extrait de la publication… · gamme étendue de cours et de séminaires portant sur le...

22
Extrait de la publication

Upload: dinhcong

Post on 12-Sep-2018

212 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Extrait de la publication

Extrait de la publication

LES VISAGES DE L’INTOLÉRANCEAU QUÉBEC

Extrait de la publication

Extrait de la publication

André Lussier

LES VISAGES DEL’INTOLÉRANCE AU QUÉBEC

Textes d’hier et d’aujourd’hui

SEPTENTRION

Nous remercions le Conseil des Arts du Canada ainsi que la SODECde l’aide accordée à notre programme de publication.

Illustration de la couverture : Archange Michel, The Bottega delGuariento Italian, Correr Civic Museum,Venise, Super Stock.

Révision : Solange Deschênes

Mise en pages : Folio infographi

© Les éditions du Septentrion Diffusion Dimedia1300, avenue Maguire 539, boul. LebeauSillery (Québec) Saint-Laurent (Québec)G1T 1Z3 H2N 1S2

Dépôt légal – 4e trimestre 1997Bibliothèque nationale du QuébecISBN 2-89448-091-1

Si vous désirez être tenu au courant des publicationsdes ÉDITIONS DU SEPTENTRION

vous pouvez nous écrire au1300, av. Maguire, Sillery (Québec) G1T 1Z3

ou par télécopieur (418) 527-4978ou consulter notre catalogue sur Internet :

http ://www. ixmedia. com/septentrion

Extrait de la publication

Présentation

ANDRÉ LUSSIER EST NÉ À MONTRÉAL. Après des étudesau Collège Sainte-Marie, il est admis à l’Institut de

psychologie de l’Université de Montréal fondé en 1942par le père Noël Mailloux, dont il sera membre d’unedes premières promotions. Quelques années plus tard, ilse rend à Londres pour y acquérir sa formation depsychanalyste au Anna Freud Center. Ses études et sesrecherches, notamment celles qui portaient sur la rela-tion mère-enfant auprès d’Anna Freud et de D. W.Winnicott, l’ont amené à publier dès 1955 dans la pres-tigieuse revue Psychoanalytic Study of the Child.

De retour de Londres, André Lussier a poursuivi sacarrière comme professeur à ce qui était devenu leDépartement de psychologie de l’Université de Mont-réal où il a été jusqu’à récemment responsable d’unegamme étendue de cours et de séminaires portant sur ledéveloppement de la personnalité, la formation ducaractère, la psychopathologie, l’identification, la délin-quance et la criminalité, en plus de ses activités de super-visions cliniques. Dans son engagement universitaire, ila été de tous les combats qui tentaient d’assurer la

Les visages de l’intolérance au Québec8

défense des méthodes qualitatives en recherche et ducaractère scientifique et fondamental de la psychologieclinique.

En parallèle à ses fonctions universitaires, il a prispart aux grands débats publics de la Révolutiontranquille en publiant à partir de 1960 des articles dansla revue Cité libre dont les propos courageux, notam-ment sur la censure et la peine de mort, ont eu d’im-portantes répercussions sociales. Il a fait partie de lacommission Régis sur la censure et, quelques annéesplus tard, de la commission Le Dain sur l’usage desdrogues à des fins non médicales.

Par ailleurs, depuis le milieu des années cinquante,André Lussier a toujours été et demeure très engagédans la pratique et la formation psychanalytique. Il aaussi été, successivement, directeur de l’Institut cana-dien de psychanalyse, président de la Société psycha-nalytique de Montréal et vice-président de l’Associationinternationale de psychanalyse. Ses nombreuses publi-cations ont porté principalement sur la question del’idéal, le fétichisme et les perversions, la relation d’objetet, plus récemment, sur l’hystérie.

Il a reçu en août 1996 le Mérite annuel de l’Ordredes psychologues du Québec et, en décembre suivant, leSigourney Award, attribué par l’American Psychoana-lytic Association pour souligner son exceptionnellecontribution à l’avancement de la psychanalyse.

JACQUES MAUGER

Directeur de l’Institutpsychanalytique de Montréal

À mes enfantsCatherine,

Dominiqueet Véronique

Je veux exprimer toute ma gratitude à deux collègues :Jacques Mauger et Dominique Scarfone. Sans leur cons-tant encouragement et leurs indispensables conseils, celivre n’aurait peut-être jamais vu le jour.

Extrait de la publication

Extrait de la publication

Les dessous inconscientsde la censure

PLUSIEURS MOTIFS ont contribué à me convaincrefinalement qu’il pouvait être pertinent de rééditer

ce texte. Je n’en retiendrai qu’un, en tant que con-tribution à la petite histoire de notre société vers lemilieu de notre siècle. Il y a tout lieu de croire que lesgénérations montantes dans notre milieu ignorent engrande partie une large part des combats psychosociauxqui les ont précédés et qui ont préparé l’ouverture d’es-prit qui anime le corpus social dans lequel ellesvivent. Les jeunes tiennent pour acquis un grandnombre de libertés et de conditions de vie dont ils jouis-sent et qui sont leur pain quotidien, en pensant qu’il enfut ainsi de tout temps. Ils entendent certes parler de lasoi-disant révolution tranquille mais ils en connaissenttrès peu la teneur. Pour l’historien, il semble que lestémoignages sur l’état d’esprit qui régnait alors nepleuvent pas. Convaincu que ces textes gardaient engrande partie leur actualité, j’ai pris intérêt à y revenir

Extrait de la publication

Les visages de l’intolérance au Québec12

en les mettant un peu à jour et en y ajoutant desconsidérations rétrospectives.

La révolution tranquille, parlons-en un peu. Jetrouve cette appellation impropre pour plusieurs raisonsdont la première est qu’elle induit en erreur, elle estfausse. Si l’on veut, ce fut une révolution blanche — etnon rouge — mais elle fut loin d’être tranquille. Lespersonnes qui ont traversé l’ère Duplessis avec un mini-mum de lucidité en savent quelque chose. Les jeunesd’aujourd’hui, en trop grand nombre, ignorent à quelpoint les citoyens pensants, les citoyens en quête d’unesaine et équitable liberté d’esprit, étouffaient, à quelpoint le système politico-religieux avait réussi à mettreen cage, à bâillonner l’esprit de la « majorité silen-cieuse ». Le système y arrivait grâce à un continuel excèsd’autoritarisme toujours appuyé par des lois qui ne fai-saient pas souvent honneur à la justice, des lois conçuesallègrement pour la sauvegarde du parti au pouvoir.Tout cela, trop souvent, avec la bénédiction du clergéofficiel. Une des figures les plus lucides et des pluscourageuses de notre petite histoire, Mgr Charbonneau,archevêque de Montréal, a payé très cher pour sa sin-gulière audace ; il fut destitué par Rome pour s’êtreopposé au système Duplessis. Ses frères, les autresévêques, s’étaient rendus à Rome, la main dans la mainavec les ministres du « chef » pour le dénoncer outra-geusement. (C’est là un des tableaux révélateurs de lacourageuse grève d’Asbestos.) Certains historiens ontdit que les évêques mangeaient dans la main de Duples-sis, et que celui-ci, pour les récompenser de leur soutien(électoral), leur accordait pleins pouvoirs en matière demorale et d’éducation. Les mentalités duplessiste et

Extrait de la publication

Les dessous inconscients de la censure 13

cléricale du temps se ressemblaient comme des frèresjumeaux. Ce qui fit régner pendant des décennies l’au-toritarisme le plus étroit, le plus injuste, le plus abêtis-sant qu’on puisse imaginer (en faisant abstraction biensûr des grands dictateurs criminels et sanglants). On n’apas idée aujourd’hui de l’étendue et de l’étroitessed’esprit de la censure qui régnait en maître absolu dansun grand nombre de domaines touchant la vie del’esprit et les arts. L’esprit de censure était poussé à soncomble avec la sanction officielle de l’État — c’est-à-dire Duplessis — et de l’Église. L’Église avait toujoursson représentant au Bureau de la censure du cinéma,grâce à Duplessis. La nature des prohibitions et doncdes coupures nous donnera une idée de « l’envergure etde l’ouverture d’esprit » de nos censeurs, ces gardiens denos âmes.

Pour aider le lecteur à se faire une idée de cettementalité régnante et de la qualité de l’air qu’on nousdonnait à respirer, je donnerai ici quelques-unes desrègles qui régissaient le fonctionnement du Bureau offi-ciel de la censure au Québec. Aucun film ne pouvaitêtre montré, à moins d’être carrément cisaillé, châtrépar les gardiens de la morale, s’il dérogeait à des normesprécises :

• «… s’il amoindrit ou abaisse la morale dans l’esprit deceux qui le voient. La sympathie de l’auditoire ne doitjamais être favorable au criminel, à la violation et auxviolateurs de la loi. »

• « Les sujets de films… devront être des exemples dela vie ordinaire… »

• «… le film doit respecter le mariage et faire ressortirla valeur de la famille dans la société. »

Extrait de la publication

Les visages de l’intolérance au Québec14

• « L’adultère… ne devra pas être traité de façon tropclaire et explicite et présenté de manière attrayante…Sera prohibé tout ce qui pourrait induire l’auditoire àl’imitation. »

• « L’infidélité matrimoniale ne sera pas permise àmoins que le film ne comporte la leçon moralequ’elle est mauvaise et toujours punie de manière àdécourager toute imitation. »

• « Les scènes exprimant un amour trop passionné neseront tolérées (que si) cela ne viole pas les règlesfondamentales de la morale. »

• « La perversion sexuelle, la traite des Blanches, lesscènes d’accouchement, l’allaitement au sein desenfants en public… seront prohibés. »(Je prie le lecteur de remarquer, au passage, dansquelle catégorie on classait l’exposition d’un sein quiallaite.)

• « Tout ce qui pourrait induire les esprits faibles àl’imitation de l’homicide involontaire sera prohibé.Le meurtre de revanche est interdit. »

• « Aucun prêtre ou ministre de la religion ne devraêtre tourné en ridicule ni placé dans des situationscompromettantes, de même que dans des rôles decomique ou de traître. »

• « Tout film de nature communiste, même s’il estdéguisé sous le manteau de l’Art, sera refusé. »

• « Tout mot ou geste obscène, toute allusion, chanson,farce à double sens et trop crues, le blasphème serontinterdits », etc., etc.

Après cette liste édifiante, je me contenterai de neretenir que quelques facteurs ou incidents de l’époque,

Extrait de la publication

Les dessous inconscients de la censure 15

signes des temps, chacun très représentatif, pourremettre ou mettre en mémoire les couleurs du tempsd’alors. Un professeur (catholique) de l’université(catholique) ne pouvait ni posséder ni lire Balzac — etcombien d’autres ! — sans la permission expresse etécrite du recteur (clérical, de par la charte) après avoirprouvé le bien-fondé de cette lecture pour son ensei-gnement. La permission était valable pour un an,l’Église ne pouvant pas nous laisser trop longtemps ensituation de danger pour nos âmes ; elle veillait et nousavait à l’œil. Chacun risquait son poste, comme autemps du collège chacun risquait « la porte ». Je penseencore à cette lettre de la main d’un recteur de collègejésuite concernant un membre de ma famille où il estécrit, à l’adresse de ses futurs professeurs de philosophie,qu’il devra « être mis inconditionnellement à la portedès que dans ses dissertations il manifesterait le moindreesprit d’insubordination ». On avait découvert qu’ilavait des liens d’amitié (non particulière) avec un jésuiteinsubordonné, François Hertel (père Rodolphe Dubé1).Parallèlement au drame épique de Mgr Charbonneau, ily eut l’expulsion du pays de l’aumônier français, bien-

1. François Hertel fut une exceptionnelle inspiration pour un cer-tain nombre de privilégiés. Il était philosophe, écrivain, romancieret homme d’une vaste culture. En flagrant défi à l’endroit de sessupérieurs (Compagnie de Jésus), il enseignait la philosophie dansun esprit de totale liberté, une rareté à l’époque. À l’insu de sessupérieurs, il nous donnait, à un petit groupe, dans nos maisonsprivées, des cours approfondis de philosophie et de lettres, le touten ayant à coeur de nous initier à la liberté de penser et de nousinciter à nous méfier de tous les opiums ambiants. Il sera finalementexpulsé de la Compagnie de Jésus et devra s’expatrier pour finir sesjours à Vezelay.

Extrait de la publication

Les visages de l’intolérance au Québec16

aimé des étudiants de l’Université de Montréal, l’abbéRobert Llewellyn parce que, esprit d’avant-garde etouvert, il avait réussi à faire en sorte que le bal desfinissants ait lieu dans le grand hall d’honneur de l’uni-versité. Et qui plus est, ô scandale ! il disait alors lamesse à cinq heures du matin pour les étudiants quivenaient de danser. Il oubliait, le pauvre, que la danseest un péché ! Il encourageait le sacrilège ! AdieuLlewellyn.

Le cardinal responsable de l’expulsion devait seprendre pour le Christ, chassant les vendeurs du temple,mais il oubliait, ce faisant, qu’il renvoyait le bal desfinissants dans les hôtels où le tout se terminait autre-ment que par une mess…. Je rappelle l’incident si hon-teux pour les Québécois de l’outrageuse censure du filmLes Enfants du paradis, faisant dire à un représentant del’Église : Il faut que le Québec donne une leçon demorale à la France2 ».

La condition politico-religieuse de l’époque rendaittrès risqué (pour son poste) de simplement questionnerl’ordre régnant sur les plans politique et moral. Endehors des luttes individuelles, comme celle d’AndréLaurendeau (la lucidité personnifiée), il faudra attendrele travail de la courageuse équipe de Cité libre, sousl’inspiration de Gérard Pelletier, pour qu’un commen-cement de lumière se fasse jour dans notre ciel téné-breux. Que la chose n’allait pas de soi se trouve confir-mée par le fait devenu historique que Gérard Pelletier etPierre E. Trudeau, les deux têtes insubordonnés, furentconvoqués à l’archevêché pour y être mis au pas, sous

2. Voir dans ce volume mon texte « La triste histoire du film LesEnfants du paradis ».

Extrait de la publication

Les dessous inconscients de la censure 17

menaces d’interdiction de la revue. Je ne sais quel angegardien ou quel démon les a inspirés au cours de cettelégendaire confrontation, mais le fait est que la revuen’a pas été déclarée interdite.

J’ignore ce que Pelletier et son équipe auraient faitsi le cardinal s’était mis en frais de censurer Cité libre enla faisant mettre à l’Index. Mais une chose est certaine :les esprits libres avaient fait leur entrée sur la scènepublique et plus rien, pas plus le cardinal que Duplessis,en milieu catholique, ne pouvait étouffer cette noblemontée de l’affirmation du droit à la pensée autonome.L’esprit de censure, sur les plans politique et religieux,recevait ses premiers coups mortels.

Il faut relire Cité libre pour se rendre compte quecette « révolution tranquille » n’a pas du tout été tran-quille.

J’ai cru pour ma part qu’un regard psychanalytiquepouvait et devait jouer un rôle dans cette poussée collec-tive vers plus d’autodétermination, vers la libération desconsciences. Je vois encore aujourd’hui cet effort decompréhension psychanalytique sur une mentalité para-lysante comme apparenté à mon travail professionnel depsychanalyste. Quand j’ai attaqué le phénomène omni-présent et néfaste de la censure chez nous, je l’ai faitavec le sentiment de me pencher sur un symptôme, unéquivalent de symptôme psychonévrotique paralysant. Ily avait des forces inconscientes à démasquer pourqu’une libération s’effectue.

Les analogies sont tout aussi risquées qu’utiles. C’estpourquoi je précise que je ne veux pas laisser entendrequ’il y aurait une conception psychanalytique du social,pas du tout. Je me penche sur un phénomène social en

Les visages de l’intolérance au Québec18

tant qu’excroissance analogique à un symptôme, leséquivalences me paraissant transparentes : les forcesrefoulantes et les forces refoulées, les esprits contrôlantset les esprits contrôlés, etc. Le tout misant beaucoup surun fonctionnement inconscient. L’individu névrosécontient en lui-même les deux tendances opposées, c’estlà une distinction marquante mais qui permet aussi defaire l’hypothèse que, si les censeurs ont eu leurscoudées franches, c’est qu’ils devaient profiter (et jouir)de la projection sur eux d’une partie constituante etmobile (transférable) du psychisme de chaque individu,c’est-à-dire la compulsion au contrôle (contrôle incons-cient sur soi, contrôle sur les autres). Pour que les cen-seurs règnent, il faut qu’il y ait, dans une même mesure,des censurés qui permettent inconsciemment cettecensure. Opium qui débouche sur un sentiment sopo-rifique de « bonne conscience » dans la soumission.

Je disais que cette révolution n’a pas été tranquille.Je crois pouvoir dire que mon expérience personnelled’alors, à l’occasion de cette étude, en témoigne (moinscependant qu’à l’occasion de l’étude suivante sur l’édu-cation sexuelle par les religieux). C’est en effet sous unegrande tension et dans l’angoisse que j’ai conçu cestextes. Pour écrire contre la censure, l’indignation et lacolère ont presque suffi pour me rendre la chosepossible ; le fait d’être conscient de m’élever contre l’en-semble du milieu officiel me dérangeait mais je sais quel’essentiel de ce qui me poussait à réagir tenait au sen-timent d’oppression ambiante. Dans l’oppression, onplie ou on réagit, la mort ou la vie de l’esprit. Je savaisou je sentais que j’étais mû par des forces de vie, ce quirendait inopérants les tabous sociaux. Je me dois d’ajou-

Les dessous inconscients de la censure 19

ter que j’étais conscient d’avoir l’appui de quelques amisdont le jugement comptait à mes yeux.

Cette publication sur la censure a eu des répercus-sions tout aussi vastes qu’inattendues. Les réactionsfurent nombreuses et vives dans les journaux, les revueset à la radio. Elles furent contradictoires comme onpouvait s’y attendre. Il n’est pas exagéré de dire que laprovince fut divisée en deux, la droite et la gauche, àpeu de choses près. Il y eut ceux qui criaient au scan-dale, à l’infamie et à l’immoralité, et il y eut ceux quicriaient « délivrance ». Du côté des réactions favorables,il y eut naturellement la direction de la revue Cité libre,laquelle s’est montrée d’un grand soutien. Le plus grandréconfort et le plus riche soutien me sont venus de lapart de l’homme dont je redoutais le plus le jugement,André Laurendeau. En éditorial dans Le Devoir (dont ilétait rédacteur en chef), il a écrit y avoir vu une étudedésormais indispensable et libératrice sur la mentalitérégnante. Je dois enfin m’arrêter un peu plus longue-ment sur les réactions de René Lévesque et GeorgesLapalme, tous deux ministres dans le gouvernementLesage qui venait de mettre fin à l’ère duplessiste.Enthousiasmés par mon étude sur la censure publiéedans Cité libre, ils ont voulu qu’une commission royaled’enquête soit chargée de la refonte totale de la Loi surla censure. J’ai accepté d’en faire partie parce que Fer-nand Cadieux, sociologue, s’est laissé convaincre d’enassumer la présidence. Lui, il s’y connaissait comme pasun en matière de cinéma. À cinq, nous avons travaillé sixmois. Ce furent des mois merveilleux, des mois detravail intense qui aboutirent à des conclusions una-nimes. Nous avions, nous aussi au comité, de notre

Extrait de la publication

Les visages de l’intolérance au Québec20

propre gré « notre religieux », choisi par nous, le pèreLouis-Marie Régis, o.p. Nous savions qu’il était capablede penser et que par ailleurs il ne chercherait pas à nousinterdire de penser. Nous avons, avec son consente-ment, intitulé notre rapport officiel le Rapport Régis.L’astuce n’a pas à être le fait exclusif de l’adversaire.Georges Lapalme, le ministre directement responsable,était d’accord avec le rapport mais embarrassé ; RenéLévesque était sans réserve. Plusieurs ministres et dépu-tés étaient craintifs en raison de la tempête de protesta-tion déjà élevée en milieu réactionnaire contre le rap-port rendu public. Le comité de « l’action catholique »,très puissant à l’époque, bataillait rageusement contrenotre rapport, le présentant comme une injure faite à lamentalité du milieu. Les membres de notre comitéétaient tous catholiques. En relativement peu de temps,nous avions gagné, et sur toute la ligne. Le comité(non « pour » la censure, mais « contre » la censure)sortait vainqueur. Personne n’avait osé y croire.

Qu’on me permette de rappeler aux jeunes géné-rations qui ignorent ce passé récent que c’est seulementdepuis ce long travail qu’ils ont le bonheur de voir desfilms, des œuvres d’art dans leur version intégrale, lesciseaux étant devenus interdits avec notre rapport.

Pour ce qui est de mon engagement contre l’espritde censure, il y avait eu une dernière goutte d’eau. Lapremière nausée s’était manifestée à l’occasion du graveincident causé par le film Les Enfants du paradis, inci-dent malpropre et révélateur dont je fus un témoindirect. Puis il y eut les coupures pratiquées à même l’undes plus grands chefs-d’œuvre jamais réalisés, la Jeanned’Arc de Dreyer. Ce film montrait les représentants de

Extrait de la publication

L’insanité légale et l’insanité médicale 141Le procureur de la Couronne 144Quelques sources 147

L’enfer ou La tentation de la toute-puissancechez les hommes 149Hommage à André Liégé, o.p.

L’orgueil 159La concupiscence 165Sur le fonctionnement mental en question 179

Où sont les sorcières d’antan ? 185Essai sur la violence faite à la femme

L’accueil réservé à la femme enceinte 211

Les splendeurs de l’autre vérité ouLe testament spirituel d’une mère 227

Réflexions 238

COMPOSÉ EN GALLIARD CORPS 11,5SELON UNE MAQUETTE RÉALISÉE PAR JOSÉE LALANCETTE

ET ACHEVÉ D’IMPRIMER EN OCTOBRE 1997SUR LES PRESSES DE VEILLEUX IMPRESSION

À BOUCHERVILLE

POUR LE COMPTE DE DENIS VAUGEOIS

ÉDITEUR À L’ENSEIGNE DU SEPTENTRION

Extrait de la publication