec Thez. Revivre avec lui. Le vivre en elle avec tous les moments de sa vie qu'elle n'a pas eus avec lui. Vivre la vie. Refaire la vie. Dans un lieu, dans une image qui depasse toutes les irreversibilires inconditionnelles du temps, des horaires, des proclama-tions des formes univoques, unilarerales, des temps de la vie qui conduisent a la mort.

Elle veut maintenant Thez, toutes ses images, tous ses temps, tous ses possibles de vies, ses formes du moi, ses labyrinthes d'homme et d'amant.

Thez l'homme qui pleurait, qui pleure au salon. Son image, sa vie, ce sera la meme chose, l'emotion meme de la vie qui lui donne un autre corps, un corps a voir autre-ment, clairement.

Vivre Thez pour en sortir. Voir plus, toujours plus. Anne ecrira pour voir plus, pour

creuser plus cette image, pour arriver a l'intuition finale, au trou noir de l'instant jusqu'a l'ultime eclatement, Ie cri transparent, l'astrale danse fulgurante, l'elan vers Ie dehors delivrant.

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Cleg n'est pas lao Il n'est jamais la quand Thez vient ala maison. Il prefere partir. Son regard furtif, la gaucherie d'Anne face a ses reactions de plus en plus hostiles ne font que s'ajouter a la serie deja compliquee des silences et des malentendus entre eux. Comme Anne aimerait vivre autre chose que ces situations de commodite du dire voile et des confrontations allusives dans lesquelles ils se sont installes.

Cette guerilla domestique provoque la pire des usures.

«Maman, maman ... pourquoi Thez pleure? lui demande encore Anika.

- Parce qu'il a beaucoup de peine, lui dit Anne en se rapprochant d'elle pour la serrer tres fort.

-Mais maman, lui dit-elle doucement tout contre elle, va-t-il rester ici longtemps?

-Aujourd'hui ma belle fiUe» , lui dit-elle tout bas a l'oreille. Comme si en parler davantage compliquait trop les choses.

De la cuisine d'ou Anne l'ape~it, Thez pleure avec Ie mouvement lent d'un blesse souffrant de blessures etranges.

A Ie voir docile, tranquille, presque anonyme dans cette solitude excessive au salon, elle Ie desire encore plus vivement.

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Comme cette premiere et Xieme fois OU elle est allee Ie chercher au petit parc a cOte du Centre national des arts ... Une plage de reconfort pour les fonctionnaires fatigues.

A l'heure fixee, il etait toujours la en ces mois de juin et de juillet.

Discretement assis sur un banc bruni par les ruminations exagerees des saisons, ill'attendait.

Sans pareil, il etait au rendez-vous. Doux, farfelu malgre sa depression. L'air crispe, il regar-

dait avec une passion eteinte et un calme soumois une sculpture dont la vue ne Ie lassait pas. Un totem modeme. Quatre rectangles de couleur en trois dimensions. Une maison de cubes ouverte a tous vents. Le rouge, Ie vert, Ie bleu, Ie jaune rehausses energiquement par la verdoyance des feuillages tout autour et la luminosite arrogante du jour.

Anne s'accrochait au regard de Thez. n tenait au til de l'instant argente bleu qui se presentait a lui sans detour. n tenait a rien. Et elle aurait pu Ie jurer. Elle Ie desirait d'autant plus dans sa blancheur sans nom.

Ses rencontres nombreuses avec Thez etaient longues et epuisantes. Un psychanalyste outille de categories bien astiquees aurait fait mieux. Elle ne tentait evidemment pas de Ie soigner ou de Ie guerir mais plutOt de Ie suivre. Et Ie chemin etait souvent nebuleux. Une galaxie de non-sens et de romances a la derive. Thez marchait sans s'en rendre compte sur des contradictions, des paradoxes cou-pants. Les pieds en sang il avan~ait et la souffrance lui creusait Ie Cffiur. Rupert, un ami commun, l'avait pre-venue. «Tu verras, il ne tient qu'au vide. n Ie sent. n en

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parle. Le gout de mourir Ie guide partout. On Ie perdra un de ces jours.»

A l'entendre, Anne voyait les peurs de Thez l'escorter vers l'abime supreme ...

Retablir Ie contact au plus vite. Tel etait son objectif apres huit annees durant lesqueUes eUe l'avait donne pour perdu.

A la seconde pres il reparaissait suite a son appel. Un conte d'enfant ... et si on Ie lui avait raconte auparavant, eUe n'y aurait pas ern.

Quel derangement! QueUe euphorie! Quel malaise de Ie retrouver enfin au bout de la ligne. «.Allo, j'entends pas», c'est tout juste ce qu'il avait dit en decrochant Ie telephone. Le reste de la conversation s'etait perdu quelque part entre les sons et les emotions.

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Du coup a l'instant, en pensant a cet appel fatidique d'autres images montent en ene, d'autres amours. Anne au present tournant ses yeux derriere Ie temps ...

D'autres manques a parfaire. L'image de l'amant ideal qui n'est pas encore venu. L'idealire de la chair complice pour tous les jours de la semaine. Yen a-t-il deja eu un amant ayant sa faim de l'instant comblee, de l'instant pos-sible d'ou tout surgit?

De Cleg a l'aurore. Peut-etre Carmel sous les cieux et matins en refrains. Ene en oublie evidemment quelques-uns. Par moments, Carmel peut-etre.

Mais Carmel avait aussi brille, brillait par son profil d'aventurier et de tombeur de malheur.

Lui et ses affaires de creur. Lui et ses fantasmes. En fait Carmel avait ere au-dela de tout, la caricature meme de quelqu'un qui vivait pour chasser et poursuivre ses manies jusqu'aux risques les plus inutiles ... pour se sentir en vie.

Ene revoit une soiree, au cours de leur petite histoire commune, a l'occasion d'une de ses rentrees au pays. Carmel parlait avec l'energie d'une personne qui passe rapidement, qui deborde de son geste.

«Le Maroc... des odeurs, des parfums doux, capiteux, suaves, exquis», s'exclamait-il sur un ton percutant, avec une enflure poetique et des metaphores qui lui venaient aux levres apres avoir fume une mixture d'herbes aroma-tisees roulee a sa fa~on.

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«Des vents delicieux, des amandes fraiches, des boufl'ees de roses, d'oranges», enchainait-il avec une poussee vitale qui soutenait sa voix. «Et au beau milieu de tout 98-, les places publiques ehamarrees, les boutiques aux mille mains des comme~ants vifs, delures, les bousculades, les acoolades sous les passages couverts ... et Manon qui m'attend a Fes dans une semaine. Je repars pour Montreal demain.»

Voila oil sa progression verbale l'avait mene, et menait assez souvent. Ah! Manon, la chere Manon, l'archange de ses voyages aux dons de seduction, Manon la messagere speciale entre les gros vendeurs de ce coin de terre lointain et lui. Tellement habile et raffinee dans ses allures de divine dame au teint fonee que Carmel l'appelait «son rayon de phosphorescence en chocolat».

Ah! Cher Carmel avec ses sorties, ses retours Mtifs, ses departs catastrophiques, ses maitresses, ses melodrames.

Anne avait bien sUr des amants a l'occasion. Et m~me si elle etait plutOt timide, discrete m~e en passion, leur vie devenait ainsi un processus partage entre des hauts et des bas en dents de requin qui lui arrachait quelquefois des bouts d'ame. va faisait mal.

Par la suite, Carmel se ealmait et leur amour bizarre recommen~ait au cmur des profondeurs qui echappent aux temp~tes de surface et au froid.

Mais cette nuit-Ia, la nuit de son dernier retour, de son retour ephemere au bercail, quelque chose declencha en elle Ie scenario de la fin.

Apres avoir mange, bu et fait l'amour avec lui, Anne fut saisie d'une colere immense, de quoi soulever toutes les contradictions d'une vie comme la sienne.

En quelques minutes, avec une rage qui la fit se dresser d'un coup sur Ie lit, Anne prit les affaires de Carmel,

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entassa tout pele-mele dans un vieux sac a debarras, lui lan~a ses culottes, son T-shirt en grommelant des mots inintelligibles. Et sans que Carmel n'ait Ie temps de faire quoi que ce soit elle Ie prit par Ie bras et elle Ie mit a la porte avec son tas.

Carmel protesta en tapant de toutes ses forces sur la porte et les murs du couloir. Mais comme les voisins com-mencerent a menacer d'appeler la police s'il continuait son manege d'amant ecwe, Carmel prit ses miserables penates sans autre geste d'eclat et partit en criant qu'il l'aurait bien un jour ailleurs. Anne attendit environ une heure. Quand elle fut certaine que Ie calme etait revenu pour durer, elle se releva du plancher au pied de la porte, se dirigea a son lit, mit d'autres draps, se glissa sous ceux-ci. Epuisee, elle s'endormit dans des odeurs qui n'etaient plus les leurs mais les siennes.

Reprendre toujours Ie cours des choses pour arriver a l'instant present. A l'instant qui elimine completement la forme.

L'emotion en direct, la transparence en liberte pousse a une exigence, a l'instant qui s'etend ... la duree pure, l'eternite.

Les etudes d'Anne en philosophie l'emporterent loin de Carmel vers Thez qu'elle connaissait depuis sa premiere annee a l'universite.

Carmel parti, Thez se rapprochait de nouveau avec des precautions toutes particulieres. Qa tombait bien puisque entre les soins qu'elle apportait a sa fille Anika qui avait alors deux ans, a la gardienne et a son emploi a temps partiel comme serveuse de table, elle avait peu de temps

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Pour sortir ... des vingt siecles a venir, il faudra faire l'amour avec d'autres sexes d'ou nous POUlTOns venir, d'autres sexes sans peur aux abords du ciel et de nos terres, les voies lactees, des origines aux couleurs contours, des vrais jeux et plaisirs frissons montant des transparences qui ont tout integre. Alors Ie labyrinthe sera plus que mauvais souvenir,

cauchemar dissipe, minotaure dont l'horreur n'aura plus de meurtres a justifier.

Et je me prends encore une fois a ecrire cela ... Pour que ce qui me reste de vie arrive a vivre hors de

cette ecriture dont je vis encore. Et voila deja que Ie temps me reprend, me plonge en

plein labyrinthe. Et voila que l'image me donne l'espoir d'etre ailleurs,

d'etre autre chose que cette ombre devant Ie temps et sa monstruosite.

Et voila que je suis metaphore, reuvre au present, Ariane et Thesee au meme moment.

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