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Extrait de la publication

Imprimé au Canada, réimpression janvier 2008.

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives du Canada

Les Éditions Hurtubise HMH bénéficient du soutien financier des institutions suivantes pour leurs activités d’édition :

– Conseil des Arts du Canada ;– Gouvernement du Canada par l’entremise du Programme

d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) ;– Société de développement des entreprises culturelles du

Québec (SODEC) ;– Gouvernement du Québec par l’entremise du programme de

crédit d’impôt pour l’édition de livres.

Éditrice jeunesse : Nathalie Savaria Conception graphique : fig. communication graphiqueIllustration de la couverture : Alain Reno Copyright © 1998, 2006 Éditions Hurtubise HMH ltée Téléphone : (514) 523-1523 • Télécopieur : (514) 523-9969 www.hurtubisehmh.com

Distribution en France Librairie du Québec/DNM www.librairieduquebec.fr

Dépôt légal/1er trimestre 2006 Bibliothèque et archives nationales du Québec Bibliothèque et archives du Canada

La Loi sur le droit d’auteur interdit la reproduction des œuvres sans autorisation des titulaires de droits. Or, la photocopie non autorisée – le « photocopillage » – s’est généralisée, provoquant une baisse des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer par des professionnels est menacée. Nous rappelons donc que toute reproduction, partielle ou totale, par quelque procédé que ce soit, du présent ouvrage est interdite sans l’autorisation écrite de l’Éditeur.

Ouimet, Josée, 1957-Piège à conviction(Collection Atout ; 20. Policier)Éd. originale : c1998Pour les jeunes de 12 ans et plus.ISBN 978-2-89647-919-8

I. Titre. II. Collection : Atout ; 20. III. Collection: Atout. Policier.

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laurent chabin



Romancier né en France, Laurent Chabin,

est venu s’installer à Calgary, en Alberta, au pied des

montagnes Rocheuses. Il vit maintenant à Montréal.

Laurent écrit autant pour les enfants que pour

les ados et les adultes (plus de 60 titres parus au

Québec depuis 1996). Il est également traducteur,

particulièrement de l’anglais vers le français.



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1UN RÊVEUR IMPÉNITENT

Longtemps je me suis demandé ce que voulaient dire exactement des phrases comme : il s’enfonça dans une ruelle sombre, ou bien : il se perdit dans un dédale de rues étroites…

À quoi pouvait ressembler une ruelle ? Que pouvait être un dédale de rues étroites ? Quand je rencontrais ces phrases dans les romans que je dévorais, autrefois, j’imaginais des lieux fantastiques, obscurs et angoissants, mais je ne pouvais pas précisément me les représenter.

Calgary, c’est autre chose. Il n’y a pas de ruelles ni de rues étroites, encore moins de dédales. Toutes les rues sont tirées à la règle, du nord au sud, et les avenues également, de l’est à l’ouest.

Les quartiers sont posés sagement les uns à côté des autres, d’équerre, séparés

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un rêveur impénitent



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par de grands intervalles nus, verts au printemps, jaunes en été, blancs en hiver.

Pas d’imagination, pas d’histoire. Cette ville est un grand espace vide et quadrillé, très clair, très pratique pour circuler et vivre au quotidien, d’accord, mais peu propice aux rêveries de l’enfant amateur d’étrange que j’étais.

Que j’étais ? Pourquoi le passé ? Je n’ai pas beaucoup changé, de ce point de vue. Je suis toujours aussi fasciné par l’inexpli-cable et l’irrationnel. Mais il y a longtemps que j’ai renoncé à l’idée qu’un quelconque mystère puisse surgir d’une rue de Calgary.

J’y suis né, pourtant, et je n’en suis prati-quement jamais sorti. Je devrais connaître cette ville comme ma poche. J’aurais dû m’y attacher, aussi, vibrer au début de chaque mois de juillet pour le rodéo et les courses de chariots ; ou bien hurler à chaque victoire des Flames, et blêmir à chaque défaite…

Mais non. Je n’aime pas les chevaux et le hockey m’indiffère. J’ai horreur de taper sur une balle avec un bâton et de me mettre à courir ensuite comme si j’avais oublié quelque chose sur le feu.

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Même mes parents ne comprennent pas que je dédaigne ces activités qui enthou-siasment les jeunes de mon âge.

Zach, tu ne t’intéresses donc à rien ? —me disent-ils quelquefois en relevant le nez de la télé et en déposant pour un instant leur bière sur la table.

Non, je ne m’intéresse à rien. Ou, du moins, je ne m’intéresse qu’à des choses qui n’existent pas. Qui n’existent pas pour les autres, en tout cas. Je me nourris de livres.

Je vis dans un monde à part, peuplé de fantômes, de revenants, de créatures rampantes qui hantent les sous-sols, les murs et les cryptes. J’y vis seul, bien entendu, car je n’ai pas d’amis.

C’est pourquoi l’arrivée de David dans mon école, en plein milieu de l’année, a été pour moi un événement si extraordinaire.

David, à mes yeux, c’est l’exotisme intégral. Il vient de l’Est. Et l’Est, dans mon esprit, est un lieu vague mais chargé d’histoire et de légendes, avec des villes séculaires dans lesquelles existent certai-nement des ruelles sombres ou des dédales de rues étroites.



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L’Est est un lieu mythique, avec des murs épais qui ont vu passer des générations et ont gardé le silence sur des crimes oubliés. Et c’est aussi, bien sûr, la patrie de mes auteurs préférés, Lovecraft et Edgar Poe.

Quand j’ai su que David arrivait de là-bas, j’ai tout de suite pressenti qu’il serait différent des autres. Lui, il saurait comprendre le monde qui était le mien.

Je suis pourtant resté longtemps sans lui parler. Je n’ai pas l’habitude de parler. Je voyais bien qu’il avait du mal à s’intégrer aux horizons dégagés des plaines : cette ville si dépourvue de secrets n’était pas faite à sa mesure. Mais, timidité ou stupidité de ma part, je n’osais pas faire le premier pas.

Finalement, c’est lui qui m’a adressé la parole en premier, plus de trois semaines après son arrivée. Il faisait beau. J’étais en train de lire, assis sur l’herbe, dans un coin écarté, tournant le dos au terrain de base-ball où s’agitaient les autres élèves.

Perdu dans mes rêveries, j’ai soudain senti une ombre se poser sur moi. Je me suis redressé nerveusement et je me suis retourné. C’était lui. Il était debout derrière moi, immobile. Bien qu’il ait en



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réalité la même taille que moi, il avait l’air immense.

Qu’est-ce que tu lis ? m’a-t-il —demandé après un long silence.

J’étais tellement surpris que je n’ai pas su quoi répondre. Après un instant d’hési-tation, je me suis bêtement contenté de lui tendre mon livre, sans me relever, le cou tordu vers sa silhouette qui me masquait le soleil.

Contrairement à ce qui se produit d’habitude dans ce genre de cas, il n’a pas ri en disant que c’était des âneries. Il a simplement hoché la tête en prenant le livre. Et puis il a passé sa main dessus, comme s’il le caressait.

Le Horla — , a-t-il murmuré. C’est le bouquin le plus fabuleux que j’aie jamais lu…

C’est ainsi que notre amitié a débuté. Très vite nous nous sommes aperçus que nous aimions les mêmes choses, les mêmes livres, les mêmes récits en noir et rouge.

Le Horla, bien sûr, ce conte extraordi-naire de Guy de Maupassant qui décrit



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l’asservissement d’un homme par une sorte de monstre invisible qui le hante jusqu’à le détruire, mais aussi L’appel de Cthulhu, de Lovecraft, et les contes d’Edgar Poe, et ceux d’Arthur Machen, tous ces récits qui font surgir l’horreur la plus pure du quotidien le plus plat.

Sous le ciel bleu de Calgary, parmi ces rues bien sages et ces gens sans histoire, j’avais enfi n trouvé un ami qui m’accom-pagnerait dans mes voyages imaginaires, vers ces pays ténébreux que je n’ai jamais vus dans la réalité mais dont je ressens depuis toujours la nostalgie.

Quelquefois, David me parle de Québec, de Boston, de ces villes de l’Est, assez anciennes pour connaître les fantômes, pour avoir déjà leur mythologie et leurs peurs ancestrales, ensevelies sous les vieilles pierres. Des villes où je n’irai probablement jamais. Par peur, sans doute, d’être déçu…

Nous échangeons des romans et des revues. Avant de le rencontrer, je répugnais déjà à quitter le monde irréel et fantas-tique de la littérature pour réintégrer le quotidien, mais maintenant que je n’y suis plus seul, cela m’est encore plus diffi cile.



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Chaque semaine, David m’apporte de nouveaux livres, qui me plongent dans de nouveaux univers où règnent des créatures infernales et immenses, des monstres faits de tous les cauchemars inventés par l’homme depuis qu’il a peur du noir. Histoires de doubles, histoires vénéneuses dans lesquelles je me noie avec délices.

Et quand le soir tombe, malgré le printemps qui a fi ni par arriver en cette fi n du mois de mai, je frissonne à l’idée que le chat noir emmuré dans la cave va soudain troubler la nuit de ses hurlements d’outre-tombe, ou que Nyarlatothep, le Chaos rampant, va peut-être se réveiller dans les profondeurs du réservoir de Glenmore, dans le sud-ouest de Calgary, et m’emporter avec lui…

Il n’y a plus personne pour me dire qu’ici les maisons n’ont jamais eu de cave, ou que le seul animal que pourrait cacher le réservoir de Glenmore ne saurait être plus gros qu’un castor.

Mais c’est plus fort que moi. Glenmore… ce nom éveille en moi tout un monde de spectres endormis et de choses innommables.



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Et malgré ce que me commande la raison, je vis dans l’attente du jour où plus rien ni personne ne pourra m’empêcher de m’y perdre à tout jamais…



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