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LE CONTE – DU MYTHE À LA LÉGENDE URBAINE

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La collection « en question » est dirigéepar Jean Yves Collette

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DANS LA MÊME COLLECTION

René FagnanLa Formule 1 en question

Marcel LabineLe Roman américain en question

Robert LégerLa Chanson québécoise en question

Ginette PellandFreud en question

Serge ProulxLa Révolution Internet en question

Viviane BouchardChe Guevara, un héros en question

Jean-René MilotL’Islam, des réponses aux questions actuelles

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LE CONTEDu mythe à

la légende urbaine

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DE LA MÊME AUTEURE

Phonétique théorique et pratique,en collaboration avec René Charbonneau,

Montréal, Centre de psychologie et de pédagogie, 1962

Phonétique appliquée,en collaboration avec André Clas et René Charbonneau,

Montréal, Beauchemin, 1968

Commynes méMORiALISTE,Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1975

L’Enjeu du manifeste / le Manifeste en jeu,en collaboration avec Line McMurray,

Montréal, Le Préambule, 1986

L’Inframanifeste illimité,en collaboration avec Line McMurray,

Montréal, éditions nbj, 1987

Montréal graffiti,en collaboration avec Line McMurray et Josée Lambert,

Montréal, VLB éditeur, 1987

Montréal graffiti bis,en collaboration avec Line McMurray et Josée Lambert,

Montréal, VLB éditeur, 1988

Graffiti et Loi 101,en collaboration avec Line McMurray et Josée Lambert,

Montréal, VLB éditeur, 1989

Les Contes de Pamphile Le May,en collaboration avec Lise Maisonneuve,

Montréal, Presses de l’Université de Montréal,collection « Bibliothèque du Nouveau Monde », 1993

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JEANNE DEMERS

LE CONTEDu mythe à

la légende urbaine

Q U É B E C A M É R I Q U E

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LE CONTE – DU MYTHE À LA LÉGENDE URBAINE

Données de catalogage avant publication (Canada)

Demers, Jeanne, 1924-2005Le Conte – du mythe à la légende urbaine(Collection En question ; 8e)Comprend des réf. bibliogr.

ISBN 978-2-7644-0361-5 (Version imprimée)ISBN 978-2-7644-1426-2 (PDF)ISBN 978-2-7644-1785-0 (EPUB)

1. Contes – Histoire et critique.I. Titre. II. Collection : En question (Montréal, Québec) ; 8e.

GR74.D45 2005 398.2/09 C2005-941185-6

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement duCanada par l’entremise du Programme d’aide au développementde l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.

Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pourl’édition de livres – Gestion SODEC.

Les éditions Québec Amérique bénéficient du programme desubvention globale du Conseil des arts du Canada. Elles tien-nent également à remercier la SODEC pour son appui financier.

Révision linguistique : Liliane MichaudMaquette de la couverture : Isabelle LépineConception graphique et mise en pages : Jean Yves Collette

Québec Amérique329, rue de la Commune Ouest, 3e étageMontréal (Québec) H2Y 2E1

Téléphone : (514) 499-3000Télécopieur : (514) 499-3010

www.quebec-amerique.com

© LES ÉDITIONS QUÉBEC AMÉRIQUE INC. 2005Dépôt légal – troisième trimestre 2005Bibliothèque nationale du QuébecBibliothèque nationale du Canada

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LE CONTE – DU MYTHE À LA LÉGENDE URBAINE

Le conte, enraciné dans l’oralité depuis la nuit des temps,est devenu au fil des ans, et surtout en passant à l’écrit,l’un des genres littéraires les plus multiformes qui soient.En parler et tenter de le définir n’est pas sans remettre enquestion toutes les idées que l’on peut en avoir. Dès lors,comment aborder le conte ?

Faire le point sur le conte, phénomène d’autant plus pas-sionnant qu’il est divers, mystérieux, universel et vieuxcomme le monde, voilà vers quoi tend ce livre. Pour y ar-river, il ouvrira de nombreuses pistes de réflexion. Par lebiais de questions se recoupant les unes les autres on pourra,au fur et à mesure de l’analyse, éclairer les multiples réali-sations du conte.

Quelles sont, par exemple, les relations du conte avecla légende ou avec le mythe ? Comment expliquer que lerôle de quête initiatrice du conte mène à la liberté indivi-duelle dans les sociétés modernes, alors qu’il privilégie lebien-être de la communauté dans les sociétés tradition-nelles ? Où se situe le conte écrit, littéraire, par rapport auconte oral ? Et l’inverse ? Faut-il voir une métamorphose duconte dans les légendes urbaines qui, depuis quelques an-nées surtout, font le tour du monde ? Si oui, s’agit-il d’unemétamorphose positive, capable de donner au conte unsouffle nouveau, ou d’une métamorphose négative, signede fin prochaine ? Que penser des dénaturations ludiques –parodiques, érotiques ou politiques – de contes classiquesconnus ? Sapent-elles le conte dans ses caractéristiques

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fondamentales ou contribuent-elles à pousser celles-ci àl’extrême ? Enfin, qu’est-ce que le conte et quelles en sontles principales caractéristiques ?

La prolifération actuelle du conte témoigne du rôle deparole rassembleuse que lui reconnaissent les sociétés etmet en évidence ses extraordinaires qualités d’adaptation.Pour comprendre ses multiples états, nous emprunteronstrois pistes parallèles : 1) la présentation de mots-clés oude concepts-clés qui fondent le type très particulier derécit que constitue le conte ; 2) le développement en con-tinu de notre réflexion vers une définition, voire unedescription du conte ; 3) la comparaison du conte avec desformes voisines.

La première piste est composée d’une série de conceptsétroitement liés au conte : l’action de raconter et le savoirraconter, le conte traditionnel, le conte-type, les varianteset les versions, la collecte, la transcription, la réécriture, lecontage, le conte rituel, les formules introductives et deconclusion, l’effet-conte (le récit-cadre, le recueil, l’illus-tration), la demande de conte, la cohabitation contetraditionnel et conte littéraire, le conte de fées, le jeu men-songe et vérité, la clôture du conte (trait et moralité), leconte sornette.

La deuxième piste à suivre est un mouvement vers unedéfinition-description du conte, tel qu’il a été et tel qu’ilexiste présentement. Le conte va de l’Idée-conte qui per-siste chez chacun, chacune d’entre nous, aux réalisationsconteuses les plus diverses. Proposition ensuite d’un mo-dèle, d’une forme archétypale du conte – l’Archiconte – quiprivilégie la relation du conteur avec ce qui est conté parrapport au récit proprement dit. Puis, nous examineronsle fonctionnement de ce modèle, nous rapprochant de ce-lui devenu classique de Vladimir Propp, qui implique le

Attesté dès 1080, le motdérive de «conter» (du latin

), «énumérer »,puis «énumérer les épisodesd’un récit », d’où « raconter».La réfection savante« compter » ne futlongtemps qu’une varianteorthographique, et les deuxformes sont employéesindifféremment dans lesdeux sens jusqu’à la fin duXVIIe siècle. Conformémentà son origine populaire,conte, comme conter etconteur, a toujours faitpartie du langage courant,d’où son emploi souventimprécis. [...]

En tant que pratique durécit, le conte appartientà la fois à la tradition oralepopulaire et à la littératureécrite. D’ailleurs,les points communs entreles deux domaines sontinnombrables, sans qu’ilsoit possible, le plussouvent, d’établirs’il s’agit d’influencegénétique directe oude simple appartenanceà un fonds thématiquecommun [...] Jusqu’àune époque récente,la pratique du contepopulaire était unesituation de communicationconcrète, orale.Le narrateur était présentet interpellait l’auditoire,qui intervenait parfoisdans le récit. [...]

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déroulement de l’histoire racontée, tout en faisant surgirde nouvelles fonctions du conte.

La troisième piste permettra de comparer le conte à desformes voisines plus ou moins connues : l’exemplum, laparabole, la ruse, le poème, la nouvelle, la fable, le roman,la légende, la légende urbaine. Dire ce que le conte n’estpas serait une autre manière de le définir, de marquer sonespace, d’en prévoir même les éventuelles transformations.Le conte, dont ne semble pas pouvoir se passer le mondeactuel et dont il faudrait pouvoir raconter l’histoire...

Si, par une sorte de mimétisme, nous empruntions la formedu conte qui, par définition, dissout nos explications et nosdémonstrations dans une belle histoire, avec un début ac-crocheur, des aventures périlleuses et une fin réparatrice,serions-nous en mesure de raconter le conte ?

Il était une fois... le conte.« Tout commença – assure Italo Calvino, qui s’est ris-

qué à en imaginer les débuts – avec le premier conteur de latribu. » Et de poursuivre en expliquant le décalage entre « lesextrêmes pénuries de concepts dont disposaient les hommespour penser le monde » et « le monde innombrable et mul-tiforme » qui les entourait et souvent leur faisait peur.Décalage que le conte aurait contribué à combler en nom-mant, au-delà des pratiques quotidiennes – langagières etcoutumières – l’innommable justement, quitte à le coder.Cela se serait passé comme ceci :

« Le conteur de la tribu accroche entre elles desphrases, des images : le plus jeune fils se perd dansle bois, il voit une lumière au loin, il marche, le

Italo Calvino1923-1985

La publication de troiscontes philosophiques,

Le Baron perché,Le Vicomte pourfendu et

Le Chevalier inexistantassure à leur auteur

la reconnaissance etle succès dès les

années 1950.

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conte se déroule de phrase en phrase, vers oùtend-il ? Vers le point où quelque chose d’encorenon dit, quelque chose qui n’est qu’obscurémentpressenti, se révèle et nous happe et nous déchirecomme la morsure d’une sorcière anthropo-phage. Dans la forêt des contes, passe, comme unfrémissement de vent, la vibration du mythe*. »

Texte inspirant s’il en est et dont on seraitcontent de se satisfaire. Ne rejoint-il pasl’origine vraisemblable du conte, du moinsde l’histoire que celui-ci véhicule ? Ainsi enest-il d’un autre texte, celui-là de science-fiction, qui nous présente des conteurs etun auditoire potentiels. Le contexte : aucours d’un grand rassemblement de clanschez l’homme de Neandertal, diverses épreu-ves doivent départager les meilleurs parmiles tailleurs de silex et les conteurs :

« Choisir ses plus beaux outils et les présenter iciest une chose, Grod, mais les fabriquer devant toutle monde en est une autre qui demande de lachance. Le jeune homme du clan de Norg ne m’apas l’air maladroit, répliqua Droog.

— C’est justement une épreuve où ton âge tedonnera l’avantage, Droog, affirma Goov. Il sesentira sans doute nerveux, alors que toi, tu asdéjà l’expérience de ces jouets. Il te sera plus fa-cile de te concentrer.

— Oui, mais j’aurai quand même besoin d’unpeu de chance.

— Nous en aurons tous besoin, dit Crug. Je con-tinue à penser que le vieux Dorv est le meilleurconteur.

* Italo Calvino,La Machine littérature,Paris, Seuil, 1984.

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* Jean Marie Auel,Les Enfants de la terre.

Le Clan de l’ours descavernes, tome I, Paris,

Presses de la Cité, 1991.

— C’est parce que tu as l’habitude de l’entendre,Crug, dit Goov. Il est très difficile de départagerles conteurs. Il y a aussi les femmes qui racontenttrès bien.

— Mais leurs histoires ne sont pas aussi pas-sionnantes qu’une danse de chasse, dit Crug. Sansle vouloir, j’ai vu les chasseurs du clan Norg parlerde leur chasse au rhinocéros, mais dès qu’ilsm’ont aperçu ils se sont tus.

« Oga s’approcha timidement des hommespour leur annoncer que le repas était prêt. Ils larenvoyèrent avec impatience, et elle souhaitaqu’ils ne tardent pas trop à venir manger. Plusles hommes tarderaient, plus leurs compagnesmettraient de temps à retrouver les autres femmesqui se réunissaient pour écouter des histoires.C’étaient les vieilles qui le plus souvent racon-taient les légendes du Peuple du Clan, et ellesétaient non seulement instructives pour les jeunesmais encore divertissantes : il y avait des his-toires tristes à vous fendre le cœur, des histoiresdrôles qui venaient à point pour dissiper les fortesémotions provoquées par les conteuses*. »

Dans ces exemples, il s’agit du récit de phénomènesimaginés. Que nous apprennent-ils de concret, de certain,au sujet du conte ? Que nous disent-ils de sa mouvance, deses transformations, de sa portée (outre, bien entendu, laportée de la littérature et celle plus précisément de l’expéri-mentation et de la découverte par le langage) ?

Et si raconter le conte était impossible ? Plusieurs onttenté de remonter à ses origines pour se rendre à l’évidence :le conte n’a pas une racine unique. Pour les diverses ver-sions d’un même conte, de nombreuses radicelles se mêlentà celles d’autres contes. Et on ne peut pas prétendre non

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plus, comme on l’a suggéré, à une influence purementorientale : des traces très anciennes de contes analoguesaux contes indiens, par exemple, ont été trouvées en Oc-cident. Aussi, il est probablement utopique d’imaginerétablir un tracé du conte comme phénomène planétaire.À peine est-il possible de suivre l’itinéraire de certains deces récits sur une courte période et dans des espaces biendéfinis. Un peu comme si l’on tentait de dresser l’arbregénéalogique du monarque, papillon parmi d’autres, ensuivant son périple annuel du Canada vers le Mexique, etson retour.

Tout récit tend vers une fin. Or, le conte est loin d’êtremort malgré la quasi-disparition de sa forme orale durantprès d’un siècle, en France, et d’un demi-siècle, au Qué-bec. Il connaît même, en ce début de millénaire, un regaind’intérêt que ne suffisent pas à expliquer ni son maintienminimal dans la culture populaire – au moins comme unsavoir qui va de soi – ni son existence vigoureuse dansl’écriture.

L’engouement pour le conte ne va pas sans pluralité ni di-versité. Comment se traduit cette vague qui porte le contedans toute la Francophonie ? Est-ce un signe des tempsmodernes ?

Le renouveau du conte est indéniable. Ce type de récitprend plusieurs formes, qu’il est bon de distinguer si l’onveut vraiment comprendre ce qui se passe. Une premièreremarque s’impose : de nos jours, quand il est question duconte, c’est moins du conte pour enfants qu’il s’agit quedu conte pour adultes. Pour désigner le conte destiné auxenfants, la précision « pour enfants » va de soi.

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Alors que le conte pour enfants maintient une pré-sence plusieurs fois centenaire dans la famille, à l’école etsur la place publique, le conte pour adultes, quant à lui,est à peu près disparu des milieux qui le pratiquaientencore oralement, à la fin du XIXe siècle, en France, et audébut du XXe siècle, au Québec. Aujourd’hui, il ne sub-siste plus, vivant, que sur le continent africain, dans despays comme Haïti et dans de petites communautés forcéespar les circonstances de vivre repliées sur elles-mêmes.Ailleurs, tout se passe comme si le conte oral, traditionnel,de langue ou d’influence française, avait cédé la place auconte littéraire, mis en valeur de part et d’autre de l’Atlan-tique par les Alphonse Daudet, Guy de Maupassant,Alphonse Allais, Pamphile Le May, Honoré Beaugrand, Ben-jamin Sulte, Louis Fréchette, pour ne nommer que ceux-là.

Louis-Honoré Beaugrand1848-1906

Romancier, essayiste,journaliste et militaire.

Vingt-deuxième maire deMontréal (1885-1887), officier

de la Légion d’honneur.Fondateur du journal

La Patrie (1879). Auteur deLa Chasse-galerie, légendes

canadiennes (1900).

Gravure tirée deL’Album universel, vol. 23,no 1173, 20 octobre 1906.

Louis-Honoré Fréchette1839-1908

Poète, homme politique,fondateur de journaux

et pamphlétaire(La Voix d’un exilé – 1868),il a fait paraître, en 1892,Originaux et détraqués,

un recueil de contesqui obtint un immense

succès populaire.

Gravure anonyme.

Benjamin Sulte1841-1923

Journaliste, écrivain,fonctionnaire et historien auxidées libérales, il fait paraître en huit volumes (1882-1884)son Histoire des Canadiens-

français... Influencé par lecourant réaliste, il adopte uneposition critique à l’égard des

sources traditionnelles et ils'intéresse aux conditions de

vie des gens du peuple.

Gravure anonyme.

Léon-Pamphile Le May1837-1918

Avocat, bibliothécairede l’Assemblée législative,

écrivain et traducteur,il a donné la pleine mesure

de son talent dansses Contes vrais, parus

la première fois en 1899,où il évoque les légendesdu patrimoine québécois.

Photo anonyme provenantdu fonds Pamphile Le May,

de la BNQ.

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Comment le mouvement a-t-il débuté ou sous quelleimpulsion? La publication, en France, de contes régionaux,qui furent en quelque sorte une retombée des travaux en-trepris par les folkloristes ; la réécriture, au Québec, decertains contes traditionnels ; l’émergence de conteurs àla fois auteurs et interprètes ; le besoin vital d’un retouraux sources... Quoi qu’il en soit, vers les années 1980-1990,on peut constater un engouement pour le type de perfor-mance que constitue le conte traditionnel.

C’est le début de ce qui sera bientôt une explosion :répondant à ce qui paraît être un irrépressible désir de récitde la part d’une population surtout urbaine, conteurs etconteuses semblent se multiplier dans la Francophonie. Ilsse produisent tantôt seuls, tantôt à plusieurs, dans des lieuxqui vont des maisons de la culture, au bar, au musée, authéâtre, etc.

Leur action dynamique a provoqué la création de fes-tivals, d’abord régionaux (le Festival de Trois-Pistoles, leFestival de Sherbrooke), puis internationaux (le Festivaldu conte et des imaginaires de Dinant, le Festival intercul-turel du conte du Québec). Une institution prenait forme,du moins au Québec, avec l’organisation de stages ; la te-nue de tables rondes sur des sujets aussi pointus que « Leconte aujourd’hui, divertir ou subvertir » ; la formationd’une association de conteurs pour « la défense et la pro-motion du conte » ; la parution de publications variées dontle Petit manifeste à l’usage du conteur contemporain, de Jean-Marc Massie et le Carnet d’une jeune conteuse, de RenéeRobitaille, qui relate sa découverte du conte au momentd’un spectacle au Sergent recruteur (un bar montréalais)et ses premiers essais comme conteuse.

Qui dit manifeste dit institution, le manifeste étant, eneffet, la respiration de celle-ci, son ouverture à l’inattendu,

Renée Robitaille,Carnet d’une jeuneconteuse, Montréal,Planète rebelle, 2003.

Affiche du 8e Festivalde contes et légendesde montagne, à Albiez(France).

Affiche du Festivalinterculturel du contedu Québec, 2003.

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sa remise en question, son risque. Or, le conte, en sourdinedepuis plusieurs années en France comme au Québec, setrouvait pour ainsi dire sans statut. C’est le statut du contequébécois contemporain et, indirectement, du conte engénéral que tente de cerner Jean-Marc Massie qui déclareinévitable son actuel côté hybride, en particulier sa méta-morphose en « conte spectacle ». Et il ne se trompe pas :on se trouvait soudain face à une nouvelle donne. Le conte,associé jusque-là aux loisirs familiaux et rustiques, se fai-sait citadin et public. Les Contes urbains, présentés authéâtre La Licorne par la troupe Urbi et Orbi, en sont unexemple éloquent. Le conteur s’y dédouble en auteur, res-ponsable du texte, et comédien ou comédienne, qui jouecelui-ci. Conte ou théâtre ? L’ambiguïté n’est pas sansmettre à l’épreuve une éventuelle définition du conte.

Le conte-spectacle est, à l’évidence, différent du conte qui,encore au début du XXe siècle, se racontait à la veilléedevant la famille élargie des parents et des amis du voisi-nage. Le conte-spectacle peut-il être considéré comme unesorte de développement naturel du conte, une étape dansson évolution ?

Le retour à l’oralité du conte ne signifie pas le retourabsolu au conte traditionnel, anonyme par définition, etque reprenaient conteurs après conteurs devant des audi-toires qui, le plus souvent, le connaissaient. Aussi était-ilnormal que le conte subisse des transformations. D’autantqu’une modification fondamentale s’était produite : enimportant le conte à la ville et surtout en l’écrivant, onvenait d’ouvrir la porte à la culture savante, celle qui passepar les médias, dont le livre. Maquiller celle-ci en culture

Jean-Marc Massie,Petit manifeste à l’usage

du conteur contemporain.Le renouveau du conte

au Québec, Montréal,Planète rebelle, 2001.

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populaire, comme l’ont fait plusieurs conteurs, certainsgroupes et responsables de représentations, ne change rienà la réalité. La force du conte est telle qu’il sait faire face àtoutes les manipulations. Son ancienneté l’autorise eneffet à s’adapter aux audaces les plus risquées, étant sous-entendu que les expériences moins ou non viables se dé-truiront d’elles-mêmes.

Notons ce titre paru à la une de La Presse : « Le Prince char-mant s’est changé en vilain crapaud ! » et qui introduisait àla mésaventure d’une dame fraudée par un prétendant. Lesmanifestations contemporaines qui intègrent le conte ous’en inspirent sont-elles fréquentes ?

Dans une société, le conte est partie intégrante de la culturetant populaire que savante. Les manifestations contempo-raines que l ’on peut associer au conte vont de la

reproduction plus ou moins fidèledes contes de fées, dans les films deWalt Disney et de tous leurs produitsdérivés, par exemple, à la simple ins-piration. Dans ce dernier cas, et pourne citer que des événements de ladécennie, signalons la pièce dethéâtre de Patrick Quintal, Baba Yaga,qui emprunte à un conte russe ; desperformances multimédias comme

les « Légendes fantastiques de Drummondville » ; un Cen-drillon, dansé par les Grands Ballets canadiens ; la sériecinématographique Shrek ; « Alice au pays des merveilles » auservice de la mode dans le magazine Vogue ; du film BrothersGrimm, réalisé par Terry Gilliam, qui détourne la vie des

Christiane Desjardins,La Presse, 7 mai 2004.

Les acteurs Matt Damonet Heath Ledger dansle film Brothers Grimm.

Photo : DR.

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frères Grimm pour les faire prétendre protéger des villageoisde créatures maléfiques ; ou, finalement, à Paris, l’exposi-tion du photographe Gérard Rancinan intitulée « Il était unefois », qui revoit plusieurs contes de Perrault et de Grimm,du Chat botté à Blanche-Neige, les transformant en contesérotiques et cruels.

Cendrillon, opéra de Jules Massenet

Avant d’être présentée par les danseursdes Grands Ballets canadiens, l’adaptationdu conte de Charles Perrault, Cendrillon,avait servi de trame à l’opéra de Massenetet à plusieurs autres œuvres musicales.

Ci-contre, l’affiche de la créationde Cendrillon, conte de fées en quatreactes, sur un livret d’Henri Cain.

Cendrillon : « Vous êtes monPrince Charmant, et si j’écoutaismon envie, je voudrais passer mavie à vous complaire seulement. »(Extrait de l’acte II, scène 4.)

Cendrillon est un des personnages lesplus connus de la littérature universelle.Les chercheurs ont recensé plus de centtrente versions de ses aventures. La plusancienne est probablement celle qu’endonne Elien dans ses Historiæ variæ(Histoires diverses) au IIIe siècle. L’auteurnous raconte comment une courtisane se fait dérober une sandale par un aigleet comment le pharaon, qui la reçut de l’aigle, fait rechercher la courtisane pourl’épouser ! Outre la version de Charles Perrault, parue en 1697 dans les Histoires oucontes du temps passé et qui est probablement la plus connue, l’histoire de Cendrillona inspiré également madame d’Aulnoy et les frères Grimm. Chez les musiciens,en plus de Massenet, on trouve des opéras de Gioacchino Rossini, Wolf-Ferrari etde Leo Blech, et un ballet de Sergueï Prokofiev.

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Marc Fisher,L’homme qui ne pouvaitvivre sans sa fille,Montréal,Libre Expression,1999.

Jacques Carelman,Saroka, la géante,Paris, Éric Losfeld, 1965.

Plus surprenants sont les travaux d’écriture qui person-nalisent le conte en se l’appropriant. Christine Angot penseà l’inceste et réécrit Peau d’Âne à sa manière, dans une sorted’« allégorie autobiographique ». « À la fin du livre, le lec-teur trouvera le conte original de Perrault, comme dans unjeu de miroir où les deux textes s’observent de manièremonstrueuse. » Pour sa part, Catherine Millet raconte, dansRiquet à la houppe Millet à la loupe, son attirance pour leRiquet à la houppe de Charles Perrault et déclare : « imaginerma personne en contact avec la sienne m’enlise dans unerumination lubrique » !

Bien sûr, ces exemples sont extrêmes. L’inspiration esthabituellement plus subtile. Ainsi, Jacques Carelman, le créa-teur des célèbres «objets introuvables », a écrit et illustré avecdes collages le conte Saroka, la géante. «La belle Jessica, aiméedes tempêtes, met au monde une fille dont le temps et l’auteurfont une géante. Mais Saroka terrorise les hommes et doitles fuir, à son ardent regret. Ultime refuge : la pétrification.Illusoire aussi : c’est dans la pierre qu’on sculpte de nouvellesgéantes. Le conte se mord la queue», nous dit Jean Ferry,dans l’avant-propos.

L’homme qui ne pouvait vivre sans sa fille, de Marc Fisher,dont l’histoire, très actuelle – un père célibataire risque d’êtreprivé de sa fille – n’est pas sans rappeler les situations in-quiétantes de plusieurs contes : la fille finit par s’incorporerà son père qui la porte. Une sorte de grossesse inversée...

Que révèlent ces diverses façons du conte?

Les intérêts et les préoccupations des civilisations qui pro-duisent des contes s’y retrouvent. Autrement, commentexpliquer tels Contes à faire rougir les petits chaperons et tels

Christine Angot,Peau d’Âne,Paris, Stock, 2003.

Catherine Millet,Riquet à la houppeMillet à la loupe,Paris, Stock,2003.

Extrait de la publication

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LE CONTE

DU MYTHE À LA LÉGENDE URBAINE

est le huitième titre de cette collection

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