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Extrait de la publication

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ANNA LORJIE

A peine

sont-ils plantésroman

w

1 GALLIMARD

5, rue SébàsUeu-Boltin, Paris VII'

Deuxième édition

Extrait de la publication

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Il a été tiré de l'édition originale de cet ouvrage,vingt-cinq exemplaires sur vélin pur fil Lafuma-Navarre, dont vingt numérotés de 1 à 20, et cinq,

hors comnterce, marqués de A à E.

Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptationréservés pour tous les pays, y compris la Rassie.

Copyright by Librairie Gallimard, z954.

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A peine sont-ils plantés,A peine sont-ils semés,A peine leur tronc a-t-il pris racine en terre,Qu'il souf f le sur eux.

Isaïe, XL, 24.

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A PEINE

SONT-ILS PLANTÉS.

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Tout a été simple jusqu'au jour où ma cousine etmoi, nous avons cassé le thermomètre, un très grandthermomètre pour prendre la température des bains,qui était accroché dans le petit cabinet de toilette demaman. C'est moi qui l'ai cassé en jetant en l'airun des coussins du divan. Et si j'ai dit « nous avonscassé », c'est que, seule, je n'aurais peut-être pas euenvie de lancer ce coussin.

Je ne connaissais aucun objet qui soit aussi pré-cieux qu'un thermomètre. Car un thermomètremarche tout seul, sans qu'on ait besoin de le re-monter comme on remontait la pendule ou la montrede grand-père. Bien souvent, j'avais demandé àmaman comment il s'y prenait pour mesurer la cha-leur elle ne m'avait jamais répondu. Elle, non plus,ne le savait certainement pas.

D'abord, j'aurais voulu ramasser les débris pourles cacher. Mais c'était impossible! Les petites boulesétaient trop nombreuses et trop éparpillées. Alors,ma cousine, qui avait six ans comme moi, mais quiétait toujours plus sérieuse que moi, a dit

Il faut que tu avoues cela à ta maman.Elle avait dit le mot « avouer ». C'était ce mot-là

qu'on disait dans les circonstances graves.Je ne sais plus comment je me suis trouvée dans

le bureau de grand-père. Je voyais grand-père etmaman debout devant moi dans une espèce de brouil.

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A PEINE SONT-ILS PLANTÉS.

lard. Je me rappelle seulement que je les ai prispar la main et que je les ai emmenés dans le petitcabinet de toilette. Alors maman m'a soulevée dans

ses bras et elle m'a beaucoup embrassée.Tu as très bien fait de me le dire. Il faut tou-

jours tout dire à maman. Il ne faut jamais riencacher. Je te félicite de ta franchise.

Grand-père aussi a dit que c'était bien.Pendant plusieurs jours, ensuite, je me suis sen-

tie très heureuse etj'étais très reconnaissante à macousine parce qu'elle m'avait conseillée d'avouer.J'avais aussi moins peur de casser quelque chose etje trouvais que les autres enfants avaient tort decraindre leurs parents.

Maman a raconté l'histoire du thermomètre aux

amis et aux voisins. Puis on n'en a plus parlé.Ma cousine allait au jardin d'enfants ainsi que

deux petites voisines avec lesquelles je jouais lesoir. Je restais donc toute seule dans la journée. Jepassais mon temps à dessiner des petites filles quiallaient à l'école.

Mon grand-père était assis à son bureau où ilécrivait des livres. C'est lui aussi qui me taillait mescrayons deux fois par jour. Je ne sais pas ce quefaisait maman, mais probablement elle s'occupaitdes repas.

Je ne parlais jamais à mon grand-père, parce quecela l'empêchait d'écrire ses livres. Cependant, ilnous arriva, une fois, d'avoir ensemble une longueconversation. Je lui avais demandé ce que signi-fient les mots en-cy-clo-pé-dies-de-lo-gi-que-et-de-psy-cho-lo-gie. C'étaient des mots que j'avais épelésau dos de gros livres verts qui étaient rangés sur lerayon du bas de sa bibliothèque.

Tu es trop petite pour comprendre cela. ré.pondit-il.

Oh, si explique-moi tout de même, grand-p'ère

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A PEINE SONT-ILS PLANTÉS.

Eh bien ce sont des mots qui concernent.ce que je fais.

Qu'est-ce que tu fais ?.Grand-père se leva et fit le tour de son bureau.

Quand j'étais très jeune, dit-il, je voulais êtredocteur, pour pouvoir soigner les petits enfants etles grandes personnes, pour les aider à ne pas souf-frir. Mais finalement, j'ai choisi un autre métier,celui que je fais maintenant. Car je pensais que celapouvait aider les gens encore davantage que la mé-decine.

Il soupira et alla se rasseoir.Je fus très fière que grand-père m'ait parlé si

longtemps et à moi toute seule. Ce n'était pas dansses habitudes. Même à table, il ne disait jamais rienà personne. Aussitôt assis devant son assiette, il semettait sur les oreilles les écouteurs de la T. S. F.

Je n'ai d'ailleurs jamais vu dans une autre maisonune T. S. F. comme ça.

iLe soir, quand ma cousine rentrait à la maison,nous allions toutes les deux jouer chez les petitesvoisines. Leurs parents étaient sourds-muets et onpouvait faire beaucoup de bruit. C'était très amu-sant, mais maman n'aimait pas me voir jouer de lasorte. Aussi, elle venait me chercher à sept heuresen m'annonçant que la grande pendule avait parlé;elle avait dit « Il faut que les petites filles secouchent. » J'étais furieuse que la pendule ne parlejamais en ma présence.

Je m'endormais donc vers huit heures, après avoirfait ma prière devant le petit médaillon qui étaitattaché par un ruban au-dessus de mon lit.

Chaque soir s'est passé exactement de la mêmefaçon jusqu'à la fois où je fis un rêve qui a toutgâché. Ce n'était pas très longtemps après l'affairedu thermomètre.

Je rêvai que grand-père était entré chez nos voi-sins pendant que nous étions en train de jouer. Il

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A PEINE SONT-ILS PLANTÉS.

venait me chercher, mais je ne voulais pas rentrerchez nous. Alors, grand-père m'a dit que si je nevoulais pas rentrer, sa tête allait se détacher de soncorps. Et avant que j'aie eu le temps de fairequoi que ce soit, sa tête avait roulé par terre avec lecou tout rouge de sang. Le corps de grand-père avaitdisparu, mais la tête s'était redressée et elle s'étaitmise à parler

Tu vois ce que tu as fait disait-elle.Les petites voisines étaient là, mais la tête de

grand-père ne s'en occupait pas, elle était tournéevers moi avec un front encore plus grand que d'ha-bitude, le cou planté tout droit sur le plancher. J'aieu si peur que je me suis sauvée en courant jusquechez maman.

Quand je me suis réveillée, il faisait encore noirdans la chambre et maman dormait. Dès que je fer-mais les yeux, la tête de grand-père était là, devantmoi. 'Elle resta là toute la matinée, elle resta làtout l'après-midi.

Je fixais le cou de grand-père, chaque fois quecela était possible, pour voir s'il n'avait pas gardéla marque de la coupure. Grand-père savait-il« quelque chose » ?

Et ce soir-là, je n'allai pas jouer chez les petitesvoisines. Je restai dans la chambre avec maman,

pour « avouer ». Maman était occupée à écrire deslettres. Elle ne me regardait pas. J'attendais qu'elles'arrête d'écrire pour lui parler, mais elle écrivait tou-jours. Il fallait pourtant que j'avoue mon rêve, commej'avais avoué le thermomètre. Alors tout irait bien.

On sonna à la porte. C'était une visite une an-cienne élève de grand-père, devenue professeur aussi.Pas celle qui m'apportait toujours quelque chose,mais l'autre.

On vous reçoit dans le bureau, dit maman, carma fille dort déjà.

Je me déshabillai très vite et je me couchai.. Quand

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A PEINE SONT-ILS PLANTÉS.

maman viendrait me dire bonsoir, je serais touteprête, je pourrais lui parler du rêve et je me senti-rais mieux.

Oh pourquoi doncavais-je fait tant de mal àgrand-père ? C'était à cause de ma désobéissanceque sa tête s'était détachée. Et le corps, de son côté,avait dû bien souffrir aussi. Non, je n'aurais jamaiscru qu'une chose pareille était possible

Et maman qui ne venait pas Que faisait-elledonc ?

Je me mis là plat ventre, appuyée sur mes coudesde façon à pouvoir regarder le petit médaillon.

« Dieu, mon petit Dieu Fais que je puisse parlerà maman, ou alors que je ne pense plus à cette his-toire et que je sois comme si rien n'était arrivé.Fais que maman me pardonne et qu'elle ne racontepas mon rêve à grand-père. Dieu, fais que mamanvienne »

Mais le petit médaillon restait là, immobile, aubout de son ruban. Puis voilà que, par-dessus lemédaillon, est venue la tête de grand-père, rose ettransparente. Elle était beaucoup plus petite quela nuit précédente, mais elle était là, encore une fois,devant moi.

Maman Maman viens vite Maman

Mais elle ne venait pas. Elle devait être dans lacuisine en train de préparer le thé de l'autre.Alors je courus à la porte et j'appelai plus fort.

Cette fois, maman vint.

Qu'est-ce que tu fais donc, nu pieds sur leplancher ? Tu vas avoir froid! Vite, rentre dans ton lit!

Maman, viens, tu ne m'as pas dit bonsoir. Etaussi, maman, "j'ai quelque chose 'à te dire, quelquechose à. avouer.

Alors, dis vite, je suis occupée. Je prépare lethé pour la dame, dépêche-toi. Tu as cassé quelquechose au moins ?

Maman, j'ai rêvé que. que grand-père avait

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A PEINE SONT-ILS PLANTÉS.

laissé tomber sa tête par terre, chez les petites voi-sines.

Oh, que tu es bête C'est un rêve Tu voisbien qu'il n'est rien arrive à grand-père.

Je tenais maman par le cou. Je l'attirai vers moi.Maman Maman

Maman se dégagea.Il faut que j'aille là-bas, tu sais bien qu'il y a

une visite.

Maman était déjà debout au pied de mon lit. Etla tête de grand-père était toujours là, elle atten-dait que je finisse d'avouer.

Tu sais, Maman, le corps n'était pas là il nerestait rien que la tête.

Dors bien et n'y pense plus.Maman tenait déjà le bouton de la porte.

Maman, la tête était à mes pieds et je ne l'aipas ramassée. J'aurais dû la ramasser et la recolleret, au lieu de cela, je l'ai laissée sur le plancher.

Maman éteignit la lumière et s'en alla.Ainsi, je n'ai pas pu savoir si c'était comme pour

le thermomètre.

Je m'étais promis de ne pas recommencer uneseconde fois 'à avouer. J'avais fait ce que j'avais pu,c'était fini.

Maman ne semblait pas se rappeler mon rêve.Pourtant je lui avais tout raconté, je lui avais ditexactement comment cela s'était passé, je n'avaisrien caché, comme pour le thermomètre. Mais ellen'avait pas eu peur, elle n'avait même pas été triste,et maintenant elle n'y pensait plus.

Elle avait sans doute à s'occuper d'autre chose,car, un jour, elle m'annonça que j'aurais, bientôt,un nouveau papa. Je lui demandai qui cela serait,elle me répondit qu'il fallait deviner.

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A PEINE SONT-ILS PLANTÉS.

Bien sûr, je devinai tout de suite c'était le mon-sieur qui apportait des bouquets pour maman et desgâteaux pour moi, chaque fois qu'il venait cheznous.

« A présent, pensai-je, je vais avoir deux papas. »Car j'en avais déjà un qui habitait dans la même

ville que nous, avec une ballerine. J'allais le voirune fois par mois, il venait aussi nous voir. Et par-fois, la ballerine elle-même nous rendait visite,m'apportant des jouets et des bonbons. Elle étaittrès jolie, mais je ne sais pas pourquoi on l'appe-lait la ballerine, puisqu'elle ne portait jamais derobe de danseuse.

Enfin, le nouveau papa arriva. On fit un grandrepas. Maman était belle et elle m'embrassait toutle temps. Il y avait beaucoup de monde, mais mongrand-père n'était pas venu manger avec nous parcequ'il avait énormément de choses à écrire. Le pre-mier papa n'était pas là non plus, ni la ballerine.

A partir de ce déjeuner, mon nouveau papa semit à habiter avec nous. Il dormait dans le même

lit que maman et il faisait sa toilette dans le petitcabinet de toilette de maman. C'était très gênantpour moi de vivre avec lui dans la même chambre.Il fallait que je me cache pour me déshabiller. Ma-man s'en aperçut. Elle en rit beaucoup.

Mais, c'est ton papa, grosse bête, me dit-elle,c'est ton papa, il ne faut pas te gêner comme ça

Quelquefois, quand il n'était pas là, maman m'ex-pliquait que je devais l'aimer parce qu'elle, maman,l'aimait et qu'il était très gentil.

Grand-père, lui, ne me parlait presque plus, ni àmaman non plus. Il mangeait maintenant dans sonbureau, avec la mère du sourd-muet, qui avait étéautrefois, paraît-il, la gouvernante de maman. Ondisait aussi que cette dame allait bientôt m'ap-prendre à lire et à écrire.

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A PEINE SONT-ILS PLANTÉS.

Un soir, mon nouveau papa me demanda si jesavais mes prières. Il fut très étonné que je n'ensache pas une seule.

Alors, tu ne pries jamais Dieu ?Si, je prie tous les.soirs.Mais comment fais-tu, si tu ne connais pas de

prières ?Je lui parle, dis-je.Et comment lui parles-tu ?

Je me rappelai brusquement comment j'avais sup-plié mon petit médaillon quelque temps plus tôt, àpropos de la tête de grand-père. Mais je ne vouluspas lui raconter cela. Je ne voulais pas qu'il soitquestion de ce rêve, il m'avait rendue trop malheu-reuse. Alors je répondis seulement

Je ne sais pas.Tu vois tu ne pries jamais. Ce n'est pas bien.

Maman intervint

Je croyais qu'elle était trop petite. six ans etdemi, tu sais.

Pas du tout, il est grand temps de s'en occu-per. Nous commencerons dès ce soir.

Il me parla de Dieu et de la Sainte Vierge, et ilme dit comment la Sainte Vierge avait eu le petitJésus et ainsi de suite. Après cela, il m'apprit leNotre Père.

Il était content de moi parce que j'avais retenutrès vite mes prières. C'est à ce moment-là que jecommençai à adorer mon nouveau papa. Je me ren-dais à peine compte que depuis qu'il habitait avecnous, je n'allais plus jamais chez mon grand-pèreet que je ne voyais plus ni le premier papa, ni laballerine.

Maman me permettait d'aller jouer dans le jardinqui se trouvait derrière notre immeuble. Autrefois,je n'y allais jamais sans elle. Je ne connaissaispresque aucun des enfants qui s'amusaient là, maistous savaient très bien qui j'étais.

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A PEINE SONT-ILS PLANTÉS.

C'est la petite-fille du professeur, disait-on.Ji'aimais jouer dans ce jardin. Cependant, une

chose m'ennuyait beaucoup j'avais très peur de nepas pouvoir rentrer chez nous, quand j'aurais finide jouer en effet, la sonnette de l'appartementétait placée trop haut pour que je puisse l'atteindre.Il m'était arrivé parfois d'attendre très longtempsdevant la porte d'entrée avant qu'une grande per-sonne ne l'ouvre. Un jour, j'eus l'idée d'emporteravec moi une petite chaise en osier que la ballerinem'avait offerte pour ma fête. Montée sur la chaiseet dressée sur la pointe des pieds, j'arrivais jusqu'àla sonnette. Je laissais ma chaise sur le palier etj'allais tranquillement jouer au jardin.

Mais l'ancienne gouvernante de maman me dit quesi je laissais ainsi ma chaise toute seule, des vo-leurs, en passant, me la prendraient. Alors je medécidai à transporter la chaise jusque dans le jardinpour pouvoir la surveiller à chaque instant.

Et voilà qu'un jour, en rentrant à la maison, ilm'arriva une chose épouvantable. Je marchais surle trottoir en tenant ma chaise devant moi, lorsqueje rencontrai un soldat. La figure toute rouge, lessourcils fronçés, il s'approcha de moi.

Quelle jolie chaise, dit-il, quelle jolie chaise,donne-la moi.

Je ne savais que faire appeler au secours ? m'en-fuir ? lui donner la chaise pour qu'il me laisse tran-quille ?

Ah, tu ne veux pas me la donner, ce n'est pasbien. Mais ça ne fait rien, je la prends.

Et avant que j'aie eu le temps de me défendre, ilavait déjà la chaise sous son bras.

Que dirait maman si je rentrais sans chaise ?Tout d'un coup, je me mis à sangloter, comme je

ne m'étais encore jamais entendue sangloter. Jecriais à m'en étouffer. Mais le soldat était déjà loinet il faisait au revoir en agitant la main.

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A PEINE SONT-ILS PLANTÉS.

Pourquoi ? Pourquoi m'avait-il pris la chaise ?A présent, je courais vers notre escalier en appe-

lant maman. Je pense qu'il a dû avoir peur demaman, car il se mit à courir derrière moi il vou-

lait sûrement me battre pour que je ne crie plus.Je me dépêchais tant que je pouvais, car je connais-sais une cachette juste après la porte d'entrée et ilfallait que j'y arrive avant lui. Mais déjà il merattrapait.

La voilà, ta chaise ? Prends-la! Prends-la donc!Est-ce que tu crois que j'ai envie de jouer avec cettebabiole ?

En parlant, il allongeait le bras vers ma figuresa main était près de ma joue. Avait-il encore l'in-tention de me battre ? Je me remis à pleurer.

Quelle histoire pour une chaise Garde-la, vaMaintenant sa main s'approchait de mes che-

veux. Alors j'attrapai ma chaise et je me préci-pitai dans l'escalier en la traînant derrière moi. Jemontais sans me retourner.

Je nesais comment je réussis à grimper jusquechez nous. J'étais épuisée de fatigue. La tête metournait.

Qu'est-ce que tu as ? demanda maman.Maman, -cache-moi vite il me suit pour

prendre ma chaise Il veut me battreQui donc ?Le soldat Cache-moi, il est dans l'escalier

Mais non, voyons, qu'est-ce que tu racontesil n'y a personne dans l'escalier. Encore ton imagi-nation

Je pleurais toujours.Si tu continues, dit-elle, je ne t'annoncerai pas

la grande nouvelle.Quelle grande nouvelle, maman ?Devine, c'est une surprise.Tu m'as acheté un tricycle ?Non, mieux que cela.

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