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  • Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptationréservés pour tous les pays.

    0 Éditions Gallimard, 1976..

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  • AVANT-PROPOS

    Nous sommes aujourd'hui à la recherched'une grande philosophie du langage quirendrait compte des multiples fonctions dusignifier humain et de leurs relations mu-tuelles. Je doute d'ailleurs qu'un seulhomme puisse l'élaborer.

    P. Ricoeur,

    De l'Interprétation (1965), p. 13 et 14.

    Si jamais le terme d' « Introduction » a voulu exprimerles limites d'une entreprise, c'est bien dans le présent cas.L'avertissement de P. Ricœur inscrit en exergue, en pesant

    lourdement et légitimement sur elle, n'était pas loin de ladécourager. Bien plus, le lien de la philosophie du langageà la réalité historique a sans doute chaque année accru ladifficulté de dominer la situation. Après une longueperplexité, la contribution que la collection « Idées » veutbien accueillir ne trahit que trop les caractères inchoatifparcellaire et d'inégale maturation des éléments qu'elle aréunis. Toutefois, l'hypothèse impliquée dans leur mise enplace et dans l'amorce de synthèse pourrait inciterd'aucuns à méditer et à poursuivre l'organisation de cetimmense domaine. Si en effet la « grande philosophie dulangage» appelée de ses uceux par l'éminent exégète deFreud n'est point réalisée, l'esquisse proposée contraire-

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  • ment à la conception restreinte qui a cours dans les paysanglo-saxons a la même ampleur que la plupart desprojets « continentaux » depuis l'éclatante percée, il y a undemi-siècle, de La philosophie des formes symboliques.

    l'n tel essai ne pouvait que rester très limité. Si chaquechapitre voire chaque section appelait à lui seul unlivre entier, ne fallait-il pas s'en tenir à une~mise en ordre

    d'auteurs el de thèmes. encadrée par quelques réflexionssur leur incidence philosophique? Aussi bien devant telleou telle lacune, on n'oubliera pas que le relais sera prisincessamment par les nombreux travaux que nous avonscru devoir susciter à la faveur du plus vaste regroupe-ment de spécialistes tenté à ce jour dans la collection« Horizons du langage », aux éditions Klincksieck. Aussi

    discutable que soit son étiquette, après une enfancegermanique et une adolescence anglo-saxonne, la philoso-phie du langage a sans doute de beaux jours devant elle.Après intuitions el analyses s'ouvre l'ère des synthèses.

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  • Iiilrodiielion générale

    POURQUOIUNE PHILOSOPHIE DU LANGAGE?

    Pourquoi une discipline distincte intitulée philosophiedu langage? Le langage ne va-t-il pas de soi, puisquetous les hommes parviennent sans trop de mal àl'exercer et qu'il appartient à l'investigation scienti-fique, le cas échéant, d'en expliquer le fonctionnement?Une philosophie du langage ne risque-t-elle pas d'êtredoublement oiseuse parce qu'elle porte sur une activitéqui semble souvent détourner de l'action et que la façon

    philosophique de l'aborder a la réputationd'ergoter ce dont est préservée la science? En réalitél'argument ne tient pas. D'une part, parce que rien neva de soi dans notre expérience et que l'exigence de laréflexion philosophique prend précisément racine dansces failles qui sont pour certains une faillite del'évidence. Il n'y a aucune raison que le langage

    échappe à cette précarité au contraire, plus unphénomène humain est répandu et important, plus il faitproblème. D'autre part, parce que notre investigationnous poussera à reconnaître dans la philosophie dulangage une interrogation sur le sens, voire le sérieux,de l'existence dans la mesure exacte où elle ne

    rencontre pas un phénomène autarcique qui dévoreraittout le champ de l'expérience humaine, mais aucontraire une fonction s'articulant sur des modes

    d'activité qui lui semblent opposés le travail ou

  • Introduction à la philosophie du langage

    l'action. Le langage est plus que le langage et il a sansdoute des liens particuliers avec ce qu'on est convenud'appeler la philosophie (A). Mais à des liens perma-nents il faut ajouter ceux qu'appelle ou tisse laconjoncture actuelle (B). Et ce rapport est sans doutetrop réciproque pour ne pas justifier une interrogationrenouvelée, capable de dessiner les traits d'une

    réponse (C). C'est dans ces conditions que l'on pourratenter une ou des définitions d'une discipline trèsdiversement comprise et pratiquée avec les orienta-tions de recherche qu'elle nous propose et les développe-ments qu'elle appelle.

    A. Y A-T-IL PLACE

    POUR UNE PHILOSOPHIE DU LANGAGE?

    1. Philosophie et science du langage. Qu'en un sensassez général il y ait une approche philosophique dulangage, c'est ce dont nous convainquent maintesdiscussions depuis Platon. Du Cratyle à nos jours, laquestion de la nature et de l'origine du langage a étélargement débattue. En se contentant comme certains

    de l'expression « théories du langage », on réserve à lafois la question d'une « philosophie du langage » quiaurait des lettres de noblesse depuis plus de vingt siècleset celle des frontières entre science et philosophie. Enn'appelant point « philosophiques » la plupart desétudes sur le langage antérieures au xixe siècle, on tend

    à nier, contrairement à l'interprétation la plus courante,qu'une science se dégage plus ou moins tardivement derecherches philosophiques antécédentes. C'est bien latendance de N. Chomsky qui rapporte uniment à la« linguistique cartésienne » la grammaire de Port-Royalet les esquisses de Humboldt, en y trouvant demeilleures fondations pour l'expérience linguistique que

    Extrait de la publication

  • Introduction générale

    la plupart des analyses contemporaines des langues. Iln'y aurait pas de césure au début du xixe sièclecomme l'admet M. Foucault en rapportant avec unrelief particulier aux travaux de Bopp l'époque dulangage-objet à laquelle nous appartiendrions encore.Sans entrer dans une polémique d'épistémologie dia-chronique impliquée dans les ouvrages des auteursprécités parus tous deux en 1966 qui déborderaitnotre propos, trois arguments nous pousseront à référer àune certaine acception de la philosophie une phase pré-scientifique des théories du langage. Tout d'abord, d'unemanière générale, on ne saurait faire l'économie de ladistinction entre science et philosophie. Les méthodeséprouvées de la première scellent son autonomie crois-sante dans chaque secteur où elle opère à l'égard d'uneréflexion qui engage trop ou ne se dégage pas. deprésupposés litigieux. La théorisation du langagen'échappe pas à la règle: il y a un moment au-xlxe siècle où les intuitions plus ou moins justifiéescèdent le pas à des analyses méthodiquement menées,que ce soit sur le plan morpho-syntaxique ou sur le planphonétique. Inversement, autant de portée qu'aient lesrecherches en grammaire -générative et transformation-nelle et quels que soient ses liens avec celle de Port-Royal, c'est dans un sens un peu vague que l'on parleraalors de philosophie du langage, comme le fait parfoisChomskv.

    On rencontre donc une première version, un peunégative par son caractère syncrétique et préparatoired'une connaissance plus rigoureuse, de la philosophie dulangage. Elle confirme que, là comme ailleurs, c'est auterme d'une ascèse étalée sur des générations que lascientificité relative et toujours à parfaire estatteinte. Mais elle n'infirme point pour autant la

    version complémentaire de la philosophie du langagecelle qui peut s'imposer à l'issue de certaines analyses

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  • Introduction à la philosophie du langage

    scientifiques. Car moins celles-ci, par austérité ou pru-dence, donnent lieu à des synthèses, plus l'espritsouhaite le relais d'un nouveau registre d'hypothèsesqui relève d'une théorisation plus hardie, que l'onqualifiera en l'occurrence d'anthropologique ou de philo-sophique. C'est là que l'ouverture chomskienne estsalutaire. Car on peut et l'on doit déplorer avecelle la pauvreté ou les oeillères qui auront souventcaractérisé l'horizon de la linguistique structurale,notamment l'incapacité à sortir d'implications behavio-ristes censées plus positives que les postulats classiquesinverses; alors qu'à l'instar de tous les positivismes, onn'en e philosophe » pas moins en tentant de se passer dephilosophie. Corrélativement, à l'époque même du« langage-objet », il peut être requis de se poser desquestions sur ses rapports aux sujets humains ce quide nouveau concerne ce que l'on appelle pour le moins

    anthropologie. C'est ce qu'implique la notion de compé-tence ainsi que le caractère opératoire de la perspective

    et ce qu'annonçait la pragmatique de Ch. Morris,qu'il opposait à la sémantique et à la syntaxe.

    Mais quel que soit l'intérêt de situer la philosophie dulangage par rapport au travail du savant comme unepréfiguration syncrétique ou comme un prolongementsynthétique de ses analyses c'est d'une manièrebeaucoup moins séquentielle qu'on en saisira rigou-reusement la place. Là comme ailleurs, selon lesindications de Piaget dans son Introduction à l'épistémo-logie génétique, c'est le rapport à la totalité de notreexpérience qui fait foi, par opposition aux détermina-tions méthodiques de la science procédant secteur parsecteur. Si travailler scientifiquement sur le langage,c'est l'isoler et y dégager des éléments autonomesconstituer notamment un champ linguistique qui nedoit rien, au moins dans un premier temps, à lapsychologie ou à la sociologie on réfléchit philoso-

  • Introduction générale

    phiquement sur le langage dès qu'on le réintègre dansl'ensemble de l'expérience humaine. Or on ne manquerapas de le faire, dès que l'on veut comprendre le rôle etles développements du langage dans la vie des hommes.

    2. Langage el réalité. Cela pose le problème plusgénéral et plus profond du rapport entre langage etréalité. Alors que la linguistique depuis F. de Saussure acherché jusque sur le plan phonique à faire abstractionde la matérialité des manifestations du langage pourdégager des formes indépendamment de ta « subs-tance » d'où son qualificatif de « structurale » il y aun point de vue concret, existentiel complémentaire,qui réintègre les procès linguistiques dans le monde etdans l'histoire. Plus exactement, au lieu de se désinté-

    resser du référent pour s'en tenir aux rapports dusignifiant et du signifié, on pose à nouveau desquestions sur le rapport entre le langage et les choses.Surtout, c'est opposer au principe de la clôlure linguis-tique qui a caractérisé l'analyse synchronique deslangues, l'ouverture au monde de discours sans lesquelsprécisément il n'y aurait pas de monde, au sens où nousl'entendons.

    Creuser le rapport entre le langage et la réalité, c'estaussi mettre au point les notions de texte et decontexte. Le langage s'insère dans le réel en faisant d'unmilieu social ou sensible un contexte dont le sens

    devient inséparable. Plus radicalement, en envisageantl'expérience comme un texte à déchiffrer, on atteint lepoint de fusion entre langage et réalité. C'est le point oùparadoxalement les extrêmes se rejoignent de perspec-tives plus ou moins mystiques, plus ou moins proches

    1. C'est le cas de bien des travaux anglo-saxons contemporains.

    depuis le classique Meaning of meaning d'Ogden et Richards (1923) etson fameux triangle (p. 12).

    Extrait de la publication

  • Introduction à la philosophie du langage

    des correspondances baudelairiennes, à celle du mouve-ment « Tel Quel », qui se réclame pourtant du matéria-lisme dialectique. Il y aurait là une « sémiologisation » àexaminer avec un soin critique. Mais réciproquement sepose la question de savoir ce qu'est le réel hors de toutedicibilité. Au-delà de l'argument berkeleyien qui, àtravers l'immatérialisme, se frayait un chemin vers unevaste philosophie du langage où tout est signe, l'affir-mation d'une réalité qui tôt ou tard ne se dirait pas elle-même ou par puissance interposée, pose plus deproblèmes qu'elle n'en résout. L'hégélianisme s'estengagé au cœur de ces difficultés s'il a pu tenter de lestrancher d'une manière trop dogmatique. Mais plus prèsde nous la phénoménologie husserlienne et sesprolongements heideggeriens a largement marqué lasolidarité de l'être et du sens. C'est sans doute à la

    faveur d'une réaction étayée par bien des conditionsextérieures que certains penseurs contemporains ontpoussé leur investigation du côté du non-sens. Larelation entre nécessité et contingence ne devrait pas ensortir indemne.

    Les rapports entre langage et réalité posent enfin laquestion de la réalité du langage. De quel ordre est-il?Son autonomie est-elle liée aux individus qui l'utilisent,

    ou bien sa dépendance à l'égard des structures sémio-tiques oblige-t-elle à conférer à ces dernières unecertaine transcendance? Les deux solutions extrêmes

    semblent réduire, voire tarir tôt ou tard, la source du

    langage. En en faisant une essence supérieure procédantd'un Verbe divin ou liée à un ordre symbolique dont

    dépendraient toutes les manifestations signifiantes, onrisque de ne pas franchir la frontière du mystère pourdébattre philosophiquement des caractères du langage.A l'inverse, le naturalisme scientiste acculé à la reduc-

    tion réflexologique où le langage s'inscrit dans lecomportement comme second système de signalisation

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  • Introduction générale

    reste lui aussi en deçà des exigences fondamentalesde la réflexion philosophique. Les problèmes du senssont réduits à leur plus simple expression. L'idée mêmed'une philosophie du langage serait un fantasme indivi-duel ou collectif. Il reste une solution intermédiaire, quipousse d'ailleurs à fond tout ce qu'il y a de médiation etde dépassement dans le phénomène-langage. Elle estsans doute l'une des approches majeures de l'idéedialectique et voit dans le langage une négation dusensible, qui demeure de quelque façon sensible. Ce« phénomène » paradoxal qui porte en lui la contradic-tion, puisqu'il délie l'exigence d'apparition sensible touten témoignant de la disparition, vaut jusque dans lanotion générale de signe, présence d'une absence. Mais ilcorrespond plus généralement à la situation du langagecourant où l'inséparabilité du signifiant et du signifiéfait investir le son d'un sens. De toute manière, c'est la

    portée du « supplément» impliqué dans le paradoxeavancé plus haut le langage est plus que le langage

    qui mérite la plus grande attention, car elle ouvre

    précisément le champ de la philosophie du langage etcontient en germe tous ses développements.

    3. Problématique du langage et faux problèmes. Cettedéclaration doit constituer un garde-fou pour ne pasglisser dans l'envers du décor, où des apories deviennentfaux problèmes; plus exactement risquent de devenirtels, dès qu'on les sépare de ce schème central avec tout

    ce qu'il implique. Ainsi en est-il au premier chef de laquestion de l'origine du langage. Elle se présente certescomme la version « réaliste » de la quête de l'essence dulangage. Mais on ne doit plus se laisser enfermer dans ledilemme spéculations hasardeuses ou rejet pur etsimple inscrit dans les statuts de la Société delinguistique de Paris depuis sa fondation il y a un bonsiècle au nom de la positivité, en se jetant comme il

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  • Introduction à la philosophie du langage

    | THÊOLOGlËj

    Hamann K Barth

    HeIl)er HeideggerHegel

    HumboWI Cassite.1 ANTHROPOLOGIE

    De Bnosses jÑATURAi.iSMËI BloomfieldDe Biosses

    Schéma I Visée anthropologique du langage (historique)

    le faut in médias res, sans pour autant en tirer parti. Caril s'agit précisément de ne pas imaginer le passé, maisde reconstruire à partir du présent ce qui le fait présent.Cela permettrait de répondre du même coup à laquestion de la e findu langage, qui fait pendant à cellede son origine. Elle résorberait au maximum le sens de« terme » dans celui defonction ». Elle dépasserait dumême coup la tendance empiriste proche de laconception réflexologique rencontrée plus haut àramener le langage à un simple moyen ou instrument.Là aussi la marge de manœuvre d'une philosophie dulangage trouverait vite sa limite. Vidé de toute finalité,le langage se prête au décortiquage des savants les plusméfiants des synthèses d'ensemble et à l'utilisation destechniciens. C'est sans doute contre cette décomposition

    que le vieux terme grec de Logos se maintient commeune protestation. Il ne faudrait certes pas s'en repaître,car tout commence avec la thématisation qu'on enfournira, à la lumière des enseignements linguistiquesnotamment. En résistant à la détemporalisation d'une

    analyse purement structurale, qui n'est que la contre-partie abstraite de l'empirisme, on dégagera (cf.chap. vi, B notamment) des structures opératoires quiportent les vrais problèmes du langage.

  • Introduction générale

    4. Double mise en place. C'est pourquoi l'on peut sansdoute assigner sa place et sa vection à la philosophie dulangage, en la mettant en rapport avec ses pointsd'appui toujours plus impératifs ou encore avec lespôles extrêmes qui accompagnent sa réflexion toujoursplus compréhensive. Dans ce cas (cf. schéma I), on situe-rait assez bien la maturité de la philosophie du langagesans préjudice de l'évolution de la science correspon-dante au niveau de la perspective « critique u deCassirer, conquise par-delà l'anthropologie humbold-tienne sur les théories antithétiques d'inspirations théo-logique et naturaliste. Celles-ci sont particulièrementvisibles au xviii« siècle chez Hamann et chez le Pré-

    sident de Brosses. L'idée d'éternité source du tempsanime la subordination du discours humain au Verbe

    divin. Mais en passant chez le premier, comme bientôtchez de Bonald ou Fabre d'Olivet, par le travail del'hégélianisme, on aboutira à une ontologie temporelledu langage, comme chez Heidegger. Tandis que l'expli-cation essentiellement phonique, reprise de Lucrèce, duTraité de la formation mécanique des langues (1765),pourrait évoquer parmi les contemporains de Heideggerle point de vue de L. Bloomfield.

    Dans l'autre cas (cf. schéma II), on situerait la philo-sophie du langage par rapport à la science du langage par

    Théologiedu langage

    ii Soao ~commey Socto v /comPhilosophie AnihfODOlogie x S f /WnMwifdu langage du langage ^^™^ Eihno » Linguistique • Sî ~Structuralisme

    N Psycho 1 \commePsycho ~commeanti- génétique

    Biologienu langage

    Schéma II Visée anthropologique du langage (systématique)

    Extrait de la publication

  • Introduction à la philosophie du langage

    excellence, la linguistique, et les extensions sémiotiquesqui la débordent toujours davantage. Se bloquer au ni-veau de ses « modèles» aboutirait à une variété de positi-visme, proche de ce qu'on a appelé sans toujours l'ap-pliquerà bon escient structuralisme. Mais une philoso-phie du langage ouverte et approfondie, suppose pourétayer sa réflexion des médiations empruntées aux autressciences humaines qui en l'occurrence prennent la formede psycho-, ethno- et socio-linguistiques; puis à unethéorisation unitaire qui correspondrait à une anthropo-logie du langage elle-même située entre une biologie dulangage qui n'aurait le dernier mot que dans uneconception réductrice du langage (à un niveau quasianimal, même si la biologie humaine a.sa spécificité) oùs'écraseraient toutes les harmoniques philosophiqueset une théologie du langage dont la Source supérieure-ment productrice risquerait d'une manière inverse desoustraire à la réflexion philosophique une part impor-tante de sa responsabilité.Ainsi c'est précisément la disponibilité au maximum

    d'aspects du phénomène-langage qui requiert une philo-sophie du langage attentive à des disciplines, comme àun ensemble d'activités scientifiques ou artistiques, quine sauraient la combler. Dès lors, il y aurait place pourune philosophie du langage,.quel que soit l'avancementd'approches scientifiques avec lesquelles toutefois lesrapports doivent être multipliés et approfondis. Cetteplace n'apparaît point dans un ciel métaphysique, maisau contact de l'homme et de ses mécanismes les plussecrets, qui lui permettent d'exercer sa fonction com-

    préhensive et expressive à l'égard de son expérience.

    Extrait de la publication

  • Introduction générale

    B. UNE PHILOSOPHIE DU LANGAGE

    EST-ELLE ESSENTIELLE OU OCCASIONNELLE?

    Si le langage colle trop à l'homme pour ne pas lui êtreessentiel, on peut se demander en revanche si sonapproche philosophique, très inégalement tentée aucours de l'histoire, n'est pas occasionnelle. Les vicissi-tudes de la philosophie commandent une telle prudence.Mais là encore il faudra d'autant plus nuancer que c'esttrès largement au moment où la philosophie a étécontestée que s'est développée la philosophie du lan-gage.

    1. Lien de la philosophie au langage. Ce qu'il y a deconstant dans les rapports entre philosophie et langagetient d'abord au fait simple et capital que la philosophieest inséparable du langage. Non seulement parce queformellement elle est d'une manière ou d'une autre

    discours, mais parce que dans son intention même elleest mise en question de la réalité. L'appartenance de ceterme au registre du langage sur fond de plainte(Queror) n'est pas fortuite. Ce n'est pas une étiquettecommode, mais l'indication du mouvement même quiempêche la réalité de n'être que ce qu'elle est censéeêtre, identique à elle-même, chose indicible. Qu'il y ait às'interroger sur la réalité, cela signifie précisémentl'avènement du langage en son sein. La réalité n'estpleinement réalité que lorsqu'elle ne va pas de soimais est replacée notamment dans le cadre modal quis'étend de la possibilité à la nécessité. Autrement dit,c'est du même élan que l'on vise à dire l'expérience et àla modaliser. Les deux activités sont requises pouropérer ce qui est caractéristique du questionnement ledévoilement et l'analyse du réel. On retrouve doncdans un contexte de tâche, en grande partie traduisible

  • Iniroduction à la philosophie du langage

    par le ?que nous pose le réel, le jeu entre le sensible etle non-sensible entrevu plus haut. L'analyse est l'un despouvoirs du langage qui « travaille » l'expérience sen-sible pour y faire saillir de l'intelligible. Elle est montéeou remontée vers le sens.. Quant à l'effectuation

    discursive de l'intention de questionner, elle a beau êtreplus manifestement langage, elle n'en pose pas moins uncertain nombre de problèmes, au centre desquels onrencontrera (en C) celui du statut du langage philoso-phique.

    Réciproquement, et aussi paradoxal que cela paraissetout d'abord, le langage est déjà philosophie. Tout dis-cours qui s'ouvre, le fait sur un monde dont il parle et,rigueur mise à part, il a un contenu tant soit peuphilosophique. Il n'est pas jusqu'aux bavardages sur lapluie et le beau temps ou les « racontars », qui neportent une lueur métaphysique. Il ne saurait en êtreautrement dans les conditions de la prédication. Seulsferaient problème le zéro du « parler pour ne rien dire»et le négatif de la mystification mais ils apporteraientà la psychanalyse ce qu'ils feraient perdre à la philoso-phie. Toutefois, en serrant les choses de plus près, onreconnaîtrait que beaucoup de conditions devraient êtreremplies pour passer du langage de l'homme de la rueau langage philosophique. Si assumer une méthode est aucentre de toutes les transformations, on doit lespercevoir qualitativement et quantitativement. De cedernier point de vue le discours philosophique doit à lafois éliminer bien des redondances en serrant unequestion de près et au contraire développer au centuple,grâce à une puissance analytique appropriée, les.remarques incidentes qui fusent dans la bouche du sens

    commun. Du point de vue qualitatif, il y a unepurification du vocabulaire qui est la condition del'avenement de la pensée philosophique. Plus radicale-ment, c'est à l'intérieur même di> langage que le

  • Introduction générale

    « travail » qui lui est propre permet de ne plus joueravec lui, mais de penser à travers lui.

    Quel est alors le sens du du de la philosophie dulangage? Sans doute exprime-t-il une réflexivité parti-culière de l'entreprise philosophique sur l'étoffe mêmedont elle est faite. Il y a comme une mise en question aucarré, qui à la fois oriente vers le cœur de la philosophiecomme telle et sera portée à rayonner sur tous lessecteurs de l'expérience en les illuminant « langagière-ment ». Car ce n'est pas le moindre paradoxe quiconstitue l'une des clés de la philosophie du langageque ce qui est le plus profond peut devenir le plusextérieur; que le langage dont est tissée la philosophietend à s'insérer sous tous les phénomènes auxquels aaffaire le philosophe. Il est peut-être naturel qu'à forcede parler du monde la philosophie voie d'une manière oud'une autre le monde parler. La philosophie du langageconsiste toujours quelque peu à considérer le mondecomme parlant. C'est dans la mesure où elle élimine

    cependant de cette visée tout anthropomorphisme etqu'elle ne se contente pas de « métaphoriser », à l'instarde certains poètes, qu'elle ne faillit ni à sa vocation

    philosophique, ni à là tâche qui doit l'accomplir.

    2. De la philosophie générale à la philosophie dulangage. Si dans ces conditions la philosophie du langageexiste à l'état latent tout au long du devenir intellectuelde l'homme, on n'en peut pas moins localiser etexpliquer ses manifestations à l'époque moderne. Sonessor dans la pensée germanique a lieu au momentmême où les recherches philologiques appuyées par laméthode comparative allaient donner forme à la science

    linguistique. Mais les caractères de la langue allemandeet l'intérêt que l'éveil des nationalités poussait à yporter n'y sont pas plus étrangers que l'orientation duromantisme vers les puissances du langage et des

    Extrait de la publication

  • Introduction à la philosophie du langage

    symboles. Car, du rêve aux élaborations théoriques,poétiques, métaphysiques et théosophiques, le roman-tisme allemand s'est tourné vers le problème del'expression. Mais si au xixe siècle, en Allemagne, saufpeut-être chez Hegel, la philosophie du langage resteautonome par rapport à une « philosophie générale»pleine de vitalité ne serait-ce que dans le développe-ment de l'idéalisme et du pragmatisme quoi qu'onait dit sur sa crise ou sa fin, au xxe la tendance de cette

    philosophie à se résorber en philosophie du langage seprécise. Patente en Grande-Bretagne depuis le début dusiècle, elle se dessine en France à une date beaucoup

    plus récente. Le passage de l'avant-guerre à l'après-guerre, par-delà l'épisode existentialiste, est symptoma-tique. L'oblitération de l'incidence du mythe et dusymbole pour l'Occident, qui animait diversement lesouvrages d'A. Rosenberg et de Keyserling outre-Rhin,n'a été levée que par la guerre. Là où Lévy-Brühlapparaissait seulement comme un sociologue, Lévi-Strauss devint un maître à penser. Sur le plan universi-

    taire et celui de l'interprétation de l'histoire des idées, lepassage de L. Brunschvicg à G. Gusdorf déplace lecentre d'intérêt vers les sciences humaines et enracine la

    philosophie dans la pensée mythique (Mythe et métaphy-sique, 1953).

    Sans préjuger des indications qui s'imposeront dans leprochain chapitre sur ce devenir, il importe simplementici

    1° de situer le caractère essentiel ou occasionnel de la

    philosophie du langage par rapport à la philosophiegénérale. L'historicité qui transparait à travers ce quivient d'être dit récuse en la dépassant une telleopposition. Les incarnations historiques et géogra-phiques de la philosophie du langage appartiennentau destin dé la réflexion humaine.

    2° d'en dégager les raisons principales. Surle fond

    Extrait de la publication

  • Extrait de la publication

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