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Tous droits de reproduction et de traduction réservés

pour tous les pays, y compris la Russie.

Copyright by Librairie Gallimard 1946.

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AVERTISSEMENT

Le" morceaux choisis que voici ne sont pas les premiersextraitsd œuvres en prose de Charles Péguy ceux de 1911,

parus chez Grasset, sous le regard de Péguy lui-même, etceux de la Nouvelle Revue Française (2 vol. prose et vers,

1928) contiennent de nombreux passages qui se retrou-vent ici mais ce volume est le premier à réunir dansl'ordre chronologique les principaux fragments de carac-

tère politique tirés de toutes les œuvres en prose deCh. Péguy.

Chacun des principaux ouvrages de Péguy forme ici unchapitre, le titre indiquant l'œuvre et sa place dans lasérie des Cahiers de 'a Quinzaine. Les textes ont été choisisdans l'édition courante puûliée chez Gallimard, et pourceux qui n'ont pas encore paru en édition courante, dansla grande édition des Œuvres Complètes r. Des élémentsbiographiques annoncent chaque chapitre, empruntés

principalement a la notice écrite par Pierre Péguy pourl'édiuon des Postes Complètes (Pléiade).

Le public aura ainsi pour la prem.ère fois sous les yeux

une vue d'ensemble de l 'œuvre politique de Péguy, durôle joue dans la dirfusion de certaines idées par le groupedes Cahier* de la Quinzaine, et cela sans note ni commen-taire d'aucune sorte. Péguy t'a dit à maintes reprises

« Nulles gloses ne peuvent accroître un texte, mai? les

i. La pa^inacion .ndiquée en hn ne chaque morceau renvoieà l'édrion courante saui es indications OC Tome ier, etc.,

qui renvoient à la grande edition des Œuvies complètes.

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LA RÉPUBLIQUE. NOTRE ROYAUME DE FRANCE

moindres gloses peuvent déliter dans les populations l'in-telligence des textes

« Nuls commentaires ne peuvent accroître une vie, mais

les moindres commentaires peuvent déliter dans les

peuples l'intelligence d'une grande vie. »Quant au titre, ce sont les nécessités de la typographie

et de la mise en page qui ont empêché de l'imprimer inté-gralement

a La République une et indivisible, c'est notre

royaume de France. »Telle est la protession de foi de Péguy en avril 1911,

face au danger allemand, après quinze années de polé-mique et de combat, pour la justice sociale, la libertéindividuelle, la liberte de penser et la liberté française.

Nous désirons exprimer toute notre reconnaissance aux

amis, professeurs à l'Université de Fribourg (Suisse) qui,durant une année d'exil, ont suggéré, encouragé et guidéce travail à M. François Esseiva, Directeur de la Biblio-

thèque Cantonale et Universitaire de Fribourg dont le

« prêt », si généreusement ouvert, a facilité nos lectures.Qu'il nous soit permis également d'adresser notre penséede respectueuse gratitude à Mme Charles Péguy qui a bienvoulu nous aider dans notre tâche, non seulement en sur-

veillant notre choix et son impression, mais en tenant à

l'enrichir d'un précieux « inédit » la Seconde Suite à« Notre Patrie ».

Denise MAYER.

Fribourg, novembre 1943.Paris, novembre 1945.

i. L'Argent suite, p. 180. (N. R. F.)

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Charles Péguy est né à Orléans, le 7 janvier 1873. Sonpère, Désiré Péguy, menuisier de son état, meurt quelquesmots plus tard sa mère, née Cécile Quéré, apprend le mé-tier de rempailleuse de chaises l'enfant grandit entre samère et sa grand-mère.

En octobre 1880, Péguy entre à l'école primaire annexeà l'école normale d'instituteurs du Loiret, puis en octobre

1884, à l'école professionnelle (primaire supérieure), enfin,à Pâques 1885, en sixième au lycée d'Orléans où il fait,jusqu'à la philosophie, ses études secondazres complètes,recevant chaque annee le prix d'excellence et presque tous

les premiers prix.Le 21 juillet 1891, Péguy est reçu bachelier complet

en octobre 1891, il quitte Orléans et entre comme boursierd'Etat en première vétérans au lycée Lakanal à Sceaux(Seine). En juillet 1892, il échoue au concours d'entréeà l'Ecole Normale Supérieure.

De septembre 1892 à septembre 1893. Péçuv retourne àOrléans pour le service militaire f« volontariat a un an»)au 131e régiment d'infanterie.

D'octobre 1893 à août 1894, deuxième année de prépa~ration à l'école, cette fois à Sainte-Barbe et Louis-le-

Grana (bourse du Conseil d'administration de Sainte-

Barbe).

En août 1894. Péguy est reçu à l'Ecole Normale Supé-rieure. De novembre 1894 à août 1895, première année

d'école. Peguy est officiellement socialiste en même temps,il prend des notes pour sa première Jeanne d'Arc.

En décembre 1895, Peguy se fait mettre en congé et re-

tourne comme en 1892 à Orléans. Pendant son congé, il

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apprend <a typographie, il fonde un groupe socialiste, etil rédige une partie de sa Jeanne d'Arc.

hn novembre 1896, Péguy rentre à l'Ecole pour sadeuxième année. Le 28 octobre 1897. Il épouse Charlotte-Franctits* Baudouin, sœur de son camarade et ami p'éféré,Marcti Baudouin, mort Le 25 millet 1896.

En février 1897, Peguy publie son premier article dansla Revue Socialiste et y collabore durant une annee 1.

De novembre 1897, à août 1898, Péguy termine sa troi-sième et dernière annet d'Ecole. Il participe à la fondation

de la librairie socialiste qui devient, le 7er mai 189>i, la

Librairie Georqes Bellats. Péguy a, par la suite, appelé« éditions antérieures » aux éditions des Cahiers de la Quin-

zaine, les ouvrages parusà la lzbrazrte soczaltste

« ÉCRITS PAR LES AUTEURS QUI DEVAIENT DEVENIR LES

AUTEURS DES CAHIERS, IMPRIMÉS PAR LES IMPRIMEURS

qui DEVAIENT DEVENIR LES IMPRIMEURS DES CAHIERS,

gérés ET ADMINISTRÉS PAR LE GÉRANT QUI DEVAIT DE-

VENIR LE FONDATEUR ET LE GÉRANT DES CAHIERS, CES VO-

LUMES ET CETTE BROCHURE DOIVENT ÊTRE CONSIDÉRÉS

NON PAS SEULEMENT COMME UN ESSAI, comme UNE ÉBAUCHE,

COMME UNE ESQUISSE, MAIS LITTÉRALEMENT DÉJÀ COMME

UNE SÉRIE ANTÉRIEURE DE CAHIERS. CES VOLUMES ET CETTE

BROCHURE SONT A LA VÉRITÉ DES cahiers antérieurs.

DANS LES NEUF VOLUMES ET BROCHURE DE NOS CAHIERS

ANTÉRIEURS, NOS CAHIERS ONT PUBLIÉ

I. Voici la liste complète de ces articles sous la signatureC. P. en lévrier 1897. n° 146. Un économiste socialiste M. Léon

WALRAS. Sou» la signature Pierre DELOIRE. mars 1897. n° 147A propos des ajjmre^ d'Orient août 1897, n° 152 De o citésocialiste novemDre 1897. ri0 155 R'vue des hin-s (le suicide.dt Du,kneims anv:er 1898, n° 157 Revue des revues Littéra-lu.em I'huosophze) lévner 1898, n° 158 Revue des livres (PaulCBOUZET).

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LA RÉPUBLIQUE. NOTRE ROYAUME DE FRANCE

MARCEL ET PIERRE BAUDOUIN Jeanne d'Arc DOM-rémy, LES Batailles ROUEN.

PIERRE DELOIRE de la cité socialiste.

PIERRE BAUDOUIN Marcel, PREMIER DIALOGUE DE LACITÉ HARMONIEUSE.

JÉRÔME ET JEAN THARAUD Le coltineur débile.

JÉRÔME ET JEAN THAKAUD La lumière.ROMAIN ROLLAND Aërt TROIS ACTES.

ROMAIN Rolland Le triomphe de la RaisonTROIS ACTES.

ROMAIN Rolland Les loups TROIS ACTES.JEAN Jaurès Action socialiste LE Socialisme ET

L'ENSEIGNEMENT LE SOCIALISME ET LES PEUPLES 1.

Pierre Baudouin et Pierre Deloire sont les pseudonymesde Péguy, les noms des différents personnages qu'il fait dia-loguer avec le sien propre dans ses premières œuvres.

La brochurede la cité socialiste », premier manifeste

sociauste de Péguy, parue d'abord en article à la revue so-cialiste (15 août 1897) a été reproduite dans « Pour ma

maison » (Cahiers de la Quinzaine, 11, '6, 21 décembre 1900),et dans les Œuvres Complètes, Tome 1, pa^e 264.

Marcet, premier dialogue de la Cité narmomeuse, est lesecond manifeste socialiste de Péguyc'est i expression trèsémouvante de sa croyance fervente en une humanité renovee,

régénérée, r*concibee par le socialisme.En août 1898, Péguy échoue à t'agregation il abandonne

définitivement l'université.De janvier à aécembre 1899t Péguy publie une série

d'articles aans la Revue B:anche, ious le titre L'Aliaire

Dreytus et la crise du parti socialiste.

i Prosoectus des Cahiers de la Quinzaine (1Q14VNous indiquons, une fois pour iouit^.t<:< Cahier> dv taQuinzaine

par ie cni.tre de la »crie (romain), suivi du numéro du cahier(arabe) et de la date de parution.

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LA RÉPUBLIQUE. NOTRE ROYAUME DE FRANCE

A la fin de /'armée 1899, Péguy se sépare de la LibrairieBellais, et il fonde les Cahiers de la Quinzaine. Leô jan-

vter 1900 paraît le premier cahier de la première série.Dans ce premier cahier, la Lettre du Provincial est

comme le manifeste de ''institution et pose deux principes1° dire la vérité, et, au besoin, la «gueuler » 2° se tenir aucourant quinzaine par quinzaine des evenements ae tousordres.

LETTRE DU PROVINCIAL

1, 5 janvier 1900.

Avant ces obligations ou ces reconnaissances d'inté-rêt, je place une obligation de droit, perpétuelle. qui nesubit aucune exception, qui ne peut pas grandir oudiminuer, parce qu'elle est toujours totale, qui s'im-

pose aux petites revues comme aux grands journaux, quine peut varier avec le tirage, ni avec le concours ou lesutilités l'obligation de dire la vérité.

Dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, direbêtement la vérité bête, ennuyeusement la vérité en-nuyeuse, tristement la vérité triste voilà ce que nousnous sommes proposé depuis plus de vingt mois, et non

pas seulement pour les questions de doctrine et de mé-thode, mais aussi, mais surtout pour l'action. Nous yavons à peu près réussi. Faut-il que nous y renoncions ?

Qui distinguera de l'action la doctrine et la methode ?Qu'est-ce que la doctrine, sinon l'intelligence de l'ac'ion ?

Qu'est-ce que la méthode, sinon la pragmatique de l'ac-tion ? Comment la doctrine et comment la méthode

peuvent-elles demeurer libres, si l'action doit se contormerstrictement aux décisions du Congrès, interprétées par

un Comité général. Qui travaille pour un sert n'est pas

libre. Et même, à y regarder de près, ce n'est pas la doc-

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LA RÉPUBLIQUE. NOTRE ROYAUME DE FRANCE

trine et la méthode qui sont libres c'est la discussion quiest entièrement libre pour toutes les questions de doc-trine et de méthode. Qu'est-ce qu'une liberté de dis-cussion qui n'emporte pas avec elle une liberté de dé-cision ?

Et le paragraphe quatrième nous présente justementun exemplaire de ces décisions de Congrès devant tes-

quelles, avant toute interprétation de Comité général,je suis forcé de refuser résolument d'incliner ma i&ison.C'est en effet une question de savoir si le Congrès ainsiconstitué avait le droit de départager les intérêts. Maisilest certain que le Congrès n'avait aucune qualité pourfaire passer la satisfaction à donner à ces intérêts avant ledroit de la vérité.

Les jou rnaux ont pour fonction de donner à leurs lec-

teurs les nouvelles du jour, comme on dit. Les journauxdoivent donner les nouvelles vraies, toutes les nou-

velles vraies qu'ils peuvent, rien que des nouvelles vraies.

La délimitation de ce que les journaux doivent donner

à leurs lecteurs et de ce qu'ils ne doivent pas leur donner,

de ce qu'ils doivent même refuser, doit coïncider exacte-ment avec la délimitation réelle de ce qui est vrai d'avec

ce qui est faux, nullement avec la délimitation artificiellede ce qui est ou n'est pas de nature à blesser une organi-sation nationalement ou régionalement constituée. Cette

blessure n'est pas un critérium. Certains hommes, commeZola, sont blessés par le mensonge mais certains hommes,

comme le général Mercier, sont blessés par la vérité.

Sans parler de ces cas extrêmes, si la vérité blesse uneorganisation, taira-t-on la vérité ? Si le mensonge fa-vorise une organisation, dira-t-on le mensonge ? Vrai-ment à la vérité blessante on fera l'honneur de ne pas la

traiter plus mal que le mensonge blessant ? Mais, tairela vérité, n'est-ce pas déjà mentir ? Combien de fois

n'avons-nous pas produit cette simple proposition au

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cours de la récente campagne. Aux bons bourgeois, etaussi aux camarades qui voulaient se réfugier commodé-ment dans le silence n'avons-nous pas coupé bien sou-vent la retraite en leur disant brutalement, car en ce

temps-là nous finissions tous par avoir un langage bru-tal, « Qui ne gueule pas la vérité, quand il sait lavérité, se fait le complice des menteurs et des faus-sairesIe Voilà ce que nous proclamions alors. Voilà ceque nous proclamions au commencement de cet hiver.Cette proposition est-elle annuelle, ou bisannuelle ?

Fond-elle avec la gelée ? Et voilà ce que nous deciaronsencore aujourd'hui contre les antisémites. Cette proposi.tion est-elle, aussi, locale ? Non. Elle est universel etéternelle, disons-le sans fausse honte. Nous demandons

simplement qu'on dise la vérité.

(O. C., tome I, P. 35 à 37.)

Pour ces raisons je te prie de m'envoyer toutes les quin.zaines un cahier de renseignements.

Tu demeures auprès de Paris tu peux assister à cer-taines cérémonies, scènes et solennités tu m'en teras

le compte rendu fidèle. Tu peux assister à certains actes.Tu me diras ce quetu verras et ce que tu sauras des hommes

et des événements, en particulier ce qui ne sera pas dans

les iournaux. Non pas que ie veuille avoir les dernierstuyaux non pas que j'attache une importance qu'elles

n'ont pas aux grandes nouvelles, vraies ei tausses, quicheminem aux salies de rédaction. Je ne veux pas t'en-

voyer en ces endroits, où tu n'es pas accoutumé d'aller.Je ne veux pas savosr les secrets des cours. Je consens à

ne savoir jamais pourquoi ni comment M. Clemenceau

a quitté l'Aurore. Je ne te pne pas de m'envoyei tesnouvelles privees, mais les nouvelles publiques non

communiquées ou mal communiquées par la presse au.

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LA RÉPUBLIQUE. NOTRE ROYAUME DE FRANCE

public. Elles sont nombreuses, importantes, quelquefoiscapitales.

Tu me diras ce que tu penses des hommes et des évé-nements. Non pas que je m'engage à penser comme toi,ni à penser avec toi. Mais tu me diras ce que tu penses.Tu iras voir les docteurs que tu connais, et tu leur de-manderas pour moi des consultations sur les cas diffi-ciles.

Tu me signaleras les articles de journaux et de revueset même les livres que je puisse lire utilement dans letemps dont je dispose. Tu sais que je m'intéresse de prèsou de loin à tout ce qui touche la Révolution sociale.Je me réabonnerai à mes trois journaux. Je me réabon-nerai surtout au Mouvement Socialiste. La Revue So-

cialiste est une grande revue elle a sa place marquée danstous les groupes et cercles d'études et de propagande.Le Mouvement, plus court, plus portatif, nourri, amical,très largement international, ne quitte guère la pochede ma veste. Pour avoir les autres journaux et revueset les livres, nous avons fondé un cercle d'études et de

lecture. Mais il ne suffit pas d'avoir tout cela. Il fautencore s'y retrouver. Tu m'aideras à m'y retrouver.

Tu me transcriras tous les documents ou tous les ren-

seignements qui sont à conserver. On ne peut garder indé-finiment les coupures des journaux que l'on a ou quel'on n'a pas. Un cahier est plus commode. Quand undocument est donné au public, tout le monde en parle,on le trouve un peu partout. Trois mois plus tard on nesait où s'adresser pour l'avoir. Je suis assuré que tu medonneras impartialement les pièces pour et contre. Ce futnotre honneur, au temps de cette affaire sur laquelleje n'ai pas peur de radoter, d'aller chercher dans les té-moignages, dans les journaux ennemis les meilleures

de nos preuves, les plus invincibles de nos arguments.Renoncerons-nous à ces bonnes habitudes ?L'ouvrage

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LA RÉPUBLIQUE. NOTRE ROYAUME DE FRANCB

dreyfusard le plus efficace ne fut-il pas une Histoire desVariations de l'État-Major fournie par lui-même ?i'

Je te prie de me donner tous les documents et tous lesrenseignements que tu pourras, même longs, même en-nuyeux. Nous devons à la même affaire la publicationexacte, historique, de procès-verbaux, de comptes ren-

dus sténographiques, de documents, de papiers, depièces. Nous avons eu le Procès Zola, la Revision del'Affaire Dreyfus, Enquête et Débats de la Cour de Cassa-tion, les publications du Figaro. L'Eclair donne le compterendu sténographique des débats qui se poursuivent si

ennuyeusement devant la Haute Cour. Ici reconnaissonsl'hommage que le vice rend à la vertu. J'ai lu avec plaisir

sur la quatrième page de la couverture du Mouvement quela Société nouvelle de librairie et d'édition allait nous donner

le « Compte rendu sténographique officiel du Congrèsgénéral des Organisations Socialistes Françaises tenu àParis en décembre 1899 ». C'est là de bon style officiel.Voilà de bonne publication. Nous aurons là même les

paroles inutiles prononcées dans le grand gymnase pen-dant que la commission travaillait. Nous aurons les basses

démagogies de Ebers aussi bien que l'austère démons-tration historique de Lagardelle. Qu'importe ?Mieuxvaut publier tel que. Il est même intéressant que le

Congrès, dans sa deuxième journée, ait résolu que l'onprocéderait à cette publication. Il donnait ainsi le bonexemple. On va publier, sur l'invitation formelle duCongres, sous le contrôle d'une commission spéciale,des discours blessants pour telle ou telle organisation.

C'était d'une large liberté. Pourquoi le Congrès n'a-t-ilpas continué ? Il y aura dans tes cahiers beaucoupplus d'édité que d'inédit. Maisilya tant d'inédit que tout

le monde connaît d'avance, il y a tant d'édite que tout lemonde ignore.

Si enfin quelqu'un te meten mains de la copie, joins-

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LA RÉPUBLIQUE. NOTRE ROYAUME DE FRANCE

l

la aux cahiers. J'aurai cette copie en commun cation, je

la lirai ou ne la lirai pas selon le temps que j'aurai. Il peutarriver que de la bonne copie ne soit reçue en aucune re-vue par aucun éditeur. Tu m'enverras de la bonne copie#Tu m'enverras même des vers si tu en reçois. Le versn'est pas forcément déshonorant.

Ce sera une partie facultative des cahiers, facultativepour toi, facultative surtout pour nous.

Je ne te demande nullement de m'envoyer une his-

toire du monde par quinzaine, ou une géographie dumonde par quinzaine, ou une chronologie du mondepar quinzaine. Je te prie de m'envoyer des cahiers derenseignement, sans esprit de parti, sur ce qui m'inté-resse.

LE PROVINCIAL.

(O. C., tome I, P. 43 à 46.)

a

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Un important article de Péguy Préparation du CongrèsSocialiste National paraît dans les Cahiers suivants {I, 2et 1, 3). Péguy y saisit l'occasion offerte par l'événementdu « manifeste » du parti socialiste pour définir sa positionà l'égard de la liberté de penser puis il déplore que « leParti socialiste récemment institué ait inauguré sa consti-tution précisément en prenant à l'égard de la justice, àl'égard de la vérité, la vieille attitude autoritaire des citésantiques, des Eglises, des Etats modernes et bourgeois »il tient à établir son droit à lui, Péguy, de « faire des per-sonnalités », de mettre des personnalités en cause, puisque aussibien ce sont des personnalités qui ont fait le mouvement so-cialiste, l'affaire Dreyfus, etc. En particulier, la personna-lité de Jaurès a marqué tous les récents événements affaire

Dreyfus, revision, « triomphe de la République » Péguylui consacre un long éloge

PRÉPARATION DU CONGRÈS SOCIALISTE

NATIONAL

1, 3, 5 février 1900.

Ce désir, et cette espérance de Jaurès, que la coordina-tion et la coopération de tous les enseignements, d'unbout à l'autre de l'échelle sociale, pourraient préparerl'unité et la continuité de toutes les classes, ne devait passe réaliser de sitôt. Dès sa rentrée au Parlement, il eut

à lutter contre les résistances de la classe bourgeoise.Mais cette idée au fond demeura son idée préférée.Et cette idée, que la socialisation de l'enseignement,

Extrait de la publication

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LA RÉPUBLIQUE. NOTRE ROYAUME DE FRANCE

que l'universalisation d'une culture humaine suffirait àréconcilier toutes les anciennes classes dans l'humanité

de la cité socialiste n'est pas pour nous déplaire. Noussavons bien qu'elle paraît en opposition avec la formulede la lutte des classes. Mais nous croyons que cette oppo-sition n'est qu'apparente, et qu'elle n'aurait lieu quesi cette formule était mal entendue. Car non seulement la

lutte de classe n'a aucune valeur socialiste, mais elle n'a

-même aucun sens qui soit socialiste. Toute guerre estbourgeoise, car la guerre est fondée sur la compétition,sur la rivalité, sur la concurrence toute lutte est bour-

geoise, et la lutte des classes est bourgeoise comme lesautres luttes. Elle est une concession du socialisme à la

bourgeoisie, comme les armements d'un peuple paci-fique sont, en un sens, une concession faite à ses voisins

belliqueux. De même qu'il n'est pas du tout certainque la paix militaire internationale soit jamais établiepar l'écrasement militaire des peuples belliqueux sous lespeuples pacifiques, de même il n'est pas du. tout certainque la paix sociale soit jamais établie par l'écrasementbourgeois de la classe bourgeoise sous la classe proléta-rienne. Si la cité socialiste un jour était fondée par lemoyen de cette lutte, il resterait éternellement vrai quel'établissement de la cité socialiste aurait été bourgeoisla perdurable cité socialiste serait de fondation bour-

geoise. En ce sens la lutte des classes est pour tout so-cialiste un pis aller bourgeois. Il est donc permis dedésirer, d'espérer que la révolution sociale ne sera pasfaite ainsi, qu'elle sera constituée par l'universalisationd'une culture socialiste, c'est-à-dire harmonieusement

humaine. C'est pour cela que, tandis que nous pouvonstravailler dans la joie à faire la conversion des consciences,

nous devons participer sans aucune joie à la lutte desclasses elle est pour nous comme un service militaire.

Cette tristesse intérieure à laquelle nous ne devons

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LA RÉPUBLIQUE. NOTRE ROYAUME DE FRANCE

jamais essayer d'échapper quand nous participons à lalutte des classes est assurément le caractère principalde Jaurès. Non pas que j'oublie l'importance et la puis-sance de ses autres caractères. Tous les socialistes

français et tous les militants socialistes internationaux

connaissent la souveraine puissance de celui qu'on nom-

mait malgré soi le grand orateur. Ceux qui l'avaient unefois entendu ne pouvaient l'oublier. Il montait à la tri-

bune. Il était si plein de sa pensée que les premièresphrases paraissaient venir mal, comme trop bourrées.Puis la lourde et robuste puissance de sa pensée commen-

çait à se mouvoir dans la force d'abord un peu grinçanteet dans la puissance un peu sourde de sa parole, qui

prenait aux entrailles. Alors il dominait, d'autant plusmaître que la foule avait été plus houleuse, d'autant pluslarge qu'elle se déroulait comme la mer. Et son discours

s'imposait, toujours admirablement composé comme uneœuvre classique, servi par une voix soudain devenueclaire et merveilleusement puissante. Rien d'artificiel,

rien d'appris dans la forme. La force de la pensée portaitla force de la forme. Le geste surtout n'avait rien de fac-tice. Il n'avait pas les gestes habituels des orateurs,mais des gestes d'ouvrier manuel, enfonçant les idéesdans le bois de la tribune, appuyant du pouce pour in-

sister, gestes rudes et lourds instinctivement faits parson épaisse carrure de montagnard cévenol. Mais cequi donnait à tout cela une valeur incomparable, c'étaitle sentiment intérieur que nous avons dit. Autant ilavait de joie exubérante et saine, autant la joie florissantes'échappait de son corps, de ses mains et de ses yeuxquand il parlait pour convertir, autant ceux qui le con-naissaient bien devinaient en lui un arrière-plan de sin-cère tristesse quand il parlait pour combattre. Jamais ilne s'est profondément réjoui de ces ignominies bour-geoises qui paraissent illustrer la doctrine socialiste et

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qui paraissent avancer l'heure de la révolution sociale.Sans doute le sursaut d'indignation que donne à touthomme juste le spectacle d'une scandaleuse injusticebourgeoise pouvait lui sembler un facteur de la révolu-tion sociale. En ce sens il pouvait, dans la fièvre ducombat, crier la joie amère qu'il avait à voir la société

ennemie s'enfoncer ainsi dans sa pourriture et préci-piter sa propre ruine. Mais comme on sentait bien quecette joie de fièvre et d'amère indignation n'était pasentière, n'était pas son habituelle et innocente joie de

convertisseurCette même culture générale, cette mêmephilosophie qui l'avaient conduit au socialisme l'avaientheureusement prémuni contre toute joie mauvaise. Ilsavait discerner le mal qui se cache sous un tel semblantde bien. Il savait que les ignominies bourgeoises en défi-nitive s'exercent contre la douloureuse humanité, contre

l'humanité commune, et qu'ainsi ce qui en définitiveest compromis, c'est l'héritage même du socialisme futur,du socialisme prochain. Il savait que ces ignominiessont toujours exercées sur des hommes vivants, et que,si elles semblent justifier certaines formules non vivantes,elles risquent de détériorer sans remède l'humanité même.Il savait que ce n'est pas avec des livres, avec des textes,mais avec des hommes que se fera la cité socialiste, etqu'elle ne se ferait pas si les hommes étaient irrémé-diablement avilis et stérilisés dans la société bourgeoise.Il savait bien qu'il n'y a pas deux humanités, la bour-

geoise et la socialiste, mais que c'est la même humanité,qui est à présent bourgeoise, que des individus et despartis socialistes s'efforcent de faire devenir tout entièresocialiste. En un mot il n'était nullement scolastique,mais il avait un sentiment, une connaissance exacte et

réaliste de la réalité vivante. C'est pour cela qu'il voulaitqu'en attendant que la révolution sociale fût parfaite,et justement pour bien faire cette révolution sociale,

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toute l'humanité devînt et demeurât belle et saine, et

digne de sa prochaine fortuné.Il était lui-même un vivant exemple de ce que peut et

de ce que vaut un socialisme ainsi vivifié, ainsi humanisépar la considération respectueuse de l'humanité passée,de toute l'humanité présente et future. Son éloquence,infatigablement alimentée de faits, était inépuisablementaérée de large et de libre philosophie. Traitées parlui, les affaires du socialisme ne cessaient jamais d'êtreles affaires de l'humanité, d'être des affaires humaines.

Comme tous les vrais réalistes, il était profondémentphilosophe et profondément poète et ces deux grandesqualités se confondaient en lui. Loin que cette largeuret cette universalité affaiblît sa force révolutionnaire, il

y puisait au contraire les éléments premiers de sa convic-tion, il y trouvait les puissantes bases de son assurance,de sa robustesse, de sa solidité vigoureuse, montrantainsi que l'étroitesse de la pensée n'est nullement néces-saire à la vigueur de l'action, que la petitesse des vuesn'est pas le gage nécessaire de la solidité. Des hainesvigoureuses

Que doit donner le vice aux âmes vertueuses,

il n'avait gardé que la vigueur. Quoi qu'il en ait ditparfois, et quoi qu'il en ait voulu croire, il ignorait tota-lement la haine.

(O. C., tome XI, P. 53à 57.)

Jaurès fut de ces hommes. A peine engagé dans l'affaireDreyfus, il sentit bien que des épreuves nouvelles etdes devoirs nouveaux allaient commencer pour tous lesdreyfusards, comme on les nommait dédaigneusement,et en particulier pour lui. A l'acclamation des foules, à lasympathie de tous les camarades, à la ratification de tous

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les théoriciens allait succéder, devant l'hésitation de beau-

coup, la lutte âpre et d'abord presque solitaire pour lavérité presque universellement méconnue. Jaurès n'hé-sita pas.

Ce n'était pas la première fois qu'il faisait ainsi passerle souci constant qu'il avait de la vérité comme elle estavant le souci que les théoriciens ont assez souvent de lavérité comme ils voudraient qu'elle fût. Les théoriciens

avaient fait quelques réserves et certains même avaientfait quelques critiques au grand discours qu'il avaitprononcé sur la crise agricole. Plus tôt même on avaitfait des critiques assez vives à la solution qui fut adoptéepar les verriers de Carmaux après l'échec de la grève.On sait que, pour donner un asile et du pain aux militantsqui avaient si opiniâtrément, si admirablement combattupour sauvegarder leurs libertés politiques et syndicaleset ainsi les libertés politiques et syndicales de tout le pro-létariat français, on avait institué une verrerie ouvrière,

propriété commune de tous les syndicats et groupescorporatifs de France qui auraient acheté des actions.Il paraît que cette fondation présentait quelques diffi-cultés à l'égard des formules et des habitudes reçues.Mais dès lors Jaurès pensait sans aucun doute que si lesprincipes et l'idéal socialiste ont une valeur souveraineen ce qu'ils commandent le devoir, les formules qui ré-sument les faits sont au contraire incessamment com-

mandées par les faits eux-mêmes. Sans doute il pensaitque, si les hommes doivent se sacrifier à la réalisationde l'idéal socialiste, au contraire il serait immoral de

sacrifier les hommes vivants à la vaine justification desformules de fait. Le meilleur moyen de préparer la nais-sance et la vie de la cité socialiste n'était pas de donnerà des formules de fait qui régissent ou ne régissent pasla société présente une authenticité, artificielle d'ailleurs,mais d'abord de garder saufs les hommes qui auront à

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