extrait de la publication…par une jeune fille, dolinda, qu'on pouvait aussi appeler par son...

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Extrait de la publication

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  • FLEUR

    D'ÉPINE

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  • LA DERNIÈRE CARTOUCHE, roman, 1953.

    LE Bout-Galeux, roman, Prix Populiste, 1956.

    DU MÊME AUTEUR

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  • JEAN-PIERRE CHABROL

    FLEUR

    D'ÉPINEroman

    QTf

    GALLIMARD

    5, rue Sébastien-Bottin Paris VII*

    3' édition

  • Il a été tiré de l'édition originale de cet ouvrage vingt-cinqexemplaires sur velin pur fil Lafuma-Navarre, savoir vingtexemplaires numérotés de ). à 20, et cinq, hors commerce,

    marqués de A à E.

    Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptationréservés pour tous les pays, y compris la Russie.

    @ 1957, Librairie Gallimard.

    Extrait de la publication

  • Les personnages et les décors dans ce livre sont purementimaginaires. Toute ressemblance éventuelle avec des personneset des lieux existants ne pourrait être que fortuite.

    La formation particulière des noms patronymiques corses, etla faveur dont jouissent certains prénoms, auxquelles l'auteura dû sacrifier dans l'intérêt de sa fiction, peuvent l'avoir conduità des homonymies dont il s'excuse.

    AVERTISSEMENT

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  • Extrait de la publication

  • Bernard VINCENSINI, employé à Paris,

    Simon-Jean VINCIGUERRA, professeur à Bastia,historien de la Corse,

    Ange-Michel SUZINI, paysan à Letto-Maggiore

    dont l'amour du pays n'a pas que des paupières,

    et à

    NATALA, la chevrette que j'ai prise.

    Jean-Pierre CHABROL.

    A

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  • Que le clan Salvini aît f inalement emporté la mairie deMortelle causa beaucoup d'étonnement dans certains milieuxcorses de Paris. Seuls quelques initiés comprirent quellesrépercussions allait avoir, pour les suites judiciaires d'un faitdivers, le « hold up de la Commerciale », et pour la carrièrede quelques personnalités, cette élection partielle dans unvillage montagnard de l'lle.

    Il peut encore paraître invraisemblable qu'un champ deblé et qu'un sanglier aient joué un rôle qu'on ne peut négligerdans ce retournement et qu'une machinerie aussi soigneuse-ment réglée que le scrutin de Mortelle aît pu être enrayéepar une jeune fille, Dolinda, qu'on pouvait aussi appelerpar son deuxième prénom FIOR DE SPINA, Fleur d'Epine.

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  • LES PAQUES DE FINUCCHIETTA

    PREMIÈRE PARTIE

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  • Quel âge ça lui fera maintenant, à l'Ours-Lion ?Ils se carrent, prennent leur souffle, prennent leur distance.

    La buire de terre garde le café à portée de flammes, au fondde l'âtre. Le velours des pantalons roucoule. Un genou craque.

    Sous la table, Flambeau aboie trois fois, drôlement jappe-ments plaintifs, courts, suivis, chacun, d'un grondement étouffé.Flambeau rêve, les hommes sourient.

    Le sanglier est suspendu par les pattes de derrière dans lacasetta 1, avec deux charges de chevrotines dans le corps. Lapremière, dans le museau, l'a retourné. La deuxième, dansle cœur, l'a roulé sur la pente du maquis, de bruyères enrochers, jusqu'au buisson de lentisques où il a fini la coursede sa vie. Il était trop tard quand les chasseurs l'ont remontédu fleuve. Ce sera demain, à l'aube, la fête du dépeçage,de la charcuterie, et les enfants pourront jouer au ballonavec les poumons. Dolinda lave les assiettes sur la pierredu coin noir et, parfois, son coude fait tinter les seaux.Dom Petru sort. La lune flatte la casetta. En salut, DomPetru s'étire puis bâille, avec des variations. Les montagnessont en étain. A leur pied, deux collines forment hausse. Onpeut viser la mer, la mer, jour et nuit couleur de ciel, la mer,coup de faux dans les étoiles.

    Demain il fera clair. On verra là-bas l'île d'Elbe, l'îlePianosa, l'île de Monte Cristo, on devinera la côte italienne.

    Dom Petru ramasse un moignon d'olivier et il entreDemain, il fera beau. Avant qu'il ait refermé la porte,

    1. Casetta (de casa) maisonnette de pierres sèches, écurie ou grange.

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  • FLEUR D'ÉPINE

    une chouette sur la montagne lui donne confirmation et sonhululement visite la cuisine.

    Dom Petru, le berger, pose l'olivier sur les tisons qui leprennent aussitôt à partie. Il s'assoit sur les talons, et taquinele foyer du pique-feu. Les flammes lui lèchent le visage avecreconnaissance.

    Quel âge il aura, maintenant, ziu1 Orsu-Leone. beuh ?Ange-Martin Sorbi ni Guerrier Giovannetti, Pascal Para-

    vésini, ni, même, Antoine Quilichini, surnommé « Monami »,ne répondent. Ils savent que c'est à Dominique Orsoni deparler, et ils savent comment le vieux parlera. Ours-Lion Poli,les coudes sur les genoux, sourit au feu. Il n'a pas entendu.Il n'a rien entendu. Il n'entendra jamais rien. Il frotte sespaumes et il ne sait pas qu'elles rendent un bruit d'écorce.Il soupire, il glousse, et il ne sait pas que sa poitrine et sagorge exhalent de sauvages rumeurs. Il mourra sans connaîtrela rhapsodie éparpillée du maquis à l'aurore et le doux cla-potis des chênes sous le vent.

    Le vieil Orsoni bourre sa pipe. Il choisit un court tison,rejette sa casquette en arrière pour ne pas brûler la visière.Il aspire longuement. La fumée tourne dans la cuisine. DomPetru se frotte les yeux.

    Ours-Lion, moi, je peux le dire, il aura maintenant,oui, il aura maintenant, exactement, cinquante-deux ans, moinstrois mois avant-hier.

    Cinq bourricots passent devant la cuisine. Ils gravissent lepré, montent vers la casetta, sous la lune. Le vieil Orsonicroise ses jambes sonores. Sa denture comporte deux brèchessur le devant une pour le tuyau de la pipe, l'autre pour lesmots.

    Ours-Lion, c'est dans l'épaisseur de l'été qu'il est né.Il a braillé pour la première fois de sa vie le jour que Ours-Joseph est rentré mort au village. Toute la nuit, on avaitentendu crier la mère. Au petit matin, on l'avait plus enten-due. On s'était dit, comme ça: bon, ça y est. Mais on y pen-sait. Le berger de Cullette nous avait réveillés à minuit, parcequ'il avait vu le bûcher au bord de la mer. Tout le restantde la nuit, y en avait pas un qui avait arrêté de penser à cefeu, là-bas, au fond, qu'on pouvait pas le quitter des yeux. Aupetit matin, voilà qu'on entend le premier cri du nouveau-né,

    1. Ziu, zia oncle, tante. Termes de respect et d'affection.

  • LES PAQUES DE FINUCCHIETTA

    et alors, juste, voilà la mule d'Orsu-Giuseppu, qui se montreau tournant de Fontanella, la mule avec Orsu-Giuseppu toutdroit dessus.

    Une série de fauves sont accroupis autour du Monte d'Oro.Ils lèvent la tête vers son panache blanc et battent, de laqueue, la plaine orientale de l'île. Si l'on descend sur la nuquerase d'une lionne, en direction de la Méditerranée, si l'onsuit la crête de la colonne vertébrale, on surplombe deuxvallées, espaces entre les fauves couchés à droite et à gauche dunôtre. Au fond coule de l'eau. Beaucoup en hiver, un fil enété. A gauche: le Tavignano, à droite: le Tagnone. Ils vont à lamer, alors ils sont appelés « fleuves ». Les fauves sont maigres.Des deux côtés, des vallons, entre les os, amènent pluie ettranspiration aux fleuves. A mi-chemin entre la nuque et laqueue, sur la droite, au départ d'une maîtresse côte: Finuc-chietta. En face, au-dessus de l'autre rive du Tagnone, auflanc de l'autre fauve Mortelle.

    Il y a un demi-siècle, Finucchietta était! encore un villageimportant, avec des riches familles, les Colonna-Serra, bien sûr,mais aussi les Orsoni, les Giovannetti, les Quilichini, les Para-vésini, qui avaient de la terre au soleil, et aussi des pauvres,qui travaillaient cette terre. Aujourd'hui ce n'est plus qu'unhameau de quatre maisons avec, alentour, quelques ruinesmoussues. Dans le dos, les sommets éternellement blancs, sousle nez, la mer la plus tendre du monde. Des siècles durant,l'homme s'est mesuré à la rocaille, aux cistes, aux bruyères,aux arbousiers, et à toutes les races de ronces de l'univers. Il

    a broyé les cailloux pour les convaincre à la fertilité, il aaccoutumé le cheptel à ne ruminer que broussailles et buis-sons. Maintenant, il n'y a plus d'hommes. La pierre et l'épinevont remporter leurs dernières victoires.

    La côte orientale est plus fertile. Sur sa longue plaine, entreles étangs et les plages, vignes et vergers nourrissaient dans lelimon les plus beaux fruits de l'île. A la saison des récoltes,jadis, de jeunes montagnards descendaient pour louer leursbras. Les propriétaires de la plaine les payaient en blé. AFinucchietta, et dans les hameaux voisins, les garçons basanésdes familles pauvres, les longs garçons aux pommettes angu-leuses, aux gestes lents et aux mains lourdes, sellaient leursmulets, accrochaient la gourde, la musette, la couverture, bou-

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  • FLEUR D'ÉPINE

    claient la cartouchière et jetaient le fusil sur l'épaule.. Cesdéparts n'étaient pas joyeux.

    La malaria sévissait sur la plaine orientale. Les habitantsdu littoral, vivant et travaillant douze mois sur douze aumilieu des étangs et des marais, étaient tous atteints de palu-disme chronique et parvenaient à s'en accommoder. Maisle moustique ravageait les saisonniers de la montagne.

    Il n'y avait alors ni téléphone, ni télégraphe, ni voiture,et si peu de routes. L'été est torride sur la côte marécageuse.Il fallait faire vite. Lorsqu'un montagnard mourait, le pro-priétaire allumait un feu sur le rivage, en un point, toujoursle même, qui se voyait du village de la crête, puis il envoyaitprendre le mulet du mort. Il mettait le cadavre en selle. Ilcalait les pieds dans les étriers et les attachait l'un à l'autrepar une corde en sous-ventrière. Il fixait les mains au pom-meau, par une autre corde qui, glissée sous la selle, venaits'attacher par derrière, à la ceinture du mort. Avec son cou-teau, il taillait une tige de tremble terminée par une fourche.Ce bâton, coincé sur la selle, la fourche sur le cou, encastréesous le maxillaire, forçait le cadavre à redresser la tête. Uncoup de pied lançait sur les sentiers du maquis le mulet etson cavalier brimbalant.

    Le berger de Cullette a aperçu le feu. Il réveille Finuc-chietta et les hameaux voisins: Pinchuli, Capanevecchie,Sarra. qui, derrière la crête, sur le versant gauche, vers leTavignano, n'ont pu apercevoir le feu de la mer, mais que lesignal peut concerner. La foule se serre sur la place de Finuc-chietta, sous l'orme. Il manque seulement les tout-petits qu'ona laissés dormir au creux de leur paillasse, la Maria-Catherinequi hurle sa douleur d'enfantement et la vieille Maria-Orsula,la sorcière, auprès d'elle.

    Le soleil se lève derrière la mer et d'abord il rince en elle

    son poignard ensanglanté. Les coqs se répondent. Ils se trans-mettent l'aube, par relais. de Ghisonaccia au col de Vizza-vona. Les premiers bourdons partent d'un vol pâteux surles bords du silence. Dans chaque cœur, un prénom se gonflede sang comme une éponge. Dume ? Ou Paul-Jean ? ouLaurent ?. Mon fils ? Mon frère ? Mon neveu ? Mon cou-

    sin ? Mon promis ? Mon voisin ?. La nature s'éveille douillet-tement, le maquis s'étire. Le premier rayon qui frappe lacrête fait crier de bonheur un rouge-gorge. On ne parle pas.Tout ce qu'on a à se dire appartient à tous. C'est l'aurore et

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